2-244/6

2-244/6

Sénat de Belgique

SESSION DE 2000-2001

17 NOVEMBRE 2000


Proposition de loi relative à l'euthanasie


AMENDEMENTS


Nº 62 DE MME de T' SERCLAES

(Amendement subsidiaire à son amendement nº 26)

Art. 2

Remplacer cet article par ce qui suit :

« Art. 2. ­ Par euthanasie, il y a lieu d'entendre l'acte exceptionnel pratiqué par un médecin, à la demande d'un patient en phase terminale, qui met fin délibérément à la vie de celui-ci pour soulager ses souffrances insupportables et irréductibles. »

Justification

Si l'on tient malgré tout à définir l'acte « d'euthanasie » dans un article spécifique, il y a lieu d'être particulièrement précis à cet égard. En effet, c'est la responsabilité du médecin qui pratique un tel acte qui sera engagée aussi bien au civil qu'au pénal. Il est dès lors tout à fait important de bien distinguer l'acte dit « d'euthanasie » des autres actes médicaux qui peuvent être posés par un médecin en fin de vie afin de soulager les souffrances de son patient et de « l'aider à mourir » comme l'a indiqué dans son audition le professeur J.-L. Vincent.

Même le Comité de bioéthique dans son avis précise, après la définition qu'il propose, ce qui n'est pas visé par celle-ci. C'est dire combien la frontière est fragile entre les différents actes posés par les médecins en fin de vie. Le Comité de bioéthique exclut explicitement de sa définition « les actes posés par un médecin tels que l'administration de calmants ou d'analgésiques qui entraînent le risque d'abréger la vie, ou l'arrêt de traitements médicaux vains » (1).

Le texte proposé ici vise dès lors à clarifier la définition en insistant sur plusieurs éléments :

1º il doit s'agir d'un acte exceptionnel;

2º il doit être pratiqué par un médecin;

3º il ne peut être pratiqué qu'à la demande du patient;

4º ce patient doit être en phase terminale ce qui suppose que son décès est inéluctable à brève échéance;

5º il s'agit de l'acte qui met fin délibérément à la vie du patient pour soulager ses souffrances insupportables ou irréductibles, à l'exclusion des actes qui peuvent avoir pour effet secondaire mais non voulu d'abréger la vie.

Nº 63 DE MME de T' SERCLAES

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 1er de l'article 3 proposé, remplacer la première phrase par ce qui suit :

« Le médecin ne peut mettre fin délibérément à la vie d'un patient en phase terminale à sa demande, pour soulager ses souffrances que dans les cas exceptionnels où : »

Justification

Il est préférable de qualifier l'acte « d'euthanasie » pratiqué par le médecin dans l'article même qui énonce les conditions auxquelles il peut être pratiqué. Ceci a le mérite de clarifier le concept sur le plan juridique. Il n'est pas inutile de rappeler que le médecin peut toujours être appelé par la justice, tant au plan civil que pénal, pour répondre de ses actes comme n'importe quel citoyen au regard des dispositions de la loi. Il est donc essentiel d'être précis quant à la nature exacte de l'acte visé dans le présent article, outre les conditions auxquelles il peut être pratiqué.

Nathalie de T' SERCLAES.

Nº 64 DE MME >de T' SERCLAES ET M. >GALAND

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 1er de l'article 3 proposé, au premier tiret, supprimer les mots « ou mineur émancipé ».

Justification

Il n'y a aucune raison de faire une exception pour les mineurs émancipés. Si la volonté des auteurs de la proposition est bien d'exclure toute possibilité « d'euthanasie » pour les mineurs, le maintien dans le texte des mots « mineur émancipé » ne se justifie pas.

Nathalie de T' SERCLAES.
Paul GALAND.

Nº 65 DE MME de T' SERCLAES

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts ­ Amendement subsidiaire au sous-amendement nº 63 proposé par elle)

Art. 3

Au § 1er de l'article 3 proposé, au troisième tiret, insérer, après les mots « se trouve » les mots « en phase terminale ».

Justification

Au cas où l'amendement relatif à la première phrase du § 1er n'était pas retenu, il est proposé de préciser au troisième tiret que « l'euthanasie » pratiquée par le médecin ne peut l'être qu'en phase terminale. Il est en effet apparu au cours des auditions et des interventions consécutives à celles-ci, de même qu'à la lecture des différentes propositions de loi déposées, qu'un consensus était possible pour ce qui a trait à la phase terminale. En outre, et à l'instar de ce qui a été la démarche aux Pays-Bas, il convient d'appliquer le principe de « précaution », à savoir ne pas vouloir régler dans la même législation ce qui concerne la fin de vie et ce qui relève du « suicide assisté ».

Nº 66 DE MME de T' SERCLAES

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 1er de l'article 3 proposé, au troisième tiret, remplacer les mots « ou d'une détresse » par les mots « physiques ou psychiques. »

Justification

Les mots « souffrances physiques et psychiques » sont suffisamment explicites et permettent de couvrir aussi bien les situations de souffrances physiques que morales, qui peuvent exister en fin de vie.

Nathalie de T' SERCLAES.

Nº 67 DE M. VANDENBERGHE

Art. 2

Compléter cet article comme suit :

« , à l'exception de l'assistance au suicide ».

Justification

1. Les auditions ont confirmé que le terme « euthanasie » a des sens variables. C'est ainsi qu'il est apparu clairement que l'on désigne souvent par euthanasie, notamment l'intervention médicale active ou passive entraînant l'interruption de la vie, l'interruption volontaire directe ou indirecte de la vie, l'abrégement volontaire ou involontaire de la vie, ...

Dans son avis de 1997, le Comité consultatif de bioéthique a tenu compte de ce risque de confusion lorsqu'il a eu à donner un avis sur l'opportunité d'une réglementation légale de l'« euthanasie ». Il a su le prévenir en recourant à la définition de l'euthanasie qu'utilise la Nederlandse Staatscommissie. Pour elle, il s'agit de tout « acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci ». La notion d'euthanasie ne sert donc pas à désigner l'interruption justifiée d'un acte médical ou le fait de renoncer pour des raisons justifiées à en poser un ni l'administration justifiée d'analgésiques ayant pour effet d'abréger la vie (qui résultent de décisions médicales concernant la fin de la vie).

Bien que cette définition stricte puisse s'écarter dans une certaine mesure de certaines déclarations d'ordre linguistique ou médico-encyclopédique, elle présente l'avantage de la transparence et de la sécurité du point de vue juridique. Une réglementation légale des interventions euthanasiques requiert une délimitation précise et nette de la notion d'« euthanasie » et doit supprimer toute équivoque en la matière. Il est déjà souhaitable, pour cette seule raison, que ces actes médicaux de fin de vie ­ lesquels ne présentent aucun caractère exceptionnel et font partie des actes qu'un médecin peut accomplir en principe selon les conceptions médicales en vigueur, en fonction des possibilités dont la médecine peut faire usage, et eu égard aux patients ­ trouvent leur place dans la réglementation de l'euthanasie.

2. L'article 2 proposé reprend la définition du Comité consultatif de bioéthique.

Il ressort toutefois des dispositions suivantes de la proposition de loi que celle-ci élargit le champ d'application du terme « euthanasie » en lui donnant des sens impropres et modifie, ainsi, le contenu de la définition qu'utilise le Comité consultatif. C'est ainsi qu'elle permet de provoquer la mort par euthanasie de patients dont on n'attend pas le décès à court terme; en outre, il suffit qu'un patient se trouve dans une situation de « détresse insupportable » pour que soient remplies les conditions relatives à l'état du patient. Même l'ajout de l'expression « médicalement sans issue » n'a pas d'effet limitatif en l'espèce. Il a au contraire un effet extensif dans la mesure où, dans la proposition, la situation en question est dite « non susceptible d'être traitée curativement ». Une personne qui souffre d'une dépression impossible à traiter, mais dont on n'attend pas le décès à court terme, ou une personne handicapée ne se trouvant pas en phase terminale, mais à laquelle, dans l'état actuel de la science, aucune remède ne peut être proposé pour atténuer son handicap et qui estime, subjectivement, se trouver dans une situation de « détresse insupportable », pourrait donc solliciter l'euthanasie aux termes de la proposition.

Les cas visés dans l'hypothèse précitée s'inscrivent toutefois intrinsèquement hors du champ sémantique du mot « euthanasie » qu'a défini le Comité consultatif et hors de celui qui obéit aux critères philosophiques, éthiques et médicaux.

Ils relèvent non pas de la notion d'« euthanasie », mais de celle de « assistance à ­ ou délégation de ­ la mort volontaire ». Une réglementation légale de l'« euthanasie« » doit dès lors exclure explicitement cette hypothèse de son champ d'application. L'ajout proposé par le présent amendement est donc nécessaire.

3. Le fait de donner la mort à un patient qui ne se trouve pas en phase terminale, à sa demande (assistance à ­ ou délégation de ­ la mort volontaire) :

a) ne peut être assimilé à l'euthanasie,

b) et est injustifiable.

a) Par essence, l'euthanasie ne concerne que le patient souffrant qui est confronté à l'imminence de la mort et qui constate que le médecin ne peut plus intervenir efficacement pour adoucir sa détresse physique avec les moyens médicaux dont il dispose. Les auditions ont confirmé qu'il s'agit d'un cas exceptionnel dans lequel l'euthanasie peut être pratiquée en tant qu'ultimum remedium, à la demande spontanée, répétée, consciente, mûrement réfléchie et persistante du patient. Il s'agit d'un cas dans lequel le traitement palliatif de confort ne permettant pas non plus de remédier à la situation sans issue du patient arrivé en phase terminale, celui-ci peut demander à pouvoir finir ses jours d'une manière conforme à la dignité humaine et non pas dans la déchéance et la douleur.

Par essence, l'euthanasie concerne donc des personnes qui sont « à l'article de la mort ». Quiconque considère l'euthanasie comme un moyen dont peuvent faire usage des personnes qui, dans un élan subjectif et se prévalant d'un droit général à l'autodétermination, disent « je veux mourir », en méconnaît le caractère exact. Toute intervention à la demande de telles personnes constituerait non pas un acte d'« euthanasie », mais un acte « d'assistance à ­ ou de délégation de ­ la mort volontaire ».

En effet, c'est au médecin qu'il appartient d'éventuellement conclure, en sa qualité de praticien de l'art de guérir, que, si aucun traitement médical curatif ou palliatif ne saurait plus aider le patient, il a le devoir d'acquiescer à la demande de celui-ci de faire en sorte qu'il puisse mourir dignement avec le concours de la médecine, pour autant qu'il estime, dans des circonstances concrètes, que ce devoir doit primer l'obligation qu'il a de protéger la vie. L'euthanasie est donc bel et bien un acte médical, fût-il exceptionnel.

L'assistance à ­ ou la délégation de ­ la mort volontaire de patients qui ne se trouvent pas en phase terminale et, a fortiori, de patients qui ne souffrent que psychiquement, ne constitue pas un acte médical : elle ne s'inscrit pas dans le cadre d'un conflit de devoirs auquel serait confronté le médecin, mais elle n'est conçue que pour qu'on puisse mettre fin à la vie du patient au cas où celui-ci demanderait qu'on le fasse. Telle n'est pas la tâche du médecin.

Cette distinction entre l'euthanasie et l'assistance au suicide est admise dans toute la littérature médicale internationale et elle a également été reconnue par les membres du comité consultatif, qui ont estimé, au cours de leurs discussions, que l'« assistance au suicide » constituait un thème distinct et qui ont traité expressément l'« euthanasie » comme un acte médical de fin de vie.

C'est le professeur Van Neste qui a abordé de la manière la plus marquante la question de savoir si « l'euthanasie » peut être envisagée pour les patients qui ne se trouvent pas en phase terminale :

« D'autres propositions de loi contiennent la condition objective de « maladie incurable allant de pair avec une nécessité physique ou psychique », mais cela nous entraîne, pour deux raisons, en dehors du cadre de la problématique propre à l'euthanasie.

Tout d'abord, il ne doit plus s'agir d'un patient en phase terminale. Si nous étudions l'historique de l'acte d'euthanasie, nous constatons qu'auparavant, on ne parlait d'euthanasie qu'à l'heure du décès, de l'agonie. En outre, il s'agissait toujours du devoir du médecin d'atténuer la douleur. Par douleur ou souffrance, on pensait toujours à un besoin qui est du ressort de la médecine.

Selon moi, il s'agit [dans ces propositions] d'un besoin existentiel. Un besoin existentiel ne peut cependant pas entrer en ligne de compte dans la problématique de l'euthanasie pour la définition de l'état de nécessité. Dans ce cas, le médecin ne se trouve pas dans un état de nécessité.

Il ne peut pas remédier à cette lassitude de vivre. Il se trouve seulement dans un état de nécessité lorsqu'il est confronté à une situation où il veut continuer d'aider avec sa compétence médicale, mais pour laquelle les moyens médicaux dont il dispose ne sont plus efficaces pour adoucir le besoin physique du patient en phase terminale. C'est précisément ce qui provoque son cas de conscience.

Dans [l'autre cas], (...) nous sortons de la problématique de l'euthanasie et nous devons plutôt parler de problématique relative à l'aide au suicide. »

Le professeur Adams estime aussi que, dès l'instant où l'on abandonne à la subjectivité du patient la facette d'apprécier si une douleur ou une détresse est insupportable, toute réglementation de l'euthanasie devient une sorte de légalisation générale de l'assistance au suicide.

b) Au cours des auditions, le Dr Philippart (Ordre des médecins), entre autres, a affirmé que la condition selon laquelle la maladie doit être incurable (que le patient soit ou non en phase terminale) est, en soi, inacceptable. Les déclarations du Dr Clumeck et du Dr Vincent ainsi que celles de 58 dispensateurs de soins palliatifs vont dans le même sens.

M. Vandeville met en garde contre les risques de dérapages que l'on créerait en mettant les deux situations en question sur le même pied. En ce qui concerne la souffrance physique sans issue, le Dr Mullie met l'accent sur les possibilités qu'offrent les soins palliatifs, le professeur Schotsman évoque le principe d'humanité, qui devrait selon lui régir la manière d'envisager ces problèmes. Kempeneers (Vereniging Mentaal Gehandicapten) a, elle aussi, exprimé sa crainte d'une assimilation.

Permettre légalement que l'existence d'une maladie incurable, par hypothèse à un stade non terminal, suffise pour que l'on puisse accomplir un acte dit « euthanasique », c'est faire prévaloir le modèle de l'autodétermination sur le modèle de l'appréciation médicale et de la nécessité médicale (en effet, l'assistance au suicide n'est pas la réponse à une nécessité médicale et n'apporte absolument pas de réponse à une maladie incurable ou à une souffrance insupportable).

On peut se demander si le « droit à l'autodétermination » est un droit fondamental ou un principe de droit. Il faudrait plutôt considérer qu'il constitue, en conjugaison, avec le principe de l'égalité, une source de plusieurs droits fondamentaux. En outre, le principe de l'autodétermination atteste que l'individu est en état de juger normalement et qu'il a son mot à dire sur la façon d'exercer les libertés individuelles ou, autrement dit, qu'il a le droit à la faculté d'interpréter lui-même la notion de liberté. Cela signifie que le citoyen peut décider en toute autonomie qu'une valeur personnelle comme la vie privée ou l'intégrité physique, ne doit plus être protégée dans certaines situations.

L'on peut toutefois se demander jusqu'où peut aller l'usage du droit à l'autodétermination. Autoriser l'expression sans limites de la volonté individuelle en arguant du droit à l'autodétermination, c'est admettre que, dans le cadre des règles de droit futures, le droit à l'autodétermination serait pour ainsi dire considéré comme un droit souverain et que la liberté individuelle serait considérée comme illimitée, comme absolue. Ce serait contraire à ce qui a toujours été le cas en ce qui concerne les autres droits fondamentaux classiques dont l'usage a toujours été limité dans le cadre des règles de droit, du moins dans la tradition européenne.

Les pouvoirs publics ont pour mission de protéger la vie humaine contre les atteintes qui pourraient être portées à celle-ci par des tiers. La protection ne repose pas sur l'idée que la vie n'a de valeur qu'en fonction de la volonté de vivre d'un individu et est dépourvue de valeur s'il refuse d'encore vivre. Elle repose plutôt sur l'idée que la vie humaine est précieuse dans la perspective du respect de la dignité humaine, c'est-à-dire intrinsèquement, que l'intéressé en convienne ou non. Le principe du respect de la vie humaine en tant que tel mérite de continuer à être le principe directeur, précisément parce qu'il garantit que l'on consacre à la vie des personnes faibles, vulnérables ou dont la capacité de jugement n'est pas entière autant d'attention qu'à celle des personnes fortes, invulnérables, et en état de juger normalement.

Lorsqu'une personne fait appel à un tiers pour l'exécution d'une de ses décisions, fût-ce à un expert, son droit de décision change de caractère. Il devient en quelque sorte un droit de participation à la prise de décision médicale, presque un droit de codécision.

Lorsqu'il y a lieu de rendre un jugement juridique et politique à propos d'un acte euthanasique, diverses valeurs doivent être prises en considération, à savoir l'intérêt du mourant, la responsabilité personnelle du médecin et l'obligation, pour la collectivité, de continuer à assurer intégralement la protection de la vie. Autrement dit, toutes les règles de droit doivent doser de manière appropriée le degré d'autodétermination et le degré de réglementation. Une règle de droit ne peut donc jamais prévoir que l'on ne tiendra compte que du point de vue d'un seul individu. Il faut arriver à établir un équilibre entre les divers principes en jeu.

Lors des auditions, l'argument de l'autodétermination a également été avancé pour ce qui est des patients qui ne se trouvent pas en phase terminale. Le Dr Englert a fait référence à ce « délire d'autonomie » et l'a situé directement dans le cadre de la relation médecin-patient. Ou, comme l'a dit Cosyns : « Pour moi, il s'agit du point final d'un épanouissement. Elle doit être soumise au « A » de la relation (en néerlandais, arts) médecin-patient, pas au « A » de l'autodétermination absolue. » Le professeur Baum a fait à cet égard, avec Vincent et Aubry, la déclaration suivante : « on ne peut prétendre être pluraliste et mépriser la relativisation de l'autonomie par d'autres valeurs, la vulnérabilité du patient par exemple. Il ne s'agit pas d'un débat entre individualisme et communautarisme, car comme le disait Sartre : « On ne peut être libre seul ». »

Pour Schotsmans, il s'agit de : « promouvoir l'homme dans toutes ses dimensions et relations ». « Je n'aime pas qu'on réduise le rôle du médecin à celui de l'exécuteur des décisions du patient » dit-il « car il est alors un garagiste du corps et non un médecin du corps. »

­ Du point de vue juridique aussi, une légalisation de l'aide à ­ de la délégation de ­ la mort volontaire soulève des problèmes, plus précisément eu égard aux dispositions de la Convention européenne de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le droit à la vie, qui est garanti à l'article 2 de celle-ci, emporte, pour les autorités, l'obligation de protéger la vie. D'après la logique de l'article 2, l'État ne peut en effet reconnaître la possibilité de pratiquer l'euthanasie que dans des circonstances très exceptionnelles. Un acte euthanasique ne peut être autorisé qu'en tant que remède ultime, c'est-à-dire lorsqu'il est vraiment le seul moyen qui reste pour adoucir une souffrance insupportable. Dans les cas où il est devenu impossible d'atténuer la souffrance au moyen d'analgésiques ou de soins palliatifs, et où il ne reste plus que l'acte euthanasique pour l'apaiser, les deux obligations définies aux articles 2 et 3 de la Convention européenne de protection des droits de l'homme sont inconciliables.

Donner la mort à un patient à la demande de celui-ci, alors qu'il se trouve dans une situation qui est « médicalement sans issue » (non curable) et en état de détresse (psychique) mais sans être en phase terminale, n'équivaut cependant pas à l'administration du remède ultime susvisé. En effet, dans un tel cas, le caractère insupportable de la souffrance pourra être apprécié sous tous ses aspects par le patient seul, et ce, sans la moindre limite. Son consentement suffira.

Or, la protection pénale de la vie est d'ordre public. Nulle personne ne peut, de par son seul consentement, créer d'immunité pénale pour celui qui le prive de la vie. Il faut savoir que le consentement de la victime ne constitue pas un motif de justification et ne pas négliger le fait que le médecin est confronté à un conflit d'obligations. Mais il y a un élément sous-jacent, le principe selon lequel le droit à la vie n'est pas uniquement l'affaire de l'individu. La question du respect de la vie revêt des aspects qui le dépassent et qui font qu'il est l'affaire de la société tout entière. Le poète théologien John Done (1572-1631) a exprimé cette vérité comme suit : « Personne n'est une île. » L'homme est un être social. Dans Les Mandarins, Simone de Beauvoir fait dire au personnage qui parle à la première personne, qui envisage le suicide et qui tient déjà un flacon de poison, qu'il a sa propre mort en main. Mais il se ravise que sa fille rentre à la maison, pour conclure : « Oui, j'ai ma propre mort en main, mais ce sont les autres qui la vivront. » Qui dispose de sa propre vie, dispose de plus que de sa propre vie.

­ L'État se doit de maintenir telle quelle la garantie pénale en ce qui concerne la mort sur demande.

On peut également citer ici la recommandation 1418 du Conseil de l'Europe (1999) concernant la protection des droits de l'homme et la dignité des malades incurables et des mourants.

Le Conseil demande expressément aux États membres :

« 9.c. de maintenir l'interdiction absolue de mettre intentionnellement fin à la vie des malades incurables et des mourants :

i. vu que le droit à la vie, notamment en ce qui concerne les malades incurables et les mourants, est garanti par les États membres, conformément à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que « la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement »;

ii. vu que le désir de mourir exprimé par un malade incurable ou un mourant ne peut jamais constituer un fondement juridique à sa mort de la main d'un tiers;

iii. vu que le désir de mourir exprimé par un malade incurable ou un mourant ne peut en soi servir de justification légale à l'exécution d'actions destinées à entraîner la mort. »

4. Enfin, il y a lieu de souligner que ni les discussions au sein du Comité consultatif de la bioéthique et l'avis de celui-ci, ni les auditions organisées au Sénat n'ont porté spécifiquement sur la question de l'« aide au suicide ». Les auditions, qui visaient à étayer et à améliorer le travail législatif, se sont concentrées essentiellement sur la question de l'« euthanasie », c'est-à-dire l'acte qui consiste à mettre intentionnellement fin à la vie de patients en phase terminale, à la demande de ceux-ci.

La réglementation proposée confond deux situations, à savoir celle des mourants et celle de personnes qui ne sont pas mourantes, mais qui, d'une manière ou d'une autre, n'attachent plus aucun sens à la vie. Elle jette une certaine confusion dans la relative unanimité qui s'était faite à propos de l'« accompagnement médical des mourants », dans la mesure où elle soulève une multitude de questions relatives au suicide.

Le problème du suicide doit être abordé différemment; il ne peut en tout cas pas être assimilé à celui de l'euthanasie ni être apprécié en fonction des normes auxquelles on se réfère en parlant d'euthanasie.

On voit mal pourquoi la Belgique devrait prendre l'initiative dans ce domaine au moment où l'on examine, aux États-Unis, un projet de loi fédéral interdisant l'aide au suicide.

Il est clair en outre que la société ne souhaite absolument pas assister, à l'heure actuelle, à l'avènement d'une réglementation en la matière. Le rapport scientifique de la fondation European Values Study, qui a été publié récemment et dans le cadre de la rédaction duquel l'on a demandé, en 1999, à des Belges, ce qu'ils pensaient du droit de disposer de son propre corps, indique que 61,2 % des Belges estiment qu'un suicide n'est jamais justifié.

5. C'est pourquoi la définition de l'euthanasie que l'on utilise doit mentionner explicitement que « l'euthanasie » et la réglementation légale de celle-ci ne concernent pas l'« assistance à la mort volontaire » (délégation de la mort volontaire).

Nº 68 DE M. VANDENBERGHE

Art. 2

Compléter cet article comme suit :

« , compte tenu de la douleur intolérable et impossible à traiter dont souffre le patient et du caractère terminal de la situation médicalement sans issue dans laquelle il se trouve. »

Justification

Voir la justification de l'amendement nº 67.

Nº 69 DE M. VANDENBERGHE

Chapitre premierbis (nouveau)

Insérer un chapitre premierbis nouveau, rédigé comme suit :

« Chapitre Ierbis. ­ Des soins palliatifs comme droit fondamental pour tous.

Art. 2. ­ § 1er. Tout un chacun a droit à des soins palliatifs.

§ 2. Pour l'application de la présente loi, on entend par « soins palliatifs » l'ensemble des soins actifs apportés aux patients dont la maladie ne réagit plus à des thérapies curatives et pour qui la maîtrise de la douleur et d'autres symptômes, ainsi que l'assistance psychologique, morale, spirituelle et familiale revêtent une importance capitale.

§ 3. Le Roi prend, dans un délai d'un an prenant cours le jour de la publication de la présente loi au Moniteur belge, et au plus tard le 31 décembre 2001, les mesures nécessaires en vue de coordonner le développement d'un système de soins palliatifs à part entière, quel que soit le lieu où celui-ci est organisé. »

Justification

1. Le développement tant qualitatif que quantitatif d'une offre de haut niveau en matière de soins de santé, de soins aux personnes âgées, et en particulier de soins palliatifs, est indispensable pour prévenir la demande d'euthanasie plutôt que de l'écarter par des moyens détournés, et à défaut de pouvoir les exclure, du moins pour faire en sorte que les situations extrêmes où l'on renonce à la vie soient véritablement exceptionnelles. Jusqu'au terme de son existence, l'être humain doit avoir la certitude que sa sécurité est garantie, qu'il peut compter sur la solidarité de tous et que les événements de la vie ne seront pas trop envisagé sous un angle purement technique et scientifique.

2. Durant les auditions, tous les témoins du secteur des soins palliatifs (médecins et personnel infirmier) ont souligné l'importance d'une offre de soins palliatifs complète; il s'agit là d'une priorité dont il convient de s'occuper avant d'adopter une quelconque réglementation légale en matière d'euthanasie.

Ce point de vue se fonde sur les arguments suivants :

­ Les soins palliatifs sont beaucoup plus étendus que les soins apportés en phase terminale aux malades incurables, aux cancéreux ou aux personnes atteintes du sida. Menten utilise le terme néerlandais « levensbegeleiding » plutôt que « stervensbegeleiding » pour désigner cet accompagnement du patient incurable. Plusieurs témoins préfèrent donc aussi parler de « soins continus » englobant à la fois « une compétence médicale spécifique, une approche relationnelle et des éléments de repérage éthique » (Drs Vincent, Bouckenaere). Dans ce sens, il serait préférable de parler de « médecine » palliative plutôt que de « soins » palliatifs (Dr Distelmans).

­ La place centrale donnée au patient n'est pas le seul élément important; il y a aussi l'attitude envers la famille et les proches : la reconnaissance de leur souffrance revêt une importance primordiale et contribue également à l'approche constructive du patient, afin que celui-ci n'ait pas l'impression de devenir « une charge pour sa famille ». En reconnaissant ainsi les droits de la famille, les soins palliatifs constituent également une garantie préventive contre la pression sociale. Plusieurs intervenants ont en effet souligné que dans de nombreux cas, la famille projette sa souffrance sur celle du patient (Drs Vandeville, A. Schoonvaere, Bouckenaere, Leroy).

­ Les soins palliatifs ne peuvent pas être mis sur le même pied que l'euthanasie. Il ne s'agit pas, en effet, d'une alternative (Vandeville).

Dans la quasi-totalité des cas, des soins palliatifs de qualité conduiront à l'arrêt des demandes d'euthanasie. La phrase « je ne veux plus vivre » signifie en effet souvent « je ne veux plus vivre de cette manière » et est surtout liée à une carence du contexte interrelationnel. Et dans ce cas, les soins palliatifs peuvent apporter une réponse appropriée à la souffrance sans issue (Dr Mullie). Même les médecins que la question de l'euthanasie n'enbarrasse pas (Dr Van Camp, doyen de la faculté de médecine de la VUB) confirment que les soins palliatifs élimineront les demandes d'euthanasie dues à la panique et que seuls quelques patients prendront eux-mêmes la décision quant à la manière dont ils veulent finir leur vie.

Lutter contre la douleur ne suffit pas en soi. Il faut prendre des mesures pour éviter que le patient ne finisse ses jours d'une manière humiliante et indigne. L'euthanasie ne peut être pratiquée qu'au terme d'un traitement palliatif approfondi (Dr Ingels).

3. Les soins palliatifs posent cependant divers problèmes :

­ Un élément primordial dans la dispensation des soins palliatifs est l'entourage du patient. Plusieurs médecins ont souligné combien il est réellement important que le patient puisse rester dans le même département et y être soigné par l'équipe qui l'entoure déjà. On voit donc toute l'importance d'une horizontalisation des soins palliatifs mettant l'accent sur les équipes mobiles, ce qui pourrait également améliorer les possibilités de soins à domicile (voir notamment Cambron-Diez : « éviter le problème du passage du curatif au palliatif »).

Sur les quelque 100 000 décès recensés annuellement en Belgique, 50 % ont lieu à l'hôpital, 25 % en maison de repos et de soins et moins de 20 % à domicile (Bouckenaere).

Les soins à domicile revêtent dès lors une importance capitale. La relation entre les soins à domicile et l'hôpital n'est cependant pas toujours des plus harmonieuse, ce qui montre bien toute l'importance de la coopération et de l'intégration (Leroy).

Selon Menten, les soins palliatifs à domicile sont déjà assez bien développés parce que la politique en la matière a bénéficié de plus de moyens. Quelque 70 % des patients souhaitent être soignés à domicile alors que nous sommes actuellement dans la situation inverse; l'unité palliative doit devenir l'exception (Bouckenaere, Menten).

­ Le manque de formation, de connaissance des soins palliatifs et d'empathie conduit parfois à une forme de non-communication avec les patients. Dans ce contexte, on pratique souvent des actes euthanasiques sans aucune demande des intéressés (Distelmans). À l'heure actuelle, les soins palliatifs sont axés principalement sur le contrôle physique; une formation permettant de répondre également aux problèmes sociaux est nécessaire (Menten).

4. Pour une véritable mise en place de soins palliatifs, les conditions suivantes doivent être remplies :

­ le développement d'une véritable culture palliative en substituant le concept de soins à celui de remède (Dr Distelmans);

­ une formation et un enseignement dans le domaine des relations, des émotions et du deuil (Vandeville, Cambron-Diez, Bouckenaere);

­ une recherche scientifique fondamentale et clinique sur la qualité des soins palliatifs (Cambron-Diez, Vandeville, Menten);

­ le financement du personnel soignant et du secteur des soins de santé au sens large, en vue de permettre une horizontalisation (Menten, Bouckenaere);

­ une action interdisciplinaire (Vandeville);

­ la création de centres de jour pourrait permettre de pallier le manque de soins de proximité dans les grandes villes (Distelmans);

­ l'interface entre les diverses structures et les divers niveaux (Leroy); une approche transversale intégrée (Menten) : la fonction palliative au sein de l'hôpital doit consister à mettre en route des thérapies qui pourront être poursuivies à domicile sans transition brutale (Menten);

­ une amélioration du financement des soins à domicile avec la possibilité d'avoir recours à des équipes mobiles; les soins à domicile restent encore plus onéreux à l'heure actuelle (Van den Eynden, Distelmans, Cambron-Diez, Bron);

­ une augmentation du personnel soignant dans les départements hospitaliers traditionnels, dans le secteur des soins à domicile, les MRS et les maisons de repos (déclaration d'un groupe de 60 médecins spécialisés en soins palliatifs, Cambron-Diez).

5. Une légalisation de l'euthanasie est dépourvue de tout fondement si l'on ne crée pas préalablement les conditions nécessaires permettant d'assurer des soins de qualité au dernier stade de la vie. Si l'on veut permettre au patient d'opter pour les soins palliatifs, il faut donc que ceux-ci soient réellement présents.

Il y a toutefois aussi un argument juridique important justifiant de développer préalablement les soins palliatifs.

Si l'on ne développe pas les soins palliatifs avant d'adopter une loi sur l'euthanasie, telle que celle formulée dans le projet de la majorité, on risque de se trouver en porte-à-faux avec l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans la logique de cette disposition, on ne peut procéder à l'euthanasie que dans des circonstances très exceptionnelles. L'acte euthanasique ne peut être que le remède ultime, c'est-à-dire que l'on ne peut y recourir que lorsque l'euthanasie est réellement le seul moyen qui subsiste pour atténuer une souffrance insupportable, la souffrance humaine même. Cela signifie que si cette souffrance ne peut être atténuée à l'aide de médicaments d'antidouleur ou de soins palliatifs mais qu'elle ne peut l'être que par un acte euthanasique, il est impossible de concilier les deux obligations contenues dans la Convention européenne des droits de l'homme (article 3). Mais cela implique aussi que l'on doit offrir au patient au moins tous les moyens possibles d'atténuer la douleur (Adams).

Si chacun ne cesse de répéter que les soins palliatifs sont insufisamment développés, il est injustifié d'adopter une loi à court terme.

6. C'est précisément pour cette raison qu'il ne suffit pas de faire figurer « le droit aux soins palliatifs » dans une loi séparée relative aux soins palliatifs. Le droit aux soins palliatifs doit nécessairement être situé dans le contexte de la demande d'euthanasie et doit dès lors être posé en principe fondamental préalablement à cette demande.

Hugo VANDENBERGHE.

Nº 70 DE M. GALAND

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 3 de l'article 3 proposé, compléter le 1º par la phrase suivante :

« veiller à ce que le patient et ses proches reçoivent l'information complète quant aux possibilités d'aide sociale; »

Justification

Il s'agit d'éviter qu'une demande d'euthanasie résulte d'un drame social ou d'un manque d'information et d'accompagnement quant aux possibilités d'aide aux personnes.

Nº 71 DE M. GALAND

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 3, 1º, de l'article 3 proposé, supprimer le mot « existantes ».

Justification

Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que chaque patient puisse, si nécessaire, avoir accès aux soins palliatifs. Le maintien du terme « existantes » pourrait laisser sous-entendre que si on limite le développement de ces soins alors que le patient pourrait en bénéficier, celui-ci ne serait plus informer des possibilités offertes.

Paul GALAND.

Nº 72 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 1er de l'article 3 proposé, remplacer la première phrase par ce qui suit :

»§ 1. Le médecin qui, dans des circonstances exceptionnelles, décide de poser des actes qui entraînent le décès d'un patient à la demande de celui-ci, peut être justifié à agir, selon les principes de l'état de nécessité, s'il constate que : »

Justification

Les amendements de la majorité se contentent de ne pas toucher formellement au Code pénal.

Si l'on considère qu'il n'y a pas lieu de toucher à la balise essentielle que constitue, dans notre société, l'interdit de tuer sanctionné par notre Code pénal, il convient d'aller jusqu'au bout de ce raisonnement. Cela signifie que donner la mort à un patient, même pour des raisons de compassion, doit rester un homicide et l'euthanasie, pratiquée dans les conditions déterminées par la présente loi, une transgression éthique et pénale de cet interdit fondamental de tuer. Tout autre raisonnement serait hypocrite. Cete transgression peut cependant, dans des circonstances exceptionnelles, être justifiées. Dans les cas où il est jugé que la transgression est, dans un cas d'espèce, justifiée, l'infraction disparaît. L'état de nécessité qui permet ainsi d'enfreindre la loi pénale vise essentiellement une situation de crise, exceptionnelle, caractérisée par un conflit de valeurs. Les demandes d'euthanasie doivent continuer à poser des problèmes de conscience au médecin.

Tel que rédigé, l'article 3 amendé de la proposition de loi constitue une autorisation de la loi (ou une dépénalisation). À l'inverse d'une autorisation de la loi, la cause de justification objective que constitue l'état de nécessité implique que l'auteur de l'acte transgresse la loi avec la conscience de la transgresser pour faire son devoir, mais également la conscience de devoir toujours rendre compte de ses actes. Avec l'état de nécessité, le contrôle de la société porte sur les raisons pour lesquelles la mort a été administrée.

Avec une autorisation de la loi, le contrôle se limite à un contrôle de type formel sur les conditions de l'administration de l'acte : celui qui agit, s'il se conforme aux conditions que la loi énonce, n'aura aucun compte à rendre. Ce qui est inadmissible au vu de la gravité de l'acte et des personnes qu'il concerne, à savoir les personnes qui sont parmi les plus vulnérables de notre société. L'état de nécessité est la figure juridique qui garantit le mieux l'existence d'un véritable contrôle de la société sur les actes posés.

En sortant du Code pénal, certains types de meurtres et en ne les considérant plus comme la transgression d'une norme fondamentale de l'humanité dans une société démocratique, les amendements proposés sont inacceptables :

­ Cela revient à dire que le législateur considère qu'il existe des vies plus ou moins dignes de protection que d'autres;

­ C'est totalement contraire à la cohérence démocratique européenne et internationale [CEDH, Recommandation du Conseil de l'Europe, Déclaration de Marbella de l'AMM (1992), Déclaration de Madrid de l'AMM (1987), avis unanime du Comité bioéthique français ...]

­ Cette dépénalisation est d'autant plus inacceptable que le contrôle de la société sur les actes posés par le médecin dans la proposition de MM. Mahoux et consorts amendée, est formel et inexistant. La Commission d'évaluation initiale a été transformée en une commission de contrôle, située en dehors du pouvoir judiciaire, qui limite voire exclut le pouvoir de poursuite du ministère public. Comment peut s'effectuer le contrôle démocratique de l'application de la loi ? Comment garantir le respect des droits du patient ? N'est-ce pas renforcer le pouvoir médical dans la relation déjà déséquilibrée entre le médecin et le patient ? Ce contrôle, à notre estime, doit être exercé par les autorités judiciaires classiques de notre état démocratique sous peine de voir le contrôleur contrôlé, ce qui serait un comble alors que les auditions n'ont eu de cesse de mettre l'accent sur la toute puissance du pouvoir médical face à un patient fragilisé. Rien n'empêche cependant qu'au stade de l'instruction de l'affaire, le juge soit éclairé par une commission d'experts en la matière. C'est l'objectif poursuivi par notre amendement visant la création d'une Commission d'expertise médicale en matière pénale.

­ L'autorisation de la loi, qui implique un contrôle purement formel des conditions d'administration de l'acte autorisé, risque de déresponsabiliser les acteurs de terrain et de banaliser l'acte.

­ Cette autorisation risque d'entamer gravement la confiance entre le médecin et le patient.

­ Les risques d'abus liés à une telle autorisation ont été soulignés à plusieurs reprises lors des auditions. Il ne faut pas perdre de vue le contexte social et économique dans lequel devra s'appliquer la loi. C'est au nom de la protection des plus faibles (augmentation des personnes âgées dépendantes, souffrant de pathologies multiples ...) et de la solidarité dans l'accompagnement des grands malades que cette autorisation nous paraît dangereuse. Elle nous paraît d'autant plus dangereuse que cette autorisation s'applique également pour les personnes qui ne se trouvent pas en phase terminale. Une autorisation de la loi ne garantit pas suffisamment que le droit de mourir ne devienne jamais un devoir de mourir.

Nº 73 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 1er de l'article 3 proposé, remplacer le troisième tiret par ce qui suit :

« ­ ces actes constituent le seul moyen de soulager les souffrances inapaisables et insupportables d'un patient en fin de vie, atteint d'une maladie incurable, dont le décès doit survenir à brève échéance; »

Justification

Pour apprécier la justification de l'acte, certaines conditions de fond ayant trait au patient lui-même (premier tiret), à la demande du patient (deuxième tiret), à l'état de santé du patient (troisième tiret), ainsi que des conditions de procédure (§ 2) doivent être réunies.

L'amendement modifie les conditions relatives à l'état de santé du patient : le médecin doit avoir la certitude de l'exceptionnelle gravité de l'état de santé du patient. Plus précisément, il doit constater :

­ une souffrance inapaisable et insupportable dans le chef du patient : le mot « inapaisable » (synonyme du mot « irréductible » utilisé dans la proposition nº 2-151) renvoie à une notion objective ­ douleur que la médecine, en son état actuel, ne peut soulager ­ alors que la notion d'« insupportable » est une notion éminemment subjective. Cette souffrance ne peut être éprouvée que par le patient, et il n'appartient pas à l'entourage du patient d'en estimer le caractère intolérable. À cet égard, le mot « détresse » utilisé dans la proposition de loi nº 2-244 de M. Mahoux et consorts, indépendamment de toute souffrance physique (« ou ») est particulièrement dangereux. Il implique un champ d'application trop large de la législation. Plusieurs intervenants ont souligné que le désespoir insupportable, qui peut toucher les patients atteints d'une affection incurable, est un problème existentiel qui ne pourrait justifier une euthanasie, mais éventuellement, selon certains, une assistance au suicide. Les implications d'une telle législation n'ont pas été débattues en commission;

­ le caractère incurable de la maladie : il est des cas où ce caractère incurable est difficile à établir. Aux dires de certains médecins, on peut se tromper sur un diagnotic ou un pronostic, même fatal. Il importe donc que cet aspect fasse l'objet d'une vérification sérieuse.

­ le pronostic d'un décès à brève échéance. Cela exclut l'euthanasie de patients qui ne seraient pas en fin de vie.

Le critère de « situation médicale sans issue » nous paraît particulièrement inadéquat. On n'aperçoit pas clairement à la lecture de la justification qui est donnée à l'amendement nº 14, quel sens spécifique il convient de donner à cette notion. Les auteurs précisent qu'il s'agit de patients atteints d'une maladie grave, incurable, « auxquels la médecine ne peut plus proposer de traitements curatifs » ou encore « ne peut plus offrir aucun espoir de rémission ». Il s'agit donc d'un synonyme du mot « incurable », mais alors quel est l'intérêt de l'ajouter ? Il y a, en outre, une certaine contradiction à affirmer, d'une part, que la situation médicale doit être sans issue, et, d'autre part, que le médecin doit informer le patient des différentes possibilités thérapeutiques existantes et de leurs conséquences. Il nous semble évident que s'il existe des possibilités thérapeutiques, le malade n'est pas dans une situation médicale sans issue et que l'euthanasie ne peut être pratiquée.

Il apparaît en tout cas clairement que le critère de « situation médicale sans issue » n'est pas une condition visant à restreindre le champ d'application de la loi, mais, au contraire, à l'élargir. En effet, l'intention des auteurs de l'amendement est claire : ce critère, cumulé avec le critère de « souffrance ou détresse » constante et insupportable qui ne peut être apaisée, résultant d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, signifie donc, en définitive que tous les patients atteints de maladies incurables sont visés, même s'ils ne se trouvent pas dans la phase dite « terminale » de la maladie. Le critère de « gravité » n'est, en effet, pas une balise; il est vidé de tout sens dès lors que la proposition met totalement l'accent sur le sentiment subjectif que peut avoir la personne de son état (le sentiment de détresse suffit). Sont visées aussi bien les personnes qui, de naissance ou suite à un accident, souffrent d'un handicap physique (exemple : handicap moteur aux jambes), que les personnes atteintes d'une maladie grave (?) non mortelle (mucoviscidose, diabète, cécité, sclérose en plaques, maladies musculaires, maladies cardiaques, maladie d'Alzheimer, ...) et même les personnes souffrant d'un handicap mental, dans la mesure où la personne n'a pas été déclarée incapable juridiquement et que sa demande répond aux conditions de la loi (demande expresse, non équivoque, persistante, ...) ou encore les personnes dans un état de détresse persistante, à savoir le dépressif chronique, les personnes qui ont des tendances suicidaires permanentes et demandent à mourir.

Il est vrai qu'une procédure de consultation obligatoire d'un deuxième médecin, psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée, est prévue en ce qui concerne l'euthanasie des personnes dont le décès n'interviendra manifestement pas à brève échéance. Mais cela ne nous semble pas une garantie suffisante.

Parler d'une « situation médicale sans issue » est, en outre, encore plus vide de sens pour les malades qui ne sont pas en fin de vie, que pour les malades qui le sont. Qui peut dire si une situation médicale est réellement sans issue lorsqu'une personne a encore une espérance de vie importante ?

Il nous paraît donc que l'euthanasie de personnes qui ne se trouvent pas en phase terminale est un tout autre problème que celui de l'euthanasie. Dans toute la littérature médicale étrangère, cette distinction est toujours présente. Il nous paraît donc inadéquat de mettre dans la même législation l'euthanasie des patients en phase terminale et le suicide assisté. Les débats en commission et les auditions n'ont porté essentiellement que sur l'euthanasie et la réflexion sur le suicide assisté est loin d'être achevée. Le lien entre une législation de l'euthanasie et a fortiori du suicide assisté avec l'émergence d'un courant suicidogène dans la société a aussi été évoqué lors des auditions. La société n'a-t-elle vraiment aucune autre réponse à donner aux personnes fragilisées, accidentées ou malades que de leur dire qu'elles ont raison de vouloir mourir parce qu'elles se sentent inutiles ? Il faut aussi concilier toute législation à ce sujet avec l'obligation des médecins de toujours essayer de sauver la vie du patient inconscient à la suite d'une tentative de suicide [cf. par exemple la déclaration sur les droits du patient de Lisbonne (AMM, 1995)].

L'amendement précise aussi que s'il existe plusieurs moyens également efficaces mais diversement dommageables pour soulager la souffrance du patient, le choix du médecin devra se porter sur le moins préjudiciable. En d'autres termes, il faut que l'acte posé soit la seule alternative possible, le seul moyen de soulager les souffrances du patient. C'est une condition d'exercice du droit à invoquer l'état de nécessité, telle que définie par une doctrine et une jurisprudence constante. Cette condition donne du contenu à la condition posée tant par les auteurs du présent amendement que par les auteurs de l'amendement nº 14, à savoir la condition de souffrance (ou détresse) « inapaisable », c'est-à-dire « qui ne peut être soulagée ». Sans cela, cette condition n'est qu'une condition purement formelle.

Nº 74 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Supprimer le § 2 de l'article 3 proposé.

Justification

Ce qui apparaît, à première vue, une condition protectrice du patient, s'avère, en définitive, une disposition visant à assurer uniquement la sécurité au sens commun du terme du médecin (et non la sécurité juridique recherchée).

L'obligation de « figer » la demande du patient dans une requête écrite peut présenter des risques de dérives de plusieurs types :

­ La difficulté, voir l'impossibilité, pour le patient, vu son état moral ou physique, de revenir en arrière sur ce qu'il a écrit, qui sera ressenti comme une sorte d'engagement. Le mal-être du patient peut connaître des évolutions.

­ Par ailleurs, le texte précise que le document écrit constate éventuellement que le patient n'est pas en état de signer et en énonce les raisons. Si le patient n'est pas en état de signer, cela signifie également qu'il ne peut pas rédiger lui-même le document. Le texte amendé, s'il n'est pas autrement précisé, implique donc que le document peut être rédigé par quelqu'un d'autre. L'exigence de l'écrit qui au départ semble être une protection du patient, risque en définitive de se retourner contre lui.

­ Le risque existe que ce document écrit constitue, à terme, « la preuve » que les conditions relatives à la demande (caractère exprès, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchi et persistant de la demande) étaient réunies, et rende ainsi purement formelle l'obligation de remplir les autres conditions prescrites par la loi.

­ Comment concilier les deux exigences, qui peuvent sembler contradictoires, de « demande répétée et persistante » (article 3, § 1) et de « requête écrite » ? À quel moment la demande doit-elle être écrite ? Considère-t-on qu'elle est persistante à partir du moment où elle est constatée par écrit ou le médecin a-t-il l'obligation de vérifier jusqu'au bout, même après la rédaction de la requête, la persistance de cette demande ?

­ L'articulation entre le § 1 et le § 2 n'est pas claire : le patient a-t-il l'obligation de mettre sa demande par écrit ? Ou s'agit-il d'une faculté ?

L'exigence d'une requête écrite ne nous paraît pas nécessairement plus protectrice des droits du patient. Il faut, une nouvelle fois, renvoyer aux auditions où il a été clairement précisé que la meilleure protection contre les euthanasies clandestines était :

1º l'organisation d'une procédure de consultation collégiale pluridisciplinaire préalable,

2º une législation des droits du patient, et

3º la tenue d'un dossier médical détaillé.

Il nous semble qu'il nous faut entendre toutes les demandes du patient, quelle que soit la forme que peuvent prendre ces demandes. Cette position nous paraît la plus respectueuse de la situation particulière du patient en fin de vie.

Nº 75 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 3 de l'article 3 proposé, remplacer le 1º par ce qui suit :

« 1º s'assurer que le patient a été informé de manière correcte et adéquate sur son état de santé, sur les diverses possibilités d'accompagnement moral et médical, en ce compris les possibilités de prise en charge palliative, et sur les risques et les avantages qui y sont liés; »

Justification

Tel qu'il est rédigé, le premier tiret du § 3 laisse à penser que le médecin n'informe le patient de son état de santé que lorsque celui-ci en est arrivé à une situation extrême d'un point de vue médical ou psychologique. Par sa formulation, l'amendement implique que le patient doit avoir été informé sur tous les aspects de son état de santé, bien avant sa situation actuelle, pour éviter que la demande d'euthanasie ne soit la conséquence d'un sentiment d'angoisse, d'incertitude ou d'abandon. L'information du patient est un droit du patient fondamental. L'amendement précise également que l'information doit avoir été donnée de manière « correcte », le médecin ne peut cacher la réalité des faits, ce qui n'implique pas nécessairement qu'il doit tout dire au patient : le patient a le droit de refuser, à sa demande expresse, d'être informé et le médecin peut, exceptionnellement, taire certains renseignements lorsqu'il a de bonnes raisons de croire que ces informations causeraient un dommage grave au patient et que des effets positifs ne peuvent en être attendus. Le mot « adéquat » implique également que le patient doit être informé de la manière la plus appropriée en fonction de son état physique et mental.

Cet amendement rejoint l'article 33 du Code de déontologie médicale qui précise que le médecin communique à temps au patient le diagnostic et le pronostic. Ceci vaut également pour un pronostic grave, voire fatal. Lors de l'information, le médecin tient compte de l'aptitude du patient à la recevoir et de l'étendue de l'information que celui-ci souhaite.

Étant donné que nous n'envisageons la possibilité de l'euthanasie que dans les cas de patients en fin de vie, l'information que le médecin fournit au patient ne concerne que les possibilités d'accompagnement moral et médical. Dès lors que le patient en fin de vie, selon les conditions de l'article 3, est dans un état incurable, il n'existe plus de possibilités thérapeutiques, comme il est dit au § 3, 1º. Quant à l'information concernant l'espérance de vie, cette exigence ne nous paraît pas opportune s'il s'agit d'un patient en fin de vie. Ce texte mélange les deux hypothèses ­ patient en fin de vie et patient qui n'est pas en fin de vie.

Nº 76 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Compléter le § 3 de l'article 3 proposé, par un 1ºbis (nouveau), rédigé comme suit :

« 1ºbis s'assurer que le patient bénéficie d'un accompagnement et de soins optimaux; »

Justification

Lors des auditions, plusieurs intervenants ont souligné la nécessité d'« entendre » la demande du patient et de la « décoder ». Une demande d'euthanasie est souvent ambiguë. La plupart du temps, en demandant la mort, le patient ne demande pas de mourir : il demande de rester en vie, mais de vivre autrement. C'est, dans beaucoup de cas, un appel à l'aide venant du malade pour vivre mieux ou moins mal.

Les auditions ont montré la place essentielle qu'occupent la médecine, axée sur le soulagement de la douleur, et la médecine palliative dans la prévention des demandes d'euthanasie. L'amendement nº 14 proposé ne rend pas compte de cette dimension. Il y a d'ailleurs un aspect paradoxal dans l'attitude qui consiste à vouloir adopter une législation générale sur l'euthanasie à un moment où, enfin, on assiste à d'énormes progrès sur le soulagement de la douleur (cliniques de la douleur, cf. expériences tant en Belgique qu'à l'étranger en la matière). Lors des auditions, les intervenants ont précisé que les soins palliatifs, dans la grande majorité des cas, apportent une réponse aux demandes d'euthanasie formulées par les patients, en soulageant la douleur de manière adéquate et en fournissant un accompagnement moral, psychologique ou spirituel adéquat.

La première obligation du médecin à l'égard de son patient est une obligation d'assistance morale et médicale. C'est l'article 96 du Code de déontologie qui nous le rappelle : « lorsqu'un malade se trouve dans la phase terminale de sa vie, tout en ayant gardé un certain état de conscience, le médecin lui doit toute assistance morale et médicale pour soulager ses souffrances morales et physiques et préserver sa dignité. Lorsque le malade est définitivement inconscient, le médecin se limite à ne prodiguer que des soins de confort ».

Face à une demande d'euthanasie, il est donc impératif que le médecin noue un réel dialogue avec le patient et s'entretienne avec l'équipe soignante et l'équipe palliative, afin de s'assurer que le patient bénéficie d'un accompagnement et de soins optimaux. Bien souvent, le médecin ne maîtrise pas suffisamment les techniques de contrôle de la douleur ou ne parvient pas à donner au patient le soutien psychologique que son état requiert. Dans beaucoup de cas, un rééquilibrage des soins et de l'accompagnement répond à la demande du patient. La consultation de l'équipe palliative ou d'une personne spécialisée dans le soulagement de la douleur devrait donc être rendue obligatoire lorsqu'une demande d'euthanasie est formulée.

Donner la mort au patient en fin de vie ne peut être que le recours ultime et en aucun cas, une absence de dialogue, une méconnaissance des traitements visant à soulager la souffrance ou un manque d'accompagnement psychologique ne peut justifier un tel acte.

Cette condition doit être insérée avant la condition 2º. Il est, en effet, inacceptable de « s'assurer de la persistance de la souffrance du patient », sans d'abord avoir essayé de tout faire pour soulager cette souffrance. Le médecin se rendrait d'ailleurs dans ce cas coupable d'abandon à l'égard de son patient.

Nº 77 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 3 de l'article 3 proposé, remplacer le 2º par ce qui suit :

« 2º s'assurer, à l'aide d'entretiens répétés avec le patient, espacés d'un délai raisonnable au regard de l'évolution de sa maladie, et des avis des personnes consultées visées au présent paragraphe, de l'existence de l'ensemble des conditions visées au § 1er; »

Justification

Le médecin doit s'assurer de l'existence de l'ensemble des conditions visées au § 1er de l'article 3. Ces conditions ont trait aussi bien au patient (degré de conscience, détermination réelle et personnelle), qu'à la demande (expresse, volontaire, non équivoque, mûrement réfléchie, répétée et persistante), et qu'à l'état de santé du patient (caractère incurable de sa maladie, nature inapaisable et insupportable de la souffrance, pronostic du décès à brève échéance), ainsi qu'au fait que l'euthanasie constitue la seule alternative pour soulager les souffrances du patient.

Le médecin s'assure de l'existence de ces éléments à l'aide d'entretiens répétés avec le patient, mais aussi à l'aide des avis émis par les personnes qu'il consultera, à savoir au moins un autre confrère, l'équipe soignante et l'équipe palliative, ainsi que tout tiers ou toute cellule d'aide à la décision susceptible de l'éclairer. Les proches peuvent également éclairer le médecin sur la nature de la demande émise par le patient (demande émise, par exemple, sous la pression des proches).

Le mot « détresse » utilisé dans la proposition de loi nº 2-244 de M. Mahoux et consorts, indépendamment de toute souffrance physique (« ou ») est particulièrement dangereux. Le contenu de cette notion n'est d'ailleurs pas clair, ce qui rend son contrôle impossible. Il implique un champ d'application trop large de la législation. Plusieurs intervenants ont souligné que le désespoir insupportable, qui peut toucher les patients atteints d'une affection incurable, est un problème existentiel qui ne pourrait justifier une euthanasie, mais éventuellement, selon certains une assistance au suicide. Les implications d'une telle législation n'ont pas été débattues en commission. Il serait inadmissible d'admettre sur cette base l'euthanasie de patients souffrant de dépression profonde ou de tendances suicidaires persistantes (voir justification sous amendement nº 73).

Nº 78 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 3 de l'article 3 proposé, remplacer le 3º, alinéa prémier, par ce qui suit :

« 3º consulter au moins un autre médecin spécialisé dans la pathologie dont souffre le patient, en précisant les raisons de la consultation.

Le médecin consulté prend connaissance du dossier médical et examine le patient. Il s'assure de l'existence de l'ensemble des conditions visées au § 1er et rédige un rapport concernant ses constatations. »

Justification

Vu l'exceptionnelle gravité de l'acte d'euthanasie, le médecin a l'obligation de recueillir un certain nombre d'avis de nature à éclairer sa décision et notamment l'avis :

­ d'au moins un confrère spécialisé dans la pathologie dont souffre le patient;

­ de l'équipe soignante et de l'équipe palliative;

­ de tout tiers ou toute cellule d'aide à la décision;

­ des proches (sauf si le patient s'y oppose) et de toute personne désignée par le patient.

L'avis d'au moins un confrère correspond à ce que le Code de déontologie prescrit en son article 97, en ce qui concerne les décisions de mise en route ou d'arrêt de traitement à l'égard d'un patient en fin de vie.

Le médecin consulté doit constater l'existence de toutes les conditions énumérées au § 1er, liées au patient lui-même (degré de conscience), à la demande du patient dans tous ses aspects (non équivoque, expresse, persistante), et à l'état de santé du patient (caractère incurable de la maladie dont il souffre, nature inapaisable et insupportable de sa souffrance, pronostic relatif à l'échéance du décès).

Cette condition doit s'apprécier souplement, le médecin devant relater avant tout ce qui ressort de sa compétence médicale (état de santé du patient et nature de ses souffrances). S'il ne peut tirer aucune constatation quant à certains éléments, il doit le mentionner.

Nº 79 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 3 de l'article 3 proposé, remplacer le 4º par ce qui suit :

« 4º recueillir l'avis de l'équipe soignante et de l'équipe palliative, ainsi que de tout tiers ou toute cellule d'aide à la décision susceptible d'être utilement consultée, sur l'ensemble des conditions visées au § 1er. »

Justification

Vu l'exceptionnelle gravité de l'acte d'euthanasie, le médecin a l'obligation de recueillir un certain nombre d'avis de nature à éclairer sa décision et notamment l'avis :

­ d'au moins un confrère spécialisé dans la pathologie dont souffre le patient;

­ de l'équipe soignante et de l'équipe palliative;

­ de tout tiers ou toute cellule d'aide à la décision;

­ des proches (sauf si le patient s'y oppose) et de toute personne désignée par le patient.

Ces avis devront porter sur toutes les conditions énumérées plus haut liées au patient lui-même (degré de conscience) à la demande du patient dans tous ses aspects (non équivoque, expresse, persistante), au caractère incurable de la maladie dont il souffre, et à la nature inapaisable et insupportable de sa souffrance, ainsi qu'au pronostic relatif à l'échéance du décès.

De nouveau, cette condition doit s'apprécier souplement en tenant compte des compétences particulières de la personne consultée. Bien souvent, le médecin ne maîtrise pas suffisamment les techniques de contrôle de la douleur. C'est à ce niveau que l'avis de l'équipe soignante, mais surtout palliative, peut lui être très utile. La demande d'euthanasie traduit une souffrance. Il faut d'abord essayer de soulager cette souffrance, avant d'envisager de répondre à la demande du patient. Le tiers ou la cellule d'aide à la décision qui est visé renvoie notamment (mais pas exclusivement) au comité local d'éthique hospitalier. L'éclairage d'un tiers, qui n'est pas impliqué dans la relation avec le patient, est particulièrement important dans de telles situations. Il peut éclairer le médecin sur l'aspect éthique du problème. L'important c'est d'encourager la consultation collégiale pluridisciplinaire. Cette démarche assure la transparence des décisions médicales, qui restent de la responsabilité ultime du médecin. Il n'y a pas dilution ou partage de responsabilité. Elle permet également de prévenir les euthanasies clandestines.

Vu la gravité de l'acte d'euthanasie, le médecin a en principe l'obligation de consulter les proches. L'euthanasie est un acte grave, qui peut laisser de lourdes traces chez les proches, et cela encore longtemps après le décès. Cette obligation de consultation est importante dans la mesure où elle permettra de déceler les éventuelles pressions qui peuvent s'exercer sur le patient et ainsi de s'assurer de la détermination réelle et personnelle du patient à ce qu'il soit mis fin à sa vie. Lors des auditions, les intervenants nous ont, en effet, signalé que la majorité des demandes d'euthanasie émanaient des proches du patient. S'entretenir avec les proches ne signifie donc pas pour le médecin requérir leur opinion ou leur assentiment sur cette demande. Cet entretien permettra surtout de mettre à jour les relations entre le patient et ses proches, d'aider les proches à exprimer leur souffrance ou leur isolement, et surtout de prévenir des actes trop rapides.

La volonté du patient de ne pas s'entretenir de sa demande avec ses proches doit toutefois être respectée, de même sa volonté de s'entretenir de sa demande avec toute personne qu'il souhaite, même ne faisant pas partie de sa famille proche.

Nº 80 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 3 de l'article 3 proposé, au 6º, insérer, après le mot « rencontrer », les mots « ou susceptibles de l'aider. »

Justification

La situation décrite par l'amendement nº 14 d'un patient réellement conscient et en état d'exprimer une demande expresse, univoque, mûrement réfléchie, persistante est un « cas d'école ». La plupart du temps, le patient est sinon inconscient, du moins dans un état que l'on pourrait qualifier de « crépusculaire ». Il est parfois difficile pour un patient d'exprimer clairement ses souhaits. Il est du devoir du médecin de lui proposer l'aide de tiers qu'il estime, en conscience, susceptible de l'aider (psychologue par exemple).

Nº 81 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Supprimer le § 4 de l'article 3 proposé.

Justification

Ce paragraphe instaure une condition de procédure supplémentaire en ce qui concerne l'euthanasie des personnes qui ne sont pas en fin de vie. En effet, l'intention des auteurs de l'amendement est claire : le critère de « situation médicale sans issue », cumulé avec le critère de « souffrance ou détresse » constante et insupportable qui ne peut être apaisée, résultant d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, signifie donc, en définitive que tous les patients atteints de maladies incurables sont visés, même s'ils ne se trouvent pas dans la phase dite « terminale » de la maladie. Le critère de « gravité » n'est, en effet, pas une balise; il est vidé de tout sens dès lors que la proposition met totalement l'accent sur le sentiment subjectif que peut avoir la personne de son état (le sentiment de détresse suffit). Quelles maladies ou handicaps seront considérés comme graves et par qui le seront-ils si ce n'est par le patient lui-même ? Sont visées aussi bien les personnes qui, de naissance ou suite à un accident, souffrent d'un handicap physique (exemple : handicap moteur aux jambes), que les personnes atteintes d'une maladie grave (?) non mortelle (mucoviscidose, diabète, cécité, sclérose en plaques, maladies musculaires, maladies cardiaques, maladie d'Alzheimer, ...) et même les personnes souffrant d'un handicap mental, dans la mesure où la personne n'a pas été déclarée incapable juridiquement et que sa demande répond aux conditions de la loi (demande expresse, non équivoque, persistante, ...) ou encore les personnes dans un état de détresse persistante à savoir le dépressif chronique, les personnes qui ont des tendances suicidaires permanentes et demandent à mourir.

Il est vrai qu'une procédure de consultation obligatoire d'un deuxième médecin, psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée, est prévue en ce qui concerne l'euthanasie des personnes dont le décès n'interviendra manifestement pas à brève échéance. Mais cela ne nous semble pas une garantie suffisante. Parler d'une « situation médicale sans issue » est, en outre, encore plus vide de sens pour les malades qui ne sont pas en fin de vie, que pour les malades qui le sont. Qui peut dire si une situation médicale est réellement sans issue, lorsqu'une personne a encore une espérance de vie importante ?

Il nous paraît donc que l'euthanasie de personnes qui ne se trouvent pas en phase terminale est un tout autre problème que celui de l'euthanasie. Dans toute la littérature médicale étrangère, cette distinction est toujours présente. Il nous paraît donc inadéquat de mettre dans la même législation l'euthanasie des patients en phase terminale et le suicide assisté. Les débats en commission et les auditions n'ont porté essentiellement que sur l'euthanasie et la réflexion sur le suicide assisté est loin d'être achevée. Le lien entre une légalisation de l'euthanasie et a fortiori du suicide assisté avec l'émergence d'un courant suicidogène dans la société a aussi été évoqué lors des auditions. La société n'a-t-elle vraiment aucune autre réponse à donner aux personnes fragilisées, accidentées ou malades que de leur dire qu'elles ont raison de vouloir mourir parce qu'elles se sentent inutiles ? Il faut aussi concilier toute législation à ce sujet avec l'obligation des médecins de toujours essayer de sauver la vie du patient inconscient à la suite d'une tentative de suicide (cf. par exemple la Déclaration sur les droits du patient de Lisbonne (AMM, 1995)).

Nº 82 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Remplacer le § 5 de l'article 3 proposé par ce qui suit :

« § 5. Les informations concernant le diagnostic posé, les souhaits du patient, le(s) rapport(s) du (des) médecin(s) consulté(s) et les avis des différentes personnes consultées, l'ensemble des démarches entreprises en ce compris les soins et les traitements proposés et leurs résultats, les décisions prises en ce compris les soins et les traitements prescrits, ainsi que les médicaments ou drogues administrées, sont consignées au jour le jour dans le dossier médical du patient. Les mentions sont signées par le médecin en charge du patient et un autre membre de l'équipe soignante qui entoure le patient. »

Justification

Cet article impose la tenue d'un dossier médical détaillé, dont il ressort que le médecin a respecté les conditions et procédures prévues par la loi (non seulement dans le cas d'une euthanasie mais de toute décision liée à la fin de vie (arrêt, abstention de traitement, ...), et qui mentionne les éléments qui ont permis au médecin d'apprécier l'existence d'un état de nécessité dans le cas d'une euthanasie. Ce dossier contient également les souhaits du patient, ainsi que les rapports ou les avis des différentes personnes consultées.

Nº 83 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Compléter l'article 3 proposé par un § 6 nouveau, rédigé comme suit :

« § 6. Est puni d'une amende de 1 000 francs à 100 000 francs, le médecin qui contrevient aux dispositions de l'article 3, § 5, et de l'article 5. »

Justification

Cet article prévoit des sanctions spécifiques à l'égard du médecin qui ne respecterait pas les obligations visées au § 5, à savoir la tenue d'un dossier médical détaillé, ainsi que l'obligation pour le médecin qui a pratiqué une euthanasie d'adresser un rapport à un médecin de référence.

Nº 84 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

Art. 7bis (nouveau)

Insérer un article 7bis nouveau, rédigé comme suit :

« Art. 7bis. ­ Les établissements de soins doivent rédiger, dans une approche multidisciplinaire, des protocoles de prise en charge des patients en fin de vie. L'accompagnement psychologique des familles et des soignants doit également être assuré. »

Justification

Cet article encourage les établissements de soins à rédiger des protocoles multidisciplinaires de prise en charge des patients en fin de vie. Ces protocoles devront tenir compte de l'accompagnement psychologique des familles et des soignants. Cet article (qui ne figurait pas dans la proposition initiale 2-151) répond aux attentes de certains intervenants. Dans certains établissements, ces protocoles existent déjà. Ils permettent de mieux appréhender une situation lorsqu'elle se présente. Ces protocoles devraient prévoir l'accompagnement du personnel soignant : beaucoup d'intervenants ont souligné, en effet, le manque de temps du personnel soignant, le manque d'effectif dans les hôpitaux, la solitude et la souffrance des soignants eux-mêmes. L'accompagnement des familles est également très important. Les auditions ont, en effet, montré que la majorité des demandes d'euthanasie émanent des proches, épuisés ou incapables de faire face à une situation trop douloureuse. Il faut noter que les soins palliatifs prennent en compte la dimension accompagnement des proches. Le souhait des auteurs de l'amendement est que ces soins se développent rapidement dans tous les établissements de soins, les institutions pour personnes âgées, au domicile ... et soient accessibles à tout patient.

Nº 85 DE MME NYSSENS ET M. THISSEN

Art. 5

Remplacer cet article par ce qui suit :

« Art. 5 ­ Le médecin qui accepte de donner suite à la demande d'un patient dans le cadre de l'article 3, adresse un rapport dans les 24 heures du décès à un médecin de référence, reprenant les informations visées à l'article 3, § 5. Ce médecin de référence, choisi dans la liste des médecins experts en médecine légale près les cours et tribunaux, rédige un certificat mentionnant la cause du décès à l'attention de l'officier de l'état civil chargé d'établir l'acte de décès. »

Justification

Sur base du dossier médical visé à l'article 3, le médecin qui a accepté de donner suite à une demande d'euthanasie adresse un rapport à un médecin de référence dans les 24 heures du décès. Ces médecins de référence ont pour mission de rédiger les certificats destinés à être délivrés à l'officier de l'état civil en vue de permettre l'inhumation selon la procédure prévue aux articles 77 et suivants du Code civil. Conformément à la pratique, l'officier de l'état civil, en cas de mort suspecte, en avise directement le procureur du Roi. Il n'y a donc pas de communication automatique au procureur du Roi.

Clotilde NYSSENS.
René THISSEN.

Nº 86 DE MME NYSSENS ET CONSORTS

Chapitre VI

Remplacer l'intitulé de ce chapitre par ce qui suit :

« Chapitre VI ­ Dispositions finales ».

Nº 87 DE MME NYSSENS ET CONSORTS

Art. 8

Remplacer cet article par ce qui suit :

« Art. 8. ­ La présente loi est applicable pour une période de trois ans à partir de son entrée en vigueur.

Dans les six mois qui précèdent l'expiration de cette période, les ministres ayant la Justice et la Santé publique dans leurs attributions présentent au Parlement un rapport sur l'application de la présente loi. »

Justification

Cet article reste inchangé par rapport à la proposition initiale des auteurs (doc. Sénat, nº 2-151). Étant donné la sensibilité de la problématique et la complexité de sa traduction dans notre arsenal juridique, il convient, conformément à l'avis de certains médecins, de prévoir une période probatoire pour le texte de loi. À cet effet, le texte prévoit que la loi ne sera applicable que pour une période limitée de trois ans.

Dans les six mois qui précèdent l'expiration de cette période, il appartiendra au législateur, sur la base d'un rapport établi par les ministres de la Justice et de la Santé publique, de tirer les enseignements qui s'imposent.

Nº 88 DE MME NYSSENS ET CONSORTS

Art. 9

Supprimer cet article.

Justification

Voir amendement nº 87.

Nº 89 DE MME NYSSENS ET CONSORTS

Art. 10

Supprimer cet article.

Justification

Voir amendement nº 87.

Clotilde NYSSENS.
Magdeleine WILLAME-BOONEN.
René THISSEN.
Georges DALLEMAGNE.
Michel BARBEAUX.

Nº 90 DE M. VANDENBERGHE ET CONSORTS

(Sous-amendement à l'amendement subsidiaire nº 62 de Mme de T' Serclaes)

Art. 2

À l'article 2 proposé, remplacer le mot « délibérément » par le mot « intentionnellemnt ».

Justification

Il y a lieu de préciser que l'euthanasie est un acte intentionnel.

Nº 91 DE M. VANDENBERGHE ET CONSORTS

Art. 2

Remplacer cet article comme suit :

« Art. 2. ­ Pour l'application de la présente loi, il y a lieu d'entendre par euthanasie l'acte pratiqué par un médecin, consistant à mettre fin intentionnellement à la vie du patient à la demande de celui-ci. »

Nº 92 DE M. VANDENBERGHE ET CONSORTS

Art. 2

Remplacer cet article comme suit :

« Art. 2. ­ Pour l'application de la présente loi, il y a lieu d'entendre par euthanasie l'acte pratiqué par un médecin, consistant à mettre fin intentionnellement à la vie du patient à la demande de celui-ci, compte tenu de la douleur intolérable et impossible à traiter dont souffre le patient et du caractère terminal de la situation médicalement sans issue dans laquelle il se trouve. »

Hugo VANDENBERGHE.
Ingrid van KESSEL.
Mia DE SCHAMPHELAERE.

Nº 93 DE M. GALAND

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Au § 1er, de l'article 3 proposé, remplacer les mots « Le médecin qui pratique une euthanasie ne commet pas d'infraction » par les mots « Tout médecin peut répondre à une demande d'euthanasie ».

Justification

La précision, selon laquelle le médecin qui pratique une euthanasie dans les formes et conditions légales ne commet pas une infraction, est inutile. Dès lors qu'il existe une permission de la loi, il ne saurait y avoir ni crime ni délit (article 70 du Code pénal).

Paul GALAND.

Nº 94 DE M. VANDENBERGHE ET CONSORTS

Chapitre premierter (nouveau)

Insérer un chapitre premierter (nouveau), libellé comme suit :

« Chapitre premierter. ­ Des conditions de protection en cas de traitement analgésique et d'arrêt ou d'abstention d'un traitement médical

Art. 2ter. ­ La décision d'arrêter ou de s'abstenir d'appliquer un traitement médical, d'arrêter progressivement une thérapie ou encore d'appliquer un traitement analgésique justifié du point de vue de l'état actuel du savoir médical et ayant pour effet d'abréger la vie, ne peut être prise qu'à la condition d'être conforme à l'état actuel des connaissances médicales et à la déontologie médicale et de respecter les droits du patient.

Le dossier médical de la personne décédée doit faire ressortir que :

1º le patient a été informé de la décision envisagée et y a donné son assentiment;

2º un confrère médecin au moins a été consulté dans le cas où le patient n'était pas en état d'exprimer sa volonté;

3º la personne de confiance, désignée par le patient même, ou sa famille proche ont, dans la mesure du possible, été informées de la décision envisagée et ont eu l'occasion d'exprimer leur avis.

L'article 76bis, alinéa 4, du Code civil est applicable. »

Justification

La troisième proposition du Comité consultatif de bioéthique dans le débat sur l'euthanasie n'est pas fondée sur le discours pénal, mais elle s'inspire du discours sur les droits de l'homme, plus précisément du « droit de mourir dans la dignité », qui est un droit social fondamental que l'on peut faire dériver de l'article 23 de la Constitution.

De même, les auditions ont montré que l'euthanasie n'est que le « sommet de l'iceberg » et elles ont fait apparaître toute la complexité des nombreux actes médicaux en fin de vie conjugués à la notion de mourir dans la dignité. L'on a constaté que les soins de santé dispensés à l'approche de la mort présentent trop souvent des côtés moins humains : peu ou pas de contact entre le médecin et le patient, peu ou pas de concertation, peu ou pas d'information, caractère impersonnel et technique du traitement, acharnement thérapeutique. Il est donc nécessaire d'arriver à un régime contenant une série de droits fondamentaux pour les patients incurables ou mourants (concrétisation des droits des patients qui se trouvent à la fin de leur vie).

Une autre raison importante justifie d'inscrire une réglementation légale relative à ces décisions médicales en fin de vie dans une loi sur l'euthanasie : elles permettront d'empêcher que l'euthanasie ne soit pratiquée clandestinement à la faveur d'une zone d'ombre, sous le couvert d'actes médicaux en principe autorisés, tels que l'interruption ou l'omission d'un acte médical, la cessation progressive d'une thérapie ou une forme médicalement justifiée de lutte contre la douleur ayant pour effet d'abréger la vie.

Le présent amendement prévoit que ces actes médicaux autorisés ne peuvent être appliqués qu'à condition d'être conformes à l'état actuel des connaissances médicales et à la déontologie médicale et de respecter les droits du patient.

Cela est garantie par le fait que le dossier médical de la personne décédée doit faire ressortir sans équivoque :

­ que le patient a été informé de la décision envisagée et qu'il y a donné son assentiment;

­ qu'un collège médecin au moins a été consulté dans le cas où le patient n'avait pas donné son assentiment ou n'était pas (plus) en état d'exprimer sa volonté;

­ la personne de confiance désignée par le patient même, ou sa famille proche ont, dans la mesure du possible, été informées de la décision envisagée ou ont eu l'occasion d'exprimer leur avis.

À cet égard, il serait judicieux que la déontologie médicale élabore le principe suivant lequel un deuxième médecin doit être associé à cette prise de décision.

Notre amendement vise donc à objectiver davantage le processus décisionnel relatif aux actes médicaux en principe autorisés et à en faciliter l'éventuel contrôle judiciaire a posteriori.

Hugo VANDENBERGHE.
Ingrid van KESSEL.
Mia DE SCHAMPHELAERE.

Nº 95 DE M. GALAND

Art. 2

Compléter cet article par les mots « afin de soulager ses souffrances inapaisables ».

Justification

L'euthanasie ne nous paraît légitime et justifiée que lorsqu'elle vise à soulager les souffrances inapaisables du patient. Cette finalité qui est de l'essence même de l'acte doit nécessairement se retrouver dans la définition. Les actes, tels que définis actuellement par l'article 2, qui auraient une autre finalité, ne méritent pas d'être assimilés à une euthanasie, étymologiquement, la bonne mort.

Paul GALAND.

Nº 96 DE MME LINDEKENS ET CONSORTS

(Sous-amendement à l'amendement nº 14 de M. Mahoux et consorts)

Art. 3

Faire précéder le § 1er par la disposition suivante :

« La présente loi ne s'applique que si l'euthanasie est pratiquée par un médecin. »

Kathy LINDEKENS.
Jeannine LEDUC.
Jan REMANS.
Patrik VANKRUNKELSVEN.
Philippe MONFILS.
Jacinta DE ROECK.
Paul GALAND.
Philippe MAHOUX.

Nº 97 DE M. VANKRUNKELSVEN

Art. 2

Remplacer cet article par la disposition suivante :

« Art. 2. ­ Pour l'application de la présente loi, on entend par actes médicaux les actes par lesquels le médecin administre ou met à disposition des médicaments létaux, à la demande du patient, en sachant qu'ils mettront fin à sa vie, compte tenu de la douleur intolérable qu'il éprouve et de la situation médicale sans issue dans laquelle il se trouve. »

Patrik VANKRUNKELSVEN.

Nº 98 DE M. VANDENBERGHE ET CONSORTS

(Sous-amendement à l'amendement nº 97 de M. Vankrunkelsven)

Art. 2

Apporter les modifications suivantes à l'article 2 proposé :

A) Entre les mots « situation médicale » et les mots « sans issue », insérer les mots « au stade terminal et ».

B) Supprimer les mots « ou met à disposition ».

Nº 99 DE M. VANDENBERGHE ET CONSORTS

(Amendement subsidiaire à leur amendement nº 92)

Art. 2

Supprimer cet article.

Hugo VANDENBERGHE.
Ingrid van KESSEL.
Mia DE SCHAMPHELAERE.

(1) Voir avis nº 1 du Comité consultatif de bioéthique.