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SÉANCE DU JEUDI 12 OCTOBRE 1995 |
VERGADERING VAN DONDERDAG 12 OKTOBER 1995 |
M. le Président. L'ordre du jour appelle la question orale de Mme Lizin au ministre des Affaires étrangères sur « la situation de Mlle Sarah Balabagan ».
La parole est à Mme Lizin.
Mme Lizin (PS). Monsieur le Président, l'opinion publique de presque tous les pays occidentaux a été très sensible au sort réservé par les Émirats Arabes Unis à Mlle Sarah Balabagan. Cette situation, connue depuis longtemps, n'avait jusqu'à présent suscité que peu de réactions tant des Philippines que des pays étrangers.
M. le Président. Madame Lizin, je vous prie de vous en tenir à votre texte, comme le requiert le Règlement.
Mme Lizin (PS). Monsieur le Président, cette mesure brime la capacité d'éloquence des parlementaires !
M. le ministre pourrait-il indiquer, compte tenu de cette mobilisation extrêmement large menée dans différents pays auprès du gouvernement philippin et des gouvernements européens, les démarches entamées par le Gouvernement belge vis-à-vis des Émirats ?
Envisage-t-il d'accomplir une démarche identique par rapport à d'autres pays ? La Belgique considère-t-elle que le problème relève de l'application de la Convention des Nations unies pour l'abolition de l'esclavage ? Le cas échéant, ne devrions-nous pas nous montrer beaucoup plus fermes au sein du comité du suivi de cette convention ?
Enfin, la Belgique pourrait-elle envisager d'accorder le droit d'asile dans des cas similaires, cette attitude faisant déjà l'objet d'une jurisprudence en France et au Canada ?
M. le Président. La parole est à M. Derycke, ministre.
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. Monsieur le Président, l'article de La Libre Belgique du 18 septembre 1995 relatif à la condamnation à mort à Abu Dhabi d'une jeune ressortissante philippine n'a pas échappé à mon attention. Les faits que relate l'article en question quant aux circonstances de cette condamnation sont, à ma connaissance, exacts.
Dès le 20 septembre, la présidence espagnole de l'Union européenne saisissait les États membres de la question de l'opportunité d'une démarche humanitaire en faveur de Mlle Balabagan. Un rapport circonstancié comportant des recommandations quant à l'opportunité et quant à la nature d'une éventuelle démarche était demandé aux ambassadeurs européens accrédités aux Émirats. Dans le même temps, la présidence espagnole interrogeait les autorités philippines sur les initiatives prises à Manille, afin de ne rien entreprendre du côté européen qui vienne déforcer les efforts du président Fidel Ramos pour obtenir la grâce, la libération et l'expulsion des Émirats de la jeune fille. Dès le prononcé de la condamnation à mort, les autorités philippines avaient en effet dépêché à Abu Dhabi un émissaire ministériel et avaient appelé la population philippine, très émue par toute l'affaire, à se garder de toute manifestation qui pourrait être jugée hostile par les Émirats et pouvant entraîner l'exécution immédiate de la sentence, sans l'épuisement des recours judiciaires internes encore ouverts à Mlle Balabagan.
Tout en marquant sa reconnaissance à l'Union européenne, le gouvernement philippin a invité la présidence espagnole à s'abstenir pour le moment de toute démarche. Les autorités philippines estiment en effet qu'au stade actuel de la procédure judiciaire, une démarche humanitaire européenne s'avérerait « contre-productive ».
Les ambassadeurs européens à Abu Dhabi estiment par ailleurs qu'une démarche risquerait de mettre en danger la vie de Mlle Balabagan. Leur avis unanime est d'exclure toute démarche pour l'instant y compris à titre national afin d'éviter d'accélérer l'exécution de la sentence, compte tenu de l'extrême sensibilité du gouvernement et de la population des Émirats. Il ressort également de leur rapport que la condamnation est non seulement susceptible de recours à divers degrés mais doit être confirmée par le chef d'État pour être exécutoire. Une grâce présidentielle n'est donc pas à exclure.
Il convient donc, au stade actuel, d'adopter une attitude d'attente et de réserver les démarches de recours en grâce, y compris celle que je ne manquerai pas d'entreprendre dans ce cas, au moment où, à l'issue des différentes procédures d'appel qui viendraient confirmer ce jugement inique, la condamnation serait envoyée pour confirmation devant le chef de l'État.
Tout en partageant votre indignation quant au cas de Mlle Balabagan, je crois aussi qu'il serait bon, compte tenu de la prudence qui nous est demandée pour préserver la vie de cette jeune fille, de ne pas prendre la situation de quasi-esclavage qu'a mise en lumière son cas particulier pour dénoncer la situation abominable des femmes dans certaines parties du monde.
Je prends note par ailleurs de votre suggestion d'inclure dans l'arsenal des mesures que la Belgique et l'Union européenne pourraient éventuellement être appelées à prendre dans ce cas particulier et dans des cas similaires l'annonce de l'octroi d'un visa d'entrée concrétisant le droit d'asile en Europe des femmes discriminées en raison de leur sexe et victimes d'actes de violence s'y rapportant.
J'ose espérer cependant qu'une fois graciée, Mlle Balabagan pourra retourner aux Philippines et trouver dans son pays les conditions d'une vie normale et digne, tant en ce qui concerne son épanouissement personnel qu'en ce qui concerne l'affirmation et la jouissance de ses droits sociaux et économiques.
M. le Président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.