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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales des réunions publiques de commission

Handelingen van de openbare commissievergaderingen

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

COMMISSIE VOOR DE SOCIALE AANGELEGENHEDEN

SÉANCE DU MARDI 26 NOVEMBRE 1996

VERGADERING VAN DINSDAG 26 NOVEMBER 1996

(Vervolg-Suite)

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE M. SANTKIN AU MINISTRE DE LA SANTÉ PUBLIQUE ET DES PENSIONS SUR « LA MALADIE D'ALZHEIMER : COORDINATION DES MESURES ET FORMATION DES INFIRMIERS ET DES GARDE-MALADES »

VRAAG OM UITLEG VAN DE HEER SANTKIN AAN DE MINISTER VAN VOLKSGEZONDHEID EN PENSIOENEN OVER « DE ZIEKTE VAN ALZHEIMER : COORDINATIE VAN DE MAATREGELEN EN OPLEIDING VAN VERPLEEGKUNDIGEN EN ZIEKENOPPASSERS »

Mme la Présidente. ­ L'ordre du jour appelle la demande d'explication de M. Santkin au ministre de la Santé publique et des Pensions sur « la maladie d'Alzheimer : coordination des mesures et formation des infirmiers et des garde-malades ».

La parole est à M. Santkin.

M. Santkin (PS). ­ Madame la Présidente, avant d'aborder le sujet de ma demande d'explications, j'émettrai quelques réflexions. Je crois que le ministre connaît parfaitement mon intérêt quasi permanent pour la problématique de la maladie d'Alzheimer. Je ne suis pas le seul mais, au niveau parlementaire, en tout cas, j'ai voulu accomplir un certain nombre de démarches pour que cette problématique retienne notre attention.

En cette matière, mon ambition n'est pas démesurée, bien au contraire. Elle vise tout simplement à ce que l'on parle de cette maladie, que l'on y réfléchisse et que l'on tâche de dégager des solutions pour une meilleure prise en charge des personnes atteintes et pour aider leurs proches qui en ont la charge.

Il s'agit d'une problématique très complexe puisqu'elle revêt des aspects médicaux, sociaux, juridiques et aussi économiques. Différents niveaux de pouvoir sont concernés et il est donc particulièrement difficile d'avoir une vue globale en cette matière et de mener une politique coordonnée. Néanmoins, il m'a semblé nécessaire d'entamer un débat sur ce sujet et, pour cette raison, je me permets d'adresser une demande d'explications au ministre fédéral de la Santé tout en reconnaissant que l'ensemble des compétences fédérales est concerné.

J'en viens à présent à ma demande d'explications proprement dite.

La maladie d'Alzheimer se caractérise par une dégénérescence irréversible et incurable du cerveau qui atteint principalement les personnes âgées. Elle entraîne pour les personnes qui en souffrent une perte totale d'indépendance liée à des problèmes physiques graves qui vont jusqu'à l'interruption de l'alimentation et jusqu'à la mort, dans des conditions particulièrement pénibles et difficiles à supporter pour les personnes qui accompagnent le malade.

Selon les estimations, 100 000 personnes en Belgique sont atteintes d'une démence, dont 65 p.c. sont de type Alzheimer. Autrement dit, une famille sur dix est actuellement confrontée quotidiennement aux difficultés liées à cette maladie. En l'an 2000, le nombre estimé de nouveaux cas de maladie d'Alzheimer se situerait entre 9 000 et 18 000.

Les conséquences de la maladie replacée dans le contexte démographique et social, compte tenu du vieillissement de la population, sont inquiétantes pour ne pas dire alarmantes. Comme le souligne le Parlement européen qui met en évidence l'inertie des pouvoirs publics des États membres en cette matière, elles imposent aux autorités publiques responsables la définition et le développement d'une stratégie appropriée, en ce qui concerne non seulement les aspects économiques et budgétaires, mais aussi les aspects sociaux, médicaux et psychologiques qu'elles posent. À ce titre, le Parlement européen insiste notamment sur la nécessaire coopération entre les services sociaux et les services de santé ainsi que sur l'institution de formations spécifiques des professionnels de la santé.

Cela dit, permettez-moi de vous interroger sur les points suivants, monsieur le ministre.

En ce qui concerne la coopération entre les services sociaux et les services de santé mentale, bien qu'il existe en Belgique une grande diversité de mesures légales qui garantissent la protection des personnes plus vulnérables, en ce compris les patients atteints de la maladie d'Alzheimer, on peut mettre en évidence la difficile coordination de leur application. À cet égard, envisagez-vous de prendre des dispositions ou d'initier une politique qui permettent de mettre fin au cloisonnement sensible qui existe actuellement entre les soins, les aides et les services à la personne dépendante ? Si oui, pouvez-vous nous en donner les lignes directrices ?

En ce qui concerne la formation spécifique des professionnels de la santé, existe-t-il des initiatives réglementaires qui auraient pour objet de définir des normes en vue de l'obtention du titre d'infirmier gradué ou d'infirmière graduée en santé mentale ou du titre d'infirmier gradué ou d'infirmière graduée en gériatrie et, dans ce cadre, envisage-t-on l'intégration de dispositions spécifiques qui mettraient l'accent sur une formation adaptée à la problématique soulevée ? Existe-t-il des initiatives réglementaires qui viseraient à donner un contenu à la profession d'aide soignante ou de garde-malade et qui retiendraient des dispositions spécifiques pour une prise en charge adaptée, par exemple, pour les patients atteints de maladie de type Alzheimer.

Je vous remercie d'avance pour les réponses que vous voudrez bien m'apporter.

Mme la Présidente. ­ La parole est à M. Colla, ministre.

M. Colla, ministre de la Santé publique et des Pensions. ­ Madame la Présidente, je connais très bien l'intérêt de M. Santkin pour cette problématique, à juste titre d'ailleurs. Il est heureux que les parlementaires s'occupent de tels sujets.

Les questions que vous me posez, monsieur Santkin, sont importantes mais également difficles parce qu'elles touchent de nombreuses compétences. Et vous avez raison de souligner l'intérêt d'une politique intégrée sans laquelle on manque toujours le but poursuivi.

La politique que je tiens à mener comporte deux grands axes qui ne visent pas spécifiquement la maladie d'Alzheimer mais dont le succès permettrait de rencontrer cette problématique. Un collaborateur qui a récemment rejoint mon cabinet est chargé de me brosser un tableau des maladies les plus importantes qui provoquent la mort dans notre pays. Quelles sont les maladies nouvellement apparues ou celles qui réapparaissent ­ je pense notamment à la tuberculose ? Quelles sont les maladies qui, sans provoquer nécessairement la mort, dégradent considérablement la qualité de vie des patients ? En ce qui concerne les maladies les plus importantes, j'ai également demandé qu'il me fasse un bilan des politiques menées et des actions développées sur le terrain. Prenons, par exemple, la recherche.

Vous savez forcément, monsieur Santkin, que le département de la Santé publique met à la disposition du Fonds national pour la recherche scientifique quelque 190 millions. Je pense qu'ils sont bien utilisés mais lorsque nous avons eu une discussion sur le diabète, j'ai demandé qu'une partie de cette somme soit consacrée à la recherche en ce domaine.

Il faut tout d'abord examiner les possibilités dont nous disposons pour encourager la recherche. Comment utiliser au mieux les moyens financiers destinés au traitement des maladies les plus graves ?

Il convient ensuite de déterminer les lacunes et de cerner les problèmes qui se posent dans le domaine de la politique appliquée aux médicaments. La prise d'initiatives est-elle possible ?

Enfin, ne serait-il pas utile de coordonner les politiques fédérale et communautaires ? Ne serait-il, par ailleurs, pas possible d'envisager une coordination des soins dispensés dans les institutions ? Sur la base de votre question, j'ai tenté de déterminer le nombre d'établissements qui doivent ou peuvent intervenir dans le traitement de la maladie d'Alzheimer. Je puis vous assurer qu'ils sont nombreux. La maladie d'Alzheimer figurera donc sur la liste des points à définir.

Il ne m'est pas possible de vous fournir une réponse plus complète à l'heure actuelle. Je vous ai livré les grandes lignes de la politique globale que je compte mener. J'espère que mon collaborateur me fournira très rapidement les indications et les suggestions relatives à chacune de ces maladies. Je pourrai alors en discuter avec mes collègues des communautés.

Outre les démarches à accomplir au sein de notre pays, il convient d'intervenir à l'échelle internationale. À l'issue de sa visite à la commission mixte de la Santé publique et des Affaires étrangères, j'ai reçu M. Nakajima en mon cabinet. À cette occasion, j'ai évoqué le problème de la maladie d'Alzheimer. Comme vous le savez, le centre belge ­ dont l'idée émane en fait de l'Organisation mondiale de la santé ­ est subsidié par les communautés. J'ai discuté de la maladie d'Alzheimer avec M. Nakajima afin de lui suggérer une meilleure coordination de l'action internationale. M. Nakajima a marqué son accord de principe. Je n'ai malheureusement pas pu assister à la réunion plénière qui a eu lieu voici deux mois. Je me rendrai néanmoins à Genève en janvier prochain et ne manquerai pas d'évoquer la question.

Le problème des diplômes et des titres d'infirmiers en psychiatrie et en gériatrie est très vaste. Certains aspects me préoccupent d'ailleurs tout particulièrement. Je constate en effet que la délivrance des diplômes d'infirmier et d'infirmière par les écoles, instituts et universités ne s'opère pas de la même manière en Flandre et en Wallonie. L'enseignement dispensé y est également différent. La formation d'infirmier gradué dure quatre ans en Wallonie. L'étudiant choisit sa spécialisation en quatrième année. En Flandre, ces études durent trois ans. Le choix de la spécialisation s'effectue déjà en deuxième année. Je crains donc l'établissement de différences en termes de qualité.

Par ailleurs, outre le problème des titres scolaires, il convient d'examiner les besoins sur le terrain. De temps à autre, j'ai l'impression que l'enseignement dicte les besoins en matière de soins de santé alors que ce devrait précisément être l'inverse !

Actuellement, cinq titres professionnels sont reconnus sur la base d'un arrêté royal. De nouveaux arrêtés ministériels seraient nécessaires pour donner un contenu précis à des titres professionnels tels que ceux d'« infirmière en gériatrie » et « infirmière en psychiatrie ». À cet égard, un arrêté ministériel est actuellement en préparation mais j'ai l'intention, conformément à la note de politique générale accompagnant le budget, d'organiser avant sa publication une table ronde avec les infirmières, les syndicats, les organisations professionnelles, le Conseil national et surtout avec les travailleurs actifs sur le terrain, et ce afin de définir avec les intéressés la politique la plus adéquate à mener en la matière.

Je pense, par exemple, que la multiplication des titres professionnels risque, à un moment donné, de placer l'infirmière généraliste dans une situation identique à celle des médecins généralistes vis-à-vis des spécialistes. Il y a « de bijzondere beroepstitels » mais il y a aussi « de bijzondere beroepsbekwaamheden ». Par conséquent, il me semble indispensable d'étudier avec les intéressés la meilleure façon d'agir. Actuellement, nous disposons de titres professionnels en pédiatrie, en psychiatrie, en gériatrie pour les infirmières sociales, ainsi que de titres spéciaux en matière de soins prodigués dans les services de soins intensifs et les services de soins d'urgence. Rien n'est encore prévu en ce qui concerne les infirmières hospitalières ou les infirmières généralistes.

Je plaide pour l'instant en faveur de la création d'un titre de généraliste et d'une spécialisation ultérieure par le biais des « beroepsbekwaamheden ». Cette approche permettrait une diversification précoce des connaissances professionnelles dans un certain nombre de domaines, notamment dans celui qui intéresse M. Santkin. Quoi qu'il en soit, je tiens absolument à examiner ces problèmes en concertation avec le corps infirmier pour déterminer dans quelle direction nous pourrions nous engager.

M. Santkin a également évoqué le statut d'aide-soignant/garde-malade, titre qui, selon mes informations, n'a actuellement aucune base légale en dépit de la situation sur le terrain. Nous pensons à ce propos créer un poste d'« assistant en logistique », lequel pourrait contribuer à donner du travail à des personnes ne trouvant pas d'emploi. Le rôle de ces assistants serait d'apporter une aide tout en restant, bien entendu, sous la responsabilité des infirmiers et des infirmières.

Je ne suis actuellement pas en mesure de donner des réponses adéquates aux questions importantes que vous avez posées. Je vous ai plutôt décrit le cadre par lequel j'essaierai de résoudre les problèmes qu'à juste titre, vous évoquez. Nous devons nous préoccuper des personnes atteintes de cette maladie, d'autant plus qu'en raison du vieillissement de la population, leur nombre ne va cesser d'augmenter et que les problèmes seront encore plus graves dans les années à venir. Nous devons donc tenter de trouver des solutions, dans la direction qu'indiquent d'ailleurs vos questions.

Mme la Présidente. ­ La parole est à M. Santkin.

M. Santkin (PS). ­ Madame la Présidente, je voudrais tout d'abord exprimer ma satisfaction par rapport à la volonté ferme du ministre d'aborder cette problématique.

Jusqu'à il y a peu, je vous l'avoue, monsieur le ministre, je ne dirai pas que je doutais de votre bonne volonté, mais, en tout cas, je m'interrogeais quant à la priorité que le département de la Santé publique voulait accorder à cette problématique.

La progression de la maladie d'Alzheimer donne lieu à un constat alarmant. Quelle que soit la tribune à laquelle on évoque l'évolution de notre société, le vieillissement de la population de même que ses conséquences sont mis en évidence.

J'avais l'impression, récemment encore, que l'on n'allait pas jusqu'au bout du raisonnement, que l'on ne tirait pas toutes les conclusions, surtout en termes de décisions à prendre sur le plan politique, pour rencontrer à temps cette problématique.

Ma seule ambition était de susciter une discussion de fond qui soit, en outre, coordonnée. Les difficultés que pose cette coordination entre les différents niveaux de pouvoir m'ont souvent préoccupé. Dans ce domaine particulier, la coordination sera ­ j'insiste sur ce point ­ très difficile à réaliser. À cet égard, les conférences interministérielles ­ il est malaisé, je le sais, de trouver d'autres formules ­ impliquent une procédure aussi lourde que lente. Si l'on veut mener une politique coordonnée, il conviendrait au moins d'assouplir cette formule.

Quand un problème important surviendra en la matière, c'est le ministre fédéral de la Santé ­ il existe des précédents dans d'autres pays ­ qui sera montré du doigt !

Je vous appuierai donc, monsieur le ministre, dans le cadre des démarches visant à demander que le département de la Santé publique dispose de tous les éléments nécessaires pour lui permettre d'avoir une vision globale et d'orienter les décisions dans la bonne voie.

En ce qui concerne les titres, je partage assez votre point de vue. Mener des discussions avec les infirmières pour déterminer la direction qu'il convient de prendre constitue une bonne initiative. Il n'appartient effectivement pas aux établissements scolaires de définir les besoins, puisque leur rôle est d'y répondre. C'est le ministre de la Santé qui définit les exigences, en termes de contenu des programmes, en ce qui concerne les obligations en matière de santé publique. Les établissements scolaires n'ont pas à imposer leurs vues quant aux solutions à apporter aux problèmes de santé publique. Le fait de devoir mener des discussions constructives avec les responsables de l'enseignement des différentes parties du pays complique, j'en conviens, la situation. Je suis parfaitement conscient des difficultés surgissant dès qu'il s'agit de toucher de près ou de loin à l'organisation de l'enseignement.

À ce sujet, je vous lance à nouveau un appel, monsieur le ministre, pour qu'au nom d'une vision globale, vous fassiez bien passer le message qu'à l'échelon de l'enseignement supérieur non universitaire mais aussi universitaire, les cours des cycles normaux des études se doivent d'aborder la problématique de la maladie d'Alzheimer. Il faut également que des recyclages soient prévus pour les professionnels diplômés depuis un certain temps. En effet, la plupart des médecins généralistes ne connaissent pas ou de façon insuffisante la problématique d'Alzheimer. Ce n'est pas moi qui l'affirme, ils l'avouent eux-mêmes. Cette méconnaissance met en difficulté ces médecins qui sont en première ligne, face aux familles des malades. Bien souvent, ils ignorent les conseils à donner à l'entourage.

Pour aller jusqu'au bout de la filière ­ j'ai abordé ce point dans ma deuxième question ­, il faut également veiller à améliorer la formation du personnel travaillant dans les maisons de repos et de soins, sans oublier le personnel soignant à domicile. En effet, plus de 80 p.c. des patients atteints de la maladie d'Alzheimer restent dans leur milieu familial, ce qui est assez paradoxal lorsqu'on sait les contraintes que cela impose à l'entourage.

En conclusion, dans un pays comme le nôtre, il est essentiel de garder une certaine maîtrise des problèmes de santé publique. Il ne s'agit nullement de dicter leur conduite aux autres niveaux de pouvoir, mais bien de les placer devant leur responsabilité, en les informant non seulement du constat fait par le département fédéral de la Santé publique, mais aussi des orientations décidées et des coordinations à mettre en place. En tant que ministre de la Santé publique, il vous incombe de veiller à ce que tous les niveaux de pouvoir de notre pays adhèrent à une démarche globale permettant de rencontrer la problématique évoquée.

Mme la Présidente. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.

L'ordre du jour de la réunion publique de la commission des Affaires sociales est ainsi épuisé.

De agenda van de openbare vergadering van de commissie voor de Sociale Aangelegenheden is afgewerkt.

La séance est levée.

De vergadering is gesloten.

(La séance est levée à 12 h 05 m.)

(De vergadering wordt gesloten om 12 h 05 m.)