1-196 | 1-196 |
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SÉANCES DU JEUDI 11 JUIN 1998 |
VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 11 JUNI 1998 |
M. le président. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Foret.
La parole est à M. Foret.
M. Foret (PRL-FDF). Monsieur le président, le 2 avril 1998, à l'unanimité de ses membres moins six abstentions, le Sénat a estimé que le conflit d'intérêt relatif à la proposition de décret flamande baptisée « proposition Suykerbuyck » et relative à l'indemnisation des collaborateurs de guerre n'était pas exempt d'un conflit de compétences. Le Sénat considérait donc que cette proposition ne s'inscrivait pas dans le cadre des compétences de la Communauté flamande en matière d'aide sociale. À deux reprises, le Conseil d'État a rendu un avis considérant que la proposition flamande ne pouvait relever des compétences de la communauté dans cette matière.
Malgré ces deux mises en garde d'importance, le Vlaams Parlement a estimé devoir poursuivre la procédure d'adoption de la proposition. Ce faisant, il violait manifestement les règles de partage des compétences et empiétait sur les prérogatives des autorités fédérales titulaires des compétences résiduelles.
Par conséquent, le Parlement flamand a fait fi de toutes les remarques et recommandations qui lui était adressées. Au mépris des règles juridiques de la loyauté fédérale et des principes moraux les plus élémentaires, il a adopté cette proposition dans l'espoir d'obtenir l'amnistie des criminels de guerre que le pouvoir fédéral lui a toujours refusée.
L'adoption de ce décret est donc un acte juridiquement, politiquement et moralement condamnable qui, en tout état de cause, fragilise la paix communautaire que nous disons tous souhaiter.
Dès lors, je souhaiterais savoir, monsieur le premier ministre, quelle attitude votre gouvernement va adopter. Plus précisément, face à cet acte fort du Vlaams Parlement, comptez-vous saisir la Cour d'arbitrage pour obtenir la suspension ou l'annulation de ce décret, comme notre décision du 2 avril dernier semblait le suggérer ?
M. le président. La parole est au premier ministre.
M. Dehaene, premier ministre. Monsieur le Président, comme je viens de l'expliquer à la Chambre, lorsque des problèmes impliquant les régions et les communautés sont à l'ordre du jour, étant donné notre système de compétences exclusives, j'ai pour règle de m'en tenir à une approche formelle et institutionnelle de la situation, le bon fonctionnement des institutions m'incombant.
Comme l'a rappelé M. Foret, le décret voté, hier, par le Parlement de la Communauté flamande avait fait l'objet d'une procédure de conflit d'intérêts lors de sa discussion. Tant au comité de concertation entre gouvernements fédéral et régionaux qu'ici au Sénat, nous avons constaté que, conformément à la loi, la question pourrait présenter des aspects de conflit de compétences et que, dès lors, il n'y avait pas lieu d'en faire un conflit d'intérêts.
Le Conseil d'État a émis deux avis négatifs en considérant que la proposition de décret dépassait les compétences du Parlement de la Communauté flamande. Le Parlement flamand a voté, hier, le décret.
Le gouvernement fédéral a pour règle constante de considérer que faire appel à la Cour d'arbitrage n'est pas un acte à portée politique. La Cour d'arbitrage a été créée pour que les conflits de compétence soient tranchés au niveau juridictionnel et non politique. La jurisprudence de la Cour d'arbitrage a pour but de mieux délimiter et plus en détail les compétences dans notre pays.
Au Conseil des ministres, nous avons pour règle générale de faire trancher d'office le problème par la Cour d'arbitrage lorsqu'un des ministres estime qu'une région ou une communauté a empiété sur l'une de ses compétences. Je suppose que la même chose se déroulera dans le cas présent, puisque c'est une décision que le Conseil des ministres doit prendre sur proposition d'un des ministres, d'autant plus que le Conseil d'État a émis explicitement un avis à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Foret pour une réplique.
M. Foret (PRL-FDF). Monsieur le président, je remercie M. le premier ministre de sa réponse qui s'inscrit dans la logique de nos institutions et qui me semble parfaitement donner suite à la position prise en la matière par notre assemblée le 2 avril dernier.
Soumettre la question à la Cour d'arbitrage n'est pas un acte politique, néanmoins c'est une prise en compte de la position que le Sénat avait adoptée à la quasi-unanimité, il y a très peu de temps, et je m'en réjouis.
En ce qui concerne le fond de cette affaire et faisant un lien avec une question posée précédemment, on ne m'empêchera pas d'établir un parallèle entre la position du Vlaams Parlement et la situation de la rente octroyée aux personnes mobilisées en 1939-1940. Ces personnes touchent aujourd'hui une rente annuelle de 1 880 francs à titre de dédommagement et de reconnaissance morale pour leur dévouement à la patrie.
J'attire l'attention des auteurs de ce décret du Parlement flamand sur le fait qu'ils visent à accorder une indemnité de 20 000 francs par an, plus 5 000 francs par personne à charge, aux anciens collaborateurs. Le rapport est de 1 à 11. Cela me paraît hautement immoral. Au-delà de la réaction juridique, cette situation appelle une réaction de moralité et de bon sens.
Parallèlement à l'action que le gouvernement a décidé d'entamer auprès de la Cour d'arbitrage, j'ai déposé aujourd'hui une proposition de résolution qui vise à faire en sorte que notre assemblée introduise un recours en suspension et en annulation devant cette même Cour. J'ai d'ailleurs proposé à tous les groupes politiques de s'associer à cette proposition de résolution. J'espère qu'ils y donneront suite.
M. le président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.