1-722/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

2 DÉCEMBRE 1997


Projet de loi portant désignation des tribunaux des marques communautaires


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME DELCOURT-PÊTRE


La commission de la Justice a examiné le présent projet de loi lors de sa réunion du 2 décembre 1997.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE LA JUSTICE

« L'article 91 du Règlement nº 40/94 de l'Union européenne (du 20 décembre 1993, tel qu'il a été modifié) sur la marque communautaire prévoit que les États membres désignent sur leurs territoires un nombre aussi limité que possible de juridictions nationales de première et de deuxième instance, dénommées « tribunaux des marques communautaires ».

L'objectif de cette disposition est d'assurer l'uniformité de la jurisprudence en évitant que tous les tribunaux d'arrondissement de l'Union ne soient habilités à connaître de cette matière.

Le Gouvernement propose de désigner le Tribunal de commerce de Bruxelles et la Cour d'appel de Bruxelles en tant que juridictions compétentes pour l'ensemble du pays. En effet, dans la pratique, les tribunaux de commerce sont déjà appelés actuellement à trancher des litiges en matière de droit des marques. On met donc le Règlement à exécution par le biais d'une concentration territoriale de cette compétence à Bruxelles. En outre, le président du tribunal en question demande à pouvoir connaître de ce contentieux. Il faut signaler en outre qu'il n'y a à ce jour aucun arriéré au Tribunal de commerce de Bruxelles, et que l'on a donc la garantie que ces nouvelles causes pourront être réglées rapidement.

En ce qui concerne la technique de cette attribution de compétences, j'estime, contrairement à l'avis du Conseil d'État, qu'il est préférable de s'inspirer de la structure existante du Code judiciaire et d'introduire séparément les deux aspects (l'attribution de la compétence formelle à un tribunal et l'attribution de la compétence territoriale).

Telle est la portée limitée du projet de loi qui vous est soumis et qui a été déposé le 20 août 1997, alors que la date limite à laquelle les États membres devaient, pour respecter la législation de la Communauté, communiquer à la Commission quelles sont les instances judiciaires en question était fixée au 15 mars 1997. »

II. DISCUSSION

Article premier

Dans le texte néerlandais de cet article, le mot « als » doit être inséré entre le mot « aangelegenheid » et le mot « bedoeld ». Pour le surplus, cet article ne suscite aucune observation. Il est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

Article 2

Un membre fait observer qu'il est préférable de préciser de quel « Conseil » il s'agit à cet article. Il propose d'insérer, après ce mot, les termes « de l'Union européenne ».

La commission se rallie à cette suggestion (voir infra , l'amendement nº 1).

Un autre membre demande si l'insertion proposée à l'article 574 du Code judiciaire signifie que les demandes visées à l'article 92 du Règlement nº 40/94 du Conseil de l'Union européenne se rapportent à ce que la doctrine qualifie d'actes objectifs de commerce. Pour ceux-ci, le tribunal de commerce est toujours compétent, même si les parties en cause n'ont pas la qualité de commerçant.

Le ministre répond qu'en l'occurrence, cette question ne se pose pas, car dans le présent cas, la compétence est accordée au tribunal de commerce, indépendamment de la notion d'acte de commerce.

Le précédent intervenant réplique que c'est précisément pour cela que l'on pourrait déduire de la disposition proposée que tous les actes posés dans le cadre de la marque communautaire sont des actes objectifs de commerce, qui échappent par conséquent au droit d'auteur, au droit des brevets, etc.

Un autre membre se rallie à l'observation du précédent intervenant. Pourquoi les problèmes relatifs à la marque communautaire échappent-ils au droit commun des marques, qui ne relève pas par nature de la compétence du tribunal de commerce ?

Le ministre répond que, tout d'abord, le Conseil de l'Union européenne souligne dans son règlement nº 40/94 que les États membres doivent désigner sur leurs territoires un nombre aussi limité que possible de juridictions nationales de première et de deuxième instance, compétentes pour connaître du contentieux relatif à la marque communautaire, et ce afin d'assurer l'unité de la jurisprudence.

Lors de la rédaction du projet, le gouvernement avait le choix entre le tribunal de première instance et le tribunal de commerce.

Son choix s'est porté sur ce dernier parce qu'il est plus familiarisé avec les problèmes relatifs aux marques, lesquels se posent la plupart du temps entre commerçants.

Il est exact qu'en matière de marque communautaire, on ne vérifiera pas, pour apprécier la compétence du tribunal de commerce, si l'affaire porte ou non sur un acte de commerce. On ne peut pas en déduire pour autant qu'il s'agit en la matière d'office d'actes objectifs de commerce. La compétence ne détermine pas la nature (civile ou commerciale) des actes.

Un précédent intervenant souligne que la question se posera notamment en cas d'affaires connexes, les problèmes relatifs aux marques étant souvent complexes.

Des affaires où se poseront à la fois des questions relatives à une marque « ordinaire » et à la marque communautaire risquent de donner lieu à des problèmes de connexité ou de litispendance.

Un autre membre évoque le cas où une demande reconventionnelle relative à la marque communautaire vient se greffer sur une demande principale relative à une marque « ordinaire ».

Le ministre renvoie à ce sujet aux articles 29, 30, 565, alinéa 3, et 566 du Code judiciaire, et accentue le caractère exclusif de la compétence accordée.

Il signale également que la nouvelle loi sur le concordat judiciaire n'était pas encore publiée au moment du dépôt du projet à l'examen, alors qu'elle l'est aujourd'hui.

Or, cette loi insère déjà un 10º à l'article 574 du Code judiciaire. À l'article 2 du projet, il faut donc remplacer « 10º » par « 11º ».

La référence à l'article 574 du Code judiciaire, contenue à l'article 3 du projet, doit être adaptée dans le même sens.

Au terme de cette discussion, M. Lallemand dépose l'amendement suivant (doc. Sénat, nº 1-722/2, amendement nº1) :

« Remplacer cet article par ce qui suit :

« Art. 2 ­ L'article 574 du Code judiciaire est complété par un 11º, libellé comme suit :

« 11º : des demandes visées à l'article 92 du Règlement nº 40/94 du Conseil de l'Union européenne du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire. »

Cet amendement est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

La commission souhaite que les articles 91 et 92 du Règlement nº 40/94 du Conseil de l'Union européenne soient joints au rapport (voir annexe).

Article 3

Un membre constate que cet article propose de compléter l'article 627 du Code judiciaire par un 15º. Il demande sur quoi portent les 13º et 14º.

Le ministre répond que le 13º concerne la loi du 30 juin 1994 sur la protection juridique des programmes d'ordinateur.

Le 14º n'est pas encore devenu loi. Le projet qui le contient et qui concerne le brevet communautaire a été approuvé en Conseil des ministres avant le présent projet, mais n'est pas encore déposé au Parlement. Il relève de la compétence du ministre des Affaires économiques.

Par conséquent, à l'article 3, le « 15º » doit être remplacé par « 14º ».

M. Lallemand dépose l'amendement suivant (doc. Sénat, nº 1-722/2, amendement nº 2) :

« Remplacer cet article par ce qui suit :

« Art. 3 ­ L'article 627 du Code judiciaire est complété par un 14º, libellé comme suit :

« 14º : dans le cas prévu à l'article 574, 11º, le tribunal de commerce de Bruxelles. »

Cet amendement est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

III. VOTE FINAL

L'ensemble du projet de loi amendé est adopté à l'unanimité des 8 membres présents.

À la même unanimité, confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La Rapporteuse,
Andrée DELCOURT-PÊTRE.
Le Président,
Roger LALLEMAND.

TEXTE TRANSMIS PAR LA CHAMBRE
DES REPRÉSENTANTS
TEXTE ADOPTÉE PAR LA COMMISSION
DE LA JUSTICE
Art. 1 Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution. La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2 Art. 2
L'article 574 du Code judiciaire est complété par un 10º, libellé comme suit : L'article 574 du Code judiciaire est complété par un 11 º, libellé comme suit :
« 10º : des demandes visées à l'article 92 du règlement nº 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire. » « 11 º : des demandes visées à l'article 92 du Règlement nº 40/94 du Conseil de l'Union européenne du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire. »
Art. 3 Art. 3
L'article 627 du Code judiciaire est complété par un 15º, libellé comme suit : L'article 627 du Code judiciaire est complété par un 14 º, libellé comme suit :
« 15º : dans le cas prévu à l'article 574, 10º, le tribunal de commerce de Bruxelles. » « 14 º : dans le cas prévu à l'article 574, 11 º, le tribunal de commerce de Bruxelles. »

ANNEXE


RÈGLEMENT (C.E.) Nº 40/94 DU CONSEIL DU
20 DÉCEMBRE 1993 SUR LA MARQUE COMMUNAUTAIRE

DEUXIÈME SECTION

Litiges en matière de contrefaçon et de
validité des marques communautaires

Article 91

Tribunaux des marques communautaires

1. Les États membres désignent sur leurs territoires un nombre aussi limité que possible de juridictions nationales de première et de deuxième instance, ci-après dénommées « tribunaux des marques communautaires », chargées de remplir les fonctions qui leur sont attribuées par le présent règlement.

2. Chaque État membre communique à la Commission dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement une liste des tribunaux des marques communautaires contenant l'indication de leur dénomination et de leur compétence territoriale.

3. Tout changement intervenant après la communication de la liste visée au paragraphe 2 et relatif au nombre, à la dénomination ou à la compétence territoriale desdits tribunaux est communiqué sans délai par l'État membre concerné à la Commission.

4. Les informations visées aux paragraphes 2 et 3 sont notifiées par la Commission aux États membres et publiées au Journal officiel des Communautés européennes.

5. Aussi longtemps qu'un État membre n'a pas procédé à la communication prévue au paragraphe 2, toute procédure résultant d'une action ou demande visées à l'article 92 et pour laquelle les tribunaux de cet État sont compétents en application de l'article 93, est portée devant le tribunal de cet État qui aurait compétence territoriale et d'attribution s'il s'agissait d'une procédure relative à une marque nationale enregistrée dans l'État concerné.

Article 92

Compétence en matière de contrefaçon et de validité

Les tribunaux des marques communautaires ont compétence exclusive :

a) pour toutes les actions en contrefaçon et ­ si la loi nationale les admet ­ en menace de contrefaçon d'une marque communautaire;

b) pour les actions en constatation de non-contrefaçon, si la loi nationale les admet;

c) pour toutes les actions intentées à la suite de faits visés à l'article 9, paragraphe 3, deuxième phrase;

d) pour les demandes renconventionnelles en déchéance ou en nullité de la marque communautaire visées à l'article 96.