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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales des réunions publiques de commission

Handelingen van de openbare commissievergaderingen

COMMISSION DE LA JUSTICE

COMMISSIE VOOR DE JUSTITIE

SÉANCE DU MARDI 26 NOVEMBRE 1996

VERGADERING VAN DINSDAG 26 NOVEMBER 1996

(Vervolg-Suite)

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE MME LIZIN AU MINISTRE DE LA JUSTICE SUR « LA FILIÈRE DES INTÉGRISTES TUNISIENS, INSTALLÉS DANS NOTRE PAYS ET MIS EN CAUSE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE TUNIS »

VRAAG OM UITLEG VAN MEVROUW LIZIN AAN DE MINISTER VAN JUSTITIE OVER « HET NETWERK VAN TUNESISCHE INTEGRISTEN DIE IN ONS LAND VERBLIJVEN EN DIE DOOR DE PROCUREUR-GENERAAL VAN TUNIS WORDEN BESCHULDIGD »

M. le Président. ­ L'ordre du jour appelle la demande d'explications de Mme Lizin au ministre de la Justice sur « la filière des intégristes tunisiens, installés dans notre pays et mis en cause par le procureur général de Tunis ».

La parole est à Mme Lizin.

Mme Lizin (PS). ­ Monsieur le Président, pour commencer, je demanderai au ministre de bien vouloir excuser le fait que le texte de ma demande d'explications, qui a été rédigé fin octobre, présente l'une ou l'autre différence par rapport à l'actualité récente.

La presse a abondamment parlé des demandes formulées par le procureur général de Tunis lorsqu'il est venu à Liège. Les deux intégristes qu'il a cités, MM. Almi et Ben Brahim ont été convoqués à ce moment-là par la cellule Cools. Il ressort des déclarations que deux intégristes belges, dont l'un était Liégeois, ont soit hébergé chez eux, soit eu des relations amicales avec les deux tueurs tunisiens.

Ils ont tous deux clamé leur virginité en la matière et affirmé l'impossibilité de toute connexion avec l'affaire Cools, ainsi que ­ accessoirement mais c'est très important en l'occurrence ­ de tout trafic d'armes.

Il serait important de savoir si les responsables de l'enquête ont, à ce jour, établi le lien avec le passé des deux intéressés et s'ils ont demandé à la gendarmerie de les assister dans l'élaboration de leur profil.

La virginité affichée par les responsables du mouvement Ennaada à Liège est quelque peu suspecte ou à tout le moins sujette à caution, dans la mesure où il est bien connu des services qui suivent les intégristes. Si un contact avec la gendarmerie a eu lieu au sujet de ces deux personnes, les responsables de l'enquête ont-ils pris conscience des conséquences qui pouvaient en résulter ?

Je pense en particulier à Tarek Maaroufi, l'une des personnes arrêtées dans le cadre de l'opération Zaoui.

Je vous ai déjà interrogé, monsieur le ministre, de même que M. Vande Lanotte, sur le point de savoir si des personnes de ce type, qui ont bénéficié de la nationalité belge, pouvaient se trouver compromises dans des trafics de cette nature. Nous avions suggéré à ce moment que l'on crée une jurisprudence de retrait de la nationalité, notamment à l'égard de Tarek Maaroufi, mais cette suggestion n'a jamais été suivie d'exécution. Lors de ma dernière demande d'explications, vous m'avez répondu que vous attendiez l'avis des procureurs généraux. J'ai appris que celui-ci était négatif et que l'on ne désirait dès lors pas créer ce type de jurisprudence.

Cela n'empêche nullement que cette personne a un profil connu d'intégriste dangereux. Par conséquent, lorsqu'on laisse dire à la télévision ou dans la presse qu'elle n'a aucun lien avec l'affaire Cools et qu'elle n'est donc nullement impliquée dans un trafic d'armes, on peut considérer que le fait de mêler les deux arguments est quelque peu surprenant.

Cette collaboration a-t-elle eu lieu au moment où ces personnes ont été convoquées à la cellule Cools ? S'est-on renseigné sur le passé des deux individus ?

Le deuxième nom cité est celui d'un activiste intégriste distribuant des appels au crime dans les mosquées qui sont sous l'influence du GIA et dans les mouvements intégristes musulmans à Liège. Ces écrits sont rédigés en arabe ­ ils n'effraient donc pas grand monde mais sont parfaitement compréhensibles pour leurs destinataires ­ et édités par le GIA algérien. Il est inutile de vous rappeler le nombre de crimes, encore récents, à mettre à l'actif de cette organisation.

Interrogé par la presse télévisée sur le fait de savoir s'il soutenait les activités du GIA ­ un tel soutien implique nécessairement le recours aux armes ­, cet individu ­ un des plus dangereux ­ qui vit à Liège, a répondu que les membres de cette organisation « étaient de bons musulmans ». Il n'a même pas saisi l'occasion qui lui était offerte de répondre par un mensonge ­ qu'Allah lui aurait certainement pardonné ­ et ne s'est pas distancié de ce type d'activités sur ce territoire.

Mettons-nous à la place d'un procureur tunisien qui apporte un certain nombre d'informations fondées sur le trafic d'armes ­ provenant notamment d'individus emprisonnés, lesquels ont des répondants en Belgique, plus particulièrement à Liège ­ à qui l'on rétorque qu'il fait des amalgames et que cette affaire est « loin de l'assassinat de M. Cools ».

Monsieur le ministre, je ne suis pas du tout d'accord avec cette conclusion, si l'on tient compte du fait qu'il est question d'un trafic d'armes à Liège. Par conséquent, nous avons intérêt à approfondir ces matières.

Monsieur le ministre, estimez-vous fondées les interrogations de la Tunisie en ce qui concerne ces individus ­ dont l'un est de nationalité belge ­ se trouvant sur notre territoire ? Pourrait-on imaginer une réponse solidaire avec les Tunisiens à une analyse commune de ce combat qui est aussi le leur, même si à première vue, en ce qui concerne l'assassinat de M. Cools ­ sauf à admettre qu'un trafic d'armes est un trafic international ­ les deux dossiers ne peuvent être joints ? Une telle perspective peut-elle néanmoins rester ouverte pour l'avenir et la suite de ces dossiers ?

Par ailleurs, monsieur le ministre ­ j'interrogerai également le ministre de l'Intérieur sur ce sujet ­, d'autres informations ont été communiquées sur ce dossier. Toujours dans le cadre des intégristes agissant en toute liberté dans ce pays ­ croyez-moi, de telles activités continuent de croître ­, vous vous rappelez certainement qu'un dénommé Ben Otman avait été renvoyé par l'Office des étrangers, car il avait abusé de tentatives pour bénéficier d'un statut dans notre pays; on connaît en effet le caractère « éponge » du territoire belge à l'égard de tous ces terroristes ! M. Ben Otman ­ l'oncle, le noyau du GIA de Dison ­ avait publié, en connexion avec Londres et le Canada, des communiqués vengeurs : il prétendait, que son cousin, lequel était rentré, avait été torturé par les Algériens ainsi que la famille de celui-ci, et que son cadavre avait d'ailleurs été retrouvé. Quelques mois plus tard, la famille étonnée a fait savoir qu'elle n'avait pas vu cette personne et qu'en tout cas, elle n'avait pas subi les faits décrits. Le cousin a été arrêté vivant, au moment où il se disposait à quitter le territoire algérien pour la Libye, pour entreprendre à nouveau une superbe opération d'assassinat. Il s'agit d'un intégriste connu vivant à Dison, donc, en territoire belge, et qui diffuse des publications délibérément fausses ­ à l'égard de fonctionnaires de l'Office des étrangers, de gendarmes mais aussi de ministres qui ont toléré de telles pratiques ­ visant à faire croire que refouler des étrangers ­ affichant une telle virginité ­ constituerait un crime contre l'humanité et les droits de l'homme, puisque dès leur retour chez eux, ils sont torturés. Bien entendu, en réalité, c'est faux !

Avons-nous agi contre ces gens de Dison et d'ailleurs, ces connexions à l'évidence internationales ­ le communiqué publié par la famille Ben Otman, que j'appelle le « nid Ben Otman », venait en effet de Londres et du Canada ­, ou se déplacent-ils encore en toute tranquillité ? Si aucune mesure n'a été prise, je suggère que des poursuites soient engagées contre ce genre de comportement.

J'espère que la juge Ancia reviendra avec une analyse détaillée des connexions dans des trafics d'armes autours de l'affaire Cools car, si cela ne nous aide pas à désigner clairement les commanditaires du meurtre, nous serons en tout cas éclairés sur le milieu dans lequel baigne toute l'affaire.

M. le Président. ­ La parole est à M. Foret.

M. Foret (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je voudrais me joindre à la demande d'explications de Mme Lizin.

Les 4 et 5 novembre derniers, j'ai eu l'occasion d'effectuer un voyage officiel en Tunisie. Je représentais M. Louis Michel, président du PRL, dans le cadre du congrès du Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti du président Ben Ali.

Je précise que ce congrès portait sur le thème de la mondialisation de l'économie et les relations euro-méditerranéennes. Étant sur place, j'ai sollicité et obtenu une entrevue avec le ministre de la Justice de Tunisie, avec lequel je souhaitais m'entretenir des accords de coopération judiciaire entre la Belgique et la Tunisie.

Je suis très respectueux à la fois de la justice belge et de la justice tunisienne, chacune dans leur sphère de responsabilité. Par ailleurs, nous savons que Mme Ancia et M. Rasir se trouvent actuellement en Tunisie. Dès lors, sans vouloir interférer d'aucune manière dans les affaires judiciaires en cours, la conversation a rapidement abouti sur deux sujets. Le premier était le problème des suites à donner à l'arrestation des deux présumés assassins tunisiens et la façon dont les coopérations judiciaires sont entamées entre la Belgique et la Tunisie à cet effet. Le second concernait les déclarations faites quelques jours auparavant par un avocat bruxellois, maître Beauthier, qui relatait les propos dont Mme Lizin vient de nous faire part.

Je ne puis mieux faire que de transmettre les éléments de cet entretien qui me paraissent en rapport avec l'intervention de Mme Lizin. Je le fais dans le souci d'éclairer la commission.

En outre, comme vous le savez, monsieur le ministre, je n'ai pas manqué de vous transmettre la note écrite de ces entretiens dès mon retour pour que vous puissiez y réserver les suites que vous estimez utiles.

En ce qui concerne l'affaire Cools, le ministre Sadok Chaabane m'a dit que, contrairement à ce que l'on répercutait dans la presse nationale belge actuellement, ou du moins dans certaine presse, le gouvernement tunisien, pour sa part, n'insistait absolument pas sur la liaison intégriste islamique qu'il devait opérer entre l'affaire Cools et toute cette grave problématique. Il m'a simplement dit, et je reprends ses termes in extenso : « Il existe probablement de nombreuses similitudes de temps, de lieu et d'homonymie entre les deux présumés assassins, MM. Almi et Ben Brahim et des affaires de trafic d'armes et de drogue bien connues des tunisiens. » Il ne tirait aucune autre conclusion.

Par contre, sur l'autre sujet qui nous ramène peut-être davantage à la demande d'explications de Mme Lizin, mon interlocuteur m'a confirmé être très désagréablement surpris par le manque de fermeté dont faisait preuve le Gouvernement belge à l'égard de deux ressortissants « tunisiens » intégristes notoires, je place ce terme « tunisiens » entre guillemets. En effet, l'un a déjà acquis la nationalité belge, l'autre est en voie de l'acquérir.

Selon le ministre tunisien, le dossier de M. Bennani aurait été monté de toutes pièces pour permettre, par le biais de l'octroi de l'asile politique à sa femme, et ce sans raison valable, de conférer également à l'intéressé l'asile politique. En ce qui concerne le second, M. Maaroufi, il a acquis la nationalité belge par son mariage avec une Belge; il aurait été impliqué dans d'importants trafics d'armes en 1995, et ce en liaison avec l'affaire Zaoui, le numéro deux du GIA-algérien, et condamné seulement à trois ans de prison avec sursis.

Dans ces deux affaires, le ministre m'a dit combien les autorités tunisiennes avaient le sentiment que nous hébergions sur notre territoire des personnalités dangereuses. Elles espèrent simplement que notre Gouvernement veille à ce que ces personnes de nationalité belge ne commettent pas d'exactions sur et hors de notre territoire.

Tels sont les éléments qui ont été portés à ma connaissance directement par le ministre de la Justice, je tiens à le souligner. Je les transmets sans aucun commentaire. J'insiste sur le fait que la responsabilité en incombe donc à mon seul interlocuteur. Je crois n'avoir aucunement déformé ses propos.

Depuis lors, je me suis quelque peu enquis des réalités de ce problème. Si je n'ai pu obtenir que quelques précisions complémentaires, je dois avouer que les renseignements qui m'ont été donnés sur la personnalité de M. Tarek Ben Habib Ben Toumi Ben Abdellah El Maaroufi ne manquent pas d'être inquiétants. Selon mes informations, M. Maaroufi fréquentait, au début des années 90, les mosquées de Bruxelles, ce qui n'est en soi nullement répréhensible. Là, il avait été recruté, ainsi que d'autres extrémistes maghrébins, par le bureau de liaison des moudjahiddin afghans opérant dans la capitale belge. Il rejoint les camps d'entraînement militaire en Afghanistan où il séjourne au cours de l'année 1992. Outre l'apprentissage des armes de combat, il y prend contact avec divers ténors de l'internationale intégriste dont on retrouve par après la trace en Bosnie, en Tchéchénie et en Algérie. Parmi eux, figure un certain Almi ­ on constate de nouveau une homonymie ­ intégriste qui porte le même nom qu'un des présumés coupables dans l'assassinat d'André Cools. Il est établi que Maaroufi a fait partie d'un réseau international d'extrémistes qui s'était spécialisé dans l'achat des armes. De grandes quantités de ces armes, notamment des kalachnikovs, ont été acheminées vers l'Algérie via l'Europe. Ces extrémistes s'étaient procuré ces armes dans les milieux du crime organisé, et ce notamment auprès d'une bande opérant à Liège et dirigée par un Italien, un Yougoslave et un Albanais. Je crois que c'est à cette équipe que faisait référence Mme Lizin.

Il est à rappeler que l'intéressé a été condamné en octobre 1995, à Bruxelles, à trois ans d'emprisonnement dans une affaire de trafic d'armes dans laquelle était bien impliqué le dénommé Ahmed Zaoui, numéro deux du GIA algérien opérant en Europe. Cette affaire avait porté entre autres, elle aussi, sur la livraison de pas moins de trois cents kalachnikovs. Il a été établi par ailleurs que les complices du dénommé Maaroufi dans l'affaire Zaoui se rendaient fréquemment à Lille, dans le nord de la France, auprès d'extrémistes impliqués quant à eux dans des séries d'attentats en France et appréhendés depuis lors.

Il est évident que ces renseignements obtenus a une autre source n'ont pas manqué de m'inquiéter. La connexion de ces données me conforte, comme Mme Lizin, dans l'idée qu'il y a lieu d'être très attentif à toute cette problématique.

Je souhaiterais moi aussi savoir, monsieur le ministre, comment vous abordez ces différents éléments et quelles mesures vous avez prises ou comptez prendre.

M. le Président . ­ La parole est à M. De Clerck, ministre.

M. De Clerck , ministre de la Justice. ­ Monsieur le Président, je regrette quelque peu que cette demande d'explications ait lieu aujourd'hui, sans attendre le retour de Mme Ancia et les informations supplémentaires que l'on pourrait ajouter afin d'établir les liens entre les différents dossiers. C'est en effet la première question à se poser : existe-t-il des liens entre toutes ces affaires ? S'agit-il de simples similitudes ou existe-t-il effectivement des liens entre des faits qui se sont produits en Belgique et les activités des réseaux intégristes ? Peut-être pourrons-nous en savoir davantage après le retour de Mme Ancia et de M. Rasir ? Pour l'instant, la réponse à cette première question est négative, jusqu'à preuve du contraire.

Il est néanmoins évident que le but de toute enquête consiste à récolter un maximum d'informations. Le fait de se rendre ­ comme M. Foret l'a fait ­ dans un pays et d'y rencontrer des gens permet d'avoir une approche différente. Il faut en effet toujours être attentif aux liens éventuels et aux éléments susceptibles de constituer une base d'investigation supplémentaire. Jusqu'à présent, les résultats sont négatifs. Je ne puis vous fournir d'autre information que celle portant sur l'inexistence de liens. Je formule néanmoins la réserve normalement émise dans le cadre d'une enquête. En l'occurrence, j'insiste tout particulièrement sur cette réserve en raison des contacts intenses qui sont actuellement établis entre les deux pays et leurs autorités judiciaires respectives. Il me paraît donc fondamental de respecter cette réserve.

Il est par ailleurs bien évident que toutes les informations dont nous disposons nous obligent à être très vigilants à l'égard des personnes qui séjournent dans notre pays et qui y sont connues. Chaque dossier doit néanmoins être approché en fonction de l'existence ou de l'inexistence de condamnations antérieures. À cet égard, j'attire votre attention sur le fait que les situations des trois personnes concernées sont différentes.

Tarek Maaroufi, Belge d'origine tunisienne, est né le 23 novembre 1965. Il a été arrêté en mars 1995 dans le cadre du démantèlement du réseau Zaoui. En novembre 1995, il a été condamné à trois ans de prison avec sursis comme chef et propagateur d'une association de malfaiteurs ayant pour objectif d'attenter aux personnes et aux biens sans que le mouvement pour lequel il oeuvrait soit explicitement établi. En respect du jugement rendu avec sursis, il a été immédiatement remis en liberté.

Une procédure de déchéance de la nationalité belge aurait pu être introduite par le parquet auprès du ministre de la Justice sur la base de ce jugement. Il semble que le parquet ait néanmoins préféré ne pas introduire une telle procédure en raison de la légèreté de la peine prononcée. Cette position soulève évidemment la question de savoir si les jugements rendus avec sursis doivent ou non impliquer la mise en oeuvre de ladite procédure. Je suis très sensible à la problématique de la nationalité. Par ailleurs, quelle attitude faut-il adopter à l'égard des personnes qui n'ont pas encore la nationalité belge et qui sont emprisonnées en Belgique, où l'Office des étrangers peut intervenir ? En ce qui concerne Tarek Maaroufi, aucune initiative n'a donc été prise.

La deuxième personne, Walid Bennani, apparaît comme le responsable du groupe Ennahada en Belgique. Cette organisation islamiste semble actuellement privilégier l'action par la voie politique ou diplomatique. Dans le passé, Bennani s'est rendu coupable d'actions violentes. En 1992, l'ambassade de Tunisie a demandé l'extradition de l'intéressé à deux reprises. Ces demandes n'étant pas conformes à la convention passée le 27 avril 1989 entre la Belgique et la Tunisie, elles ont été refusées par mon prédécesseur. Le 23 décembre 1992, l'ambassade de Tunisie a réintroduit une nouvelle demande d'extradition sur la base d'un jugement rendu par le tribunal militaire permanent de Tunis. Dans l'intervalle, M. Bennani a introduit une procédure de demande d'asile en Belgique. Cette demande est actuellement en recours devant le Conseil d'État. Il n'a donc pas encore été définitivement statué sur la troisième demande tunisienne. Les procédures relatives à l'extradition, au droit d'asile et l'intervention concomitante du Conseil d'État illustrent la juxtaposition des aspects politiques et judiciaires de ce dossier. J'attends l'arrêt du Conseil d'État afin de savoir si le droit d'asile doit être accordé à l'intéressé.

Par ailleurs, il est impossible d'apporter une réponse précise quant au contenu des déclarations ou des explications de M. Bennani dans le cadre de la commission rogatoire. En fait, cet aspect du problème ne relève pas des compétences du ministre de la Justice.

Enfin, Mme Lizin évoque le cas de M. Ben Otman. Ce dossier nous interpelle tout particulièrement en raison de comportements étranges. En juillet dernier, plusieurs communiqués diffusés par des membres importants du FIS tendaient à attribuer à la Belgique la responsabilité de l'assassinat de M. Ben Otman par la police algérienne. Apparemment, le but de l'opération était d'aménager les autorités belges à renoncer aux mesures de rapatriement à l'encontre des militants du FIS et de leur accorder plus facilement le statut de réfugié politique. Or, il est apparu le 23 novembre 1996 que M. Ben Otman est en parfaite santé. Il aurait été arrêté à la frontière entre l'Algérie et la Libye. Par ailleurs, il aurait accordé une interview à la télévision algérienne dans laquelle il aurait reconnu que l'annonce de son assassinat était l'oeuvre de son frère, ce dernier entendant exercer une pression sur les autorités belges afin d'accélérer sa reconnaissance en qualité de réfugié politique. Ces pratiques sont évidemment choquantes. Il n'en reste pas moins qu'il est actuellement malaisé d'entreprendre une quelconque action en Belgique à l'égard de la famille Ben Otman.

Je dois également préciser que, jusqu'à présent, les informations judiciaires en cours n'ont pas permis d'établir un lien entre les trois dossiers. Toutefois, une surveillance attentive des personnes impliquées et des réseaux concernés s'impose car il est évident que l'on essaie de nous attirer dans une direction inacceptable. En ce qui me concerne, j'inciterai les services compétents, comme l'Office des étrangers, à se montrer très vigilants afin d'éviter les pièges fabriqués à l'intention des autorités belges.

M. le Président. ­ La parole est à Mme Lizin.

Mme Lizin (PS). ­ Monsieur le Président, j'aimerais répondre ce qui suit à M. le ministre : il est heureux que les Algériens aient fait preuve de vigilance par rapport aux pièges. Ils ont ressenti la manipulation dès le début des événements. Les Belges, au contraire, sont « tombés dans le panneau ». M. Vande Lanotte a convoqué M. Schewebach dans un contexte proche de l'accusation d'assassinat.

Je vous rappelle que ce genre d'individu, non seulement s'adonne au trafic d'armes mais, en outre, circule en toute liberté à Liège, à Dison, à Verviers, en possession de publications ­ interdites ­ d'appel au meurtre, que cet appel concerne des Algériens, des Tunisiens ou d'autres personnes. Il agit ainsi en toute tranquillité. Bien entendu, il est suivi par un gendarme de Dison qui remet, chaque semaine, un rapport confirmant sa présence, mais on ne sait rien quant à ses actions.

On laisse accuser d'assassinat ­ ces individus ont ainsi atteint leur objectif ­ et l'Office des étrangers et les gendarmes qui ont reconduit cette personne via Madrid. Je ne peux rien vous dire de plus, monsieur le ministre.

Chez nous, le nombre d'intégristes tunisiens est en augmentation et non en diminution. Notre pays, en quelque sorte « inexistant » pour ce qui est de la protection des enfants l'est également quant à la protection contre les criminels. Or, il s'agit véritablement de criminels. Une commission d'enquête est actuellement en cours sur la grande criminalité. Il ne faut pas aller loin pour la trouver : nous vous avons cité des noms bien précis. Nous pouvons vous en fournir davantage. Il ne s'agit pas seulement d'intégristes; ils travaillent avec un nombre important de Belges, qui ont d'importantes connexions, dans de nombreux autres secteurs. On est donc aveugle, dans ce pays !

M. De Clerck, ministre de la Justice. ­ Ne recommencez pas à lancer des accusations sans donner de précisions. Expliquez-moi ce que ces intégristes font, avec qui et comment. Cela m'intéresse. J'attends donc des informations détaillées de votre part.

Mme Lizin (PS). ­ Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises : ces personnes sont dangereuses et méritent d'être expulsées.

M. De Clerck, ministre de la Justice. ­ Cela ne suffit pas de dire qu'elles sont dangereuses. Je veux que vous m'indiquiez ce qui se passe exactement, notamment en ce qui concerne l'implication de Belges dans ces affaires.

Mme Lizin (PS). ­ Renseignez-vous donc auprès de la section « anti-terrorisme ». Les membres de votre police sont écoeurés de constater que l'on ne poursuit pas ces personnes et qu'on les laisse, eux, risquer leur vie face à ces hommes, sans leur donner aucune protection. Comment expliquer ce manque de réaction par rapport à des criminels reconnus qui, en outre, revendiquent leurs crimes jusque devant les caméras des télévisions occidentales et prétendent que les membres du GIA sont de bons musulmans ?

Je ne souhaite pas poursuivre cette polémique mais, je le répète, le nombre d'intégristes augmente et on ne fait rien... Je crains que ce dossier évolue comme dans le cas de Julie et de Mélissa.

Vous suiviez les réseaux pédophiles quinze jours avant la découverte de leurs corps, monsieur le ministre. Vous suivez également les réseaux terroristes...

M. le Président. ­ La parole est à M. Foret.

M. Foret (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je suis tout à fait d'accord avec les propos que vient de tenir Mme Lizin. Nous disposons de preuves très claires en ce qui concerne ce dossier. Par conséquent, nous ne pouvons nous contenter de regretter. L'heure est à l'action.

M. le Président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.

Mesdames, messieurs, l'ordre du jour de la réunion publique de la commission de la Justice est ainsi épuisé.

De agenda van de openbare vergadering van de commissie voor de Justitie is afgewerkt.

La séance est levée.

De vergadering is gesloten.

(La séance est levée à 15 h 25 m.)

(De vergadering wordt gesloten om 15 h 25 m.)