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Question écrite n° 7-318

de Carina Van Cauter (Open Vld) du 27 janvier 2020

au ministre de la Sécurité et de l'Intérieur, chargé du Commerce extérieur

Armes à feu illégales - Détention - Ventes d'armes - Répression - Statistiques

arme à feu et munitions
armement
trafic illicite
criminalité organisée
Internet
commerce électronique
commerce des armes
arme personnelle
arme de petit calibre

Chronologie

27/1/2020Envoi question (Fin du délai de réponse: 27/2/2020)
27/2/2020Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-317

Question n° 7-318 du 27 janvier 2020 : (Question posée en néerlandais)

La police néerlandaise enregistre de plus en plus de cas de vente d'armes. Le nombre d'actions en justice lancées pour détention et vente d'armes illégales durant le premier semestre de 2019 est le plus élevé depuis six ans. Et cette augmentation ne s'observe pas uniquement dans les grandes villes. Ces évolutions retiennent l'attention de la police. On a ainsi déjà constaté une hausse alarmante de l'utilisation de grenades. Mais d'autres formes d'activités illégales se multiplient également. Ce n'est pas par hasard que la détection des ventes d'armes automatiques lourdes fait partie des priorités des services publics fédéraux Justice et Intérieur.

Rien que durant les six premiers mois de l'année 2019, la police néerlandaise a ouvert 2 943 enquêtes sur des ventes d'armes. Il est question de la détention ou du commerce illicites d'armes à feu telles que des fusils, des pistolets et des revolvers. La notion de vente d'armes recouvre également la vente et la détention illégale d'autres armes, comme des armes blanches, des coups-de-poing américains et des grenades.

Le Moniteur néerlandais de la criminalité organisée de 2019, publié dernièrement, souligne le rôle joué par la Belgique dans les trafics d'armes (cf. Georganiseerde criminaliteit in Nederland: daders, verwevenheid en opsporing, Rapportage in het kader van de vijfde ronde van de Monitor Georganiseerde Criminaliteit (Criminalité organisée aux Pays-Bas: auteurs, interconnexion et détection, Rapport établi dans le cadre de la cinquième édition du Moniteur de la criminalité organisée), 2019). Voir entre autres le cas suivant (traduction): «La livraison a été effectuée par deux armuriers belges qui exportaient sur papier des armes qui, en réalité, ne quittaient pas la Belgique et étaient revendues par la suite au marché noir. Une armurerie néerlandaise procurait les licences pour l'exportation vers une société-boîte aux lettres de Gibraltar.»

Une autre évolution inquiétante est la quantité toujours plus grande d'armes trouvées parmi les bandes actives dans le trafic de drogue, lesquelles sévissent également souvent dans notre pays.

La lutte contre le trafic d'armes et les armes illégales relève du point 7) «La criminalité organisée contre la propriété et les trafics de biens illégaux» du Plan national de sécurité 2016-2019.

Je me réfère également à l'étude réalisée en 2017 par le Vlaams Vredesinstituut (Institut flamand pour la paix) «De Belgische illegale vuurwapenmarkt in beeld» (Le trafic d'armes belge en image), où l'on peut notamment lire (traduction): «Vu l'absence de statistiques fiables, l'image que l'on a du phénomène reste nécessairement liée aux dossiers ouverts. Or une vision plus stratégique des évolutions et des tendances est une condition nécessaire d'une approche proactive, réfléchie et structurelle.» (cf. https://vlaamsvredesinstituut.eu/wp-content/uploads/2019/03/De-Belgische-illegale-vuurwapenmarkt-in-beeld.pdf).

Le régime de contrôle de la détention et de la vente d'armes à feu ne relève pas seulement de la compétence de l'autorité fédérale. En Belgique, le contrôle des armes à feu destinées au tir sportif est ainsi une compétence des Communautés, alors que les Régions sont compétentes pour les armes à feu destinées à la chasse. En outre, l'importation, l'exportation et le transit d'armes constituent, en majeure partie, une compétence régionale depuis 2003. Les personnes qui souhaitent importer ou exporter une arme à feu doivent demander une autorisation à cette fin auprès des autorités régionales. Depuis 2012, les Régions flamande et wallonne disposent de leur propre arsenal décrétal pour régir les ventes d'armes. En 2013, la Région de Bruxelles-Capitale a elle aussi promulgué sa propre ordonnance à ce sujet. La présente question porte donc sur une compétence transversale, partagée avec les Communautés et les Régions.

J'aimerais obtenir une réponse aux questions suivantes:

1) Combien d'armes à feu illégales ont été saisies chaque année en Belgique depuis 2017? Pouvez-vous également préciser le type des armes à feu saisies annuellement? Pouvez-vous me communiquer ces statistiques par arrondissement? Observe-t-on des différences notables entre arrondissements?

2) Selon l'Institut flamand pour la paix, le trafic constaté d'armes à feu interdites aurait sensiblement augmenté ces dernières années. Pouvez-vous me communiquer les chiffres concrets pour les années 2017, 2018 et 2019? Cette tendance est-elle avérée?

3) Pouvez-vous me dire combien de constats de détention illégale d'armes à feu la police a établis au cours de chacune des années 2017 à 2019 et, éventuellement, de quel type d'armes il s'agissait?

4) Au cours de chacune des années 2017 à 2019, à combien d'arrestations a-t-on procédé dans le cadre du trafic d'armes organisé? Pouvez-vous commenter ces chiffres?

5) Quelles sont les tendances principales qui se dégagent en ce qui concerne le trafic d'armes et le crime organisé? Pouvez-vous fournir des chiffres?

6) Pouvez-vous me dire si les tendances constatées aux Pays-Bas (forte hausse du nombre d'armes à feu et de grenades illégales) s'observent également dans notre pays? Pouvez-vous préciser?

7) À quels résultats la création, au sein de la police, du groupe de travail constitué d'experts en armement a-t-elle abouti?

8) Est-il vrai que, comme le dit l'Institut flamand pour la paix, on note de nombreux départs - et donc une perte d'expérience et d'expertise - parmi le personnel de la direction centrale de la Lutte contre la criminalité grave et organisée (DJSOC), division Armes, qui ne dispose dès lors plus d'effectifs suffisants pour procéder à des analyses complètes? Dans l'affirmative, comment y remédie-t-on? Dans la négative, combien d'équivalents temps plein la DJSOC/Armes comptait-elle en 2016, 2017, 2018 et 2019?

9) De quelle manière le commerce illicite d'armes est-il combattu dans notre pays? Quels sont les services compétents? Comment la coopération se passe-t-elle?

10) Des études étrangères montrent que la demande d'armes à feu illégales émane souvent du milieu de la drogue. Aux-Pays-Bas, près de la moitié des cas de détention illégale d'armes à feu se situent ainsi dans le milieu de la drogue. Est-ce aussi le cas dans notre pays? Pouvez-vous fournir des chiffres?

11) Quel rôle le «darknet» joue-t-il dans l'acquisition d'armes à feu illégales? Disposez-vous de données chiffrées à ce propos? Peut-on parler d'une augmentation ou d'une diminution?

12) Pouvez-vous expliquer de quelle manière on lutte concrètement contre le trafic d'armes via le «darknet»? Une unité spécifique de la police est-elle chargée du suivi des transactions sur le «darknet»? Dans la négative, pour quelles raisons? Dans l'affirmative, avec quels résultats concrets?

Réponse reçue le 27 février 2020 :

1) Sur base d’une analyse récente des enregistrements dans le registre central des armes (RCA), la direction centrale de Lutte contre la criminalité grave et organisée (DJSOC) a analysé le nombre d’armes saisies depuis 2016. Vous trouverez le détail dans le graphique ci-dessous, en tenant compte d’une importante augmentation des saisies d’armes durant la période d’amnistie en 2018.

(Source: RCA)

L’interprétation des chiffres au sujet des différents types d’armes saisies, en fonction de l’arrondissement judiciaire, est compliquée. Dans le futur ces informations pourront être obtenues via un nouvel outil qui est actuellement en développement à savoir la base de données PACOS qui vise à uniformiser la gestion et le traitement des saisies et des pièces à convictions.

2) Vous trouverez ci-dessous une extraction de la Banque de données nationale générale (BNG) concernant le nombre de faits relatifs au trafic d’armes entre 2016 et 2018. On peut noter une certaine stabilité dans le nombre de faits y compris en ce qui concerne les faits relatifs au commerce illégal d’armes.

Nombre de faits

2016

2017

2018

Arme, munition, pièce, accessoire - commerce

181

175

167

Arme,munition, pièce, accessoire - fabrication/réparation

15

12

12

Infraction particulière liée aux armes

39

50

38

TOTAL

235

237

217

Source: BNG (DRI/BIPOL)

3) & 4) Sur base des informations disponibles dans les différentes bases de données, il n’est pas possible de différencier de manière précise les faits de détention illégale des autres catégories de délits relatifs aux armes. Il est également pour cette raison difficile de donner des chiffres relatifs aux arrestations dans le cadre de dossier «armes».

5) & 6) D’une analyse récente interne à la police, certaines tendances ont été mises en évidence. On observe notamment que «la plupart des armes à feu sur le marché illégal proviennent du marché légal (…) selon différentes méthodes observées dans les dossiers». Le service spécialisé «armes» de la police judiciaire fédérale effectue des analyses internes. Ainsi les principaux modus operandi observés sont la contrebande (ou armes recomposées à partir de pièces commandées dans différents pays), le vol, la falsification de documents, la non régularisation, la réactivation ou encore la conversion d’armes. Sur base des chiffres disponibles, nous ne pouvons ni confirmer ni infirmer la tendance observées par nos collègues néerlandais. Même si nous observons une certaine stabilité dans les chiffres, il ne faut pas perdre de vue que le trafic d’armes à feu est une criminalité cachée.

7) Le réseau d’experts au sein de la police est actif au niveau fédéral bien que l’implication de ses membres varie fortement selon les arrondissements judiciaires. Les contacts avec les policiers responsables armes dans les zones de police montrent là aussi une grande disparité dans la manière d’appréhender le phénomène.

La mesure dans laquelle on investit réellement dans la matière dépend aussi des priorités locales des autorités respectives.

8) En 2012, avant l’optimalisation de la police fédérale, le service armes comptait 9 équivalents temps plein (FTE). À la suite de l’optimalisation, la décision a été prise par la direction de la police fédérale de diminuer cette capacité à 3 FTE. Avec la nouvelle organisation interne DJSOC 2019, la capacité a été portée à 4 FTE notamment pour faire face à certaines obligations internationales (EMPACT Europol) et le service Armes se compose actuellement d’un commissaire et de trois inspecteurs principaux.

9) La lutte contre le commerce illégal d’armes est une compétence fédérale. Cependant la réalité de la situation est beaucoup plus complexe dans la mesure où il y a de nombreuses compétences réparties entre le niveau fédéral et les Régions. Ainsi l’importation, l’exportation, le transit et le transfert d’armes sont des compétences régionales depuis 2003. Quant au «service Armes» du service public fédéral (SPF) Justice, il joue un rôle prépondérant dans le cadre législatif. À ce titre le SPF Justice préside plusieurs plateformes de concertation dont le Conseil consultatif des armes (article 37 de la loi du 8 juin 2006 sur les armes) et le Comité interfédéral pour la lutte contre la production et le commerce illégaux d’armes (créé par arrêté royal du 29 octobre 2015). Ce dernier se compose d’une série de partenaires directement impliqués dans la problématique (police locale et fédérale, douanes, services de renseignement et de sécurité, services publics régionaux, SPF Affaires étrangères, Inspection économique ) et doit se réunir au moins quatre fois par an afin d’échanger les informations sur les dernières tendances en matière de trafic d’armes.

Par ailleurs la circulaire confidentielle 14/2012 du Collège des procureurs généraux relative à l’approche judiciaire du trafic d’armes, prévoit que le parquet fédéral joue également un rôle de coordination dans les enquêtes par l’intermédiaire de réunions régulières entre les référents armes des polices judiciaires d’arrondissement, les magistrats de référence des parquets et la DJSOC.

10) Il ressort clairement des analyses réalisées par la DJSOC, que les auteurs de trafic d’armes sont souvent actifs dans d’autres domaines de criminalité, dont celui de la drogue. Il ressort par ailleurs de plusieurs dossiers qu’il existe une forte connexion entre l’approvisionnement de drogues et la présence d’armes à feu, les routes suivies par ces différents trafics étant identiques.

11) & 12) Le dark web est un facilitateur qui offre la possibilité pour des particuliers d’acquérir des armes, munitions, pièces et accessoires par voie illégale , sans la nécessité de connexions préalables avec le milieu criminel.

La police fédérale est consciente de l'importance du dark web et de son rôle dans les différents phénomènes criminels.

Les recherches policières sur le dark web sont pour le moment principalement orientées sur le support spécialisé dans des dossiers spécifiques. Pour ce faire, la direction de la Lutte contre la criminalité grave et organisée (DJSOC) de la police judiciaire fédérale dispose de la section i2-IRU qui est en charge de la recherche sur Internet.

Dans le cadre de ses missions, la section i2 propose un appui spécialisé aux services de la police intégrée, y compris les services Centraux de la DJSOC en ce qui concerne les phénomènes issus du Plan national de sécurité, et à la magistrature, en matière de recherches approfondies sur Internet.

Les recherches effectuées par ce service se limitent au niveau de profondeur de la recherche souhaitée par le demandeur.

Depuis la création de la cellule DJSOC/i2-IRU, 89 demandes d’intervention en lien avec les armes ont été effectuées. Trois concernaient le dark web. Toutes les autres sont à mettre en lien avec l’utilisation de réseaux sociaux où des personnes apparaissaient avec des armes (généralement fausses ou imitations).