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SÉANCES DU JEUDI 16 JUILLET 1998 |
VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 16 JULI 1998 |
M. le président . L'ordre du jour appelle la demande d'explications de Mme Lizin.
Je vous propose d'y joindre la demande d'explications de M. De Decker.
La parole est à Mme Lizin.
Mme Lizin (PS). Monsieur le président, je tiens à remercier le ministre d'assumer ce rôle difficile. M. Derycke nous avait prévenus de sa probable difficulté à nous rejoindre en raison du débat qui a lieu à la Chambre.
Monsieur le ministre, je ne vous lirai pas ma demande d'explications en détails. Je ne reviendrai pas non plus sur les rétroactes de la situation au Kosovo qui ne vous est peut-être pas bien connue. Je vous adresserai des questions qui portent sur un objectif : faire le point, avant les vacances parlementaires, sur la situation de conflit la plus importante en Europe aujourd'hui.
Quelle est la situation du groupe de contact ? Quel comportement les diplomaties européennes adoptent-elles à l'égard de l'Armée de Libération du Kosovo et, plus particulièrement, en ce qui concerne l'opportunité de sa présence lors de la discussion sur un éventuel accord de cessez-le-feu ?
Qu'en est-il des contacts belges éventuels avec l'Armée de Libération du Kosovo ? Les États-Unis mènent ces contacts de manière relativement officielle ou, disons, à la limite de l'officiel. Ces contacts n'ont toujours pas lieu sur le territoire du Kosovo mais notamment en Suisse et en Macédoine. Quel est l'état du débat au sein de l'OTAN ? Le ministère des Affaires étrangères estime-t-il toujours que toute intervention de l'OTAN doit être soumise ou encadrée par une décision du Conseil de sécurité ? Serait-il pensable que l'OTAN, dans ce cadre, utilise une résolution d'une instance européenne pour décider d'agir ? Je crois qu'il s'agirait d'une solution acceptable pour nous.
J'aurais également souhaité que M. Derycke nous parle de sa perception du rôle de la Russie dans la recherche d'une solution à ce conflit.
Enfin, question plus interne mais qui n'est pas sans importance, la Belgique continue-t-elle à renvoyer vers la Serbie via l'Allemagne des Kosovars ou des Albanais qui disposent uniquement de papiers yougoslaves ?
M. Swaelen reprend la présidence de l'assemblée
M. le président . La parole est à M. De Decker.
M. De Decker (PRL-FDF). Monsieur le président, je serai également fort bref étant donné les circonstances dans lesquelles ce débat se tient. Je comprends bien entendu fort bien que le ministre des Affaires étrangères soit retenu à la Chambre.
Je pense, comme Mme Lizin, qu'il n'est pas concevable que le Sénat clôture ses travaux sans avoir fait aujourd'hui le point sur la situation au Kosovo. En effet, cette situation est beaucoup plus porteuse de risques pour la sécurité de l'ensemble de l'Europe que les événements de Bosnie-Herzégovine. Si le conflit au Kosovo dégénère, tous les Balkans seront à nouveau à feu et à sang et les implications seraient immédiates en Macédoine, en Grèce, en Turquie, en Bulgarie et en Roumanie. Les conséquences d'une telle situation seraient dramatiques.
Je poserai donc à mon tour, très brièvement, une série de questions au ministre. Quelle est, tout d'abord, l'attitude du gouvernement belge quant au traitement de cette crise qui a été entamé au sein de l'Alliance atlantique et non au niveau de l'Union européenne ? Quelle est l'opinion du gouvernement belge à propos des intimidations politico-militaires de l'OTAN ? Quelle est l'analyse que fait le gouvernement des résultats du groupe de contact ? Qu'envisage le gouvernement belge pour que l'Union européenne puisse agir dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune puisque ce problème de sécurité est essentiellement et exclusivement européen ? Qu'en est-il des initiatives du gouvernement pour que se dégage une diplomatie européenne ? Quelle est l'attitude du gouvernement belge par rapport au rôle que pourrait jouer l'UEO dans cette crise ? Le gouvernement ne pense-t-il pas qu'il serait bon, parallèlement à l'action du groupe de contact, et au sein de l'Union européenne ou de l'UEO, d'essayer de créer une concertation politique entre les pays de la région directement concernés par la crise ? En effet, même s'ils n'interviennent pas militairement, ils paieront un lourd tribut sur le plan économique en raison de cette crise. Je pense plus particulièrement à la Bulgarie et à la Roumanie qui, dans un cadre européen, pourraient être encouragés à organiser une concertation politique très forte pour tenter d'apaiser les dissensions entre la Serbie et le Kosovo.
Quelle est l'attitude du gouvernement belge par rapport à la représentativité de l'UCK l'Armée de Libération du Kosovo ? Le gouvernement estime-t-il qu'il ne faut pas se contenter de négocier avec le président Rugova mais qu'il est également nécessaire d'entamer des pourparlers avec l'Armée de Libération du Kosovo ?
Enfin, que pense-t-il de la nécessité ou non d'un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies qui comporte évidemment un risque de veto russe ou chinois ? Je pense, personnellement, que dans une crise d'une telle importance, afin d'éviter un précédent exploitable par d'autres dans des contextes différents, toute intervention militaire éventuellement envisagée devrait pouvoir s'appuyer sur mandat du Conseil de sécurité.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques questions que je souhaitais poser au gouvernement avant les vacances, à propos de cette crise très menaçante du Kosovo.
M. le président . La parole est à Mme Willame.
Mme Willame-Boonen (PSC). Monsieur le président, mon intervention sera brève, Mme Lizin et M. De Decker ayant déjà posé les questions qui devaient l'être.
Je voudrais aborder un aspect de géopolitique régionale et connaître les conséquences de la situation au Kosovo sur les États voisins. La presse a relaté les inquiétudes des autorités de Macédoine face à une possible déstabilisation. En effet, une importante communauté albanaise vivant en Macédoine ne cache pas sa sympathie envers les séparatistes de l'Armée de Libération du Kosovo. Des dirigeants de cette communauté auraient émis des déclarations prônant la sécession du Kosovo, premier pas vers son rattachement à l'Albanie. Quels sont les risques d'une extension de la déstabilisation vers les régions périphériques du Kosovo ? Les Européens se sont exprimés contre une indépendance du Kosovo. Quelle est la position vis-à-vis des communautés albanaises dispersées dans les pays voisins de l'Albanie ? La situation de la Macédoine est précaire. Sa frontière avec la Serbie n'est pas tracée définitivement. La Grèce lui conteste le droit d'utiliser le nom « Macédoine ». La Bulgarie ne reconnaît ni la nation, ni la langue macédonienne. L'Albanie nie l'existence d'un minorité macédonienne sur son territoire. Quels sont les moyens et les mesures nécessaires pour éviter que la crise ne s'étende à la Macédoine et à l'ensemble de la région ? Comment le ministre interprète-t-il la réticence de la Macédoine à un déploiement des troupes de l'Alliance sur son territoire ?
Le Kosovo est « la poudrière des Balkans ». Un rapport accablant de l'ONU indique que des dizaines de milliers d'armes sont passées en contrebande dans la région, via l'Albanie et la Macédoine. Il semble qu'il y ait une véritable prolifération d'armes dans la région. Quelles sont les filières de fournitures de ces armes ? Quelles en seront les conséquences selon le ministre des Affaires étrangères ?
Je terminerai en demandant des éclaircissements sur le rôle de la Russie et sur ses intentions dans la gestion de la crise au Kosovo.
M. le président . La parole est à M. Viseur, ministre.
M. Viseur , ministre des Finances. Monsieur le président, au nom de mon collègue Derycke, je voudrais remercier les trois intervenants pour leurs questions concernant le Kosovo. Le gouvernement partage leur inquiétude quant à l'évolution de la situation au Kosovo et considère qu'il s'agit probablement d'une des crises potentiellement les plus graves pour l'ensemble de la région.
Au cours de séances précédentes, M. Derycke a eu l'occasion de décrire les positions de la Belgique, de la Communauté internationale, du Groupe de contact, de l'Union européenne et de l'OTAN.
Tout comme ses partenaires, la Belgique condamne fermement tout recours à la violence à des fins politiques, de part et d'autre. La Belgique insiste pour qu'il soit mis fin immédiatement à toute action violente. Elle reste d'avis qu'un véritable processus politique reste la seule voie possible pour parvenir à une solution stable et durable. Elle maintient sa position qu'une solution doit être fondée sur le plein respect des droits de l'homme et de toutes les communautés. Elle reste favorable à l'octroi au Kosovo d'un statut spécial, y inclus un large degré d'autonomie, à l'intérieur de la République fédérale de Yougoslavie.
Lors de sa réunion du 8 juillet dernier, le Groupe de contact a réaffirmé ces positions bien connues de la Communauté internationale. Le groupe a mis en exergue que la première responsabilité reste celle de M. Milosevic, mais que les Albanais portent également une partie de cette responsabilité. Il est important que les rebelles de l'Armée de Libération du Kosovo soient mis sous pression afin qu'ils mettent fin à la violence et entament immédiatement des négociations.
Le Groupe de contact a également décidé de soumettre aux parties concernées des principes de base et des propositions concernant le futur statut de la région du Kosovo. À ce propos, la Belgique a informé les pays membres du Groupe de contact de sa disponibilité à coopérer en la matière.
Pour la Belgique, tout comme pour les autres membres de l'Union européenne, il est évident que seul le dialogue peut aboutir à une solution au conflit. Dès lors, il est important que le dialogue entre les parties concernées reprenne le plus vite possible. Comme cela a été réitéré lors du dernier Conseil des Affaires générales, il est important que les négociateurs albanais, qui vont participer à ces pourparlers, soient représentatifs de l'ensemble de la communauté albanaise.
Quant à l'Armée de Libération du Kosovo, le ministre Derycke tient à souligner que nous savons peu de choses sur sa structure, ses moyens et sa politique. Des clivages importants existent, tant au sein des leaders politiques albanais qu'au sein de l'UCK.
Un règlement politique du conflit au Kosovo reste primordial. La menace d'emploi de la violence doit être vue comme un moyen nécessaire pour arriver à cette solution politique. Si tous les moyens diplomatiques n'aboutissent à rien, des options militaires doivent être activées.
Les échanges de vues au sein de l'OTAN continuent, l'Alliance examine une série d'options militaires et une partie de ces options est déjà dans une phase de planification. Parallèlement aux options militaires, l'Alliance a étudié le cadre politico-militaire pour des opérations au Kosovo et aux alentours. Celui-ci a été approuvé le 14 juillet par le Planning Coordination Group . Ce cadre fixe deux objectifs à l'Alliance, à savoir, d'une part, le soutien à une résolution pacifique de la crise en contribuant aux actions de la communauté internationale et, d'autre part, la promotion de la stabilité et de la sécurité dans les pays voisins, en particulier en République d'Albanie et en ex-République yougoslave de Macédoine.
L'Alliance a mis en exergue la nécessité d'une approche neutre et équilibrée vis-à-vis de toutes les parties sur le terrain. En outre, la stratégie doit également contribuer à un cessez-le-feu au Kosovo qui constitue une étape vers un règlement politique et décourage les trafics d'armes vers la République fédérale de Yougoslavie à travers l'ERYM et l'Albanie.
La Belgique a toujours souligné l'importance d'une approche unique, cohérente et coordonnée de la crise au Kosovo par la communauté internationale. À plusieurs reprises, la Belgique a attiré l'attention des partenaires en la matière. Dans les enceintes appropriées, la Belgique a toujours oeuvré pour une telle approche. Dès lors, la Russie est associée pleinement à toute initiative visant la résolution du conflit. Ce pays a des liens particuliers avec la République fédérale de Yougoslavie. Il est important que la communauté internationale utilise ces relations.
Les questions liées à l'accès et à l'éloignement du territoire, dont a parlé Mme Lizin, sont de la compétence du ministre de l'Intérieur. Remplaçant déjà le ministre des Affaires étrangères, il m'est difficile de parler également au nom du ministre de l'Intérieur. M. Derycke invite dès lors Mme Lizin à s'adresser à M. Tobback pour obtenir toutes les informations souhaitées sur ce point.
M. le président . L'incident est clos.
Het incident is gesloten.