1-76 | 1-76 |
Sénat de Belgique |
Belgische Senaat |
Annales parlementaires |
Parlementaire handelingen |
SÉANCE DU JEUDI 28 NOVEMBRE 1996 |
VERGADERING VAN DONDERDAG 28 NOVEMBER 1996 |
M. le Président. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Destexhe au Premier ministre sur « l'inflation législative et réglementaire ».
La parole est à M. Destexhe.
M. Destexhe (PRL-FDF). Monsieur le Président, en un an, du 16 septembre 1994 au 15 septembre 1995, le Conseil d'État recense dans son dernier rapport 3 030 textes réglementaires ou législatifs dont 120 lois, 263 décrets ou ordonnances, 1 055 arrêtés royaux, 1 036 arrêtés des gouvernements et commissions communautaires, 418 arrêtés ministériels.
Encore faut-il préciser que ne sont pas repris les actes qui règlent des situations particulières promotions, nominations ainsi que nombre d'actes qui ne sont pas soumis au bureau de coordination du Conseil d'État : cadres linguistiques, compétences ministérielles, fonctionnement des différents gouvernements.
Ces chiffres révèlent une véritable frénésie réglementaire dans laquelle le citoyen ne peut manifestement se retrouver : nul n'est pourtant censé ignorer la loi !
Kafka disait déjà : « Quel supplice que d'être gouverné par des lois qu'on ne connaît pas. »
Monsieur le Premier ministre, y a-t-il une augmentation régulière du nombre de textes réglementaires et législatifs produits chaque année ? Cette inflation réglementaire est-elle la conséquence de la fédéralisation de l'État ? Combien de lois et d'arrêtés royaux sont-ils actuellement en vigueur en Belgique ? Considérez-vous que cette inflation législative pose un problème ? Quelles mesures envisagez-vous éventuellement de prendre au niveau fédéral ?
M. le Président. La parole est au Premier ministre.
M. Dehaene, Premier ministre. Monsieur le Président, je remettrai à M. Destexhe un tableau qui lui démontrera que la tendance n'est pas à une augmentation régulière des textes. Il s'agit plutôt d'une progression en dents de scie.
Deux facteurs semblent favoriser l'augmentation des textes publiés.
Tout d'abord, la fédéralisation. Une matière que l'on réglait dans le passé par une loi nationale nécessite à présent trois décrets. Chacun d'entre eux a une portée géographique limitée, mais l'ensemble des trois représente un texte complet. Si vous considérez ces éléments de manière exclusivement quantitative, force est de constater que le nombre de textes augmente. Le même phénomène existe pour les matières européennes. Certains textes sont par nature exécutoires immédiatement; d'autres supposent l'élaboration de textes en cascade pour être enfin appliqués au niveau où ils doivent l'être.
Je ne dispose pas de chiffres quant au nombre de textes qui sont d'application dans notre pays. Il ne me semble pas utile de monopoliser deux ou trois fonctionnaires pour en faire le compte.
Il faut évidemment être attentif à ne pas provoquer une multiplication des lois. Je pense, pour ma part, que nous ne recourons pas suffisamment à la coordination des textes. Bon nombre d'arrêtés ou de lois modifient d'autres dispositions légales. Pour la bonne compréhension du citoyen, il serait préférable d'utiliser davantage les services du Conseil d'État afin qu'il coordonne les textes.
Deuxièmement, en matière de sécurité sociale, nous avons entamé un processus qui doit aboutir à une simplification administrative.
Au sein des entreprises, toutes les données relatives à la sécurité sociale seront contenues dans un seul formulaire, données qui seront ensuite réparties entre les différents secteurs concernés.
J'espère qu'à l'avenir, ce même document pourra servir en matière de salaire et de fiscalité, ce qui constituerait déjà une énorme simplification. Mais ce ne sera possible que si une autre simplification, tout aussi utile, intervient parallèlement, à savoir l'harmonisation de différents concepts, comme le salaire et la durée du temps de travail, dans les diverses législations de la sécurité sociale et de la fiscalité. Une première mesure de base va en ce sens : la création d'une carte de sécurité sociale qui aura elle-même une mémoire de manière à pouvoir répondre à plusieurs objectifs.
Je pense que ce type de solution devra être adopté dans différents secteurs afin de moderniser la transmission des données et de simplifier les données législatives.
M. le Président. La parole est à M. Destexhe pour une réplique.
M. Destexhe (PRL-FDF). Monsieur le Président, je remercie M. le Premier ministre de sa réponse. La question me paraît importante dans la mesure où un nombre croissant de citoyens sont désarçonnés par ce labyrinthe juridique. Je comprends le souci du Premier ministre d'épargner le travail des fonctionnaires, mais je crois qu'il serait néanmoins utile de connaître le nombre de lois en vigueur dans ce pays. Un certain nombre d'États se sont attaqués à ce problème de rage normative, comme la Suède et l'Allemagne, par exemple. Les États-Unis s'y sont également intéressés et ont mis au point le système des sunset legislations, des lois qui sont évaluées après cinq ou dix ans afin d'en examiner la portée et la signification pratiques. On peut alors décider de leur prolongation ou non. Cette piste pourrait utilement être explorée dans notre pays.
M. le Président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.