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SÉANCES DU JEUDI 14 DÉCEMBRE 1995 |
VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 14 DECEMBER 1995 |
M. le Président. L'ordre du jour appelle la question orale de M. Destexhe sur « la mort des dix Casques bleus belges et la préparation du génocide au Rwanda ».
La parole est à M. Destexhe.
M. Destexhe (PRL-FDF). Monsieur le Président, M. Poncelet a déjà répondu au nom du Premier ministre à une demande d'explications sur cette question. Depuis lors, des éléments nouveaux sont intervenus, notamment l'audition du général Dallaire au siège de l'ONU le 1er décembre, ainsi que la publication dans plusieurs journaux du fax du général Dallaire envoyé à l'ONU le 11 janvier 1994 mentionnant sa rencontre avec un observateur qualifié de « très, très important politicien du Gouvernement ». Ce fax précise que « des soldats belges devraient être provoqués et que si les soldats belges recouraient à la force devant la provocation, un certain nombre devaient être tués pour entraîner le départ des Belges du Rwanda ». Ce fax mentionne également que « l'informateur en question a reçu l'ordre d'établir une liste de tous les Tutsis de Kigali (...) il pense que c'est en vue de leur extermination ».
J'aimerais, monsieur le Premier ministre, vous poser cinq questions à ce sujet.
Premièrement, le Gouvernement belge a-t-il reçu une copie de ce fax ou un résumé des informations qui y figurent ?
Deuxièmement, le Gouvernement belge a-t-il été contacté par l'ONU afin que cet informateur puisse bénéficier de l'asile politique en Belgique ? Dans l'affirmative, quelle a été la réponse du Gouvernement ?
Troisièmement, qui a signé la réponse de l'ONU aux devoirs d'instructions concernant le général Dallaire demandés par la justice belge ?
Quatrièmement, la réponse de l'ONU affirmant que le général Dallaire bénéficie d'une immunité diplomatique satisfait-elle le Gouvernement belge ainsi que les autorités judiciaires ? D'autres demandes concernant le général Dallaire ont-elles été adressées à l'ONU ?
Enfin, cinquièmement, pouvez-vous nous communiquer les principaux éléments du rapport que le général Dallaire est venu présenter à New York le 1er décembre ?
M. le Président. La parole est au Premier ministre.
M. Dehaene, Premier ministre. Monsieur le Président, comme indiqué par le ministre de la Défense nationale les 22 novembre et 6 décembre 1995 à la commission de la Défense nationale de la Chambre des représentants et le 23 novembre devant le Sénat, une instruction judiciaire a été ouverte. Elle concerne les éventuelles responsabilités indirectes du commandement du contingent belge et du secteur de Kigali de la MINUAR dans le massacre des dix Casques bleus belges et dans la non-assistance aux personnes menacées par le génocide. Cette enquête est couverte par le secret de l'instruction et nous devons donc attendre qu'elle soit clôturée.
À la première question de M. Destexhe, je répondrai que le Gouvernement n'a pas reçu copie du fax du 11 janvier 1994. Le général Dallaire et l'ambassadeur Booh-Booh ont communiqué oralement les informations qui leur avaient été confiées par l'informateur aux ambassadeurs occidentaux qui, sur instruction de leurs capitales respectives, ont tout de suite effectué une démarche auprès du président Habyarimana.
La deuxième question a été évoquée au sein d'une réunion des ambassadeurs occidentaux à Kigali. Une solution dans le cadre de l'ONU fut envisagée, plus particulièrement l'emploi de l'informateur dans une agence de l'ONU en dehors du Rwanda.
Quant à la troisième question, les autorités judiciaires attendent une réponse de l'ONU.
Concernant l'immunité diplomatique évoquée à la quatrième question, le Gouvernement belge respecte le point de vue de l'ONU en la matière et constate en même temps une attitude positive du secrétariat des Nations unies pour répondre aux demandes belges.
Enfin, concernant la cinquième question, la Belgique n'a pas reçu le rapport que le général Dallaire aurait présenté à New York le 1er décembre 1995. Comme je l'ai déjà indiqué, les autorités judiciaires attendent encore les réponses du secrétariat de l'ONU.
Quoi qu'il en soit, le pouvoir judiciaire attend l'exécution des commissions rogatoires adressées à l'ONU afin de pouvoir clôturer l'enquête qui pourrait être achevée assez rapidement après réception d'une réponse satisfaisante à ses demandes.
En fait, nous pensons que, à ce jour, il n'y a pas d'éléments nouveaux par rapport aux réponses faites par le Gouvernement lors des interventions susmentionnées.
M. le Président. La parole et à M. Destexhe pour une réplique.
M. Destexhe (PRL-FDF). Monsieur le Président, je remercie le Premier ministre pour la réponse précise qu'il a apportée à ma première question.
En revanche, monsieur le Premier ministre, vous n'avez pas répondu à ma deuxième question.
En effet, vous avez fait mention d'une réunion des ambassadeurs occidentaux à Kigali mais vous n'avez pas précisé si le Gouvernement, par le biais de son ambassadeur, a été directement sollicité et si une requête a été adressée par notre ambassadeur au ministère des Affaires étrangères en Belgique.
M. Dehaene, Premier ministre. Il me semble que la réponse à cette question coule de source au vu de la conclusion de la réunion.
M. Destexhe (PRL-FDF). Il n'y a donc pas eu de transmission au ministère des Affaires étrangères à Bruxelles ?
M. Dehaene, Premier ministre. Telle n'était pas la conclusion de la réunion des ambassadeurs.
M. Destexhe (PRL-FDF). Concernant la troisième question, je relève une contradiction entre vos propos et les affirmations de M. Poncelet. En effet, vous nous dites être en attente de la réponse de l'ONU. Or, M. Poncelet signalait à notre commission des Affaires étrangères que l'ONU avait assuré que le général Dallaire était couvert par l'immunité diplomatique. L'ONU ne souhaite donc pas que le général Dallaire vienne répondre aux questions du juge d'instruction belge.
M. Dehaene, Premier ministre. Il faut distinguer l'interprétation de l'immunité diplomatique par l'ONU interprétation que nous acceptons de la réponse de l'ONU.
M. Destexhe (PRL-FDF). Monsieur le Président, pour conclure, j'évoquerai deux derniers points. D'abord, j'espère que le Premier ministre demandera le plus rapidement possible les réponses de l'ONU concernant l'audition que le général Dallaire a présentée le 1er décembre. Enfin, je regrette que le Gouvernement ait refusé la commission d'enquête proposée par plusieurs parlementaires et que les partis de la majorité aient refusé l'audition du général Dallaire au sein de la commission des Affaires étrangères du Sénat. Je crois que cela aurait pu contribuer à faire toute la lumière sur cette affaire.
M. le Président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.