3-97/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2003

22 JUILLET 2003


Proposition de loi visant à réglementer l'usage des analyses génétiques à des fins d'identification en matière de filiation

(Déposée par Mme Clotilde Nyssens et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 13 mars 2003 (doc. Sénat, nº 2-1528/1 ­ 2002/2003).

Dès la fin des années 80, des laboratoires privés et certaines cliniques universitaires proposaient leurs services à des particuliers, des avocats ou des médecins aux fins de confirmer ou d'infirmer des parentés douteuses au moyen d'un simple prélèvement sanguin permettant une analyse de l'ADN via la méthode des empreintes génétiques (1).

Aujourd'hui, les sociétés qui commercialisent ces tests qui visent essentiellement la paternité, les mettent en vente en kit via Internet et l'opération semble connaître un succès croissant ...

Tandis que certains laboratoires procèdent à l'analyse des échantillons sanguins qui leur parviennent par voie postale, d'autres organisent ces tests selon une procédure plus formelle qui implique, outre un contact téléphonique, une consultation avec les intéressés au cours de laquelle le prélèvement sanguin est effectué sur les adultes et l'enfant concerné.

Lorsqu'il s'agit des kits commercialisés en Belgique et dont les ventes se sont multipliées depuis quelques mois, les acheteurs en ligne reçoivent à leur domicile un coton-tige qu'ils doivent frotter à l'intérieur de la joue afin de recueillir un peu de sécrétions contenant l'ADN à analyser. Afin de ne pas invalider le test, ceux qui y sont soumis sont tenus de s'abstenir de manger une heure avant le prélèvement et de se laver les mains.

Le coton-tige est ensuite replacé dans une pochette scellée et réexpédié dans l'emballage prévu par la firme. Trois à dix jours plus tard, la réponse parvient aux intéressés par simple retour du courrier, et avec elle, les surprises qu'elle peut engendrer. Une telle opération coûte entre 600 et 700 euros environ selon que la réponse est attendue ou non dans l'urgence (2) ...

1. Une méthode scientifiquement éprouvée

Mise au point par les professeurs britanniques A. Jeffrey, J. Brookfields et R. Semenoff, la technique de l'identification par les empreintes génétiques repose sur le postulat principal du caractère unique de tout individu (3).

Chaque être humain non jumeau possède en effet un patrimoine héréditaire original, plus connu sous le nom de génome, fourni par moitié par chacun de ses auteurs, au moment de la fécondation (4).

Ce génome s'inscrit dans le noyau de chaque cellule corporelle sous forme de paires de 23 chromosomes constitués d'une molécule complexe d'acide désoxyribonucléique (ADN) (5).

À l'inverse des procédés traditionnels d'identification consistant en une série de tests longs et coûteux basés sur l'étude successive des globules blancs, des protéines de surface et des globules rouges ainsi que de certains enzymes sanguins, l'empreinte génétique étudie certains caractères de ces filaments entrelacés d'ADN (6).

C'est la découverte de la présence de mini-satellites, portions d'ADN composées de courtes séquences de 10 à 15 paires de nucléotides répétées plusieurs fois, mais surtout hypervariables d'un individu à l'autre, qui a permis d'élaborer une méthode qui visualise l'ADN de chacun sous la forme d'un code barre, semblable à celui qui figure sur les produits de consommation, et spécifique à chaque individu (7).

Précisons en outre le caractère transmissible via l'hérédité, de la distribution des diverses séquences de longueur distincte le long de la molécule d'ADN.

La comparaison entre les codes révélés par l'analyse d'échantillons (de n'importe quel échantillon de cellules humaines pourvues d'un noyau, notamment de sang, mais aussi de quelques traces de sperme, fragments de peau, d'ongles, de salive ou même de quelques racines de cheveux ou de poils) issus d'individus divers permettra, si l'on sait que le patrimoine génétique d'un enfant est constitué pour moitié par celui de son père, et pour l'autre par celui de sa mère (8), d'établir l'existence ou non d'un lien de filiation entre ces individus.

Les résultats sont donnés sur la base d'un calcul de probabilité réalisé à partir d'une étude de population de référence (9).

La pratique ainsi rapidement acquise présente l'avantage de permettre la désignation positive d'une paternité, alors que les techniques traditionnelles se limitaient à l'exclure (10).

La diversité des supports de l'ADN, présent même sur un échantillon vieux de plusieurs années, voire prélevé sur un cadavre décomposé, étend en outre le champ des possibilités d'investigation (11).

À ces avantages s'ajoute la fiabilité particulièrement élevée des résultats obtenus, qui peut être illustrée par une probabilité de 1 sur 30 milliards que deux individus non apparentés aient exactement la même empreinte génétique (12).

2. Une méthode dont les usages privés se multiplient

Perçue comme une preuve pratique, aisée et quasiment infaillible, la technique des empreintes génétiques a reçu, depuis quelques années déjà, la faveur de l'opinion publique ainsi que des tribunaux de plusieurs pays, d'Europe ou d'ailleurs (13). Elle est aujourd'hui accessible à tous, sans intervention judiciaire et offre un résultat fiable à 99,95 % pour autant que les tests soient pratiqués dans des conditions optimales.

De tels recours, mus dans un souci de vérification, peuvent constituer un préalable à une éventuelle intervention judiciaire. Ainsi, par exemple, de cette façon, le mari qui s'estime trompé pourra se procurer une certitude avant de contester judiciairement sa paternité selon les règles édictées par l'article 318 du Code civil. De même, le père biologique s'assurera ainsi de sa paternité à l'égard de l'enfant de sa concubine avant de le reconnaître ou d'agir selon les articles 320 ou 323 du Code civil. Enfin, il se peut également qu'une mère, désireuse de voir la filiation de son enfant établie l'égard de son concubin, prélève, à l'insu de ce dernier quelques-uns de ses cheveux afin de se réserver plus facilement une preuve décisive pour une éventuelle action en recherche de paternité ultérieure (14).

Cependant, dès lors que la voie judiciaire est définitivement fermée notamment lorsque les délais d'action sont expirés, le risque existe tout autant d'un recours à de telles pratiques. Ainsi, c'est le cas du mari, animé par un simple doute sur la fidélité de son épouse et donc sur sa paternité qui décide, par le biais du recours officieux à un laboratoire privé et après l'écoulement du délai d'un an prévu par l'article 332 du Code civil pour contester cette paternité, d'asseoir sa conviction (même si juridiquement, tous les effets de sa paternité restent établis) (15).

3. Une méthode qui suscite bon nombre d'interrogations

Dans ces dernières circonstances, l'accès simplifié et le recours croissant à cette nouvelle opportunité scientifique n'est cependant pas sans poser un certain nombre de questions d'ordre juridique et d'ordre psychologique dès lors que la demande de comparaison des empreintes génétiques est motivée par un souci de curiosité malsaine dont les conséquences peuvent de surcroît remettre en cause toute une vie au préjudice de l'enfant lui-même.

Le but de la présente proposition de loi est d'apporter des réponses adéquates à ces questions via l'encadrement et la limitation des recours privés aux tests d'ADN.

I. D'un point de vue juridique

Plusieurs problèmes peuvent être soulevés :

1. D'une part, les recours privés aux laboratoires ou aux kits ADN afin de réaliser la comparaison des empreintes génétiques d'un enfant et de ses parents sont, dans certains cas, susceptibles de mettre à mal les droits reconnus à l'enfant au respect de sa vie privée et familiale et à la sérénité familiale.

Le législateur entoure d'une protection toute particulière la filiation d'un enfant lorsqu'elle est légalement établie et il entend dans de nombreux cas, tant pour l'enfant né dans le mariage que pour l'enfant né hors mariage protéger de manière définitive la filiation établie (16). En témoignent notamment les titulaires limités et les délais réduits pour la contestation juridique de la présomption de paternité du mari de la mère ou encore, les conditions très strictes émises par la loi pour la contestation de la reconnaissance de l'enfant né hors mariage.

La recherche clandestine de la paternité dans les cas où plus aucune contestation légale de la filiation par les parents eux-mêmes n'est possible est extrêmement dangereuse. Il s'agira en effet de dévoiler à l'enfant et à ses parents légaux une vérité biologique susceptible dans de nombreux cas de troubler la sérénité familiale à laquelle l'enfant peut aujourd'hui légalement prétendre. En effet, l'article 8 de la Convention internationale des droits de l'enfant (déclaré directement applicable par la Cour de cassation) (17), proclame le droit pour l'enfant de préserver ses relations familiales telles qu'elles sont reconnues par la loi nationale du pays dont il est sujet.

Le dévoilement de cette vérité, en contradiction avec une filiation légale définitive pour les parents nous apparaît non seulement contraire à l'intérêt de l'enfant mais aussi dans certains cas dangereux pour lui. L'enfant pourrait en effet être victime de violences morales ou physiques de la part d'un père légal qui se découvre trompé. Dans ce cas, la responsabilité civile de l'établissement ayant pratiqué le test pourrait être engagée.

Enfin, si le droit de l'enfant au respect de sa vie privée et familiale consacré par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme doit être entendu comme son droit à préserver le secret de sa filiation, le dévoilement non consenti par lui, totalement inutile et nuisible à son intérêt d'une vérité biologique en contradiction avec une vérité légale porte assurément atteinte à ce droit. La présente proposition de loi se fonde sur l'intérêt de l'enfant et sur son droit au respect de sa vie privée et familiale et à la sérénité familiale, pour condamner ces recours et, spécifiquement, l'utilisation clandestine des tests ADN notamment via internet.

2. D'autre part, les recours des parents aux laboratoires ou aux kits ADN afin de réaliser la comparaison des empreintes génétiques de leur enfant mineur avec les leurs constituent un abus dans l'exercice de l'autorité parentale.

Les parents, investis de l'autorité parentale sur la personne et les biens de leur enfant mineur, disposent de ce fait du pouvoir de le représenter dans tous les actes de la vie courante. Ils sont néanmoins tenus d'exercer cette autorité parentale dans les limites que leur impose en tout état de cause le respect de l'intérêt primordial de l'enfant (18).

Dans le cas du recours aux laboratoires privés ou aux kits ADN vendus via internet, les candidats au test sont invités à donner leur accord par écrit et à remettre ou envoyer une photocopie de leur carte d'identité. Les parents donnent donc leur accord à la réalisation du test au nom de leur enfant mineur. En outre, lorsque le test se fait en laboratoire par le biais d'un prélèvement sanguin, les parents consentent également seul au nom de leur enfant à ce prélèvement et, partant, à l'atteinte à l'intégrité physique de leur enfant qu'il constitue. La récente loi relative aux droits du patient ne prévoit en effet l'association de l'enfant aux décisions médicales que lorsqu'il possède la maturité suffisante à cette fin ce qui ne peut être le cas d'un enfant en bas âge. En vertu de cette même loi, seul l'enfant mineur qui peut être estimé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts peut consentir seul au prélèvement (19).

Or, dans l'hypothèse où le test est pratiqué alors que toute contestation judiciaire de la filiation est définitivement exclue dans le chef des parents, le fait de consentir seul au nom de l'enfant, au dévoilement d'une vérité manifestement contraire à son intérêt (car il constitue une violation de son droit à une vie familiale paisible et de son droit au respect de la vie privée) ne peut rentrer dans les prérogatives de l'autorité parentale exercée, rappelons-le, exclusivement dans le respect de cet intérêt. Le consentement donné pour l'enfant à de tels actes est alors mû par la curiosité des parents et constitue pour les auteurs de la présente proposition de loi, un abus de l'autorité parentale lequel est susceptible d'engager leur responsabilité civile. En tout état de cause, il ne saurait être considéré comme une représentation valable de l'enfant (20).

3. En outre, les recours des parents aux laboratoires ou aux kits ADN afin de réaliser la comparaison des empreintes génétiques de leur enfant mineur avec les leurs portent atteinte au droit personnel de l'enfant à connaître ses origines

En vertu de l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant, celui-ci a, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux.

Les auteurs de la présente proposition de loi voient dans ce droit deux dimensions. D'une part, ce droit de connaître ses parents ne peut pour ces auteurs, être dissocié du droit de faire établir sa filiation à leur égard, chose impossible dans de nombreux cas de recherche clandestine de la filiation (21). D'autre part, les termes « dans la mesure du possible » peuvent être compris dans le sens de « lorsque la loi n'y fait pas obstacle ». Ces obstacles légaux peuvent selon les auteurs de la proposition de loi être des filiations légales déjà établies et impossibles à contester (22).

Enfin, ce droit de l'enfant à connaître ses origines, tout comme son droit dans les quatre ans qui suivent sa majorité à contester la présomption de paternité du mari de sa mère, ne peut être envisagé que comme un droit purement personnel, non susceptible de représentation. On ne peut donc, dans ces circonstances, envisager une recherche clandestine des origines de l'enfant exercée en son nom par ses parents.

Pour les auteurs de la présente proposition de loi, il appartiendra à l'enfant, une fois sa majorité atteinte, de mettre en oeuvre lui-même ce droit à connaître ses origines en recourant, éventuellement dans le cadre judiciaire d'une action en contestation de paternité, aux tests ADN qu'il juge nécessaires à cette fin.

4. Enfin, les recours des parents aux laboratoires ou aux kits ADN afin de réaliser la comparaison des empreintes génétiques de leur enfant mineur avec les leurs engagent la responsabilité civile et pénale des laboratoires et des généticiens qui pratiquent les tests

Dans la majorité des cas, les tests ADN sont pratiqués à partir d'un échantillon sanguin. Ce prélèvement implique l'intervention d'un médecin. De même, lorsqu'aucun prélèvement sanguin n'est effectué comme c'est le cas lors de l'utilisation des kits ADN le processus d'expertise lui-même nécessite l'intervention d'un généticien. Il semble cependant difficile d'inclure cette intervention dans la catégorie des actes médicaux que la loi légalise.

En effet, la réalisation d'une activité médicale invasive n'est autorisée par la loi ­ selon l'article 11 de l'arrêté royal nº 78 relatif à l'art de guérir ­ que dans certaines limites. Celles-ci s'entendent d'une part, des conditions cumulatives de légalité formelle précisées par la loi ou la jurisprudence et d'autre part, des conditions dites de légalité élémentaire de tout acte (23).

Les conditions de légalité formelle de l'activité médicale exigent des actes posés par un agent compétent dans le but thérapeutique de veiller à la santé du patient en lui prodiguant les meilleurs soins, après avoir obtenu son consentement libre et éclairé (24).

Les conditions générales de légalité élémentaire de tout acte s'inscrivent quant à elles dans l'optique d'une médecine respectueuse de la personne et présupposent que le praticien de l'art de guérir n'adopte pas une mesure qui ne serait pas utile ou qui ne serait pas strictement nécessaire à la santé de son patient, ou plus exceptionnellement, à la satisfaction d'un objectif autre que thérapeutique. De même, il s'abstiendra de toute mesure qui, tout en satisfaisant aux objectifs « aux moindres frais », léserait de manière démesurée, disproportionnée un autre intérêt, voire une autre valeur (25).

Dans l'hypothèse où le prélèvement réalisé sur la personne des parents et de l'enfant mineur en vue de réaliser une empreinte génétique n'a pas pour but de veiller à la santé et à la sécurité des patients en leur prodiguant les meilleurs soins par des actes de diagnostic, de traitement ou de prévention (26) (arrêté royal nº 78, article 11) (27), les auteurs de la présente proposition de loi constatent qu'il ne rentre pas dans le cadre légal classique de toute activité médicale.

Certes, en application du principe général contenu à l'article 70 du Code pénal, certaines lois particulières justifient des interventions médicales diverses en dehors de tout contexte thérapeutique, notamment en matière de transplantation d'organes ou d'interruption volontaire de grossesse. Dans cette optique s'inscrit sans doute le texte de l'article 331octies du Code civil qui en conférant au magistrat le pouvoir d'ordonner dans le cadre d'une action relative à la filiation toute méthode scientifiquement éprouvée justifie indirectement l'activité non thérapeutique du médecin.

Une telle justification n'est cependant pas d'application lorsque le test ADN est pratiqué en marge de tout contexte judiciaire et, par conséquent, indépendamment de l'injonction d'un magistrat. Se situant « hors droit », cette intervention médicale constitue alors une mesure injustifiable : elle tend à privilégier la curiosité des parents au détriment de l'intégrité physique (28) de cet enfant. Ses effets dommageables potentiels s'avèrent en outre disproportionnés au regard de l'objectif qu'elle prétend servir.

En outre, l'exigence du consentement du patient à l'intervention médicale que la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient réaffirme clairement (29) semble également violée. En effet, les parents désireux à titre purement informatif d'infirmer ou de confirmer une parenté dont ils doutent ne sont pas pour autant libres de disposer sans limites thérapeutiques de leur propre corps et, a fortiori, de celui de leur enfant.

Certes, on le sait, en vertu des règles d'exercice de l'autorité parentale et comme le confirme la loi sur les droits du patient, les parents exercent seul le droit de consentir au nom de leur enfant mineur lorsqu'il n'est pas en âge d'être associé à l'exercice de ses droits.

Néanmoins, les parents ne peuvent valablement consentir en son nom à un acte qui, violant les règles de légalité formelle de l'acte médical ne constitue pas un acte médical mais bien une violation injustifiée de l'intégrité physique de l'enfant, le caractère bénin de cette atteinte (une simple prise de sang) n'atténuant pas la réalité de cette violation (30).

De plus, en l'absence de disposition légale autorisant la pratique des tests ADN en dehors de toute injonction judiciaire, le consentement donné au prélèvement conformément à l'article 12, § 2, de la loi sur les droits du patient, par l'enfant mineur jugé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts ne suffit pas à rendre justifiable l'acte posé par le médecin.

En effet, en vertu des règles de droit médical précédemment énoncées, si le consentement à l'acte s'impose toujours, cet acte doit néanmoins répondre aux autres conditions de légalité pour être admissible. Le consentement est donc nécessaire mais non suffisant pour justifier l'acte. La même règle s'impose en ce qui concerne le consentement des parents au prélèvement de leur propre sang.

Enfin, lorsque les tests sont réalisés à partir d'échantillons sanguins expédiés par voie postale, sans que soient organisés des contacts entre les généticiens et les candidats au test, c'est l'obligation d'information du patient, précisée à l'article 7 de la loi relative aux droits du patient, qui fait défaut. Celle-ci devrait en effet porter de manière détaillée sur tout ce qui concerne le test et ses conséquences probables en termes d'identité de l'enfant.

Pour les auteurs de la présente proposition de loi, une constatation s'impose donc : la recherche officieuse des preuves de la filiation d'un enfant mineur par le recours aux tests ADN viole les conditions de légalité formelle de tout acte médical en ce qu'elle présuppose dans la majorité des cas, une atteinte à l'intégrité physique de l'enfant pratiquée dans un but non thérapeutique et sans le consentement valable des intéressés. Pour ces auteurs, elle engage donc la responsabilité des médecins et généticiens impliqués dans le processus, susceptibles d'être poursuivis sur le plan pénal pour coups et blessures.

Les auteurs de la présente proposition de loi soulignent en outre qu'il semble impossible de conférer à cette atteinte un caractère thérapeutique indirect qui résiderait par exemple dans la nécessité d'un point de vue psychologique, de permettre à un couple de connaître la vérité sur la filiation de leur enfant. L'utilisation de la personne de l'enfant ainsi que la remise en cause de son droit à une vie familiale normale et sereine constituent selon les auteurs de cette proposition, des atteintes disproportionnées au regard de l'objectif que la méthode prétend servir.

L'exigence de nécessité semble en outre mise à mal si l'on envisage la possibilité pour le couple de recourir à des thérapies familiales ou à un secours psychologique dans lequel aucune intervention de la personne de l'enfant ne sera requise. La mise à mal des critères de nécessité et de proportionnalité empêche donc ce type d'intervention de remplir les conditions de légalité élémentaire de tout acte.

II. D'un point de vue psychologique

Parmi les laboratoires qui proposent d'infirmer ou d'établir une paternité en dehors de toute procédure judiciaire, certains ont tenté de mettre en place une structure qui tente de garantir au mieux le respect de la personne de l'enfant, de la mère et du père présumé (31).

Dans cette optique, les généticiens de ces centres proposent, lors d'un premier contact téléphonique avec les intéressés, que ceux-ci formulent leur demande et leurs motivations par écrit. Au cours de ce contact téléphonique, la faisabilité de l'analyse est brièvement abordée et les modalités pratiques de celle-ci sont expliquées, à savoir : la nécessité d'obtenir idéalement un prélèvement sanguin chez l'enfant, la mère et le père présumé, le prix de l'analyse, l'absence de remboursement par la sécurité sociale, les modalités du prélèvement sanguin au cours d'une consultation ultérieure, etc ...

Pendant cette consultation, la photocopie de la carte d'identité des requérants est réalisée et les prélèvements sanguins ont lieu. Afin d'éviter tout risque de confusion d'échantillons, les sujets majeurs sont invités à vérifier que leur nom figure bien sur les tubes adéquats (32). Ces modalités sont inscrites dans un dossier « clinique » distinct du dossier réservé aux analyses elles-mêmes, lesquelles sont réalisées par un médecin distinct de celui qui a rencontré les intéressés en consultation.

Dans les centres qui organisent cette procédure plus formalisée, la communication des résultats du test se fait aux personnes qui en ont fait la demande lors d'un entretien. Un accompagnement éventuel des familles est proposé si elles en expriment le besoin.

Les auteurs de la présente proposition de loi saluent ces initiatives. Ils déplorent néanmoins leur caractère isolé. En effet, certains laboratoires pratiquent les tests sur base d'échantillons sanguins expédiés par voie postale, en ignorant si un dialogue sur les motivations et les enjeux du test a eu lieu entre le patient et le médecin qui a réalisé ou prescrit le prélèvement. Il y va évidemment de même en cas de recours aux kits ADN vendus via internet puisque dans ces circonstances, le courrier est le seul intermédiaire entre les candidats aux tests et le laboratoire qui pratique celui-ci.

Dans de nombreuses circonstances donc et malgré les incidences psychologiques et sociales majeures que peut engendrer un tel test, aucune préparation et aucun suivi psychologique ne sont organisés en amont et en aval de celui-ci.

Alerté il y a un peu plus d'un an par la réelle augmentation des tests de paternité ordonnés par les tribunaux lors des procédures relatives à la filiation, le Conseil supérieur de génétique humaine soulignait les risques inhérents au manque d'encadrement psychologique de ces tests et appelait à baliser la démarche afin de protéger au mieux l'enfant, plutôt que de banaliser celle-ci (33).

Les membres du Conseil supérieur de génétique humaine ont entendu prendre position par rapport aux dimensions éthiques et psychosociales de la communication du résultat de ces tests et ont émis afin d'en garantir la qualité, la proposition de limiter la pratique de ces tests aux Centres de génétique humaine et dans certaines conditions particulières (34).

Pour les auteurs de la présente proposition de loi, ces considérations émises afin de sensibiliser les tribunaux doivent être appliquées a fortiori lorsque le recours aux tests ADN se fait via les laboratoires privés ou via internet.

4. Une méthode qui doit être encadrée

Conscient des dérives préjudiciables à la paix des familles (par la mise en cause d'une filiation en dehors des procédures prévues par la loi) et à l'intérêt social (atteinte à l'autorité de l'état civil et à l'intimité de la vie privée) engendrées par le recours à ce procédé en dehors de tout contexte judiciaire, le législateur français réglementa l'utilisation des empreintes génétiques dans la loi du 29 juillet 1994, relative au statut civil du corps humain (35).

Cette loi limite en effet la possibilité d'identifier une personne par la technique des empreintes génétiques en matière civile, aux cas où ce procédé est mis en oeuvre avec l'accord exprès de l'intéressé et en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant notamment à l'établissement ou à la contestation d'un lien de filiation (36).

Ignorées totalement du législateur belge, les implications de l'utilisation des empreintes génétiques en dehors de tout contexte judiciaire tombent actuellement dans un vide juridique propre à favoriser les atteintes aux droits et aux libertés des individus (37).

Le recours systématique à des laboratoires privés et l'augmentation de la demande des « kits ADN » vendus via internet traduit en outre le sentiment de malaise ressenti à la fois par les médecins et les laboratoires faisant droit à des demandes dont ils ignorent les conséquences réelles et par le « patient » à l'initiative duquel ils ont été saisis.

Interpellé sur cette problématique par le Conseil supérieur de génétique humaine, le Conseil national de l'Ordre de médecins s'est à plusieurs reprises prononcé en faveur de l'adoption d'une législation adéquate définissant les conditions strictes de réalisation des tests de paternité d'une part et interdisant l'utilisation des résultats de tests abusifs d'autre part (38).

Dans son dernier avis, le Conseil de l'Ordre des médecins a invité le Conseil supérieur de génétique humaine à susciter une initiative législative en la matière (39).

La présente proposition de loi s'inscrit dans le souci primordial d'éviter de confondre, voire d'assimiler, vérité biologique et intérêt de l'enfant. Pour cette raison, elle entend limiter à quelques laboratoires, soumis à de strictes conditions d'agréation et aptes à réaliser un suivi psychologique de l'enfant et de sa famille, la possibilité de répondre à des demandes d'identification par ADN lorsqu'elles constituent le préalable à une action judiciaire encore possible (40).

Concrètement, cette proposition de loi s'inscrit dans la perspective de l'article 70 du Code pénal, en justifiant l'intervention médicale non thérapeutique dans le cadre de la réalisation des tests d'identification par l'ADN en dehors des procédures judiciaires.

Elle vise d'une part à interdire la vente des kits ADN via internet et ce, en raison de l'absence totale de garanties légales et psychologiques concernant la protection de l'enfant.

D'autre part, elle entend circonscrire et encadrer les possibilités de recourir, sans intervention judiciaire, aux tests d'identification par ADN dans des limites strictes qui impliquent notamment l'obligation de réaliser le test dans un Centre de génétique humaine agréé à cette fin et l'exclusion des demandes émanant des parents d'enfant en bas âge lorsqu'il s'avère que les délais et/ou les conditions pour que les parents puissent contester valablement la filiation de cet enfant ne sont pas respectés.

Enfin, elle organise une procédure formelle impliquant les garanties nécessaires à la protection juridique et psychologique de tous les intéressés tant préalablement à la réalisation du test que lors de la communication des résultats.

Les auteurs de la présente proposition de loi ont entendu limiter celle-ci au seul domaine des analyses génétiques à des fins d'identification réalisées en matière civile, dans le domaine de la filiation.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

L'article 2 vise à limiter la portée de la proposition de loi aux conditions à mettre en oeuvre lors de l'usage des analyses génétiques exclusivement à des fins d'identification en matière civile. Elle n'entend donc pas réglementer les modalités de ce type d'analyses en matière pénale. Elle ne vise pas non plus les analyses génétiques pratiquées aux fins de dépister certaines maladies dans un contexte pré ou post-natal.

Article 3

L'article 3 entend préciser la portée de plusieurs notions contenues dans la proposition de loi. Il y a lieu de souligner que la définition du terme analyse génétique à des fins d'identification limite encore la portée de la proposition de loi aux seules questions ayant trait à la filiation.

Article 4

Cet article vise à éviter les dérives qui pourraient conduire à l'analyse, au détour d'une procédure ayant trait à l'identification et pratiquée sur un support d'ADN non codant, de molécules d'ADN codant prélevées sur le même échantillon en vue du dépistage de certaines maladies génétiques. Le paragraphe 2 de cet article précise les limites du contenu du rapport d'expertise qui sera porté à la connaissance des demandeurs et, le cas échéant, du juge chargé de trancher le litige relatif à la filiation.

Article 5

L'article 5 entend circonscrire les hypothèses dans lesquelles il peut être procédé à des analyses génétiques à des fins d'identification.

Le paragraphe premier de cet article fait référence à la possibilité offerte au magistrat saisi d'une action relative à la filiation d'avoir recours, à la demande des parties ou sur base de son initiative propre, à toute méthode scientifiquement éprouvée en vue d'établir la preuve de la filiation alléguée ou contestée (article 331octies du Code civil). L'analyse génétique à des fins d'identification fait partie de ces méthodes et il y a lieu dans le contexte judiciaire de l'admettre comme mode de preuve à part entière. Les conditions de mise en oeuvre de l'analyse dans ce contexte sont alors déterminées par les principes généraux qui régissent la preuve par expertise.

Le second paragraphe vise à permettre le principe des recours aux analyses génétiques à des fins d'identification en vue de résoudre une question de descendance sans que l'on se trouve dans le contexte d'une action relative à la filiation. Contrairement à la loi française, la proposition de loi n'entend pas interdire purement et simplement les recours privés aux analyses génétiques à des fins d'identification. Celles-ci peuvent en effet constituer une intéressante alternative aux actions en justice introduites à tort ou dénuées de fondement. Le texte précise néanmoins que les recours privés aux analyses à des fins d'identification ne peuvent être réalisés que moyennant le respect de conditions strictes.

Article 6

Cet article vise à déterminer les titulaires du droit de recourir à titre privé aux analyses génétiques à des fins d'identification.

Le paragraphe premier permet au père ou à la mère d'être à l'origine du recours. Le père ou la mère agit alors en son nom propre et non comme représentant légal de son enfant. Le but poursuivi est de permettre à chacun des parents, sans devoir agir conjointement avec l'autre, de prendre l'initiative de recourir à un test génétique à des fins d'identification et ce, préalablement à une éventuelle action en justice. Le consentement de l'autre au prélèvement et à la réalisation du test sera néanmoins requis.

Le paragraphe 2 permet à l'enfant majeur de prendre également cette initiative. Il s'agit de lui fournir la possibilité d'exercer lui-même le droit de connaître ses origines biologiques avant d'intenter une éventuelle action en justice ayant trait à l'établissement ou à la contestation judiciaire de celles-ci.

Article 7

Cet article détermine les délais dans lesquels les recours privés aux analyses génétiques aux fins d'identification peuvent être introduits. Dans le but de préserver de manière optimale l'intérêt de l'enfant dont la filiation risque d'être remise en question, ces délais s'inspirent des délais légaux les plus courts établis par la loi du 31 mars 1987 pour contester la paternité établie dans le mariage. Dans cette optique, les recours privés aux analyses génétiques à des fins d'identification ne peuvent plus être introduits dès lors que toute voie judiciaire pour contester la filiation est fermée.

Selon le paragraphe 1er, le délai des père et mère est limité à un an à dater de la naissance. Contrairement à l'article 332 du Code civil, la proposition de loi n'établit pas pour le père un délai d'un an à dater de la naissance ou de la découverte de la naissance car la preuve de cette dernière hypothèse ne peut être aisément vérifiée que dans un contexte judiciaire.

Le paragraphe 2 identifie le délai ouvert à l'enfant majeur à celui de l'article 332 du Code civil.

Article 8

L'article 8 établit le principe de l'exigence du consentement libre et éclairé de toutes les personnes concernées par le prélèvement d'échantillons et par la réalisation de l'analyse. Il s'agit d'une application du principe d'inviolabilité du corps humain déjà consacré dans la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient. Nul ne pourra donc se voir soumettre contre son gré au prélèvement et aucune forme de contrainte physique ou morale ne pourra être exercée. Afin d'assurer une protection optimale des personnes concernées et de les sensibiliser, ce consentement doit être acté dans un écrit.

Le paragraphe 2 fait une application du principe de représentation de l'enfant mineur incapable de consentir par ses représentants légaux.

Article 9

Le paragraphe premier de l'article 9 limite les échantillons servant de base aux analyses génétiques à des fins de preuve aux seuls prélèvements sanguins. Le but de cette disposition est d'éviter que des analyses ne soient réalisées à partir de supports d'ADN déjà détachés du corps des personnes concernées, tels par exemple des cheveux ou des fragments d'ongles ou de sperme, et donc, sans leur indispensable consentement.

Le paragraphe 2 limite les laboratoires susceptibles de pratiquer les analyses génétiques à des fins de preuve aux seuls Centres de génétiques humaines agréées à cette fin. Cette disposition s'inscrit dans la perspective des garanties souhaitées par le Conseil supérieur de génétique humaine dans le souci de protection optimale de l'enfant. Il s'agit également de refuser la banalisation de la démarche qui consiste à recourir à des fins privées à des analyses génétiques à des fins d'identification.

Article 11

Cet article entend organiser une procédure formelle ayant trait à la mise en oeuvre des analyses génétiques à des fins d'identification.

Le paragraphe premier vise à assurer la vérification des conditions d'accès aux analyses à des fins d'identification prévues par cette proposition de loi.

Le paragraphe 2 a pour but d'assurer aux personnes concernées l'éclairage indispensable afin de pouvoir donner, en toute connaissance de cause, leur consentement valable au prélèvement et à l'analyse.

Article 12

Cet article vise à introduire certaines garanties d'efficacité lors de la réalisation de l'analyse. Il s'agit notamment de se prémunir contre les risques de manipulations erronées d'échantillons préalablement à l'analyse et au cours de celle-ci.

Article 13

Cet article vise à garantir la communication des résultas de l'analyse dans des conditions permettant de manière optimale la protection des personnes concernées et de gérer au mieux les impacts psychologiques éventuellement générés par les résultats de l'analyse. L'exigence d'un entretien avec les personnes intéressées vise à éviter la communication des résultats par voie postale, téléphonique, informatique ou par quelque autre mode que ce soit.

Article 14

Cet article s'inscrit dans les perspectives dégagées par le Conseil supérieur de génétique humaine.

Article 15

Cet article vise à permettre la conservation éventuelle des échantillons moyennant l'accord des personnes concernées en vue de la réalisation éventuelle d'une autre analyse à des fins d'identification. Cette hypothèse se présentera en cas d'échec éventuel de la première analyse. Le délai de conservation maximal d'un an s'inscrit dans la perspective de la possibilité d'une éventuelle action en justice ultérieure.

Article 16

Cet article vise à proscrire la mise à disposition du public de kits ADN vendus notamment via internet mais aussi par tous les moyens de communication présents et à venir. Cette interdiction se justifie compte tenu des risques générés par la pratique « sauvage » des analyses génétiques à des fins d'identification. Elle s'inspire des recommandations formulées par le Conseil supérieur de génétique humaine dans le souci de protection des enfants concernés et de l'équilibre des familles.

Clotilde NYSSENS.
René THISSEN.
Christian BROTCORNE.
Luc PAQUE.

PROPOSITION DE LOI


CHAPITRE I

Dispositions générales

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

La présente loi règle les conditions d'exécution de l'analyse génétique humaine à des fins d'identification en matière civile, la conservation des échantillons ainsi que la communication des résultats.

CHAPITRE II

Définitions

Art. 3

Au sens de la présente proposition de loi il y a lieu d'entendre par :

a) « Analyses à des fins d'identification » : analyses génétiques en vue de déterminer l'identité d'une personne et de résoudre une question de descendance;

b) « Échantillon » : tout matériel biologique recueilli pour les besoins d'une analyse génétique;

c) « Personnes concernées » : personnes dont le patrimoine génétique est analysé et dont proviennent des échantillons génétiques.

CHAPITRE III

Principes généraux

Art. 4

§ 1er. Une analyse génétique à des fins d'identification ne peut pas rechercher d'informations sur la santé ou les autres caractéristiques personnelles, à l'exception du sexe de la personne concernée.

§ 2. Le rapport d'expertise ne doit contenir que les données nécessaires à l'identification du profil ADN ou du sexe des personnes concernées.

CHAPITRE IV

Champ d'application

Art. 5

En matière civile, les analyses génétiques aux fins d'identification d'une personne peuvent être mises en oeuvre :

­ soit, conformément à l'article 331octies du Code civil, en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant à l'établissement ou à la contestation d'une filiation ou de l'action visée à l'article 336 du Code civil;

­ soit à titre privé, en dehors de toute procédure judiciaire, en vue de résoudre une question de descendance.

CHAPITRE V

Conditions

Art. 6

§ 1er. Les père et mère d'un enfant mineur, agissant ensemble ou séparément, sont admis à recourir à titre privé aux analyses génétiques à des fins d'identification en vue de résoudre une question de descendance.

§ 2. L'enfant majeur est admis à recourir à titre privé aux analyses génétiques à des fins d'identification en vue de résoudre une question de descendance.

Art. 7

§ 1er. Lorsque la demande d'analyse génétique à des fins d'identification émane des père et mère ou du père ou de la mère d'un enfant mineur, celle-ci doit être introduite dans l'année de la naissance.

§ 2. Lorsque la demande d'analyse génétique émane de l'enfant majeur, celle-ci doit être introduite dans les quatre ans à dater de sa majorité.

Art. 8

§ 1er. Les personnes concernées ne peuvent être soumises au prélèvement d'échantillons et à la réalisation des analyses génétiques à des fins d'identification que moyennant leur consentement libre et éclairé par écrit.

§ 2. Les parents exerçant l'autorité sur le mineur consentent en son nom et dans son intérêt au prélèvement d'échantillons et à la réalisation du test.

CHAPITRE VI

Procédure

Art. 9

§ 1er. Les analyses génétiques à des fins d'identification sont effectuées exclusivement sur base d'échantillons sanguins prélevés sur les personnes concernées et moyennant le respect du prescrit de l'article 7.

§ 2. Seuls les Centres de génétique humaine agréés à cette fin sont autorisés à procéder aux prélèvements d'échantillons et à l'analyse génétiques à des fins d'identification. Ils exécutent ces analyses dans le respect de la procédure décrite aux articles 11 et 12.

Art. 10

Le Roi détermine les conditions et la procédure d'agréation des Centres de génétique humaine en vue de l'application de la présente loi.

Art. 11

§ 1er. Préalablement au prélèvement des échantillons, le Centre de génétique humaine qui a été saisi de la demande d'analyse génétique à des fins d'identification est tenu d'organiser un entretien avec les personnes majeures concernées en vue de vérifier le respect des conditions prévues aux articles 5 et 6 et de cerner leurs motivations.

§ 2. Au cours de cet entretien, les personnes majeures concernées doivent notamment être renseignées sur :

­ le but, le type et la précision de l'analyse;

­ les éventuels risques d'échec de celle-ci;

­ la possibilité de découvrir des résultats inattendus;

­ les incidences psychosociales et juridiques des résultats;

­ l'absence de remboursement par la sécurité sociale du coût de l'analyse;

­ les mesures de soutien mises à leur disposition lors de la communication du résultat de l'analyse.

§ 3. Le Centre de génétique humaine saisi de la demande vérifie en outre l'identité des personnes concernées.

Art. 12

§ 1er. Le prélèvement des échantillons est réalisé au Centre de génétique humaine par un médecin compétent.

§ 2. Les personnes concernées procèdent à la vérification de l'identification de ce prélèvement préalablement à la réalisation de l'analyse par le Centre de génétique humaine qui a été saisi de la demande.

CHAPITRE VII

Communication des résultats et suivi des personnes concernées

Art. 13

§ 1er. Les résultats de l'analyse génétique à des fins d'identification sont communiqués par le médecin désigné à l'article 11 au cours d'un entretien particulier.

§ 2. À la demande des personnes concernées, la présence d'un psychologue choisi par eux ou, à défaut, attaché aux services du Centre de génétique humaine saisi de la demande, peut être requise.

Art. 14

Suite à la communication des résultats et à la demande des personnes concernées, un suivi psychologique est organisé par le Centre de génétique humaine en collaboration avec un psychologue attaché à ce centre.

CHAPITRE VIII

Conservation des échantillons

Art. 15

§ 1er. Les personnes concernées ou lorsqu'une des personnes concernée est mineure, ses représentants légaux, décident de la conservation ou de la destruction des échantillons.

§ 2. Le cas échéant, la conservation des échantillons est assurée par le Centre de génétique humaine saisi de la demande pour une durée ne pouvant excéder un an.

§ 3. Les échantillons conservés par le Centre de génétique humaine saisi de la demande ne peuvent être réutilisés à d'autres fins qu'une nouvelle analyse génétique aux fins d'identification.

CHAPITRE IX

Pratiques interdites

Art. 16

Sont interdites :

­ les pratiques consistant à mettre intentionnellement ou par négligence à disposition du public des tests d'identification génétiques par n'importe quelle voie de communication;

­ les pratiques consistant à importer ou à mettre en circulation des tests génétiques à des fins d'identification.

CHAPITRE X

Dispositions pénales

Art. 17

Sera puni d'une peine d'amende de 100 à 500 euros :

­ quiconque aura procédé à des examens génétiques à des fins d'identification en violation des conditions prévues par la présente loi;

­ quiconque aura intentionnellement ou par négligence, mis à disposition du public des tests génétiques par n'importe quel mode de communication;

­ quiconque aura importé ou mis en circulation des tests génétiques à des fins d'identification.

23 juin 2003.

Clotilde NYSSENS.
René THISSEN.
Christian BROTCORNE.
Luc PAQUE.

(1) Sur cette question, voyez les développements de N. Denies dans « La preuve par les empreintes génétiques en droit belge de la filiation », in L'analyse génétique à des fins de preuve et les droits de l'homme, Bruylant-Yvon Blais, Bruxelles, Montréal, 1997, pp. 299-351 et, du même auteur, la note publiée sous l'avis du Conseil national de l'Ordre des médecins du 16 juin 2001, BCN, nº 93, pp. 11 et suivantes.

(2) Voyez à ce propos : C. Vrayenne « Le boom des tests de paternité », La Capitale, 3 octobre 2002.

(3) M. Follana-Massot et B. Lassalle, « Le recours aux examens génétiques selon le projet de réforme du Code civil », Revue de la Recherche juridique, Droit Prospectif, 1993-2, p. 350.

(4) J.C. Galloux, « L'empreinte génétique : la preuve parfaite ? », Sem. Jur., 1991, p. 104, nº 2.

(5) Ibidem, p. 104, nº 3.

(6) « Recherche de paternité ou identification : l'empreinte génétique constitue un moyen d'identification à la disposition du monde juridique », RDPC, 1989, p. 307.

(7) J.C. Galloux, op. cit., p. 105, nº. 5.

(8) « Empreinte génétiques IDNA .... », op. cit.

(9) J.C. Galloux, op. cit., p. 105, nº 7.

(10) J.O. Viout, « Tests d'identification génétique et droit de la filiation ... État de quelques questions », Journal de médecine légale/Droit médical, 1991, tome 34, nº 3-4, p. 173. Selon certains auteurs, la méthode des empreintes génétiques constitue « la méthode médicale certaine » (voyez à ce propos : A. Bottiau, « Empreintes génétiques et droit de la filiation », DS, 1989, p. 272).

(11) M. Follana-Massot et B. Lassalle, op. cit., p. 359; J.C. Galloux, op. cit., p. 106.

(12) A. Bouillon, op. cit., p. 19.

(13) Cette méthode présente en effet des avantages dans beaucoup de domaines parmi lesquels on peut par exemple citer, les affaires criminelles où elles ont d'ores et déjà permis d'identifier les auteurs d'agressions sexuelles. Voyez notamment le « Pitchfork and Kelly case » en Angleterre ou encore l'affaire Luc Tangorre en France où la police de l'un et l'autre État réussit à confondre des individus suspectés de viol grâce à la comparaison des empreintes génétiques des suspects avec celles réalisées à partir des traces biologiques retrouvées sur les corps des victimes. Lire à ce propos : N. Lavranos, « DNA-profiling and Information Technology : A New Weapon for Crime Detection and Prevention ? », European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice, 1994-4, p. 359; J.C. Galloux, op. cit., p. 104; M. White et J.J. Greenwook, « DNA fingerprinting and the law », Modern Law Review, volume 51, 1988, pp. 148 et suivantes; Akéla Sari, « Et les indices se mirent à parler », Science et Technologie, mars 1989, pp. 49 et suivantes. Outre-Atlantique, certaines affaires criminelles telles par exemple les affaires New York versus Castro, New York versus McNamara, Texas versus Hicks furent tranchées après un recours à la technique des empreintes génétiques. Lisez à ce propos : E.S. Lander, « DNA Fingerprinting on trial », Nature, volume 339, 15 juin 1989, pp. 501 et suivantes; C. Norman, « Maine Case Deals Blow to DNA Fingerprinting », Science, volume 246, pp. 1556 et suivantes. Outre le domaine pénal, la méthode permet aussi de découvrir l'identité véritable d'enfants volés et de contrôler le flot d'immigrants en vérifiant les prétendues relations familiales de ceux-ci avec des résidents. L'on se gardera bien sûr d'oublier l'utilisation de la méthode des empreintes génétiques dans le cadre des actions relatives à la filiation, qui constituent en majeure partie l'objet de cette étude.

(14) Voyez les développements de N. Denies, « La preuve par les empreintes génétiques en droit belge de la filiation », op. cit.

(15) Ibidem.

(16) À propos de cette protection on lira M.T. Meulders-Klein, « L'établissement et les effets personnels de la filiation selon la loi belge du 31 mars 1987 », Annuaire du Droit, Louvain, 1987, pp. 213 et suivantes et N. Denies, « La preuve ... », op. cit.

(17) Il semble aujourd'hui que depuis son arrêt du 11 mars 1994, la Cour de cassation belge se soit prononcée en faveur du principe de l'applicabilité directe de la Convention des droits de l'enfant. En effet, bien que cet arrêt ait été rendu en matière d'exercice de l'autorité parentale et, plus spécifiquement de son droit aux relations personnelles avec l'enfant, l'arrêt semble, sur les conclusions conformes de l'avocat général du Jardin, donner à l'article 9 mais aussi à toute la convention, applicabilité directe (Cass. 11 mars 1994, Pas., 1994, 1, p. 247).

(18) Selon De Page, « L'autorité parentale est un ensemble de prérogatives qui ne peuvent s'exercer que dans l'intérêt de l'enfant (voyez les articles 373, 374, 376 et 379). C'est un pouvoir de protection. Ce n'est pas un droit établi au profit des père et mère, et dont ils peuvent se borner à retirer le bénéfice. S'il n'est pas exercé dans le seul intérêt de l'enfant, ce droit apparaît comme non fondé et par conséquent sans fondement. En user à d'autres fins c'est le détourner de sa destination, le déformer ( ...) » (« Traité élémentaire de droit civil belge », op. cit., tome I, volume II, nº 1000, p. 955 et les références citées à la note 4).

(19) Voyez la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, Moniteur belge du 26 septembre 2002, p. 43719, article 12.

(20) Voyez N. Denies, op. cit.

(21) C. Neirinck, « Le droit de l'enfance après la convention des Nations unies », Encyclopédie Delmas pour la Vie des Affaires, Collection française, Delmas, première édition, p. 27. M.T. Meulders-Klein, « Les droits civils de l'enfant à la lumière de la Convention des Nations unies », in La Convention sur les Droits de l'Enfant et la Belgique, sous la direction de M.T. Meulders-Klein, Kluwer, Story-Scientia, Bruxelles, 1992, p. 100.

(22) Ibidem.

(23) C. Hennau-Hublet, « Droit et Ethique de la Santé », Cours « EDUS », 1994-1995, p. 105.

(24) C. Hennau-Hublet, L'activité médicale et le droit pénal. Les délits d'atteinte à la vie, l'intégrité physique et à la santé des personnes, Paris, LGDJ, 1987, p. 42, nº 34; C. Hennau-Hublet, « La responsabilité pénale du médecin », in Actes du Colloque organisé par la conférence du Jeune Barreau de Liège, le 8 mai 1992, Éditions du Jeune Barreau de Liège, 1992, pp. 69-86.

(25) C. Hennau-Hublet, « La responsabilité pénale du médecin », op. cit., p. 86; C. Hennau-Hublet, « L'activité médicale et le droit pénal », op. cit., pp. 45 et suivantes.

(26) M.T. Meulders-Klein, « Le droit de disposer de soi-même ... », op. cit., p. 250, nº 42 et les références citées à la note 147.

(27) On ne peut en effet ici imaginer une quelconque prévention des maladies génétiques puisque l'empreinte génétique à des fins d'identification est en effet pratiquée sur de l'ADN non codant à partir duquel aucune maladie génétique ne saurait être détectée.

(28) Et même de l'intégrité morale de l'enfant puisqu'elle lui impose à son insu une filiation biologique de « fait ».

(29) Article 8, § 1er.

(30) Dans la même perspective, lisez la doctrine française qui affirme : « Le principe du noli me tangere s'applique indépendamment de toute notion d'atteinte physique; l'individu doit exercer sur sa sphère corporelle une pleine souveraineté qui est la condition même de la liberté morale, car en lui, corps et esprit demeurent indissolublement liés » (J.C. Galloux, op. cit., p. 106, nº 11; Barbier, « L'examen du sang et le rôle du juge dans les procès relatifs à la filiation », Revue trimestrielle du droit civil, nº 25).

(31) Voyez sur ce point les développements de Ch. Verellen-Dumoulin, C. Walon et M. Freund-Moldan, rattachées à l'Unité et au Centre de génétique médicale de l'UCL dans l'article intitulé : « Empreintes génétiques et recherche de paternité », in L'analyse génétique à des fins de preuve et les droits de l'homme. Aspects médico-scientifiques, éthiques et juridiques, Bruylant-Yvon Balis, Bruxelles-Montréal, 1997, pp. 79 et suivantes.

(32) Ibidem.

(33) BCN, nº 93, p. 11.

(34) Voyez les développements suivants.

(35) Loi du 29 juillet 1994 relative au statut civil du corps humain, insérée dans le Code civil français à l'article 16-11 (chapitre III, livre Ier, titre I). Celle-ci incorpore au Code civil les trois principes qui président à la protection du corps humain : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial » (Code civil, article 16-1). Voyez notamment l'exposé des motifs du projet de loi présenté à l'Assemblée nationale au nom de Mme Édith Cresson par M. Michel Sapin, le 25 mars 1992 (Document de l'Assemblée nationale, nº 2599). À propos de la loi du 29 juillet 1994, lisez aussi : G. Cornu, « Droit civil. Introduction. Les personnes. Les biens », 7e édition, Montchrestien, EJA, Palis, 1994, pp. 170 et suivantes.

(36) Voyez les articles 16-10 à 16-12 du Code civil français (chapitre III, livre Ier, titre I) qui s'intitulent : « De l'étude génétique et de l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ».

(37) En Belgique, une proposition de loi à l'initiative de M. Philippe Monfils, déposée au Sénat le 18 juin 1992, contenait un chapitre IV relatif aux « Tests et empreintes génétiques ». Dans ce chapitre, un article 25 prévoyait que : « La recherche d'empreintes génétiques en vue de l'identification d'une personne ne peut être pratiquée que sur base d'un jugement prononcé :
a) soit par une juridiction civile, dans le cadre d'une action relative à la filiation régulièrement portée devant cette juridiction, et dans les conditions prévues à l'article 331octies du Code civil;
b) soit par une juridiction pénale d'instruction ou de jugement, dans le cadre de la recherche des auteurs de crimes et délits. »
Cette proposition de loi, mue par le souci d'éviter de déchirantes remises en cause, parfaitement inutiles, de liens de filiation, parfois de nombreuses années après la procréation, semble néanmoins jusqu'à ce jour parfaitement ignorée du législateur. Voyez : doc. Sénat, session extraordinaire, 1991-1992, nº 413/1.

(38) Voyez l'avis du Conseil national de l'Ordre des médecins du 19 octobre 1996, BCN, nº 75, p. 25 et la note de N. Denies du 16 juin 2001, BCN, nº 93, p. 11.

(39) Avis du 16 juin 2001, op. cit.

(40) Voyez les conclusions de N. Denies, « La preuve par les empreintes génétiques en droit belge de la filiation », op. cit.