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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCES DU JEUDI 1er FÉVRIER 1996

VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 1 FEBRUARI 1996

(Vervolg-Suite)

QUESTION ORALE DE M. FORET AU MINISTRE DE LA JUSTICE SUR « LES ÉTUDES SOCIALES DEMANDÉES PAR LES TRIBUNAUX DANS LE CADRE DE PROCÉDURES CIVILES »

MONDELINGE VRAAG VAN DE HEER FORET AAN DE MINISTER VAN JUSTITIE OVER « DE MAATSCHAPPELIJKE ONDERZOEKEN DIE IN HET KADER VAN BURGERLIJKE PROCEDURES DOOR DE RECHTBANKEN WORDEN GEVRAAGD »

M. le Président. ­ L'ordre du jour appelle la question orale de M. Foret au ministre de la Justice sur « les études sociales demandées par les tribunaux dans le cadre de procédures civiles ».

La parole est à M. Foret.

M. Foret (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je remercie le ministre des Affaires étrangères de bien vouloir répondre à cette question dont le caractère technique est évident. Pour ma part, j'aurai la sagesse d'entendre sa réponse en fonction de la situation particulière.

C'est en ma qualité de sénateur de communauté que j'ai l'honneur de poser cette question. Je l'ai posée dans les mêmes termes voici deux jours devant le Conseil de la Communauté française. À l'évidence, nous sommes au coeur d'une de ces nombreuses matières où les intérêts des différentes entités fédérales et fédérées sont incontestables.

Mme Onkelinx, ministre-présidente de la Communauté française, a récemment informé le ministre qu'elle avait donné des instructions aux services de protection judiciaire afin qu'ils ne réalisent plus les études sociales demandées par les tribunaux dans le cadre de procédures civiles, et ce à dater du 1er janvier 1996.

On peut tout d'abord s'interroger sur le caractère légal d'une telle décision au regard des articles suivants : l'article 50 de la loi du 8 avril 1965 qui accorde au juge de la jeunesse le pouvoir de faire procéder à une étude sociale par l'intermédiaire du service social compétent; l'article 62 du décret du 4 mars 1991 qui désigne le service de protection judiciaire comme service social compétent et, enfin, l'article 51 du même décret qui met à la disposition de chaque tribunal et chambre d'appel de la jeunesse un service de protection judiciaire.

Or, tous ces articles s'appliquent tant aux procédures protectionnelles que civiles !

Ensuite, on ne peut que s'étonner du manque actuel de réaction du ministre de la Justice, alors que l'ensemble des magistrats de la jeunesse se voient privés, de manière abrupte, d'un outil indispensable à un travail efficace. Les justiciables sont donc pris en otages par une décision irréfléchie reposant probablement uniquement sur des considérations budgétaires.

Ces quelques réflexions m'amènent à poser les questions suivantes :

Que pense le ministre de la légalité ou plus exactement de l'illégalité de la décision de Mme Onkelinx ?

Quelles mesures compte-t-il prendre pour permettre aux justiciables d'obtenir des décisions prises en connaissance de cause ?

M. le Président. ­ La parole est à M. Derycke, ministre, qui répondra en lieu et place du ministre de la Justice.

M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. ­ Monsieur le Président, le ministre de la Justice me prie de donner lecture de la réponse suivante : « Je voudrais tout d'abord préciser que je ne suis pas resté sans réaction face au problème soulevé par M. le sénateur. En effet, par lettre du 22 janvier 1996, j'écrivais à Mme la ministre-présidente à ce sujet.

En outre, un membre de mon cabinet a rencontré l'Union francophone des magistrats de la jeunesse le 19 janvier et un collaborateur du cabinet de Mme Onkelinx le 26 janvier.

Des négociations sont actuellement en cours entre nos deux cabinets et une réunion de concertation, initialement fixée le 26 janvier, est prévue le 16 février entre mon département, celui de la Communauté française et les magistrats de la jeunesse.

Je ne peux bien entendu que m'étonner de la position de Mme la ministre-présidente puisqu'en effet, tant l'article 50 de la loi du 8 avril 1965 que l'article 1280 du Code judiciaire prévoient la possibilité de faire procéder à une étude sociale « par l'intermédiaire du service social compétent ». Ce service social est « le service de protection judiciaire » tel que défini par l'article 62, paragraphe 8, du décret de l'aide à la jeunesse du 4 mars 1991.

Ces articles mentionnaient, à l'origine, un « délégué permanent à la protection de la jeunesse ».

Selon les travaux préparatoires de la Chambre des représentants du 18 juin 1992, la modification effectuée était purement terminologique mais rendue nécessaire à la suite de la communautarisation de la matière relative à la protection de la jeunesse.

J'estime donc qu'il appartient aux services de protection judiciaire d'effectuer les études sociales dans le cadre des procédures civiles.

J'espère pouvoir rapidement trouver une solution à cet important problème, et ce en collaboration avec tous les services concernés. »

M. le Président. ­ La parole est à M. Foret pour une réplique.

M. Foret (PRL-FDF). ­ Monsieur le Président, je remercie le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Justice pour cette réponse qui ne fait malheureusement que confirmer mes appréhensions. Contrairement à ce que m'a dit Mme Onkelinx avant-hier à la Communauté française, le caractère illégal de la décision apparaît clairement. Je m'étonne d'autant plus de cette attitude de la ministre-présidente que des commissions de concertation sont prévues entre la Communauté française et les tribunaux et parquets de la jeunesse. Ces procédures auraient pu être mises en oeuvre mais n'ont pas été activées.

Par ailleurs, le caractère rétroactif de la décision de Mme Onkelinx est tout à fait surprenant puisque c'est par une simple lettre du 11 janvier qu'elle veut annuler rétroactivement une loi en application, et ce dès le 1er janvier.

Cette décision est parfaitement illégale puisque le caractère public et gratuit du service de la protection judiciaire est bien évidemment établi. Ce qui m'inquiète dans cette situation ­ outre le fait qu'elle menace grandement les justiciables et les tribunaux de la jeunesse dans leur fonctionnement ­ c'est que les membres des services de protection judiciaire pourraient dorénavant être poursuivis sur la base de l'article 422ter du Code pénal. Celui-ci prévoit des peines pénales identiques à celles prévues pour non-assistance à personne en danger pour tous ceux qui refuseraient de rendre les services qui leur seraient requis dans des circonstances d'exécution judiciaire.

Il s'agit évidemment de faits extrêmement graves et je remercie le ministre d'avoir bien voulu clarifier très nettement la situation aujourd'hui. J'espère qu'il prendra, sans attendre la réunion du 26 février, toutes les mesures qu'il convient pour mettre fin immédiatement à cette situation intolérable, et que Mme la ministre-présidente fera de même.

M. le Président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.