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Sénat de Belgique |
Belgische Senaat |
Annales des réunions publiques de commission |
Handelingen van de openbare commissievergaderingen |
SÉANCE DU MERCREDI 19 NOVEMBRE 1997 |
VERGADERING VAN WOENSDAG 19 NOVEMBER 1997 |
M. le président. L'ordre du jour appelle la demande d'explications de Mme Lizin au Premier ministre.
La parole est à Mme Lizin.
Mme Lizin (PS). Monsieur le président, tous ceux qui, dans ce pays, se sentent concernés par les matières européennes s'intéressent également au contenu des deux journées qui seront consacrées au Sommet pour l'Emploi.
Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous me donner votre appréciation sur le lien existant entre la préparation de ce sommet et les discussions qui ont entouré le Traité d'Amsterdam. Une continuation est-elle opérée en la matière ? D'après certains journaux et analyses critiques, en fin de compte, la compensation que devait représenter le Sommet pour l'Emploi sera faible par rapport aux attentes de départ. Une analyse limitée du contenu qui pourrait être celui du Sommet pour l'Emploi vous paraît-elle pessimiste, monsieur le Premier ministre ?
Par ailleurs, d'après le ministre régional wallon M. Van Cauwenberghe, la position du gouvernement belge a fait l'objet de concertations approfondies avec les instances régionales, en tout cas, du côté wallon, en ce qui concerne la politique en matière d'emploi. De quelle manière la position de notre pays sera-t-elle coordonnée et définie en la matière ? En effet, les deux éléments les plus constructifs, et vraisemblablement, les moins contestés par les autres pays européens, à savoir la formation professionnelle et la réinsertion professionnelle de certaines catégories de chômeurs, constituent sans aucun doute des politiques européennes, et relèvent essentiellement des régions, dans notre pays. Au niveau fédéral, comment comptez-vous coordonner ces différents aspects ?
J'en viens à présent aux perspectives en ce qui concerne la réduction collective du temps de travail. La presse fait état d'une position plutôt négative de l'Allemagne en cette matière. De quelle façon conduirez-vous le char belge par rapport aux positions respectives de la France et de l'Allemagne, monsieur le Premier ministre ? Selon vous, la position de Mme Aubry, par exemple, sera-t-elle confortée en la matière ? Il ressort des réunions organisées en début de semaine que l'Allemagne maintient fermement sa position. Je souhaiterais avoir votre opinion à ce sujet.
J'en viens au volet fiscalité qui a été évoqué à de nombreuses reprises lors de la préparation du Traité d'Amsterdam et sur lequel nous reviendrons dans le cadre du rapport d'appréciation dont il fera l'objet. Les critiques émises quant à la fiscalité harmonisée sont à présent beaucoup plus positives qu'elles ne l'étaient voici deux ou trois ans. Cependant, d'étranges éléments subsistent. En effet, dans certains cas, il est question de réductions en matière de T.V.A. Une telle orientation n'est-elle pas un luxe que nous ne devrions pas nous permettre ? Ne serait-il pas préférable que la T.V.A. soit utilisée comme instrument d'harmonisation pour une partie des dépenses sociales ? En ce qui concerne la taxation directe, peut-on espérer que les ouvertures en matière de fiscalité dépasseront la taxation sur les énergies, ou plus généralement, sur l'environnement, et envisager une harmonisation de la taxation sur les sociétés ? Le cas échéant, de quelle manière ? La Belgique compte-t-elle réaffirmer à quel point une telle orientation lui paraît décisive ? Celle-ci est en tout cas très importante pour le groupe socialiste.
Comment envisagez-vous le financement de ces diverses politiques ? Il est évident que des problèmes se poseront en ce qui concerne les fonds structurels. Dans la perspective du Sommet pour l'Emploi, pouvez-vous nous donner davantage de précisions sur le mode de financement ? Par ailleurs, de quelle manière les demandes seront-elles orchestrées en la matière ?
À côté du volet formation et réinsertion professionnelles, j'évoquerai le volet investissements qui est créateur d'emplois. Comment celui-ci se présente-t-il ? Quelles sont, selon vous, les perspectives dans ce domaine ?
J'en viens au dernier aspect de mon intervention.
Comme vous le savez, monsieur le Premier ministre, tous les mouvements féminins d'Europe se réuniront à Luxembourg, ce vendredi. Indépendamment du volet « jeunes », existe-t-il un volet « femmes » dans les politiques européennes qui seront évoquées ? De quelle nature ? Le fait que les femmes maintiennent leur demande en matière de travail, et ce malgré les difficultés actuelles, est une caractéristique d'une zone du monde où existe une liberté, une volonté d'indépendance de toute la population, en particulier féminine. L'emploi pour les femmes et accessible aux femmes, dans de bonnes conditions de protection sociale, est une des clés de notre façon de vivre. De ce point de vue, des encouragements sont-ils prévus dans la politique d'emploi qui sera élaborée à Luxembourg ?
M. le président. La parole est au Premier ministre.
M. Dehaene, Premier ministre. Monsieur le président, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon retard.
Dans le souci de vous faciliter la tâche, madame Lizin, j'ai fait distribuer des documents qui expliquent plus amplement certains éléments de ma réponse.
Je voudrais tout d'abord préciser que le Sommet de Luxembourg n'est pas une nouveauté où, pour la première fois, l'Europe s'occupe de l'emploi. Au contraire, il faut y voir une continuité du Livre blanc et du travail fourni à Essen et chaque année depuis lors. Le Sommet de Luxembourg fait également suite à celui d'Amsterdam; à cette époque, nous avions inscrit l'emploi comme un des objectifs du traité, nous avions demandé que des guidelines soient définies et que l'on mette progressivement en oeuvre une politique de convergence en matière d'emploi, comme ce fut le cas pour l'Union monétaire. À Amsterdam, il avait également été décidé que le Sommet consacré à l'emploi serait une application avant la lettre du traité en matière d'emploi.
Personnellement, je n'ai jamais caché mon scepticisme quant à l'utilité d'un tel sommet. Par rapport à l'attente dont il fait l'objet, je maintiens mon attitude. Par contre, notamment grâce à la présidence luxembourgeoise, cette réunion ne sera pas inutile mais constituera un pas important dans l'élaboration d'une politique de convergence sur l'emploi à l'échelon européen.
Ce sommet sur l'emploi a été préparé aux niveaux européen et belge. Nous devions élaborer un rapport sur les politiques menées pour le mois de décembre. Le président M. Juncker nous a demandé d'anticiper la rédaction de ce document. Sur la base de celui-ci, la Commission a établi un rapport comparant les diverses mesures et indiquant ce qu'elle a appelé les best practises ; chacun des pays membres pouvait ainsi prendre connaissance des politiques menées par les autres.
M. Juncker avait également demandé à chacun des chefs de gouvernement et d'État de faire part par écrit de sa vision personnelle, ce que j'ai fait. Vous disposez d'une copie de cette lettre dans les documents que je vous ai transmis.
En septembre, nous avons rencontré, à l'échelon belge, les partenaires sociaux et avons défini une méthode de travail. Nous avons fait de même avec les autorités régionales.
Début octobre, la Commission a mis sur la table un document reprenant les guidelines qu'elle proposait. Nous avons travaillé sur cette base au cours d'un colloque organisé le 22 octobre avec les partenaires sociaux et de réunions permanentes avec les régions et les communautés. Nous avons ainsi progressivement dégagé la position belge, laquelle a d'ailleurs servi de base aux prises de position du ministre des Finances et du ministre de l'Emploi au Conseil Jumbo de lundi dernier. Lors de cette dernière réunion, M. Juncker a proposé une amorce de conclusion établie sur la base de tout ce qui avait été dit.
Nous avons à nouveau rencontré les partenaires sociaux et les régions hier et aujourd'hui et nous avons pu dégager la position belge. Cette dernière situe notre approche par rapport à l'Europe et la définit dans le cadre européen. À mes yeux, deux points essentiels caractériseront le sommet, du moins je l'espère.
Tout d'abord, on commence à mettre sur pied une politique de convergence en matière d'emploi même si c'est de façon moins prononcée que pour l'Union monétaire en prévoyant la transmission à l'échelon européen de plans pluriannuels nationaux, lesquels doivent être évalués annuellement selon une sorte de peer review permettant à chaque État de donner son avis sur la politique menée par les autres. Psychologiquement, ce processus peut avoir une grande importance; il oblige chaque pays à intégrer dans son plan national des méthodes et des approches convenues en commun. Une dynamique se déclenche donc, même si elle est encore insuffisante, mais l'Europe ne se construit que pas à pas. L'Union monétaire, aujourd'hui citée comme modèle, a d'ailleurs été évoquée pour la première fois par M. Werner dans les années 1950 mais elle n'a été réalisée que dans les années 1990.
En ce qui concerne l'emploi, je suis persuadé que l'évolution sera plus rapide, ne fût-ce qu'en raison de la pression exercée par l'Union monétaire. À mes yeux, le fait d'entamer l'élaboration d'une politique de convergence en matière d'emploi représentera le point le plus important de la réunion de Luxembourg, même si certains estiment déjà que celle-ci ne sera pas spectaculaire et n'apportera rien de concret. Pour ma part, j'ai l'habitude de dire que les sommets ne sont pas organisés pour faire du spectacle mais pour faire avancer les choses. Il faut voir la continuité entre les différents sommets et considérer les progrès réalisés.
Autre élément important : comme vous l'avez souligné vous-même, au sein de la concertation belge qui s'est effectivement bien déroulée, les partenaires sociaux et les régions ont accepté de s'inscrire dans cette dynamique. Cela signifie qu'après le Sommet de Luxembourg, nous continuerons à travailler avec eux pour élaborer le plan belge dans le cadre de la politique de convergence européenne pour l'emploi. Les partenaires sociaux ont accepté que la concertation qui devait avoir lieu au début de l'année prochaine pour fixer le cadre de leurs négociations pour la période 1999-2000 soit organisée sous forme de préparation du plan belge dans le cadre européen. Le plan pluriannuel instaurant des réductions du coût de l'emploi liées à une redistribution du temps de travail, à la politique des groupes-cibles et, en ce qui concerne les régions, à la formation, devrait s'inscrire dans cette dynamique européenne.
Comme ce fut le cas pour l'assainissement des finances publiques, il faudrait que notre politique de l'emploi soit menée dans ce même contexte, avec une certaine pression de l'Europe. À ce point de vue, je suis toujours un peu sceptique dans la mesure où je constate que l'on attend du Conseil ce qu'il n'est pas à même de donner ! Cela étant, je reste malgré tout optimiste parce que nous allons pouvoir réaliser des progrès importants qui permettront de déclencher cette politique de convergence européenne.
Le fait que M. Juncker soit à la fois ministre des Finances et ministre de l'Emploi a facilité la coordination et la préparation du document de la présidence. Il a ainsi pu préparer un projet de conclusion relativement bien accueilli au Conseil Jumbo avec, toutefois, certaines réticences du côté allemand et espagnol qui permettra d'aboutir dans le sens que je viens d'invoquer.
Ce n'est pas l'Europe qui prend des mesures; elle dessine plutôt un cadre la politique étant essentiellement nationale et régionale et doit également rendre un certain nombre de choses possibles.
Par rapport à vos questions concrètes sur le sujet, madame, je dirai qu'il est important que les régions acceptent de s'inscrire dans les objectifs qui seront avancés en termes de formation, puisqu'il s'agit essentiellement d'une de leurs compétences.
Au niveau de la fiscalité, je partage votre analyse. Il est vrai que, sous la pression de l'Union monétaire, on parle d'une façon plus positive de la fiscalité tout en éprouvant la nécessité d'une harmonisation. Néanmoins, je ne pense pas que c'est à Luxembourg qu'un pas décisif sera franchi !
Par contre, en matière de politique fiscale au niveau écologique et du CO2 , nous progressons. Le Benelux a adopté une position commune. Les pays du Sud émettent encore quelques objections, mais nous avons suggéré d'utiliser éventuellement la méthode de l'eurovignette ou d'une intégration différenciée pour tenter d'avancer en ce domaine.
En ce qui concerne la fiscalité relative aux revenus du capital, nous progressons au sein du groupe Monty. Ce n'est pas à Luxembourg que nous aboutirons, mais c'est un point sur lequel nous insistons à chaque réunion.
Quant à la politique de redistribution du temps de travail, je pense que l'Europe ne choisira pas « une » méthode. À ce point de vue, malgré toute la sympathie que vous éprouvez pour elle, je vous répondrai que Mme Aubry n'est pas nécessairement ma référence.
Dans l'ensemble, l'Europe s'accorde à dire que la politique de répartition de l'emploi est une des techniques possibles et, dans le cadre du plan belge, nous avons toujours voulu lier cette réduction du coût de l'emploi à une politique de redistribution du travail, soit individuellement, en laissant à chacun la possibilité d'opter pour l'interruption de carrière, le temps partiel ou toute autre formule, soit par voie collective. Nous privilégions toutefois les réorganisations du temps de travail adaptées à l'entreprise par exemple une entreprise du type Volkswagen.
Je ne crois pas qu'à l'avenir, on s'oriente vers des mesures linéaires appliquées de la même façon à tous les secteurs et à toutes les entreprises. Nous suivons une politique diversifiée qui sera d'ailleurs de plus en plus, me semble-t-il, la caractéristique de la société de l'information par laquelle nous donnons la possibilité aux individus de gérer leur temps de travail pendant toute leur carrière. Au niveau de l'entreprise, nous autorisons, parallèlement à une plus grande flexibilité, des réductions du temps de travail et une utilisation plus rationnelle des machines et des investissements. Les formules seront donc adaptées aux besoins des entreprises.
En ce qui concerne les femmes, vous savez, madame, qu'une des quatre approches de la Commission est précisément l'égalité des chances. Nous maintiendrons cette position lors du sommet, car elle se révèle essentielle dans le domaine de la politique de l'emploi.
Vous constaterez que la Belgique attache également beaucoup d'importance à ce point. La seule critique que nous formulons à l'égard du document de la commission, c'est que nous n'y retrouvons pas suffisamment la position d'Essen qui nous servait de base et qui avait permis de dégager un consensus au niveau des partenaires sociaux, dans le document du 1er octobre.
La position de la Belgique consistait donc à poursuivre l'approche dégagée à Essen tout en intégrant celle de Luxembourg. Cet élément à revêtu toute son importance dans les discussions que nous avons eues avec les partenaires sociaux.
En résumé, je dirai que ceux qui attendent des mesures spectaculaires et des solutions définitives du Sommet de Luxembourg seront déçus. Par contre, j'estime que, dans la lignée du Sommet d'Amsterdam, nous franchissons un pas important pour la réalisation et la concrétisation d'un plan de convergence pour l'emploi au niveau européen, ce qui, sur le plan belge, permettrait de situer la dynamique de la concertation belge dans un cadre européen, avec la pression que cela suppose. Ce fut le cas de l'Union monétaire sur notre politique d'assainissement des finances publiques. En six ans, nous avons soutenu un effort qui n'aurait sans doute pas été aussi intense sans la pression européenne.
Si la situation évolue de la manière escomptée, les résultats pourraient être intéressants.
J'en viens à un dernier élément relatif aux travaux d'infrastructure et des réseaux. Certes, nous aurions souhaité plus, mais grâce aux efforts de la présidence et conformément aux demandes émises à Amsterdam, des propositions seront faites afin que la Banque européenne d'investissements libère plus de moyens qu'auparavant.
À cette occasion, je tiens à apporter une précision. Lorsque l'on fait référence au Livre blanc et aux grands travaux d'infrastructure, il convient de souligner une double dimension. Les réseaux sont un moyen de parachever le marché unique; leur accélération permet en outre de relancer l'emploi, avec des moyens supplémentaires européens. Concrètement, les réseaux retenus sont réalisés. Le T.G.V. en Belgique en est un exemple. On ne peut pas dire que les grands travaux prévus dans le Livre blanc n'ont pas été mis en oeuvre. Par contre, l'impulsion supplémentaire avec des moyens européens n'a pas été aussi forte que ne le prévoyait le Livre blanc.
À Luxembourg, nous franchirons un nouveau pas par rapport à l'utilisation des lignes de crédit de la Banque européenne d'investissements, ce qui permettra de progresser plus rapidement.
Monsieur le président, telle est la synthèse que je puis dresser de l'approche et de l'évaluation du gouvernement à ce stade.
Madame Lizin, la farde que je vous ai remise contient la lettre originale que nous avons envoyée, les guidelines tels que proposées par la Commission, la communication de la Commission sur la façon dont les autres politiques de l'Union sont de plus en plus orientées vers l'emploi, la prise de position belge par rapport au Sommet européen et une lettre de Jacques Santer qui situe l'ensemble de la problématique dans son contexte global, y compris la politique macroéconomique qui, bien entendu, est déterminante pour obtenir des résultats en termes d'emploi.
M. le président. La parole est à Mme Lizin.
Mme Lizin (PS). Monsieur le président, j'aurais aimé que le Premier ministre nous parle de la proposition de la Commission de réduire le taux de T.V.A.
M. Dehaene, Premier ministre. Nous n'aimons guère cette proposition. Dans les secteurs visés, nous trouvons qu'il serait plus judicieux de réduire le coût de l'emploi.
Mme Lizin (PS). Évidemment.
M. Dehaene, Premier ministre. Nous ne comprenons pas que la Commission propose de diminuer la T.V.A. dans ces secteurs alors qu'elle s'oppose à ce que l'on réduise sélectivement le coût de l'emploi dans ces mêmes secteurs. Nous n'avons donc pas manifesté d'enthousiasme à l'égard de cette proposition. Cette mesure est essentiellement soutenue par les Pays-Bas pour des raisons que j'ai parfois de la peine à comprendre.
Mme Lizin (PS). Il me semble très important de ne pas entamer une politique de cette nature. Au contraire, nous avons vraiment besoin de toutes nos plumes pour voler en matière de financement. À la limite, il conviendrait de conserver le niveau le plus élevé en cette matière. Ainsi, s'il est possible un jour de financer un socle social européen, cette perspective resterait disponible.
Monsieur le Premier ministre, je voudrais connaître de manière plus détaillée votre opinion sur la procédure de surveillance multilatérale. Cet élément de la note, du non paper de M. Juncker vous paraît-il praticable ? Les différences d'appréciation de ce qu'est un chômeur ne devraient-elles pas constituer la première observation ?
M. Dehaene, Premier ministre. Oui.
Mme Lizin (PS). Nous constatons à quel point ce concept est différent selon les pays.
M. Dehaene, Premier ministre. Nous avons fortement insisté sur le fait que la politique de convergence à l'échelon national avait été progressivement élaborée au sein de l'Union monétaire et qu'il convenait d'harmoniser les méthodes et les statistiques. Ainsi, par exemple, la fameuse méthode Eser continue-t-elle à se mettre en place. Ainsi nous arrive-t-il de constater ô surprise que notre déficit augmente ou diminue, les comptables ayant modifié leur méthode de calcul.
Mme Lizin (PS). Cela arrive à tous les niveaux.
M. Dehaene, Premier ministre. C'est une phase incontournable. La politique de convergence en matière d'emploi n'est envisageable qu'à la condition sine qua non de franchir cette première étape.
Mme Lizin (PS). Après l'entrée en vigueur de l'euro, nous allons être confrontés à un gouvernement économique qui, tel le groupe informel Euro de lundi, va dans un sens perçu comme inévitable aux yeux de tous. Il me semble que les ministres des Finances ne sont pas à même de donner, seuls, une vue globale de la politique à suivre. M. Juncker est une exception, en ce sens qu'il est également chargé de l'emploi. Aussi je vous pose la question : ce groupe informel Euro, perçu comme une sorte d'évolution vers un gouvernement des matières importantes, ne devrait-il pas comprendre cette réflexion et ce volet social ? Ne faudra-t-il pas installer un groupe informel Euro pluri-cabinets, comprenant au moins, par pays, le ministre des Affaires sociales ou le ministre de l'Emploi ?
Je veux bien admettre, comme vous l'affirmez, que le volet Fiscalité ne se mettra pas en place rapidement. Cependant, la fiscalité est un sujet intimement lié à ces deux thèmes : le social et le monétaire. Nous devrons nécessairement aller plus loin que ce qui est actuellement sur la table. Il reste à espérer que l'on maintiendra la pression lors du sommet de clôture de la présidence luxembourgeoise.
Je reviens à la réduction du temps de travail. J'admets que des mesures linéaires sont hors de propos. Il faudra tenir compte des réalités sectorielles. Les pays désireux de se positionner sur cette politique ne pourraient-ils pas en venir à une action commune à l'occasion du sommet pour l'emploi ? Serait-il envisageable de collaborer avec la France et l'Italie ? Ces pays sont, en effet, porteurs de cette idée au sein des Quinze, même s'ils sont freinés par les réalités germano-hispaniques. N'y a-t-il aucun moyen d'arriver à former une sorte de petit groupe qui pousserait dans cette direction ?
M. Dehaene, Premier ministre. Je ne suis pas sûr de « pousser » dans le même sens que la France et l'Italie.
Mme Lizin (PS). Je me permets de poser la question au vu de la position wallonne. Les explications de M. Van Cauwenberghe à ce sujet font apparaître que la position wallonne est favorable à un rapprochement avec ces thèses.
M. Dehaene, Premier ministre. Je pense qu'une mise au point est nécessaire. L'accent est mis sur la généralisation, ce qui m'amène à adopter une certaine réserve. Selon moi, nous devons adapter les formules à l'échelon des entreprises. Ainsi, on peut envisager la formule des quatre jours sans aboutir nécessairement à une mesure linéaire et généralisée.
Je constate qu'il n'existe pas de consensus par rapport à la semaine des quatre jours : certains conçoivent la formule comme une réduction du temps de travail, alors que d'autres prétendent qu'elle peut plutôt aller de pair avec une concentration du travail sur quatre jours, une autre équipe et une utilisation accrue sans heures supplémentaires des machines, etc.
C'est une question de créativité d'adaptation. Ce que je crains le plus, c'est que l'on ne retombe dans la méthode classique, propre à la société industrielle, à savoir une mesure linéaire consistant à imposer à tous les 40 heures et les congés annuels. Je suis convaincu que nous nous dirigeons vers une société caractérisée par moins d'uniformité et plus de flexibilité et d'adaptation en fonction des secteurs et des personnes. Tout le monde ne souhaitera pas nécessairement travailler cinq jours par semaine. Certains préféreront travailler à mi-temps; d'autres demanderont une pause-carrière. Le modèle futur sera marqué par une plus grande flexibilité au niveau de l'individu et de l'entreprise. Si je fais preuve de réticence donc, c'est parce que certains messages font penser que c'est une méthode linéaire qui sera appliquée.
Mme Lizin (PS). Les socialistes souhaitent que ce point reste au centre des préoccupations.
M. Dehaene, Premier ministre. Cela ne pose aucun problème.
Mme Lizin (PS). En conclusion, je dirai que nous avons le sentiment que l'argument de la concurrence européenne est fort utilisé par le secteur de l'électricité. Le débat qui est en train de pourrir sur la convention paritaire au sein d'Électrabel démontre que des secteurs riches n'ont pas saisi toute l'ampleur de la question.
Ainsi, que ce soit par un conseil judicieux ou par un encouragement à la négociation, je pense que vous avez, monsieur le Premier ministre, un rôle à jouer dans ce secteur-là, étant donné qu'il est potentiellement créateur d'emploi tant à l'échelle belge qu'européenne.
M. le président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.
Mesdames, messieurs, l'ordre du jour de la réunion publique du Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes est ainsi épuisé.
De agenda van de openbare vergadering van het Federaal Adviescomité voor Europese Aangelegenheden is afgewerkt.
La séance est levée.
De vergadering is gesloten.
(La séance est levée à 15 h 55.)
(De vergadering wordt gesloten om 15.55 uur.)