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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCES DU JEUDI 11 JUIN 1998

VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 11 JUNI 1998

(Vervolg-Suite)

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE MME LIZIN AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR « L'AGGRAVATION DE LA SITUATION AU KOSOVO ET LE RÔLE QUE LA BELGIQUE PEUT JOUER »

VRAAG OM UITLEG VAN MEVROUW LIZIN AAN DE MINISTER VAN BUITENLANDSE ZAKEN OVER « HET VERERGEREN VAN DE SITUATIE IN KOSOVO EN DE ROL DIE BELGIË KAN SPELEN »

M. le président. ­ L'ordre du jour appelle la demande d'explications de Mme Lizin.

La parole est à Mme Lizin.

Mme Lizin (PS). ­ Monsieur le président, la guerre s'est installée au Kosovo où des morts sont quotidiennement répertoriés dans la capitale. Les massacres de Drenitsa rappellent plus que les débuts de la guerre en Bosnie. L'envoyé américain a effectué une comparaison avec Vukovar, ce qui montre à quel point les événements évoquent le précédent bosniaque. Hier, les Serbes ont installé des lance-missiles à Slakina, à proximité de l'aéroport de Pristina.

Je pense que les Européens ne doivent pas assister en simples observateurs aux efforts déployés par les Américains. Je ne m'attarderai pas sur la mission confiée à Felipe Gonzalez. Il me suffira de dire que nous avons été à cette occasion assez lamentables en nous bornant à suggérer un rôle à l'Europe sans l'imposer. En outre, des positions dépourvues de contenu furent avancées à propos du groupe de contact.

À cet égard, monsieur le ministre, je me souviens de vous avoir entendu parler du gel des avoirs extérieurs yougoslaves. Or, selon les informations dont je dispose, rien de concret n'a été fait à ce propos mais peut-être pourrez-vous préciser le montant de ces avoirs et ce qui a été entrepris...

L'Europe persiste à tenir un discours aberrant alors que les Américains, instruits du drame bosniaque, comprennent désormais qu'il n'y a qu'une seule technique possible. En ce qui nous concerne, nous continuons dans la voie d'une analyse politique erronée quant à la finalité des objectifs à atteindre au Kosovo.

Les textes européens tentent d'établir un parallèle entre le comportement du chef de l'État yougoslave et celui d'une armée de libération animée d'une prétendue vocation terroriste. En fait de terroristes, il s'agit d'hommes protégeant des villages autrement sans défense et qui, jusqu'à présent, se sont abstenus délibérément de tuer le moindre Serbe, la moindre femme, le moindre enfant. Il serait absurde de leur demander de libérer les territoires « occupés » dès lors qu'ils sont chez eux et défendent leurs villages. Il est par conséquent tout à fait incorrect de mettre sur le même pied l'Outcheke, l'armée de libération du Kosovo, et les milices serbes de l'armée yougoslave actives dans cette partie du territoire yougoslave actuel.

De surcroît, j'observe que la Sûreté de l'État, les BSR et les cellules anti-terroristes accordent une priorité absolue à la problématique du Kosovo. Ces gens ne commettront aucun attentat en Belgique; ils n'en ont nulle intention, aucun risque n'existe à cet égard. Nous ne nous trouvons absolument pas dans un profil d'action crapuleuse du type GIA : il s'agit ici d'une guerre de libération d'un territoire qui appartient à des populations et dans lequel celles-ci essaient de continuer à vivre.

Heureusement, monsieur le ministre, pour la première fois depuis deux jours ­ cela n'a aucun rapport avec la Belgique et avec les Européens ­ en ce qui concerne le Kosovo, le ton est totalement différent, et ce étant donné que les Américains ont entraîné l'OTAN. C'est peut-être la première fois depuis très longtemps que je suis satisfaite d'une position aussi clairement engagée de la part de l'OTAN. Mais en cette matière, il est dommage, selon moi, que nous ayons été à la traîne.

Monsieur le ministre, je voudrais savoir quelle sera la position de la Belgique au niveau des instances de l'OTAN. Notre pays sera-t-il favorable aux menaces aériennes, voire à l'exécution de celles-ci ? En effet, ne nous y trompons pas, tout comme en Bosnie, le petit jeu habituel se poursuivra jusqu'au bout aussi longtemps que les opérations aériennes ne seront pas mises en oeuvre.

Par ailleurs, y aura-t-il une participation militaire européenne sur le terrain ? Selon moi, nous devons y être favorables et nous la soutiendrons. En effet, il est ici question d'une zone dans laquelle l'Europe doit affirmer sa présence et elle ne peut le faire par le seul biais des opérations aériennes : elle doit également protéger les populations sur le terrain.

À mon sens la Belgique a toujours été intéressée ­ il faut le lui reconnaître ­ à la situation au Kosovo, davantage peut-être que d'autres pays européens qui, dès le départ, auraient pu ou auraient dû jouer un rôle plus important. Dès lors, à côté de ce qui, nous l'espérons, constituera une action militaire correcte, apparaîtra nécessairement un besoin de négociation. Je ne vise pas ici une négociation du type de celle que l'on a tenté d'imposer à Belgrade, à savoir une négociation sans présence extérieure, qui réunissait des gens sans défense et ceux qui étaient leurs tortionnaires depuis des années, mais une véritable négociation. Celle-ci devra-t-elle nécessairement se dérouler à Dayton ou dans l'une ou l'autre petite ville américaine jusqu'alors inconnue ou pourrait-on, dès à présent, imaginer que la Belgique se positionne sur cette question ? En effet, la présence de notre pays n'a pas toujours été décriée par les Yougoslaves.

Dès lors, monsieur le ministre, pourriez-vous intervenir afin que les futures négociations ­ sérieuses celles-là ­ associant les gens qui combattent ­ puissent se dérouler en Belgique ?

Pour la forme, je souhaiterais savoir où en est le groupe de contact. L'évolution de celui-ci est en effet intéressante. Il est curieux de constater les changements fantastiques qui sont apparus en un an au niveau de leurs analyses. Or, par rapport aux questions que je vous ai posées, monsieur le ministre, aucun changement n'est intervenu.

Selon moi, c'est l'indépendance qui terminera le processus au Kosovo qui, très vite, se ralliera à l'Albanie. C'est inévitable. Si tel n'est pas le cas, le conflit persistera. C'est pourquoi des opérations militaires, menées sans option politique clairement définie, devront être répétées.

Dès lors, monsieur le ministre, vous devez être attentif à ce volet et ne pas envisager une autonomie intermédiaire. Si nous nous lançons dans des actions militaires ­ vous pouvez être assuré que nos partenaires américains n'hésitent déjà plus à cet égard ­ ne soyons pas timides : soyons clairs, négocions le retrait serbe mais discutons également de la partie sur laquelle la population serbe peut revendiquer des droits en tant que minorité.

Monsieur le ministre, mardi dernier, la Croix-Rouge de Belgique a adressé à M. Moreels une demande d'aide d'urgence à laquelle il n'a pas daigné répondre. Je sais que vous n'en êtes nullement responsable. Cependant, vous connaissez la situation, notamment celle des réfugiés à Topoï, village par lequel ils essaient de sortir de la situation d'enfer dans laquelle on les pousse. Jusqu'à présent, 10 000 à 20 000 personnes y sont arrivées et l'aide d'urgence doit impérativement être accordée.

La Croix-Rouge ­ d'autres aussi sans doute ­ a fait une demande en ce sens. En tout cas, c'est surtout cet organisme qui, avant-hier, faisait part de son sentiment d'indignation à l'égard du comportement du secrétaire d'État.

J'aimerais que vous soyez attentif à ce problème, monsieur le ministre. L'aide d'urgence n'est certainement pas une solution mais, pour ces gens, elle constitue tout de même une présence belge incontestable sur le terrain. Je souhaite donc que ce point soit correctement traité par le gouvernement.

Aujourd'hui, une résolution relative à la coupe du monde a été votée au sein du Parlement hollandais : si l'équipe hollandaise était sélectionnée pour jouer contre l'équipe yougoslave, on demande qu'elle se démette de son rôle et refuse de jouer le match.

En accord avec les autorités françaises, nous mettons actuellement au point une présence symbolique pour le deuxième match de l'équipe yougoslave qui l'opposera à l'Allemagne, à Lens. Nous estimons qu'à ce stade, il serait regrettable de laisser ce match se dérouler dans le silence, en donnant l'impression que la Yougoslavie n'est pas en guerre. Dès lors, j'aimerais savoir, surtout si la situation se dégrade davantage, s'il est encore possible d'obtenir de la FIFA le retrait de l'équipe yougoslave, comme ce fut le cas pour la Bosnie.

M. William Cohen a parlé d'une solution négociée, ce qui me ramène à un élément de la question que j'avais posée.

Aujourd'hui, que signifie une telle solution pour le Kosovo, monsieur le ministre ? Vous avez connaissance de la problématique du Monténégro et vous savez sans doute qu'hier, le chef d'État yougoslave a verbalement menacé la Macédoine parce qu'en tête d'une manifestation albanaise à Skopje, se trouvait le vice-premier ministre albanais du gouvernement macédonien. Va-t-on encore longtemps laisser se produire de tels incidents ? Comme l'a très bien écrit l'éditorialiste du journal Le Monde ne peut-on simplement dire à M. Milosevic : « Maintenant, c'est terminé. En Europe, nous ne voulons plus voir de tels comportements pendant très longtemps. » Quelle sera la solution négociée ? Quelle est la position de la Belgique dans les différentes enceintes en la matière ? Le terme « indépendance » est-il enfin prononcé ?

M. le président. ­ La parole est à M. Jonckheer.

M. Jonckheer (Écolo). ­ Monsieur le président, j'ai souhaité me joindre à la demande d'explications de Mme Lizin car, comme elle l'a très justement souligné, c'est la guerre en Europe et, de plus, cette guerre ne nous prend pas par surprise. Mme Lizin et d'autres collègues vous ont d'ailleurs régulièrement interrogé au Sénat sur la situation au Kosovo. Il faut malheureusement constater une fois de plus que les mécanismes dits de prévention n'ont pas fonctionné.

Un argument est souvent avancé selon lequel les négociations menées avec Milosevic sur les problèmes relatifs à la Bosnie nous ont fermé les yeux sur la question du Kosovo. Mais il suffit de relire un certain nombre de comptes rendus analytiques du Sénat pour se rendre compte que nous étions conscients d'une probable dégradation de la situation dans cette région.

Au départ, l'opposition menée par M. Rugova au Kosovo réclamait non pas l'indépendance, mais le retour à un statut d'autonomie et se présentait comme non violente et pacifique. Cet appel n'a pas été entendu et on se retrouve aujourd'hui dans une situation où les points de vue se sont radicalisés.

Je partage, pour l'essentiel, les réflexions de Mme Lizin mais j'aimerais cependant vous poser une question.

J'ai évidemment lu la déclaration du Conseil des ministres de l'Union européenne du 8 juin. Je souhaiterais néanmoins vous interroger sur les discussions au sein du Conseil de sécurité, relatives à la formulation d'un éventuel mandat qui permettrait aux troupes de l'OTAN d'intervenir au Kosovo sous mandat ONU. De quel mandat le Royaume-Uni, qui préside le Conseil de l'Union européenne, discute-t-il avec les États-Unis ? Je n'ai rien lu à ce sujet dans les conclusions du Conseil, mais peut-être ai-je mal lu ? Quel mandat espérons-nous obtenir du Conseil de sécurité des Nations unies ?

S'il s'agit d'un mandat de peace enforcement , relevant du chapitre 7, pourriez-vous nous rappeler, monsieur le ministre, la base juridique sur laquelle le Conseil de sécurité s'appuierait ? Si je ne me trompe, il s'agirait d'une intervention militaire sous mandat ONU au Kosovo, qui fait partie de la Serbie dont les autorités élues ne demandent pas de force d'interposition.

Par ailleurs, j'essayerai de me rendre à Lens, et sans doute le Sénat et la commission des Affaires étrangères resteront-il attentifs au développement de cette tragédie.

M. le président. ­ La parole est à M. Derycke, ministre.

M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. ­ Monsieur le président, hier, nous avons déjà eu une brève discussion au cours de la préparation du Conseil européen où nous serons amenés à évoquer les problèmes du Kosovo, et peut-être également à l'échelon des chefs d'États et de gouvernement. Actuellement se tient la réunion des ministres de la Défense au sein de l'OTAN. Ce soir, nous en saurons certainement plus au niveau technique. Mme Lizin demandait quelles étaient les différentes positions des Américains et des Européens. Pour le gouvernement belge, cette question est également très importante et nous en discuterons ce week-end.

Je vous rappellerai quelques principes avant de répondre aux questions concrètes dans les limites de mes possibilités.

L'attitude des Belges et des Européens est assez consistante; nous avons réagi relativement vite, ce qui prouve que nous avons retenu la leçon de l'ex-Yougoslavie. La réaction fut quasi unanime, ce qui est rare sur ces questions.

Bien sûr, nous condamnons la violence à des fins politiques. Il est exact, madame Lizin, que la situation a changé. Voici deux semaines, il y avait une sorte d'équilibre entre l'Armée de Libération du Kosovo ­ ALK ­ et les troupes de Milosevic. Lundi, on a estimé que les degrés de violence n'étaient plus comparables.

Cela dit, il convient d'analyser l'ALK. Ce phénomène n'est pas totalement simple et innocent. Certes, une partie de ce mouvement est animée par la volonté de protéger les citoyens, mais une autre partie joue un jeu dangereux, dans la mesure où M. Bericha, on le sait, est très présent dans le Nord de l'Albanie. Sans doute son souci est-il davantage celui de l'ambition politique que celui de la compassion pour les pauvres Kosovars. Il souhaite sans doute se situer de nouveau au centre de la politique albanaise. Il semblerait en outre que ce mouvement ait une dimension fondamentaliste.

Cela dit, les troupes de Milosevic sont considérablement violentes.

Il convient de rester ferme quant à la condamnation du recours à la violence. Pour la Belgique, comme pour l'Union, il faut une coopération internationale. Sinon, il serait impossible de venir à bout de ce problème, probablement même pas par une intervention militaire. Ce n'est pas si simple. Un processus politique est donc nécessaire, après une action militaire ou sans action militaire. Peut-être suffirait-il de montrer les dents pour qu'une action militaire devienne superflue ? Peut-être M. Milosevic accepterait-il alors le dialogue avec M. Rugova et les autres intervenants ? On verra, mais à mes yeux, la seule véritable possibilité est le processus politique.

D'ailleurs, je vous ai déjà rappelé en privé, madame Lizin, que lors d'une longue discussion, M. Djukanovic avait dit la même chose. Il nous a conseillé de ne pas sous-estimer le problème. La mission ne serait pas si facile, surtout s'il fallait combattre les troupes serbes sur leur propre terrain. Mais on n'en est pas encore là.

J'en viens au troisième principe : le respect des droits de l'homme et de toutes les communautés. Cette notion est liée à un quatrième élément : l'octroi au Kosovo d'un statut spécial. Ceci est la dernière dénomination. On ne peut pas parler d'indépendance, et ce pour de nombreuses raisons liées à la politique intérieure de la fédération yougoslave. En effet, si l'on pose la question du Kosovo, on pose aussi celle du Monténégro et de la Vojvodine. Le problème n'est donc pas simple car tout se tient. En tout cas, le Monténégro ne demande pas l'indépendance. Cela dit, les mots ont changé et l'on parle maintenant d'un statut spécial. Cela ouvre un spectre assez large de possibilités politiques pour l'avenir.

La Belgique s'est toujours inscrite dans la politique de l'Union européenne. Nous avons perdu un certain temps mais certainement pas deux ans et demi comme au début des années 90 à l'occasion de la crise en ex-Yougoslavie. Je pense que la Belgique ne peut que suivre la politique européenne et qu'elle peut difficilement entreprendre quoi que ce soit seule. C'est un noble but de la politique belge de se joindre à la politique européenne et comme on a besoin de tout le monde, j'espère que cette solidarité pourra être maintenue.

Vous le savez, une première série de mesures a été mise en oeuvre le 19 mars. Ce fut assez difficile car on ne croyait pas encore alors que M. Milosevic allait appliquer la politique qu'il préparait. Je fais allusion aux mesures d'interdiction des exportations d'armes et d'interdiction de fournitures de matériel susceptible d'être utilisé à des fins de répression interne ou externe ainsi qu'à l'installation d'un moratoire sur les mesures de soutien aux échanges et investissements. Les décisions prises lundi n'étaient pas encore possibles à ce moment-là ­ je pense au gel des avoirs du gouvernement fédéral et serbe à l'étranger et l'interdiction de nouveaux investissements.

La Belgique doit mettre ces mesures en oeuvre même si elles n'auront pas beaucoup de conséquences. En effet, la Belgique n'a pas de nombreux intérêts en Serbie. Elle doit appliquer la mesure en guise de solidarité. En revanche, si l'Allemagne applique vraiment ces mesures, la Serbie en souffrira beaucoup car les investissements allemands sont nombreux en république yougoslave.

En outre, la Belgique continue à plaider pour que le représentant personnel du président de l'OSCE, également envoyé de l'Union européenne, M. Gonzalez, puisse se rendre à Belgrade afin d'y accomplir sa mission. M. Milosevic a refusé et il est impossible d'imposer Gonzalez. Ce dernier nous a d'ailleurs expliqué il y a deux semaines qu'il ne pouvait rien faire si les deux parties n'acceptaient pas son mandat.

Les Américains ont procédé à un revirement total. Je crois que M. Holbrooke a très bien compris l'enjeu que représente effectivement l'accord de Dayton. Lors des entretiens avec M. Djukanovic, il a bien souligné que si ce dernier exigeait l'indépendance pour le Kosovo il donnerait au Kosovo ce qu'il avait refusé aux composantes de la Bosnie-Herzegovine, lesquelles pourraient alors demander que l'on revienne sur les acquis de l'accord de Dayton. C'est un risque qu'il est impossible de courir et les Américains l'ont très bien compris. Ils ont donc modifié leur position de principe et pris les devants sur le plan de l'action et sur le plan militaire.

C'est précisément pour cette raison que nous avons adressé à l'OTAN une demande de mesures additionnelles, à savoir : la création d'une cellule Partnership For Peace en Albanie; des exercices dans le cadre du Partnership For Peace ; la visite d'une flottille en Albanie et une étude concernant la transformation de la base militaire macédonienne de Krivolak en centre d'entraînement Partnership For Peace .

Lundi, nous avons clairement affirmé que c'était à l'Union de définir sa position concernant le Kosovo pour préparer la réunion du groupe de contact et non l'inverse. Le groupe de contact n'a pas à dicter sa conduite à l'Union. En même temps, avec l'accord des Anglais, nous avons demandé que les Nations unies commencent à préparer un mandat sous le chapitre VII. Je pense que les Russes ne le refuseront pas, et les Chinois non plus même s'ils feront beaucoup de remarques. Il existe donc un réel espoir d'arriver à un mandat sous chapitre VII. Si tel n'est pas le cas, l'Europe n'ayant pas grand chose à dire, à l'exception de deux de ses membres qui sont au Conseil de sécurité, il serait possible de se limiter à l'article 51 de la Charte concernant l'action humanitaire. Évidemment, l'action humanitaire est fortement limitée et il serait préférable de pouvoir mener une action militaire selon le chapitre VII.

Pour ce qui est de la question du football, je pense qu'il existe peu de liens avec la réalité politique. J'observerai toutefois ce qui se passera dans les prochaines semaines à propos de l'éventuelle participation de la Yougoslavie. Ce qui m'importe, c'est l'exécution des mesures et le problème humanitaire. À ce sujet, vous m'avez posé des questions concrètes que je soumettrai dès demain matin au secrétaire d'État concerné. En tout cas, mon département a décidé, en collaboration avec les militaires, d'envoyer un C-130 à Sarajevo et à Banja Luka pour y chercher des vivres et du matériel qui seront transportés vers Tirana, de manière à fournir le nécessaire aux camps de réfugiés qui sont dans un état déplorable. Une opération de dix vols est prévue en collaboration avec l'organisation des Nations unies, UNHCR, pour un total de trois millions de francs belges qui seront prélevés sur nos propres budgets.

M. le président. ­ La parole est à Mme Lizin.

Mme Lizin (PS). ­ Monsieur le président, je remercie M. le ministre pour la qualité de sa réponse. Il s'agit d'un long roman qui est plutôt noir.

Je crois, monsieur le ministre, que vous sous-estimez l'élément clé de cette affaire, à savoir la volonté des gens. Ils sont Albanais et n'ont pas d'autre existence. Leur seule langue est l'albanais.

La réalité est incontournable : ils veulent leur indépendance. Nous mènerons d'ailleurs tous le combat en ce sens, même si le chef d'État yougoslave, lorsque vous négocierez avec lui, essayera de vous proposer d'autres formules.

Il conviendrait à mon sens de demander à la population ce qu'elle souhaite : statut spécial, indépendance, autonomie ? Pourquoi n'aurait-elle pas droit à la démocratie dont on parle tellement en Europe ?

En ce qui concerne le football, je ne partage nullement votre opinion. Le football est le « terrain » où s'est joué en termes médiatiques, le premier combat palestinien. Il n'y a à mon sens rien à craindre pour le Mundial, l'État français ayant pris toutes les mesures de sécurité nécessaires. De plus, il n'entre absolument pas dans les intentions des Albanais de se livrer à des actions terroristes. Il est clair qu'ils ne prendront pas cette voie.

Néanmoins, le football est politique. Il en est de même en Afrique du Sud et en Bosnie. Lors de la guerre dans ce pays, l'équipe yougoslave avait d'ailleurs été interdite. La guerre actuelle est plus grave et touche dix fois plus de population. Nous ne devons pas nous faire d'illusions, mais le silence est une honte à mon sens.

Par ailleurs, la Belgique n'a pas d'ambassadeur en Albanie à l'heure actuelle. Notre collègue qui a parlé avant moi a évoqué le même problème en ce qui concerne le Burundi. L'Albanie étant un pays d'Europe, il est anormal que la Belgique n'y ait pas de représentation diplomatique. Cette question doit à mon sens être inscrite dans la liste de vos priorités futures.

M. le président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.