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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCE DU MERCREDI 19 NOVEMBRE 1997

VERGADERING VAN WOENSDAG 19 NOVEMBER 1997

(Vervolg-Suite)

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE M. DE DECKER AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR « L'ÉVOLUTION DU DOSSIER DE L'ÉLARGISSEMENT DE L'O.T.A.N. SUITE AU SOMMET DE MADRID »

VRAAG OM UITLEG VAN DE HEER DE DECKER AAN DE MINISTER VAN BUITENLANDSE ZAKEN OVER « DE VOORGENOMEN UITBREIDING VAN DE NAVO NA DE TOP VAN MADRID »

Mme la présidente. ­ L'ordre du jour appelle la demande d'explications de M. De Decker au ministre des Affaires étrangères.

La parole est à M. De Decker.

M. De Decker (PRL-FDF). ­ Madame la présidente, j'avais introduit cette demande d'explications voici un certain nombre de mois déjà.

La ratification du traité d'élargissement de l'O.T.A.N. n'est pas encore entamée. Cependant, il n'y a aucun mal à ce que nous en débattions aujourd'hui. Ce sujet de l'élargissement de l'Alliance atlantique est très important. Néanmoins, fort peu de discussions ont eu lieu sur la question dans les parlements respectifs des pays de l'Alliance. En effet, le débat, d'une importance capitale, a été largement confisqué par les gouvernements qui doivent le mener. Il a également été au centre de divers colloques et réunions d'experts. Cependant, les engagements qu'il nous reviendra de souscrire ont une portée particulière dans l'hypothèse de situations difficiles, dangereuses, voire dramatiques, qu'il s'agisse de la gestion de crises ou de guerres.

Dès lors, monsieur le ministre, dans ce dossier, un certain nombre de questions appellent selon moi des précisions. Je pense tout particulièrement à celles de l'application de l'article 5 et de la dissuasion nucléaire qui me paraissent totalement liées à l'élargissement de l'Alliance, questions par rapport auxquelles les pays membres de l'Alliance auront à se positionner.

Je commencerai par le problème de l'article 5. Il va de soi que si certains pays souhaitent rejoindre l'Alliance atlantique, c'est dans le but de bénéficier de son système de légitime défense collective et de la sécurité conférée par l'article 5. En effet, en vertu de celui-ci, en cas d'agression d'un pays membre de l'Alliance, les autres pays membres sont appelés à lui venir en aide.

Monsieur le ministre, je souhaiterais obtenir des précisions quant à l'applicabilité de cet article aux nouveaux pays membres et aux conséquences qui en découlent sur la politique en Europe centrale et orientale, ainsi que par rapport à la Russie.

La deuxième question paraît moins évidente. Elle porte sur un sujet qui a été fort peu, voire pas du tout abordé. Il s'agit de la conséquence du respect de l'article 5 appliquée à la dissuasion nucléaire.

Le système de dissuasion nucléaire de l'Alliance atlantique, essentiellement composé d'armes nucléaires américaines et britanniques, s'exercera-t-il également au profit des trois nouveaux États membres ? La réponse me paraît importante d'un point de vue politique, même si je conçois parfaitement, étant donné la situation actuelle en matière de sécurité globale en Europe, que l'adhésion de trois nouveaux États membres n'aura pas de conséquences sur le déploiement des armes nucléaires.

C'est d'autant plus vrai qu'aujourd'hui déjà, toutes les armes nucléaires américaines installées sur le territoire européen, notamment les missiles à portée intermédiaire, ont été retirées. Dans l'état actuel des choses, il n'est absolument pas question d'envisager leur retour. Seules quelques « bombinettes », très anciennes d'ailleurs, sont encore en place, mais, à mon sens, leur présence, plus politique que dissuasive, vise à justifier un commandement militaire américain de l'état major intégré de l'Alliance.

La question ne porte donc pas sur ce déploiement d'armes, qui ne se justifie d'ailleurs pas, mais sur le principe de l'application de la dissuasion nucléaire au profit des nouveaux États membres.

Au-delà de ces deux questions fondamentales, je voudrais faire l'évaluation des pays qui ont été choisis pour rejoindre l'Alliance atlantique.

À cet égard, monsieur le ministre, vous êtes particulièrement bien placé pour savoir que de nombreux pays européens, dont le nôtre, ont plaidé pour un élargissement à un nombre plus élevé d'États que ceux choisis exclusivement par les États-Unis. De nombreux commentaires pourraient être faits sur le choix posé par les États-Unis seuls, choix essentiellement basé sur des raisons de politique intérieure, d'accueillir à ce stade, uniquement la Pologne, la Hongrie et la Tchéquie au sein de l'Alliance atlantique, alors que les Européens avaient aussi plaidé, à juste titre selon moi, pour l'entrée de la Roumanie ­ c'est une évidence ­ et de la Slovénie.

Cette option aurait marqué la volonté de l'Europe et de l'Alliance de stabiliser le nord de l'ex-Yougoslavie et d'intégrer dans notre système de sécurité collective cet État slovène faisant anciennement partie de la Yougoslavie. Cette intégration aurait constitué un signal politique important de même qu'un élément de stabilisation de la région. Elle a néanmoins été écartée, ce que, personnellement, je regrette.

Par ailleurs, le choix opéré par les États-Unis pose la question de la sécurité des États baltes qui, en Europe centrale, connaissent le problème de sécurité le plus aigu. Ces États n'ont donc pas reçu de la part de l'Alliance atlantique de réponse à leurs préoccupations et à leurs inquiétudes. C'est regrettable.

Le choix qui a été fait aura également des conséquences sur l'attitude des États qui n'ont pas été choisis. Il convient d'être très attentif à cet aspect des choses. Un certain nombre de pays d'Europe centrale et orientale vivent dans un sentiment d'insécurité. Or, malgré leur demande de rejoindre la structure de sécurité essentielle de l'Europe qu'est l'Alliance atlantique, nous avons refusé de répondre à leur appel. Notre position aura certainement des répercussions politiques sur les liens de ces États rejetés avec les trois autres qui vont rejoindre l'Alliance et avec l'Union européenne.

Ce choix aura également des conséquences sur les relations de ces pays avec la Russie. Ces différents éléments méritent d'être analysés.

Je pense aussi que la façon dont cet élargissement a été décidé entraînera une modification du profil même de l'Alliance atlantique. L'entrée de ces trois États dans l'Alliance est motivée par une volonté de rejoindre une structure européenne dominée par les États-Unis, or, le débat sur la sécurité européenne ne doit pas exclusivement tourner autour du rôle des États-Unis.

Le choix et la décision des États-Unis, dont ces États leur seront évidemment reconnaissants, influencera leur comportement et la définition de l'identité européenne de défense au sein de l'Alliance atlantique.

Cette problématique m'amène à vous interroger sur cette forme d'apparente incohérence qui consiste à entendre les pays européens déclarer, d'une part, lors du Sommet de Madrid ou au sein de l'Alliance, que l'identité européenne de défense doit se développer au sein de l'Alliance atlantique et rappeler, d'autre part, le rôle essentiel de l'Union de l'Europe occidentale et renforcer son caractère opérationnel, ce qui me paraît indispensable.

Toutes ces questions doivent nous inciter à avoir une réflexion très approfondie sur cette identité européenne de défense et de sécurité. La voulons-nous fondamentalement au sein de l'Alliance ? Voulons-nous que notre identité européenne de défense se fasse sous l'influence et le contrôle des États-Unis ou préférons-nous avoir une vision plus ambitieuse pour l'Europe ?

Par ailleurs, sommes-nous prêts à développer réellement l'identité européenne de défense en termes européens, c'est-à-dire avec les outils européens dont nous disposons : l'Union européenne, d'une part, et, d'autre part, son bras politico-militaire, l'U.E.O. ?

Nous observons l'Union européenne rappeler très timidement ses ambitions. Elles ont été définies une première fois lors de l'élaboration du Traité de Maastricht, sans véritable mise en oeuvre, et ont été à nouveau précisées lors du Traité d'Amsterdam, qui a intégré les missions de Petersberg dans le Traité de l'Union. Cet élément complémentaire me paraît intéressant. Je rappelle qu'il s'agit de missions humanitaires, d'évacuation de ressortissants, de maintien et de rétablissement de la paix et de missions de force dans le cadre de la gestion de crise. Le fait que celles-ci puissent être décidées par un Conseil de l'union européenne est évidemment une bonne chose, d'autant plus que l'U.E.O. est l'outil européen indispensable pour mettre en oeuvre ce type de décisions.

Monsieur le ministre, j'aimerais vous entendre sur ce parallélisme de deux politiques : d'un côté, une volonté européenne déclarée, mais insuffisamment développée, et, de l'autre, une sorte d'accord, de consensus des pays européens pour que l'identité européenne de défense se développe au sien même de l'Alliance atlantique. Cela présente certains aspects contradictoires, mais ce n'est pas fondamentalement le cas.

Je terminerai en vous demandant de nous expliquer l'état d'avancement du dossier de l'élargissement de l'O.T.A.N. sur le plan financier. Une réunion des ministres de la Défense de l'O.T.A.N. a eu lieu le 5 octobre à Maastricht, réunion au cours de laquelle la participation des trois nouveaux États membres au budget de l'O.T.A.N. semble avoir été fixée à 2,48 % pour la Pologne, 0,65 % pour la Hongrie et 0,9 % pour la République tchèque.

La participation belge au budget de l'Alliance atlantique n'est pas fixée de la même manière pour tous les aspects de la politique de l'O.T.A.N. Notre participation s'élève à 2,76 % du total du budget civil de l'O.T.A.N. et à 4,45 % du budget de l'infrastructure, alors que notre P.N.B. représente 1,58 % du P.N.B. de l'O.T.A.N. Cela mérite une certaine attention.

Ce n'est pas moi qui plaiderai pour que l'on remette en question le niveau de notre participation à l'Alliance. Il m'importe davantage de savoir comment le dialogue va se développer entre les pays européens de l'Alliance et les États-Unis sur le même sujet. J'ai le sentiment que le gouvernement américain a repris la position développée cet été par le sénateur américain Biden, peut-être par facilité ou pour entretenir de bons rapports avec le Congrès.

Sur la base de cette position, le coût de l'élargissement de l'Alliance atlantique est estimé à un montant qui varie entre 27 et 35 milliards de dollars. Les Américains proposent que les trois nouveaux États membres prennent en charge 10 à 13 milliards, les États membres actuels ­ y compris la Belgique ­, 8 à 10 milliards, le tout sur 13 ans, selon mes informations. Le coût commun partagé par tous les membres s'élèverait entre 9 et 12 milliards. Une fois de plus, les États-Unis veulent payer un minimum. J'ai lu un article selon lequel ils seraient prêts à payer 2 milliards de dollars, ce qui me semble fort peu. Pour le reste, ils opposent leur classique et rituel argument du burden sharing, du partage du fardeau. Depuis 15 ans, je me rends aux États-Unis tous les deux ans afin de discuter de ce genre de dossier. Tous les quatre à cinq ans, cet argument refait surface. On nous demande de toujours payer plus pour une politique qui, dans une large mesure, a été voulue par les États-Unis.

Je demanderai donc au ministre d'être particulièrement vigilant et ferme sur ce point. Si des dépenses supplémentaires doivent être prévues dans le domaine de la défense collective, certes nous devrons prendre notre part dans les dépenses de l'Alliance atlantique, mais il faut bien entendu que cela reste en proportion avec ce que nous représentons. Je pense également que nous devons éviter de tomber dans le piège d'une demande excessive de participation de l'Europe de la part des États-Unis.

Mme la présidente. ­ La parole est à M. Derycke, ministre.

M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. ­ Madame la présidente, j'estime que cette demande d'explications est fort importante et je partage le point de vue de notre collègue. Il faut en effet constater que l'on porte bien peu d'attention à ce débat; dans notre commission on en a discuté à deux reprises seulement. Or, ce débat sur l'élargissement de l'O.T.A.N. est important, il faut définir les positions de l'Union européenne et de l'Union de l'Europe occidentale dans ce dossier qui est capital pour l'avenir de notre continent et donc pour celui de notre pays.

J'en viendrai maintenant aux questions qui m'ont été posées, dont tous les éléments me paraissent d'ailleurs importants.

Je parlerai tout d'abord des grands principes qui sont à la base de l'élargissement et du remaniement de l'O.T.A.N. Les grands principes ont été maintenus car il y a eu ce que j'appellerai une forme de « conservatisme positif » au niveau de nos parlements. Les parlements des États membres ne souhaitaient en effet pas faire de concessions au niveau de l'article 5. Aucune discussion n'a eu lieu au sujet de l'article 5 qui restera donc la pierre angulaire de la construction qu'est l'O.T.A.N. Il est parfaitement clair que les nouveaux membres seront donc des membres à part entière de l'O.T.A.N. avec tous les droits et pouvoirs que cela implique. Ni l'élargissement ni le remaniement de l'O.T.A.N. ne porteront atteinte, je le répète, au principe de l'article 5.

La défense collective reste la clef de voûte de l'Alliance. Depuis la fin de la confrontation Est-Ouest, les politiques de sécurité préventive ont été davantage mises au premier plan. Les Américains partagent d'ailleurs le point de vue que la sécurité préventive est beaucoup moins chère que tout conflit. Il s'agit d'un développement heureux et significatif et je me réjouis du travail qui a pu être accompli dans ce domaine tant au niveau de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe que dans le cadre de l'Acte fondateur.

Je crois que la réalisation des tâches visées à l'article 2 qui porte d'ailleurs sur la sécurité préventive, n'est pas du tout incompatible avec l'article 5.

Vous avez évoqué le problème de la dissuasion nucléaire. Je pense qu'elle n'est en rien affectée par l'élargissement mais il est évident que l'O.T.A.N. devra procéder à une adaptation prudente ­ je reprends les termes qui ont été utilisés explicitement ­ de ses concepts stratégiques au fur et à mesure que la situation évoluera de manière positive sur le plan de la sécurité.

L'O.T.A.N. a clairement fait savoir qu'elle n'a pas l'intention d'installer des armes nucléaires sur le territoire des nouveaux membres.

La question des frais est à double tranchant. On attend beaucoup des Américains, mais quand il s'agit d'être solidaire et fournir des efforts, on observe de fortes hésitations.

La question du burden sharing et du financement de l'élargissement est actuellement en discussion au sénat américain. Je pense qu'il faut attendre le résultat des débats et, si j'en ai l'occasion, je me rendrai à Washington fin janvier afin de me rendre compte de l'évolution.

J'estime que cette question est relativement peu importante pour la Belgique puisqu'il a explicitement été déclaré que les frais d'élargissement aux trois nouveaux venus relèvent d'abord de leur responsabilité. Évidemment, d'autres frais seront augmentés, notamment ceux liés au siège. Sur ce plan, la Belgique est directement concernée puisque tant la Chambre que le Sénat ont fortement insisté pour sauvegarder les dispositifs civils en Belgique. Cela constitue une réelle responsabilité pour notre pays qui en recueillera cependant aussi les bénéfices. Il s'agit d'une ligne politique que nous ne voulons pas changer. Ce serait d'ailleurs insensé puisque, sur le plan diplomatique, Bruxelles est actuellement la ville la plus importante du monde.

Les États-Unis affirment que les coûts liés au non-élargissement éventuel pourraient, à terme, devenir prohibitifs alors que les frais résultant de l'élargissement constituent une dépense préventive qui permettra de saisir une opportunité historique de préparer un avenir présentant moins de risques pour la sécurité, et ce moyennant des dépenses de sécurité moins élevées. Tel est le point de vue défendu par Mme Albright.

Pour ma part, je pense que pendant un certain temps des efforts seront nécessaires pour arriver à une « interopérationnalité » militaire ainsi qu'à une intégration des nouveaux membres.

Hier, nous avons rencontré les collègues de Pologne, de Hongrie et de Tchéquie. Ils semblent conscients du fait qu'ils devront supporter les frais et je pense qu'ils sont en mesure de le faire.

Je suis très sceptique concernant l'élaboration de nouvelles clés de répartition. Compte tenu de la position budgétaire de tous les membres, je ne pense pas que les États-Unis arriveront à imposer d'autres clés de répartition.

Comme vous l'avez dit à cette tribune, cette fameuse idée du burden sharing revient tous les cinq ans. Cependant, les Américains sont toujours prêts à assumer leur part de responsabilité en raison de leur stratégie géopolitique qui exige qu'ils demeurent présents en Europe. Je considère comme un test leur présence dans l'après-S.F.O.R. au mois de juin prochain.

Nous devons être attentifs et il conviendra de réaliser une radioscopie de l'adaptation et des nouveaux besoins. La Belgique ne sera toutefois pas confrontée à des problèmes importants. Nous aurons certainement aussi l'occasion de discuter de cette problématique au Parlement.

J'en viens aux relations avec les pays candidats. La Belgique a toujours estimé qu'il fallait se garder d'exprimer des exclusives. Lorsque les débats ont commencé voici deux ans, les craintes envers la Russie étaient encore importantes. À l'heure actuelle, la situation a considérablement évolué, mais les pays non invités craignent de ne pas pouvoir immédiatement faire partie de l'O.T.A.N.

L'élargissement à l'égard des trois pays concernés est, certes, une décision américaine. La vision des Européens était contradictoire par rapport à celle des Américains, à l'exception des Anglais, qui rejoignaient la position des États-Unis. Ils ne voulaient pas s'engager dans un élargissement trop important et trop rapide, de façon à ce que la gestion reste possible, de même que la coopération militaire.

Nous pouvons donc continuer à soutenir cette politique de la porte ouverte à l'égard des pays candidats.

Il a été dit au Sommet de Madrid que la Belgique était favorable à l'acceptation de la Roumanie et de la Slovénie. Ces pays ont été mentionnés de manière explicite. L'intensification des relations avec ceux-ci nous sera également profitable et nous permettra de bien préparer l'élargissement.

Cette situation est comparable à celle de l'Union européenne : un élargissement trop rapide donnerait certainement lieu à des difficultés.

De nouvelles structures ont été mises en place afin de donner forme à cet élargissement. Je pense en premier lieu au Conseil de partenariat euro-atlantique, au sein duquel tous les partenaires participent sur pied d'égalité au dialogue avec l'O.T.A.N. et, ensuite, au Partenariat pour la paix, qui fonctionne très bien.

Dans ce cadre du dialogue intensif, les pays candidats ont l'occasion de s'informer sur l'ensemble des thèmes relevant de l'adhésion éventuelle à l'O.T.A.N.

En ce qui concerne les pays baltes, nous avons également effectué un excellent travail. Au mois de septembre, a été mis en place le Conseil conjoint O.T.A.N.-Russie. Le dialogue avec les Russes est possible, ce qui est très important pour le concept global de la sécurité.

Cela dit, l'U.E.O., l'O.S.C.E., l'O.T.A.N., le Partenariat euro-atlantique et l'Acte fondateur O.T.A.N-Russie représentent un ensemble tout à fait prometteur.

J'ai déjà mentionné la situation des pays baltes. Elle reste difficile même si ces trois pays ont pratiquement résolu les problèmes les plus difficiles avec les Russes. C'est surtout au niveau économique que les choses avancent le plus rapidement.

Mais la Russie s'oppose à l'adhésion des pays baltes à l'O.T.A.N. De son côté, l'O.T.A.N. ne peut pas accepter qu'un pays tiers mette son véto à certaines candidatures.

Un élément important, auquel je tiens, est la position de la France. L'O.T.A.N. a réalisé de grands progrès en matière de développement de l'Identité européenne de sécurité et de défense depuis 1994. À Berlin, des groupes de forces interarmées et multinationales ont été créés. Il est regrettable que l'intégration de la France dans l'O.T.A.N. n'a pas progressé.

La France a un rôle extrêmement important dans l'Union, donc dans l'U.E.O., et dans l'ensemble de l'identité européenne, de sorte qu'il faut travailler de concert avec les Français pour réaliser cette intégration. Les Espagnols sont décidés de s'intégrer aussi rapidement que possible, mais les Français ont, pour l'instant, arrêté le processus d'intégration, ce qui est regrettable.

Nous devons les aider, mais vous connaissez le grand débat qui les oppose aux Américains.

J'étais hier au Conseil de l'U.E.O. à Erfurt. L'évolution est bonne mais lente. J'ai dit, dans mon allocution d'hier, que les Allemands ont fait du bon travail en prenant des décisions importantes concernant l'harmonisation de la succession des présidences de l'U.E.O. et de l'Union européenne, la participation des observateurs à des opérations menées conformément au Traité sur l'Union européenne modifié et la participation des associés et observateurs aux missions Petersberg.

Il reste un travail considérable à accomplir, par exemple en vue de l'amélioration de l'efficacité de la prise de décisions, non seulement au sein de l'U.E.O., mais dans le cadre de ses relations avec l'Union européenne et l'O.T.A.N.

Il faudra également poursuivre jusqu'au bout les efforts d'harmonisation du travail des structures administratives. La finalisation des statuts du comité militaire, de manière à en faire un facteur supplémentaire du caractère opérationnel de l'U.E.O., constitue une autre priorité.

Cela dit, l'évolution est bonne mais des pays hésitent encore sur la question de l'intégration totale de l'U.E.O. à l'Union. Amsterdam a ouvert de nombreuses possibilités mais de grands pays sont encore hésitants. Il faudra du temps.

Un second grand point pour l'avenir, c'est ce qu'il adviendra du corps européen. C'est une question importante pour la Belgique, qui a beaucoup investi dans ce corps européen. Pourra-t-il, en partenariat avec les Américains, faire un travail utile en ex-Yougoslavie ?

On critique souvent l'attitude des Américains mais, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, ce sont les Européens qui créent le vide et ce sont les Américains qui le remplissent. Certains se plaignent de l'« unipolarité » du monde mais, en réalité, seuls les Européens pourraient modifier la perspective. Je crois que cela va de pair avec l'évolution de l'Union, plus particulièrement en matière d'« interopérationnalité » entre l'U.E.O. et l'Union.

À cet égard, l'U.E.O. a un rôle important à jouer, particulièrement en ce qui concerne cette « interopérationnalité ». Toute architecture européenne doit aussi tenir compte des sensibilités russes. En fait, les Russes ne sont pas convaincus du bien-fondé de l'approche U.E.-U.E.O. Ils misent encore sur une puissance accrue de l'O.C.S.E., laquelle serait appelée à tenir, sur le plan européen, un rôle comparable à celui joué par les Nations unies à l'échelon mondial. J'estime que cette vision n'est pas du tout la bonne car je considère qu'il faut continuer, vaille que vaille, dans la direction de l'« interopérationnalité ».

Par ailleurs, il convient d'essayer de baliser notre politique avec les Russes, surtout en ce qui concerne le nucléaire. À ce propos, deux tâches me paraissent prioritaires : tout d'abord, la ratification de Salt I et la poursuite des pourparlers relatifs à Salt II; ensuite, la politique C.E.E. à Vienne.

Tels sont les éléments de réponse que je tenais à apporter.

Mme la présidente . ­ La parole est à M. De Decker.

M. De Decker (PRL-FDF). ­ Madame la présidente, je voudrais tout simplement remercier le ministre de sa réponse.

Mme la présidente . ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.