1-75 | 1-75 |
Sénat de Belgique |
Belgische Senaat |
Annales des réunions publiques de commission |
Handelingen van de openbare commissievergaderingen |
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES |
COMMISSIE VOOR DE BUITENLANDSE AANGELEGENHEDEN |
SÉANCE DU MERCREDI 18 DÉCEMBRE 1996 |
VERGADERING VAN WOENSDAG 18 DECEMBER 1996 |
M. le Président . L'ordre du jour appelle la demande d'explications de M. Destexhe au ministre des Affaires étrangères sur « l'application de l'article 138 de la Constitution et la composition de la Conférence interministérielle de politique extérieure ».
La parole est à M. Destexhe.
Mme Lizin, vice-présidente, prend la présidence de l'assemblée
M. Destexhe (PRL-FDF). Madame la Présidente, ma demande d'explications porte sur une matière quelque peu inhabituelle dans le cadre de la commission des Affaires étrangères. Cependant, elle me paraît importante.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, l'article 138 de la Constitution autorise la Communauté française à transférer l'exercice de certaines compétences à la Commission communautaire française et à la Région wallonne.
Par un décret du 19 juillet 1993 du Conseil de la Communauté française, qui a été accompagné de décrets parallèles du Conseil de la Région wallonne et de l'Assemblée de la Commission communautaire française, datant du 22 juillet 1993, la Cocof a transféré l'exercice de diverses matières à la Région wallonne et à la Commission communautaire française. Ces matières sont essentiellement la santé, l'aide aux personnes, la formation professionnelle, le tourisme, les infrastructures sportives et le transport scolaire.
Ces décrets, appelés « décrets de transfert », incluent des dispositions accessoires concernant la mise en oeuvre de l'exercice de ces compétences. Sont notamment visés les articles 16 et 81 de la loi spéciale du 8 août 1981, laquelle attribue la compétence de voter l'assentiment aux traités et de les signer.
J'en viens à présent au point essentiel de mon intervention. Ces divers textes réglementaires mettent en évidence que la Commission communautaire française, dans l'exercice de ses compétences décrétales, est devenue une entité fédérée à part entière, exactement de la même manière que les autres communautés et régions.
Je tiens à votre disposition, monsieur le ministre, une très large jurisprudence sur ce thème. Cette thèse a été confirmée non seulement par de nombreux auteurs de doctrines mais aussi par la Cour d'arbitrage dans un arrêt nº 72/95. De même, il faut rappeler que dans les lois modifiant le statut du Conseil d'État, les avant-projets de décret et d'arrêtés réglementaires de la Commission communautaire française sont désormais soumis à la section législation de cette juridiction administrative, au même titre que les normes législatives et réglementaires de l'État fédéral, des communautés ou des régions.
C'est pourquoi je m'étonne que vous-même, monsieur le ministre, qui présidez la Conférence interministérielle de politique extérieure, excluiez systématiquement de cette conférence le représentant du Collège de la Commission communautaire française chargé des Relations internationales.
Il me semble difficilement admissible que cette nouvelle entité fédérée ne soit pas partie à l'accord de coopération entre l'État fédéral, les communautés et les régions, relatif aux modalités de conclusion des traités mixtes. Cela a pour conséquence que la Commission communautaire française n'est pas associée à la négociation de traités qui portent sur des matières directement liées à ses compétences.
Monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser quatre questions à ce sujet.
Pourquoi le Collège de la Commission communautaire française est-il exclu de la Conférence interministérielle de politique extérieure, ainsi que de ce que l'on appelle le groupe d'experts, c'est-à-dire le groupe de travail des traités mixtes ?
Comment procéderez-vous pour rendre opposable à la Commission communautaire française le contenu des traités internationaux qui portent sur des matières relevant de la Commission communautaire française, mais qui n'ont pas fait l'objet d'un assentiment de la part de l'assemblée de cette commission ?
Quelle valeur juridique donnez-vous à des traités internationaux dits mixtes, pour lesquels il manque un assentiment parlementaire obligatoire ?
Enfin, cette carence ne risque-t-elle pas d'engager directement la responsabilité de l'État belge, étant donné que, d'après le droit international, un État ne peut exciper de son organisation interne pour justifier le non-respect de ses engagements internationaux ?
Je ne doute pas que votre réponse sera extrêmement précise, monsieur le ministre.
Mme la Présidente . La parole est à M. Derycke, ministre.
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. Madame la Présidente, il s'agit là d'un sujet extrêmement difficile et politiquement, ...
M. Destexhe (PRL-FDF). Explosif ?
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. Je n'irais pas jusque-là. Mais c'est un dossier qui mérite toute notre attention.
L'article 138 de la Constitution révisée de 1993 autorise la Communauté française à transférer l'exercice de certaines compétences à la Commission communautaire française la Cocof et à la Région wallonne.
Divers décrets du Conseil de la Communauté française, du Parlement wallon et de l'Assemblée de la Commission communautaire française ont ensuite transféré l'exercice de certaines matières à la Région wallonne et à la Cocof, accordant à ces dernières les mêmes compétences que celles attribuées à la Communauté, et notamment l'assentiment aux traités pour les matières de la compétence du Conseil concerné et la possibilité d'entamer des négociations en vue de la conclusion d'un traité.
Toutefois, il convient de relever ici que la mise en oeuvre de cet article 138 de la Constitution a nécessité quelques clarifications concernant notamment la saisine de la section de législation du Conseil d'État et la question de savoir si le Collège de la Commission communautaire française pouvait saisir la Cour d'arbitrage d'un recours en annulation.
M. Destexhe relève à juste titre que l'arrêt 72/95 du 9 novembre 1995 de la Cour d'arbitrage a permis d'éclaircir deux points essentiels en la matière : le pouvoir décrétal dont dispose la Cocof et la possibilité pour son président de saisir la Cour d'arbitrage.
Enfin, ce n'est que par la loi du 4 août 1996 modifiant les lois du Conseil d'État qu'il a été possible de répondre de manière positive à la question relative à la saisine du Conseil d'État.
M. Destexhe voudra bien constater avec moi que la mise en oeuvre de notre architecture institutionnelle, notamment en matière de relations extérieures, ne peut se réaliser, vu sa complexité, que lentement et en s'entourant de toute la sécurité juridique indispensable en la matière. Je pense à la citation de l'arrêt de la Cour d'arbitrage et à la loi du 4 août modifiant les lois du Conseil d'État.
En ce qui concerne la participation de la Commission communautaire française aux travaux de la CIPE, je voudrais signaler à M. Destexhe que cette commission interministérielle est une émanation du comité de concertation qui seul peut décider d'en modifier la composition. Le président de la CIPE que j'ai l'honneur d'être c'est une tâche difficile mais tout de même un honneur n'a donc aucun pouvoir en la matière contrairement à ce que M. Destexhe semble croire. Le vrai pouvoir est détenu par le comité de concertation qui est le seul habilité à en modifier la composition.
Par décision du 12 septembre 1995, ledit comité de concertation a déjà précisé que « la délégation de la Communauté française dans les conférences interministérielles peut comprendre une délégation de la Commission communautaire française pour les compétences dont l'exercice a été transféré à ladite commission et à la Région wallonne ». Toute modification à apporter à la composition de la Conférence interministérielle de politique étrangère doit donc être adressée audit comité de concertation et je crois savoir que le président du Collège de la Commission communautaire française a introduit une demande en ce sens.
Il conviendra ensuite de conclure avec la Commission communautaire française un accord de coopération du même type que celui qui a été signé avec la Commission communautaire commune. Cet accord devra par la suite faire l'objet d'une procédure d'assentiment par le fédéral, les communautés et les régions.
M. Destexhe (PRL-FDF). C'est tout ?
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. Oui, c'est tout.
Mme la Présidente. Vous nous surprenez tous en pleine réflexion, monsieur le ministre.
La parole est à M. Destexhe.
M. Destexhe (PRL-FDF). Madame la Présidente, je ferai plusieurs commentaires.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je vous adresserai un compliment, ce qui est assez rare, j'en conviens. Je suis entièrement d'accord avec l'article que vous avez publié voici quelques semaines ou quelques mois dans La Libre Belgique , article par lequel vous montriez les difficultés que vous rencontrez pour coordonner la politique étrangère dans notre système institutionnel extrêmement complexe. Je ne peux que vous suivre dans cette analyse.
Mais votre réponse ne me satisfait qu'à moitié. En effet, j'ignore si l'on peut mettre sur le même plan le fait que la CIPE est une émanation du comité de concertation et le fait que l'article 138 de la Constitution et les lois spéciales qui en découlent sont extrêmement claires. Je ne suis pas juriste, mais force est de constater que la Constitution et les lois spéciales ont été votées de façon tout à fait régulière; quant au comité de concertation dont j'ignore l'émanation ou la structure juridique, il ne me semble pas devoir être considéré sur le même plan.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez dit et je le note avec satisfaction qu'à la suite des différentes lois, des décisions de la Cour d'arbitrage et des lois sur le Conseil d'État, vous reconnaissiez le fait que la Cocof était une entité fédérée à part entière. Ce point a parfois été contesté. La réponse que vous nous apportez aujourd'hui exprime un point de vue très clair.
Vous nous dites que le comité de concertation a décidé le 12 décembre 1995 que la Communauté française pouvait comprendre un représentant de la Cocof. Cet élément est en contradiction avec les propos que vous venez de tenir selon lesquels il s'agit d'entités fédérées séparées. Si tel est le cas, il n'y a pas de raison d'inclure un représentant de la Cocof dans la délégation de la Communauté française.
Enfin, il est vrai que notre système institutionnel est extrêmement complexe, mais ce sont les partis de la majorité dont le vôtre, monsieur le ministre, qui l'ont voté. Effectivement, comme vous l'avez souligné, il faut progresser lentement et avec la sécurité juridique nécessaire, mais les éléments que vous avez vous-même cités et l'abondante jurisprudence dont j'ai connaissance donnent à penser que nous sommes dans un contexte juridique tout à fait certain. Vous ne devez vous en prendre qu'à vous-même si vous avez des difficultés à appliquer ce monstre juridique et législatif que vous avez enfanté.
Il me restera à poser la question sur le comité de concertation au Premier ministre car je suppose qu'elle relève directement de ses compétences.
Mme la Présidente. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.
Monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence des orateurs qui étaient inscrits pour des demandes d'explications. Cette situation regrettable est due à l'organisation des travaux. Je sais, par exemple, que Mme Delcourt se trouve actuellement en séance plénière laquelle bénéficie de la priorité.
Mesdames, messieurs, l'ordre du jour de la réunion publique de la commission des Affaires étrangères est ainsi épuisé.
De agenda van de openbare vergadering van de commissie voor de Buitenlandse Aangelegenheden is afgewerkt.
La séance est levée.
De vergadering is gesloten.
(La séance est levée à 16 h 50 m.)
(De vergadering wordt gesloten om 16 h 50 m.)