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Sénat de Belgique |
Belgische Senaat |
Annales des réunions publiques de commission |
Handelingen van de openbare commissievergaderingen |
COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES |
COMMISSIE VOOR DE BINNENLANDSE EN ADMINISTRATIEVE AANGELEGENHEDEN |
SÉANCE DU MARDI 30 AVRIL 1996 |
VERGADERING VAN DINSDAG 30 APRIL 1996 |
M. le Président. L'ordre du jour appelle la demande d'explications de M. Destexhe au ministre de la Fonction publique sur « la rénovation du Berlaymont et l'installation des institutions européennes à Bruxelles ».
La parole est à M. Destexhe.
M. Destexhe (PRL-FDF). Monsieur le Président, il me semble que les membres de la commission hésitent à nous rejoindre. Peut-être sont-ils effrayés par la proximité du Berlaymont et le risque de contamination ?
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Je suis très souvent à proximité de ce bâtiment. Ai-je l'air contaminé ?
M. Destexhe (PRL-FDF). Peut-être...
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Après tout, c'est vous le médecin.
M. le Président. Je vous propose d'en venir à l'objet de votre demande d'explications, monsieur Destexhe.
M. Destexhe (PRL-FDF). Mon intervention portera sur trois points : la contamination, ses conséquences et le long terme.
En ce qui concerne la contamination, je souhaitais initialement me limiter à une simple demande d'explications, mais je me vois forcé de mettre en cause la gestion de l'information tant en ce qui concerne les risques encourus que les incidents de contamination qui ont, semble-t-il, bien eu lieu si l'on en croit la presse. Les informations alarmantes ne datent pas de la semaine dernière; les premières sont apparues fin mars. À la même époque, vous avez annoncé que toutes les mesures de prévention et de contrôle seraient prises et qu'un expert indépendant serait nommé. Le 4 avril, vous avez affirmé qu'aucun arrêt de chantier ne s'était produit jusque-là et qu'il n'y avait pas lieu de l'envisager à l'avenir. Cette déclaration était sans doute un peu prématurée car, deux semaines plus tard, le 19 avril, le chantier fut interrompu après un dépassement du fameux seuil de 0,005. Je ne sais pas trop ce qu'il représente; j'espère que vous pourrez nous l'expliquer.
Il y a donc bien eu contamination. Quelle est son origine ? Quelles sont les conséquences pour la population ? Quelles sont les mesures prises et surtout, pourquoi s'est-il écoulé un tel délai de cinq à six jours entre l'incident de contamination proprement dit et le moment où vous en avez officiellement informé le public et encore, à travers la presse ? Vous avouerez qu'un tel délai pour un incident de contamination, pour un dossier qui retient l'attention d'un large public, est excessif. Cela m'amène à vous interroger sur la politique d'information, de communication et de transparence vis-à-vis de l'opinion que vous avez adoptée dans ce dossier. Le moins que l'on puisse dire est que dans le courant du mois d'avril, les informations les plus contradictoires ont circulé à ce sujet.
J'en viens au deuxième point relatif aux conséquences directes de ces incidents de contamination. Ces derniers vous incitent-ils à remettre en cause le choix du procédé de décontamination ? Je crois qu'une dizaine de sociétés ont répondu à l'appel d'offres. Il semble que vous ayez choisi et c'est une question, pas une critique une voie plutôt économique, alors que d'autres solutions plus chères semblaient offrir davantage de sécurité. Beaucoup de questions se sont fait jour à propos de ces fameux camions qui évacueraient des déchets...
M. le Président. Monsieur Destexhe, puis-je vous demander de vous tenir au texte que vous avez remis ?
M. Destexhe (PRL-FDF). Monsieur le Président, dans une demande d'explications, nous ne sommes pas tenus de nous limiter au texte.
M. le Président. Si vous souhaitez que le ministre vous réponde avec toute la précision voulue, il faut, bien sûr, que votre demande ait été suffisamment explicite.
M. Destexhe (PRL-FDF). Monsieur le Président, entre le moment où j'ai introduit la demande d'explications et aujourd'hui, des articles traitant de ce sujet ont été publiés dans les journaux à peu près tous les jours.
M. le Président. Monsieur Destexhe, le ministre n'est pas censé lire la presse tous les jours. Par contre, il est supposé avoir pris connaissance de votre question.
M. Destexhe (PRL-FDF). Dans ma demande d'explications, il était très clairement question des incidents de contamination. Il me semble que le ministre peut répondre sur un tel sujet.
Monsieur le Président, je m'étonne de votre remarque qui me semble quelque peu surréaliste.
M. le Président. Elle n'est pas du tout surréaliste.
M. Destexhe (PRL-FDF). À mon sens, le ministre en charge d'un dossier doit en connaître le contenu.
Je réitère donc ma question : ces incidents incitent-ils le ministre à remettre le procédé de décontamination en cause ?
Quant aux éléments parus dans la presse à propos des camions qui évacueraient des déchets sans protection, il me semble que le ministre devrait également pouvoir nous informer à ce sujet, même si le texte de ma demande d'explications n'y fait pas allusion.
M. le Président. Votre texte ne développe aucun élément à cet égard, monsieur Destexhe.
M. Destexhe (PRL-FDF). Ce sujet fait partie de l'actualité, monsieur le Président.
M. le Président. Il m'appartient de veiller au respect du Règlement du Sénat.
M. Destexhe (PRL-FDF). Selon ce Règlement, le texte de la demande d'explications doit reprendre synthétiquement les points que le parlementaire se propose de développer. J'ai le sentiment de m'exécuter correctement.
J'en viens au point concernant le retard des travaux. Quelle est la partie du bâtiment actuellement contaminée ? Ces travaux devaient durer cinq cents jours. Deux cent trente jours se sont actuellement écoulés, soit la moitié. Vous avez parlé de l'échéance du 1er janvier 1997. Pensez-vous pouvoir la respecter ?
Comment entrevoyez-vous le déroulement futur des travaux ? La revue de presse que j'ai lue récemment est extrêmement instructive au sujet du retard des travaux. Nous fêterons le cinquième anniversaire du débat des travaux du Berlaymont en mai 1996. En 1991, la presse évoquait une durée de quatre ans. Fin 1991, on prévoyait le relogement des fonctionnaires en 1996. En janvier 1993, Le Soir titrait : « La mue du Berlaymont durera jusqu'en 1998. » L'issue des travaux de décontamination était alors prévue pour fin 1994. Un cabinet ministériel, dénonçant l'immobilisme, déclarait que les choses allaient avancer. Le 1er avril 1994 était-ce une farce ? , La Libre Belgique annonçait : « La fin du problème de l'amiante en 1995 au Berlaymont. » En 1994, on évoquait la fin 1999. La Libre Belgique déclarait : « Le Berlaymont voit le bout du tunnel. »
Aujourd'hui, le 30 avril 1996, j'aimerais connaître vos prévisions pour la fin des travaux.
J'aimerais également que vous évoquiez la question des loyers. Est-il exact que ce bâtiment entraîne un surcoût de 1,4 milliard de francs par an ? Avez-vous déjà des plans pour la rénovation ? Y aura-t-il un appel d'offres ? Comment la procédure de rénovation se déroulera-t-elle ? Où en sont les négociations avec la Commission au sujet du prix du futur loyer de ces bâtiments, l'ancien prix étant de 468 millions de francs belges par an ?
Je suppose, par ailleurs, que vous êtes conscient du fait que les baux des immeubles actuellement occupés par la Commission expirent à la fin de 1999. Dès lors, si le bâtiment du Berlaymont n'est pas prêt à cette date, nous serons confrontés à un problème de relogement des fonctionnaires.
Le troisième point de ma demande d'explications vise à savoir si vous élaborez une politique à long terme d'implantation des bâtiments des institutions européennes à Bruxelles. Historiquement, vous savez que la présence des institutions européennes à Bruxelles relève un peu du hasard et de la chance. Le Parlement belge a renoncé à défendre Bruxelles comme lieu d'implantation définitif du Parlement européen. Une série de menaces planent sur certaines agences. Je pense notamment à l'agence NACISA dans le cadre de l'OTAN. Bonn a fait plusieurs offres tendant à attirer des institutions européennes. Des dizaines de milliers de mètres carrés de surface de bureaux se libéreront prochainement à Bonn lorsque le gouvernement allemand déménagera. Quelle est dès lors la politique que vous comptez mener à long terme dans le cadre de l'implantation des institutions européennes ?
Enfin, je me suis livré à un rapide calcul. La rénovation coûterait, selon vous, 10 milliards, alors que le chiffre cité initialement était de 12 milliards. La décontamination coûtera 1,5 milliard, les frais de transfert et de « surloyers » à charge du Gouvernement s'élevaient pour l'année 1991 à 2 milliards et le surcoût de la location des nouveaux locaux sera de 1 milliard par an, de 1992 à l'an 2000. L'addition de ces chiffres nous amène, en ce qui concerne le coût global du déménagement, dans une fourchette de 20 à 25 milliards. C'est énorme, d'autant plus que, selon les évaluations initiales, réalisées par MM. Dehaene et Dupré à l'époque où ils étaient responsables du dossier, le prix de la rénovation du bâtiment était évalué à 5 milliards, chiffre mentionné dans une note rédigée par M. Dehaene lorsqu'il était ministre des Communications.
Selon vous, monsieur le ministre, cette addition de 20 à 25 milliards est-elle une estimation plausible de l'ensemble de l'opération ?
En ce qui me concerne, je pense que cette plaisanterie coûtera très cher aux contribuables, surtout si l'on se réfère à l'évaluation de départ.
M. le Président. La parole est à M. Flahaut, ministre.
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Monsieur le Président, les travaux du Berlaymont constituent effectivement un chantier symbolique... et un sujet sensible fréquemment évoqué par la presse.
Je voudrais tout d'abord préciser quelques éléments relatifs à la situation actuelle. Il est exact, ainsi que l'a signalé M. Destexhe, que j'ai pris la responsabilité d'arrêter le chantier lorsque les premiers appareils de détection du nombre de fibres dans l'air aux abords du Berlaymont ont indiqué le dépassement du seuil de tolérance.
En fait, dans ce cas particulier, les normes sont très strictes. Pour un chantier normal, elles se situent à une cinquantaine de fibres par litre d'air, alors qu'en ce qui concerne ce chantier, elles sont fixées à dix fibres par litre d'air. Autour du Berlaymont, plus de 120 appareils de contrôle placés tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du bâtiment mesurent en permanence le respect de cette norme. Ces appareils de première mesure déclenchent la procédure d'arrêt ou de suspension du chantier dans certaines ailes du bâtiment. Vous savez comme moi que si des personnes restent dans un local pendant un certain temps, on pourra enregistrer la présence de fibres dans l'air.
La deuxième étape, en cours actuellement, est l'analyse au microscope électronique et via des procédés scientifiques que vous comprendrez sans doute mieux que moi de la nature des fibres. Les responsables du chantier veilleront également à identifier l'origine des fibres. En effet, à certains endroits, l'amiante présente dans les freins de certains véhicules peut aussi engendrer la propagation de certaines fibres dans l'atmosphère. Nous attendons pour cet après-midi les premiers résultats des analyses. Entre-temps, le chantier est bien entendu suspendu.
Par ailleurs, j'ai lu ce matin que certains « sabotages » auraient pu se produire, des personnes ayant agité devant les appareils de mesure des éléments contenant des fibres ou susceptibles d'en contenir. Une enquête est en cours à ce sujet.
En outre, derrière la bâche blanche extérieure en quelque sorte le papier d'emballage d'une boîte de biscuits ! , se trouve une autre bâche hermétique, dont l'étanchéité est contrôlée en permanence grâce au procédé dit des fumées : on crée une dépression pour s'assurer qu'aucune fuite n'est possible vers l'extérieur.
M. Destexhe (PRL-FDF). Les fuites auraient lieu via les ascenseurs, dit-on.
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Le sas des ascenseurs est lui-même isolé. Les sacs à double paroi contenant les éléments contaminés sont ainsi descendus, déposés dans des containers, également à double enveloppe. Ceux-ci sont scellés et chargés sur des camions, eux-mêmes contrôlés.
À cet égard, « on » a dit la rumeur est reine dans ce dossier ! que des camions étaient partis sans contrôle, que certains éléments auraient été propagés dans la nature, que les contrôles étaient insuffisants...
J'attends toujours des preuves, écrites ou autres. Quand les contrôleurs du chantier ou moi-même constatons une anomalie, des mesures sont prises immédiatement. Ainsi, quand nous avons remarqué qu'à certains endroits, les seuils étaient dépassés, j'ai tout de suite pris la décision de suspendre le chantier.
En ce qui concerne le premier incident que vous avez évoqué, je voudrais d'emblée préciser que le chantier n'a pas été arrêté en raison de problèmes d'amiante mais simplement parce qu'un groupe électrique était en panne et que d'autres machines devaient être entretenues. Cela n'avait strictement rien à voir avec l'enlèvement de l'amiante et le chantier a simplement été arrêté pour une cause imprévue ainsi que pour des raisons d'entretien. Cela signifie qu'il n'y avait pas à intervenir d'une façon ou d'une autre. Mais quand j'ai répondu qu'il n'y avait aucune raison d'arrêter le chantier, j'aurais peut-être dû ajouter « dans l'immédiat ». C'est toujours le même problème : on vous interroge longuement mais on ne diffuse qu'une séquence de l'interview. Si l'on avait diffusé la totalité de l'interview que j'avais accordée à ce moment-là certaines chaînes, notamment TV Brussel, en ont passé de longs extraits , on aurait pu constater qu'à la question à cinq francs « pouvez-vous garantir qu'il n'y aura pas de problème sur le chantier ? », j'avais répondu que toutes les dispositions étaient prises, mais en ajoutant que l'on pouvait attraper la grippe même en étant vacciné !
M. Destexhe (PRL-FDF). En effet, et je suis médecin...
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. En effet, mais c'est bien la formule que j'avais utilisée, parce que tout le monde la comprend.
Quand le premier problème s'est posé, un certain émoi a été créé, notamment par des journaux spécialisés, lesquels sont d'ailleurs bien informés puisque je pratique une politique de transparence et que j'ai moi-même des contacts directs avec les personnes qui vous ont sans doute également contacté pour préparer votre intervention d'aujourd'hui. Il y a donc eu un début de panique et M. Gosuin a demandé à l'Institut bruxellois de gestion de l'environnement d'effectuer des contrôles sur place, ce qui fut fait. Les études ont révélé qu'il n'y avait pas eu de dépassement à ce moment-là et qu'il n'y avait pas lieu d'arrêter le chantier.
Que s'est-il passé cette fois-ci ? Nous avons constaté nous-mêmes les dépassements et nous avons suspendu les travaux du chantier. Des mesures ont été effectuées. Elles sont actuellement analysées en vue de déterminer les sources du dépassement. Un responsable du cabinet de M. Gosuin a déclaré, voici quelques jours, qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter malgré le constat d'un dépassement de très courte durée. Il a précisé que des analyses étaient en cours.
Pour ce qui est de la gestion du dossier, depuis le moment où j'ai pris la décision de tel type de décontamination, j'ai mis un point d'honneur à assurer un maximum de transparence et à donner un maximum d'informations concernant ce chantier. Je reste à la disposition du Parlement pour qu'à l'occasion d'une prochaine visite du chantier du Berlaymont, les sénateurs et les députés viennent constater eux-mêmes comment les choses se passent. Cela a déjà été fait avec la presse et je compte recommencer l'expérience, précisément pour montrer que des garanties sont prises.
M. Destexhe (PRL-FDF). C'est une excellente idée. Je voulais d'ailleurs vous faire cette proposition en conclusion de ma demande d'explications. Venant de vous, c'est encore plus fort !
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Je propose donc de faire cette visite avec les commissions parlementaires compétentes. En effet, il n'y a rien à cacher au Berlaymont, qui est sans doute un des chantiers les plus strictement contrôlés, notamment parce qu'il s'agit de la symbolique européenne, mais aussi parce que des fonctionnaires européens ont dû évacuer les lieux et sont, de ce fait, très sensibles à ce qui s'y passe. Si je dis que ce chantier est strictement contrôlé, je fais allusion non seulement au nombre de contrôles mais aussi au nombre de comités d'accompagnement ainsi qu'à la sévérité des normes.
Nous allons donc continuer à travailler comme nous l'avons fait. Récemment encore, j'ai fait désigner un expert indépendant par la société anonyme Berlaymont 2000 et il est prévu de renforcer les rapports avec la Commission européenne, elle-même très attentive à ce dossier. J'ai des contacts fréquents avec mon homologue à la Commission européenne, M. Liikanen, non seulement pour les écoles européennes, mais aussi pour le Berlaymont. Nous nous voyons personnellement au moins une fois par mois car, outre l'aspect technique des dossiers, il y a lieu également d'en gérer l'aspect politique et nous veillons à répondre précisément aux questions posées.
Voici un mois, la Commission européenne a envoyé à Berlaymont 2000 une lettre contenant des questions très précises. J'ai demandé aux responsables de la Régie des Bâtiments et de Berlaymont 2000 d'y répondre, et la Commission européenne m'a fait savoir qu'elle était très satisfaite des éléments fournis.
J'estime donc que la transparence est totale. En termes de communication, je préfère exposer les situations telles qu'elles sont et signaler que le chantier a été arrêté à mon intervention plutôt que de laisser les choses se passer en stoemelings. Je préfère anticiper les situations plutôt que de les subir.
D'une manière générale, je souhaiterais que l'on souligne davantage les aspects positifs des dossiers plutôt que les détails négatifs qui finissent par prendre une ampleur considérable et créent une sorte de psychose du Berlaymont, comparable à celle de la vache folle. Avant que l'on découvre les problèmes de la vache folle, tout le monde appréciait de déguster un excellent morceau de viande provenant de Grande-Bretagne.
Nous devons essayer de garder la tête froide et de rester raisonnables dans l'approche des dossiers par une bonne politique de communication.
Évidemment, le titre « Attention, le Berlaymont est une véritable bombe » ou le fait que l'on aurait consacré 20 à 25 milliards depuis dix ans pour héberger l'Europe dans le Berlaymont marqueront davantage que les explications objectives et complètes que j'essaie de vous donner aujourd'hui sur ce dossier.
Vous me demandez si l'incident donnera lieu à une remise en cause de la technique retenue. Je suis ministre depuis le 23 juin 1995 et c'est l'un des premiers dossiers importants que j'ai dû traiter puisque je l'ai signé à la mi-juillet. Deux techniques étaient possibles : soit l'enlèvement mécanique de tous les éléments comportants de l'amiante dans le Berlaymont, soit la vitrification. C'est la première technique qui a été retenue : les éléments récupérés sont placés dans des sacs à double paroi, lesquels sont transportés par un itinéraire isolé. Les unités où s'effectue le travail sont pourvues de double sas. De plus, pour les ouvriers, des combinaisons et des masques spéciaux sont prévus, de même que des passages sous douche.
Ces sacs arrivent dans des conteneurs à double paroi, lesquels sont placés dans des camions plombés qui sont envoyés à proximité d'Anvers où tout est coulé dans du béton. Ces blocs de béton sont ensuite placés dans une décharge contrôlée dans les environs d'Anvers.
L'autre technique, qui n'a pas été retenue, présentait certains inconvénients, pas uniquement sur le plan budgétaire. Cette technique n'était, semble-t-il, pas suffisamment avancée et les capacités d'absorption des matériaux n'avaient pu être vérifiées. De plus, il aurait fallu envoyer tous les éléments du Berlaymont en France.
Si nous avions obtenu davantage de précisions et de garanties, notamment en termes de permis d'exploitation de ces usines de vitrification, peut-être aurions-nous retenu cette formule. Mais nous avons fait un choix en la matière et si nous voulons respecter les délais, nous devons nous y tenir. D'ailleurs, le retard apporté au niveau du traitement de ce dossier peut certainement être expliqué par les hésitations qui se sont manifestées de part et d'autre.
D'une manière générale, lorsque la décision est prise, il faut aller de l'avant et, dans la mesure du possible, effectuer les contrôles nécessaires, être transparent et avoir une politique de communication adéquate. Malheureusement, dans le cas du Berlaymont mais cela arrive également dans d'autres dossiers , les hésitations ont été multiples. Certaines n'étaient absolument pas imputables au Gouvernement fédéral mais avaient trait à des considérations d'ordre technique ou psychologique ou étaient dues à des sautes d'humeur. Ce genre de réaction est également très fréquente dans des domaines comme la Justice ou les Finances. Il n'est en effet pas facile d'être le gestionnaire du patrimoine de l'État fédéral, car les « clients » sont parfois exigeants, surtout à l'heure actuelle.
Dès lors, ce système ne doit pas être remis en cause.
Par ailleurs, le fait est que les tenants de la thèse « vitrification » ne sont pas satisfaits, car leur offre n'a pas été retenue. Ils ont d'ailleurs introduit des recours qu'ils ont dû abandonner par la suite. Il s'agit là également d'une réaction fréquente dans ce type d'affaire. L'introduction de recours est même devenue une seconde nature dans le chef de certaines entreprises qui n'ont pas obtenu un marché. Selon moi, ce genre d'attitude est à mettre en relation avec le fonctionnement de notre société, en général.
J'en viens à présent à la question du retard apporté à la réalisation des travaux. Le calendrier, tel qu'il a été fixé, prévoit l'enlèvement de l'amiante pour le début de l'année 1997. Très prochainement, je signerai également les adjudications vous ne m'avez pas interrogé à ce sujet concernant l'enlèvement de l'amiante au niveau des étages inférieurs. J'estime que le calendrier doit être respecté en la matière et les entrepreneurs concernés par ce travail le savent parfaitement.
Ensuite, commencera la phase de rénovation des bâtiments, phase qui devra être achevée au début de l'an 2000.
La société anonyme Berlaymont 2000 a comme principal actionnaire à concurrence de 70 p.c. la Régie des Bâtiments, qui, à l'origine, traitait avec trois banques, à savoir la CGER, la BACOP et Citibank, cette dernière s'étant retirée par la suite.
Je rappelle que la société anonyme Berlaymont 2000 a été créée en septembre 1990. Son objet social était la rénovation et la gestion de l'immeuble Berlaymont. Dès que la Commission a commencé à évacuer l'immeuble fin 1991, la société anonyme Berlaymont 2000 a lancé un appel aux candidatures pour désigner un project-manager. Les offres devaient être introduites le 14 février 1992 au plus tard. En novembre 1992, la société décidait de ne pas donner suite à l'appel précité et chargeait la Régie des Bâtiments de réaliser les études pour l'enlèvement de l'amiante. À cette époque, il y a donc eu un changement de cap.
Avant d'entreprendre les études pour des travaux d'une telle ampleur, la Régie a fait effectuer des sondages relatifs à la présence d'amiante après avoir établi un cahier spécial des charges et avoir lancé une adjudication publique. Il fut procédé à l'ouverture des offres le 25 mars 1993.
En attendant le résultat des sondages, une adjudication publique avec concurrence européenne a été lancée pour le démontage des cloisons des bureaux. L'ouverture des soumissions a eu lieu le 13 mai 1993. Ces travaux ont débuté en août 1993 et se sont terminés en avril 1994.
Pour la petite histoire, je signalerai que, voici quelque temps, on a découvert, à Court-Saint-Étienne, dans un hall des usines Émile Henricot, des portes portant un autocollant européen. On a immédiatement déclaré que ces portes provenaient du Berlaymont et qu'elles contenaient donc de l'amiante. C'est tout juste si le bourgmestre de Court-Saint-Étienne n'allait pas déclencher, avec le gouverneur M. Féaux, le plan catastrophe.
Une enquête a été réalisée qui a établi que ces éléments provenaient du Charlemagne, un chantier totalement privé. Un état de psychose prédomine donc et, à mes yeux, il importe que les responsables politiques aident la population à garder les pieds sur terre et évitent de dramatiser certains faits.
Entre-temps, la Régie a établi le cahier spécial des charges, les métrés et les plans relatifs à l'enlèvement d'amiante, et ce entre mai 1993 et avril 1994. Ce délai est très court pour une étude aussi difficile comportant 800 pages de textes et métrés et 135 plans et impliquant plusieurs partenaires. La demande de permis d'environnement pour l'exécution des travaux a été introduite auprès de l'Institut bruxellois de gestion de l'environnement le 23 mars 1994 et obtenue le 25 août 1994. Dès avril 1994, le dossier d'appel d'offres a été soumis à l'approbation de diverses instances, dont la Commission européenne.
Après l'approbation définitive en décembre 1994, la procédure d'appel d'offres a été lancée et l'ouverture des offres fixée au 16 mars 1995. Les dix offres, comportant trente classeurs, ont été examinées minutieusement par la Régie jusqu'au 20 juin 1995. Le marché a été notifié à l'entrepreneur le 6 juillet 1995. Les travaux ont démarré le 25 août 1995.
Vous pouvez constater une certaine accélération dans le traitement des dossiers. Tels sont les événements qui se sont déroulés entre 1990 et 1995.
J'en reviens à présent au premier acte. Il importe effectivement que les travaux se déroulent dans les délais prévus. À partir de fin 1991, lorsque les fonctionnaires ont quitté le Berlaymont, nous avons été contraints de les reloger dans différents bâtiments, notamment à Auderghem et dans le Breydel. Les loyers de ces bâtiments sont pris en charge par la Régie des Bâtiments. Les taxes, les charges locatives et les impôts sont à la charge de la Commission. Le montant des loyers s'élève à 1 269 476 827 francs. Je vous ferai parvenir le détail qui concerne 11 bâtiments localisés à Evere, Auderghem et Bruxelles. La Commission européenne continue à payer à la société anonyme Berlaymont 2000 un loyer de 532 951 748 francs. Il faut donc établir une balance.
M. Destexhe (PRL-FDF). C'est le loyer historique.
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. C'est, en effet, le loyer historique qui est toujours payé actuellement. On peut évidemment considérer que l'État belge paie un montant de 1 milliard 269 millions pour reloger les institutions européennes, mais il serait plus correct de soustraire de cette somme le montant de 532 millions. On obtient alors le coût net du relogement des institutions en question.
D'autres bâtiments sont occupés par le Parlement européen. Ils sont loués au privé par l'intermédiaire de la Régie des Bâtiments et dans ce cas, les loyers sont payés directement au Parlement. Je crois qu'il faut bien distinguer ce qui concerne, d'une part, la Commission et le Conseil et, d'autre part, le Parlement, puisque la réalisation du Parlement européen est une opération strictement privée. La Régie n'a de rapport avec le Parlement européen que dans la mise à disposition, contre loyers, de certains immeubles à Bruxelles. Ainsi, le Parlement européen paie un loyer à la Régie des Bâtiments pour l'immeuble qui se situe au Van Maerlant I. Cette propriété de l'État est située rue Belliard à Bruxelles.
J'en viens au prix politique qui est en cours de négociation avec la Commission européenne. Je dois encore rencontrer M. Liikanen cet après-midi afin d'aborder l'état d'avancement des travaux tant pour la Commission que pour les écoles et pour débattre de la question des prix qui se pose de façon permanente.
Que s'est-il passé pour la rénovation ? Initialement, la Régie des Bâtiments avait également en charge la rénovation Berlaymont 2000. Il m'est apparu qu'il n'était pas possible de tout mener à bien et de s'occuper à la fois de la gouttière de la caserne de la gendarmerie de Torhout et de la rénovation du Berlaymont. Il m'a donc semblé nécessaire de libérer pour mission certains fonctionnaires de la Régie des Bâtiments qui avaient déjà travaillé sur les esquisses pour les affecter pleinement à la société anonyme Berlaymont 2000 qui prendrait en charge leurs salaires. En agissant de la sorte, nous avions en plus l'opportunité de créer une équipe particulièrement performante puisque ces fonctionnaires allaient bénéficier de l'ouverture suscitée par la collaboration avec d'autres personnes issues du secteur privé. Il était, à mes yeux, préférable que ces fonctionnaires consacrent tout leur temps de travail à la rénovation du Berlaymont car une telle tâche ne leur permettait pas de s'occuper valablement des autres missions relatives aux administrations fédérales belges : la gendarmerie, la justice, les prisons, les finances qui étaient pénalisées par une disponibilité insuffisante des fonctionnaires de la Régie pour les projets internes.
Après la prise de cette première décision, il me paraissait utile d'identifier clairement ce dossier de rénovation du Berlaymont et de le distinguer de la Régie des Bâtiments. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai désigné un nouvel administrateur délégué à la tête de l'équipe de « Berlaymont 2000 ». Cette personne semblait présenter plusieurs avantages. Tout d'abord, ce parfait bilingue n'appartenait à aucune de nos communautés linguistiques.
M. Destexhe (PRL-FDF). Il en existe ?
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Oui, il en existe encore. Fabrimetal m'a d'ailleurs félicité pour mon choix.
J'ai donc désigné M. Henri Vandereycken, lequel est âgé de 67 ans. C'est lui qui a notamment réalisé le campus de la plaine pour l'ULB et la VUB. Aussi sait-il diriger une équipe. À cette expérience M. Vandereycken allie la connaissance technique et scientifique. Ensuite, il n'était pas demandeur. J'ai donc désigné un homme libre qui a, librement, constitué son équipe. La procédure suivie fut la même que lors de la désignation de M. Claes pour BATC.
M. Destexhe (PRL-FDF). Vous allez recevoir des félicitations du GERFA !
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. M. Vandereycken ne fait toutefois pas partie des fonctionnaires dont le GERFA s'occupe exclusivement.
Cela étant, M. Vandereycken a pris ses fonctions immédiatement. Il a composé son équipe en toute indépendance. Il y a intégré des personnes de la Régie des Bâtiments qui avaient travaillé et souhaitaient continuer à plancher sur le dossier du Berlaymont, désireuses de faire une expérience comparable à celles de Médecins sans Frontières : tout comme ces derniers, certains fonctionnaires de la Régie des Bâtiments sont « en mission » pour le projet du Berlaymont.
M. Destexhe (PRL-FDF). Méfiez-vous toutefois des prises d'otage !
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. J'ignore s'il y en aura dans le cas qui nous occupe !
Quoi qu'il en soit, l'équipe fonctionne. Une technique tout à fait nouvelle a été retenue pour l'identification du projet. La qualité des études réalisées et l'efficacité des équipes me rendent confiant. Il est bien entendu que ces équipes ne peuvent travailler autrement qu'en respectant la législation relative aux marchés publics ainsi que toutes les législations européennes. Notre proximité contraint la Commission européenne au strict respect des règles des marchés. Je n'ai donc aucune crainte à cet égard.
Des esquisses avaient déjà été réalisées en termes d'architecture du bâtiment. En concertation avec M. Liikanen, nous avons décidé de revoir certaines d'entre elles dans le sens d'une plus grande sobriété et d'une meilleure « fonctionnalité ». Ces maîtres-mots nous permettent d'envisager une réduction du prix initial de 12 milliards de francs belges à dix milliards, ce qui semble plus réaliste.
Quels sont les éléments qui rendent possible une telle réduction ? Les premières études prévoyaient, entre autres, la construction de cabines de traduction en sous-sol. Les traducteurs de la Commission ayant cependant annoncé qu'ils ne souhaitaient pas travailler en sous-sol, le bon sens, que j'ai toujours cultivé dans le cadre de mon action politique, m'a dicté qu'il était « inutile de faire des travaux inutiles ».
M. Destexhe (PRL-FDF). Il n'y aura pas de nouvelle série de la RTBF consacrée aux « travaux inutiles ».
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. J'ai demandé à M. Defossé de se pencher sur les travaux utiles ! Il y en a...
Une voilure partant du pied du Berlaymont pour atteindre le Juste Lipse situé en face était également prévue. Ce projet, sans doute intéressant sur le plan esthétique, aurait créé des difficultés de maintenance. Il a été abandonné comme d'autres du même genre, de sorte que nous sommes revenus à une esquisse dont le coût se situera près des 10 milliards.
En ce qui concerne la politique à mener à long terme, le débat sur la place des institutions européennes à Bruxelles est permanent. Tout d'abord, je voudrais signaler que l'institution NACISA évoquée par M. Destexhe dépend en fait de l'OTAN. Ensuite, nous ne sommes pas en mesure de contrôler ce qui se passe dans d'autres pays. Enfin, M. De Decker a rappelé, il n'y a pas si longtemps, l'intérêt présenté par les institutions européennes pour Bruxelles en estimant par ailleurs que nous n'en faisions pas assez en leur faveur. En ce qui me concerne, je continue de me battre pour que le Conseil des ministres et la Commission, sans oublier les écoles, bénéficient de bonnes conditions d'hébergement à un prix raisonnable. Cependant, il serait dangereux de donner l'impression aux citoyens belges de nous occuper exclusivement des affaires européennes au détriment des dossiers nationaux. La problématique relative à l'enseignement, par exemple, est suffisamment lourde pour éviter la création de pôles de tensions supplémentaires.
Actuellement, les projets concernant les institutions européennes sont au nombre de quatre.
Premièrement, la construction pour la Commission de l'immeuble situé au numéro 25/33 de la rue Belliard, laquelle a débuté en juin 1995 et dont le coût est assuré par un financement alternatif; le montant du loyer couvrant le remboursement de l'emprunt.
Deuxièmement, le Conseil des ministres a réalisé, à ses frais à la suite des travaux effectués par la Régie des Bâtiments , le Juste Lipse sur le terrain appartenant à l'État situé à proximité du Résidence Palace. Le Conseil demande à présent la réalisation d'une extension à ce bâtiment sur le terrain situé à l'arrière du Résidence Palace.
Il y a, troisièmement, le projet de la Commission de réaliser, à ses frais, un immeuble destiné à abriter ses archives, à proximité du dépôt de la STIB situé à Haren.
Quatrièmement, la décision vient d'être prise d'entamer, à charge de la Régie des Bâtiments, la construction d'une troisième école sur un terrain situé dans le campus de l'ULB à Ixelles. Les travaux devraient débuter en août prochain, pour autant que je reçoive les autorisations requises de l'administration bruxelloise compétente.
Enfin, des travaux sont entrepris dans les écoles européennes de Woluwe et d'Uccle, alors que la construction d'une quatrième école européenne est envisagée sur le campus d'Érasme. Cependant, la population scolaire des écoles concernées a considérablement augmenté. Compte tenu des travaux en cours à Uccle et à Woluwe et de l'impossibilité de réaliser une quelconque extension sur ces deux sites, j'ai proposé l'acquisition de l'Athénée royal Berkendael à Forest, le bâtiment étant appelé à devenir, en quelque sorte, un « trois bis » capable d'absorber le surplus d'étudiants pendant les travaux. Cette décision sera exécutée en partenariat avec les autorités de la Région bruxelloise, d'une part, et communales, d'autre part, qui préfèrent voir une école revivre à l'endroit où elle se trouvait, plutôt que d'y voir se développer un chancre ou une annexe de la prison toute proche.
J'en ai ainsi terminé avec ma réponse, que je me suis efforcé de livrer de la façon la plus complète et la plus précise possible. Je voudrais toutefois vous apporter une dernière précision. Existet-il des frictions entre la Commission européenne et le Gouvernement belge ? En ce qui me concerne, je m'efforce toujours d'aplanir les frictions et de rester un homme de dialogue. J'applique dès lors la même technique à l'échelon de la Commission européenne. J'estime que les responsables politiques doivent se rencontrer à certains moments. À cet égard, je vois régulièrement M. Liikanen.
Il est également important que les techniciens aient souvent des contacts entre eux, que les personnes impliquées apprennent à se connaître, de façon à faire progresser les dossiers. Toutefois, les hommes politiques doivent rester maîtres de la décision pour garantir le bon fonctionnement de la démocratie. L'administration agit en amont et en aval, et les ingérences politiques doivent être évitées, mais la décision incombe à ceux qui ont des responsabilités face à leurs électeurs.
M. le Président. La parole et à M. Destexhe.
M. Destexhe (PRL-FDF). Monsieur le Président, je remercie M. le ministre de ses explications complètes.
Je demande au président de la commission ou à vous-même, monsieur le ministre, d'organiser la visite du Berlaymont le plus rapidement possible. Pourquoi pas la semaine prochaine ? Il s'agit d'une excellente initiative, que je comptais vous suggérer.
Je voudrais formuler cinq remarques.
Pour commencer, je me dois, monsieur le ministre, de relever une contradiction dans votre discours. D'une part, vous nous expliquez que le système est tout à fait étanche vous avez évoqué les bâches extérieure et intérieure mais, d'autre part, vous admettez le dépassement des normes, même si celles-ci sont extrêmement strictes. Le fait que ce dépassement ait été constaté implique pourtant que l'étanchéité n'est pas complète. Vous avez d'ailleurs souligné qu'une enquête était en cours pour déceler l'origine du problème. Si je m'en réfère aux déclarations qui ont eu lieu au moment du choix de la société dans le cadre de l'appel d'offres, le consortium en question excluait tout à fait la possibilité d'une contamination dans l'atmosphère. Or, cela s'est bel et bien produit.
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Les responsables ont peut-être été imprudents.
M. Destexhe (PRL-FDF). Soit, mais dans ce cas, il ne faut pas prétendre que le système est totalement étanche. Je n'accuse pas; je relève simplement une contradiction.
J'en arrive à la deuxième remarque et, par là-même, à la seule critique fondamentale que je vous adresse. Vous dites que vous êtes disposé à assurer toute la transparence et l'information nécessaires. Or, plusieurs jours se sont écoulés entre l'arrêt du chantier et la communication de l'information au public via la presse.
Je pense que, dorénavant, il faudra que vous mettiez au point un système d'information simultané. Je vous propose un bulletin ou un communiqué hebdomadaire. Cela ne mangera pas beaucoup de pain de faire chaque semaine un bref communiqué en précisant où en sont les travaux et en soulignant, par exemple, qu'aucun incident ne s'est produit. J'estime que cela rassurera tout le monde. La transparence serait totale et cela éviterait que naissent des doutes liés à l'impression que l'on cherche à cacher quelque chose.
Par ailleurs, vous avez parlé de la désignation d'un expert indépendant. Il me semble que vous avez dit que cet expert serait désigné par la société anonyme Berlaymont 2000. Si c'est le cas, cela pose problème. Un expert ne peut pas être indépendant s'il est désigné par la société anonyme Berlaymont 2000. J'ignore comment il faudrait désigner cet expert, mais il est clair que la société anonyme Berlaymont 2000 est juge et partie dans cette histoire. Si l'expert est indépendant, il doit être désigné de façon indépendante.
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Sept à dix instances contrôlent déjà ce chantier.
M. Destexhe (PRL-FDF). La Ville de Bruxelles a dit que l'IBGE effectue uniquement des mesures de contrôle de l'air atmosphérique. Cet organe n'a donc accès qu'à une partie du dossier.
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Je propose d'ouvrir une salle et d'y réunir tous ces gens qui veulent contrôler !
M. Destexhe (PRL-FDF). Je pense qu'il faut désigner un expert et lui donner le moyen de travailler. À quoi bon dix organismes qui contrôlent, si chacun ne peut contrôler qu'une petite fraction de l'information ? Un expert indépendant, c'est bien, encore faut-il qu'il soit désigné de façon indépendante et que vous vous engagiez à ce que cet expert, qui pourrait par exemple être un ombudsman ou toute autre formule réellement crédible aux yeux de l'opinion , soit autorisé à fournir des informations.
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Avec tout ce que l'on crée dans notre pays, on peut s'étonner que le niveau de chômage y soit encore tellement élevé !
Quoi qu'il en soit, cet expert sera désigné...
M. Destexhe (PRL-FDF). À partir du moment où cet expert est désigné par la société anonyme Berlaymont 2000, il ne me paraît pas indépendant. Il y a là une contradiction.
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Je n'en suis pas sûr; cela dépend des termes de la convention liant les personnes, du travail à accomplir ainsi que des personnes à qui l'expert remet ses rapports. Pensons au nombre d'institutions de contrôle qui interviennent dans ce dossier. Je citerai la Commission européenne, l'IBGE, la Région bruxelloise, sans oublier les sensibilités des différents ministres qui se retrouvent dans les divers organes. Le Berlaymont est le chantier le plus contrôlé d'Europe !
M. Destexhe (PRL-FDF). Pas vraiment, semble-t-il. Comment expliquez-vous que cinq jours se soient déroulés entre un incident de contamination, grave ou non, et l'information relative à ce fait ? Pourquoi cinq jours entre l'arrêt du chantier et le moment où cette nouvelle est parvenue au public ?
M. Flahaut , ministre de la Fonction publique. L'information a été donnée et j'ai refait moi-même le communiqué pour signaler que le chantier était arrêté. En ce qui concerne le Berlaymont 2000, il est prévu et cela a été annoncé lors de la conférence de presse faite dès le début que les riverains et toutes les personnes intéressées peuvent s'adresser à Berlaymont 2000 ou à la Régie des Bâtiments pour obtenir des informations. Je veux bien réaliser un communiqué hebdomadaire qui viendra s'ajouter au communiqué hebdomadaire de la FGTB sur l'évolution chômage, travailleurs âgés compris ou non ! Cela ne me dérange absolument pas, et cela peut sans doute rassurer. Mais que les gens prennent aussi un peu l'initiative d'interroger quand on leur en offre la possibilité.
M. Destexhe (PRL-FDF). C'est bien ce que je fais !
M. Flahaut , ministre de la Fonction publique. Vous le faites, vous !
Il a été dit dès le début que l'on pouvait obtenir des informations. Des numéros de téléphone ont été renseignés lors de cette conférence de presse et ils ont été répercutés. Le service de communication de la Régie des Bâtiments donne toutes les informations possibles et imaginables, que ce soit aux journalistes ou aux riverains.
Au moment de la rénovation, dès que le type de rénovation sera arrêté, il est prévu d'organiser un espace présentant la maquette du bâtiment ainsi qu'un bureau témoin. En outre, une personne sera chargée en permanence d'assurer la communication. C'est prévu, et l'on peut dès à présent poser des questions. Il faut aussi faire des efforts pour s'informer.
M. Destexhe (PRL-FDF). Certaines personnes le font peut-être individuellement, mais j'estime que, pour un tel chantier, une information régulière et standardisée doit être fournie.
M. Flahaut , ministre de la Fonction publique. Nous réfléchirons à la possibilité de diffuser un communiqué.
M. Destexhe (PRL-FDF). Tout le problème réside dans la contradiction que j'ai mentionnée initialement. D'une part, vous dites que le système est parfaitement au point et, d'autre part, on s'aperçoit qu'il y a une contamination. C'est le même mécanisme intellectuel que celui qui a prévalu lors de la catastrophe de Tchernobyl, bien que le problème soit sans comparaison, je le reconnais.
M. Flahaut , ministre de la Fonction publique. Je m'étonnais que vous n'en ayez pas encore parlé.
M. Destexhe (PRL-FDF). Vous vous souviendrez que le fameux nuage nocif s'était soi-disant arrêté à la frontière française. Vous ne pouvez, dans le même temps, dire que le système est étanche et accepter, comme vous le faites aujourd'hui, la réalité d'une contamination de l'air.
Tant que vous maintiendrez cette contradiction, une partie de la population sera inquiète.
Par ailleurs, je suis heureux que vous ayez mentionné que toutes les procédures d'appel d'offres seront complètement transparentes. Certes, on peut regretter que, lors de la constitution initiale du capital de la société anonyme Berlaymont 2000, aucun appel d'offres n'ait eu lieu et que les contrats passés avec les banques qui se sont associées à la réussite du bâtiment aient été conclus de gré à gré.
M. Flahaut , ministre de la Fonction publique. Rien n'interdit cette pratique. J'ai lu l'article auquel vous avez fait allusion car, contrairement à ce que dit le président, je m'efforce de lire la presse tous les jours.
M. Destexhe (PRL-FDF). Il a dit que vous n'y étiez pas obligé.
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Je la lis volontairement. J'ai donc lu cet article, mais quand on veut trouver un bâton pour battre son chien, on le trouve toujours. J'ai fait procéder à des vérifications et il est tout à fait permis à la Régie des Bâtiments de s'associer à des partenaires financiers pour réaliser certains projets sans procéder à des appels d'offres. On a jeté sur MM. Dehaene et Dupré une certaine forme de suspicion, mais la législation permet d'agir comme ils l'ont fait.
M. Destexhe (PRL-FDF). Je vous remercie pour les précisions apportées au sujet du loyer. Je pensais que le surcoût était de 1,4 milliard. En fait, vous avez expliqué qu'il n'était que de 800 à 900 millions. Il n'empêche que l'ensemble de la rénovation du Berlaymont coûtera près de 20 milliards de francs à la Belgique, si l'on tient compte du surcoût du loyer, des 2 milliards de 1991, qui ne sont pas contestés, pour le déménagement, du coût de la décontamination s'élevant à 1,5 milliard et de celui de la rénovation.
Je terminerai en citant l'article de Vers l'Avenir du 10 avril 1996, qui reproduit la note Dupré-Dehaene de 1990 : « Le mécanisme de financement de la SA Berlaymont présente l'avantage de se suffire à lui-même grâce aux loyers payés par la Commission européenne. Ces recettes seront plus élevées à partir de 1995, étant donné qu'à ce moment, les travaux de rénovation seront pratiquement achevés et que la Commission est disposée à payer un loyer plus élevé pour un bâtiment rénové. »
La note conclut : « Les travaux de rénovation sont possibles du fait que le mécanisme proposé fournit les moyens nécessaires à leur réalisation. »
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Vous m'avez demandé tout à l'heure comment je voyais l'avenir : je n'ai pas encore de boule de cristal. Je suppose que le rédacteur de cette note, quel qu'il soit, était intellectuellement honnête. Probablement espérait-il, en présentant cette note, que les travaux seraient réalisés dans les délais prévus et en tenant compte des budgets fixés. Je suis ministre depuis 1995, date à laquelle les travaux auraient dû être achevés. Si tel avait été le cas, j'aurais probablement pu couper le ruban inaugural, ce qui est beaucoup plus valorisant que de faire visiter même à d'honorables membres des bâtiments contaminés ! On peut toujours reprendre les Écritures Saintes !
M. Destexhe (PRL-FDF). Les notes de M. Dehaene sont donc des Écritures Saintes ?
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Cela ne lui déplairait sans doute pas!
M. Destexhe (PRL-FDF). Mon entrée dans le monde politique est assez récente. Mais si l'ensemble de l'État est géré de la même manière, cela m'inquiète !
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Au niveau de la gestion de mon département, je m'efforce de ne pas faire des promesses que je ne serais pas en mesure de tenir et d'agir avec une extrême prudence, du bon sens et du pragmatisme. C'est la raison pour laquelle mes déclarations ne disent jamais qu'il n'y aura aucun problème. En effet, selon moi, le chantier est étanche aujourd'hui. Des problèmes peuvent survenir par la suite. Demain, un avion peut s'écraser sur le Berlaymont comme c'est déjà arrivé à Amsterdam et dans ce cas, le chantier ne sera plus étanche...
M. Destexhe (PRL-FDF). Le 4 avril, vous avez dit qu'il n'y avait pas lieu d'envisager la fermeture du chantier.
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Le 4 avril, la situation n'exigeait pas la fermeture du chantier. Mais lorsque les normes ont été dépassées, le chantier a été immédiatement fermé. Cela démontre que le système de contrôle fonctionne et que la réaction politique, technique et administrative a été immédiate.
M. le Président. Monsieur Destexhe, M. le ministre vous a fourni une réponse très détaillée.
M. Destexhe (PRL-FDF). Rendez-vous sur le chantier, la semaine prochaine !
M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. Je tâcherai d'organiser cette visite dans les meilleurs délais.
M. le Président. En conclusion de cette demande d'explications, j'ai reçu deux motions.
La première émane de Mme Cornet d'Elzius, M. Desmedt et Mme Leduc, et est ainsi rédigée :
« Le Sénat,
Ayant entendu la demande d'explications du sénateur Destexhe sur le chantier de rénovation du Berlaymont et la réponse du ministre,
Demande au Gouvernement :
Qu'il communique hebdomadairement un bulletin faisant état de l'avancement des travaux de décontamination et des incidents éventuels qui surviendraient au cours de leur exécution;
Qu'il permette aux parlementaires de se rendre compte, sur place, des dangers éventuels pour la population. »
De tweede, ingediend door mevrouw Van der Wildt en de heer Mouton, luidt :
« De Senaat,
Gehoord de vraag om uitleg van de heer Destexhe en het antwoord van de minister van Ambtenarenzaken,
Gaat over tot de orde van de dag. »
« Le Sénat,
Ayant entendu la demande d'explications de M. Destexhe et la réponse du ministre de la Fonction publique,
Passe à l'ordre du jour. »
Nous procéderons ultérieurement au vote sur la motion pure et simple, qui bénéficie de la priorité.
Wij stemmen later over de gewone motie, die de voorrang heeft.
L'incident est clos.
Het incident is gesloten.
Mesdames, messieurs, l'ordre du jour de la réunion publique de la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives est ainsi épuisé.
De agenda van de openbare vergadering van de commissie voor de Binnenlandse en Administratieve Aangelegenheden is afgewerkt.
La séance est levée.
De vergadering is gesloten.
(La séance est levée à 11 h 20 m.)
(De vergadering wordt gesloten om 11 h 20 m.)