1-203

1-203

Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCES DU JEUDI 2 JUILLET 1998

VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 2 JULI 1998

(Vervolg-Suite)

QUESTION ORALE DE MME LIZIN AU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SUR « LA REVENDICATION À LONDRES PAR LE GIA DE L'ASSASSINAT DE MATOUB LOUNES ET LA COORDINATION DES MINISTÈRES DE L'INTÉRIEUR DES 15 »

MONDELINGE VRAAG VAN MEVROUW LIZIN AAN DE VICE-EERSTE MINISTER EN MINISTER VAN BINNENLANDSE ZAKEN OVER « DE MOORD OP MATOUB LOUNES DIE IN LONDEN DOOR DE GIA IS OPGEËIST EN DE NOODZAAK VOOR DE MINISTERIES VAN BINNENLANDSE ZAKEN VAN DE 15 OM EEN GECOÖRDINEERDE ACTIE TE VOEREN »

M. le président. ­ L'ordre du jour appelle la question orale de Mme Lizin.

La parole est à Mme Lizin.

Mme Lizin (PS). ­ Monsieur le président, ce mardi 30 juin a été revendiqué un assassinat à partir d'une capitale européenne, à savoir Londres, par un groupe criminel, le GIA. Le texte, signé de Hassen Hattab, a été envoyé aux délégués de l'AFP à Londres.

Ces réseaux bien connus choisissent Londres car ils y vivent en toute liberté en développant leurs activités sans contrainte.

À de très nombreuses reprises, j'ai rappelé cette situation et, le ministre des Affaires étrangères me renvoyant systématiquement au ministre de l'Intérieur, j'ai décidé de vous demander directement d'agir pour que les Quinze obtiennent de Londres de ne plus tolérer de tels actes de revendications d'assassinats. Les crimes de Louxor portant à l'époque sur des ressortissants suisses et allemands avaient été revendiqués, depuis Londres, dans des conditions semblables.

Le président Moubarak avait lui-même cité l'État britannique comme grand responsable du laxisme à l'égard du GIA algérien.

Des cassettes de ces mêmes tueurs expliquant comment égorger conformément à l'Islam circulent à Londres.

Pourriez-vous entamer à Londres une démarche de principe pour que cessent ces tolérances inacceptables ?

La Belgique a-t-elle agi pour demander une action coordonnée européenne contre ce sanctuaire protégé des tueurs ?

Quelles actions de coordination ont été menées avec les services anglais ? On sait que les agents de Scotland Yard sont venus à Bruxelles à plusieurs reprises, mais qu'ont-ils fait sur place pour mettre fin à ces situations honteuses pour l'Europe ? En tout cas, l'échange d'informations actuel n'a visiblement pas servi à empêcher quoi que ce soit.

M. le président ­ La parole est à M. Tobback, vice-premier ministre.

M. Tobback, vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur. ­ Monsieur le président, sans vouloir rejeter la balle dans l'autre camp, je voudrais toutefois préciser qu'une déclaration de guerre à la Grande-Bretagne dépend des compétences du ministre des Affaires étrangères!

Cela étant dit, j'attire l'attention de Mme Lizin sur le fait que l'Union européenne ­ y compris la Grande-Bretagne ­ recherche actuellement la meilleure façon de réagir au drame qui secoue l'Algérie. La question est donc à l'examen. À de stade, il m'est dès lors impossible d'avoir une position tranchée. De plus, ce problème dépasse même les compétences du conseil « Intérieur-Justice ». Il sera à l'ordre du jour du Conseil général, c'est-à-dire la réunion des chefs d'État et des premiers ministres.

Je tiens à rappeler que sous la présidence britannique, la décision de principe a été prise d'étendre le mandat d'Europol au terrorisme. Actuellement, on cherche à concrétiser cette décision de principe. Entre-temps, chaque État membre a ratifié la Convention Europol de façon qu'elle puisse entrer en vigueur à partir du 1er novembre prochain. Certes, la mise en oeuvre devra suivre. Il faudra ratifier encore des protocoles subsidiaires sur la compétence de la Cour de justice, par exemple, et les immunités du personnel. C'est le prix à payer pour la démocratie.

Il est cependant intéressant de savoir que, durant les six mois qui se sont écoulés, un certain nombre d'actions et d'opérations coordonnées ont eu lieu, dans plusieurs pays à la fois, en ce compris la Belgique et la Grande-Bretagne.

Pour plus d'informations, je vous invite, madame Lizin, à consulter le ministre de la Justice.

Vous dites que la Special Branch de Scotland yard est venue trois fois. Il s'agit sans doute d'une opération judiciaire dans laquelle je n'ai aucune envie d'intervenir puisqu'elle concerne le ministère de la Justice.

Aussi longtemps qu'Europol ne sera pas opérationnel à côté d'Interpol, il conviendra de passer par un des pays membres, en l'occurrence la France.

Je ne suis pas pessimiste en la matière. Je n'ai pas de données qui permettraient de porter un jugement aussi sévère que le vôtre sur l'attitude britannique. Le hasard a voulu que je présidais la semaine dernière, le Comité exécutif Schengen. Tous les pays étaient présents, y compris la Grande-Bretagne qui avait envoyé une représentante. Personne ne s'est plaint de l'attitude britannique ni d'un quelconque manque de collaboration ni, surtout, de laxisme de leur part.

C'est tout ce que je puis dire. Il semble que vous en sachiez plus que moi. J'ignorais que la Special Branch était venue trois fois, mais c'est sans doute vrai. Je m'étonne de la sévérité de votre jugement à l'égard de la Grande-Bretagne. Si vous avez des éléments plus concrets à ce sujet, j'aimerais que vous me les communiquiez afin que je puisse consulter le gouvernement. Vous parlez d'émettre une protestation ferme à l'égard de Londres. Vous comprendrez qu'il s'agit là d'une responsabilité que le ministre de l'Intérieur ne peut se permettre de prendre seul, à moins d'être très téméraire. Un tel problème relèverait certainement de la compétence du gouvernement.

Pour conclure, j'ajouterai qu'ayant rencontré l'ambassadeur d'Algérie hier, je pense pouvoir dire que notre collaboration en cette matière est satisfaisante pour toutes les parties.

M. le président. ­ La parole est à Mme Lizin pour une réplique.

Mme Lizin (PS). ­ Nous allons aider la mère de ce chanteur à déposer plainte à Londres. Nous comptons en faire une plainte exemplaire, monsieur le vice-premier ministre. Il n'y a certes pas d'intérêt belge dans cette affaire puisque M. Matoub Lounes circulait beaucoup plus entre la France et l'Algérie qu'en Belgique. Mais il nous apparaît inacceptable que ces réseaux bénéficient d'une telle force en raison de notre méconnaissance des dangers qu'ils représentent. Il est inacceptable de laisser circuler des cassettes expliquant comment il faut égorger en Algérie, conformément à l'Islam.

Certains diront que cela ne nous intéresse pas en tant qu'européens. Si! Cela nous intéresse, car ces gens, par les concepts de violence qu'ils véhiculent finiront à terme par imposer la même chose chez nous. Et ce ne sera pas à notre insu, car si vous consultez vos services, monsieur le vice-premier ministre, ils vous confirmeront mes dires. Nous ne gérons pas comme une menace ce que représentent ces individus : ils sont libres à Londres, ces cassettes se diffusent dans Londres sans la moindre difficulté et la revendication de cet assassinat ignoble est apportée normalement à l'agence France-Presse de Londres! Si nous ne nous sentons pas concernés par ce phénomène, si nous n'agissons pas, tôt ou tard ils pourront faire de même ici, dans les mêmes conditions. Peut-être cela prendra-t-il dix ans ... Peut-être alors aurons-nous oublié qu'un jour, au Sénat, ce problème avait été évoqué, mais croyez-moi, cela se produira. Les Européens doivent être conscients que ces réseaux sont ligués, qu'ils n'ont cure de leur nationalité : qu'ils soient Algériens, Marocains, Saoudiens ou Yéménites, ils sont contre tout ce qui va à l'encontre de leur concept fondamental de l'Islam.

Nous devons faire passer ce message pour faire comprendre l'ampleur de la menace qui se présente aujourd'hui. Vous pouvez me répondre que cela n'a rien à voir avec la Belgique. Pour ma part, je pense que si! Nous ne pouvons pas laisser les Quinze inconscients à ce point. Quelques pays l'ont compris, comme l'Allemagne et la France, d'autres pas ­ je pense notamment à la Grande-Bretagne.

M. le président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.