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Question écrite n° 7-1615

de Tom Ongena (Open Vld) du 11 mai 2022

à la ministre de l'Intérieur, des Réformes institutionnelles et du Renouveau démocratique

Rappeurs drill - Violence - Jeunes - Police - Enseignement - Approche - Concertation avec les Communautés - Enquête - Réseau criminel - Lien - Chiffres et tendances

violence des jeunes
armement
statistique officielle
poursuite judiciaire
agression physique
musique

Chronologie

11/5/2022Envoi question (Fin du délai de réponse: 9/6/2022)
9/6/2022Réponse

Aussi posée à : question écrite 7-1614

Question n° 7-1615 du 11 mai 2022 : (Question posée en néerlandais)

Depuis l'été 2021, une nouvelle tendance est arrivée des Pays-Bas et de Grande-Bretagne : le phénomène de la musique «drill», un sous-genre du rap. La drill est un style musical né aux États-Unis, où des jeunes de New York et de Chicago rappaient sur des thèmes tels que la violence, la pauvreté et le racisme. Le mot «drill» renvoie au bruit des armes à feu, qui fait pour ainsi dire partie du quotidien dans ces villes. Aux Pays-Bas, essentiellement dans les villes d'Amsterdam et de Rotterdam, les groupes de drill se livrent un combat à mort (voir https://www.demorgen.be/nieuws/nieuw fenomeen in antwerpen drillrappers pronken met geweld in video s en scoren punten met overvallen en steekpartijen~ba007b50/).

Dans notre pays, les membres de ces groupes sont principalement des jeunes Africains ou Sud-Américains issus de quartiers comme Deurne-Nord, Luchtbal ou le Kiel. Le parquet d'Anvers ne donne pas de détails sur les incidents, ni sur le nombre de jeunes qui ont déjà été sanctionnés. Il confirme cependant que les rappeurs drill causent des problèmes.

Des incidents sont déjà survenus cet été lorsqu'un rappeur drill célèbre a fondé son propre groupe. Ses anciens partisans de Deurne sont venus le provoquer et ont brisé une fenêtre à son domicile. Lorsqu'il est sorti pour ramasser le verre, il a été poignardé.

Dans la ville néerlandaise de Delft, trois adolescents ont été condamnés pour avoir, à la fin de l'année dernière, troublé l'ordre public à l'aide de machettes dans un centre commercial fort fréquenté. Pendant leur délai d'épreuve de deux ans, les trois jeunes doivent se tenir à l'écart de la drill, car c'est celle-ci qui a inspiré leur geste. Cette mesure inclut, par exemple, l'interdiction de figurer dans des vidéos de drill, dans lesquelles les menaces de mort sont monnaie courante. Ils ne peuvent pas non plus partager des vidéos tournées par d'autres, ni y réagir (voir https://www.ad.nl/delft/tieners met machetes krijgen jeugddetentie en mogen geen drillraps meer maken~a0c72f18/).

Ces actes ne viennent pas de nulle part. Les rappeurs drill tiennent à jour un tableau de score qu'ils affichent souvent sur les réseaux sociaux. Ils y appliquent un système de points sur la base duquel ils établissent un classement de réputation et de prestige entre eux. Plus ils ont de points, plus leur renommée est grande.

On obtient des points en humiliant un membre d'un autre groupe de drill en rue, par exemple en lui faisant littéralement embrasser ses chaussures ou en l'obligeant à se déshabiller. On peut aussi pourchasser un rival pour qu'il aille se réfugier chez ses parents, ce qui rapporte un point. Donner un coup de couteau («planter» quelqu'un) donne droit à des points supplémentaires, de même que faire enfermer quelqu'un dans un établissement fermé. En revanche, se faire arrêter par la police coûte un point. Vous perdez aussi un point lorsqu'un rival coupe les cheveux de votre sœur.

En ce qui concerne le caractère transversal de la présente question: les différents gouvernements et maillons de la chaîne de sécurité se sont accordés sur les phénomènes qui devront être traités en priorité au cours des quatre prochaines années. Ceux-ci sont définis dans la note-cadre de sécurité intégrale et dans le Plan national de sécurité 2016-2019 et ont été discutés lors d'une conférence interministérielle à laquelle les acteurs de la police et de la justice ont également participé. Il s'agit donc d'une matière transversale qui relève également des Régions, le rôle de ces dernières se situant surtout dans le domaine de la prévention.

Je voudrais donc vous poser les questions suivantes:

1) Dans quelle mesure des adeptes de la drill se rassemblent-ils dans des groupes (de jeunes) reconnaissables en Belgique? Pouvez-vous fournir des chiffres à ce sujet pour les deux dernières années? Ces groupes sont-ils recensés par la police, par exemple dans l'inventaire des groupes de jeunes? Existe-t-il une approche des pouvoirs publics qui cible spécifiquement ces groupes?

2) L'État fédéral et les Communautés collaborent-ils, notamment en matière d'enseignement, pour aborder ce phénomène spécifique ? Pourriez-vous préciser en quoi consiste cette collaboration? Quels projets sont déjà en cours et qu'envisage-t-on de faire encore à l'avenir?

3) Êtes-vous disposé à réaliser une enquête nationale visant à déterminer s'il existe un lien de causalité entre la drill et l'augmentation du nombre d'agressions au couteau? Êtes-vous disposé à contribuer dans ce cadre à la réalisation d'une enquête internationale, comme Bennett Kleinberg et Paul McFarlane le recommandent dans leur étude «Violent music vs violence and music: Drill rap and violent crime in London»?

4) Pourriez-vous fournir des chiffres sur le lien entre la violence et la drill? Combien de délits ont été associés à la drill au cours des deux dernières années? Des armes ont-elles été utilisées dans le cadre de ces délits? Si oui, combien de fois et avec quelles armes?

5) Lors des deux dernières années, combien a-t-on déposé de plaintes et dressé de procès-verbaux au total, pour des faits dont la drill a été considérée comme l'un des motifs ou un facteur important? Combien d'auteurs ont été effectivement poursuivis et quelles peines leur ont été infligées ?

6) Selon vous, existe-t-il un lien entre les groupes de drill et les grands réseaux criminels? Pensez-vous que de tels groupes sont liés au milieu criminel, à des organisations extrémistes ou à d'autres mouvements nuisibles? Selon vous, dans quelle mesure y a-t-il un lien entre le commerce illégal des armes et les groupes de drill, étant donné que nombre d'entre eux paradent avec des armes (illégales ou non)? En mai 2020, un rappeur drill néerlandais a été arrêté pour avoir posé avec une arme à feu interdite lors du tournage d'un clip (voir https://www.politie.nl/nieuws/2020/mei/29/05 aanhoudingen bij opname drill rap.html).

Réponse reçue le 9 juin 2022 :

Le drill rap est un sous-genre de la musique rap qui glorifie souvent la violence, voire l’encourage. Les textes de drill rap parlent souvent d’expériences de vie négatives. Après les États-Unis et le Royaume-Uni, le phénomène s’est étendu aux Pays-Bas et à présent à notre pays.

1), 4) & 5) La Banque de données nationale générale (BNG) est une base de données policières dans laquelle sont enregistrés les faits sur base de procès-verbaux résultant des missions de police judiciaire et administrative. Elle permet de réaliser des comptages sur différentes variables statistiques telles que le nombre de faits enregistrés, les modus operandi, les objets utilisés lors de l’infraction, les moyens de transport utilisés, les destinations de lieu, etc.

En raison de la spécificité des questions, il n’est toutefois pas possible, sur base des informations disponibles dans la BNG, de fournir une réponse en la matière.

Ce phénomène n’est pas suivi de manière centralisée par la police fédérale. La lutte contre les bandes de jeunes ou urbaines est assurée en premier lieu par la police locale (compte tenu de la COL 2/2002 relative à la répartition des tâches entre la police locale et la police fédérale en ce qui concerne les missions de la police judiciaire).

L’unité de la délinquance juvénile de la zone de police (ZP) d’Anvers suit spécifiquement le phénomène du «drill rap» depuis octobre 2020. Le phénomène est évolutif et les gangs détectés changent souvent de nom et de composition. À ce jour, treize groupes ont été détectés et étudiés.

Les membres des groupes de drill rap sont des jeunes mineurs âgés de quatorze à dix-sept ans. Vu leur âge, le parquet jeunesse d’Anvers collabore étroitement avec la ZP d’Anvers, plus précisément avec l’unité de la délinquance juvénile, sur ce phénomène.

La majorité des infractions commises par les membres des groupes drill peuvent être réduites à des «coups et blessures volontaires», des «menaces», des «vols (avec ou sans violence)» et des «armes prohibées».

Pour ce qui concerne la Région de Bruxelles-Capitale, la cellule «Bandes urbaines» du SICAD Bruxelles suit le phénomène de la violence urbaine commise en bande en élaborant mois après mois une image la plus précise possible des réseaux, du profil des auteurs et de ce qu’ils commettent. Une réunion mensuelle de suivi est assurée au Parquet de Bruxelles lors de laquelle la cellule du SICAD (service d’information et de communication de l’arrondissement) et les cellules des zones de police bruxelloises échangent leurs infos et discutent de l’octroi ou non du statut «BU» à certains auteurs. Aucun fait de violence lié à la culture du drill rap n’a pour l’instant été relevé en Région de Bruxelles-Capitale.

2) J’informe l’honorable membre, qu’en réponse à cette question, je me réfère à la réponse à la question orale en commission de l’Intérieur de la Chambre des représentants no 23391 du député Vandenput à laquelle j’ai répondu précédemment (doc. Chambre, CRIV 55 COM 642, p. 64, https://www.lachambre.be/doc/CCRI/pdf/55/ic642.pdf).

3) J’informe l’honorable membre, qu’en réponse à cette question, je me réfère à la réponse à la question écrite no 7-1614 adressée au vice-premier ministre et ministre de la Justice et de la Mer du Nord.

6) Dans l’état actuel des choses, la police ne dispose pas d’informations laissant penser qu’il existerait un lien direct entre groupes des drillrappers et les réseaux criminels.