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SÉANCES DU JEUDI 5 MARS 1998 |
VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 5 MAART 1998 |
M. le président. L'ordre du jour appelle la demande d'explications de Mme Milquet au ministre de la Justice.
La parole est à Mme Milquet.
Mme Milquet (PSC). Monsieur le président, j'aimerais connaître l'analyse et les intentions du ministre à la suite du deuxième rapport de la commission Dutroux qui a été largement commenté et débattu récemment, ainsi que suite aux recommandations issues du travail de la deuxième commission d'enquête parlementaire sur les tueries du Brabant.
Aujourd'hui, à une bonne année de la fin de la législature, une première vague de réformes indispensables voit le jour : le projet Franchimont sera voté à la Chambre, des avancées significatives et essentielles ont été enregistrées en matière de libération conditionnelle, le ministre a pris des mesures en ce qui concerne les juges de complément et la lutte contre l'arriéré judiciaire dans les cours d'appel.
Par ailleurs, le gouvernement vient de finaliser son projet de loi sur la réforme des polices qui constitue le premier projet de réforme structurelle depuis l'affaire Dutroux. Cette question devra faire l'objet d'un large débat dans les deux chambres, ce qui suppose du temps et, le cas échéant, quelques amendements. Cette réforme structurelle était indispensable en raison des dysfonctionnements constatés à plusieurs reprises, et pas seulement par la commission Dutroux. Cette nécessaire intégration des polices permettra une meilleure efficacité, mais je ne voudrais pas qu'elle soit la seule réforme structurelle de cette législature.
En effet, sans une réforme identique du monde judiciaire en général, nous manquerions le but poursuivi. Les systèmes judiciaire et policier sont intimement liés. Un appareil policier ultramoderne serait en totale discordance avec un appareil judiciaire resté en l'état qui, pour certaines procédures et certains cours et tribunaux, évoque davantage les méthodes et les mentalités du 19e siècle.
Or, un des grands enjeux de la réforme de la police c'est ce qui génère de nombreuses tensions dans le monde politique , est d'assurer l'efficacité des services sans porter atteinte au respect de l'autonomie communale ni, surtout, au contrôle exercé par les autorités judiciaires qui doivent rester maîtres des enquêtes.
Par ailleurs, un appareil policier modernisé et hypercentralisé sans restructuration des parquets, ne nous permettra d'atteindre que très difficilement notre objectif. Je crains que si l'on ne met pas en place une réforme structurelle en matière judiciaire, on ne parvienne pas à concrétiser les beaux principes inscrits dans le projet Franchimont et dans le projet sur la réforme des polices qui maintient bien le contrôle réel des autorités judiciaires.
Je souhaiterais savoir quelles réformes structurelles vous envisagez sur la base des recommandations formulées dans le second rapport de la commission Dutroux. Je pense en effet que nous devons nous atteler à un deuxième train de réformes qui porte sur la structure de la justice.
On évoque notamment l'éclosion d'un parquet fédéral. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Vous vous souviendrez sans doute qu'à l'occasion de la discussion du projet de loi sur le collège des procureurs généraux, j'avais déposé un amendement qui était en quelque sorte l'embryon de ce parquet fédéral. J'avais expliqué qu'il fallait une sorte de comité de politique fédéral, en tout cas un embryon de parquet fédéral, qui serait constitué d'un personnel stable détaché du parquet général, de magistrats et d'agents émanant de la structure policière afin de permettre une bonne gestion et une centralisation de cette politique criminelle. Cette solution pourrait, le cas échéant, garantir la cohérence des recherches lorsqu'elles dépassent les limites d'un arrondissement. Quelles sont vos intentions à ce sujet ?
J'aimerais aussi connaître les résultats des audits lancés dans deux parquets. Je pense que si les dysfonctionnements épinglés par la commission Dutroux portent sur un ou deux arrondissements judiciaires au sein desquels les affaires ont été traitées, de tels dysfonctionnements doivent se constater un peu partout. Il faudrait dès lors que vous demandiez au collège des procureurs généraux de proposer un plan de réorganisation de l'ensemble des parquets vers mai ou juin. Le collège pourrait se faire aider par des consultants privés pour élaborer un projet de réorganisation afin que les parquets fonctionnent de manière optimale, de manière beaucoup plus efficace et beaucoup plus moderne. La structure envisagée devrait également permettre le contrôle de la future structure policière. Vous pourriez alors examiner quel type de projet déposer et faire voter par les deux Chambres pour la prochaine législature. La souplesse me semble essentielle ainsi que la responsabilité à donner aux parquets de première instance et aux parquets d'arrondissement pour alléger leur structure actuelle qui, beaucoup trop hiérarchisée, constitue une véritable chape de plomb. Nous devons, je le répète, mener une réflexion afin de réformer les parquets.
On sait que des problèmes d'organisation se posent au niveau des cours et tribunaux. Pensez-vous pouvoir encore mener, dans le courant de cette législature, des réformes structurelles afin d'apporter une solution à cette problématique ? Pensez-vous pouvoir au moins lancer la discussion sur la création d'un tribunal d'instance qui permettrait une certaine mobilité entre les magistrats et entre ses futures chambres ? Cette mobilité est impossible actuellement alors que nous savons que le travail n'est pas bien distribué. Certains tribunaux ont en effet une charge de travail démesurée. Je n'ignore pas que vous avez pris certaines initiatives visant à permettre une certaine mobilité, notamment grâce aux juges de complément. Ne faudrait-il pas aller beaucoup plus loin dans ce domaine ?
Je pense qu'il faut revaloriser le budget de la Justice mais qu'il est aussi indispensable de procéder à une redistribution du travail et de veiller à une plus grande mobilité. Avec le nombre de magistrats dont nous disposons, nous pourrions améliorer l'efficacité et tendre à la résorption de l'arriéré judiciaire. Quelles mesures envisagez-vous à ce niveau ?
Je me réjouis de la création du Conseil supérieur de la Justice et de l'initiative que vous avez prise de réunir les différentes compétences en un seul organe. Cette solution est beaucoup plus sage et correspond à ce que le PSC avait toujours demandé. Le système est beaucoup plus cohérent et je vous félicite pour la décision que vous avez communiquée hier à la Chambre. C'est dans ce sens qu'il nous faut aller.
Parallèlement à cette réforme essentielle comportant la mise en place d'un Conseil supérieur de la Justice qui changera vraiment la donne, ne pensez-vous pas qu'il faudrait aussi modifier le droit disciplinaire, notamment en ce qui concerne les cours et tribunaux ? Cela permettrait un contrôle plus dynamique qui ne toucherait en rien à l'indépendance des magistrats sur le fond des dossiers mais viserait les problèmes de fonctionnement tels que l'absentéisme et la question de régularité dans la remise des jugements. Estimez-vous qu'il faut modifier le droit disciplinaire et avez-vous des projets en la matière ?
Par ailleurs, comptez-vous demander au collège des procureurs généraux d'initier certains changements sans attendre les procédures disciplinaires liées aux dysfonctionnements relevés par le deuxième rapport de la commission Dutroux ?
J'aimerais savoir également quand le collège des procureurs généraux déposera ce fameux plan de politique criminelle ? Quand pourrons-nous en débattre au Parlement, sur la base des avancées réalisées dans les différentes commissions, notamment la commission d'enquête sur la criminalité organisée en Belgique ? Quand pourrons-nous discuter, comme le souhaite le projet Franchimont, d'une politique de classement sans suite ? Ainsi que nous l'avons proposé, il faudrait que sur la base de directives du collège des procureurs généraux, chaque parquet puisse développer sa propre politique de classement sans suite. Il est fondamental d'organiser un débat démocratique à ce sujet. En effet, les pratiques divergent et il convient d'arrêter une position claire et de prévoir des directives pour encadrer les pratiques. Faut-il rappeler certains problèmes survenus notamment dans le cadre du trafic de voitures qui résultent précisément des pratiques de classement sans suite ?
Monsieur le ministre, si je souhaitais vous poser cette série de questions, c'est parce qu'elles touchent de près aux futures réformes structurelles que nous devrions arriver à mettre sur pied.
M. le président. La parole est à M. De Clerck, ministre.
M. De Clerck, ministre de la Justice. Monsieur le président, les questions posées par Mme Milquet me donnent l'occasion de développer un exposé global de la situation et de résumer les réformes, tant celles qui sont déjà décidées que celles qui sont encore en préparation.
J'ai déjà eu l'occasion d'aborder certains de ces points, notamment la réorganisation des parquets, en réponse à la demande d'explications de M. Mahoux. La question se pose en effet de savoir s'il convient d'installer un parquet socio-économique, une proposition ayant été déposée dans ce but. J'ai évoqué également la problématique bruxelloise et la question des juges complémentaires en réponse à la demande d'explications de M. De Decker. Aussi, je vais tenter maintenant de parcourir la totalité des dossiers en cours.
Actuellement, nous finalisons un premier train de réformes. Cet après-midi, la Chambre votera le projet Franchimont; le Sénat, quant à lui, a voté récemment le projet relatif à la libération conditionnelle. Je suis conscient que ce premier train de réformes provoque un choc dans la magistrature, laquelle doit s'adapter et accepter certains changements. Il convient en effet de mettre maintenant en pratique cette première série de réformes.
Un deuxième train de réformes est déjà en préparation. Ainsi, un débat a eu lieu hier à la Chambre concernant la création du Conseil supérieur de la Justice, les nominations et les promotions. Il s'agit de projets qui ont été approuvés par le Conseil des ministres et qui sont maintenant examinés par la Chambre, dans le cadre d'un débat général. J'ai présenté hier l'intégration des différents organes dans un grand système, à savoir le Conseil supérieur de la Justice, avec un contrôle des nominations et des promotions et un Collège académique compétent pour la formation. Je pense qu'un tel système rendra les choses plus claires, plus transparentes et, je l'espère, plus efficaces.
Ce deuxième train est très important puisqu'il porte sur le statut des magistrats. Il est à mon sens essentiel de traiter ce dossier avant d'envisager toute réforme de la police, même si certains veulent lier les deux questions. La loi Franchimont étant pratiquement adoptée, la modernisation de la magistrature doit être réalisée sans délai. Il est en effet indispensable de disposer d'une magistrature efficiente pour gérer une nouvelle police. Je me suis dès lors opposé à ceux qui souhaitaient une jonction des deux dossiers.
L'examen du projet portant sur la réforme des polices est en cours et la discussion avec les syndicats a d'ailleurs débuté aujourd'hui.
Dans le même temps, nous devons déterminer les matières devant encore être examinées au cours de la présente législature. Il est clair que nous ne pourrons finaliser tous les dossiers que je vais évoquer mais de nombreux éléments peuvent être envisagés dès à présent en vue d'effectuer des choix politiques et de préparer l'avenir. À ce jour, 82 projets ont été déposés par le département de la Justice et la moitié d'entre eux ont déjà été adoptés.
D'autres réformes doivent encore être envisagées, notamment celle du notariat. Un projet a été déposé à la Chambre et son examen débutera la semaine prochaine. Ce dossier n'est pas directement lié à celui de la réforme de la justice, mais il est toutefois important d'objectiver l'accès à la profession et de moderniser la fonction de notaire.
Sur le plan plus strict de la justice, une série de dossiers sont en cours. Le premier porte sur l'organisation des parquets. Le problème de l'efficacité de la lutte contre la criminalité organisée est évoqué dans les conclusions du rapport de la commission d'enquête « Dutroux ». Si de nombreuses initiatives ont déjà été prises en ce domaine, la commission d'enquête évoque la question de l'efficacité de l'organisation du ministère public pour appréhender ce type de criminalité.
Par ailleurs, la loi sur le collège des procureurs généraux et les magistrats nationaux, datant du mois de mars 1997, est entrée en vigueur et fait partie du premier train. Ce collège et ces magistrats ne sont pas encore parfaitement opérationnels mais ils existent.
L'option prise par le gouvernement et confirmée par le Parlement était d'instaurer légalement le collège des procureurs généraux afin de créer l'instrument d'une véritable politique criminelle sous l'autorité du ministre de la Justice.
Pour compléter ce dispositif, la légalisation de l'institution des magistrats nationaux a pour objectif principal d'assurer une coordination des enquêtes, particulièrement dans le domaine de la criminalité grave et organisée. Le collège est installé depuis quelques mois et il a préparé son premier rapport d'activités.
La question se pose de savoir si nous voulons disposer d'un parquet fédéral. La Chambre a émis une proposition en ce sens à deux reprises. De plus, lors des travaux de la commission d'enquête sur les tueries du Brabant wallon et la commission « Dutrouxbis », le souhait de voir installer ce parquet a été exprimé. Nul ne peut à mon avis contester la nécessité d'une centralisation au niveau des parquets des dossiers complexes, intéressant la totalité du pays.
La seule question que je me pose, et que je réitère, est de savoir si, à côté des arrondissements, un autre organe distinct doit encore être créé. Celui-ci sera peut-être plus efficace, mais sa création peut entraîner d'autres problèmes. Je pense notamment à tous les risques de conflits et de manques d'informations ou de coordination. Il s'agit de résoudre une question technique. C'est la raison pour laquelle, comme je l'ai indiqué dans une réponse à la demande d'explications de M. Mahoux, une note a été préparée dès décembre 1996 et présentée en juillet 1997 par tous les professeurs de droit privé des universités de Belgique.
Cette note portait sur la réforme des cours et tribunaux, notamment des tribunaux d'arrondissement dont les différentes sections seraient centralisées en un seul tribunal. Il serait dès lors logique que les parquets soient également centralisés. Cette note est un document d'étude.
Le moment est venu à présent de préparer une note politique globale je m'y suis engagé, hier encore, et je répète cet engagement aujourd'hui devant vous portant sur la réforme du ministère public. Nous devrons tenir, d'ici un mois ou deux, un débat global pour décider si nous conservons les 27 arrondissements et pour déterminer la manière d'organiser la centralisation des dossiers complexes, de réorganiser les rapports entre le parquet général et les parquets d'instance et de spécialiser davantage les membres du ministère public. Ces questions, d'ordres quantitatif et qualitatif, doivent être posées et résolues.
Le collège existe à présent et il est là pour guider cette réforme. Le moment est venu de développer une politique criminelle. Le collège doit apporter son soutien à ce débat qu'il est urgent de tenir. Je m'y engage. Bien sûr, beaucoup d'éléments s'y ajoutent. Voilà pour le premier grand dossier portant sur la réforme du ministère public.
Un deuxième grand dossier à préparer peut être qualifié de « Franchimont II ». Nous avons eu la possibilité de travailler sur ce que certains appellent « le petit Franchimont ». Il est temps de l'élargir au « Franchimont II ». Les techniques spéciales de recherche en constituent l'élément essentiel.
Pour une bonne démocratie, un État de droit, nous avons intérêt à régler toute cette matière le plus rapidement possible. Nous disposons des études réalisées par les professeurs Bosly et Traest, par M. Franchimont, par Mme Van Den Weyngaert, et par les membres de la commission Franchimont qui poursuivent toujours actuellement leur travail.
Nous débattrons de la totalité de cette problématique au Sénat dès le début du mois de juin. Il sera alors important d'opérer des choix. Les professeurs préparent donc un travail qu'il nous appartiendra de coordonner. Nous devrons tirer les conclusions et adopter, le plus rapidement possible, une législation qui devrait être approuvée cette année encore.
J'aborde maintenant le troisième grand dossier, que vous avez évoqué vous-même et sur lequel je me suis engagé bien que je ne dispose pas encore de texte. Il existe une demande unanime émanant tant des commissions d'enquête, de la magistrature que du monde politique, et que je partage absolument, au sujet du droit disciplinaire.
Pour en revenir brièvement au dossier concret, il est temps de préparer une note globale sur le problème de la discipline. Il faut disposer d'une vision globale sur la réforme du droit disciplinaire. Celui-ci ne fonctionne pas. Nous n'avons pas la possibilité de l'appliquer parce que les procédures sont beaucoup trop lourdes. Je prépare donc également une note à ce sujet. Elle devrait être prête, en principe, à la fin du mois. Le débat se tiendra au mois d'avril ou, au plus tard, en mai. Ce dossier devra faire l'objet d'une discussion politique. Il faudra déterminer les grandes orientations et rédiger le plus rapidement possible une loi permettant de résoudre ce problème dans sa totalité.
J'ai scindé ce problème de la discussion relative au Conseil supérieur de la justice auquel nous aurons peut-être la possibilité de confier une mission spéciale lui permettant d'intervenir ultérieurement dans l'élaboration d'une nouvelle législation en matière disciplinaire. Nous reviendrons sur ces trois grands dossiers la discipline, le ministère public et les techniques spéciales au cours d'un vaste débat parlementaire avant la fin de cette session.
J'en viens à présent aux réponses à certaines questions particulières, notamment à propos des procédures disciplinaires en cours.
En ce qui concerne l'assassinat de Loubna Benaïssa, l'enquête relative aux magistrats du Parquet de Bruxelles est terminée. J'ai décidé, voici quelques mois, de classer certains dossiers sans suite. Cependant, j'ai étendu la procédure à d'autres magistrats au sujet desquels je prendrai une décision dans les meilleurs délais. Le processus est engagé, il est sous contrôle et j'ai d'ores et déjà une idée précise de la suite des événements. Il m'appartiendra, à terme, de prendre mes responsabilités, quelles que soient les difficultés.
Les procédures concernant les magistrats tant du siège que du parquet de Liège et de Charleroi sont toujours en cours. Les enquêtes disciplinaires relatives aux membres de la police judiciaire se poursuivent également. Par ailleurs, le second rapport de la commission « Dutroux » contient des éléments de nature à apporter un éclairage neuf et, surtout, vise d'autres personnes. J'ai transmis une copie de ce texte aux magistrats investis de l'autorité disciplinaire en les invitant à ordonner les devoirs qu'ils jugeraient utiles à l'instruction du cas des magistrats et membres de la police judiciaire concernés.
Les dossiers de certains magistrats de Charleroi ont fait l'objet d'un classement sans suite après enquêtes disciplinaires et judiciaires alors que d'autres dossiers sont encore à l'examen. Les magistrats et policiers cités dans le cadre du trafic de voitures ont été écartés des enquêtes sur la base de mesures d'organisation, les intéressés étant bien entendu remplacés. En outre, le procureur général de Mons et le procureur du Roi de Charleroi ont entrepris des réformes pour restaurer la crédibilité de la magistrature et rendre confiance à la population.
J'en arrive à la problématique des classements sans suite. Je suis persuadé qu'il est impératif de mettre fin aux énormes disparités relevées en la matière. L'exemple récemment évoqué des procès-verbaux de roulage indique que certains arrondissements procèdent à 68 % de classements tandis que d'autres se limitent à 13 %. Ces différences inacceptables persistent en dépit de l'automatisation, des circulaires et des contrôles. Nous devons donc continuer à interpeller les magistrats pour identifier les causes de ce fonctionnement chaotique. Il appartiendra au collège des procureurs généraux de remédier à la situation en harmonisant les pratiques. Quant au traitement administratif des procès-verbaux, il sera réexaminé prochainement à la Chambre, notamment sur la base d'une proposition de loi. Nous estimons que l'intervention du parquet ne devrait pas être systématiquement requise en certaines matières car il s'agit d'un travail à caractère quantitatif plutôt que qualitatif.
Tel est également le cas non seulement en matière d'infractions à la circulation, par exemple, mais aussi en matière de droit pénal, social, économique, etc. Selon moi, une législation est nécessaire en ce qui concerne le cadre, de façon à permettre le traitement administratif de certains délits mineurs, en vue d'une plus grande efficacité.
Certaines de vos questions portaient sur la situation actuelle du cadre du tribunal, madame Milquet. J'ai déjà évoqué cet aspect en réponse à M. De Decker, mais j'y reviens brièvement.
Personne n'ignore le problème qui se pose à Bruxelles. Toute une série de législations sont en cours d'élaboration en la matière. Je vous en ferai l'inventaire. Dans le cadre de la lutte visant à résorber l'arriéré judiciaire, de nombreuses initiatives ont déjà été prises.
Le 23 janvier 1998, j'ai organisé une concertation réunissant tous les chefs de corps bruxellois ainsi que les bâtonniers des barreaux néerlandophone et francophone. À cette occasion, des précisions furent apportées quant à l'état d'avancement de certaines matières.
D'abord, en ce qui concerne l'extension de cadre, un projet, le plus important, a été approuvé en Conseil des ministres et est actuellement soumis au Conseil d'État. Il prévoit un cadre de 240 magistrats.
Ensuite, un projet de loi modifiant la législation sur l'emploi des langues a été déposé au Sénat. Vous connaissez le problème qui se pose à cet égard.
Nous avons également évoqué la question de l'attribution des places de substituts de l'auditorat militaire. Plusieurs communications ont été publiées à ce sujet. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un problème de langue mais d'un manque de candidats.
Un autre point portait sur l'attribution de vingt-six juristes d'appui dont treize au parquet et treize au siège. En ce qui concerne le parquet, la question est réglée, et pour le siège, les sélections sont en cours.
Entre-temps, une publication a eu lieu au sujet des conseillers suppléants pour la cour d'appel.
Par ailleurs, nous avons également évoqué la question des bâtiments et celle de l'audit concernant le parquet.
Les modalités d'application de la législation relative aux juges de complément pourront être publiées prochainement. Dès à présent, nous allons fixer un nombre de places afin de désigner un maximum de magistrats pour répondre au problème qui se pose à Bruxelles.
Toutes ces initiatives, à savoir les juges de complément, le cadre, les juristes, les conseillers suppléants, ainsi que certains éléments de flexibilité en matière de personnel, forment un dossier global et semblent de nature à faire évoluer la situation de façon favorable.
Les chefs de corps et les bâtonniers ont reconnu que nous allions dans la bonne direction. La nomination des juges de complément et le vote du projet portant sur l'extension du cadre, vote qui, je l'espère, ne tardera pas à intervenir, devraient apporter une solution valable pour Bruxelles et pour l'ensemble du pays.
M. le président. La parole est à Mme Milquet.
Mme Milquet (PSC). Monsieur le président, je remercie le ministre de ses explications et me réjouis que nous partagions lui et moi certaines idées de réforme pour l'avenir.
Je voudrais particulièrement insister sur la nécessité et l'importance de la réforme du ministère public qui me paraît même prioritaire par rapport à celle des tribunaux. J'espère que nous pourrons entamer le débat à ce sujet dans un délai rapproché au sein du Parlement. Il conviendrait même que ce dernier modifie quelque peu son rythme de travail et son fonctionnement pour accorder la priorité à ces réformes structurelles afin que puissent se matérialiser, au terme de cette législature, les quelques grands projets dont vous nous avez parlé, monsieur le ministre. Le débat sur ces dispositions prendra du temps et, à cet égard, notre responsabilité est aussi grande que la vôtre, dans la mesure où nous devons organiser notre agenda pour pouvoir concrétiser certaines choses.
En ce qui concerne le projet Franchimont II, je me réjouis d'apprendre que nous entamerons la discussion au mois de juin.
En matière de discipline, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je ne pense pas que, pour répondre à l'émoi collectif, il suffise de désigner des boucs émissaires. Je ne suis pas du tout cette logique et j'estime d'ailleurs qu'une dérive est en train de s'installer en la matière. Néanmoins, nous ne pouvons pas non plus avoir l'air de nous draper derrière un certain corporatisme et considérer qu'il n'y a pas de problèmes tout en faisant régner une certaine impunité alors que des dysfonctionnements se sont réellement produits et appellent une réponse à la population.
J'espère donc que tout le monde sera attentif à la nécessité d'aboutir autrement qu'en classant sans suite et que nous aborderons rapidement la discussion sur le deuxième train de réformes, sans traîner sur la discussion relative au Conseil supérieur.
M. le président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.