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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCE DU JEUDI 8 FÉVRIER 1996

VERGADERING VAN DONDERDAG 8 FEBRUARI 1996

(Vervolg-Suite)

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE M. DESTEXHE AU MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE SUR « LA PRISE DE COMMANDEMENT PAR LA BELGIQUE DE LA NOUVELLE FORCE DE L'ONU DANS L'EST DE LA CROATIE »

VRAAG OM UITLEG VAN DE HEER DESTEXHE AAN DE MINISTER VAN LANDSVERDEDIGING OVER « HET AANVAARDEN DOOR BELGIE VAN HET COMMANDO OVER DE NIEUWE VN-STRIJDMACHT IN OOST-KROATIE »

M. le Président. ­ L'ordre du jour appelle la demande d'explications de M. Destexhe au ministre de la Défense nationale sur « la prise de commandement par la Belgique de la nouvelle force de l'ONU dans l'est de la Croatie ».

La parole est à M. Destexhe.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je suis à la fois satisfait et inquiet de la décision belge de prendre le commandement de l'ATNUSO, la nouvelle force de l'ONU dans l'est de la Croatie.

Satisfait car le PRL a toujours été favorable à l'envoi de troupes belges à l'étranger dans le cadre des Nations unies, de l'OTAN ou de toute autre alliance militaire.

Monsieur le ministre, nous pensons que la Belgique a un rôle à jouer sur la scène internationale et qu'elle doit participer à l'élaboration du nouvel ordre international qui se met péniblement en place. Les forces armées sont évidemment un instrument privilégié pour lui permettre d'assurer une présence sur le plan international. Nous pensons que notre pays doit assumer des responsabilités dans ce domaine et, de ce point de vue, nous nous réjouissons de votre décision.

En revanche, je suis inquiet pour deux raisons. Tout d'abord parce que nous doutons de la capacité de votre Gouvernement a mener à bien une telle mission alors que les Gouvernements précédents, issus de la même majorité, se sont efforcés de casser l'outil militaire en engageant dans une précipitation inouie la réforme de 1992 sans aucun débat national préalable.

Je suis convaincu que cette réforme a eu deux conséquences négatives. Elle a tout d'abord entraîné une relative impréparation de nos troupes pour l'accomplissement de missions du type de celle que vous proposez aujourd'hui. Par ailleurs, un certain nombre de négligences, de défaillances et de dysfonctionnements ­ comme nous avons pu en rencontrer au Rwanda ­ s'expliquent par cette réforme précipitée.

La seconde raison concerne l'analyse de la crise dans l'ex-Yougoslavie. Votre Gouvernement a, comme la plupart de ceux des pays de l'Union européenne, fait une erreur de diagnostic dans cette affaire. Tout d'abord en refusant de désigner clairement l'agresseur, en renvoyant dos à dos les belligérants et finalement en restant neutre dans ce conflit.

Je voudrais vous citer une maxime de Chateaubriand que je vous invite à méditer, monsieur le ministre. Voici presque un siècle, Chateaubriand disait : « Quand les parties belligérantes sont inégales en puissance, cette neutralité, véritable dérision, est une hostilité pour la partie faible comme elle est une connivence avec la partie forte. Mieux vaudrait se joindre à l'agresseur contre l'agressé car du moins on n'ajouterait pas l'hypocrisie à l'injustice. » D'une certaine façon, je crois que nous continuons à payer cette erreur initiale aujourd'hui, cinq ans après ce conflit.

Je voudrais développer deux points dans cette intervention. Le premier concerne les aspects politiques et ceux qui sont liés au mandat, le deuxième, les aspects plus strictement militaires.

Vous allez prendre le commandement d'une force de l'ONU qui séjournera sur le territoire de la Croatie conquis par l'armée serbe au prix de milliers de vies et de l'expulsion de la population croate. Durant l'accomplissement de cette mission, je crois qu'il ne faudra jamais perdre de vue l'objectif final qui est le retour à la Croatie de ce territoire ­ tel qu'il est implicitement prévu dans les accords ­ dans un délai maximal de deux ans. Or, l'accord conclu entre la Croatie et les autorités serbes locales ne compte que deux pages. Je signale que l'Accord de Dayton sur la Bosnie comprend des milliers de pages. Vous avez eu l'amabilité de me communiquer le texte de l'accord en question. Vous conviendrez qu'il est extrêmement imprécis. Certaines dispositions peuvent en outre être interprétées contradictoirement. Son application ne sera donc pas facile.

Sans perdre de vue l'objectif final de retour du territoire à la Croatie, j'aimerais attirer votre attention sur deux points fondamentaux déjà prévus dans l'exécution du mandat de la force précédente ­ l'ONURC ­ mise en place au début 1992. Le premier point concerne la démilitarisation. La résolution des Nations unies et l'accord conclu entre la Croatie et les autorités serbes locales prévoient la démilitarisation dans les trente jours qui suivent le déploiement complet de la force. Le calendrier est donc très important. Je vous invite ardemment à le respecter car, dans le passé, l'ONU n'a que trop souvent succombé à la tentation de rester présente sur place alors qu'elle se montrait incapable de remplir le mandat. Durant cinq ans, cette politique s'est finalement toujours révélée favorable au plus fort, la Serbie en l'occurrence.

Le second point concerne le retour des réfugiés. Le problème se pose pratiquement dans les mêmes termes qu'en ce qui concerne la démilitarisation. Durant les quatre années qu'a duré la présence de la force précédente ­ l'ONURC ­, quelques centaines de réfugiés seulement sont rentrés dans leur région. On peut donc dire que la force précédente a échoué à cet égard. Comme vous le savez, les régions où nos forces seront déployées sont « ethniquement pures ». En effet, 70 000 Croates ont quitté la région après le début de la guerre et 75 000 Serbes, qui n'étaient pas originaires de cette région, sont ensuite venus s'y installer. Le retour constitue donc un élément important de l'exécution du mandat.

J'en arrive au point essentiel de mon intervention : si vous n'obtenez pas rapidement des résultats significatifs dans ces deux domaines ­ démilitarisation et retour des réfugiés ­, j'espère que vous accepterez de retirer rapidement notre force de Slavonie ou qu'à tout le moins, vous demanderez immédiatement au secrétaire général des Nations unies de mettre un terme à ce mandat. Si nous n'obtenons pas de résultat rapide ­ comme ce fut le cas au cours des quatre dernières années ­ dans ces deux domaines, la présence des Nations unies profitera une fois de plus à l'agresseur et entérinera finalement les conquêtes de l'armée serbe.

Selon le droit international, le territoire où nous interviendrons appartient à la Croatie. Si la démilitarisation n'intervient pas et si les réfugiés ne rentrent pas chez eux, la Croatie aura alors le droit d'envahir militairement ce territoire afin de le récupérer. J'espère que vous êtes pleinement conscient de ce risque. Personnellement, je ne souhaite pas que l'armée belge soit confrontée à cette situation.

Je voudrais à présent aborder brièvement mon second point qui concerne les aspects militaires. J'aimerais connaître les raisons pour lesquelles le ministre a la conviction que les erreurs commises au Rwanda ne se reproduiront pas en Slavonie. Le rapport de la commission d'enquête sur les événements survenus au Rwanda tire une série d'enseignements relatifs à la mission, à la protection, au commandement, aux règles d'engagement, à l'évaluation de la menace et à la sécurité. Je souhaiterais obtenir des précisions sur toutes ces questions ainsi que sur l'armement de nos troupes, la présence éventuelle de véhicules blindés, la protection contre les mines, le soutien aérien et les mesures prévues en matière d'évacuation.

D'ores et déjà, je vous ferai part de deux inquiétudes. Tout d'abord, le cadre de la mission : dans son rapport du 12 décembre 1995, le secrétaire général M. Boutros Boutros-Ghali préconise que l'intervention se fasse dans le cadre du chapitre 7 de la Charte des Nations unies. Or, la résolution finale du Conseil de sécurité ne comporte aucune référence au chapitre VII. Il existe une différence fondamentale selon que l'on se place dans le cadre du chapitre VI ou du chapitre VII. Le chapitre VI ouvre la voie à la répétition des erreurs commises au Rwanda, alors que le chapitre VII offre un cadre beaucoup plus favorable à la réussite de cette mission.

Par ailleurs, dans son rapport, le secrétaire général des Nations unies écrit : « Je suis parvenu à la conviction qu'il serait nécessaire de prévoir une division mécanisée comprenant deux brigades dotées d'un potentiel de combat, bénéficiant d'un soutien aérien et comportant un robuste corps de réserve de blindés mobiles, ce qui représente environ 9 300 soldats et 2 000 éléments de soutien logistique. Étant donné l'échec des tentatives précédentes de démilitariser le secteur sous l'égide d'une opération de maintien de la paix, le déploiement d'une force insuffisante aurait vraisemblement pour résultat de compromettre l'application de l'accord fondamental et de précipiter la succession d'événements que cette opération aurait justement pour objet d'éviter. »

M. le ministre estime-t-il en l'occurrence que les conditions préconisées par le secrétaire général sont remplies ?

Je terminerai par une note un peu plus personnelle.

J'espère, monsieur le ministre, que vous aurez l'occasion de vous rendre à Vukovar. Dans ce cas, vous verrez une ville rasée et des destructions bien supérieures à celles subies par Sarajevo ou Mostar. En 1991, la ville de Vukovar a subi un siège de 80 jours durant lesquels elle a reçu en moyenne 7 000 obus par jour. Pendant tout ce temps, la communauté internationale, l'ONU et l'Union européenne n'ont rien tenté pour mettre un terme à ce pilonnage. Le 17 octobre 1991, j'étais à Vukovar. J'organisais un convoi d'évacuation des blessés pour le compte de Médecins sans frontières. Nous avons pu évacuer 115 blessés de l'hôpital mais, par la suite, nous n'avons jamais pu retourner dans la ville assiégée. Après la conquête de celle-ci, les forces serbes ont massacré les 300 blessés restés à l'hôpital.

Monsieur le ministre, vous allez être obligé de négocier avec les autorités serbes. Par conséquent, vous serez en présence de criminels de guerre responsables d'une politique de conquête et de purification ethnique à grande échelle. Personnellement, je suis persuadé qu'aussi longtemps que justice n'aura pas été rendue, toute réconciliation sera impossible en Bosnie et en Croatie. (Applaudissements.)

De Voorzitter. ­ Het woord is aan de heer Bourgeois.

De heer Bourgeois (CVP). ­ Mijnheer de Voorzitter, aansluitend bij de vraag om uitleg van de heer Destexhe, wens ik het standpunt van de CVP-senaatsfractie toe te lichten.

Het is onze vaste overtuiging dat, in naam van de internationale solidariteit en de vredeswil, landen soms ook in moeilijke omstandigheden hun verantwoordelijkheid dienen op te nemen. België tracht dit nu reeds sinds maanden en jaren te doen in het ingewikkelde en dramatische conflict in ex-Joegoslavië.

Mijnheer de Voorzitter, wij zijn het volledig eens met de beslissing van de Regering en van de minister van Landsverdediging om de leiding te nemen van de VN-operatie in Slavonië. Wij hebben het volste vertrouwen in het beleid dat de minister voert, maar de minister zal willen begrijpen dat het Parlement wil kunnen meewerken aan de meest ruime voorlichting van de Belgische bevolking. Onze mensen zullen tenslotte ook op het terrein aanwezig zijn. Wij zijn dus bezorgd en wensen een aantal vragen te stellen.

Mijnheer de Voorzitter, ingevolge de regeringsbeslissing zullen 5 000 Blauwhelmen, waaronder 900 Belgen, onder Belgisch commando, de zeer delicate opdracht hebben om de overdracht van Oost-Slavonië aan Kroatië te begeleiden. Om het delicate van deze opdracht te illustreren, wil ik refereren aan enkele citaten.

De heer Boutros Boutros-Ghali, secretaris-general van de Verenigde Naties had aanvankelijk een leger van 9 300 Blauwhelmen aanbevolen. Hij vreest dat « 5 000 Blauwhelmen om op de demilitarisatie van de Servische milities in het gebied toe te zien te weinig is ».

Belangrijk om de draagwijdte van de opdracht te beseffen zijn misschien ook de woorden van Mate Granic, de Kroatische minister van Defensie, die zegt dat « een voorlopig bestuur dat besluitloos of niet vastberaden is, of een passieve en inefficiënte benadering door de internationale troepenmacht van haar mandaat, het conflict opnieuw kan doen oplaaien ».

Ik kan niet nalaten ook het verontrustend bericht in de New York Times te citeren dat de 150 000 Slavonische Serviërs een campagne op het getouw zetten om de toepassing van het Akkoord van Dayton te blokkeren. Het Amerikaanse blad meldt ook dat de Servische autoriteiten in het aan Servië grenzende Kroatische gebiedsdeel via radio en televisie de ongeveer 30 000 Servische vluchtelingen hebben gevraagd zich in Oost-Slavonië te komen vestigen. Het betreft hier Serviërs die na uit andere Kroatische gewesten te zijn verjaagd, naar Servië zijn gevlucht.

Mijnheer de Voorzitter, wij kunnen wellicht zeer vereerd zijn met de opdracht die ons land heeft gekregen. Daaruit blijkt dat ons leger een groot krediet heeft opgebouwd. Toch blijft waakzaamheid geboden. Het is immers ook van het grootste belang dat de Belgen en de 5 000 militairen van de UNTEAS in het belang van de vrede in het gebied hun taak naar behoren met sukses en met een maximale bescherming kunnen uitvoeren. Wij weten dat ze minder zwaar bewapend zijn dan de IFOR-troepen in Bosnië. Generaal-majoor Schoups beweert dat zijn troepenmacht over voldoende vuurkracht beschikt. Volgens de VN-opdracht kunnen vuurwapens in twee gevallen worden gebruikt : bij wettige zelfverdediging, maar ook voor het waarborgen van de bewegingsvrijheid van de VN-troepen. Het is mij niet helemaal duidelijk wat dit laatste kan inhouden. Ik vermoed dat het hier gaat om een meer actieve, militaire inzet op het terrein. De zeer concrete, militaire vraag is dan ook of de troepen van generaal-majoor Schoups, naast voldoende wapens, ook over voldoende infrastructuur, uitrusting en logistiek kunnen beschikken om ook dit tweede aspect te garanderen.

Mijnheer de minister, het is goed dat u en de Regering zeer veel belang hebben gehecht aan de veiligheid van onze mensen en aan de waarborgen voor het welslagen van de operatie. Dat blijkt inderdaad uit de vele voorwaarden en de lange besprekingen die daarover werden gevoerd. In dit verband heb ik toch een aantal vragen. Een van de voorwaarden was de luchtsteun voor de Belgische Blauwhelmen in geval van een noodsituatie. Het verwondert mij dat de Regering er, naar verluidt, niet aan denkt om onze eigen F-16 van de luchtmacht naar ex-Joegoslavië te sturen, terwijl een aantal toestellen intussen toch zijn uitgerust met de noodzakelijke elektronica om vijandelijke raketten te misleiden en we ook beschikken over getrainde piloten. We doen dus een beroep op andere luchtmachten en dit kan toch problemen inzake samenwerking en coördinatie scheppen.

In verband met de risico's ter plaatse had ik graag iets meer vernomen over het verkennend bezoek van generaal-majoor Schoups en de gesprekken met de voornaamste Servische onderhandelaar, Milan Milanovic, en met de bevelhebber van de Servische troepen in het gebied, generaal Dusan Loncar.

Voor de zware wapens levert de vrijwillige demilitarisatie waarschijnlijk geen grote problemen op. Zij zijn immers gemakkelijk op te sporen en in kaart te brengen. Een groot probleem blijft echter wel de aanwezigheid van grote hoeveelheden lichte wapens, waarover niet gesproken wordt, en de aanwezigheid van grote mijnenvelden. De vraag is ook wat er gebeurt bij tegenstand tegen de uitvoering van de demilitarisatie. Ik heb daar in een vroeger betoog reeds op gewezen.

Ook het opnieuw oplaaien van het conflict blijft mogelijk en volgens sommigen is dit een reëel risico. In dit verband is het mij niet geheel duidelijk hoever de opdracht van generaal-majoor Schoups reikt en onder wiens autoriteit hij valt wanneer hij dringende beslissingen moet nemen om de veiligheid en de slagkracht van zijn manschappen te waarborgen. We houden hierbij steeds voor ogen dat wij in het kader van een VN-mandaat werken, met alle complicaties van dien. Wij weten dat het noodplan bestaat, maar de operationaliteit en de efficiëntie ervan hangen uiteraard ook af van de beslissingsmacht. Wij hopen dat de autonomie van onze bevelhebber groot genoeg zal zijn om snel op veranderende situaties te kunnen reageren zonder al te veel overlegprocedures die eventueel zelfs tot in New York kunnen gaan.

Mijnheer de minister, namens de CVP-fractie mag ik u zeggen dat wij het engagement van ons land steunen, dat wij zelfs een beetje fier zijn over de internationale erkenning van de kwaliteit van ons leger en het vertrouwen dat zovelen erin stellen, zowel de Verenigde Naties, de Verenigde Staten, als de NAVO, maar ook alle landen die in het kader van dit mandaat op het terrain met ons en onder onze leiding willen meewerken.

Wij willen ook langs deze weg onze bevelhebber en zijn manschappen een succesvolle opdracht toewensen. De eerder geformuleerde bedenkingen zijn een uiting van onze bezorgdheid om hun veiligheid.

Wij vragen dan ook aan de minister ons op geregelde tijdstippen te informeren over de vooruitgang van de missie. Dat zou ons vertrouwen in hem nog versterken. (Applaus.)

De Voorzitter. ­ Het woord is aan de heer Devolder.

De heer Devolder (VLD). ­ Mijnheer de Voorzitter, ik zou graag nog een korte, aanvullende vraag stellen. De Verenigde Naties hebben op het ogenblik zeer grote financiële moeilijkheden. Tijdens ons bezoek aan de Verenigde Staten vorige week hebben we kunnen vernemen dat er ook zal bespaard worden op de veiligheids- en vredesoperaties. Zal dit geen vervolg hebben voor onze troepen in Bosnië ?

M. le Président. ­ La parole est à M. Poncelet, ministre.

M. Poncelet, ministre de la Défense nationale. ­ Monsieur le Président, je voudrais remercier les trois membres qui viennent de s'exprimer à cette tribune, car leur intervention me permet d'apporter des précisions quant à une décision prise tout récemment par le Gouvernement, décision dont je voudrais expliquer le mieux possible les divers aspects.

À mon sens, les enseignements des opérations extérieures auxquelles a participé la Belgique ces dernières années ont été pris en compte dans l'analyse de la participation belge à la composante militaire de l'Administration transitoire des Nations unies pour la Slavonie orientale. Tel est, en effet, le nom officiel de cette mission, d'ailleurs abrégé, selon l'acronyme anglo-saxon, UNTAES.

Si l'on réalise la synthèse de ces enseignements, il s'agit, tout d'abord, d'avoir un mandat adapté; ensuite, de disposer d'un appui extérieur à l'opération; enfin, de pouvoir compter sur des forces quantitativement et qualitativement crédibles.

Pour ce qui est du mandat, les départements des Affaires étrangères et de la Défense ont été impliqués de manière directe dans sa rédaction et nous le considérons comme satisfaisant, au moins pour cinq raisons.

Tout d'abord, le mandat prévoit la mise en place d'une composante civile et d'une composante militaire. L'importance de cette composante civile, qui sera chargée de gérer tous les aspects d'une administration transitoire ­ donc, en quelque sorte, de « gouverner » ­ est marquée, entre autres, par le fait que l'administrateur en sera un diplomate américain, M. Klein, et que tous les aspects de la vie civile seront pris en compte : économiques, culturels, de police, de préparation des élections, etc.

Ensuite, ce mandat souligne l'accord des parties comme condition de base et permet, en cas de transgression de cet accord, de réviser la mission, voire d'envisager la fin de mission.

Par ailleurs, la composante militaire est autorisée, pour ce qui est de sa propre sécurité et de sa liberté de mouvement, à agir dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies et, donc, de faire usage de la force.

M. Mahoux, vice-président,

prend la présidence de l'assemblée

En outre, la composante militaire ne sera pas chargée de tâches de police.

Enfin, l'opération de démilitarisation, dont la supervision sera effectuée par la composante militaire, ne débutera qu'après déploiement de l'effectif prévu, soit quelque 5 000 hommes ­ j'y reviendrai ­, et avis de l'administrateur transitoire.

J'ai ainsi énuméré les cinq raisons permettant aux départements des Affaires étrangères et de la Défense, et plus globalement au Gouvernement belge, de considérer comme satisfaisant le mandat proposé.

Pour ce qui est de l'appui extérieur, la décision a été prise par le Conseil de l'OTAN, le 26 janvier 1996, et prévoit que l'Implementation Force de l'OTAN, l'IFOR, d'une part, fournira de l'appui aérien rapproché à l'Administration transitoire, à sa demande et, d'autre part, appuiera le retrait d'urgence de l'Administration transitoire, lorsque demandé.

Il est toutefois clair ­ je tiens à le préciser d'emblée ­ que les plans détaillés ne pourront être établis que lorsque la composante militaire de l'Administration transitoire sera déployée sur le terrain.

Pour ce qui est des forces devant se déployer sur le terrain, les aspects qualitatifs et quantitatifs doivent être examinés.

Selon la représentation permanente belge aux Nations unies, les données sont actuellement les suivantes.

Premièrement, des unités d'infanterie. Il s'agit de quatre bataillons, soit deux supplémentaires par rapport aux bataillons belge et russe déjà en place dans cette région.

Deuxièmement, des éléments d'appui « force et feux » constitués de deux batteries d'artillerie, d'une escadrille d'hélicoptères antichars, d'un escadron de chars et d'un élément de reconnaissance.

Troisièmement, des éléments d'appui logistique, à savoir une escadrille d'hélicoptères de transport, deux unités médicales et un bataillon de génie.

Quatrièmement, des éléments particuliers américains, en fait deux à trois équipes de liaison pour l'appui aérien et une équipe logistique qui permettront de faire la liaison avec la force de l'OTAN dont j'ai parlé il y a un instant.

En synthèse, on peut considérer, comme le fait d'ailleurs le secrétariat de l'ONU, que, quantitativement, l'offre est crédible et qu'elle dispose de moyens d'infanterie et d'appui significatifs.

Pour ce qui est de l'aspect qualitatif, on peut considérer qu'a priori la force est également crédible. Je voudrais citer trois éléments d'appréciation.

Premièrement, les troupes pré-désignées sont entraînées sur leur propre matériel.

Deuxièmement, la liaison avec l'IFOR ­ les troupes de l'OTAN présentes en Bosnie ­ pourra être réalisée, tant pour ce qui est de l'appui logistique que pour l'appui renseignement et l'appui aérien rapproché.

Troisièmement, l'ensemble de la composante dispose d'appui « force et feux », lui permettant de réagir, au besoin, de manière autonome.

Il est toutefois évident que le commandement de la composante militaire devra faire une analyse détaillée des capacités de ces forces lorsqu'elles seront déployées et prendra en compte leurs forces et faiblesses lorsqu'il leur attribuera leurs tâches.

Pour ce qui est de notre bataillon en Baranja, désigné sous l'appellation BELBAT, l'armement principal en est actuellement le suivant : 41 véhicules de combat d'infanterie; 13 véhicules blindés de transport d'infanterie; 22 véhicules chenillés légers de type CVRT; une centaine de mitrailleuses lourdes et légères; 21 canons 25 mm; 8 canons 30 mm et 25 postes de tir antichars.

Incontestablement, BELBAT n'est pas un bataillon léger. De plus, si nécessaire, il disposera de l'appui des éléments « force et feux » de l'Administration transitoire ­ artillerie, chars, hélicoptères antichars ­ et de l'appui aérien rapproché de l'IFOR. Sa capacité de dissuasion et d'action est donc significative, mais surtout, il s'agit d'un bataillon d'infanterie qui, déployé sur le terrain et effectuant des patrouilles, rassurera par sa présence la communauté serbe et contribuera au processus de pacification, ainsi qu'il le fait d'ailleurs depuis quatre ans dans des conditions toutefois différentes, je le reconnais.

Je voudrais apporter encore quelques précisions concernant l'armement puisque M. Destexhe m'a interrogé à ce sujet. Il y a, à l'heure actuelle, de l'ordre de 65 jeeps à BELBAT. Elles sont toutes équipées de grilles pare-pierre, de panneaux de protection et des systèmes de fixation pour les tapis en kevlar. Seules 5 jeeps sont équipées actuellement de ces tapis mais un marché a été passé afin de les équiper toutes, ce qui se fera dans le courant de ce mois.

J'ai évoqué, il y a un instant, de manière approfondie, l'appui de l'OTAN via l'IFOR. Je voudrais fournir encore quelques autres précisions. La Résolution du Conseil numéro 1037, votée à l'unanimité par l'ONU le 15 janvier 1996, prévoit que la démilitarisation se fera sur une base volontaire. La composante militaire sera chargée de superviser et de faciliter la démilitarisation, suivant le calendrier et les modalités qu'établira l'Administration transitoire.

En pratique, cela signifie qu'après déploiement complet de la composante militaire et après que cette force aura été déclarée opérationnelle, le secrétaire général de l'ONU, sur avis de l'administrateur transitoire ­ et donc sur avis du commandant de la composante militaire ­ évaluera le début de cette démilitarisation. Comme vous l'avez dit, celle-ci devra s'effectuer dans les trente jours. Dans le cas contraire, l'ensemble du mandat de l'ATNUSO pourra être revu, avec toutes les conséquences de cette révision.

Il est à noter, de plus, qu'une centaine d'observateurs militaires, les UNMO's, seront déployés afin de participer à l'identification des matériels.

Enfin, je voudrais souligner que des signes encourageants ont déjà été notés sur le terrain : une démobilisation partielle des unités serbes ­ la division Baranja ­ a commencé et différentes armes lourdes ainsi que des canons ont quitté la Baranja vers la Serbie.

Nous restons toutefois conscients de la difficulté et des risques du processus, gardant en mémoire la méfiance des parties et les excès commis par les uns et les autres. Vukovar n'en est qu'un exemple.

En cas d'attaque croate, il ne sera pas envisagé d'empêcher cette action par la force. En effet, la composante militaire, dimensionnée pour agir dans le cadre de l'accord des parties et donc d'une démilitarisation volontaire, ne dispose pas des moyens suffisants pour résister à une attaque d'ampleur, qu'elle soit croate ou serbe. Il est évident qu'une pression politique importante continuera à être exercée afin d'empêcher cette dérive.

Vous n'ignorez pas que la ligne logistique des États-Unis, venant de Hongrie vers Tuzla, passe à quelques kilomètres de l'actuelle ligne de démarcation entre les belligérants et que, dès lors, des Croates qui auraient l'intention d'envahir la Baranja devraient traverser cette ligne logistique, avec tout ce que cela comporte comme risques et menaces.

Si toutefois l'action devait être déclenchée, BELBAT agirait en prenant en compte la sécurité des militaires belges, le maintien, autant que faire se peut, d'une position de neutralité, ainsi que le cadre du mandat de l'ONU.

En tout état de cause, les directives ont été données afin que l'attitude belge soit ferme et résolue. Cela implique que, sur ordre de l'échelon supérieur ou à l'initiative des commandants de détachement, les éléments belges accueilleront les personnes qui en feront la demande, sous réserve de s'assurer qu'elles soient désarmées; ils informeront les organismes de l'ONU afin que ces personnes soient prises en compte; ils protégeront, éventuellement en faisant usage de la force, les personnes réfugiées dans les cantonnements ou les enceintes belges et, enfin, ils remettront ces personnes exclusivement aux organismes de l'ONU.

Il est clair qu'une telle extrémité serait particulièrement dangereuse et difficile à gérer. Le passé en ex-Yougoslavie, et ailleurs, a montré que les tâches militaires requièrent de nos troupes de la discipline, du sang-froid et de la compétence. Mais, comme dans toute opération extérieure, le risque existe; il serait vain de vouloir le cacher.

Je tiens maintenant à apporter quelques éléments d'information complémentaires en réponse aux deux autres intervenants. Je voudrais notamment évoquer l'ampleur de la force qui sera engagée dans la zone de la Slavonie orientale, d'une manière plus générale.

Il est vrai que le secrétaire général de l'ONU avait, en un premier temps, monsieur Bourgeois, évalué le volume de la force UNTAES à 9 300 hommes. Mais je tiens à souligner que cette estimation reposait sur l'exécution de l'ensemble de la mission dans le cadre du chapitre VII de la Charte de l'ONU et envisageait donc une démilitarisation forcée, contre la volonté de l'une ou l'autre des parties, ce qui n'est pas le cas dans le mandat qui sera appliqué.

Outre la menace dont je viens de parler, cette force ONU devait, le cas échéant, repousser une attaque extérieure, menée par Zagreb ou Belgrade. Notre approche était différente et, comme je l'ai exposé voici un instant en réponse à M. Destexhe, elle se fondait sur le principe selon lequel l'action de l'ONU devait reposer sur l'accord des parties. Ne nous faisons pas toutefois d'illusions : le passé en ex-Yougoslavie a montré que cet accord est parfois plus théorique que réel. C'est pourquoi nous avons accepté que le chapitre VII soit d'application pour la sécurité de nos troupes et pour la liberté de leurs mouvements. Les moyens armés peuvent donc être utilisés dans ce but.

Ensuite, nous avons exigé et obtenu l'appui de l'IFOR, c'est-à-dire de la force de l'OTAN déployée en Bosnie.

Enfin, nous avons également exigé et obtenu une force qui s'articule autour de quatre bataillons d'infanterie ­ permettant donc une occupation physique du terrain ­ mais aussi, comme je l'ai dit, autour d'éléments « force et feux » significatifs entre les mains du commandant de la composante militaire de l'Administration transitoire.

Les chiffres sont une chose, mais au-delà, la nature des unités, leur structure, leur entraînement, leur commandement, leurs tâches, et, bien entendu, leur armement, en sont une autre. Je ne crois pas que l'on puisse dire que l'armement sera léger. J'ai évoqué, en réponse à M. Dextexhe, l'armement dont nous disposons. Ce n'est pas un bataillon d'infanterie légère.

Viendront compléter le dispositif : les deux bataillons d'infanterie pakistanais et jordaniens, équipés de véhicules blindés d'infanterie M113; au moins un escadron de chars et deux batteries d'artillerie, soit environ vingt pièces.

Ce n'est plus une composition comparable à celle des Forces des Nations unies présentes jusqu'ici dans la région et que vous connaissez sous le nom d'UNPROFOR.

Pour ce qui est de la participation d'avions F-16 belges, monsieur Bourgeois, ce n'est pas par principe que nous n'avons pas retenu cette option, mais à la suite d'une analyse.

Tout d'abord, pour ce qui est de l'appui feu au sens large, nous avons relevé ­ j'en ai déjà parlé ­ trois autres sources possibles.

La première est celle de l'IFOR, puisque l'OTAN devra fournir l'appui aérien rapproché, à la demande de l'Administration transitoire. Nous mettrons en place les équipes de liaison et de guidage aérien et les plans communs entre l'administration transitoire et l'IFOR seront élaborés.

La deuxième source possible est celle de l'escadrille d'hélicoptères antichars et la troisième, celle des batteries d'artillerie.

Par ailleurs, et j'en viens à la question de M. Devolder, nous devrons supporter, en 1996, pour l'ensemble des opérations extérieures, un coût de l'ordre de 2,4 milliards de francs belges.

Une participation d'une escadrille de douze avions F-16 aurait amené un surcoût de l'ordre de 850 millions, déduction faite de certaines compensations internes. Vous connaissez la situation budgétaire des forces armées ­ j'en ai parlé à plusieurs reprises en commission ­ et il s'agissait de faire des choix en la matière. Nous avons donc estimé que l'appui aérien et l'appui feu disponible ­ soit par le dispositif prévu, soit par l'appui aérien de l'OTAN ­ nous permettaient de faire face aux exigences de la mission dans cette région.

M. Bourgeois a également évoqué la mission effectuée par le général-major Schoups. Il s'agissait d'une mission exploratoire, combinée avec une démarche des Affaires étrangères et conforme à la décision du Conseil des ministres du 12 janvier dernier. Elle a permis de rencontrer de nombreux acteurs, soit de l'ONU à Zagreb, soit des autorités politiques et militaires à Zagreb et à Belgrade, soit de Slavonie orientale. Le général Schoups a rencontré M. Milanovic et le général Loncar qui est le commandant de la division serbe Baranja.

En résumé, à son retour, le général Schoups, après avoir examiné la situation, a estimé que la mission était faisable, sous réserve de disposer, comme je l'ai dit antérieurement, de troupes qualitativement et quantitativement crédibles. Il n'a pas caché que la méfiance de la communauté serbe était grande mais que le temps pourrait jouer contre nous, qu'une décision devait être prise et qu'il ne fallait plus rester dans l'incertitude. Une espèce de lune de miel ­ je vous prie de bien vouloir m'excuser pour l'utilisation de ce terme peu approprié ­ régnait tant dans le chef des Serbes que des Croates, mais nous étions certains qu'elle ne durerait pas. Enfin, toujours selon le général Schoups, il était essentiel d'avoir une approche civile cohérente avec une action militaire.

Nous pensons donc que la coopération avec le général Loncar est possible et que la volonté existe. Celle-ci est confortée par des signes visibles sur le terrain. J'en ai déjà évoqué quelques-uns et je voudrais les compléter.

Ainsi, on a constaté une normalisation de la vie civile : la réouverture des écoles, la levée du couvre-feu, des travaux qui ont repris à certains moments dans les champs et le démontage de protections de certaines habitations; différentes armes lourdes et des canons ont quitté la Baranja vers la Serbie; on constate également une démobilisation partielle des troupes croates de la région et de la division Baranja; à l'avantage de nos troupes, la liberté de mouvement a été rétablie à la fois pour BELBAT, le bataillon belge, et pour RUSBAT, le bataillon russe présent dans la partie sud de la Slavonie orientale; ce rétablissement vaut tant pour les véhicules à roues que pour les véhicules chenillés; on a pu reprendre des patrouilles « sociales » permettant une présence physique des troupes auprès de la population ainsi que le survol de la zone en hélicoptère de l'ONU auquel il n'était plus procédé depuis plusieurs années; enfin, nos troupes nous rapportent une quasi-disparition des tirs d'armes légères.

Pour terminer, je confirme que nous resterons attentifs à ce que le commandant militaire garde une autonomie significative dans l'exécution des tâches militaires. Sur le plan théorique, cette disposition est acquise car la résolution 1037 du 15 janvier sépare effectivement les deux missions, militaire et civile, et il est exclu que la composante militaire soit impliquée dans des tâches civiles.

Sur le plan pratique, ce point sera pris en compte dès maintenant ­ même si nous restons conscients du fait qu'il n'y a qu'un administrateur transitoire, M. Klein ­ afin d'établir clairement les compétences et d'éviter le risque des doubles clefs, comme ce fut le cas dans le passé pour la UNPROFOR.

M. Klein est américain, ancien militaire et ancien conseiller de SACEUR, le commandement suprême allié en Europe; nous faisons partie de l'OTAN et nous sommes présents à la fois dans le dispositif de l'IFOR et dans celui de la Slavonie orientale. L'ensemble de ces éléments devraient nous permettre de trouver une structure de commandement convenable. Nous rencontrons M. Klein demain après-midi pour confirmer tous ces points et lui préciser le point de vue du Gouvernement belge et du général Schoups à cet égard.

En ce qui concerne le financement, j'ai connaissance de la situation qui prévaut à l'ONU et en particulier des menaces dont on parle. Pour cette raison, j'ai évoqué le montant total du coût de nos opérations. Sur le plan budgétaire, nous avons envisagé le remboursement des contributions forfaitaires prévues par les Nations unies. Nous en avons tenu compte dans notre planification et avons considéré un coût net pour le Gouvernement belge. Si les contributions des Nations unies ne nous parvenaient pas, nous reverrions alors nos calculs et nos estimations budgétaires ou, plutôt, les modalités de couverture. Comme vous le savez, nous préparons un contrôle budgétaire et nous avons donc en permanence la capacité de vérifier tous ces éléments.

Monsieur le Président, pour conclure et en vous priant d'excuser la longueur de cette intervention, je voudrais vous exprimer mon souhait de continuer à informer le Sénat comme je l'ai fait aujourd'hui. Les circonstances s'y prêtaient particulièrement puisque le Gouvernement venait de prendre cette décision. Je veillerai donc à vous tenir informés régulièrement du déroulement de cette mission. Cela me paraît la moindre des choses lorsque l'on engage un millier d'hommes à l'étranger.

J'ajoute que, comme M. Bourgeois, je considère qu'il s'agit à la fois d'un honneur et d'un devoir pour notre pays, mais aussi d'un risque. La balance a finalement penché en faveur de la participation à cette mission dont nous assurerons le commandement. C'est la première fois que nous aurons un force commander dans une opération des Nations unies. Je pense donc que nous devions nous placer dans les conditions de la réussite. (Applaudissements.)

M. le Président. ­ La parole est à M. Destexhe.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je suis très satisfait de la réponse du ministre aux aspects militaires de la question. En revanche, j'ai de grandes inquiétudes quant aux aspects politiques de la réponse.

En ce qui concerne l'aspect militaire ­ pourquoi ne pas le dire ­ si tout ce que vous nous avez dit est exact, monsieur le ministre ­ et je n'ai aucune raison d'en douter ­ je considére que vous avez tiré tous les enseignements des expériences précédentes et je ne peux que m'en réjouir et vous en féliciter.

Je ferai tout de même deux commentaires sur ce point.

Je vous invite ­ mais je crois que vous l'avez dit ­ à ne pas faire cette mission à l'économie, c'est-à-dire à doter les forces armées de tous les moyens nécessaires à l'accomplissement de cette mission. De ce point de vue, vous m'avez convaincu. Au Rwanda, c'est le souci d'économie qui avait prévalu; on avait voulu mener cette mission avec les restes des moyens engagés en Somalie. Je ne pense pas que cela soit le cas cette fois-ci. Vous avez à plusieurs reprises employé le mot « crédibilité ». Il s'agit bien d'un mot-clé. La crédibilité passe non seulement par le mandat mais aussi par l'armement de nos forces. Je suis, là aussi, extrêmement satisfait de votre réponse.

Par contre, j'ai deux inquiétudes. Vous avez dit ­ et vous avez raison ­ que l'accord prévoit que la démilitarisation doit intervenir dans les trente jours après le déploiement complet des forces et qu'un certain nombre de conditions auront été remplies. Or, vous ne donnez aucune précision à cet égard. Le déploiement peut prendre très longtemps. Les conditions peuvent ne jamais être remplies. J'aimerais que vous nous apportiez quelques précisions sur le calendrier du déploiement. En effet, l'accord peut être bon mais l'absence de déploiement poserait un problème majeur.

Par ailleurs, les aspects politiques de votre réponse m'inquiètent. Vous avez à deux reprises mentionné la méfiance des populations serbes. Pas une seule fois, vous n'avez évoqué le sort des populations croates. Je vous rappelle que 70 000 croates ont été chassés de ces régions. L'accord leur reconnaît totalement le droit au retour. Vous ne nous avez pas parlé de ce deuxième volet extrêmement important. Vous n'avez pas dit un mot là-dessus. Vous avez parlé de la liberté de mouvement de nos troupes. Certes, il s'agit d'une condition fondamentale et indispensable mais la liberté de mouvement implique aussi la liberté pour les populations croates de rentrer chez elles.

Enfin, je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit : je souhaite moi aussi que les populations serbes soient protégées et ne fassent pas l'objet de représailles de la part des autorités croates lorsqu'elles reprendront le contrôle de ces régions. À cet égard, on peut nourrir un certain nombre d'inquiétudes légitimes. Mais je vous rappelle que les autorités serbes qui contrôlent ces populations aujourd'hui sont celles qui ont fait la conquête de cette région, chassé les Croates, mené à bien une politique de purification ethnique à grande échelle et qui y ont massacré des milliers de personnes.

En tant que ministre, vous avez évidemment une responsabilité que je n'ai pas et vous ne pouvez pas tenir le même langage que moi vis-à-vis des autorités serbes, mais je vous rappelle quand même que le problème du retour des Croates dans cette région se pose de façon aiguë.

Pour terminer, il me reste, à vous souhaiter bonne chance ainsi qu'aux officiers, sous-officiers et soldats. Comme vous l'avez dit, c'est un grand honneur pour notre pays de mener à bien cette mission. J'espère que nous réussirons.

De Voorzitter. ­ Het woord is aan de heer Bourgeois.

De heer Bourgeois (CVP). ­ Mijnheer de Voorzitter, ik dank de minister voor zijn omstandig antwoord dat ons de mogelijkheid geeft in de toekomst meer controle uit te oefenen. Ik herhaal nog even dat wij vooral aandacht moeten hebben voor de autonomie van onze bevelhebber en van onze eenheden in het kader van het UNO-mandaat, wat niet altijd zo evident is. Voorts ben ik blij met de garantie die de minister ons geeft dat het Parlement, vooral dan de commissie, de operatie op de voet zal kunnen volgen en de nodige informatie zal krijgen.

M. le Président. ­ La parole est à M. Poncelet, ministre.

M. Poncelet, ministre de la Défense nationale. ­ Monsieur le Président, en complément à ce qui vient d'être dit je voudrais tout d'abord parler du calendrier.

Le Gouvernement a donc confirmé le mandat du général Schoups en qualité de commandant. L'état-major de brigade est quasiment constitué et les premiers éléments partiront le 21 ou le 23 février. Il rassemblera les forces proposées par les Nations unies de sorte que l'on peut s'attendre à atteindre fin mars le temps T zéro de l'opération, c'est-à-dire le constat qui devrait être fait de la mise en place des effectifs et qui nous permettrait d'espérer une démilitarisation pour fin avril ou début mai.

En ce qui concerne le mandat propement dit, j'ai insisté sur l'importance de superviser et de favoriser la démilitarisation. Vous savez aussi bien que moi que le mandat prévoit également de permettre le retour, librement consenti et en toute sécurité, des réfugiés et des personnes déplacées, en coopération avec le Haut Commissariat aux réfugiés, de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité et d'aider à l'application des accords de paix. Une grande partie des responsabilités repose sur les épaules de l'administrateur transitoire des Nations unies, M. Klein, qui disposera, pour cette tâche, d'une force de police qu'il réunit actuellement. Il ne faut donc pas confondre le rôle des autorités strictement militaires et celui des autorités exerçant un pouvoir davantage civil.

L'Administrateur transitoire a la responsabilité du retour des réfugiés. Nous l'aiderons dans les limites des moyens que j'ai évoqués.

Je partage votre sentiment lorsque vous dites que ce point du mandat ne sera pas le plus simple à exécuter. Vous avez fait état de votre séjour sur place, monsieur Destexhe. J'ai également pris la peine de me rendre deux fois en Slavonie orientale depuis mon entrée en fonction. L'occupation ­ tant physique que culturelle ­ serbe est très manifeste.

Je répète donc que le retour des réfugiés ne s'effectuera pas facilement. Les Croates, qui s'y préparent, devront en effet reprendre le contrôle d'une région. Le problème n'est donc pas essentiellement militaire et c'est d'ailleurs pour cette raison que les Nations unies ont beaucoup insisté pour la constitution d'une force de police qui assistera l'administrateur transitoire dans l'accomplissement de sa mission.

M. le Président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.