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Question écrite n° 6-2198

de Lionel Bajart (Open Vld) du 15 janvier 2019

au ministre de la Sécurité et de l'Intérieur

Projet SAFTE - Armes lourdes désactivées - Vente légale - Pièces d'armes lourdes - Études - Chiffres

commerce des armes
trafic illicite
commerce électronique

Chronologie

15/1/2019Envoi question (Fin du délai de réponse: 14/2/2019)
12/2/2019Réponse

Réintroduction de : question écrite 6-1842

Question n° 6-2198 du 15 janvier 2019 : (Question posée en néerlandais)

Des études montrent qu'il y a de plus en plus d'armes lourdes disponibles en Europe. À moins d'une nouvelle politique, des armes encore plus lourdes provenant de zones de conflit comme l'Ukraine et la Libye risquent de tomber entre les mains de criminels et de terroristes. C'est ce que révèle un rapport détaillé du Projet SAFTE, qui étudie l'accès terroriste à des marchés illégaux d'armes à feu en Europe et qui a été publié par le Vlaams Vredesinstituut.

J'aimerais vérifier quelques constats tirés du rapport, et en particulier, les éléments suivants :

1) Aux Pays-Bas, on a opéré plusieurs grosses saisies d'armes dont un nombre fort élevé provenait de Slovaquie. Il s'agit de fusils automatiques et de pistolets mitrailleurs de la marque Ceská Zbrojovka. Les armes avaient été neutralisées en Slovaquie et ont pu, de ce fait, être exportées sans autorisation conformément à la réglementation slovaque. Une fois confiées à un expert compétent, ces armes ont toutefois pu être rendues à nouveau opérationnelles. On a estimé à 10 000 le nombre d'armes lourdes qui sont arrivées sur le marché européen depuis 2014, dont une partie a été utilisée à Bruxelles et à Paris;

2) On observe une tendance singulière : les armes sont de plus en plus souvent vendues en pièces détachées, généralement sur internet. Ces ventes sont légales puisque les pièces détachées, comme la carcasse d'un pistolet, sont vendues sans autorisation dans d'autres États membres. Les différentes pièces sont alors réunies dans le pays de destination finale et assemblées comme un kit de montage.

Ainsi, au cours du premier semestre 2015, trente pistolets de la marque Glock, dont la carcasse avait été achetée légalement en Autriche et les autres pièces aux États-Unis, ont été saisis aux Pays-Bas. L'exemple du Glock montre les failles de la régulation du commerce des armes au niveau européen. Tant qu'il sera possible d'acheter en Autriche, sans permis, des pièces d'armes pour lesquelles notre pays exige un permis, les criminels et les terroristes auront beau jeu.

Quant au caractère transversal de cette question, l'accord de gouvernement flamand accorde de l'attention à la prévention de la radicalisation. Il évoque la création d'une cellule regroupant des experts de divers domaines politiques afin de détecter et prévenir la radicalisation et d'y remédier. Cette cellule comporterait un point de contact central et travaillerait en collaboration avec d'autres autorités. C'est l'Agence flamande de l'Intérieur qui est chargée de la coordination de cette cellule. L'autorité fédérale joue un rôle clé en ce qui concerne l'approche proactive et le contrôle. À l'avenir, un fonctionnaire fédéral du SPF Intérieur fera également partie de cette cellule. Il s'agit dès lors d'une matière régionale transversale. Je me réfère également au plan d'action mis récemment sur pied par le gouvernement flamand en vue de prévenir les processus de radicalisation susceptibles de conduire à l'extrémisme et au terrorisme.

Je souhaiterais dès lors poser les questions suivantes :

1) Les services de police et/ou de douane ont-ils également déjà découvert, dans notre pays, des armes lourdes de marque Ceská Zbrojovka, provenant de Slovaquie qui ont été exportées dans ce pays sans autorisation parce qu'elles avaient été désactivées mais pas de façon irréversible de sorte qu'un expert en armes peut les rendre à nouveau utilisables ? Dans l'affirmative, de combien d'armes s'agit-il ?

2) Pouvez-vous confirmer que de plus en plus d'armes « en pièces détachées » (achat séparé de la carcasse du pistolet et de ses autres pièces) sont également achetées dans notre pays, pièces qui sont réunies une fois arrivées dans notre pays et assemblées comme un kit de montage ? Je me réfère à l'exemple du Glock pour les Pays-Bas. Pouvez-vous étayer votre réponse à l'aide de chiffres, et indiquer quelles mesures législatives peuvent être prises en la matière, outre le fait d'insister sur la conclusion d'accords européens et de remédier aux problèmes découlant des différences entre les législations nationales ?

3) Pensez-vous comme moi qu'il faut empêcher que l'on puisse acheter séparément les différentes pièces d'armes interdites dans plusieurs pays de l'Union européenne ? Pouvez-vous expliquer concrètement votre politique en la matière ?

4) La vente dans notre pays de pistolets mitrailleurs désactivés en Slovaquie est-elle légale ? Dans la négative, pouvez-vous fournir des explications concrètes ? Dans l'affirmative, quelles démarches ont-elles été entreprises en vue d'empêcher ces ventes ?

Réponse reçue le 12 février 2019 :

1) Mes services me font savoir qu’également en Belgique, des armes de ce type ont été trouvées. En 2015, dans lors d’une action coordonnée européenne, un total de 66 résidents belges ont été identifiés qui avaient acheté conjointement 775 armes à feu désactivées à l'entreprise slovaque AFG. Cette firme détenait 90 % du marché de la vente des armes à feu dites désactivées. Il s'agissait de toutes sortes de pistolets semi-automatiques et entièrement automatiques et de fusils d'attaque. Bon nombre de ces armes à feu ont été réactivées par une opération relativement simple et remises dans leur état d'origine.

Cela a également conduit à la publication du règlement d'application (UE) 2015/2403 le 19 décembre 2015 qui a renforcé les normes techniques pour la désactivation des armes à feu et fixé les conditions pour un certificat européen harmonisé de désactivation à partir du 8 avril 2016. Les normes ont été encore renforcées par un règlement d'application amélioré (UE) 2018/337 applicable depuis le 28 juin 2018 afin de garantir que les armes à feu désactivées soient rendues irréversiblement inutilisables. Les normes actuelles de l'Union européenne (UE) ont donc été tellement resserrées qu'il est extrêmement difficile, voire pratiquement impossible, de les réactiver.

2) Je suppose que la question porte sur l'assemblage clandestin d'armes à feu autorisées et prohibées. Comme il s'agit d'un marché clandestin, la police fédérale ne dispose pas de chiffres complets et précis. Toutefois, plusieurs enquêtes sont en cours concernant l'assemblage clandestin de pistolets semi-automatiques et de fusils d'assaut.

3) Cette question parlementaire ne relève pas de mes compétences mais de la compétence de mon collègue, K. Geens, ministre de la Justice.

4) C’est légal dans la mesure où ils répondent aux normes techniques strictes introduites par le règlement d'application (UE) 2018/337 (inséré dans notre ordre juridique national belge par arrêté royal du 4 mai 2018) qui garantit la neutralisation irréversible d'une telle arme. En outre, ces pistolets mitrailleurs désactivés doivent être accompagnés d'un certificat valide délivré par l'autorité compétente de l'un des États membres de l'UE. En ce qui concerne les armes à feu neutralisées qui l'ont été avant le 8 avril 2016 et qui ont été certifiées comme telles par le Banc d'essai de Liège, elles doivent être proposées à nouveau au même Banc d'essai à Liège pour attester la neutralisation irréversible conformément aux normes techniques actuellement applicables contenues dans le règlement d'application précité. Les neutralisations effectuées et certifiées avant cette date par un organisme autre que le Banc d'essai de Liège n'ont pas modifié le statut initial de l'arme à feu. En ce qui concerne plus particulièrement les pistolets mitrailleurs entièrement automatiques en Slovaquie désactivés avant le 8 avril 2016, cette arme était considérée comme une arme prohibée en droit belge et continuera de l'être après cette date.