3-886/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

28 SEPTEMBRE 2005


La problématique de la fin de carrière dans le secteur privé et le secteur public


RAPPORT

FAIT AU NOM DU GROUPE DE TRAVAIL « VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION » PAR

MMES ANNANE ET THIJS ET M. NOREILDE


SOMMAIRE

I. INTRODUCTION

II. RAPPORT DES AUDITIONS

II.A. PROBLÉMATIQUE DE LA FIN DE CARRIÈRE DANS LE SECTEUR PRIVÉ

II.A.1. AUDITIONS DE REPRÉSENTANTS DU MONDE UNIVERSITAIRE

II.A.1.1. Professeur Bea Cantillon, directrice du Centrum voor Sociaal Beleid de l'université d'Anvers

II.A.1.2. Professeur Robert Plasman, directeur du Département d'Économie appliquée de l'Université Libre de Bruxelles (DULBEA)

II.A.1.3. Professeur Marc De Vos, Vakgroep Sociaal Recht, Université de Gand, et avocat au barreau de Bruxelles

II.A.1.4. Professeur Sergio Perelman et M. Eric Bonsang, Centre de Recherche en Économie publique et de la Population (CREPP), ULg

II.A.2. AUDITIONS DES PARTENAIRES SOCIAUX

II.A.2.1. Mme Sonja Kohnenmergen, conseillère à la FEB

II.A.2.2. Représentants des organisations syndicales

— Mme Celien Vanmoerkerke, conseillère au service d'études sociales de la vie FGTB

— M. Gilbert De Swert, directeur du service d'études de la CSC

— M. Bernard Noël, secrétaire national de la CGSLB

II.A.2.3. Mme Anne Vanderstappen, conseillère « Affaires sociales », service d'étude de l'UNIZO, et M. Pierre Colin, secrétaire général, Union des Classes moyennes

II.A.3. AUDITIONS D'AUTRES EXPERTS

II.A.3.1. M. Ralf Jacob, chef de l'unité E/4 « Pensions et Santé », direction Protection sociale et Intégration sociale, direction générale de l'Emploi et des Affaires sociales de la Commission européenne

II.A.3.2. Docteur Roland Vanden Eede, président de l'Association professionnelle belge des médecins du travail

II.A.3.3. Mme Anne-Marie Halin, service « Indemnités », INAMI

II.A.3.4. M. Dirk Antonissen, administrateur délégué, et Mme Sofie Taeymans, ISW NV

II.A.3.5. Mme Anne Himpens, coordinatrice du Fonds de l'expérience professionnelle du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale

II.A.4. AUDITIONS DE REPRÉSENTANTS DU MONDE ÉCONOMIQUE

II.A.4.1. M. Hans Suykerbuyck, directeur RH du Centre d'expertise SD Worx

II.A.4.2. M. Marc Embo, auteur du concept de skill-pooling, et M. André Van Meervenne, administrateur de t-groep NV

II.A.4.3. M. Herwig Muyldermans, directeur général de Federgon

II.A.4.4. M. Marc Boumans, directeur RH d'Egemin

II.A.4.5. M. Frank Lierman, chef du service d'étude de DEXIA, et M. Mick Daman, administrateur et membre du Comité de direction de Dexia Insurance Belgium

II.A.5. AUDITIONS DE REPRÉSENTANTS D'ORGANISATIONS DE SENIORS

II.A.5.1. M. Jul Geeroms, secrétaire du Ouderen Overleg Komitee (OOK) flamand

II.A.5.2. M. Christian Dhanis, président de la « Coordination des Associations de Seniors ASBL » (CAS)

II.A.5.3. M. Louis Noël, président de la Fédération des Préretraités et Retraités

II.A.5.4. M. Francis Féraux, Mme Martine Croisiau et M. Didier van der Meersch, représentants de SeniorFlex ASBL

II.B. PROBLÉMATIQUE DE LA FIN DE CARRIÈRE DANS LE SECTEUR PUBLIC

II.B.1. AUDITIONS DES MINISTRES COMPÉTENTS OU DE LEURS REPRÉSENTANTS

II.B.1.1. M. Herwig Stalpaert, conseiller Conditions de travail, DG Organisation, SPF Personnel et organisation, et M. Erwin De Buyser, directeur du Service juridique, administration des pensions

II.B.1.2. Échange de vues avec M. Bruno Tobback, ministre des Pensions

II.B.1.3. Mme Alice Baudine, directrice Fonction publique, Cellule stratégique du ministre de la Fonction publique

II.B.1.4. Mme Kirsten O, conseillère à la direction du service juridique, du contentieux et des statuts de la police fédérale

II.B.1.5. Lieutenant-colonel administrateur militaire Ariane Vandenberghe, chef de service du SPF Défense et Mme Katrien Geernaert, directrice, cellule stratégique du ministre de la Défense nationale

II.B.1.6. Mme Tania Dekens, conseillère, membre de la cellule « Politique générale » du vice-premier ministre et ministre du Budget et des Entreprises publiques

II.B.2. AUDITIONS CONCERNANT LA PROBLÉMATIQUE DE LA FIN DE CARRIÈRE DANS LES ADMINISTRATIONS LOCALES ET PROVINCIALES

II.B.2.1. M. Mark Suykens, directeur de l'Association des villes et communes de Flandre (VVSG)

II.B.2.2. M. Jan Gysen, administrateur général, et M. Nicolas Jeurissen, administrateur général adjoint, ONSSAPL

III. VOTE

BIJLAGEN: voir doc. Sénat nº 3-886/2

I. INTRODUCTION

Le groupe de travail « Vieillissement de la population » a été créé en 2004 au cours de la présente législature.

Le premier thème auquel le groupe de travail a consacré ses travaux a été la problématique de la fin de carrière dans le secteur privé et public.

Après avoir pris connaissance, en septembre 2004, du rapport de la commission des Affaires sociales de la Chambre des représentants (1) , le groupe de travail a estimé qu'à côté de l'approche macroéconomique suivie dans le rapport en question, il convenait de réaliser également une approche au niveau meso et au niveau micro.

En outre, le groupe de travail a estimé opportun d'examiner spécialement la problématique de la fin de carrière dans le secteur public.

Mmes Jihane Annane et Erika Thijs ainsi que M. Noreilde ont été désignés comme rapporteurs.

Entre novembre 2004 et mars 2005, le groupe de travail a entendu, au cours de dizaines d'auditions, des représentants du monde académique, des partenaires sociaux, d'autres représentants du monde économique, de la société civile et de divers services publics, ainsi que le ministre des Pensions et un représentant du ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances, du ministre de la Défense, du vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur et du vice-premier ministre et ministre du Budget et des Entreprises publiques.

Après les vacances parlementaires, le groupe de travail a décidé, le 28 septembre 2005, à l'unanimité des membres présents de transmettre le rapport de ses travaux à la Commission des Affaires sociales.

II. RAPPORT DES AUDITIONS

II.A. PROBLÉMATIQUE DE LA FIN DE CARRIÈRE DANS LE SECTEUR PRIVÉ

II.A.1. AUDITIONS DE REPRÉSENTANTS DU MONDE UNIVERSITAIRE

II.A.1.1. Professeur Bea Cantillon, directrice du Centrum voor Sociaal Beleid de l'université d'Anvers

a) Exposé introductif

Mme Cantillon précise qu'elle a participé en tant qu'experte aux travaux de la commission de la Chambre qui s'est penchée sur la question du vieillissement et qu'elle a rédigé une note de synthèse contenant des recommandations politiques (2) . L'intervenante commence par formuler un certain nombre de constatations générales.

Il y a tout d'abord lieu de se réjouir que la question du vieillissement ait fait l'objet d'un diagnostic digne de ce nom, une possibilité qui n'existait pas encore il y a cinq ans. Ce diagnostic se fonde sur des études, notamment celles du Bureau du plan, du Conseil supérieur des finances, du Conseil supérieur de l'emploi, du SPF Sécurité sociale, des parastataux et du Comité consultatif de bioéthique.

Sur un certain nombre de points, ce diagnostic présente toutefois des lacunes. Selon Mme Cantillon, les informations dont nous disposons sur les coûts des besoins en matière de soins et sur la répartition des revenus entre les générations et à l'intérieur de celles-ci sont insuffisantes. Une autre lacune concerne la perception et la répartition des avantages fiscaux liés aux deuxième et troisième piliers. Il ne doit pourtant pas être très difficile d'en calculer l'incidence. Nous sommes également mal préparés sur le plan de la politique des soins de santé. Nul n'ignore que les coûts augmentent plus vite que ce n'est souhaitable, mais nous ne savons pas pourquoi ni comment faire pour les maîtriser.

La deuxième constatation formulée par l'intervenante concerne la manière dont la population perçoit le problème. Elle déclare que le coût du vieillissement est une des priorités politiques. Ces cinq à dix dernières années, on s'est progressivement rendu compte que les coûts augmenteront considérablement, et que c'est là une évolution dont il faut absolument tenir compte. Elle tient malgré tout à souligner qu'il faut se garder d'un discours inutilement alarmant, car il serait infondé. L'augmentation des coûts n'est pas vraiment dramatique. Par ailleurs, des sondages d'opinion montrent que ce sont surtout les personnes à bas revenus qui pensent que leur niveau de vie sera inférieur, alors que les personnes à hauts revenus pensent que leur niveau de vie restera inchangé. Et l'intervenante de poursuivre qu'en réalité, on constate ces dernières années que ce sont surtout les pensions du premier pilier qui ont tendance à augmenter pour les personnes à bas revenus, alors qu'elles évoluent à la baisse pour les titulaires de hauts revenus.

Troisièmement, s'il est vrai que la problématique du vieillissement entraîne des charges, elle offre également de belles perspectives. Les charges augmenteront en matière de pensions, de soins de santé et de soins en général, mais l'augmentation de l'espérance de vie permettra aussi de dégager un grand potentiel de connaissances, d'expérience et de compétences qui, moyennant une mobilisation optimale, contribuera à relever le défi du coût du vieillissement.

Une quatrième constatation est que les possibilités de pilotage de la pyramide des âges au sein de la population grâce à une politique de natalité et/ou d'immigration, sont restreintes. Mme Cantillon affirme que les mesures prises en la matière, notamment en Suède, montrent qu'elles ont une efficacité temporaire et limitée.

Pour maintenir stable, d'ici 2050, la part des personnes de plus de 65 ans dans la population, il faudrait un flux migratoire annuel de 60 000 personnes. Un tel afflux placerait le solde migratoire belge au-dessus de celui de pays d'immigration comme l'Australie ou le Canada. Une telle politique n'est par conséquent guère réaliste. Selon Mme Cantillon, la solution ne viendra dès lors pas de mesures stratégiques en matière d'immigration, mais bien de mesures ad hoc prises pour résoudre des problèmes ponctuels.

Après ces constatations générales, l'intervenante souhaite examiner quelques points importants.

Le coût budgétaire du vieillissement est un premier point. Le Bureau du plan estime le surcoût à 3,4 % du PIB d'ici 2030. C'est beaucoup, face au coût de la sécurité sociale qui représente 28 % du PIB. Mme Cantillon souligne toutefois qu'une estimation de 3,4 % est plutôt optimiste dans la mesure où le Bureau du plan n'a pas suffisamment tenu compte d'un certain nombre d'éléments dans ses suppositions.

Les hypothèses sur lesquelles l'estimation des coûts du Bureau du plan est basée impliquent des efforts importants en termes de politique, notamment en ce qui concerne l'augmentation du taux d'activité et la maîtrise des coûts dans le domaine des soins de santé. Augmenter le taux d'activité ne semble pas une sinécure aux yeux de l'intervenante.

L'estimation se base ensuite sur une diminution compensatoire des dépenses en matière d'allocations familiales et sur des dépenses inchangées en matière d'enseignement, ce qui semble très improbable et même non souhaitable. L'intervenante constate également avec inquiétude que les paramètres relatifs à la croissance économique, à la productivité, aux dépenses de sécurité sociale et au chômage n'ont pas évolué de la manière escomptée par le Bureau du plan, mais bien dans le sens contraire. Les hypothèses ne laisseraient en outre aucune marge pour des augmentations des allocations sociales que l'on ne peut déjà pas qualifier de généreuses pour certains groupes. Selon l'intervenante, comparée à d'autres pays européens, la situation initiale de la Belgique n'est pas particulièrement confortable. Notre pays cumule un taux d'activité extrêmement faible, une importante dette publique, des charges fiscales et parafiscales élevées et une protection sociale qui, dans certains cas, est encore insuffisante.

Bref, selon Mme Cantillon, il faut prendre le coût du vieillissement au sérieux et prévoir d'importantes mesures politiques. Il est nécessaire d'augmenter très sensiblement le taux d'activité, de réduire la dette publique et de maîtriser l'augmentation des dépenses dans le secteur de la sécurité sociale, surtout dans le secteur des soins de santé.

Cette conclusion amène Mme Cantillon à examiner la question des finances publiques et du Fonds de vieillissement. Selon l'intervenante, les recommandations du Conseil supérieur des finances font l'objet d'un large consensus. Le Conseil a calculé qu'il fallait réaliser, d'ici 2011, un excédent budgétaire de 1,5 % du PIB pour pouvoir faire face au coût du vieillissement à partir de 2015 et pour faire en sorte que le Fonds de vieillissement puisse alimenter le secteur des pensions dès 2014. Des budgets en équilibre, comme les budgets actuels, ne permettront pas de compenser le choc démographique que subira la sécurité sociale. Il faudra réaliser de véritables excédents budgétaires. Cela signifie qu'il faut mettre en œuvre une politique budgétaire plus rigoureuse que celle que nous menons actuellement.

Le Fonds de vieillissement fait office de fonds de réserve pour les pensions légales et est alimenté par d'éventuels excédents budgétaires et par le produit de la vente d'actifs financiers, par exemple par la privatisation d'entreprises publiques, comme Belgacom.

Le Fonds de vieillissement est une forme de capitalisation collective en dehors du régime des pensions en vue de compléter le régime de la pension légale. D'après Mme Cantillon, la constitution de ce fonds est parfaitement synonyme de diminution de la dette publique. La seule différence est que le Fonds de vieillissement a également une importante fonction pédagogique et psychologique. C'est là que se situe sa plus-value. Mme Cantillon distingue cependant deux problèmes. Les moyens drainés vers le Fonds de vieillissement ne sont pas fixes, mais dépendent des possibilités et de la volonté politique du moment.

De plus, le Fonds de vieillissement est alimenté par des moyens qui, à long terme, généreront un certain coût, par exemple les pensions futures de Belgacom.

Compte tenu de l'important effet politique et psychologique du Fonds de vieillissement, il est nécessaire de poursuivre dans cette voie, mais, selon l'intervenante, il convient de tendre vers un financement plus sûr. En outre, il faut gérer avec prudence les moyens attribués au Fonds et qui, à terme, généreront des dépenses pour les pouvoirs publics.

Presque tout le monde s'accorde à reconnaître que le taux d'activité doit augmenter radicalement. À l'heure actuelle, l'âge moyen de la retraite est légèrement supérieur à 58 ans, soit deux ans en dessous de la moyenne européenne. Ce schéma est bien entendu associé à un coût très élevé qui, selon certains, s'élève à un huitième du PIB. À l'avenir, la population active étant moins nombreuse et les plus de 55 ans connaissant un très faible taux d'emploi, on sera confronté à des pénuries considérables sur le marché du travail. D'après le Conseil supérieur de l'emploi, ces pénuries se feront fortement sentir dès 2010. À taux d'activité égal des travailleurs âgés, le Conseil prévoit une pénurie de 300 000 travailleurs d'ici 2030. Ou bien on parvient à compenser cette pénurie par la migration, ou bien on en paiera le prix sous la forme d'une croissance économique plus faible.

D'après Mme Cantillon, la problématique de la fin de carrière et du faible taux d'activité des plus de 50 ans est politiquement très délicate. C'est une question de timing. À l'heure actuelle, on n'a pas besoin de relever le taux d'activité parce que le taux de chômage est considérable et ne cesse d'augmenter. Cela explique pourquoi le message reste sans écho dans le monde syndical. Mais dans une perspective dynamique, nous évoluons assez rapidement vers une pénurie considérable de main-d'œuvre en raison du goulot démographique qui caractérise la population en âge de travailler. Cette pénurie pourrait être compensée par l'immigration, mais l'intervenante a déjà souligné que cette solution est peu réaliste. Il en résultera donc un ralentissement de la croissance économique.

Le fait que le taux d'activité des plus de 50 ans soit si bas en Belgique est dû à la très forte concentration du travail chez les personnes âgées de 25 à 50 ans. Le taux d'activité chez ces dernières est beaucoup plus élevé qu'il ne l'est dans les pays voisins, tant pour les hommes que pour les femmes. La pression s'exerce donc surtout sur les familles dont les enfants grandissent, une catégorie d'âge qui, de surcroît, suivra une courbe démographique fléchissante. Mme Cantillon estime qu'il convient de corriger ce déséquilibre et de mieux répartir le travail entre les différents stades de la vie. Elle souligne la nécessité économique et sociale d'augmenter le taux d'activité des travailleurs âgés.

L'expérience, y compris celle acquise par d'autres pays, nous apprend cependant que l'objectif de travailler plus longtemps ne sera pas aisé à réaliser.

Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, il se pose un problème de timing. Il faut augmenter le taux d'activité des prochaines générations, pas de ceux qui ont actuellement plus de 50 ans. Ce sont les personnes appartenant actuellement à la catégorie d'âge de 35 à 40 ans qui devront travailler plus longtemps. Elles doivent être conscientes qu'il n'y aura pas de possibilités de prépension à des conditions avantageuses quand elles seront âgées de 50 ans. C'est un message qu'il faut leur adresser, et il convient de prendre des mesures politiques à cet effet.

La deuxième raison du succès mitigé est que le fait de rendre un système déterminé de retraite anticipée moins attrayant peut rehausser l'attrait d'autres systèmes et entraîne des glissements. Pour être efficace, une politique d'activation doit, par conséquent, être transversale et porter sur l'ensemble de la structure des allocations, tant sociales que privées. Les pensions complémentaires, qui constituent le troisième pilier, incitent à anticiper la retraite. C'est aussi la raison pour laquelle les États-Unis n'arrivent qu'avec peine à relever le taux d'activité.

La troisième raison pour laquelle il est difficile de relever le taux d'activité est liée au fait que les entreprises restent contraintes d'utiliser la mise à l'écart de travailleurs âgés comme instrument bon marché de politique du personnel. Tant qu'elles ne voudront ou ne devront pas faire appel à des travailleurs âgés, il subsistera un obstacle important à une politique visant à maintenir les gens plus longtemps au travail. La Belgique ne stimule pas suffisamment l'emploi des personnes âgées. L'intervenante souligne que les programmes de formation destinés aux travailleurs sont essentiellement axés sur les jeunes travailleurs et que nous investissons moins que ne le fait le reste de l'Europe dans l'emploi des travailleurs âgés.

Un quatrième facteur qui fait obstacle au prolongement de la carrière est le fait que la retraite anticipée s'est imposée comme un nouveau mode de vie et d'existence, qui fait presque partie, culturellement, du projet de vie de l'individu. Les travailleurs qui atteignent actuellement l'âge de la retraite appartiennent à la première génération des ménages où les hommes comme les femmes ont travaillé à temps plein. De plus, la période en question a été caractérisée par une charge de travail considérable et une productivité élevée. Les travailleurs qui ont été soumis à une lourde charge de travail pendant les années où ils élevaient une famille ressentent actuellement le besoin de prendre le temps de vivre pour eux-mêmes.

Mme Cantillon conclut de ce qui précède qu'un plan politique cohérent et transversal est nécessaire pour relever sensiblement le taux d'activité en Belgique. Ce plan doit tenir compte simultanément des facteurs pull, c'est-à-dire ceux qui favorisent la décision des travailleurs de quitter le marché du travail de manière anticipée, et des facteurs push, c'est-à-dire le climat d'entreprise généralement inamical à l'égard des travailleurs âgés. Un tel plan politique doit également tenir compte d'un aménagement du parcours des travailleurs. Il convient de mieux répartir le travail entre les différentes périodes de la vie. L'une des conséquences des interruptions de carrière, le travail à temps partiel et d'autres formes de flexibilité peut être de maintenir les gens plus longtemps dans la vie active. Mme Cantillon souligne que l'effet net de toutes ces mesures sur le volume global de l'emploi doit être positif, autrement dit que le volume global du travail doit augmenter.

Un autre point important concerne les revenus et les pensions. En Belgique, le régime légal des pensions permet globalement de garantir une protection adéquate des revenus minimums et le niveau de vie acquis. L'intervenante distingue cependant les problèmes suivants.

Un certain nombre de pensions minimums restent malgré tout loin en dessous du seuil de pauvreté tel qu'il est généralement fixé. C'est le cas plus particulièrement des pensions minimales des travailleurs indépendants et de la garantie de revenus aux personnes âgées. Les allocations en question sont insuffisantes et de loin inférieures à celles qui sont octroyées dans les pays voisins.

De plus, on n'est pas parvenu, en Belgique, à aligner les pensions des retraités de longue date sur celles des nouveaux retraités. Mme Cantillon aborde ici le problème de la liaison des pensions au bien-être. En comparaison des pays voisins, les taux de remplacement de nos pensions sont relativement bas et ont fortement diminué ces dernières vingt années, ce qui a entraîné le développement des deuxième et troisième piliers. Continuer dans ce sens aura pour effet de miner notre système de pensions.

L'intervenante constate qu'on est confronté à la fois à une augmentation du coût du vieillissement et à l'insuffisance de certaines allocations. Le Bureau du plan fait abstraction de l'augmentation de certaines pensions minimales dans ses calculs prévisionnels, mais l'intervenante estime qu'il faut envisager cette augmentation.

Dans un passé récent, notre régime de pension n'a pas subi de grandes modifications structurelles; il a toutefois fait l'objet de quelques réformes paramétriques.

L'âge de la retraite des femmes a ainsi été porté de 60 à 65 ans. Nos réformes paramétriques n'ont cependant pas été négligeables et la Commission européenne reconnaît qu'elles s'inscrivent dans la bonne direction.

La grande question qui domine le débat social et politique est toutefois de savoir si ces réformes paramétriques suffiront et s'il ne faut pas réformer la structure du régime de pension. La réponse à cette question diffère cependant en fonction du type de régime de pension. Le régime de pension des travailleurs salariés est robuste et efficace; les pouvoirs publics disposent de suffisamment d'instruments pour pouvoir intervenir si nécessaire.

Ce n'est pas le cas du régime de pension des travailleurs indépendants. Selon Mme Cantillon, il ne suffira pas d'une réforme paramétrique et il faudra d'importantes réformes structurelles. L'augmentation des coûts est en effet prévue dans ce régime, et n'est pas couverte par des majorations équivalentes du côté des recettes. Il faudra supporter le coût non seulement du vieillissement, mais aussi de l'extension du régime lui-même. Le régime de pension des travailleurs indépendants n'a pas encore atteint le stade adulte et est par conséquent très vulnérable. Celui des travailleurs salariés, par contre, est un système robuste, en pleine maturité, capable de faire face à la vague du vieillissement.

Nous ne savons pas grand-chose de l'augmentation des coûts dans le régime des pensions du secteur public. Ce système, qui date de 1844, se caractérise par une diversité extraordinaire dans les conditions d'accès et dans les réglementations. Il sera confronté au vieillissement avant le régime de pension des travailleurs salariés. L'afflux massif débutera en 2006, soit cinq ans plus tôt que dans le régime des pensions des travailleurs salariés.

Étant donné que dans le régime légal des pensions pour travailleurs salariés, le plafond des pensions maximums est gelé depuis vingt ans, les pensions complémentaires ont gagné en importance. Elles constituent un instrument permettant de faire face à l'augmentation des coûts dans le premier pilier. Pour que le deuxième pilier se développe, il y a lieu de garantir une pension minimum adéquate dans le premier pilier et de développer une protection complémentaire pour toutes les personnes qui ne bénéficient pas d'une protection minimale suffisante dans le premier pilier.

La politique qui a été menée ces dernières années s'inscrit dans ce cadre. On a réussi à démocratiser le deuxième pilier et, en même temps, on a majoré certaines pensions minimums. En plus de la nécessité de garantir la liaison au bien-être des pensions des retraités de longue date, il faudra encore à l'avenir consentir d'importants efforts sur le plan des pensions minimums.

Selon Mme Cantillon, l'augmentation des dépenses de 3,4 % du PIB prévue par le Bureau du plan pour 2030 dans le secteur des soins de santé et les soins en général est basée sur une hypothèse de croissance des soins de santé largement inférieure au rythme de croissance actuel. C'est pour cette raison qu'il convient d'enrayer cette augmentation. Il faut cependant être conscient que cette augmentation est due à des facteurs inhérents aux soins de santé, quel que soit le système de soins considéré. Les facteurs les plus importants sont les coûts salariaux et la mise à disposition de techniques et de médicaments toujours meilleurs et plus onéreux. Une grande partie de ces augmentations de prix sont par conséquent inéluctables. Si ces coûts ne sont pas pris en compte dans le régime légal des pensions, ils seront imputés ailleurs. Une partie sera privatisée, ce qui créera, d'après l'intervenante, une politique des soins de santé à deux vitesses.

Mme Cantillon estime que l'on est mal informé des coûts dus à la dépendance en matière de soins et de l'augmentation de ces coûts due au vieillissement de la population. Au vu des instruments qui existent pour pallier le risque de dépendance en matière de soins, on peut dire que nous disposons, en Belgique, de bonnes infrastructures. Il y a trois grands modèles politiques: tout d'abord les services, comme les maisons de repos, l'aide à domicile, l'accueil de jour, etc.

Il y a ensuite l'assistance; on intervient dans les frais à supporter par les personnes qui sont tributaires de soins qui ne disposent pas des moyens suffisants, par le biais de l'aide aux personnes âgées et des interventions des CPAS.

Enfin, on vient également d'augmenter considérablement le soutien financier des prestataires de soins grâce à des systèmes tels que le crédit-temps et les titres-services. Ces instruments permettent de financer les coûts salariaux liés aux soins dispensés aux personnes qui en sont tributaires.

En plus des trois modèles politiques qui existent au niveau fédéral en Belgique — les services, l'assistance et le soutien des prestataires de soins — la Flandre dispose également de l'assurance soins, un quatrième modèle politique permettant de pallier le risque de dépendance en matière de soins. Il y a donc un large éventail d'instruments, mais la question des soins est très complexe. Pour maîtriser la situation, il faut des pouvoirs publics capables d'en assumer toute la gestion.

Eu égard à la construction fédérale, on peut bien entendu se demander s'il faut ou non lancer également une assurance soins en Wallonie. Le rapport ne donne pas de réponse à cette question. Il est nécessaire, à tous les niveaux de compétence, de mieux armer les pouvoirs publics pour qu'ils puissent remplir leur mission de régisseur dans le cadre de la matière complexe qu'est l'architecture des soins.

b) Échange de vues

Mme Thijs remercie Mme Cantillon pour son exposé succinct et clair. Elle retient qu'au début de son exposé, Mme Cantillon a souligné que ni la natalité ni l'immigration ne peuvent influer de quelque manière que ce soit sur la politique. Au cours d'auditions précédentes, l'on a en effet souvent renvoyé au modèle scandinave, dans lequel les gens travaillent plus longtemps et où l'on met l'accent sur la croissance de la natalité. Le groupe de travail devrait-il encore tenir compte de la natalité au cas où elle n'aurait effectivement aucune influence ?

Mme Thijs renvoie aussi à la remarque selon laquelle le taux d'activité en Belgique est déterminé surtout par les gens de la tranche d'âge de 30 à 40 ans. Il est vrai que ces personnes savent bien gérer leurs ressources financières. Ce n'est que quand on atteint un certain âge que le prêt hypothécaire est remboursé et que les charges ont baissé. Elle se demande comment traduire ces besoins dans le calcul de la rémunération.

Enfin, Mme Thijs se demande quelles suggestions supplémentaires Mme Cantillon compte faire au groupe de travail pour compléter les recommandations de la Chambre (3) .

Mme Cantillon répond qu'elle n'a jamais prétendu que la natalité et l'immigration ne pouvaient pas alléger le problème du vieillissement. Elle estime néanmoins qu'elles ne pourront apporter aucune une solution satisfaisante. Il y aura probablement un jour une pénurie de main-d'œuvre sur le marché du travail, que l'on pourra pallier au moyen d'une immigration sélective. C'est d'ailleurs une méthode que l'on utilise déjà. L'immigration ne peut toutefois pas être considérée comme un pilier important de la politique d'amortissement des frais du vieillissement. Vu l'ampleur du problème, elle ne peut pas fournir de solution.

On se réfère depuis des années à la Suède, où l'on est parvenu à mettre toutes les femmes au travail tout en relevant le taux de natalité. Les chiffres en question y ont pourtant déjà baissé entre-temps. L'augmentation du taux de natalité n'a été qu'un phénomène conjoncturel. Une politique de promotion de la natalité ne peut donner le résultat escompté que dans la mesure où d'autres motifs amènent les citoyens à opter pour une famille nombreuse. Il faut mener une politique de promotion de la natalité, parce que les familles veulent avoir plus d'enfants et qu'elles se trouvent manifestement dans l'impossibilité pour l'heure d'accomplir leur souhait. Il faut en tout cas investir pleinement dans les enfants et dans les jeunes, car c'est à eux qu'il reviendra de financer les pensions de demain. L'effort d'investissement est insuffisant à l'heure actuelle. Trop de talent reste inexploité. Il faut mobiliser toutes les énergies des seniors comme des jeunes. Force est de constater à la lumière de la situation qui existe dans d'autres pays que, bien que nous disposions d'un système éducatif très performant, beaucoup trop de jeunes sont marginalisés chez nous.

L'intervenante pense en particulier aux jeunes allochtones, en qui l'on devra investir beaucoup plus à l'avenir, dans la mesure où ils devront cofinancer nos pensions. Les enfants de ménages défavorisés et les jeunes allochtones se heurtent toujours à des barrières quasi infranchissables dans l'enseignement secondaire supérieur. Cette situation mérite selon elle une attention particulière.

Selon Mme Cantillon, nous disposons de régimes tels que l'interruption de carrière, le crédit-temps, le travail à temps partiel, que l'on peut même combiner, pour évacuer la pression qui pèse sur l'emploi du temps au cours de la période de vie en question.

La collectivité parvient à faire face ainsi aux frais à exposer pour les soins et pour l'éducation prodigués aux enfants des gens de la catégorie de population de 25 à 40 ans. Cet élément est très rarement utilisé comme argument dans le débat sur le vieillissement. Investir dans l'épanouissement de tous les talents, c'est se donner un moyen capital.

Il faut accorder une attention bien plus grande aux soins de santé dans l'élaboration des stratégies politiques à long et à moyen termes. Actuellement, on a une approche assez ad hoc de la problématique.

Selon Mme Cantillon, le rapport de la Chambre aborde la question du taux d'emploi en des termes très généraux et s'abstient de proposer la moindre stratégie pour résoudre les problèmes sur le terrain. Il y est constaté d'une manière générale qu'il règne dans les entreprises un climat malveillant à l'égard des travailleurs âgés. Il lui semble utile d'examiner en profondeur comment on peut renverser la tendance.

Mme Cantillon estime que, dans un État à structure fédérale, le Sénat devrait aussi examiner comment on peut maîtriser le risque de dépendance des soins. C'est une question délicate du point de vue politique, mais elle est quand même particulièrement importante.

M. Noreilde souhaite revenir à la question qui fait penser au problème de la quadrature du cercle. Il se demande comment l'on fera pour financer la majoration des pensions minimums et la réforme du régime de pension des travailleurs indépendants, quand on sait que la pression fiscale et parafiscale est déjà très forte dans notre pays et que le Bureau du plan considère qu'elle doit rester constante jusqu'en 2030. Il se demande où Mme Cantillon pourrait trouver les marges financières nécessaires à l'application des mesures politiques qu'elle préconise.

Selon Mme Cantillon, c'est surtout aux travailleurs de 35 à 45 ans qu'il faut dire aujourd'hui qu'ils devront travailler plus longtemps. Dans une vingtaine d'années, en 2025, ils seront âgés de 55 à 65 ans. La pénurie sur le marché de l'emploi se fera néanmoins déjà sentir à partir de 2010. M. Noreilde se demande dès lors s'il ne faudra pas carrément démanteler les régimes de retraite anticipée à partir de 2010.

Il y a très peu de données chiffrées concernant les pensions des agents de l'État. Cet aspect pourrait peut-être aussi être examiné au Sénat. Mme Cantillon dispose-t-elle de données statistiques réunies dans d'autres pays et sait-elle comment on y a abordé le problème ?

Mme Cantillon répond qu'il faut veiller à réduire le nombre de personnes qui dépendent d'une allocation. L'on arrivera ainsi, à charges fiscales et parafiscales constantes, à mieux combler certains besoins sociaux qui sont encore mal satisfaits. C'est d'ailleurs parce que nos efforts en la matière sont insuffisants que nous nous en sortons moins bien que d'autres pays.

Il y a un autre élément qui requiert l'attention, à savoir le fait que le circuit du travail au noir, qui est énorme en Belgique, est responsable d'un sérieux manque à gagner et de dépenses injustifiées pour l'État. Or, il y a un lien direct entre le travail au noir et le taux de dépendance élevé.

À la question de savoir quand il faudra réaménager les régimes de retraite anticipée, Mme Cantillon répond que l'on dispose encore d'un certain temps avant que l'on ait épuisé la réserve de travailleurs. Elle ne sera d'ailleurs jamais tout à fait épuisée, étant donné qu'il y a, parmi les chômeurs, beaucoup de personnes peu qualifiées que l'on ne peut pas réinsérer dans l'actuelle économie de la connaissance. À partir de 2010, la population active va stagner et le chômage diminuer. À terme, il y aura une pénurie de main-d'œuvre sur le marché du travail. C'est maintenant qu'il faut changer les régimes, non pas pour ceux qui sont déjà dans le circuit de travail, mais pour les jeunes qui viennent s'y insérer. On doit leur donner le temps de s'adapter. Les régimes de prépension qui offrent une solution en cas de fermeture d'une entreprise seront toujours nécessaires, mais il faut supprimer leur application automatique.

Il existe effectivement peu de données concernant les pensions des agents de l'État et il faut dès lors commencer à réunir des informations relatives à celles-ci et à analyser ces informations.

Mme Van de Casteele fait remarquer qu'une question a été posée à ce sujet au ministre Tobback et que celui-ci a assuré que l'on rencontrera peu de problèmes, étant donné la relativité des dépenses pour les pensions des agents de l'État.

Mme Zrihen remercie et félicite Mme Cantillon pour la qualité de l'exposé. Pour avoir été au parlement européen, elle sait que ce sujet fait partie des problématiques les plus cruciales qui sont annoncées. Si des mesures radicales ne sont pas prises dans les années qui viennent, il sera impossible d'assumer un système de sécurité sociale.

Mme Zrihen fait ensuite une remarque d'ordre linguistique. À ses yeux, les termes « vieillissement de la population » et « augmentation du temps de travail » sont peu encourageants. Si l'on s'adresse à des jeunes, il est difficile de parler d'extension du temps de travail sauf si on leur donne la perspective de plusieurs carrières, si on leur dit que celles-ci s'organisent dans le temps et qu'il doit y avoir une certaine mobilité entre elles. Il ne faut pas susciter l'idée d'un allongement de carrière dû au vieillissement mais plutôt présenter les choses comme une opportunité offerte à des gens qui n'ont peut-être pas eu le choix de leur carrière.

En se renseignant sur ce qui se fait dans d'autres pays, Mme Zrihen apprend que l'image que l'on donne de cette extension du temps de travail est totalement différente et beaucoup plus positive que chez nous où l'on commet des erreurs de communication.

Le départ à la prépension est considéré comme une rupture totale avec le travail. Or, certaines personnes pourraient la vivre comme une pause et retravailler ultérieurement. La prépension est composée d'une part patronale et d'une part de l'État; celle-ci correspond plus ou moins à celle du chômage. Ne pourrait-on envisager — sans que cela ne devienne systématique — que la part patronale incite les patrons à utiliser autrement les travailleurs afin de garantir le système social et de pallier une perte extrêmement importante d'acquis et d'expertise, perte qui nous mettra en difficulté dans les années à venir ?

Mme Cantillon se rallie tout à fait à l'avis et à la proposition de Mme Zrihen. Selon elle, le changement de carrière est aussi très important. Il peut être envisagé dans l'enseignement par exemple, mais ce n'est pas suffisant. Les pratiques seront en outre tout à fait différentes selon que l'on se situera dans l'enseignement, dans une grande ou une petite entreprise. L'oratrice suggère que la commission réfléchisse à ces pratiques car, actuellement, on ne dépasse pas le stade de l'idée.

Il est impossible d'aller plus loin pour le moment mais Mme Cantillon suggère que le groupe de travail invite les employeurs qui ont exploré cette voie.

Mme Zrihen précise que les cellules de reconversion mises en place à la suite de restructurations fondamentales exigent une telle procédure. Il faut arrêter de dire que nous sommes dans des carrières planes, automatiques, avec un seul objectif. Nous sommes dans des dispositifs d'acquisition de compétences et de process durant la formation, qu'elle soit académique ou dispensée en entreprise, bien plus que dans des compétences de certification.

Le fait de parler de l'extension du temps de travail implique une conception différente de l'éducation et de la formation.

Observant que certains demandent la révision de l'enseignement technique et professionnel, Mme Zrihen est d'avis que les recommandations du groupe de travail devraient comporter une analyse transversale. En effet, les échéances sont courtes et l'Europe a une autre manière d'appréhender le problème.

Mme de T' Serclaes se demande si les études relatives au vieillissement et son impact en matière de soins de santé tiennent compte du fait que le regroupement familial permet de faire venir des parents âgés. En outre, au sein de l'Union européenne, certains pays ont une moins bonne médecine et une moins bonne couverture en soins de santé que d'autres, ce qui explique que des personnes âgées s'installent chez leurs enfants qui vivent dans les pays où les pratiques sont meilleures. Le vieillissement existe dans d'autres pays que la Belgique et le phénomène semble prendre de l'ampleur.

Mme Cantillon ignore ce qu'il en est vraiment. Il n'y a vraisemblablement aucune étude à ce sujet. Le problème doit être pris au sérieux au niveau européen. Le fait que l'assurance autonomie n'existe que dans certains pays et dans certaines régions pourrait entraîner de sérieuses difficultés.

II.A.1.2. Professeur Robert Plasman, directeur du Département d'Économie appliquée de l'Université Libre de Bruxelles (DULBEA)

a) Exposé introductif

Le DULBEA s'est penché sur les problèmes de substitution entre travailleurs âgés et jeunes, afin d'étudier les conséquences d'une augmentation des mesures favorables au vieillissement actif, dans le cadre de la stratégie européenne visant à accroître le taux d'emploi des travailleurs âgés (4) .

Le groupe de travail a pour objectif de se concentrer sur la problématique des travailleurs âgés à l'échelon micro- et mésoéconomique plutôt que sur les grands agrégats macroéconomiques. Malheureusement, très peu d'études ont, jusqu'à présent, été consacrées à ces aspects.

M. Plasman présente au groupe de travail une série de tableaux chiffrés et décortiquera ces données macroéconomiques en essayant d'entrer plus dans les détails, notamment quant aux différences entre hommes et femmes et aux raisons de l'inactivité des travailleurs âgés, de manière à relativiser certains discours dominants relatifs à la problématique des travailleurs âgés et à leur intégration — ou non-intégration — dans le marché du travail et à tracer éventuellement certaines pistes pour les futures réflexions du groupe de travail.

Le premier tableau (5) reprend les indicateurs globaux du marché du travail des jeunes et des personnes âgées. L'étude du DULBEA avait en effet pour but de vérifier s'il existait des passages d'une catégorie à l'autre et des éléments négatifs découlant d'un accroissement du taux d'emploi des travailleurs âgés. Au vu des indicateurs généraux tels qu'ils sont établis, notamment pour la Commission européenne, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, M. Plasman tient à rappeler une série d'éléments importants.

Tout d'abord, comme Mme Cantillon l'a souligné, les taux d'emploi de la population âgée sont particulièrement faibles dans notre pays, comparés à la moyenne européenne. Les taux d'emploi sont également assez faibles pour ce qui est de la population jeune, particulièrement pour les jeunes âgés de 20 à 24 ans. C'est une autre caractéristique du marché belge du travail. Le faible taux d'emploi n'est pas surprenant en ce qui concerne les jeunes de 15 à 19 ans, encore largement scolarisés.

Pour en revenir aux travailleurs âgés, le tableau nº 1, qui concerne l'année 2002, fait clairement apparaître un taux d'emploi très faible: 26,6 %. Le taux d'emploi des femmes — 17,5 % — est plus faible que celui des hommes. On insiste beaucoup trop peu sur cet élément dans la réflexion portant sur les taux d'emploi et sur les taux d'activité de la population, en particulier âgée: le faible taux d'emploi qui caractérise la Belgique est principalement dû au faible taux d'emploi féminin.

M. Plasman a voulu commenter ce tableau, car c'est celui qui est utilisé dans le cadre des comparaisons européennes et des travaux menés à l'échelon du Conseil supérieur de l'emploi ou encore du Bureau du plan. Ce tableau souffre d'un défaut majeur: il affiche, pour les personnes âgées de 55 à 64 ans, un taux de chômage de 1 % en moyenne, ce qui paraît assez peu crédible. Pourquoi ? Selon les indicateurs retenus par la Commission européenne, le terme de chômage s'inspire de la définition établie par le Bureau international du travail, définition qui repose sur trois conditions: ne pas être occupé, rechercher activement un emploi et être disponible sur le marché du travail.

Le gros problème réside dans le deuxième aspect, à savoir la recherche active d'emploi. Les critères appliqués proviennent des réponses au questionnaire réalisé par l'enquête « Force de travail » qui permet d'établir ces chiffres et qui pose notamment la question suivante: « Avez-vous cherché activement un emploi durant la semaine de référence ? », c'est-à-dire la semaine pendant laquelle l'enquête est réalisée.

Dans notre pays, en vertu du système des chômeurs âgés qui ne sont plus demandeurs d'emploi, le chômage disparaît dans les statistiques telles qu'elles sont reprises dans les indicateurs européens. Cela pose problème pour les comparaisons et au regard des recommandations de la Commission européenne et de la direction générale de l'emploi. On constate en Belgique un problème de non-participation au marché du travail et de non-participation volontaire. Or, cela provient essentiellement du fait que l'on considère cette définition « chômeurs BIT » et non pas le fait que des personnes aient pu perdre leur emploi.

En guise de commentaire du tableau montrant le taux d'emploi des travailleurs âgés (55-64 ans), comparaison Union Européenne (1998-2003) (6) , l'orateur souligne la faiblesse, en Belgique, des taux d'emploi des 55-64 ans, par rapport aux autres pays européens. Aucun d'entre eux n'obtient d'aussi mauvais résultats. La Belgique se situe à 28 %, mais la Suède à 68 %, la Norvège à 67 %, le Danemark à 60 %.

Les autres pays, sans obtenir d'aussi bons résultats, se situent tout de même bien au-dessus de nous. Les excellents résultats des pays nordiques précités s'expliquent par le fait que les hommes sont plus actifs sur le marché du travail, mais également les femmes — c'est d'ailleurs la raison essentielle.

Dans son commentaire du tableau suivant, M. Plasman, considérant les raisons de l'inactivité des âgés en Belgique — il s'agit ici de la population de 50 à 64 ans reprise par groupes de cinq ans d'âge (7) —, souligne que l'on se focalise essentiellement sur le phénomène des prépensions, vu comme un incitant important au retrait anticipé du marché du travail. Or, on constate que les prépensions ne constituent qu'une faible part de l'inactivité des travailleurs âgés. C'est vrai pour toutes les catégories d'âge et pour les deux sexes, mais cela concerne surtout les femmes. Les prépensions pour les femmes ne dépassent jamais 2,5 % de la population de la classe d'âge. Pour les hommes, dans la catégorie d'âge 60 à 64 ans, le chiffre de 24,4 % est assez élevé. Mais l'addition des chiffres de l'invalidité et du chômage donne un chiffre comparable à celui des prépensions.

Pour les plus jeunes, par exemple la catégorie des hommes de 56 à 59 ans, on constate que la part la plus importante est constituée par le chômage dont celui des travailleurs âgés, et l'invalidité. Pour cette catégorie, les prépensions sont à peu près au même niveau que l'invalidité.

Sans faire de grandes études économétriques ou statistiques sur le sujet, les chiffres permettent de constater que l'accent mis sur le système des prépensions est peut-être une erreur d'orientation lorsque l'on voit les causes réelles de l'inactivité sur le marché du travail.

M. Plasman insiste sur le fait que pour les femmes, ces systèmes de prépension sont quasiment inexistants. Le faible taux d'emploi féminin s'explique par l'importance du chômage, par les pensions pour la catégorie 60-64 ans pour laquelle on se situe encore dans la période de transition du système de pension à 60 ans qui était différent pour les hommes et pour les femmes et, enfin, par l'inactivité, c'est-à-dire le fait de ne pas participer au marché du travail, qui reste un élément important en Belgique. M. Plasman ne partage pas le pessimisme des conclusions des travaux dont a fait état Mme Cantillon quant au risque d'insuffisance de main-d'œuvre à l'échéance 2010 parce qu'il estime qu'il faut tenir compte de cette question du taux d'emploi féminin qui reste largement inférieur à ce qu'il est dans d'autres pays. M. Plasman admet cependant que ce pessimisme serait justifié dans l'éventualité où l'on n'arriverait pas à élever ce taux d'activité féminin. En supposant que l'on puisse atteindre des taux d'emploi similaires à ceux des pays scandinaves, par exemple, il faudrait alors relativiser ce pessimisme.

M. Plasman estime qu'il y a trois éléments essentiels. D'abord, l'importance de l'invalidité qui est souvent sous-estimée et qui a une influence sur le type de mesures qui peuvent être prises pour élever le taux d'emploi et d'activité des personnes âgées. Ensuite, l'importance du sous-emploi et de la sous-activité des femmes. Enfin, l'importance prépondérante du chômage, particulièrement des travailleurs âgés.

À la lecture des chiffres, la première impression est que le problème des faibles taux d'emploi des personnes âgées est probablement plus un phénomène de demande de travail émanant des entreprises qu'un phénomène de l'offre, dans le chef des individus désirant quitter le marché du travail. Outre le discours général qui consiste à dire qu'il faut décourager le retrait anticipé du marché du travail, ne faudrait-il pas dire également, voire essentiellement, qu'il faut défavoriser les exclusions des travailleurs âgés du marché du travail ? Il s'agit, pour une large part, de gens qui sont privés de leur emploi et non pas de gens qui décident volontairement de quitter le marché du travail.

L'annexe nº II.1.2.1, tableau nº 3 (8) illustre d'une autre façon ce que M. Plasman vient d'expliquer en montrant l'importance de l'inactivité en Belgique et la forte différence entre hommes et femmes.

Pour la catégorie 60-64 ans, le taux d'inactivité au sens du BIT, qui considère que les chômeurs repris sont inactifs parce qu'ils ne sont pas à la recherche active d'un emploi, est de 93 % pour les femmes et de 78,5 % pour les hommes. La comparaison de ce tableau à la situation européenne permet de constater des écarts considérables. La différence est importante pour les hommes mais plus encore — 12 points de pourcentage — pour les femmes. À nouveau, il existe un fort déséquilibre en défaveur de la Belgique.

Un autre élément important à souligner dans la structure de l'inactivité des travailleurs âgés est le niveau de qualification. On pense généralement que le système des préretraites et le phénomène du chômage des travailleurs âgés concernent essentiellement des personnes peu qualifiées. On dit souvent en Belgique que le problème du chômage est un problème de faible niveau de qualification et qu'il faut donc mettre l'accent sur ce dernier. Or, le tableau 4 (9) qui compare la situation des jeunes à celle des vieux sur le marché du travail en Belgique, montre que le taux d'emploi des jeunes est très mauvais notamment pour les peu qualifiés. La différence entre l'Europe et la Belgique est très forte, de l'ordre de 18 points de pourcentage en 1997 et de 16 points en 2002.

En revanche, dans notre pays, le taux d'emploi des travailleurs hautement qualifiés est plus faible. En ce qui concerne les travailleurs de 55 à 64 ans, un problème important se pose au niveau des qualifications puisque l'écart est encore plus prononcé — il est de l'ordre de 20 % — par rapport à l'Union européenne. Pourquoi ce faible taux d'emploi concerne-t-il également les travailleurs hautement qualifiés, c'est-à-dire de niveau universitaire ? La formation, en particulier des travailleurs âgés, évoquée par Mme Cantillon est à nouveau soulevée. La Belgique prend très peu d'initiatives dans ce domaine. La situation n'est pas plus brillante à l'échelon européen.

Le pourcentage de la main-d'œuvre participant à l'éducation et à la formation décroît fortement avec l'âge — ce qui est normal — mais, pour les catégories d'âge les plus élevées, les quinquagénaires et les sexagénaires, on se situe entre 6 et 4 %. C'est la situation qui prévaut dans notre pays.

On constate une amélioration entre 1999 et 2002 mais, fondamentalement, il n'y a pas eu de changement important.

Au niveau européen, par rapport aux objectifs qui ont été fixés en matière de taux d'emploi, notamment l'objectif de 50 % pour la classe d'âge 55 — 64 ans et l'augmentation de deux ans de l'âge moyen de sortie du marché du travail, les chiffres de 2002 font apparaître que la Belgique fait partie du groupe des dix nouveaux États membres. Parmi les pays où le taux d'emploi et l'âge moyen de sortie du marché du travail sont plus élevés, se trouvent la Suède, le Danemark et le Portugal où le taux d'activité des femmes est toujours très élevé, ce qui explique la position de ce pays.

Auprès de la Belgique se situent la Slovaquie, la Pologne, la Hongrie, le Luxembourg, l'Autriche, l'Italie et la France.

Le taux d'emploi des 55-64 ans s'est amélioré de 3,7 % entre 1998 et 2002. Cependant, la Belgique est un des seuls pays, avec l'Espagne et la France, où l'augmentation du taux d'emploi a été plus faible pour les femmes que pour les hommes. Or, un des défauts majeurs de notre marché du travail est précisément le faible taux d'activité d'emploi des femmes.

Dans d'autres pays où la situation est pourtant plus favorable à ce niveau, les progrès en termes de taux d'emploi ont été plus importants pour les femmes que pour les hommes.

En France et en Espagne, la progression est semblable à celle de la Belgique. En France, le taux d'emploi féminin est toutefois plus élevé que dans notre pays.

En Belgique, le taux d'emploi des personnes de 55 à 64 ans était de 17,5 % en 2002. En France, il atteignait 31 %. Dans ce pays, l'écart entre les hommes et les femmes est faible, de l'ordre de 9 %, alors qu'il est de l'ordre de 18 % en Belgique. Dans cette catégorie d'âges, le taux d'emploi des femmes est de moitié inférieur à celui des hommes.

M. Plasman revient sur les éléments qui caractérisent l'inactivité. Il évoque en premier lieu l'évolution du nombre de bénéficiaires d'une prépension conventionnelle à temps plein. Les chiffres sont en constante diminution depuis quatre ans, à l'exception d'une légère remontée en 2003. Le nombre de chômeurs âgés a sensiblement augmenté entre 1999 et 2002. La légère baisse constatée en 2003 résulte essentiellement d'un changement législatif qui a restreint l'accès à la catégorie « chômeurs âgés ». Elle est désormais accessible à partir de 58 ans et non plus de 50 ans, sauf exceptions. Il s'agit donc en l'occurrence d'un glissement de catégorie administrative. Le premier ministre a d'ailleurs déclaré que l'augmentation du chômage était en partie due au fait que les chômeurs âgés étaient maintenant considérés comme chômeurs complets demandeurs d'emploi.

Certaines mesures adoptées à la faveur de négociations collectives en entreprises ont principalement été utilisées comme substitut au système de la prépension. Ainsi, le système de crédit-temps, prévu pour toutes les catégories d'âges, est surtout utilisé, à concurrence de 50 %, par les personnes de plus de 50 ans et de moins de 65 ans. Bref, le système du crédit-temps tend à se substituer au système de la prépension. La diminution du nombre de prépensionnés résulte donc principalement d'un glissement vers les catégories de travailleurs âgés, c'est-à-dire de licenciements secs, éventuellement assortis de systèmes « Canada Dry » ou du recours au crédit-temps et moins d'une embellie sur le marché du travail.

La préretraite est un phénomène de l'industrie, essentiellement masculin. L'industrie manufacturière représente environ 60 % des prépensions du secteur secondaire, ce dernier concentrant les 75 % des prépensionnés, les 25 % restants se retrouvant dans le secteur des services.

Cet élément est important car il montre que certains arguments, relatifs par exemple à l'encouragement au retrait du marché du travail ou aux raisons du développement du système de la prépension, doivent être relativisés.

L'un de ces arguments concerne le salaire et le coût du travail. On a coutume de dire que les patrons se séparent des travailleurs âgés parce que leur coût salarial est plus élevé que celui des travailleurs plus jeunes. C'est vrai et ce ne l'est pas. Il est exact qu'une partie du système de rémunération est liée à l'ancienneté dans l'entreprise ou à l'expérience sur le marché du travail, mais cela vaut essentiellement pour le secteur des services et pour les cols blancs. La liaison entre le salaire et l'âge ou l'ancienneté est bien moindre en ce qui concerne le secteur ouvrier et les commissions paritaires ouvrières qu'en ce qui concerne les employés ou la fonction publique. L'argument du coût supplémentaire occasionné par les catégories d'âges les plus élevées ne tient pas. En effet, c'est dans l'industrie, où la liaison entre le salaire et l'ancienneté est la plus faible, que le système des préretraites est le plus répandu, et non dans le secteur des services, où la liaison entre le salaire et l'ancienneté est la plus forte.

M. Plasman en vient au deuxième élément, basé sur une étude portant sur les salaires dans le secteur privé et fondée sur une très grande base de données individuelles. Le graphique Return of experience and seniority (10) montre le gain supplémentaire — par rapport à ce que l'on pourrait appeler un salaire d'embauche — obtenu au terme d'une jusqu'à trente-six années soit d'expérience professionnelle depuis la fin des études — prior experience —, soit d'ancienneté dans l'entreprise. Si l'on se base sur l'expérience sur le marché du travail, on établit le constat suivant: s'il est vrai que le salaire s'accroît avec l'expérience professionnelle, c'est surtout le cas au cours des dix ou quinze premières années. Pour reprendre l'exemple figurant sur le graphique, en quinze ans, le salaire de base de 251 francs belges (année 1999) augmente d'environ 18 %. Par la suite, entre quinze et trente ans d'expérience professionnelle, le gain sera de 2 ou 3 % supplémentaires. Donc, les fortes augmentations concernent surtout le début de la carrière.

Dire que les travailleurs âgés coûtent plus cher est exact par rapport aux personnes qui ont un an d'expérience professionnelle, mais non par rapport à celles qui comptabilisent au moins dix ans d'expérience. Dès lors, cet argument consistant à prétendre que les catégories d'âges les plus élevées occasionnent des coûts supplémentaires n'est pas valable. Il faut peut-être s'interroger sur l'utilité de mesures visant à réduire à nouveau les cotisations de sécurité sociale des personnes ayant atteint l'âge de cinquante, cinquante-cinq ou soixante ans. De telles mesures ne permettront peut-être pas de maintenir ces catégories de personnes sur le marché de l'emploi. Il convient d'y réfléchir sérieusement, et d'approfondir ce type d'études.

Toujours en ce qui concerne les prépensions, y a-t-il substitution entre travailleurs jeunes et travailleurs âgés ou entre plus jeunes et moins jeunes ? Si le système des prépensions a connu un certain succès, c'est sur la base de l'argument consistant à considérer qu'en situation de chômage, il fallait favoriser l'emploi des jeunes et qu'il était moins grave, pour un travailleur âgé, de se retrouver sans emploi.

Selon M. Plasman, il s'agit de l'argument essentiel qui a justifié l'existence et le développement de ces systèmes de préretraite.

Peu d'études ont été réalisées, tant au niveau belge qu'au niveau international, sur la substitution, c'est-à-dire sur la question de savoir si le système de préretraite a permis d'élever le taux d'emploi des jeunes. Or, la question est importante car si tel était le cas, le fait d'augmenter le taux d'emploi des âgés pourrait éventuellement avoir une influence négative sur le taux d'emploi des jeunes. Ce serait évidemment regrettable puisque l'on augmenterait le chômage des jeunes qui est déjà un problème grave, notamment au niveau européen.

Les quelques rares études existantes ne se basent pas sur les mêmes méthodologies et donnent des résultats différents. Nous n'avons donc pas la réponse. Un nouveau programme de recherche portera sur cette question.

Une étude menée au niveau européen — « 1991-1996: taux de sortie des hommes nés de 1931 à 1940 et changements du taux de chômage des hommes âgés de 21 à 30 ans » (11) — tente de montrer le rapport au niveau des régions. Chaque point représente une région d'Europe, au niveau Nuts 2, c'est-à-dire un degré régional assez fin. Pour ce graphique relatif aux hommes nés entre 1931 et 1940, le taux de sortie est comparé à la différence du taux de chômage des hommes âgés de 21 à 30 ans. La question est de savoir si un taux de sortie important des catégories les plus âgées se traduit par une diminution du taux de chômage des catégories les plus jeunes. Le graphique semble montrer une légère liaison, mais à l'inverse des supputations, ce graphique ne livre aucune corrélation importante.

Le même graphique réalisé pour les femmes (12) n'est pas plus significatif et montre une relation un peu plus plate.

Une autre étude, réalisée en Belgique par Henry Snessens, montre une certaine substitution. Le système des préretraites augmente les probabilités d'emploi des plus jeunes, avec pour conséquence négative une diminution du taux d'emploi global.

Enfin, il existe des sources d'origine plus administrative. Des chiffres établis par l'ONEm sur le taux de remplacement en fonction de l'application de la prépension conventionnelle montrent que celui-ci était de l'ordre de 50 %. Or, le remplacement est obligatoire dans ce système. En fait, un remplacement sur deux n'avait pas lieu et l'emploi des jeunes et des moins jeunes, jusqu'à 55 ans, ne profitait qu'à 50 % des départs en préretraite.

M. Plasman évoque un dernier élément d'études qui est selon lui également important. Dans le cadre des travaux sur le vieillissement menés par le Bureau du Plan, il a été montré que l'accroissement du taux d'emploi des 55-64 ans pourrait avoir un impact négatif sur le marché du travail des jeunes.

Il est donc difficile de conclure sur la question de la substitution entre jeunes et âgés, au regard des études effectuées jusqu'à présent. M. Plasman rappelle qu'une nouvelle étude débute à ce sujet.

Pour ce qui est des mesures en faveur du vieillissement actif, si l'on reprend comme typologie ce qui a été établi par la Commission européenne, on relève trois axes d'intervention repris dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et confirmée au sommet de Stockholm:

— la qualité de l'emploi et le problème lié à la question de l'invalidité et des retraits anticipés volontaires;

— le découragement des retraits anticipés, notamment par une lutte contre les incitants à la sortie du marché du travail;

— les mesures liées à la formation.

En étudiant toutes les mesures reprises dans le document « Les mesures prises en faveur du vieillissement actif et leur effet sur le marché du travail des jeunes » (13) , on constate que la plupart d'entre elles portent principalement sur le découragement du retrait anticipé mais qu'elles ont aussi pour thème la qualité de l'emploi et les conditions de travail. Par contre, pratiquement rien n'est prévu concernant la formation, à l'exception d'une mesure intéressante prise en Communauté flamande, à savoir le hefboomkrediet. De plus, en termes quantitatifs, les résultats sont très faibles.

Les chiffres repris dans le document en annexe II.A.1.2.1 montrent que par rapport au nombre de prépensionnés, de chômeurs âgés et de personnes invalides, le nombre d'individus concernés par l'ensemble des mesures prises, dont la plupart sont neuves puisque la problématique du vieillissement actif est assez récente, est vraiment très faible. On ne peut pas considérer que ces mesures aboutiront à des changements significatifs.

M. Plasman précise que les éléments qu'il a exposés sont davantage des pistes de réflexion que des réponses aux questions que les membres de la commission se posent certainement.

b) Échange de vues

Constatant que M. Plasman insiste dans ses tableaux généraux sur le faible taux de participation des femmes à l'emploi, Mme de T' Serclaes demande s'il s'agit d'un effet de génération ou si cette situation s'observe aussi dans les jeunes générations.

Selon M. Plasman, les deux éléments interviennent. Il existe bien un effet de génération. Lorsqu'elles étaient âgées de 20 à 30 ans, les personnes appartenant à la génération des 50-64 ans participaient moins au marché du travail que celles qui ont aujourd'hui cet âge-là. Malgré tout, si l'on prend en considération les 45-50 ans ou les 40-45 ans, le taux d'activité féminin en Belgique reste plus faible que celui des autres pays. D'où l'importance de mener une réflexion sur la question de savoir pourquoi les pays nordiques arrivent à des taux d'emploi plus élevés pour les femmes. M. Plasman signale qu'une recherche au niveau européen a été faite à l'ULB par Daniel Mulders sur le projet Mocho, modeling the choices of motherhood. L'objectif est de savoir ce qui détermine les décisions en matière de taux de fécondité, ce qui détermine le nombre d'enfants que l'on désire avoir, étant donné que l'on souhaite participer au marché du travail. Les résultats de cette étude sont intéressants en termes de comparaison européenne des systèmes qui existent en matière de garde d'enfants, de systèmes de congés parentaux et autres.

En ce qui concerne les chiffres renseignés par M. Plasman concernant le crédit-temps, Mme de T' 'Serclaes constate qu'entre 25 et 40 ans, 26 % des femmes utilisent ces mesures pour des raisons familiales. Le problème qui continue à se poser aux femmes est de combiner une activité professionnelle et les responsabilités familiales et ménagères. Les études récentes publiées dans les journaux montrent que c'est bien sur les femmes que reposent les trois quarts des travaux ménagers, le mari y participant toujours fort peu. Cela aussi, c'est un axe de réflexion.

M. Plasman rappelle que si le crédit-temps est effectivement quelque peu dévié de son objectif primaire en matière de prépension, c'est aussi le cas pour son utilisation par les femmes. Il s'agit là d'une autre discussion mais on sait que le retrait du marché du travail, à court terme, un jour par semaine ou six mois par an, par exemple, a des effets négatifs sur la progression de la carrière et sur le salaire. Le débat sur la manière de permettre l'activité professionnelle porte aussi sur la question de savoir s'il faut favoriser tous les services publics ou privés contribuant à alléger les tâches familiales ou bien développer des systèmes de congés parentaux.

À cet égard, l'étude susmentionnée est intéressante car elle met en évidence les implications des différents systèmes, notamment en matière de taux de fécondité et d'égalité des salaires entre les hommes et les femmes. Ces éléments doivent aussi être pris en considération même s'ils n'interviennent pas directement dans la problématique.

Mme Zrihen demande si l'objectif fixé lors du sommet de Lisbonne est bien d'atteindre 60 % de femmes sur le marché de l'emploi dans les dix prochaines années.

M. Plasman précise que l'objectif est d'atteindre ce taux en 2010 et que nous en sommes encore loin.

II.A.1.3. Professeur Marc De Vos, Vakgroep Sociaal Recht, Université de Gand, et avocat au barreau de Bruxelles.

a) Exposé introductif

Le professeur De Vos précise qu'à la demande du groupe de travail, il donnera un aperçu général du cadre légal actuel du marché du travail et qu'il l'évaluera à la lumière du défi social que représente le vieillissement.

Ensuite, partant des prémisses connues de tous, il présentera un aperçu des défis qui guettent le marché du travail.

1. Contexte et défis

Le vieillissement est un problème qui recèle à la fois une dimension structurelle et une dimension conjoncturelle. Nous vivons inéluctablement dans un État-providence où chaque génération paie pour une autre génération. L'allongement de l'espérance de vie et la baisse du taux de natalité sont des signes intrinsèques d'une prospérité accrue. Mais, d'un point de vue conjoncturel, les babyboomers se sont transformés en babybusters.

Les principaux défis à relever sont le relèvement du taux d'activité à 70 % en 2030, l'augmentation annuelle de la productivité de 1,75 % jusqu'en 2030 et la maîtrise des dépenses de l'assurance-maladie. Cela signifie qu'il faut limiter l'augmentation à 3 % par an hors inflation, ramener le volume de la dette publique à 60 % du PNB en 2014 et affecter tous les surplus à la sécurité sociale ou au Fonds de vieillissement. Réunir toutes ces conditions permettrait de pallier de justesse les conséquences du vieillissement.

L'intervenant émet toutefois de sérieux doutes quant à notre capacité à réaliser tous ces objectifs en même temps.

Si l'on transpose sur le marché du travail le consensus que cela implique, on aboutit aux impératifs suivants:

— une augmentation des actifs

— l'allongement de la carrière professionnelle

— une augmentation de la productivité

— la généralisation des emplois qui contribuent au financement des pensions et de la sécurité sociale.

2. Augmentation du nombre d'actifs

2.1. Défis

Selon M. De Vos, le taux d'activité atteint aujourd'hui un niveau historiquement élevé, et ce, à la suite de l'entrée de la femme sur le marché du travail.

Toutefois, d'ici 2030, il faudra que ce taux passe de 61 % à 70 %, ce qui représente, en équivalents temps plein (ETP), une augmentation de 400 000 unités. Dans le même temps, le vieillissement de la population entraînera la perte de 100 000 ETP. Rien que pour la Flandre, la perte se chiffrera à 500 000 ETP d'ici à 2050.

Pour que l'objectif précité puisse être atteint, il faut non seulement une hausse du nombre de demandeurs d'emplois parmi la population et une offre accrue sur le marché du travail, mais il faut en outre que cette demande et cette offre se rencontrent.

Agir sur la demande d'emplois nécessite que l'on active les non-actifs et que l'on attire sur le marché du travail les travailleurs au noir ainsi que les actifs des zones grises. Cela ne pouvant se faire manu militari, la tâche sera loin d'être simple.

L'augmentation de l'offre d'emplois sera un défi qui ne le cède en rien au précédent dans la mesure où cette offre est totalement tributaire de l'économie et de la compétitivité. L'intervenant ne croit pas que l'on puisse créer des emplois par des plans d'embauche: ceux-ci permettent seulement de canaliser les emplois en fonction des choix des travailleurs qui se portent candidats à un emploi disponible.

Le marché du travail est tributaire de l'économie et l'on sait qu'il est difficile de maîtriser politiquement l'économie, a fortiori dans un contexte de globalisation, d'élargissement de l'Union européenne et d'intensification de la concurrence avec des pays qui consacrent beaucoup moins d'argent que nous à l'État-providence.

Quoi qu'il en soit, il faudra s'efforcer de maintenir la croissance économique à un niveau suffisant et de concrétiser celle-ci en termes d'emplois.

Selon M. De Vos, la politique a plutôt un rôle à jouer dans l'ajustement entre l'offre et la demande d'emplois:

— Il faudra veiller à optimiser l'afflux sur le marché du travail, par des initiatives en matière d'enseignement, de formation, etc. Les pouvoirs publics prennent déjà d'importantes mesures dans ce sens.

— Il ne faut pas perdre de vue qu'une frange importante de la masse des personnes à activer est mal préparée à occuper un emploi régulier. Une tâche importante de « réinsertion » se profile donc ici pour les pouvoirs publics. Si l'on veut réactiver ces personnes, il faudra y mettre les moyens.

— Il faut une immigration contrôlée et coordonnée. L'immigration n'est pas la panacée mais elle est l'une des réponses à apporter au problème du vieillissement.

2.2. Problèmes au niveau de la régulation

M. De Vos discerne quatre pierres d'achoppement à la régulation visant à accroître le nombre d'actifs:

— Le premier problème est celui du coût salarial pour les entreprises, qu'il faudrait réduire. Selon M. De Vos, des études prouvent l'inefficacité de la loi du 26 juillet 1996 relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. D'après des estimations, l'économie noire et l'économie grise représenteraient environ 20 % du total. Il faut lutter contre ce phénomène en légiférant. L'intervenant est d'avis qu'il existe un lien entre le coût salarial et l'économie dite noire.

— Le deuxième problème concerne l'ajustement de l'offre et de la demande sur le marché du travail. Pour le résoudre, on pourrait augmenter l'offre d'emplois, prendre des mesures d'activation des chômeurs et promouvoir la formation.

— Le troisième problème concerne la régulation du marché du travail en tant que telle: le cadre législatif actuel en matière de régulation du travail est dépassé en tant qu'il repose encore sur le modèle de la société industrialisée où prévalent les emplois à temps plein, à durée indéterminée et avec horaires fixes. Tous les autres emplois sont des exceptions prisonnières de carcans très rigides.

L'activation des non-actifs devra être une opération sur mesure. Cela signifie qu'il faudra également adapter la législation sur le travail. Quant à la flexibilité, elle s'appliquera tant aux travailleurs qu'aux employeurs. Il faudra aussi réexaminer en profondeur un certain nombre de législations dans une optique de transversalité, c'est-à-dire en tenant compte de la durée du travail, des contrats de travail, des régimes de travail particuliers comme le travail à temps partiel, l'intérim, le prêt de personnel. Mais il faudra aussi oser parler des dispositions légales en matière de salaire minimum. L'intervenant souligne que cette question fait également débat en France et ajoute qu'en Belgique, les salaires minimums sont encore plus élevés qu'en France.

Le droit en matière de CCT devrait également être réformé, en particulier la centralisation des conventions de travail dans le cadre de la concertation collective sans aucune possibilité d'adaptation au niveau des entreprises. Bien souvent, les commissions paritaires ne sont plus représentatives au regard de l'économie actuelle. Ce cadre de négociation rigide est devenu inopérant en raison des différences qui se font jour entre secteurs, régions et entreprises. Il y a un besoin important en matière de travail sur mesure. Toutes ces réformes figurent également parmi les priorités absolues dans les pays qui nous entourent, à savoir l'Allemagne et la France.

Il faut réformer le droit de licenciement afin de passer d'une sécurité de l'emploi et des revenus à une sécurité du travail. Les travailleurs licenciés doivent être beaucoup mieux armés pour pouvoir retrouver un emploi rapidement. Les changements fréquents d'emploi et la formation permanente deviendront la règle.

— Le quatrième problème concerne la question de la main-d'œuvre étrangère. Pour faire face à la pénurie qui l'attend, la Belgique aura besoin de main-d'œuvre étrangère hautement qualifiée. Elle devra donc mettre en œuvre une politique de l'immigration qui soit de nature à soutenir la prospérité. Dans ce domaine, la législation actuelle est trop stricte et doit donc être adaptée. M. De Vos estime que le niveau européen est le niveau par excellence où cette discussion doit être menée.

3. Allongement de la carrière professionnelle

3.1. Objectifs

Comme on le sait, en Belgique, 28 % seulement des personnes de plus de 55 ans exercent une activité professionnelle. Au sein de l'Union européenne, la moyenne est de 40 %. Avec l'arrivée de la génération des babyboomers, ce pourcentage de 28 % risque bien d'encore diminuer.

L'intervenant souligne qu'il faut donc prendre des mesures afin de rapprocher l'âge réel de la retraite de l'âge légal de celle-ci.

Il faut s'efforcer de différer et d'étaler dans le temps les conséquences du vieillissement.

3.2. Problèmes au niveau de la régulation

— Le coût salarial et les échelles de salaire actuelles constituent un problème pour les employeurs. Les travailleurs âgés leur coûtent de plus en plus cher. Cette situation puise ses racines dans la concertation sociale. L'intervenant estime dès lors que les partenaires sociaux devraient prendre leurs responsabilités en la matière. Il souligne que le système actuel des échelles de salaire est, de surcroît, discriminatoire. Étant donné qu'il relève lui aussi du champ d'application de la loi générale visant à lutter contre la discrimination, il est juridiquement menacé.

— Les employeurs sont également confrontés au niveau élevé du coût de licenciement et des coûts des secteurs complémentaires de la sécurité sociale (assurances hospitalisation, pensions complémentaires, etc.). Il faudrait également modifier ce système.

— La réglementation en vigueur est telle qu'aujourd'hui, le travailleur qui reste en activité plus longtemps n'y trouve guère son compte, que ce soit du point de vue de la fiscalité et de la parafiscalité ou de celui des droits à la pension, par exemple (impôts implicites: en Belgique, l'effet est pervers: le taux y est de 55 % alors que la moyenne de l'OCDE a été fixée à 30 %).

— Il faut mettre au point des systèmes qui permettent de proposer des emplois de fin de carrière sur mesure. La déclaration du gouvernement fédéral de septembre 2004 esquisse plusieurs pistes créatives.

— Il faut donner aux travailleurs la possibilité de suivre des formations afin de pouvoir accéder à un emploi de fin de carrière.

— Il faut supprimer les régimes de départ anticipé du marché du travail sans fixation d'un véritable seuil, avec régime parafiscal préférentiel et constitution de pension. M. De Vos est d'avis que si les partenaires sociaux ne prennent pas eux-mêmes les décisions qui s'imposent, les pouvoirs publics devront en tout cas intervenir.

— Actuellement, le système de l'outplacement ne fonctionne pas suffisamment bien. Dans la pratique, les travailleurs ont souvent le choix entre l'accompagnement à l'outplacement et l'obtention d'un ensemble de compensations financières. La plupart d'entre eux optent pour les compensations financières.

— Il n'y a pas suffisamment d'incitants financiers pour maintenir les travailleurs âgés en activité. Les pouvoirs publics devraient sensibiliser les entreprises à leurs responsabilités quant au sort qu'elles réservent à leur personnel excédentaire. Ainsi, dans le cas où les entreprises inondent le marché du travail de travailleurs ou relèguent ceux-ci au chômage — et, ce faisant, répercutent les coûts sur la collectivité — il faudrait que cela ait un impact au niveau des cotisations qu'elles paient pour ces travailleurs. À l'étranger, il existe déjà des pratiques dans ce sens, en ce que le montant des cotisations de sécurité sociale des entreprises, par exemple, varie selon que la politique du personnel est efficace ou non.

4. Accroissement de la productivité

4.1. Objectifs

L'objectif préconisé est une augmentation continue de la productivité de 1,75 % par an jusqu'en 2030.

En ce qui concerne la productivité horaire, M. De Vos distingue les problèmes suivants: en Belgique, la productivité horaire sur le marché légal de l'emploi est très élevée, parmi les meilleures du monde. Il ne subsiste donc qu'une marge très étroite pour encore l'améliorer. En outre, un accroissement du taux de participation au marché du travail entraînera non pas une augmentation, mais une baisse de la productivité, résultant du choix de maintenir les non-actifs et les travailleurs âgés plus longtemps au travail.

Par conséquent, le seul moyen d'atteindre l'objectif en matière de productivité est de faire augmenter la productivité totale, ce qui implique un allongement de la durée du travail.

4.2. Problèmes au niveau de la régulation

— Il existe aujourd'hui une tendance à la réduction du temps de travail.

— La réglementation en matière de durée du travail est devenue tellement complexe que les entreprises ne sont plus à même de régler certaines pratiques d'une manière légale. Il faut donc affiner la réglementation et laisser une plus grande marge pour des solutions individuelles, flexibles.

— À l'heure actuelle, la centralisation est trop poussée et la flexibilité en fonction des besoins de chaque employeur est insuffisante.

— Les heures supplémentaires et le travail en équipes sont trop sévèrement réglementés.

— Les pouvoirs publics devraient faire un meilleur usage de leurs faibles moyens, en rentabilisant, tant pour le travailleur que pour l'employeur, l'augmentation de la productivité plutôt qu'en finançant la réduction du temps du travail.

5. Emplois avec création de prospérité

M. De Vos tient à souligner qu'un emploi n'est pas l'autre.

Les seuls emplois qui contribuent au financement de l'État-providence sont ceux qui créent une valeur ajoutée dont une partie est prélevée par l'impôt et réinvestie dans l'État-providence ou ailleurs.

Toutefois, des études récentes ont montré que depuis 1973, la croissance du nombre d'emplois (+ 500 000) s'est cantonnée au secteur quaternaire.

Ce sont des emplois qui sont financés par l'impôt plutôt que des emplois qui génèrent des recettes fiscales. Ils induisent un avantage économique indirect en ce qu'ils procurent un certain pouvoir d'achat aux intéressés.

Un deuxième problème réside dans l'économie au noir, qui représente environ 20 % du PNB. Il y a donc un cinquième de l'économie qui ne contribue pas au financement de l'État-providence.

Cela signifie non seulement qu'il faudra travailler plus et plus longtemps mais aussi que cela se fera par le biais d'autres emplois. Et ce sont les entreprises et personne d'autre qui devront les créer.

Les emplois qui contribuent directement au financement de l'État-providence se situent actuellement dans les secteurs suivants:

— le secteur primaire: il est quasiment inexistant et l'agriculture est massivement subventionnée par l'Union européenne;

— le secteur secondaire: le secteur industriel est le secteur le plus menacé par l'européanisation et la globalisation; si l'on veut le réactiver, il faut renforcer sans attendre la compétitivité des entreprises belges.

— le secteur tertiaire: dans ce secteur, on aura surtout besoin de travailleurs créatifs et hautement qualifiés. M. De Vos se demande si l'on peut actuellement les trouver parmi ceux qui ne sont pas actifs sur le marché du travail. Il est convaincu qu'il faudra mener une politique d'immigration pour faire face à ce problème.

M. De Vos conclut son exposé introductif en déclarant ce qui suit:

— il faut améliorer l'efficacité du marché du travail par une meilleure adéquation entre l'offre et la demande;

— il faut rendre le marché du travail moins cher en réduisant le coût salarial;

— il faut rendre le marché du travail plus favorable à l'emploi en le modernisant et en développant le travail sur mesure et ce, au bénéfice des deux parties;

— il faut rendre le marché du travail plus accessible aux travailleurs âgés;

— le marché du travail doit être ouvert. Une immigration sélective est donc nécessaire.

b) Échange de vues

M. Noreilde juge l'exposé du professeur De Vos réaliste et défie quiconque d'en contester les prémisses.

M. Noreilde constate toutefois l'absence d'un élément dans l'exposé de M. De Vos. Il souligne que les études du Bureau fédéral du Plan et de la Commission sur le vieillissement reposent également sur l'hypothèse d'un statu quo de la fiscalité d'ici à 2030. Si nous voulons quand même réduire la fiscalité et le coût salarial, il faudra, à titre de compensation, appliquer des normes encore plus strictes pour les autres prémisses proposées par M. De Vos.

M. De Vos partage l'avis de M. Noreilde selon lequel nous sommes confrontés à une incroyable combinaison de carcans rigides. Les dépenses de sécurité sociale augmenteront et les recettes diminueront alors que la fiscalité ne peut augmenter et que le déficit budgétaire doit être réduit, le tout dans un contexte de concurrence internationale croissante. La réalisation de tous ces objectifs est un énorme défi.

M. Noreilde demande à M. De Vos de proposer des adaptations au droit du travail actuel afin de permettre la concrétisation d'un système comme le skill-pooling (14) et d'autres formes d'emplois de fin de carrière.

Tant Mme Van de Casteele que Mme de T' Serclaes constatent que le professeur De Vos a exposé les problèmes du secteur privé en termes très clairs. Elles se demandent quelles seront les conséquences du vieillissement pour le secteur quaternaire. Mme Van de Casteele s'interroge surtout sur l'impact du vieillissement sur le secteur non marchand. Selon les deux intervenantes, les mesures prises dans un secteur auront des conséquences dans l'autre secteur.

Mme de T' Serclaes se montre préoccupée par l'exposé de M. De Vos, surtout en ce qui concerne la manière dont on pourrait induire un changement de mentalité chez les intéressés.

Mme Van de Casteele souhaite également savoir si M. De Vos a des raisons de croire que les partenaires sociaux sont prêts à s'engager dans la voie dont il a tracé l'esquisse. En effet, l'intervenante est d'avis que les pouvoirs publics ne peuvent s'engager dans cette voie que si les partenaires sociaux y sont eux-mêmes disposés. En d'autres termes, tant les travailleurs que les employeurs pratiqueront la politique du donnant, donnant, dans le cadre d'un ensemble de mesures qui permettront de moderniser la législation sur le travail.

M. De Vos reconnaît que les mentalités sont un élément essentiel et dit être conscient qu'il faudra plus qu'un changement de la législation sur le travail pour les faire évoluer. La modification de la législation sur le travail ne fera que fournir le rail sur lequel le train s'élancera, et pas la locomotive. La locomotive, ce sera la sensibilisation. Il faudra trouver un nouveau consensus social et ce, dans les 10 ans au plus tard. C'est la raison pour laquelle il faut s'y atteler dès aujourd'hui.

L'État-providence tel qu'il a vu le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale doit être intégralement repensé.

Et le marché du travail n'en est qu'un des éléments; il faut y ajouter l'assurance-maladie, les pensions (en effet, celles-ci n'ont été réglées qu'à moitié pour le secteur privé, mais ne l'ont pas été du tout pour les indépendants, ni pour le secteur public).

Le débat social s'est déjà fortement intensifié ces derniers temps. C'est une bonne chose, mais ce débat est loin d'être clos. Si l'on remet les problèmes à plus tard, on devra intervenir ultérieurement de manière plus approfondie et plus radicale, sauf si l'on opte pour une baisse générale de la prospérité, ce qui, pour M. De Vos, n'est pas un choix envisageable.

M. De Vos ajoute que les partenaires sociaux se trouvent dans une phase cruciale et qu'ils doivent en être bien conscients. La FEB a pris les devants et formulé une série d'exigences en ce qui concerne la prépension et la durée du temps de travail. Le débat soulève beaucoup plus de difficultés du côté des syndicats où le fossé entre le sommet et la base semble se creuser de plus en plus. La question communautaire se pose avec beaucoup plus d'acuité dans les milieux syndicaux qu'au sein des organisations d'employeurs.

Les partenaires sociaux devront évoluer dans les cinq à dix ans à venir. Jusqu'à présent, ils ont été les gardiens et les gestionnaires de l'État-providence et se sont également mués en stakeholders. Pareille opération ne pourra aboutir que sous la pression du calendrier et la pression politique et par la sensibilisation de la société et du personnel qui dirige ces organisations.

Étant donné que la pression économique croîtra au cours des prochaines années, M. De Vos est d'avis que l'on réussira à trouver un nouveau consensus social.

Mme de T' Serclaes se demande si la loi du 17 mars 1987 relative à l'introduction de nouveaux régimes de travail dans les entreprises et qui permettait une plus grande flexibilité a eu un impact.

M. De Vos pense que oui. L'explosion du travail intérimaire en est la meilleure preuve. Qui aurait imaginé en 1987 que le travail intérimaire prendrait un tel essor ? Mais, selon la lettre de la loi de 1987, le travail intérimaire est toujours illégal. Dans ce domaine, il existe encore bel et bien un « pays légal » et un « pays réel ».

En ce qui concerne le travail à temps partiel, M. De Vos estime que la législation actuelle en la matière est encore beaucoup trop rigide. Or, il est clair que le système de travail à temps partiel permettrait à une frange importante des non-actifs actuels de réintégrer le marché du travail. Selon M. De Vos, les innovations qu'à connues la législation en question sont des adaptations marginales. On n'a pas encore modifié la législation en portant un regard neuf sur le marché du travail dans son ensemble. C'est pourtant l'exercice auquel il faut se livrer aujourd'hui.

Mme de T' Serclaes ayant demandé pourquoi le débat s'est focalisé jusqu'à présent sur le secteur privé sans tenir compte du secteur public, M. De Vos répond que le débat dans son ensemble concerne le marché du travail. En effet, c'est le secteur privé qui finance l'État-providence. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne faut pas réfléchir à la manière dont on peut optimiser le fonctionnement des services publics. Selon l'intervenant, il y a encore du pain sur la planche en ce qui concerne la politique de gestion des ressources humaines dans le secteur public où le mot d'ordre est de travailler plus efficacement avec moins de personnel pour des raisons budgétaires.

La question essentielle pour le secteur public porte sur le financement des pensions, un domaine qui souffre, selon M. De Vos, d'un manque d'informations.

La présidente, Mme Geerts, souligne que, ces dernières années, on a élaboré un grand nombre de systèmes afin de permettre aux personnes qui le souhaitent d'effectuer de temps à autre une pause dans leur carrière. Cette mesure est dictée par le souci de permettre une combinaison plus aisée entre la vie familiale et la vie professionnelle et de veiller à ce que les gens qui approchent de la fin de leur carrière soient moins accablés par le poids des ans et puissent poursuivre leurs activités professionnelles plus longtemps. Elle demande s'il y a des indices qui laisseraient supposer que ce dernier objectif a été effectivement atteint.

M. De Vos répond que, jusqu'à présent, il n'a pas pu observer de corrélation entre ces deux éléments, ni sur la base d'études, ni dans la pratique du droit. Il est sans doute encore trop tôt pour pouvoir établir l'existence d'un tel lien vu le caractère encore assez récent des réglementations. En ce qui concerne la fixation de la fin de la carrière, il ne faut pas perdre de vue que, dans 99 % des cas, ce n'est pas le travailleur qui choisit, mais l'employeur.

Toutefois, l'intervenant discerne un autre effet plutôt pervers: on a recours à ces régimes précisément pour comprimer les coûts de restructuration. Un exemple typique a été le recours « abusif » au système du crédit-temps (à temps plein). En effet, jusqu'il y a peu, il était possible d'octroyer un crédit-temps à un travailleur sans suspension du délai de préavis. De cette manière, l'employeur économisait des frais de licenciement. Depuis lors, la réglementation a été adaptée afin de combattre ce type d'« abus ».

II.A.1.4. Professeur Sergio Perelman, et M. Eric Bonsang, Centre de Recherche en Économie publique et de la Population (CREPP), ULg

a) Exposé introductif

M. Perelman remercie la commission pour cette invitation quelque peu surprenante, sans doute liée à la parution d'un article dans la revue Wallonie du Conseil économique et social de la Région wallonne. M. Perelman et M. Bonsang appartiennent au Centre de recherche en économie publique et de la population de l'ULg (CREPP) qui s'intéresse depuis une vingtaine d'années à la problématique de l'âge de la retraite et, plus généralement, à la sécurité sociale.

La problématique envisagée est en rapport avec le phénomène babyboom-babybust, ce qui signifie le taux de fécondité et le taux de croissance de la population de l'après-guerre, suivis par une baisse importante du taux de croissance de la population au milieu des années 70. Le problème actuel concerne les babyboomers, cette population qui arrive à l'âge de la retraite, au moment où une série de facteurs agissent simultanément: la faible croissance des espérances de vie, la chute des taux d'activité parmi les 50 ans et plus, la croissance des dépenses de santé, une plus grande faiblesse des interdépendances entre générations qui amène de plus en plus de personnes âgées à vivre dans l'isolement.

Le tableau en annexe (15) montre l'évolution de l'âge moyen de départ à la retraite, en Belgique et dans d'autres pays de l'Union européenne. Pour les hommes, l'âge moyen est passé de 62,6 en 1970 à 57,6 en 1995 et pour les femmes, de 59 ans à 54 ans. Par rapport à d'autres pays, la Belgique se démarque un peu. On la considère comme la championne de cette course un peu spéciale, non loin des Pays-Bas mais distante des pays nordiques et de l'Angleterre. En Suède, on part à la retraite à l'âge moyen de 63 ans pour les hommes et de 62 ans pour les femmes.

Si l'âge de la retraite a diminué, les espérances de vie ont augmenté. Les calculs sur la longueur moyenne espérée de la retraite en 1970 et 1995 montrent une évolution fulgurante (16) . En 1970, en Belgique, un homme partait à la retraite avec une espérance de vie de cinq ans; pour les femmes c'était 15 ans. En 1995 ce chiffre est de 15 à 16 ans pour les hommes et de 26 ans pour les femmes, lesquelles ont désormais une espérance de vie de 80 ans. Une fois de plus, la Belgique apparaît dans le peloton de tête. On constate une différence de plus de cinq ans avec la Suède, pour ce qui est des femmes.

Quelles sont les options face à l'allongement de la vie et à la problématique du financement ?

Un statu quo supposerait une poursuite de la croissance des cotisations de sécurité sociale, ce qui est impossible. Les problèmes budgétaires, de concurrence fiscale, de dette publique ne le permettent pas.

Un transfert aux générations futures reviendrait à augmenter la dette, ce qui est également impossible.

Une autre possibilité consisterait à diminuer les montants des revenus de remplacement — les pensions, les allocations sociales — de manière proportionnelle au fur et à mesure que le problème de la charge, de la dépendance augmente. Ce n'est pas une solution, vu les problèmes que cela poserait en termes d'équité dans la société.

Le professeur Perelman axe ses démarches sur une autre solution qui lui semble plus pertinente, à savoir l'augmentation de l'âge effectif de la retraite. Il ne s'agit pas de l'âge normal de la retraite tel qu'il apparaît dans la législation mais bien de l'âge effectif. Il est possible de partir à la « retraite » à partir de cinquante ans, sous la forme de préretraite, de retraite canada dry, c'est-à-dire chômage, sans parler des départs pour invalidité ou incapacité. L'âge effectif moyen devrait se déplacer petit à petit.

D'autres options ont été envisagées: la réserve démographique; la diminution de la dette publique; la deuxième pilier, c'est-à-dire les pensions privées complémentaires au niveau des entreprises; l'immigration; le retour à la croissance démographique ... Toutes ces options peuvent apporter un élément à l'ensemble, tout comme les trois premières, mais on ne peut axer le tout sur une seule de ces solutions.

La crise des années 70 a mis sur le devant de la scène le problème du taux du chômage. Beaucoup a été fait pour réduire ce taux du chômage. On a voulu, entre autres, favoriser les départs naturels. Le taux de chômage est lié à la problématique des jeunes qui cherchent à entrer sur le marché du travail mais aussi à la croissance économique. La manière la plus naturelle de réduire le taux de chômage était d'encourager les travailleurs âgés de plus de 55 ans à partir de manière naturelle à la retraite. C'est ainsi qu'est né le système de préretraite. Actuellement, on observe un changement, sous l'influence du cri d'alarme de l'Europe. Désormais, on parle davantage de taux d'emploi. L'objectif que s'est fixé l'Union européenne à Lisbonne est qu'en 2010, 70 % de la population entre 15 et 64 ans ait un emploi. Quelle est la situation actuelle ? La Belgique est loin du compte puisque 60 % de sa population dans la tranche d'âge concernée sont en activité ou ont un emploi. Le pourcentage est un peu moins élevé pour la Wallonie. Pour la population de 50 à 64 ans, le taux d'emploi en Belgique est de l'ordre de 26 %, le taux étant le même pour la Wallonie. Par contre, il existe une différence entre la Belgique et la Wallonie pour les 15 à 24 ans, le taux étant de 29 % pour la Belgique et de 22 % pour la Wallonie.

Le professeur Perelman montre un graphique (17) des pyramides d'âges hommes et femmes, inversées de manière horizontale. On a fait le calcul de la population ayant un emploi et des personnes — hommes et femmes — au chômage exprimé en pourcentage de la population totale. Ce graphique donne une idée du taux de dépendance en Belgique. La population dépendante comprend des enfants, des jeunes, des femmes inactives dans les tranches moyennes et des personnes « âgées » à partir de 55-60 ans. Ce graphique montre une chose assez spectaculaire: en Belgique, le babyboom est situé au centre. Cette tranche de population importante se déplace en effet au fil du temps. Aujourd'hui la première génération du babyboom arrive déjà à l'âge de la retraite.

Le graphique suivant (18) montre les voies choisies par les personnes qui quittent le marché du travail. Certaines le quittent définitivement soit via le chômage, soit via la prépension. Il y a aussi ceux qui restent inactifs, phénomène qui est peu important chez les hommes, mais plus important chez les femmes. D'autres personnes relèvent de l'invalidité.

On constate que 20 % des hommes de plus de 50 ans ont quitté définitivement l'activité. C'est assez spectaculaire en Belgique. Entre 50-56 ans, il y a beaucoup de préretraites, mais avant cet âge déjà, beaucoup relèvent du système du chômage.

En Belgique, au début des années 90, les travailleurs de plus de 50 ans tombant au chômage ont été considérés comme des chômeurs âgés bénéficiant d'un système préférentiel, selon lequel ils n'étaient plus demandeurs d'emploi et quittaient dès lors définitivement l'activité.

La problématique est un peu différente pour les femmes. Il y a beaucoup de femmes inactives avant l'âge de la retraite. Le taux d'activité des femmes a connu un crescendo au cours des 30 dernières années.

M. Perelman évoque alors la problématique du financement des retraites. Il montre un tableau (19) portant sur les journées travaillées et assimilées. Ces données proviennent des comptes individuels de pension dans lesquels on enregistre, année par année, pour tous les travailleurs salariés, les jours travaillés et les jours assimilés: chômage, maladie, invalidité, prépension et autres.

Parmi les hommes de 60 à 65 ans, 155 000 personnes ont enregistré dans ces comptes individuels de pension 43 millions de journées pour l'année; 11 % seulement de ces journées correspondent à des journées de travail, 88 % sont simplement inscrites comme journées assimilées.

Ce sont des personnes qui, à 65 ans, vont passer directement dans le système de pension. À 55-59 ans pour les hommes, 2/3 des journées inscrites dans le compte de pension proviennent de ces journées assimilées. On constate que pour les femmes, dans la tranche 45-49 ans, des journées sont encore assimilées.

Quel est le coût de ces retraites anticipées par rapport au PIB ? Les chiffres du tableau (20) résultent d'une étude internationale assez large qui tient compte de toutes les personnes ayant quitté l'activité avant l'âge normal de 65 ans. Cette étude tient aussi compte des coûts indirects, c'est-à-dire les journées assimilées qui donnent partiellement droit à la pension, aux soins de santé, etc.

En 1998, en Belgique, on arrive à 13 % du PNB. C'est un calcul assez large mais les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Quelles sont les conditions de vie des préretraités, de ces personnes âgées de 50 à 59 ans qui ne sont plus actives ? Le taux de pauvreté dans cette population a été calculé dans une étude précédente (21) . On y a tenu compte du niveau du diplôme qui, d'une certaine manière, révèle les possibilités d'insertion professionnelle.

Parmi ceux qui ont un diplôme moins important, généralement des ouvriers, 20 % ont des conditions de vie difficiles. Cela s'explique en partie parce qu'ils sont plus jeunes, ont des personnes à charge, etc. Si on prend comme niveau de pauvreté relative 60 % du revenu médian, ce taux passe à 33 %.

Le taux de pauvreté est beaucoup plus faible dans la catégorie de personnes âgées de 60 à 69 ans, retraitées, qui ont suivi des études primaires. On peut donc supposer que les personnes parties à la retraite avant l'âge légal ne sont pas dans une situation enviable, même si les avis divergent en la matière.

En revanche, certaines personnes ayant pris leur retraite dans d'excellentes conditions sont en effet très satisfaites de leur sort.

Des études ont été réalisées à l'échelle internationale mais également à l'échelle microéconomique pour la Belgique. On s'est interrogé sur un éventuel phénomène de retraite endogène. À 50 ou 55 ans, les travailleurs savent qu'ils ont « un droit » à quitter leur activité compte tenu des dispositions en matière de chômage, le système canada dry, la préretraite.

En ce qui concerne la retraite canada dry, un travailleur, par hypothèse âgé, licencié par son employeur et reconnu comme chômeur complet indemnisé, ne remplit pas les conditions pour bénéficier du statut de prépensionné au regard de la réglementation sur le chômage. Son employeur souhaite néanmoins lui accorder une indemnité identique. On parlera alors de prépension canada dry, qui ressemble furieusement à la prépension classique, sans en être une. Cette formule est — ou était — très avantageuse pour les employeurs. L'allocation dont ils peuvent bénéficier jusqu'à l'âge de 65 ans, ajoutée au supplément versé par l'employeur, ne représente pas beaucoup moins que la rémunération nette perçue en travaillant. Donc, d'une certaine manière, les gens ont été encouragés à partir à la retraite au cours des trente dernières années.

On a calculé le montant de la taxe implicite pour tous les pays. Le calcul permet de savoir à quel moment il est préférable de quitter son activité pour éviter de perdre des revenus.

Une échelle logarithmique en annexe (22) montre que les citoyens de pays comme la Belgique, les Pays-Bas, la France ou l'Italie sont pénalisés — il s'agit d'une taxe implicite — quand ils ne saisissent pas l'opportunité qui s'offre à eux de partir à la retraite.

M. Perelman explique que les taux d'inactivité — les départs — répondent d'une certaine manière à ce constat: faisant preuve de cohérence, les personnes partent effectivement à la retraite. Dans d'autres pays tels que la Suède, les États-Unis, le Japon, le Canada, etc., le taux d'inactivité est moins élevé; la taxe implicite est plus basse. Les travailleurs restent donc plus longtemps en activité.

Les travailleurs font donc preuve de rationalité dans leurs décisions. Suite aux conventions de travail conclues dans les différents secteurs professionnels, le système de préretraite a été instauré et l'on est arrivé aux mêmes conclusions. C'est probablement ainsi que les décisions ont été prises.

Après s'être placé du point de vue des travailleurs, M. Perelman commente la réaction des entreprises. Étant donné les régulations effectuées sur le marché du travail, en Belgique comme dans d'autres pays, les salaires ont tendance à augmenter au fil des ans. Si l'on prend plusieurs pays — le Japon, la Belgique, la France et la Suède — et que l'on examine le profil des salaires masculins en fonction de l'âge, on constate de manière générale qu'en Europe, les revenus et les avantages augmentent en fonction de l'ancienneté (23) .

Cela signifie que les travailleurs plus âgés reçoivent des salaires très élevés, ce qui explique la tendance des entreprises à s'en « débarrasser ». Il existe, sur ce plan, des corrélations entre un certain nombre de pays européens. En Suède, les travailleurs travaillent jusqu'à un âge avancé, mais la ligne des salaires est plutôt plane.

Le CREPP a également étudié les probabilités estimées de rester en activité jusqu'à un âge donné, en comparant les hommes et les femmes âgés de 49 à 65 ans, ouvriers et employés, dans le secteur public et en tant qu'indépendants . La probabilité la moins forte concerne les ouvriers, dont le pourcentage de départs anticipés est beaucoup plus important, tant du côté des hommes que de celui des femmes. La probabilité la plus élevée concerne les indépendants, les courbes relatives aux employés et aux fonctionnaires étant assez proches (24) .

Le phénomène de dégradation de l'emploi des travailleurs de plus de cinquante ans a cessé. La chute, qui a commencé au milieu des années quatre-vingt, s'est arrêtée. La même évolution s'est produite aux États-Unis. Le taux d'activité est stable depuis une vingtaine d'années. La courbe relative aux femmes a repris un mouvement ascendant. Cette évolution correspond à un effet de cohorte. Il s'agit de femmes qui, proportionnellement, ont eu une vie plus active. Sinon, l'âge de départ moyen reste inchangé.

En Belgique et en France on a effectué une enquête auprès de la population sur l'âge de la retraite attendu et souhaité (25) . En général, les gens espèrent cesser de travailler très tôt, plus tôt même que l'âge auquel ils pensent devoir s'attendre. Ainsi, en Belgique, les 18-34 ans espèrent la retraite à 55 ans, ce qui est extraordinaire. En effet, cette même population vivra jusqu'à 80 ans. Si l'on commence à travailler à 22-23 ans, la carrière durera environ 32 ans, suivie par une période quasi équivalente de retraite. Ce constat assez spectaculaire reflète un problème de société. La productivité de ceux qui travaillent devra être suffisamment importante pour payer deux tiers de la population en dehors du marché du travail.

Les projections démographiques pour les siècles prochains indiquent que la Région flamande comptera le taux le plus élevé de population de plus de 60 ans . Des taux de mortalité plus faibles et de fécondité plus élevés en Wallonie expliquent un différentiel de l'ordre de 5 % (26) .

M. Perelman aborde alors quelques éléments de conclusion et de réflexion.

Le maintien en activité des travailleurs âgés de 50 ans et plus est devenu un défi comparable à celui du chômage des jeunes qui a retenu l'attention depuis une vingtaine d'années. Cet enjeu, comparable par l'ampleur, n'est pas du même type. Il peut être abordé de différentes manières. On relève un problème latent de discrimination. On pense qu'il existe un double dividende; en d'autres termes, on gagne sur les deux plans. Si l'on peut élever quelque peu le taux de participation des 50 ans et plus, surtout cette génération des babyboomers, ceux-ci contribueront davantage au financement de la sécurité sociale. De plus, la proportion de personnes en activité au sein de la société sera plus important.

On le sait, la Belgique est championne en matière de retraite anticipée; elle a également un taux très élevé de chômage des jeunes. Or, depuis trente ans, il est question de départs naturels avec embauche compensatoire de jeunes. Ce phénomène n'a pas eu lieu; nous sommes perdants des deux côtés et l'économie se réduit. Les personnes soustraites, de manière exogène, au monde économique se tiennent à l'écart et ne créent plus.

Le double dividende réside dans le fait que la personne qui reste en activité non seulement finance les pensions, mais n'est pas dépendante. C'est la façon la plus naturelle de résoudre la question. Le problème, c'est que les effets du babyboom sont déjà là.

Pour ce qui est des incitants financiers, il conviendrait d'aller vers un système plus neutre. On a pu démontrer que le système encourage les gens à partir. Tant les entreprises que les travailleurs trouvent cela normal, notamment en raison de l'avantage financier.

Le système de la sécurité sociale encourage fatalement les travailleurs à partir. C'est tout le problème des droits acquis. Les gens partent aujourd'hui parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils obtiendront demain. Ils se disent que si l'on fixe aujourd'hui leur pension, ils pourront la garder et qu'il vaut donc mieux ne pas traîner. Cela les amène aussi à anticiper leur pension. Il s'agit d'un phénomène malsain.

Un autre problème est que l'on est arrivé à une discrimination des travailleurs âgés. Actuellement, dans notre pays, une personne de plus de 50 ans qui perd son emploi rencontre des problèmes pour retrouver du travail. Ce phénomène, qui ne se retrouve pas dans tous les pays industrialisés, est assez caractéristique de la Belgique où, lors d'une restructuration d'entreprise, de manière naturelle, ce sont toujours les plus âgés qui partent. Il faudrait répartir les départs différemment. Les travailleurs de plus de 50 ans ont certainement quelque chose à apporter. Par ailleurs, le marché du travail manque de flexibilité pour réintégrer ces travailleurs. Cela vaut également pour la fonction publique. Un travailleur qui a effectué un travail pénible, un instituteur, un professeur, une infirmière, toutes ces personnes devraient pouvoir continuer à travailler, selon une formule de partage du temps ou d'autres formules plus flexibles.

La Belgique a connu au début des années 90 une convention pour la retraite à temps partiel. La formule semblait intéressante. Cette convention nationale proposait aux gens de partir tout en gardant des avantages du travail et en bénéficiant en même temps d'avantages de la retraite. Le système n'a pas bien fonctionné. Les chiffres montrent qu'à peine 1 000 personnes ont pris cette voie-là. À côté de cela, 150 000 personnes se retrouvent au chômage et 150 000 partent en préretraite. Le système proposé était trop rigide. Les travailleurs et les entreprises ont considéré que la seule possibilité était la retraite ou, en tout cas, l'inactivité complète.

Autre problème: les institutions concernées par ces problématiques sont dispersées. Le professeur Perelman a eu l'occasion de discuter des départs massifs à la retraite anticipée avec le directeur de l'Office des pensions. Celui-ci a déclaré que ce problème ne concerne pas directement l'Office des pensions car les personnes de 65 ans qui s'adressent à cet organisme ont souvent pris leur retraite depuis très longtemps. L'office n'a donc pas les moyens d'agir sur le départ à la retraite. La problématique relève plutôt de l'ONEm. Il est intéressant de noter que ce problème de départ à la retraite se règle essentiellement comme un problème de chômage.

La problématique concerne aussi les institutions du marché du travail puisqu'elle touche à la question des salaires, des profils de salaires, des négociations salariales. La collectivité est pénalisée parce que, finalement, les entreprises cherchent à se débarrasser assez rapidement des personnes concernées.

Le rôle des différentes institutions doit être clarifié. La question relève du SPF Emploi, probablement aussi de l'ONEm, mais devrait peut-être relever du système de pensions. Toutes ces personnes qui perçoivent une prépension, une allocation de chômage sont en fait des retraités, des pensionnés, et ne devraient pas relever de l'institution qui gère le chômage. Le chômage a été créé pour une autre raison.

Il est beaucoup question de responsabilisation de la génération du babyboom. On a responsabilisé d'une certaine manière depuis plus de vingt ans la population des travailleurs âgés en les encourageant à partir et à laisser leur place aux jeunes, vu le problème de chômage, de manque de travail. La génération qui est partie un peu plus tôt a répondu à cette idée-là. Actuellement, se pose un autre problème de société.

Si la génération du babyboom part à la retraite en pensant qu'il faut laisser le travail aux jeunes, deux problèmes se posent: d'une part, une pénurie de travailleurs en raison du nombre de babyboomers et, d'autre part, un coût énorme mis à charge de ces jeunes.

Le message doit être tout autre. Il faut dire aux gens de rester en activité afin de ne pas devenir une charge pour leurs enfants. Il faut donc renverser le discours.

b) Échange de vues

Mme de T' Serclaes estime que les comparaisons internationales sont intéressantes. Elle constate que la situation des Pays-Bas est fort semblable à la nôtre et voudrait savoir si les raisons pour lesquelles les gens prennent leur préretraite sont identiques en Belgique et aux Pays-Bas.

M. Perelman répond que les choses sont un peu différentes. Le plus souvent, aux Pays-Bas comme en Allemagne, les gens partent via le système de maladie-invalidité.

Dans les études, on a essayé de regrouper toutes les formes de départ. En Belgique, on recourt peu au système de l'assurance maladie-invalidité, sauf peut-être dans le secteur public. Dans ce secteur, beaucoup de gens partent avant l'âge normal de la retraite parce qu'ils sont malades et sont directement intégrés au système de pension.

En Belgique, dans les années 70, la porte était ouverte au système des prépensions. Ensuite, dans les années 90, on a décidé que les travailleurs de plus de 50 ans ne seraient plus comptabilisés comme demandeurs d'emploi. Le but était aussi de ne plus faire apparaître ces personnes dans les statistiques du chômage.

Voici une quinzaine d'années, quand on cherchait les préretraités dans les statistiques, on ne les trouvait pas. Ils n'apparaissaient ni dans les statistiques des pensions, ni dans celles de l'ONEm; ils figuraient dans une petit note en bas de page.

Les entreprises ont ensuite imaginé le système des retraites canada dry, souvent avec le consentement des travailleurs. M. Perelman explique comment ce système fonctionne: le travailleur licencié reçoit des allocations de chômage et l'entreprise lui donne en plus une allocation qui lui permet de conserver quasiment l'équivalent de son salaire net jusqu'à son retraite quinze ans plus tard. Il ajoute que maintenant on essaie de refermer cette vanne énorme.

La deuxième question de Mme de T' Serclaes porte sur le secteur public. Les chiffres indiquent que les travailleurs du secteur public partent eux aussi en retraite de manière anticipée, alors que l'âge de la retraite y est fixé depuis longtemps à 65 ans pour les hommes et les femmes, et qu'il n'existe pas de prépension. Elle veut savoir quelle est l'explication de M. Perelman pour cette situation ?

M. Perelman distingue, dans le secteur public, les fonctionnaires et les travailleurs sous contrat. Il connaît des institutions où ont été instaurés des systèmes de prépension très semblables aux systèmes du privé. Il constate un certain dysfonctionnement puisque ces pensionnés vont relever du budget général de l'État. Pour les institutions, c'est donc une manière de déplacer leurs problèmes budgétaires. Le département de l'Éducation Nationale, que M. Perelman connaît très bien, est également passé à ce système.

Mme Zrihen voudrait savoir si les statistiques de M. Perelman tiennent compte des personnes qui partaient après des carrières soit à temps partiel soit à temps complet. Il a été indiqué qu'un certain nombre de personnes ne figurent pas dans les statistiques. Tel est le cas pour les femmes. Compte tenu du fait qu'à Lisbonne, l'Union européenne a préconisé une participation spécifique des femmes de plus de 60 % dans les cinq prochaines années, Mme Zrihen demande à M. Perelman s'il est d'avis que cela va faire évoluer les indications qu'il a évoquées sachant qu'en Belgique, on consigne les femmes de plus en plus dans des emplois à mi-temps pour une série de bonnes raisons et surtout dans des emplois précaires ou sous-statutaires.

La troisième question de Mme Zrihen est de savoir quand on aura enfin des données pour 2001-2002. Elle a l'impression que, depuis 1995, la qualité du travail, le dispositif des prépensions, l'évolution des revendications des gens ont énormément évolué et influent probablement sur l'âge de la retraite.

M. Perelman estime que du coté de l'emploi des femmes il y a vraiment une évolution énorme. De plus en plus de femmes continuent à travailler jusqu'à 63 ans et cet âge évolue. Quant à la question des carrières courtes et des carrières interrompues chez les femmes il dit que, depuis longtemps déjà, on constate que les femmes réclament leur pension. Jadis, elles y renonçaient, même si elles y avaient droit, parce que les suppléments, de l'ordre de 25 %, que les hommes recevaient pour leur pension étaient plus importants que ce à quoi elles pouvaient prétendre. Petit à petit, on a vu évoluer le nombre de femmes qui pouvaient revendiquer une carrière incomplète.

Se pose également le problème des carrières à temps partiel. Dans ce cas, les femmes sont pénalisées pour leur pension. Aujourd'hui, beaucoup d'entre elles voudraient rester plus longtemps en activité afin d'augmenter leurs droits. On ne constate peut-être pas ce phénomène chez les hommes. M. Perelman a eu l'occasion de discuter avec des femmes qui lui ont affirmé qu'elles souhaitaient travailler aussi longtemps que nécessaire pour avoir droit à une pension. Il s'agit d'un bon incitant « naturel ».

M. Perelman donne l'exemple des Pays-Bas où les temps partiels représentent toutefois une partie importante de ce taux d'emploi. Les départs à la retraite s'y passent plus ou moins de la même manière. L'âge moyen de départ est plus ou moins le même mais les taux d'activité sont toutefois beaucoup plus élevés de manière générale et, en particulier, pour les femmes aux Pays-Bas.

Les enquêtes se sont également penchées sur le caractère volontaire du travail à temps partiel. On a ainsi constaté que plus de 50 % des femmes qui travaillent à temps partiel affirment que c'est ce qu'elles désirent.

Il existe toujours un décalage par rapport aux dernières données. Mais, d'une manière générale, les statistiques représentent des tendances lourdes. Il est vrai qu'un décalage de quelques années peut avoir donné lieu à une évolution. En effet, on est en train de fermer la porte aux chômeurs âgés de 50 ans et de tenter de déplacer l'âge de la préretraite. Ce sont des signes pour les travailleurs et pour les entreprises.

Mme Thijs objecte que les professeurs et les représentants des employeurs et des syndicats n'ont cessé de répéter les mêmes propos au cours des dernières semaines, à savoir qu'il faut responsabiliser la génération des babyboomers. Elle estime toutefois qu'il est déjà trop tard et propose de responsabiliser plutôt les personnes de sa génération, c'est-à-dire les 40-50 ans. Les travailleurs de la tranche d'âge de 50 à 55 ans pensent « dès aujourd'hui » à mettre fin progressivement à leur carrière ou envisagent de céder leur affaire. En effet, avant que la discussion sur la responsabilisation puisse véritablement démarrer, il faudra encore attendre deux ou trois ans, et il sera donc trop tard pour cette génération issue du babyboom. C'est pourquoi il serait préférable de s'adresser à la génération qui la suit.

M. Beke déclare avoir été touché en particulier par la comparaison du profil des salaires en fonction de l'âge dans les différents pays. Au Japon et en Suède, la courbe est pour ainsi dire plane (27) , alors qu'en Belgique, les salaires évoluent de l'indice 100 à l'indice 180. Selon lui, il serait intéressant d'examiner quels sont les éléments déterminants de la structure des salaires dans des pays comme le Japon ou la Suède. Il est traditionnellement admis que trois facteurs jouent un rôle dans la décision de maintenir ou non la génération des aînés au travail: le coût salarial, la flexibilité sur le marché du travail et la productivité du travail. Il semble bien que le coût salarial soit le facteur décisif. L'intervenant aimerait connaître l'opinion de M. Perelman sur l'argument selon lequel, avant de responsabiliser la génération plus âgée, il faut lui trouver du travail. Lorsque M. Perelman parle d'un taux d'activité de 59 % pour la Belgique et de 54 % pour la Wallonie, quel est le pourcentage pour la Flandre ? Sans doute le taux d'activité y est-il sensiblement plus élevé.

M.Perelman dit qu'il a mentionné uniquement les taux pour la Belgique et la Wallonie, car c'étaient ceux qu'il avait sous la main et que le taux d'activité est incontestablement élevé en Flandre.

En réponse à la question de Mme Thijs concernant la sensibilisation de la génération babyboom, il dit qu'il s'agit d'une tranche de population nettement plus large. La première génération du babyboom, qui a à présent entre 50 et 55 ans, a déjà pris ses dispositions. Ces gens vont quitter le marché du travail, ce qui occasionnera un surcoût important à la sécurité sociale. Mais le babyboom s'étend jusqu'aux naissances de 1975. Il s'agit donc de personnes de trente ans. Les nouvelles cohortes se sont présentées de plus en plus tard sur le marché du travail. Leur carrière sera donc plus courte, ce qui les incitera à rester actifs plus longtemps afin d'avoir une carrière suffisamment longue. C'est pour ces cohortes qu'il faut changer la manière de voir les choses. On a perdu du temps, mais il n'est pas trop tard pour sensibiliser cette génération.

On pourrait en effet se demander quelle est la raison de la grande différence entre les pays quant à l'évolution des salaires au cours du cycle du travail.

Devient-on plus productif avec l'âge ? Tous les pays ne pratiquant pas la même politique que la Belgique en matière de salaires, M. Perelman avoue qu'il est permis d'en douter. Compte tenu du coût élevé de la main-d'œuvre en Belgique, eu égard, entre autres, aux charges sociales, les entreprises tendent à considérer qu'il vaut mieux employer deux jeunes de 25 ans qu'un travailleur de 55 ans, jeunes qui en outre seront davantage en mesure d'appréhender les nouvelles technologies. Selon M. Perelman, cela ne signifie pas nécessairement que les entreprises embaucheront des jeunes. D'aucuns considèrent que la productivité belge est la plus élevée au monde. Cela s'explique non pas par la capacité de production des travailleurs belges mais par la réduction du nombre de travailleurs. C'est pourquoi le stress des travailleurs et les risques d'accidents sont aujourd'hui plus importants qu'il y a dix ans. Tous les secteurs se sont efforcés de réduire les coûts salariaux en procédant à des restructurations. Les entreprises florissantes comme les banques ou les sociétés d'assurances ont elles aussi largement abusé des systèmes de préretraite. Les entreprises ne veulent pas continuer à rémunérer des gens qui seraient moins productifs ou qui, en tout cas, leur coûtent cher. M. Perelman est d'avis que la productivité parfois est satisfaisante, mais on constate du gaspillage et les conséquences sociales nous concernent.

Mme Van de Casteele estime qu'il faut s'efforcer dès à présent de faire changer les mentalités. Elle ne partage donc pas l'avis de Mme Thijs lorsque celle-ci estime qu'il est trop tard pour essayer de maintenir plus longtemps au travail la génération issue du babyboom. Quoi qu'il en soit, les syndicats continuent à nier qu'il y a un problème, et Mme Thijs se laisse visiblement trop influencer par leurs propos. Elle maintient qu'il est trop tard pour les babyboomers, alors que le professeur Perelman confirme une fois encore que le coût du départ des travailleurs de cette génération est très élevé. Si l'on annonce maintenant que la responsabilisation peut être reportée impunément à la génération suivante, il est évident que celle des babyboomers quittera le circuit du travail prématurément.

Le VLD, parti auquel l'intervenante appartient, martèle lui aussi qu'il faut d'abord renforcer l'économie et créer plus d'emplois. Les statistiques montrent d'ailleurs que le raisonnement selon lequel les travailleurs âgés doivent faire place aux jeunes n'est pas pertinent. C'est précisément dans les entreprises qui occupent de nombreux travailleurs d'un certain âge que l'on trouve également beaucoup de jeunes. Selon Mme Van de Casteele, il ne s'agit pas de redistribuer le travail, mais de créer des emplois supplémentaires. L'objectif principal est de maintenir nos aînés plus longtemps au travail.

Selon M. Perelman, il y a en Belgique relativement peu de personnes qui intègrent le système de l'invalidité, par comparaison avec les Pays-Bas. Une étude sur les causes du départ anticipé à la retraite en Belgique a montré que les conditions de travail ne sont pas plus pénibles dans notre pays et que le travail de nuit ou en équipe n'y est pas plus fréquent que dans les autres pays européens. Cette étude a surtout mis en exergue la relation entre l'absentéisme pour maladie et certaines conditions de travail, d'une part, et la sortie anticipée du marché du travail, d'autre part. Mme Van de Casteele estime qu'il y a un problème si les travailleurs ne peuvent pas entrer en invalidité.

Le tableau (28) concernant la pauvreté relative fait apparaître qu'en cas de départ anticipé, un grand nombre de personnes passent sous le seuil de pauvreté, alors que les attentes financières positives constituent précisément un motif déterminant pour prendre sa retraite anticipée. Lorsqu'elle constate que 30 % de ces personnes tombent dans une relative pauvreté, l'intervenante peut difficilement s'imaginer que celles-ci ont pris leur retraite anticipée de leur plein gré. Soit les personnes les plus vulnérables sont contraintes de quitter le marché du travail, soit leur rémunération est déjà proche du seuil de pauvreté. En outre, les journées assimilées hypothèquent lourdement notre régime de sécurité sociale. Mme Van de Casteele aurait voulu savoir si le professeur Perelman estime qu'une politique plus stricte en la matière est nécessaire. En effet, ce n'est pas uniquement de la période de fin de carrière qu'il s'agit, mais aussi d'interruption de carrière et de crédit-temps. L'intervenante se demande s'il ne faudrait pas tendre vers l'octroi d'un « paquet » maximum autorisé de périodes assimilées.

Pour M. Perelman, le système des journées assimilées est effectivement une sorte d'hypothèque. C'est un droit, un acquis social. Quand une personne est malade quelques jours ou se trouve au chômage, cette période est prise en compte pour le calcul de sa pension comme si elle travaillait, ce qui représente une avancée sociale importante. Mais, par ailleurs, on constate effectivement que des gens qui sont partis jeunes descendent sous le seuil de pauvreté. Comment expliquer cela ? M. Perelman rappelle que ces gens entre 50 et 59 ans qui ont quitté leur activité conservent souvent plus ou moins le même niveau de revenus que celui qu'ils avaient quand ils travaillaient. Le peu qu'ils perdent peut être compensé par une réactualisation. Le revenu dont ils disposent provient de la sécurité sociale auquel s'ajoute un petit apport fourni par l'entreprise. Il subsiste encore une petite différence. Ces gens vont rester dans cette situation pendant 10 ou 15 ans. Leur revenu ne va plus évoluer, il a été fixé, d'où une perte de leur pouvoir d'achat. Il s'agit en fait d'une double pénalité car ils ont souvent encore des personnes à charge. Leur situation se dégrade à l'instar de celle des pensionnés d'une manière générale: leur situation se dégrade au fil du temps à défaut d'une actualisation, sauf pour les fonctionnaires qui bénéficient de la fameuse péréquation. C'est une partie de l'explication.

L'autre partie, comme on l'a vu dans les statistiques, se rapporte aux ouvriers, aux gens de condition modeste n'ayant fait que des études élémentaires, qui sont partis plus tôt. C'est toute la problématique des conditions de travail: si les gens partent, c'est peut-être parce que celles-ci sont mauvaises. M. Perelman ne connaît pas l'étude que Mme Van de Casteele a mentionnée, mais on peut se poser la question de savoir si la situation est différente en Belgique. On sait qu'il y avait le point important de l'industrie lourde. Le professeur Perelman donne des cours d'économie du travail et il dit souvent à ses étudiants que l'idéal en Belgique aurait été que les travailleurs de la sidérurgie aient pu être reconvertis en caissiers de supermarchés ! Cela aurait résolu tous les problèmes du travail, sauf peut-être pour les femmes. C'est un peu la reconversion qu'on attendait au niveau économique. Il y a eu un passage plus important à une économie de services et beaucoup de gens sont restés sur le côté.

Il reste le problème des conditions de travail. Beaucoup reste à réaliser dans ce domaine. On voudrait que les gens restent au travail. S'ils n'y restent pas par plaisir, au moins qu'ils y restent parce qu'ils y trouvent un avantage. Peut-être les gens qui se retrouvent à la maison vont-ils déprimer et mourir prématurément ? Pour certaines personnes, le départ à la pension se passe très bien mais, pour d'autres, ce n'est pas le cas, notamment du point de vue psychologique. Donc, d'autres problèmes viennent se greffer.

Dernier point: le message aux gens du babyboom est: essayez de rester, sinon vous serez une charge pour vos enfants. Cela implique qu'ils trouvent un avantage à rester en activité, à contribuer au pot commun, à maintenir l'économie à un niveau performant.

II.A.2. AUDITIONS DES PARTENAIRES SOCIAUX

II.A.2.1. Mme Sonja Kohnenmergen, conseillère à la FEB

a) Exposé introductif

Mme Sonja Kohnenmergen travaille au département social de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB).

La FEB s'est penchée depuis de nombreux mois déjà sur le thème de la fin de carrière des travailleurs âgés. La FEB doit poursuivre la réflexion avec ses collègues syndicaux, puisque le gouvernement a demandé aux partenaires sociaux de choisir parmi les mesures qu'il a énumérées dans sa déclaration gouvernementale de 2004 celles qu'ils pouvaient proposer pour le début de l'année 2005.

Pour des raisons tant macroéconomiques que microéconomiques, les employeurs pensent qu'il faut renverser la tendance dans le débat sur la fin de carrière. Cette rupture devra se faire progressivement mais de manière résolue, sur la base de mesures à la fois contraignantes et incitatives, qui doivent responsabiliser l'ensemble des acteurs économiques.

1. Un bref diagnostic

Tous les pays de l'Union européenne ont un taux d'activité trop bas par rapport aux objectifs que le Conseil européen de Lisbonne a recommandés aux différents États membres, en particulier dans la catégorie des plus de 55 ans. Malheureusement, avec ses 26,6 %, la Belgique connaît le taux d'activité le plus bas de l'Europe des anciens États membres et, en tenant compte des nouveaux États membres, elle occupe l'avant-dernière place. Elle se situe juste devant la Hongrie et la Slovaquie (29) .

Selon la FEB, les causes de cette situation ne sont pas liées aux structures économiques ni aux caractéristiques de la main-d'œuvre en Belgique. La situation est la résultante d'une politique particulière qui a conduit les plus âgés hors du marché du travail.

Mme Kohnenmergen épinglera d'abord les tensions salariales très élevées entre les jeunes et les travailleurs âgés.

Ensuite, l'accès à la formation des travailleurs âgés est plus limité à partir d'un certain âge, en raison notamment de l'attitude des employeurs mais également d'un investissement personnel moindre de la part des travailleurs âgés.

Troisième élément: le niveau du revenu de remplacement par rapport aux revenus de l'activité. On constate une différence relativement peu élevée entre une personne âgée qui travaille et une personne qui bénéficie soit d'une indemnité en tant que chômeur âgé, soit d'une prépension.

Le revenu moyen de la prépension s'élève à 75 % environ d'un revenu moyen de 1 780 euros brut par mois.

Pourquoi est-il nécessaire de modifier la politique de fin de carrière ?

Au niveau macroéconomique, d'abord, pour assurer la viabilité de la sécurité sociale. D'après les estimations de la FEB, à politique inchangée, le vieillissement de la population devrait entraîner, à moyen terme, c'est-à-dire vers 2030, un coût supplémentaire au niveau du produit intérieur brut de 3,8 %, ce qui conduirait à une augmentation des cotisations sociales de quelque 13 %, alors que les entreprises belges connaissent déjà un handicap concurrentiel de leur coût salarial par rapport aux proches voisins.

Deuxième raison: les tensions sur le marché du travail. Le risque d'être confronté à des pénuries de qualifications est réel: pour des raisons démographiques, les jeunes ne pourront assurer la relève des travailleurs salariés qui quittent précocement le marché du travail.

Le problème sera déjà aigu en 2010.

Il faut également éviter une explosion des coûts dans la branche chômage. En effet, quand les personnes sont mises en prépension, elles bénéficient d'une allocation de chômage, majorée d'un complément payé par le dernier employeur, ou se retrouvent au chômage. Dès lors, pour aligner la situation des uns et des autres, on a augmenté l'indemnité chômage des travailleurs plus âgés.

On pourrait se poser la question de savoir si, d'un point de vue mathématique, le fait de relever le taux d'activité des âgés ne nuira pas aux jeunes. Si on la compare aux autres pays européens, la Belgique connaît à la fois un taux d'activité des âgés très bas et un taux d'activité des jeunes relativement élevé (30) .

Sur le plan microéconomique, la Belgique a avantage à retrouver le contrôle des licenciements. Le système de prépension instauré en 1974, à une période où l'on avait vraiment besoin de promouvoir le travail des jeunes, a fait que le nombre de conventions collectives conclues au niveau sectoriel et d'entreprise a explosé. Les prépensions ont été extrêmement nombreuses et n'ont plus nécessairement servi le but initial. Chaque restructuration — et c'est encore le cas aujourd'hui — conduisait, de manière linéaire, à la mise à l'écart des personnes d'un certain âge, indépendamment d'autres facteurs utiles à l'entreprise et aux individus, par exemple, l'expertise, les connaissances, notamment en ce qui concerne l'histoire de l'entreprise. L'âge tombe comme un couperet, uniquement parce que la réglementation le permet.

On peut également craindre des risques de tensions salariales, selon Mme Kohnenmergen. En effet, en se privant de l'expérience des travailleurs âgés, l'offre de main-d'œuvre diminue, ce qui pourrait conduire à devoir payer très cher les personnes que l'on souhaite vraiment garder.

Enfin il faut limiter l'augmentation du coût salarial. Or, tous les éléments que Mme Kohnenmergen a cités sont constitutifs d'une telle augmentation, que ce soit le risque d'une hausse des cotisations sociales ou la tendance salariale inflationniste.

Il est urgent d'aborder cette problématique et ce, au moyen d'une vision à long terme. Les problèmes risquent d'apparaître dès 2010. Les reformes doivent se faire progressivement, car dans une matière aussi délicate qui concerne la vie des personnes, on ne pourra imposer des modifications drastiques de la réglementation du jour au lendemain. Il faudra agir au niveau tant de l'offre que de la demande de main-d'œuvre. Cette politique doit suivre plusieurs axes. Il ne suffira pas de préconiser une modification de la réglementation de la prépension. Par ailleurs, la FEB demande que le pouvoir politique aide à inverser la tendance.

2. Propositions de la FEB

1º Il faudrait récompenser davantage ceux qui travaillent plus longtemps et moins ceux qui travaillent moins longtemps.

La FEB pense ainsi à une espèce de bonus pension, à l'instar de ce que prévoit la France avec la « surcote » — le niveau de la pension serait plus élevé si l'on a travaillé plus longtemps et inversement.

2º Il faut mettre en place un cadre juridique qui stimule la politique du personnel en tenant compte de l'âge afin de maintenir en service les travailleurs âgés.

3º Il faut créer une plus grande dynamique du marché du travail qui soit davantage axée sur les chômeurs âgés et leur retour au travail, même si l'effet ne se fera probablement ressentir qu'à plus long terme.

4º Il faut rétablir les principes de base par rapport à notre système de pensions et supprimer les « pseudo-prépensions » avant l'âge de la pension. En effet, au moment où l'on a voulu restreindre les conditions d'accès au système des prépensions, on a créé d'autres systèmes qui revenaient finalement au même, en octroyant par exemple aux travailleurs âgés, en sus de leurs indemnités de préavis, des indemnités complémentaires, les fameux « canada dry ».

5º Il faut accorder une attention toute particulière à la problématique de groupes restreints de travailleurs. Il est évident que la situation n'est pas identique dans tous les secteurs ni a fortiori dans toutes les entreprises: certaines personnes encore au travail aujourd'hui ont entamé très jeunes leur carrière professionnelle dans des secteurs où les conditions de travail sont particulièrement pénibles.

6º Il faut continuer à envisager un système de fin de carrière allégé, tel que celui auquel il a été pensé au moment de la conclusion de la convention sur le crédit-temps. L'objectif de cette convention était de permettre à chacun une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle, les travailleurs âgés bénéficiant cependant de modalités plus avantageuses dans l'espoir qu'on les maintiendrait plus longtemps au travail.

Il se fait que, dans la pratique, ce système a quelque peu dérapé et coûte extrêmement cher. Mme Kohnenmergen ne pense pas que l'on puisse envisager de l'étendre encore davantage. On a finalement créé une espèce de « pré-prépension ».

En ce qui concerne la proposition de récompenser davantage certains travailleurs, Mme Kohnenmergen a évoqué le bonus pension. Il y a évidemment la suppression progressive du complément de prépension.

Il faut songer à réduire les assimilations pour le calcul de la pension en cas de départ anticipé. En effet, on en arrive à des situations où la personne qui a travaillé jusqu'à 60-65 ans touche finalement une pension inférieure à celle qui a pris sa prépension avant 60 ans et ce, en raison de toutes les mesures d'assimilation, c'est-à-dire les périodes de prépension assimilées à des périodes de travail pour le calcul de la pension.

La deuxième proposition traite de la mise en place d'un cadre juridique qui stimule la politique du personnel en tenant compte de l'âge.

Il faudrait réfléchir dans notre droit du travail, et en particulier dans la loi du 3 juillet 1978 en matière de contrats de travail, à des modalités, des assouplissements qui permettraient de faire évoluer le contrat de travail et la fonction du travailleur selon ses desiderata, en accord avec l'employeur, sans s'accrocher nécessairement aux droits acquis, notamment le paiement de longs préavis pour les employés.

À ce sujet, la Finlande a élaboré une politique systématique qui permet de faire, à un moment donné, un bilan de carrière et de redéfinir le contenu de la fonction et, par conséquent, les droits et devoirs de chaque partie.

Il faut évidemment soutenir une politique du personnel qui augmente « l'employabilité », c'est-à-dire favoriser la formation. Il faut empêcher que les travailleurs ayant atteint un certain âge soient exclus des formations.

Il faut être attentif à tous les aspects relatifs à la santé et au bien-être au sein de l'entreprise. Dans certains secteurs, le travail peut être particulièrement lourd ou stressant; celui offert aux travailleurs âgés doit donc être adapté en conséquence.

La FEB propose également de dynamiser le marché du travail, c'est-à-dire de continuer à mener une politique d'accompagnement et de remise au travail des chômeurs âgés, ce qui sera d'autant plus important au cours de la période transitoire durant laquelle la FEB pense adapter toutes les réglementations que Mme Kohnenmergen a citées.

La FEB est d'avis qu'au sein du système de prépensions, il convient de relever progressivement les âges de mise à la pension les plus bas. Lors des restructurations, des entreprises peuvent déjà licencier à 50 ans. La FEB pense que, petit à petit, cet âge minimal devrait être relevé. Il faudrait également penser à un renforcement des conditions d'ancienneté et remonter progressivement l'âge de 58 ans afin de mettre en place le système de pension flexible entre 60 et 65 ans, et d'abandonner ce pseudo-système de prépensions avant l'âge légal de la pension.

Concernant le système du crédit-temps, Mme Kohnenmergen estime que, si on veut le poursuivre, il faudra peut-être penser à imposer une contribution personnelle aux travailleurs concernés.

7º Il faut maîtriser les voies alternatives vers l'inactivité. Quand on a fermé le robinet de la prépension en fixant des conditions d'accès plus limitatives, le nombre de chômeurs âgés a augmenté. Il faut donc éviter une dérive d'une partie des personnels vers d'autres systèmes et continuer à être attentif au contrôle de l'invalidité. Il faudra également éviter l'utilisation abusive du crédit-temps et continuer à contrôler la disponibilité des chômeurs âgés.

8º Pas de mesures liées à l'âge de la pension. Puisque l'âge effectif du départ à la retraite se situe actuellement à 58 ans, la FEB ne pense pas que relever aujourd'hui l'âge légal de la pension constituerait une solution, loin de là. Inversement, diminuer l'âge de la pension, pour les raisons financières exposées ci-dessus, ne constitue pas davantage une piste.

9º La dernière proposition traite du travail autorisé des pensionnés et des prépensionnés. Tout comme l'indique un avis unanime du Conseil national du travail, la FEB pense qu'après l'âge de la retraite, on devrait permettre le cumul entre la pension et un travail salarié ou indépendant. Mais, inversement, avant l'âge normal de la pension, c'est-à-dire 65 ans, il ne faut pas favoriser ce cumul, car ce serait une nouvelle façon d'encourager le départ précoce à la retraite, mouvement que la FEB espère renverser.

b) Échange de vues

Mme Thijs trouve étonnant le point de vue de Mme Kohnenmergen selon lequel il y a lieu de remettre les travailleurs âgés au travail. L'intervenante serait déjà satisfaite si l'on parvenait à maintenir les travailleurs actuels au travail et à faire en sorte qu'ils restent actifs plus longtemps. La proposition visant à remettre les prépensionnés au travail soulèvera pas mal de réactions. Elle demande à Mme Kohnenmergen comment on pourra atteindre cet objectif.

Mme Kohnenmergen rappelle qu'elle a fait une différence entre le maintien et le retour à l'emploi. La FEB est assez réaliste pour savoir que ce dernier objectif sera visé au cours d'une période ultérieure. Tout doit d'abord être axé sur les travailleurs qui sont actuellement au travail. Elle revient sur son énumération des pistes susceptibles d'atteindre cet objectif qui est pour la FEB prioritaire. Ceci ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'occuper parallèlement des travailleurs qui se retrouvent au chômage à 50 ou 52 ans. Toutes les mesures énumérées, tant sur le plan réglementaire qu'en matière de politique des ressources humaines, notamment le bilan de carrière et les efforts dans la formation, valent pour les deux groupes.

Mme de T' Serclaes a constaté sur le terrain que lorsque des difficultés se présentent, le système de la prépension est utilisé par les entreprises pour débaucher des travailleurs de « manière sociale ». Le système convient bien aux entreprises qui doivent faire face à des restructurations. C'est l'évidence même.

Le système étant relativement attrayant, les travailleurs font leur calcul, qu'ils soient ouvriers, employés ou cadres. Ils estiment leur chance de retrouver un emploi sur le marché du travail et constatent que le système de la prépension peut leur permettre de terminer leur carrière de façon « acceptable ».

Mme de T' Serclaes est d'avis que les propositions tendant à augmenter « l'employabilité » des personnes au-delà d'un certain âge sont intéressantes. Mais elle aimerait savoir s'il y a aujourd'hui, hic et nunc, des entreprises qui effectuent ce travail. Si une personne est un cadre de cinquante ans au chômage et se présente à l'embauche, elle ne trouvera pas une entreprise pour la recruter. Il faut vraiment être spécialisé dans un créneau extrêmement particulier, où il manque vraiment une personne qualifiée, pour avoir une chance de retrouver du travail.

Des entreprises mènent-elles aujourd'hui des actions particulières en faveur des travailleurs âgés et allant dans le sens de ce que Mme Kohnenmergen préconise ? En effet, il est bien de faire des propositions, mais il faut montrer concrètement sur le terrain que cela peut fonctionner et que les entreprises sont prêtes à faire de la place aux travailleurs âgés et à les maintenir au travail nonobstant les difficultés auxquelles elles peuvent éventuellement être confrontées.

Mme Van de Casteele souscrit aux propos de l'intervenante précédente. Le point de vue de la FEB sur la question de la fin de carrière est bien connu. On constate néanmoins, lors de contacts sur le terrain, que les entreprises elles-mêmes sont peu préoccupées par le problème des travailleurs âgés et qu'elles ne peuvent citer que très peu d'exemples d'efforts qu'elles ont consentis pour garder des travailleurs âgés au travail pour réduire le nombre de départs anticipés, pour donner une chance à des demandeurs d'emploi âgés ou pour créer des opportunités à l'intention de ceux qui jouissent d'un régime de prépension avantageux et qui ont peu de raisons de chercher des opportunités nouvelles. Mme Kohnenmergen a cité quelques exemples, mais il y a peu de propositions concrètes visant à résoudre la question de la fin de carrière.

Selon Mme Van de Casteele, les systèmes de bonus font, certes, l'unanimité, mais le dossier des périodes assimilées est beaucoup plus délicat. À l'origine, le crédit-temps servait à prolonger la carrière. Certaines périodes sont assimilées à juste titre à des périodes d'activité, mais d'aucuns, non contents d'avoir épuisé un maximum de possibilités de crédit-temps au cours de leur carrière, veulent encore bénéficier de tous les crédits-temps possibles au terme de celle-ci. L'objectif du système du crédit-temps n'est donc pas tout à fait atteint. Mme Van de Casteele aimerait connaître la position de la FEB en la matière.

On a prétendu qu'il est interdit de cumuler le deuxième pilier, à savoir la pension complémentaire, et un statut de chômeur âgé ou de prépensionné. Or, selon Mme Van de Casteele, plusieurs CCT prévoient la possibilité d'allouer des pensions complémentaires bien avant l'octroi de ce statut. Comme les employeurs ont approuvé les CCT en question, on peut se demander dans quelle mesure on remet ces conventions en question.

L'intervenante s'était réjouie que le ministre des Pensions de l'époque, M. Vandenbroucke, ait porté la limite d'âge à soixante ans, parce qu'elle espérait que cette mesure découragerait les travailleurs de quitter anticipativement la vie active. Si on conclut une nouvelle fois un grand nombre de CCT permettant de tourner cette décision, la mesure d'application de celle-ci ne fera que grossir les rangs des mesures qui ont manqué leur objectif.

Que fait la FEB pour inciter les entreprises à œuvrer à un changement des mentalités, de manière que les travailleurs âgés soient appréciés pour leur expérience et pour leur savoir et ne soient plus considérés comme une charge ? Mme Van de Casteele pense à cet égard à la problématique salariale.

Mme Kohnenmergen déclare qu'il faut tenir compte davantage de la productivité. Quelles mesures concrètes la FEB propose-t-elle de prendre en vue du démantèlement du système actuel, sachant que le travail nécessaire à cela sera un travail de longue haleine ?

Mme Kohnenmergen explique que les propositions, ce que la FEB a appelé le master plan, ne datent que de juillet 2004. La FEB travaille depuis deux ans à cette problématique. En tant qu'organisation, la FEB a dû conscientiser ses fédérations, et elles-mêmes leurs entreprises.

Les résultats d'une enquête que Mme Kohnenmergen a organisée font apparaître que très peu d'entreprises sont conscientes des problèmes que l'évolution démocratique engendrera, notamment par rapport au risque de pénurie de main-d'œuvre et toutes ses conséquences. Les entreprises sont submergées par leur travail quotidien et la plupart d'entre elles n'ont pas suffisamment de vues à moyen et à long termes. C'est la raison pour laquelle, en tant que fédération, la FEB a déjà dû faire de gros efforts pour convaincre ses membres de l'importance du problème. La FEB les a éclairés sur les raisons pour lesquelles ils avaient intérêt en tant qu'entreprises et d'un point de vue économique à modifier toutes ces tendances.

La mission de la FEB consiste davantage à influencer les politiques et l'exécutif au niveau des lois qu'à donner des lignes directrices aux directeurs du personnel, aux entreprises individuelles. Mais chaque fois que c'est possible, à l'occasion de séminaires ou autres réunions qui rassemblent des directeurs de personnel, la FEB soulève la question de savoir ce qui pourrait se faire concrètement dans les entreprises.

Certaines ont déjà réfléchi au problème et ont organisé des enquêtes auprès du personnel pour voir comment motiver les gens et les garder, par exemple.

En réponse à Mme de T' Serclaes, Mme Kohnenmergen souligne que tant que la réglementation n'aura pas été modifiée, notamment en matière de prépension, la connivence va se poursuivre. Tout le monde y trouve son compte: les employeurs qui doivent restructurer leur entreprise et diminuer leurs effectifs, les syndicats qui doivent négocier au mieux des plans sociaux dans l'intérêt des travailleurs. C'est la raison pour laquelle la FEB dit que ce cadre réglementaire doit changer. Mais c'est un objectif à long terme.

Des conventions collectives allant dans le sens opposé à ce que la FEB préconise ont encore été conclues. Cela montre de nouveau que l'objectif est à moyen terme. Les propositions de la FEB devront être intégrées progressivement.

La FEB pense aussi que les barèmes salariaux trop étroitement liés à l'âge contribuent aussi à décourager le maintien et l'embauche de travailleurs âgés. Il faut évidemment faire une analyse objective des choses, voir ce que l'on perd en expérience et en expertise, d'une part, et ce que l'on gagne au niveau salarial, d'autre part. Tout cela doit être évalué au niveau microéconomique.

II.A.2.2. Représentants des organisations syndicales

a) Exposé introductif

Mme Celien Vanmoerkerke indique que la FGTB considère le vieillissement comme un phénomène positif. Il y a cent ans, l'espérance de vie moyenne n'était que de 45 ans. Aujourd'hui, elle est de 78 ans et elle s'allonge encore chaque année d'une saison grâce au progrès social et à l'amélioration des conditions de travail et de logement.

De nos jours, lorsqu'une personne part à la pension, elle a encore vingt-cinq ans devant elle alors qu'autrefois, elle n'avait plus guère que quelques années. Il en résulte que les retraités doivent vivre pendant un quart de siècle avec une pension qui équivaut à 32 % environ de leur dernier salaire. Dans le même temps, le nombre d'actifs qui assurent le financement des inactifs ne cesse de diminuer. Le taux de dépendance passera de 2,5 actifs par inactif, à l'heure actuelle, à 1,45 en 2050. L'oratrice ne s'attardera pas spécifiquement sur le financement du vieillissement. La Commission d'étude sur le vieillissement a estimé le coût de celui-ci en se basant sur des hypothèses sujettes à interprétation, mais elle a démontré en même temps que ce coût était payable. Le vieillissement ne peut servir de prétexte pour justifier une réforme sociale et ne doit pas non plus être une source d'inquiétude.

Différentes études montrent que la population n'est pas favorable à la suppression de la prépension. Or, la prépension est souvent considérée comme la solution par excellence au problème du vieillissement. Il n'y a pas d'assise sociale pour la suppression de la prépension. Tant que le taux de chômage chez les jeunes restera aussi élevé et que les travailleurs âgés ne trouveront pas ou guère d'opportunités sur le marché de l'emploi, ce soutien ne pourra voir le jour. À l'heure actuelle, les plus de 50 ans ne représentent que 6 % de l'ensemble des recrutements. Les travailleurs âgés sont aussi singulièrement absents des statistiques relatives à la formation. Une étude du professeur Elchardus montre d'ailleurs que 40 % des prépensionnés déclarent avoir été poussés à la prépension. Le débat sur la suppression de la prépension doit absolument tenir compte de ces éléments.

La part des prépensionnés dans le groupe des inactifs âgés ne représente que 11 %. Sous l'effet d'un certain nombre de facteurs sociaux, le nombre de prépensionnés continuera d'ailleurs à diminuer. L'un de ces facteurs est le glissement de l'activité économique du secteur industriel vers le secteur des services. Le départ anticipé perdra aussi de son attractivité pour des raisons financières: on se marie de plus en plus tard, on fait construire de plus en plus tard, on doit rembourser son emprunt jusqu'à un âge plus avancé, on a des enfants plus tard et ceux-ci étudient plus longtemps.

La démocratisation du deuxième pilier des pensions encouragera les gens à rester actifs plus longtemps puisque, plus la carrière professionnelle est longue, plus les avantages issus du deuxième pilier sont élevés.

Les mesures prises doivent être fondées sur la préférence des gens. La satisfaction sur le plan du temps de travail peut motiver les gens à rester plus longtemps sur le marché du travail.

Les travailleurs âgés peuvent d'ores et déjà recourir au crédit-temps, qui prévoit des indemnités plus élevées que le système normal de crédit-temps. Ce système permet aux plus de 50 ans de mieux combiner la vie professionnelle et la vie privée, et d'achever leur carrière en douceur. Mais tous les plus de 50 ans n'ont pas droit au crédit-temps. Dans les entreprises occupant moins de 10 travailleurs, l'accord de l'employeur est requis. Le nombre de travailleurs qui peuvent avoir recours à ce système est limité à 5 % du nombre total de travailleurs. La FGTB prône l'égalité des chances pour tous les travailleurs âgés. Ils ne doivent pas être pris en compte dans le pourcentage maximum de 5 %.

La prépension à mi-temps est une autre manière d'arrêter progressivement la carrière. Elle a peu de succès chez nous. Contrairement à la Suède et au Danemark, parce qu'ici le système s'accompagne de services publics performants en matière de soins de santé. Combiner la prépension à mi-temps avec une offre de soins de santé de qualité pour les travailleurs âgés peut contribuer à maintenir plus longtemps ceux-ci sur le marché de l'emploi. Cela vaut tout particulièrement pour les femmes.

Toutefois, la prépension à mi-temps coûte cher. Le travailleur reçoit une allocation de l'ONEM et l'employeur paie le salaire à temps partiel ainsi qu'une allocation complémentaire.

Des efforts supplémentaires sont également requis sur le plan de l'accès à la formation. En Belgique, seul un travailleur sur dix a accès à la formation tout au long de sa carrière. Chez les travailleurs âgés, cette proportion est encore plus faible: les employeurs considèrent en effet qu'ils ne pourraient rentabiliser la formation d'un travailleur de plus de 55 ans.

Par ailleurs, l'accès aux formations complémentaires est encore plus difficile pour les travailleurs peu qualifiés, catégorie majoritaire chez les travailleurs âgés. C'est la raison pour laquelle la FGTB demande des possibilités de formation supplémentaire pour les travailleurs âgés, de façon à augmenter leur chance de continuer à travailler, ce qui nécessite un changement de mentalité de la part des employeurs.

La FGTB plaide également pour une humanisation du travail en équipe, en particulier pour les travailleurs âgés, ce qui peut aussi contribuer à leur maintien sur le marché du travail. Actuellement, la CCT nº 46 prévoit des conditions de retour à un autre régime que celui du travail de nuit. Malheureusement, ce dispositif ne rencontre guère de succès sur le terrain pour diverses raisons. Tout d'abord, aucune compensation financière n'est prévue. Les primes liées au travail de nuit sont perdues. Ensuite, l'employeur n'offre pas de poste de jour, soit parce qu'il n'en dispose pas, soit parce qu'il n'en cherche pas ou qu'il ne souhaite pas améliorer l'organisation du travail. C'est pourquoi la FGTB plaide également pour le droit à un travail régulier de jour pour les catégories prévues par la CCT nº 46.

La FGTB prône aussi la prépension dans certains cas particuliers, par exemple après une carrière de 38 ans, de sorte que les personnes ayant commencé à travailler très tôt puissent bénéficier d'un régime de prépension spécifique.

La FGTB demande également la mise sur pied des régimes spécifiques de prépension après des prestations de nuit ou en cas d'incapacité de travail.

Selon Mme Vanmoerkerke, le départ complet continue d'être préféré au départ partiel. C'est, d'un côté, un constat alarmant mais qui a par ailleurs le mérite de démontrer que le marché de l'emploi ne parvient pas à tenir compte des besoins individuels des travailleurs en matière de temps de travail ni des autres besoins spécifiques des travailleurs âgés.

Le groupe des travailleurs âgés est hétérogène. Il faut faire preuve de respect et prévoir des solutions sociales pour les travailleurs qui ont du mal à s'adapter à l'évolution rapide des méthodes de production et des techniques, au rythme de travail soutenu et au travail physique lourd ou stressant.

Les politiques visant à pallier les conséquences du vieillissement doivent tenir compte de l'existence de trois catégories de travailleurs âgés, à savoir les travailleurs qui souhaitent rester actifs jusqu'à un âge acceptable, les travailleurs qui sont victimes d'une restructuration au sein de leur entreprise et les travailleurs qui sont entrés très tôt dans la vie professionnelle et qui sont fatigués. Pour cette dernière catégorie tout particulièrement, il faudrait créer un statut spécial: le statut de travailleur en difficulté.

La problématique de la fin de carrière requiert un débat serein. La déclaration de politique fédérale du début du mois d'octobre dernier a garoté la concertation sociale. Le débat semblait déjà terminé avant même d'avoir commencé. Les 30 % du gouvernement ne laissent guère de marge pour la concertation sociale et aiguillent celle-ci dans une seule direction: le travailleur âgé doit coûter moins cher, être plus mobile et plus disponible. De plus, il doit payer son départ par des heures supplémentaires ou par des avantages salariaux existants. On réclame beaucoup moins d'efforts aux employeurs qui ne souhaitent pas engager des travailleurs âgés ou qui ne font pas grand-chose pour les maintenir au travail. Or, pour augmenter le taux d'emploi, il faut créer des emplois. L'économie belge a besoin d'employeurs plus dynamiques et de davantage d'innovation, de qualité et de concurrence.

Le relèvement du taux d'activité des travailleurs âgés n'est qu'un des aspects du débat sur le vieillissement et doit être abordé dans sa globalité. D'ailleurs, à côté des travailleurs âgés, il y a encore d'autres groupes à risque: les jeunes, les allochtones, les femmes. Leur taux d'activité aussi doit être relevé globalement.

À cet égard, Mme Vanmoerkerke pense au système d'enseignement pour les jeunes et à la combinaison entre la vie professionnelle et la vie familiale pour les femmes. Bien entendu, à côté de cela, il y a aussi les équipements collectifs.

La problématique du vieillissement est complexe et doit être abordée dans sa globalité. La norme de croissance du budget préconisée par le Conseil supérieur des Finances doit absolument être respectée. D'après les calculs de la Commission d'étude sur le vieillissement, une croissance annuelle de 1,5 % du PIB sera nécessaire d'ici 2010 pour pouvoir faire face aux conséquences financières du vieillissement. Il y a quelques semaines, le ministre du Budget, M. Vande Lanotte, a déclaré qu'en 2010, on n'enregistrera probablement d'excédents qu'à concurrence de 1 % du PIB. Ces propos n'ont suscité quasiment aucune réaction. C'est pourtant là que réside la solution pour garantir la viabilité financière de la sécurité sociale.

La création du Fonds de vieillissement est une étape positive dans cette direction, tant d'un point de vue financier que sur le plan de la discipline. À l'heure actuelle, le Fonds de vieillissement représente 13 milliards d'euros. Mais l'alimentation de ce fonds n'est pas garantie par la loi et sa croissance annuelle dépend de la situation budgétaire. C'est pourquoi la FGTB plaide pour que l'on adopte une loi prévoyant d'accroître annuellement les moyens financiers du Fonds de vieillissement.

Le vieillissement a également un impact sur les soins de santé. Les gens vivent plus longtemps et disposent d'une offre plus large en matière de soins de santé. Le secteur connaît également une évolution technologique. C'est surtout là que se situe le problème du coût du vieillissement. Il faut absolument prendre des mesures dans ce secteur afin de freiner la croissance explosive des dépenses. Le coût du vieillissement, calculé par la Commission d'étude sur le vieillissement, représente 3,4 % du PIB. La croissance des dépenses dans le secteur des soins de santé est estimée à 2,8 %. La croissance légale est de 4,5 % et est encore dépassée en pratique. Si l'on prenait le rythme de croissance actuel du secteur des soins de santé en considération pour le calcul de la Commission d'étude sur le vieillissement, le coût du vieillissement représenterait 6,7 % du PIB au lieu de 3,4 %. Mais on n'en parle pas ouvertement.

Les mesures annoncées par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, M. Demotte, sont au centre de l'actualité. Or, elles maintiennent seulement le budget 2005 dans les limites de la norme de 4,5 % et le budget 2004 est toujours dépassé. Le coût du vieillissement n'est pas excessif en soi, si l'on tient compte des difficultés budgétaires de la Belgique au cours de ces dernières décennies et des réformes réalisées en matière de fiscalité.

Il faut agir tout en tenant compte des résultats des réformes précédentes. Ainsi l'âge de la pension et la carrière des femmes ont-ils été alignés sur ceux des hommes. En 2009, l'âge légal de la pension sera également de 65 ans pour les femmes. L'âge de la prépension a été porté également à 58 ans. Toutefois, ces réformes n'ont pas entraîné une augmentation du taux d'activité des travailleurs âgés mais seulement des glissements à l'intérieur des différents secteurs de la sécurité sociale. Serrer la vis de la prépension sans offrir simultanément des possibilités concrètes en matière d'emploi ne résoudra pas le problème du relèvement du taux d'activité ni celui du financement de la sécurité sociale.

Le défi du vieillissement doit faire l'objet d'une approche positive, globale et sociale. Des mesures linéaires empêcheraient pareille approche. Seule une approche tenant compte du caractère hétérogène de la population active serait de nature à assurer le consensus social nécessaire à l'acceptation de réformes sociales.

b) Exposé introductif de M. Gilbert De Swert, directeur du service d'études de la CSC

M. Gilbert De Swert souligne que pour ce qui est des mesures concrètes, la CSC est pour ainsi dire sur la même longueur d'onde que la FGTB.

Il estime que ces derniers temps, on a trop tendance à ramener toute la question du vieillissement à une seule idée, à savoir faire travailler les travailleurs âgés plus longtemps. Même au sein du gouvernement, on entend dire que le vieillissement est davantage une question de marché du travail qu'une question de budget. Le phénomène doit être envisagé sous un angle plus large et le coût du vieillissement revêt d'autres dimensions que le seul emploi des travailleurs âgés. Il y a la croissance et la productivité, les finances publiques, la possibilité de financement alternatif. L'emploi ne vient qu'en quatrième position.

Avant toute chose, M. De Swert tient à dire que la CSC ne retrouve pas dans les chiffres les tensions perçues sur le marché du travail par Mme Kohnenmergen. Il donne deux exemples.

Selon les prévisions du Comité d'étude sur le vieillissement, la population en âge de travailler diminuera de 375 000 unités d'ici 2030. Or, on compte déjà actuellement 650 000 demandeurs d'emploi, dont une partie est aussi en âge de travailler. L'intervenant cite ces deux chiffres pour souligner qu'une diminution de la population potentiellement en âge de travailler n'entraîne pas nécessairement une diminution de la population active.

Pour le deuxième exemple, l'intervenant précise qu'il fait partie du groupe de travail chargé de préparer, avec la ministre, la grand débat qui se tiendra l'année prochaine. Le groupe de travail a pu prendre connaissance de données du Bureau du plan sur l'évolution de la population active jusqu'en 2030, répartie en différents statuts tels que ceux d'actif, de prépensionné, de chômeur et d'invalide sans activité. Ces catégories étaient aussi ventilées par âge. L'intervenant a constaté qu'en additionnant les personnes actives, on obtient un total de 4,3 ou 4,4 millions contre 4 millions actuellement.

Il faut donc se garder d'exagérer les tensions annoncées sur le marché du travail. Il n'est pas vrai que l'on sera confronté à de gros problèmes dès 2010.

Mme Van de Casteele déclare ne pas bien comprendre la manière dont M. De Swert présente les chiffres. Les études du Comité d'étude sur le vieillissement et du Conseil supérieur de l'emploi, au sein desquels l'organisation de M. De Swert est représentée aussi, sont pourtant on ne peut plus claires. Elle s'étonne par conséquent que M. De Swert mette en doute les chiffres qu'il a approuvés avec d'autres. Les graphiques du Conseil supérieur de l'emploi étaient très clairs: la population croît jusqu'en 2030. Passé ce cap, la situation s'améliorera sans doute d'elle-même. Toutefois, entre 2010 et 2030, le pourcentage de la population en âge de travailler décroît. Si l'on regarde en outre les chiffres de l'OCDE — et l'intervenante déplore que M. De Swert n'ait pas le courage d'en tenir compte —, on remarque que la Belgique est dernière en matière d'activité professionnelle, tant globalement qu'en ce qui concerne les tranches d'âge supérieures.

M. Gilbert De Swert réplique que la CSC n'est représentée ni au Comité d'étude sur le vieillissement ni au Conseil supérieur de l'emploi. Il n'en dispose pas moins des chiffres que ces organes ont publiés.

Il précise qu'il n'a pas prétendu que la population en âge de travailler, de 15 à 65 ans, ne diminuerait pas. Il a simplement dit qu'il n'y aurait pas nécessairement une diminution des travailleurs effectifs à l'intérieur de ce groupe. Il renvoie à cet égard aux projections que le Bureau du plan a réalisées pour le Comité d'étude sur le vieillissement et pour le conseil supérieur. Il faut faire la distinction suivante: la population en âge de travailler diminuera à partir de 2010, mais ce ne sera pas nécessairement le cas du nombre des actifs. En effet, dès à présent, ce segment de la population compte un groupe non négligeable d'inactifs. Il existe donc encore un potentiel pour faire face à la diminution globale.

Ceci l'amène à sa première prémisse, à savoir qu'il faut d'abord prendre des mesures pour promouvoir l'emploi des jeunes, des femmes et des allochtones qui appartiennent actuellement à la catégorie des demandeurs d'emploi.

Les jeunes bénéficient d'une meilleure formation, mais il subsiste trop de jeunes peu qualifiés. Un jeune sur cinq est sous-qualifié.

Il en va de même pour les femmes. En Scandinavie, par exemple, leur participation au marché du travail a commencé bien plus tôt et couvre actuellement toutes les tranches d'âge. La Belgique se situe toujours dans la phase où les femmes de 50 à 60 ans sont remplacées par des jeunes. En Scandinavie, ce processus est révolu depuis longtemps. Voilà pourquoi leur taux d'activité chez nous diffère à ce point de celui des pays scandinaves. Sans compter le rôle que joue en l'espèce le secteur non marchand, plus étoffé dans ces pays.

Le taux d'activité des allochtones est de moitié inférieur au taux moyen global des autochtones.

Les coûts liés au vieillissement doivent s'appréhender dans un cadre plus large que celui de l'emploi. Créer de l'emploi est une des possibilités de bien y faire face. Et en l'espèce l'attention doit aller par priorité aux jeunes, aux femmes et aux allochtones.

Quant aux travailleurs âgés, la CSC ne nie ni les chiffres ni les faits. Elle entend en revanche souligner que la problématique comporte trois aspects: les travailleurs âgés ont-ils la volonté, le droit et la capacité de rester au travail ?

La volonté de travailler plus longtemps devra être encouragée. La menace d'initiatives négatives, comme celle de modifier le contrat de travail, ne rendra pas le travail plus attrayant aux yeux des plus de cinquante ans.

Le « droit » de travailler est le nœud du problème. André Leysen a un jour résumé joliment la situation: « Même un Einstein, passé cinquante ans, plus personne n'en veut ». Il faudra beaucoup de temps pour changer les mentalités au sujet des plus de cinquante ans.

Le troisième aspect est la « capacité » de travailler. Les gens doivent être en mesure de continuer à travailler. Une amélioration des conditions de travail peut les y aider. Le groupe de travail trouvera, en page 5 de la note de l'intervenant, quelques suggestions, qui ont d'ailleurs été formulées aussi par Mme Vanmoerkerke (31) .

Il faut consacrer beaucoup plus d'attention à la formation. Ludo Van de Kerkhof, qui était responsable des ressources humaines chez Alcatel Bell, a constaté qu'en Belgique, 80 % de la formation a lieu au cours des cinq premières années de carrière. Après quoi, l'entreprise ne verrait plus aucune raison d'investir dans la formation, et les travailleurs de se spécialiser.

Les compétences doivent être évaluées, comme l'a déjà suggéré à juste titre Mme Kohnenmergen, et l'on doit recourir beaucoup plus à l'outplacement lors des licenciements.

Il est à espérer que l'on puisse faire appel au Fonds de l'expérience professionnelle (32) pour adapter les conditions de travail, sans oublier le temps de travail. La formule du non-marchand doit être étudiée: à partir de 45 ans, un travailleur peut réduire ses prestations tous les 5 ans, sur la base d'une formule collective applicable à l'ensemble du secteur. Il y a aussi la réduction individuelle du temps de travail. Le crédit-temps, éventuellement aménagé, est un bon instrument. La prépension n'est pas toujours indispensable. C'est une formule beaucoup plus complexe que le crédit-temps. Celui-ci peut être appliqué, dans sa forme actuelle de 4/5-temps ou de mi-temps, aux plus de cinquante ans, comme mesure transitoire entre la vie active et la retraite.

L'approche de la Finlande est intéressante à cet égard. L'on y aborde le problème dans sa globalité; toutes les instances y sont associées, aussi bien les politiciens que l'administration et les interlocuteurs sociaux. La campagne a été mise sur pied par toutes les parties. L'approche retenue présente des incitants positifs tant pour les employeurs que pour les travailleurs. Ils ont bénéficié d'enquêtes et de suggestions sur l'adaptation des conditions de travail. Les résultats ont été positifs. Une campagne qui s'étend sur quatre ans ne résoudra évidemment pas tout le problème, mais l'important est que toutes les instances y ont mis du leur pour aller dans la bonne direction et aussi que des investissements ont été réalisés pour s'attaquer au problème.

En Belgique, on dénombre aujourd'hui une trentaine de « petites » mesures; dix pour les uns, dix pour les suivants et dix (33) pour les autres. Mais on n'investit guère. Il est clair que ces trente mesures sont inspirées par des considérations d'ordre purement budgétaire. Contrairement à la Finlande, où l'on a déployé les grands moyens. La CSC veut que l'on s'engage dans cette voie-là, mais les régimes existants doivent subsister aussi longtemps que l'emploi des catégories qui cherchent actuellement du travail ne progresse pas et qu'il n'y a pas d'amélioration des conditions de travail. Autrement dit, aussi longtemps qu'il n'y aura pas de « politique globale de la carrière professionnelle » et que l'on se bornera à mener une politique de la fin de la carrière professionnelle.

Une politique globale de la carrière professionnelle pour tous les travailleurs portera des fruits, car les gens pourront alors rester spontanément actifs plus longtemps.

c) Exposé introductif de M. Bernard Noël, secrétaire national de la CGSLB

M. Bernard Noël a compris que le but de cette réunion n'était pas de refaire le débat qui a déjà eu lieu en commission des Affaires sociales de la Chambre (34) où la question a principalement été abordée sous l'angle macroéconomique. Il s'agit aujourd'hui d'aborder plus en détail la problématique individuelle, le point de vue des entreprises et des secteurs. Cependant, il lui paraît quasiment inévitable de reprendre quelques considérations d'ordre général.

À la Chambre, il lui a paru intéressant d'expliquer comment les organisations syndicales appréhendaient le phénomène du vieillissement des travailleurs, les enjeux en matière de sécurité sociale et de pensions. Il croit honnêtement pouvoir dire que le niveau de sensibilisation est extrêmement important, même si les chiffres, les statistiques, les constats à moyen ou à long terme peuvent faire l'objet de discussions. Cependant, et ce constat est largement répandu, ce dossier est très sensible sur le plan politique. L'orateur a parfois le sentiment qu'il serait beaucoup plus confortable, notamment pour le monde politique, que les partenaires sociaux trouvent des accords sur certains points. Personne n'a intérêt à se lancer des slogans à la tête dans ce dossier.

Ses collègues de la FGTB et de la CSC ont émis une série de considérations qui peuvent très largement rencontrer le point de vue du syndicat libéral.

Ce n'est d'ailleurs que normal. Les partenaires sociaux sont présents ensemble en de nombreux endroits et ils s'efforcent d'émettre des avis unanimes. En effet, il est impossible de conclure un accord s'il n'y a pas unanimité en matière de droit collectif du travail, que ce soit sur le plan sectoriel ou sur le plan interprofessionnel. Il est donc évident qu'un certain nombre de points de vue sont concordants.

Selon le syndicat libéral, la situation est certes préoccupante, mais pas absolument catastrophique. M. Noël se permet de rappeler certaines statistiques, notamment les chiffres du Comité d'étude sur le vieillissement. Si l'on considère le tableau « Projection des dépenses de pension dans l'Union européenne » en incluant les autres revenus de la population âgée de 55 ans et plus en pourcentage du produit intérieur brut, la situation de la Belgique est moins préoccupante que celle d'autres pays. Pour ce type de coûts, notre pays se situe en dessous de la moyenne européenne. Il ne s'agit pas ici d'une étude de source syndicale et il faut se projeter très loin dans le futur pour voir notre pays rejoindre la moyenne européenne dans ce pourcentage de coûts.

D'après les projections, la moyenne européenne des coûts en pourcentage du produit intérieur brut se situera, en 2010, à 10,4. Selon le Comité sur le vieillissement, la Belgique atteindrait 9,9 %. Le même comité — mais peut-on sérieusement faire des projections à 50 ans d'intervalle ? — parle d'un pourcentage européen de 13,3 % en 2050, pourcentage qui serait aussi celui de la Belgique à la même époque.

Cela étant, la population est actuellement très sensibilisée à cette question.

M. Noël rejoint ce que ses collègues de la FGTB et de la CSC ont dit quant aux différentes catégories de travailleurs de plus de 55 ans. Il n'est nul besoin d'être membre de la direction d'une organisation syndicale pour connaître ce genre de situation. Nous avons tous dans notre entourage des gens qui ont été catalogués dans l'une des diverses catégories évoquées par ses collègues de la FGTB et de la CSC.

Une grande majorité de personnes considèrent qu'il n'est pas concevable de travailler au-delà de l'âge de 58 ans ou moins, dans certains secteurs particulièrement lourds. Certaines personnes aimeraient probablement continuer à travailler si les conditions étaient meilleures. D'autres enfin sont véritablement désespérées d'avoir été « vidées » de leur entreprise, à l'occasion d'une restructuration, par exemple. Ces personnes souhaitent désespérément retrouver un emploi « convenable » mais ne répondent plus aux critères souhaités par les entreprises.

Les trois quarts des propos de la FEB ne le hérissent pas mais ils démontrent une terrifiante ambiguïté entre les points de vue développés par les organisations patronales et les réalités de l'entreprise.

Selon M. Noël, la question posée par Mme de T' Serclaes est évidemment pertinente. Quelle entreprise manifestera une véritable volonté d'occuper des personnes de plus de 55 ans ? Poser la question revient à y répondre.

D'autres pistes ont été lancées, notamment de réduire, sur une base volontaire, son activité professionnelle à partir d'un certain âge. De quoi s'agit-il ? D'occuper une fonction moins importante, d'avoir un niveau de responsabilité moindre, de remplir des tâches qui ne sont plus considérées comme extrêmement utiles ? Si même on vous a convaincu que c'est une bonne chose pour le produit intérieur brut de la Belgique ou l'avenir des pensions, n'auriez-vous pas l'impression d'être un travailleur au rabais ? L'orateur reconnaît que l'on enveloppe les choses de manière intéressante, dans certains cas. On insiste sur le coaching ou l'accompagnement des jeunes travailleurs, mais il faut reconnaître que ce phénomène est souvent perçu comme une occupation au rabais.

Le syndicat libéral a toujours été attentif aux aspects économiques et il faut reconnaître que les politiques économiques de nombreux secteurs n'ont jamais misé sur ces catégories de travailleurs.

Voici quelques jours avait lieu une intéressante après-midi d'études à l'UCL où M. Noël a notamment retrouvé des partenaires sociaux. Une catégorie de travailleurs, des cadres, des personnes ayant des revenus assez importants, ont été victimes de fermetures, de restructurations et ne retrouvent généralement pas de travail. Ils ont recours à des formules qui rencontrent un succès assez modéré en France et commencent quelque peu à se développer en Belgique. Il s'agit du portage salarial. Des travailleurs possèdent une certaine expérience; ils ont quitté leur emploi mais disposent encore d'un bon carnet d'adresses. Ils s'efforcent de trouver des clients potentiels dans le domaine de la consultance, de l'accompagnement temporaire de certaines entreprises où il s'agit de dispenser des conseils précieux, mais limités dans le temps.

Ils s'adressent alors à une société qui leur octroie le statut de salarié. Reste à savoir si cette procédure est ou non légale. Pendant quelques semaines ou quelques mois, ils travaillent à l'extérieur.

Une telle solution lui paraît dangereuse. Par contre, la question qui est posée est réelle: les travailleurs de haut niveau qui ont été écartés de leur travail ont-ils des chances de retrouver un emploi salarié ?

Le gouvernement a consulté les partenaires sociaux. On a demandé, parallèlement aux négociations de l'accord interprofessionnel, d'analyser toute une série de pistes potentielles sur la problématique du vieillissement. Les travaux sont actuellement en cours.

Au début de l'année prochaine, le gouvernement aimerait trouver des solutions. Il a lancé une série d'idées qui ont été examinées par des groupes de travail techniques. Il peut être intéressant d'examiner toutes les mesures individuelles qui se trouvent sur la table. On n'en est pas encore à un stade où il faut donner une réponse affirmative ou négative mais les pistes actuelles permettent-elles déjà aujourd'hui la recherche d'une solution cohérente ?

Que les mesures proposées soient nombreuses — il y en a une trentaine — n'est pas une mauvaise chose. Le syndicat libéral est persuadé que quelques grandes mesures ne suffiront pas à régler le problème. Ce n'est pas en donnant des incitants négatifs qu'on trouvera une solution. Ceux qui espèrent régler ce problème en mettant un terme aux prépensions sans que la situation ait fondamentalement changé, prennent un risque politique majeur et une grande responsabilité vis-à-vis de la problématique du chômage dans son ensemble.

Il n'est pas réaliste de vouloir résoudre le problème des travailleurs âgés sans s'attaquer aux problèmes qui touchent d'autres catégories. Il n'est pas exclu qu'un travailleur puisse être motivé à l'idée de travailler plus longtemps si cette formule s'accompagne d'un « bonus ». Toutefois, M. Noël craint que l'on ne puisse pas espérer grand-chose de formules consistant à compenser un revenu moindre par une diminution des prestations.

Il est relativement naïf d'espérer que des gens acceptent de se retrouver dans une catégorie de revenus nettement moindre. Les gens sont ainsi faits qu'ils tâchent de conserver une bonne autonomie financière. Il n'empêche qu'on peut faire une distinction entre le « revenu poche » et le salaire que doit finalement payer l'entreprise.

Au cours des semaines et des mois à venir, le débat devrait avancer sérieusement. C'est de la conjonction de toute une série de mesures que devraient pouvoir sortir des pistes crédibles et surtout, comme le dit M. De Swert, il faut que le politique, les patrons et les syndicats tiennent un même langage afin de mener des campagnes efficaces en la matière.

Par ailleurs, pourquoi continuer à nous flageller en Belgique en disant que nous sommes les plus mauvais dans tel ou tel domaine si l'on compare nos chiffres avec ceux de l'étranger ? Si l'on fait à chaque fois l'impasse sur des données incontestables, comme la productivité, il peut difficilement admettre, en tant qu'organisation syndicale et en tant que syndicat libéral, qu'on continue à puiser, dans les statistiques, les données qui conviennent ou non.

Il est clair que les hauts niveaux de productivité que nous avons obtenus ont un prix.

Soudain, à l'occasion de la Saint-Nicolas, voilà qu'on trouverait des solutions rêvées pour les quinquagénaires. Les travailleurs de 50 ou 55 ans se rendent parfaitement compte que les entreprises ne tiennent pas à les garder.

Aujourd'hui, il faut convaincre des personnes plus jeunes auxquelles on impose des rendements absolument invraisemblables. Ceux qui affirment que la flexibilité est insuffisante, ignorent parfois totalement ce que permet la législation et ce qu'est la réalité dans les entreprises. Ils font preuve d'une naïveté surprenante dans ce domaine.

M. Noël s'imaginait naïvement que, dans un petit pays, les problèmes de mobilité devaient être relativement peu importants par rapport à ceux rencontrés dans des pays ou des plus grands. Il n'en est rien. La Belgique figure dans le peloton de tête des pays dont les habitants passent trop de temps dans les déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail. Tout cela fait probablement partie du contexte.

d) Échange de vues

Mme Van de Casteele estime que les partenaires sociaux qui sont représentés ici contribuent à faire du vieillissement un sujet sensible. Tous les partis, ainsi que le gouvernement, ont clairement affirmé qu'il n'était pas question de toucher aux contrats en cours ni au prépensions existantes. Sans doute ce message n'est-il pas encore suffisamment ancré dans l'esprit de la population, raison — parmi d'autres — pour laquelle le dossier est si sensible.

Selon Mme Vanmoerkerke, le problème du vieillissement ne peut pas être une source d'angoisse et aucune assise sociale ne permet une quelconque modification des systèmes actuels de retraite anticipée.

Mme Van de Casteele se permet de mettre en doute cette affirmation. N'est-il vraiment pas possible de faire comprendre clairement à la population qu'il existe effectivement un problème, mais que nous tenterons, en tenant compte des problèmes spécifiques de tous les groupes concernés, d'unir nos forces pour parvenir au même niveau que les autres pays européens ? La durée moyenne de la carrière professionnelle en Belgique est inférieure de quatre ans à la moyenne des 15 pays de l'Union européenne. Or les conditions de travail ne sont pas plus dures chez nous que dans d'autres États européens. Aucun élément objectif ne permet de justifier une carrière plus courte des travailleurs belges.

Mme Van de Casteele se dit prête à discuter de tous les aspects du dossier et à rechercher des solutions pour des groupes spécifiques, mais il faut avoir le courage de faire savoir à qui veut l'entendre que nous devrons travailler plus longtemps si nous souhaitons maintenir notre système de sécurité sociale. Peut-être les travailleurs seraient-ils disposés à travailler plus longtemps si cela permettait de financer également les nouvelles technologies dans le domaine des soins de santé.

D'autre part, l'intervenante n'est pas du tout certaine qu'il n'y ait pas d'assise sociale. Les jeunes sont bel et bien préoccupés par la viabilité de la sécurité sociale. Ils ont l'impression que c'est d'eux qu'on attend la solidarité et qu'ils devront travailler plus longtemps. La génération des babyboomers a connu une carrière professionnelle de courte durée. Les personnes de cette génération ne sont entrées dans le monde du travail qu'après la guerre. Elles ont connu une période de prospérité économique et ont pu se constituer un patrimoine. Les jeunes craignent d'être les victimes d'un jeu de dupes. Les syndicats doivent se rendre compte que c'est aussi l'avenir des jeunes qui est en jeu.

Les travailleurs indépendants ne peuvent pas bénéficier d'un système de fin de carrière intéressant et ils travaillent en moyenne plus longtemps. Les organisations représentatives des indépendants qui ont pu s'exprimer ont évoqué le cas poignant de certaines personnes obligées de travailler plus longtemps. On constate évidemment aussi des différences considérables au sein du groupe des indépendants.

Les travailleurs des PME ne se voient pas davantage proposer des régimes de fin de carrière confortables, ce qui constitue en fait une discrimination.

On prétend que 40 % des travailleurs sont poussés vers la sortie contre leur gré. Si cette affirmation est exacte, les syndicats doivent eux aussi faire monter la pression en faveur d'un allongement de la carrière. Lorsqu'il s'agit d'indiquer ce qui pousse des travailleurs à opter pour la retraite anticipée, Mme Vanmoerkerke évoque uniquement, dans son exposé, les « effets de repoussoir » (push factors). Ces facteurs existent, certes, mais on omet de dire que les travailleurs sont véritablement poussés à l'inactivité tellement celle-ci est devenue attrayante. C'est regrettable. Le débat serait plus honnête si l'on reconnaissait que les régimes de fin de carrière sont plus attractifs en Belgique que dans les autres pays de l'Union européenne. Il s'agit en effet du seul critère objectif de comparaison avec les autres pays. La note précise qu'il n'y a que 11 % de prépensionnés, mais sans indiquer d'âge. Dès lors, que vaut ce chiffre ? Car il n'y a pas que le problème de la prépension. Pour pouvoir obtenir des résultats, il faut aborder en même temps la problématique des régimes Canada dry, le problème des chômeurs âgés et tous les autres systèmes de fin de carrière.

Mme Van de Casteele appelle de ses vœux un débat honnête, où l'on reconnaîtrait les problèmes et tenterait ensemble de promouvoir une plus longue durée de la carrière, en tenant compte des problèmes spécifiques.

L'exposé de Mme Vanmoerkerke abordait également le taux de chômage élevé chez les jeunes. Cette réalité est évidemment regrettable et il y a beaucoup à faire pour remédier non seulement à ce problème, mais aussi à celui du chômage des allochtones et des femmes. Ce n'est pas une question de choix mais bien d'application conjuguée. L'OCDE ne dit rien d'autre lorsqu'elle démontre que là où il y a plus de travailleurs âgés, il y a aussi plus de jeunes travailleurs. Or, en Belgique, on continue de brandir l'alibi du chômage des jeunes pour maintenir la prépension. Cet argument n'est pas pertinent.

En ce qui concerne les propositions gouvernementales, Mme Van de Casteele se réjouit de constater que M. Noël s'est prononcé moins négativement que Mme Vanmoerkerke sur les 30 points avancés par le gouvernement. En effet, ces propositions ne visent pas seulement à rendre les travailleurs moins chers, plus mobiles et plus disponibles. Le gouvernement a tenté ici de réfléchir au problème de manière créative et d'inciter les partenaires sociaux à faire de même. Les propositions ne sont pas à prendre ou à laisser. Au contraire, d'autres propositions qui permettraient d'atteindre le même résultat peuvent être discutées. L'oratrice déplore toutefois l'accueil si négatif qui leur est réservé.

Ce qui importe surtout, c'est que les activités professionnelles soient rémunératrices. La différence entre ce que reçoit le non-actif et la rémunération du travailleur est devenue trop ténue à partir d'un certain âge. Il faut donc tout mettre en œuvre pour rendre au travail un certain attrait financier. On a déjà fait suffisamment de propositions en la matière.

Mme Van de Casteele formule ensuite quelques remarques concernant la question des emplois de fin de carrière. Elle a déposé une série de propositions de loi (35) visant à maintenir la prépension à mi-temps comme une forme d'emploi de fin de carrière. On a déjà dit ici que ce n'est pas la prépension qui est nécessaire, mais une plus grande souplesse dans la formule du crédit-temps pour les travailleurs âgés.

L'intervenante aimerait savoir en quoi consiste concrètement, pour M. Noël, la différence entre les deux formules. En effet, elles sont toutes deux basées sur le principe de l'octroi d'une allocation pour la quotité non prestée en cas de passage au régime de travail à quatre cinquièmes ou à mi-temps. De plus en plus, il faut tenter de mettre au point des formules qui permettent aux gens de travailler à temps partiel ou à mi-temps à partir d'un certain âge, mais l'intervenante ne comprend pas très bien pourquoi on fait une distinction si importante. Si, dans le cadre du crédit-temps, on se heurte au seuil de 5 %, qui n'existe pas en cas de prépension, pourquoi n'utilise-t-on pas plutôt cette formule ?

Un deuxième aspect, lié au précédent, est que le crédit-temps était destiné au départ à maintenir les gens plus longtemps au travail. Dans quelle mesure faut-il tenir compte du nombre de jours assimilés que l'intéressé a comptabilisés durant des périodes antérieures de sa carrière, avant d'accorder à tout le monde le droit au crédit-temps avant la retraite ?

Mme Vanmoerkerke affirme que la prépension doit demeurer possible au terme d'une carrière professionnelle normale, c'est-à-dire une carrière de 38 ans. Existe-t-il des chiffres à ce propos ? Quelle est, aux yeux des syndicats, une durée de carrière professionnelle acceptable ? Au sein de l'Union européenne, la durée d'une carrière complète est encore supérieure à 40 ans. L'intervenante estime dès lors que cette durée de 38 ans est insuffisante, surtout si l'on veut appliquer le système souplement.

Il y a une discrimination entre les travailleurs qui prennent leur retraite anticipée au prix d'une partie de leur pension et ceux qui peuvent bénéficier d'un régime de fin de carrière en conservant leurs droits à la pension grâce au système des jours assimilés. M. Noël n'estime-t-il pas qu'il faut mettre fin à cette discrimination ?

Mme de T' Serclaes regrette que les représentants de la CSC et de la FGTB soient partis et que les sénateurs n'aient pas eu l'occasion de discuter avec eux également.

Elle remercie donc ceux qui sont présents et qui se prêtent à la discussion. Celle-ci est d'autant plus nécessaire après l'intervention de la représentante de la FEB, Mme Kohnenmergen. L'oratrice est en effet d'accord avec elle mais les entreprises ont-elles compris ce point de vue ? Comme l'a indiqué Mme Kohnenmergen, un travail de sensibilisation qui s'avère utile doit être effectué. Comme le rappelle l'Europe, la Belgique n'est pas toute seule sur une île. Nous vivons dans une société mondialisée. Quelles seront les possibilités de travail en Belgique, dans dix ou quinze ans ? Quelles entreprises subsisteront dans notre pays quand il ne restera plus que les services publics ou les entreprises qui ne peuvent absolument pas déménager ? Ce type de débat me semble par conséquent utile.

Comme chaque fois, Mme de T' Serclaes ajoute que le débat s'axe sur la situation des salariés. Celles des indépendants et du secteur public sont fort différentes. La situation de ce dernier pèse culturellement sur l'ensemble du débat. Un tiers de la population travaille en effet dans ce secteur. Or, les règles qui le régissent prévoient que, grâce à une accumulation de crédits, ses employés peuvent partir beaucoup plus tôt à la retraite. Cela rend jaloux ceux qui sont plus âgés et qui sont obligés de continuer à travailler. Cela pèse aussi sur le débat. Il faut adopter une vision globale.

Par ailleurs — ce sujet n'a pas encore été abordé —, il convient de tenir compte de toutes les conditions, de celles posées dans l'entreprise, mais aussi des conditions extérieures. Mme de T' Serclaes vise d'abord la mobilité. Plus les travailleurs deviennent âgés, plus pèsent sur eux les conditions extérieures, liées aux transports, aux trains, aux bus, aux embouteillages. Il faut envisager cette problématique dans l'analyse globale. Peut-être les mentalités changeront-elles sous la pression des papy-boomers et des mamy-boomers ?

On vit dans une société où le modèle social est le jeune de 14 ou 15 ans. Cela change un peu, on le voit déjà dans la publicité. Tout le monde en subit néanmoins l'influence. La publicité véhicule un discours où les jeunes sont plus dynamiques, apportent des tas de choses et dans lequel les vieux sont tolérés. Qu'ils aillent s'amuser ailleurs, qu'ils dépensent leur argent en croisières, s'ils en ont la possibilité ! C'est le modèle ambiant. Il faut s'en rendre compte.

Mme de T' Serclaes pense que les jeunes vivront dans une société différente de celle qu'ont connue les plus de cinquante ans d'aujourd'hui. Ils savent qu'ils devront être plus mobiles, multilingues mais ils veulent néanmoins avoir une vie à côté du travail.

On devrait donc réfléchir à la notion de plan de carrière de sorte que l'on puisse satisfaire sa volonté de rester au travail tout au long de sa carrière mais en bénéficiant d'assouplissements nécessaires en fonction de l'étape du cycle de vie.

C'est là que les pistes lui semblent les plus intéressantes. Il faut sortir du schéma actuel dans lequel finalement, puisque le travail coûte beaucoup aux entreprises, celles-ci pressent le « citron » à fond. Cela se passe à tous les niveaux. Par rapport à la situation d'il y a dix ou quinze ans, les gens qui parlent de flexibilité ne se rendent pas compte de ce qui est demandé aujourd'hui aux travailleurs à tous les niveaux. Cela a des effets: les travailleurs deviennent malades, prennent des congés de maladie, font des infarctus, etc.

Les politiques doivent s'occuper de l'organisation de la société, avec les entrepreneurs, et les syndicats, et doivent mener un débat de société pour examiner la manière de concevoir le travail avec ses rigidités, avec la flexibilité, avec la protection des travailleurs sans oublier la question du revenu puisque c'est ce qui est déterminant dans la décision de rester ou non au travail. Ce qui est discuté dans le groupe de travail servira à alimenter ce débat. Il faudra arriver à trouver la bonne articulation entre la vie active et la vie non active dans le futur.

La présidente, Mme Geerts, soutient le plaidoyer de Mme Van de Casteele en ce qui concerne notre mission sociale commune. Indépendamment de la discussion concernant les trente mesures proposées par le gouvernement, elle estime que la déclaration de politique générale du gouvernement du 12 octobre 2004 contient une série de lignes directrices claires. Premièrement, l'âge légal de la retraite n'est pas modifié; deuxièmement, les droits acquis ne sont pas remis en question; et troisièmement, une attention spéciale sera toujours accordée aux catégories sociales particulières. Dans ce cadre, tout le monde doit quand même pouvoir se rallier au message global. L'intervenante sait qu'il peut encore y avoir discussion sur les instruments à utiliser, mais il est important que tout le monde véhicule le même message.

Selon Mme Vanmoerkerke, un départ à la retraite pur et simple serait préférable à un système de départ partiel. Mme Van de Casteele affirme en revanche que ce que l'on souhaite, ce ne sont pas des systèmes de fin de carrière à mi-temps, mais des systèmes qui permettent de maintenir les gens au travail à mi-temps. Cela ne va pas de soi.

M. De Swert affirme d'une part qu'il est favorable à un bonus pour ceux qui travaillent plus longtemps, mais il s'oppose, d'autre part, à un système de bonus-malus en fonction de l'âge. Que pense-t-il d'un système de bonus-malus sur la base de la carrière ? Si un bonus est possible, un système de malus ne devrait-il pas l'être tout autant ?

Mme Vanmoerkerke voyait d'un œil critique les systèmes proposés dans les trente points du gouvernement, qui reviennent en fait à épargner du temps, en convertissant par exemple les heures supplémentaires en congés supplémentaires. Comment les autres intervenants se situent-ils par rapport à cela ?

M. Bernard Noël précise que Mme Van de Casteele se demande si les syndicats ne contribuent pas à rendre ce dossier aussi sensible. Il est évident que les syndicats pratiquent la concertation. Mais il est heureux pour les organisations patronales et les partis politiques que les syndicats osent prendre leurs responsabilités dans des dossiers importants. Mme Van de Casteele a-t-elle déjà réfléchi à la manière dont le débat sur les retraites est mené dans d'autres pays ?

M. Noël croit qu'en Belgique, les organisations syndicales prennent leurs responsabilités. Les organisations patronales et syndicales se retrouvent dans les organes de gestion, ce qui est une bonne chose, alors que dans d'autres pays, le débat se réduit à des slogans.

M. Noël tient formellement à dire que les partenaires sociaux font un travail de sensibilisation et qu'ils essayent d'informer les gens le plus complètement possible dans ce genre de dossier. M. Noël croit que beaucoup de gens qui voient ce dossier de l'extérieur n'ont pas encore réellement pris la mesure de ce qui se passe dans les entreprises à l'occasion d'un licenciement collectif ou autre problème.

Chaque semaine, des entreprises contactent les syndicats. Ce sont souvent des PME, qui n'ont pas de représentants syndicaux en leur sein, ou l'un ou l'autre travailleur, afin de voir quelle solution honorable pourrait être dégagée pour telle ou telle situation.

Les syndicats se réjouissent évidemment de la déclaration du gouvernement selon laquelle on ne dérogera pas au système de prépension existant. La CGSLB est en effet loin d'affirmer que les 30 points n'auraient aucune valeur ou que le gouvernement serait antisocial. Elle constate que le gouvernement travaille lui aussi avec circonspection et espère que les partenaires sociaux l'aideront.

La CGSLB n'a jamais eu de réaction doctrinale en disant que le développement d'un troisième pilier de pension était dangereux en raison du risque de démolir les pensions légales. Le développement d'un deuxième et d'un troisième pilier doit avoir lieu, mais il ne signifie pas ipso facto le démantélement de systèmes existants.

M. Noël croit que, quand un ministre dit aujourd'hui que, pour le deuxième pilier, il conviendrait peut-être de s'écarter de certains modes de paiement lorsqu'on bénéficie du capital, il sème le trouble chez les gens.

Des partenaires sociaux, patrons et syndicats, disent que l'on ne peut continuer à tout miser sur une sécurité sociale à laquelle on ne touche jamais, y compris son mode de financement, que le développement d'autres choses constitue un danger larvé, etc. En tant qu'organisation syndicale, la CGSLB partage cet avis. Il faut prendre cette responsabilité, mais elle demande aussi qu'on ne lui mette pas des bâtons dans les roues.

Parmi les 30 mesures proposées par le gouvernement, certaines sont parfaitement réalistes, d'autres sont naïves. Un bon nombre de points pourraient effectivement être retenus pour l'avenir. Aucune des organisations syndicales, et certainement pas la CGSLB, ne refuse le débat. M. Noël croit d'ailleurs que le gouvernement n'attend pas que l'on tranche sur tous ces points avant la fin de l'année mais plutôt que l'on complète par des notes et observations. Quelles données faut-il ajouter pour que le dossier soit bien documenté afin de pouvoir poser des choix au début de l'année prochaine ? En tant qu'organisation syndicale, la CGSLB s'inscrit parfaitement dans ce scénario.

D'aucuns prétendent que patrons et syndicats s'entendent pour faire endosser le coût des prépensions par l'État. Ces propos paraissent peut-être provocateurs, mais s'il devait exister une telle conjuration, le monde politique devrait aussi être impliqué, selon M. Noël. Nul n'ignore le rôle important qu'a joué le dossier des prépensions dans de nombreuses grandes entreprises, y compris en Flandre. S'il n'en avait pas été ainsi, une bonne partie du pays aurait été fortement secouée.

Des analyses approfondies sont-elles nécessaires pour savoir si les prépensions mi-temps sont plus ou moins intéressantes que d'autres formules permettant de réduire l'activité professionnelle ? M. Noël préfère être prudent aujourd'hui, notamment à propos de la longueur de la carrière professionnelle. Il lui paraît plus raisonnable de parler de longueur de carrière que d'âge.

Combien d'années la carrière doit-elle durer ? Comme cette question doit encore faire l'objet d'un large débat, il n'est pas opportun de citer des chiffres dès à présent. En revanche, le moment est venu de confronter les diverses hypothèses et de voir pourquoi certaines formules sont particulièrement intéressantes sur le plan fiscal ou parafiscal, et d'autres non. Il existe incontestablement des propositions que les syndicats ne peuvent accepter, mais il n'y a actuellement aucune alternative crédible. Les syndicats sont disposés à débattre de ce qu'il y a lieu de faire dans le futur.

Mme de T' Serclaes a indiqué qu'il fallait également tenir compte de tout ce qui tourne autour de l'entreprise. M. Noël fait référence au problème de la mobilité, qui a été démontré statistiquement. On a également constaté qu'en réalité, le temps de travail est plus important en Belgique que ne l'imaginaient d'aucuns. Tel est également le cas du problème de la mobilité qui peut sérieusement affecter les travailleurs, en particulier à partir d'un certain âge.

Quant au plan de carrière, l'idée est séduisante a priori. Elle a souvent été mise en avant dans le monde patronal. À certains moments, on assiste à des pics d'activité. Ne serait-il pas possible de constituer une espèce de cagnotte qui servirait en fin de carrière ou en cours de carrière, à des moment où l'on peut travailler un peu moins ou gagner un peu moins ? Le problème est la mise en œuvre de cette idée. D'abord, parce que l'on ne peut pas toujours se forger une conception idéale de la manière dont on voudrait planifier sa vie. Ensuite, parce que ce genre de projet n'est pas nécessairement réalisable techniquement, à moins par exemple que tout le monde puisse travailler toute sa vie au même endroit. La réalité est tout autre. Les gens sont de plus en plus amenés à changer d'emploi. Par ailleurs, il serait quelque peu naïf d'espérer pouvoir convaincre un nouvel employeur que dans quelques années, il devra tenir compte du fait que l'on a travaillé dans de nombreuses entreprises d'un autre secteur pour faire plaisir à son ancien employeur. Par contre, on peut imaginer des formules permettant de constituer des réserves, par exemple en centralisant certains fonds. Le problème majeur lui paraît essentiellement de nature technique.

Il serait utopique de rechercher des solutions par le biais du crédit-temps et des heures supplémentaires lorsque les gens changent d'emploi. Tout le monde ne travaille pas toute sa vie au sein de la même entreprise. Pour ce qui est des fluctuations des prestations sur une base annuelle, trimestrielle ou hebdomadaire, le système belge est très souple si on le compare à celui qu'appliquent bon nombre d'autres pays. Il y a toujours discussion à ce sujet. M. Noël estime qu'il serait très difficile d'épargner des heures supplémentaires à beaucoup plus long terme. Il est impossible de tenir compte de la sorte des besoins des entreprises.

Du point de vue des entreprises, le nœud du problème réside dans le coût du travailleur âgé. La question est de savoir si l'on peut encore diminuer les charges sociales.

Peut-on dire à un travailleur âgé qu'il est un has been en raison de son âge et qu'il devra désormais s'occuper de coaching et gagnera moins ? Tous ces facteurs rendent le problème très complexe.

II.A.2.3. Mme Anne Vanderstappen, conseillère « Affaires sociales », service d'étude de l'UNIZO, et M. Pierre Colin, secrétaire général, Union des Classes moyennes

a) Exposé introductif de Mme Anne Vanderstappen, conseillère « Affaires sociales », UNIZO

Mme Vanderstappen expose la problématique des travailleurs indépendants âgés, à la lumière des sept points suivants:

— pension minimum

— adaptations au bien-être

— retraite anticipée

— soins de santé

— pension complémentaire

— unité de carrière

— périodes assimilées.

Pour chacun de ces thèmes, elle met en évidence la discrimination existante entre indépendants et salariés.

1. Pensions minimums

Les plus récentes décisions prises en la matière par le gouvernement fédéral peuvent être schématisées comme suit:

— il est prévu une augmentation de 27 euros pour un isolé et de 33 euros pour un ménage le 1er septembre 2004, le 1er décembre 2005, le 1er décembre 2006 et le 1er décembre 2007. Au 1er décembre 2007, les isolés auront donc bénéficié d'une augmentation de 108 euros, et les ménages d'une augmentation de 132 euros;

— au 1er octobre 2004, la pension minimale au taux ménage s'élève à 890,05 euros par mois pour un indépendant et à 1 061,33 euros par mois pour un travailleur salarié, ce qui représente une différence de 171,28 euros par mois. Le 1er décembre 2007, cette différence sera encore de 72,28 euros par mois au détriment de l'indépendant. Au 1er octobre 2004, la pension minimale au taux isolé s'élève à 669,92 euros par mois pour un indépendant et à 849,33 euros par mois pour un travailleur salarié, soit une différence de 179,41 euros par mois. Le 1er décembre 2007, cette différence sera encore de 98,41 euros par mois.

2. Adaptations au bien-être

Le gouvernement fédéral a décidé de procéder, dès 2006, à une adaptation au bien-être sélective pour les travailleurs indépendants. Pour les travailleurs salariés, une adaptation au bien-être de 2 % au 1er septembre 2005 a été décidée pour les pensions ayant pris cours en 1997, au 1er septembre 2006 pour les pensions ayant pris cours en 1998 et 1999 et au 1er septembre 2007 pour les pensions ayant pris cours en 2000 et 2001.

3. Retraite anticipée

Mme Vanderstappen souligne que les travailleurs indépendants sont victimes d'une lourde discrimination par rapport aux autres catégories professionnelles, du fait qu'ils sont pénalisés de 5 % par année de retraite anticipée. Cette pénalisation n'existe pas pour les travailleurs salariés. En outre, les fonctionnaires peuvent bénéficier de bonus s'ils restent plus longtemps au travail.

4. Soins de santé

Les travailleurs indépendants retraités doivent continuer à payer, avec leur modeste pension, une assurance complémentaire « petits risques »; ils sont donc victimes d'une discrimination par rapport aux travailleurs salariés et aux fonctionnaires, en ce sens qu'il n'y a pas d'assimilation pour le maximum à facturer ni pour les VIPO.

5. Pensions complémentaires

Étant donné que, dans le premier et le deuxième pilier, les pensions des indépendants sont encore inférieures à celles du premier et du deuxième pilier des travailleurs salariés, des améliorations s'imposent. Il convient d'instaurer, pour les assurances de groupe, une possibilité de back-service (c'est-à-dire une possibilité de paiement rétroactif de primes) et de front-service (possibilité de verser des primes pour les années à venir).

6. Unité de carrière

En cas de carrière mixte, les années accomplies en tant que travailleur salarié prévalent, jusqu'à présent, sur les années relevant du statut d'indépendant, même si elles sont moins intéressantes.

Mme Vanderstappen signale l'adoption, il y a un an et demi déjà, d'une loi consacrant la prise en compte des années qui sont effectivement les plus avantageuses (Moniteur belge du 24 juin 2003). Toutefois, l'arrêté royal fixant l'entrée en vigueur de cette loi ainsi que les arrêtés d'exécution se font toujours attendre.

7. Périodes assimilées

Pour les travailleurs indépendants, le service militaire est considéré comme une période assimilée dans le cas où une activité d'indépendant est entamée dans un délai de 180 jours; il en va de même pour les travailleurs salariés lorsque le service militaire est effectué dans les trois ans qui suivent le début de l'activité professionnelle salariée.

Lorsque des chômeurs âgés retournent au chômage après avoir repris une activité, on applique, pour les indépendants, un calcul basé sur une rémunération forfaitaire peu élevée et, pour les travailleurs salariés, un calcul basé sur la rémunération dont le travailleur bénéficiait avant de perdre son emploi.

b) Exposé introductif de M. Pierre Colin, secrétaire-général de l'Union des Classes moyennes

M. Colin présente un exposé sur la problématique de la fin de carrière des travailleurs indépendants.

1. Taux d'activité

Selon certaines sources, les âges moyens de départ à la retraite pour les différentes catégories professionnelles seraient les suivants:

— 62,5 et 62 ans pour les indépendants et les indépendantes;

— 56,2 et 55,3 ans pour les ouvriers et les ouvrières;

— 58,6 et 56,8 ans pour les employés et employées du secteur privé;

— 59,5 et 58,1 ans pour les employés et employées du secteur public.

Selon les statistiques 2003 de l'Inasti, les 856 655 travailleurs indépendants et aidants se répartissent de la façon suivante:

— tranche de 55 à 60 ans 10 %;

— tranche de 60 à 65 ans 5,9 %;

— au-delà de 65 ans 6,67 % du nombre total.

Entre 2000 et 2003, le nombre d'indépendants actifs après l'âge de la pension est tombé de 62 592 unités à 58 257 unités, alors que, si l'on fait abstraction de la prise en considération des conjoints aidants en qualité d'indépendants à partir de 2003, le nombre total d'indépendants est resté pratiquement stable.

Il en découle donc que sur ces quelques dernières années, le nombre d'indépendants actifs après l'âge de la pension est en régression en nombre et en valeur relative. Étant donné que la tranche d'âge 60-65 ans est actuellement moins nombreuse que la tranche d'âge active après 65 ans, cette tendance devrait se poursuivre.

2. Les revenus de remplacement des indépendants en fin de carrière

La problématique des travailleurs âgés salariés est rencontrée de différentes façons. Que ce soit l'assurance maladie-invalidité, les prépensions légales ou volontaires, ou encore l'assurance-chômage.

Dans le régime du statut social des travailleurs indépendants, les seules possibilités de revenus de remplacement sont l'assurance-maladie, les indemnités du régime de l'incapacité de travail et la pension anticipée à partir de 60 ans, en principe.

3. Avant 65 ans

Beaucoup d'indépendants connaissent des problèmes de santé. Certaines professions s'exercent dans des conditions pénibles, comme chez les travailleurs salariés. On citera les professions artisanales, de la construction, l'agriculture, sans oublier les professions libérales comme celle de médecin généraliste.

Les difficultés économiques sont aussi présentes, qu'il s'agisse de difficultés propres à l'entreprise, ou encore d'une évolution du monde économique, y compris celle qui résulte de l'évolution des technologies.

En fin de carrière, il pourrait être indispensable, pour la poursuite de l'entreprise, de consentir à de nouveaux investissements, mais ceux-ci s'avéreraient beaucoup trop onéreux vu la période restant à courir jusqu'à l'âge de la pension pour en assurer l'amortissement. En effet, la transmission de l'entreprise n'est pas nécessairement toujours possible.

Il n'existe pas de système de prépension pour les indépendants; le système de l'assurance-faillite reste un système de dépannage strictement marginal et limité dans le temps.

La problématique de la cessation d'activité entre 60 et 65 ans chez un indépendant se révèle avec plus encore d'acuité pour cette catégorie sociale. En effet, deux éléments se cumulent:

— d'une part, la faiblesse du taux de pension;

— d'autre part, le maintien d'un coefficient de réduction de la pension d'un montant de 5 % par année d'anticipation, régime de pénalité qui a été supprimé voici dix ans pour les salariés.

Ainsi, l'indépendant qui prend sa pension à 60 ans n'aura pour pension que 75 % de 40/45 d'un montant de pension minimum de base déjà inférieur à celui des autres catégories sociales.

Lorsque l'activité de l'indépendant se termine de façon involontaire avant 65 ans, le rendement de son activité économique aura été très souvent en décroissant les dernières années. Or, le mode de calcul des cotisations d'indépendant est fondé sur le revenu de référence de la troisième année qui précède celle du paiement de la cotisation. Ainsi, à la réduction du revenu s'ajoutent des cotisations perçues sur la base d'années plus fastes.

4. À 65 ans

On a vu déjà ci-dessus que la pension minimale de l'indépendant à 65 ans est faible (de l'ordre de 160 euros de moins que la pension minimale mensuelle d'un salarié).

Il en découle qu'à 65 ans, de nombreux indépendants sont tenus de poursuivre une activité économique.

5. À partir de 65 ans

La poursuite d'une activité après 65 ans peut être rendue nécessaire par l'insuffisance des revenus de remplacement perçus à ce moment.

Bien que la pension minimale de l'indépendant soit moindre, le montant du revenu promérité pour l'activité exercée après la pension par le bénéficiaire d'une pension est cependant le même pour les salariés ou les indépendants, quelle que soit par ailleurs la hauteur des revenus. Ainsi, avec une pension triple ou quadruple, un pensionné peut être autorisé aux mêmes revenus professionnels qu'un indépendant.

Une nécessité s'impose: supprimer purement et simplement les plafonds de l'activité autorisée avec perception de la pension à 65 ans.

Le régime de cotisations après 65 ans est problématique car dans la plupart des cas, l'activité et les revenus professionnels sont portés en réduction. Or, les cotisations restent calculées sur la base des années de pleine activité.

Il conviendrait de calculer les cotisations de tous les indépendants sur le revenu de l'année pour laquelle elles sont dues, comme cela se pratique déjà pour les débuts d'activité. À défaut, il faudrait appliquer, à partir de 65 ans, voire de 60 ans, le régime de calcul des débuts d'activité.

Par ailleurs, dans un certain nombre de cas, le taux des cotisations de l'activité exercée après l'âge de la pension reste le même qu'avant, alors qu'il n'ouvre pas de droit nouveau de pension.

La poursuite d'une activité professionnelle après 65 ans devrait entraîner soit un avantage supplémentaire de pension, soit une réduction systématique de la quote-part de cotisations sociales finançant le régime des pensions, soit encore un panachage des deux.

c) Échange de vues

Mme Vanderstappen précise que l'UNIZO s'oppose par principe à toute forme de discrimination. Elle estime dès lors que, dans le débat sur le vieillissement également, il faut aborder ces inégalités. Il en va de même pour la fameuse discussion sur « l'activité autorisée ».

Mme Van de Casteele aimerait savoir si Mme Vanderstappen dispose de chiffres concernant la durée moyenne de la carrière active d'un indépendant.

Mme Vanderstappen répond qu'elle a constaté, après avoir mené personnellement une petite enquête, que la plupart des indépendants travaillent en moyenne jusqu'à 62 ans. M. Colin avait évoqué le même chiffre dans son exposé introductif.

Il existe évidemment des cas extrêmes, par exemple dans le secteur de la construction, où les indépendants sont contraints d'arrêter de travailler plus tôt.

Mme Vanderstappen ajoute que le régime d'invalidité prévu pour les travailleurs indépendants belges est problématique.

Mme Geerts ayant demandé si l'on dispose d'éléments permettant de déterminer ce que l'indépendant considère comme l'âge moyen auquel il souhaiterait prendre sa retraite, Mme Vanderstappen lui répond que, selon des enquêtes, la plupart des indépendants voudraient mettre un terme à leur vie active à l'âge de 57-58 ans.

Mme Geerts souligne qu'on a constaté, dans le régime des travailleurs salariés, une discordance entre l'âge de la retraite sur le plan juridique et l'âge de la retraite dans les faits.

Le même phénomène se produit-il dans le régime des indépendants ?

M. Noreilde aimerait savoir quelle est la proportion des travailleurs indépendants qui épargnent dans le système du deuxième pilier des pensions.

Mme Vanderstappen répond que des enquêtes montrent que de 50 à 80 % des indépendants contractent des assurances complémentaires.

Mme Van de Casteele et M. Noreilde estiment tous deux qu'il faut supprimer les discriminations objectives qui existent entre le statut social des indépendants et celui des travailleurs salariés.

M. Noreilde demande également comment l'UNIZO et l'UCM envisagent le financement d'une nouvelle augmentation des pensions minimales des indépendants.

D'une façon plus générale, Mme Van de Casteele souhaiterait savoir quel serait le mode de financement idéal du statut social des indépendants.

M. Colin répond que la part des pouvoirs publics dans le financement du statut social des indépendants est insuffisante. En revanche, les pouvoirs publics participent plus largement au financement du statut social des travailleurs salariés. Un mouvement de rattrapage avait été promis, mais les chiffres montrent dès à présent que cela ne pourra pas se faire par un financement alternatif.

Mme Vanderstappen souscrit à ce point de vue et elle estime également que les moyens financiers mis à disposition par les pouvoirs publics doivent être répartis plus équitablement entre le statut social des indépendants et celui des travailleurs salariés.

L'experte qui a accompagné les travaux de la commission des Affaires sociales de la Chambre des représentants (36) , Mme Bea Cantillon, a elle aussi attiré l'attention sur les problèmes liés au statut social des indépendants et au financement des pensions de cette catégorie de travailleurs. Ainsi la solidarité des plus grands contributeurs au régime des indépendants est-elle supérieure à celle des plus grands contributeurs au régime des travailleurs salariés.

Mme Cantillon défend également le principe d'une augmentation des pensions minimales des indépendants.

Mme Vanderstappen fait valoir qu'on ne peut réaliser une telle augmentation par une solidarité encore accrue au sein du régime des indépendants sans toucher à la base du système même. Elle répète que l'État doit prendre ses responsabilités.

Mme Van de Casteele se demande si la proposition de M. Colin visant à instaurer un nouveau système de calcul des cotisations sociales des indépendants en fin de carrière active est réalisable dans la pratique.

M. Colin explique que cette proposition est inspirée par le constat inquiétant que les indépendants plus âgés réduisent souvent leurs activités de manière progressive durant les dernières années. Pendant cette période, ils perçoivent dès lors des revenus moins élevés, mais le calcul de leurs cotisations sociales est toujours basé sur les revenus qu'ils ont perçus trois ans auparavant, ce que M. Colin estime injuste. D'où son plaidoyer en faveur de l'instauration d'un système analogue à celui qui s'applique au début de l'activité du travailleur indépendant.

Selon M. Colin, l'avenir nous dira s'il est possible de modifier le système des cotisations. Mais pour lui, la première priorité consiste, pour l'État, à prévoir les moyens financiers nécessaires avant d'envisager un tel changement.

Enfin, l'intervenant demande avec insistance que l'État ne se lance pas dans une chasse aux sorcières contre ce qu'on appelle les « faux indépendants ». Il s'agit de personnes qui exercent généralement une activité indépendante à titre accessoire. Une telle politique serait néfaste pour de nombreuses activités, alors qu'on devrait au contraire saluer toute activité nouvelle.

II.A.3. AUDITIONS D'AUTRES EXPERTS

II.A.3.1. M. Ralf Jacob, chef de l'unité E/4 « Pensions et Santé », direction Protection sociale et Intégration sociale, direction générale de l'Emploi et des Affaires sociales de la Commission européenne

a) Exposé introductif

À la demande des membres du groupe de travail, M. Jacob comparera la situation en matière de fin de carrière en Belgique et dans d'autres pays de l'Union européenne, en particulier les pays scandinaves.

Pour ce faire, il s'appuiera sur le rapport du Comité de la Protection sociale intitulé « Promoting longer Working Lives through Better Social Protection Systems » (37) .

Le Comité de la Protection Sociale est un comité composé de fonctionnaires spécialisés. L'étude examine comment améliorer les systèmes de protection sociale afin de promouvoir l'allongement de la carrière active. Dans un contexte de vieillissement démographique, la viabilité à long terme des systèmes de pension et la capacité de ceux-ci à garantir des pensions adéquates dépendront de la manière dont on pourra mobiliser l'ensemble du potentiel de main-d'œuvre disponible tout en assurant un bon équilibre entre la population active et la population retraitée.

Le rapport donne un aperçu utile des différents thèmes à aborder afin que les systèmes de protection sociale puissent pleinement contribuer à la réalisation des objectifs relatifs au taux d'emploi des travailleurs âgés et à l'âge effectif de sortie du marché du travail, tels qu'ils ont été définis par les Conseils européens de Stockholm et de Barcelone. Le rapport est fondé sur les réponses que les États membres ont fournies à un questionnaire élaboré par le Comité de la Protection sociale.

Les premières données que commente M. Jacob ont trait au taux d'emploi des travailleurs âgés: voir le tableau en annexe (38) . Ce tableau montre clairement que la Belgique détient la lanterne rouge, étant donné que deux tiers environ de l'ensemble des travailleurs en Belgique quittent le marché du travail avant d'avoir atteint l'âge officiel de la retraite, à savoir 65 ans. C'est une proportion largement supérieure à la moyenne européenne, qui est de 40 %. Or, le Conseil des ministres européens de Stockholm a fixé comme objectif de parvenir à un taux d'emploi de 50 % dans la catégorie d'âge des 55-64 ans.

Sur ce plan, ce sont la Suède et le Danemark qui enregistrent les meilleurs résultats.

Les trois raisons principales de l'inactivité dans cette catégorie d'âge diffèrent d'un pays à l'autre:

— dans certains États membres, les intéressés sont mis à la retraite anticipée: c'est principalement le cas en Belgique, en Allemagne et en Italie;

— la proportion de non-actifs dans la catégorie d'âge des 55-64 ans pour motifs familiaux ou personnels est surtout élevée dans les pays du sud de l'Europe (la Grèce, l'Espagne, l'Italie, le Portugal et aussi le Luxembourg). Il s'agit essentiellement de femmes. C'est dans les pays nordiques que ce pourcentage est le plus faible. Selon M. Jacob, cela s'explique surtout par la présence, dans ces pays, d'un système d'aide sociale bien développé pour les actifs;

— une troisième raison qui explique l'inactivité dans ce groupe cible est la maladie ou l'invalidité. Sur ce point, la Finlande, le Royaume-Uni, le Danemark et les Pays-Bas obtiennent un résultat supérieur à la moyenne européenne, qui est de 6,5 %, tandis que la Suède et l'Irlande se situent largement en dessous de celle-ci.

Les données examinées en deuxième lieu concernaient les régimes actuels en matière de retraite anticipée. La majorité des régimes légaux de pensions des États membres prévoient des possibilités de retraite anticipée. Seuls le Danemark, les Pays-Bas, l'Irlande et le Royaume-Uni se caractérisent par un système fixe de pensions de base. Toutefois, dans ces pays aussi, le travailleur peut prendre une retraite anticipée, et ce, par le biais de régimes de pension privés.

Dans plusieurs pays de l'Union européenne, d'autres systèmes de sécurité sociale (par exemple le chômage ou l'invalidité) sont la cause principale du départ anticipé des travailleurs du marché du travail.

La retraite anticipée est souvent offerte en récompense d'une longue carrière professionnelle, ce qui veut dire que les principaux bénéficiaires en sont les travailleurs peu qualifiés qui ont commencé à travailler jeunes. Cette possibilité est souvent justifiée d'un point de vue social.

Les réductions actuarielles appliquées au régime de la retraite anticipée varient entre 3,6 % et 8 % du droit à la pension pour chaque année de retraite anticipée.

Une véritable flexibilité en ce qui concerne l'âge de la pension reste plutôt exceptionnelle.

Une troisième catégorie de données examinées concernait les régimes spécifiques pour les chômeurs âgés.

Dans la majorité des États membres de l'Union européenne, il existe des régimes spécifiques plus souples pour les chômeurs âgés. Souvent, ils ont droit à des allocations plus élevées et d'une plus longue durée que les chômeurs plus jeunes. Les conditions relatives à la disponibilité sur le marché du travail et à la recherche active d'un emploi sont souvent assouplies pour les chômeurs de plus de 55 ans, de sorte que le chômage se mue en retraite anticipée et que dans certains pays (par exemple le Portugal, la Finlande, l'Autriche), une pension peut être accordée sur la base du critère « chômage ».

Dans la majorité des États membres, on considère donc que les chômeurs âgés ont très peu de chances de retrouver un emploi. Une politique axée sur cette prémisse réduit la contribution des travailleurs âgés sur le marché du travail, et ce, de deux manières: elle n'accorde pas ou guère d'incitants aux travailleurs âgés licenciés afin qu'ils recherchent un nouvel emploi, ce qui a pour effet de diminuer la main-d'œuvre disponible, et incite au contraire les employeurs à licencier les travailleurs âgés de sorte que, pour eux, la demande de travail diminue.

Toutefois, l'étude a révélé que, dans ce domaine, les États membres commencent à infléchir leur politique: les Pays-Bas et la Belgique ont relevé la limite d'âge au-delà de laquelle les chômeurs âgés ne doivent plus être disponibles sur le marché du travail; l'Autriche n'autorise plus la mise à la retraite anticipée pour raison de chômage et la Finlande a relevé l'âge minimum auquel un chômeur peut bénéficier d'un mécanisme de sortie anticipée du marché du travail.

Certains États membres de l'Union européenne vont même jusqu'à mener une politique visant à réinsérer le plus rapidement possible les chômeurs âgés sur le marché du travail. Ainsi, au Danemark, les chômeurs âgés de 60 à 65 ans sont-ils obligés, après six mois de chômage, de participer activement à des programmes de remise au travail. L'Allemagne encourage les chômeurs de plus de 50 ans à retrouver un emploi en leur octroyant une indemnité compensatoire s'ils acceptent un emploi peu qualifié. En 2000, la Grande-Bretagne a instauré un système volontaire appelé « New Deal 50 plus », qui prévoit toute une série de mesures d'aide, sous la forme d'une aide à la recherche d'un emploi et d'une aide financière supplémentaire d'une durée maximale d'un an pour les plus de 50 ans qui percevaient une allocation de chômage depuis plus de 6 mois.

Toutefois, cela ne signifie pas que les régimes de chômage demeurent largement fondés sur l'idée que les plus de 50 ans qui perdent leur emploi ne seront peut-être plus jamais actifs sur le marché du travail. Certes, les chômeurs âgés ont plus de mal à retrouver un emploi que leurs cadets. Cela justifie en tout cas le maintien d'un filet social efficace, mais, selon le Comité de la Protection sociale, on ne devrait pouvoir en bénéficier que lorsqu'il est établi que les efforts d'intégration sur le marché du travail ont échoué.

L'étude montre en outre que l'invalidité est l'une des raisons principales du départ anticipé du marché du travail. En Irlande, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Finlande et en Suède, plus d'un cinquième des hommes de la catégorie d'âge des 60-64 ans bénéficient d'indemnités d'invalidité. La prévention et la réinsertion professionnelle de personnes confrontées à des problèmes de santé peuvent dès lors contribuer à relever l'âge moyen de la sortie du marché du travail. La prévention contre les risques de santé doit débuter à un âge peu avancé et porter aussi bien sur la promotion d'un mode de vie et de conditions de travail plus sains que sur le dépistage et le traitement précoces des problèmes de santé.

Or, alors que les indemnités d'invalidité sont fixées, en principe, sur la base de certains critères médicaux relatifs au taux d'incapacité, il est plus que probable, selon le Comité de la Protection sociale, que, dans la pratique, tant les conditions sur le marché du travail que la « générosité » et l'accessibilité d'autres régimes d'invalidité auront un impact sur le nombre de personnes tributaires d'une indemnité d'invalidité.

L'étude montre aussi que, s'il est vrai que les bénéficiaires d'une indemnité pourraient difficilement reprendre leur ancien travail, la plupart d'entre eux pourraient en tout cas en trouver un autre.

Différents États membres s'efforcent donc de promouvoir de diverses manières des formes de travail alternatives pour les personnes dont l'état de santé s'est dégradé. Ainsi, en Espagne, les (ex-)employeurs sont-ils tenus de garantir que l'emploi sera maintenu pendant deux ans pour le cas où la santé de l'intéressé s'améliorerait. D'autres États membres, tels que la France, appliquent des quotas pour l'emploi de personnes présentant un handicap. Le Luxembourg et les Pays-Bas imposent d'importantes obligations aux employeurs en ce qui concerne le placement de leurs travailleurs invalides.

Plusieurs États membres mettent également l'accent sur les obligations de réinsertion médicale et professionnelle prévues dans leurs systèmes d'invalidité. Il peut s'agir d'adaptations à l'emploi actuel, de recyclage et de subventions à l'emploi. Ainsi l'Allemagne donne-t-elle la préférence à la réinsertion plutôt qu'au versement d'indemnités d'invalidité. Quant à la Finlande, elle privilégie la prévention. À cet effet, plutôt que d'attendre que les personnes qui courent un risque d'invalidité deviennent réellement invalides, elle a décidé en 2004 d'introduire en leur faveur un droit à la réinsertion professionnelle.

Toujours selon le Comité de la Protection sociale, il est important de tenir compte du taux d'invalidité dans les régimes d'invalidité.

Dans plusieurs États membres, comme l'Irlande et l'Autriche, il n'existe pas d'indemnités d'invalidité partielles alors qu'on distingue nettement différents degrés d'invalidité. En outre, pareil système permet aux intéressés de continuer à travailler à temps partiel.

Par ailleurs, dans certains États membres, les bénéficiaires d'une indemnité d'invalidité risquent de perdre celle-ci lorsqu'ils reprennent un travail. Il serait possible de remédier à ce problème en supprimant graduellement les indemnités d'invalidité ou en permettant aux bénéficiaires de tester leur aptitude au travail durant une période déterminée. Ils pourraient ainsi travailler pendant deux ans sans perdre leur indemnité. Au Royaume-Uni, les bénéficiaires d'une indemnité d'invalidité peuvent tester effectivement leur aptitude au travail pendant un an, à l'intérieur de certaines limites.

Le Comité de la Protection sociale est d'avis que l'impossibilité, pour une personne, d'exercer l'emploi qu'elle occupait précédemment ne doit pas nécessairement aboutir à son retrait total du marché du travail. Il vaut mieux ajuster les conditions de travail aux possibilités du travailleur ou lui trouver un emploi mieux adapté. Ces principes fondamentaux figurent dans différents régimes d'invalidité, mais il faudrait manifestement tirer un meilleur parti de la capacité de travail résiduelle des bénéficiaires d'indemnités d'invalidité.

Il ressort clairement d'autres données du questionnaire que les régimes de pension privés n'ont guère d'impact sur la décision de prendre sa retraite.

Pourtant, ces régimes de pension permettent d'évincer plus facilement les travailleurs âgés et de faire la soudure entre la cessation de l'activité professionnelle et l'âge effectif de la retraite. Un tel système existe aux Pays-Bas.

Certains régimes de pension autorisent la mise à la retraite anticipée moyennant une réduction actuarielle des indemnités.

Les régimes de pension sont très fortement influencés par les conditions à la base d'un traitement fiscal favorable ou non. L'une de ces conditions peut être la fixation d'un âge minimum auquel on peut contracter une pension privée à un tarif fiscalement favorable. Au Royaume-Uni et au Luxembourg, cet âge minimum a été fixé à 50 ans.

En outre, par le biais du traitement fiscal des régimes de pension privés, on peut faire en sorte que les gens restent actifs plus longtemps sur le marché du travail. Ainsi l'Irlande offre-t-elle des déductions fiscales majorées pour les cotisations à des régimes de pension privés pour les plus de 50 ans. Cela permet de se constituer plus de droits à la pension à la fin de la carrière professionnelle qu'au début de celle-ci.

Certains États membres réexaminent les conditions dans lesquelles les régimes de pension privés facilitent la sortie anticipée du marché du travail. Au Royaume-Uni circule une proposition qui prévoit de porter de 50 à 55 ans l'âge minimum auquel un taux fiscal préférentiel est appliqué aux pensions privées. Aux Pays-Bas, le gouvernement envisage la suppression du régime fiscal favorable pour les régimes de retraite anticipée. En Belgique, les avantages fiscaux pour les pensions privées prises avant l'âge de 60 ans sont supprimés progressivement.

D'autres réponses fournies dans le cadre de l'étude montrent clairement que, dans la majorité des États membres, le revenu minimum garanti est le principal instrument de protection des personnes âgées contre le risque de pauvreté. Comme le montant de cette indemnité est calculé sur la base du revenu du bénéficiaire et qu'il garantit des conditions de vie décentes, le bénéficiaire pourrait être incité à arrêter de travailler dès qu'il atteint l'âge minimum requis.

L'impact sur l'emploi peut dépendre également du nombre de personnes qui recevront un montant déterminé dans une large mesure par de telles indemnités calculées sur la base du revenu du bénéficiaire. Plus il y aura de personnes qui pourront se constituer des droits à la pension suffisants qui ne sont pas calculés sur la base de revenu et qui peuvent être cumulés avec un revenu du travail, moins il y en aura qui quitteront le marché du travail de manière anticipée. L'âge minimum ouvrant le droit à une indemnité fondée sur le revenu est également une donnée importante.

Il ressort en outre des données du questionnaire que le revenu sur la base duquel l'indemnité est calculée est souvent le revenu familial. Pareil système a pour effet de démotiver tous les membres de la famille, et en particulier les époux, à rester actifs sur le marché du travail. Les régimes de pension qui prévoient des indemnités générales fixes (comme aux Pays-Bas) ou dans lesquels il est seulement tenu compte d'autres indemnités de pension dans le calcul du montant minimum de base (comme en Suède) ne présentent pas cet inconvénient.

Selon le Comité de la Protection sociale, une réorientation de la politique pourrait consister à permettre à un maximum de personnes de se constituer des droits suffisants à la pension et de ne plus dépendre d'indemnités fixées sur la base d'une enquête (sur les moyens d'existence). On pourrait déjà y parvenir en exonérant un montant déterminé lors de l'enquête en question ou en exonérant totalement les revenus du travail lors du calcul.

Le Comité de la Protection sociale a conclu d'autres données du questionnaire qu'à l'heure actuelle, le revenu du travail est souvent considéré comme le quatrième pilier de revenus pour les personnes âgées, à côté des pensions légales, des pensions d'entreprise et des pensions individuelles. Il est clair que, dans le futur, la possibilité d'obtenir un supplément de revenu par le travail ou d'acquérir davantage de droits à la pension sera un moyen important de garantir des régimes de retraite à la fois adéquats et financièrement viables dans le contexte du vieillissement de la population.

Le Comité de la Protection sociale s'est penché sur l'existence, dans les États membres, d'incitants financiers en faveur des personnes qui continuent à travailler au-delà de l'âge légal de la retraite. Globalement, il y a deux options, soit permettre aux intéressés de se constituer des droits complémentaires à la pension en différant le paiement de la pension, soit verser une pension aux intéressés mais en permettant le cumul de celle-ci avec un revenu du travail. Il est possible de combiner ces deux options en permettant le cumul entre une pension à temps partiel et un travail à temps partiel ou un travail peu rémunéré.

Les options relatives à la pension différée peuvent être neutres d'un point de vue actuariel si l'on maintient telle quelle la moins-value actuelle du futur flux des pensions (compte tenu des versements de pensions complémentaires et de la diminution de l'espérance de vie au moment du départ à la retraite). Mais, dans de nombreux cas, la moins-value des futures prestations de pension diminuera, par exemple parce que le raccourcissement de l'espérance de vie ou l'allongement de la période au cours de laquelle des cotisations sont payées ne sont pas intégralement pris en compte.

À l'heure actuelle, dans la majorité des États membres, le choix en faveur de la retraite différée — soit par l'introduction plus tardive de la demande de retraite, soit par la combinaison d'un revenu du travail avec une pension complète ou une pension partielle — n'est pas financièrement intéressant. Toutefois, certains États membres envisagent des mesures afin d'inciter les gens à différer leur départ à la retraite. La Suède fait figure de pionnier en la matière: en effet, dans ce pays, on peut prendre sa retraite à 61 ans ou demander une prestation de pension actuarielle complète ou partielle. Il n'y a pas de limite d'âge pour l'introduction d'une demande de retraite.

Le Comité de la Protection sociale est convaincu que les États membres doivent donner la priorité à l'augmentation du taux d'emploi des personnes qui n'ont pas encore atteint l'âge légal de la retraite. Toutefois, dans un grand nombre d'États membres, on constate aussi une tendance à revoir les régimes de pension existants afin de mieux les adapter aux personnes qui souhaitent rester actives sur le marché du travail au-delà de l'âge légal de la pension.

Le Comité de la Protection sociale a également examiné les mesures prévues en faveur de l'emploi des travailleurs âgés.

La majorité des États membres ont déjà pris des mesures afin d'alléger le coût de l'emploi de travailleurs âgés. Parfois, on accorde une réduction des charges sur le travail ou des subventions spécifiques pour l'embauche de chômeurs âgés (par exemple au Portugal) mais, le plus souvent, on réduit les charges sur le travail pour tous les travailleurs âgés. Ainsi, au Royaume-Uni, les travailleurs âgés qui ont atteint l'âge de la retraite ne doivent plus payer de cotisations de pension.

Les États membres ne se préoccupent pas des éventuelles distorsions que de telles mesures peuvent causer sur le marché du travail. Ces mesures peuvent donc être un complément utile, quoique onéreux, à d'autres mesures en faveur de travailleurs âgés, et réactiver les plus de 50 ans.

Le Comité de la Protection sociale conclut que les États membres doivent moderniser les systèmes de protection sociale existants. Il importe de conférer une assise sociale aussi large que possible à cette réforme.

Les données que le Comité de la Protection sociale a recueillies auprès des États membres sur la base des questionnaires sont utiles pour appréhender les différents problèmes soulevés et nécessaires pour veiller à ce que les systèmes de protection sociale puissent soutenir pleinement la politique mise en œuvre pour atteindre les objectifs en matière d'emploi des travailleurs âgés, définis lors des Conseils européens de Stockholm et de Barcelone.

Les réponses aux questionnaires ont clairement montré que la modernisation des systèmes de protection sociale constitue un complément important à la politique européenne de l'emploi qui promeut le développement et l'introduction de stratégies globales en matière de vieillissement.

Le Comité de la Protection sociale est d'avis que les conclusions de son rapport peuvent servir à infléchir la politique au niveau national. Certains États membres et même des pays candidats à l'adhésion progressent déjà dans cette direction.

Eu égard à l'importance des questions mises en exergue dans le rapport en vue de la réalisation des objectifs définis lors des Conseils européens de Stockholm et de Barcelone, et afin de garantir, dans le futur, des régimes de pension adéquats et financièrement viables, le Comité de la Protection sociale recommande d'organiser des ateliers dans les États membres et dans les pays candidats à l'adhésion, dont on se rend compte qu'il faut les inciter à transformer leurs systèmes de protection sociale en systèmes plus favorables à l'emploi des travailleurs âgés.

Il serait préférable que ces ateliers ne se limitent pas à une évaluation critique du système de protection sociale et à son impact sur l'emploi des travailleurs âgés. Idéalement, ils devraient être l'amorce d'un processus de réforme ou confirmer les réformes en cours et il faudrait y associer à la fois les gouvernements et les partenaires sociaux.

Il serait souhaitable que ces ateliers aient lieu avant la rédaction des prochains rapports stratégiques nationaux à la mi-2005 afin que les résultats auxquels ils aboutiront puissent figurer dans ces rapports ainsi que dans le rapport commun qui devra être soumis au Conseil européen au printemps 2006. Les résultats marquants des ateliers devraient également servir à étayer l'orientation des plans d'action nationaux relatifs à l'emploi.

M. Jacob ajoute que le SPF « Emploi, Travail et Concertation sociale » a déjà organisé un premier séminaire il y a peu de temps.

À la demande du groupe de travail, M. Jacob approfondit la comparaison entre les pays scandinaves et la Belgique:

Un premier histogramme (39) , qui reproduit le taux d'emploi des personnes de 55 à 64 ans dans les pays de l'Union européenne, montre clairement que les pays scandinaves — à savoir le Danemark, la Finlande et la Suède — sont des pionniers en la matière et qu'avec son tiers d'actifs, la Belgique est lanterne rouge.

Un autre histogramme (40) , qui situe la Belgique par rapport aux pays scandinaves et à plusieurs pays de l'Union européenne, montre clairement qu'en Belgique, le départ du marché du travail est très précoce.

Selon M. Jacob, le taux d'emploi des travailleurs âgés est influencé par les facteurs suivants:

— les conditions générales de l'emploi

— l'état de santé des travailleurs âgés

— l'obsolescence économique des qualifications

— l'attitude générale à l'égard des travailleurs âgés

— l'existence ou l'absence d'incitants financiers en faveur d'une sortie anticipée du marché du travail.

Ensuite, M. Jacob compare la Belgique aux « meilleurs élèves européens », notamment le Danemark, la Finlande, la Suède, sur les points suivants:

— le droit au départ anticipé du marché du travail

— les régimes applicables aux chômeurs âgés

— les indemnités d'invalidité

— le rôle des pensions complémentaires

— les mesures incitant les travailleurs à rester plus longtemps sur le marché du travail.

— les mesures financières destinées à promouvoir l'emploi des travailleurs âgés.

1. Le droit au départ anticipé du marché du travail

En Belgique, ce départ est possible dans le cadre du régime général de retraite moyennant une diminution de la pension. Dans le secteur public, il est possible de prendre une retraite anticipée sans réduction de la pension. Pour certaines catégories d'ouvriers, l'âge de la retraite est plus précoce.

Au Danemark, l'âge général de la retraite est appliqué de manière stricte. En Finlande et en Suède, la retraite anticipée n'est possible que moyennant des réductions actuarielles.

En Finlande, il existe des régimes de retraite spécifiques pour certaines professions.

Il existe aussi pour certaines professions des régimes conventionnels permettant un départ anticipé à la retraite.

2. Les régimes en vigueur pour les chômeurs âgés

En Belgique, les chômeurs de 58 ans ou plus ne sont plus soumis à obligation de chercher du travail. Souvent, en plus de l'allocation de chômage, des cotisations complémentaires sont payées par l'(ex-)employeur. Les périodes de chômage sont prises en compte pour la constitution des droits à la pension. Aucune forme de travail rémunéré ne peut être cumulée avec une allocation de chômage et un chômeur ne peut exercer une activité bénévole qu'à certaines conditions. L'obligation actuelle de remplacement peut être contournée. Pour les chômeurs âgés, il existe des conditions financières favorables, ce qui facilite le départ du marché du travail.

Dans les pays scandinaves, les chômeurs âgés doivent, comme tous les autres chômeurs, rester disponibles sur le marché du travail. Jusqu'il y a peu, la Finlande était l'exception dans ce domaine, mais elle est en train de démanteler le régime de la retraite anticipée pour raison de chômage.

Au Danemark, les travailleurs âgés ont même accès plus rapidement aux mesures d'intégration sur le marché du travail.

3. Les indemnités d'invalidité

En Belgique, le nombre de bénéficiaires d'une indemnité d'invalidité n'est pas excessif.

Dans les pays scandinaves, l'absence de possibilités autres pour une sortie anticipée du marché du travail entraîne une hausse du pourcentage de bénéficiaires d'indemnités d'invalidité.

Au Danemark, l'accent est mis clairement sur la réinsertion et l'intégration: différents taux d'invalidité peuvent être attribués et il existe des « flexijobs ».

4. Le rôle des pensions complémentaires

En Belgique, les employeurs et les travailleurs contribuent au deuxième pilier des pensions, si bien que les travailleurs peuvent recevoir une pension complémentaire lorsqu'ils quittent le marché du travail. Les indemnités en question bénéficient d'un traitement fiscal avantageux.

Des régimes de retraite anticipée sont possibles grâce à la constitution de pensions privées, surtout en Suède et au Danemark. Le traitement fiscal avantageux est lié à un âge minimum pour prendre sa retraite: il est de 55 ans en Suède et de 60 ans en Finlande.

5. Les mesures incitant les travailleurs à rester plus longtemps sur le marché du travail.

En Belgique, les conditions financières liées à une sortie anticipée du marché du travail sont favorables.

Le système de la retraite différée n'accroît pas le montant de la pension sur une base actuarielle.

Seul un cumul limité entre les prestations de pension et d'autres revenus est autorisé.

La Suède applique une neutralité actuarielle.

La Finlande et le Danemark autorisent la constitution d'une pension plus élevée moyennant un allongement de la carrière professionnelle.

Dans les pays scandinaves, il est permis de combiner une indemnité de pension avec un revenu du travail. Tant la Suède que la Finlande permettent de combiner une pension à temps partiel et un travail à temps partiel.

6. Mesures financières destinées à promouvoir l'emploi des travailleurs âgés

En Belgique, certaines réductions de cotisations patronales sont prévues en cas d'embauche de chômeurs de plus de 45 ans. Depuis 2004, des réductions de cotisations patronales sont également accordées pour les travailleurs de plus de 57 ans.

Dans les pays scandinaves, il y a très peu de mesures spécifiques en faveur des travailleurs âgés. La Suède est le seul de ces pays à accorder une légère réduction des cotisations patronales pour les travailleurs de plus de 65 ans.

Sur la base de ces six éléments de comparaison, M. Jacob conclut que la Belgique et les pays scandinaves ont une vision fondamentalement différente:

Alors que la Belgique considère que le chômage est inévitable chez les travailleurs âgés, les pays scandinaves estiment que tout un chacun doit avoir la possibilité de pourvoir à ses besoins en effectuant un travail rémunéré jusqu'à l'âge légal de la retraite.

En Belgique, on prévoit des incitants financiers afin d'évincer du marché du travail des personnes encore jeunes. On n'a pas prévu d'incitants encourageant les travailleurs à rester actifs plus longtemps sur le marché du travail.

On maintient ce système afin de réserver le marché du travail aux jeunes travailleurs.

Dans les pays scandinaves, on travaille plus longtemps afin d'obtenir une pension mieux adaptée. Sur le marché du travail, il n'y a pas de concurrence entre les jeunes travailleurs et les travailleurs âgés.

Pour étayer les propos qu'il vient de tenir, M. Jacob présente un graphique (41) reproduisant les chiffres relatifs à l'emploi tant des jeunes travailleurs que des travailleurs âgés dans les États membres de l'Union européenne: ces chiffres ne s'excluent pas mais vont de pair.

Ce qui amène M. Jacob à conclure son examen de la situation en Belgique comme suit:

1. La faiblesse du taux d'emploi en Belgique est manifestement liée aux conditions favorables de sortie anticipée du marché du travail qu'offre le système de protection sociale;

2. Les systèmes de sortie du marché du travail doivent se concentrer sur les personnes qui ne peuvent plus travailler: les véritables chômeurs, les véritables invalides.

b) Échange de vues

Mme Thijs demande des renseignements supplémentaires concernant les « emplois flexibles » qui existent au Danemark ainsi que sur les systèmes qui, dans les pays scandinaves, permettent de combiner la retraite à temps partiel et le travail à temps partiel.

Elle se demande aussi malgré tout si de tels systèmes n'ont pas une incidence sur l'emploi des jeunes.

M. Noreilde retient de la conclusion de M. Jacob qu'il faut en tout cas cibler les régimes belges de sortie anticipée et permettre également des systèmes de réorientation sur le marché du travail plutôt que de refouler totalement les intéressés ou de les retirer du marché du travail. L'intervenant plaide aussi pour une prévention accrue, de manière à pouvoir détecter plus rapidement et traiter adéquatement les problèmes de santé chez les travailleurs âgés, de sorte que la sortie anticipée du marché du travail ne soit pas toujours l'unique solution.

Dans la mesure où les « flexijobs » sont subventionnés, M. Noreilde n'en est pas personnellement un fervent partisan.

Enfin, il voudrait en savoir plus sur les éventuels systèmes de retraite anticipée dont bénéficierait le secteur public dans les pays scandinaves.

Mme Geerts, présidente, aimerait avoir davantage d'informations concernant l'existence d'éventuels seuils de retraite en Suède.

Elle désire également savoir comment on facilite l'accès des travailleurs âgés aux systèmes d'intégration au Danemark.

M. Jacob répond comme suit aux questions posées:

— En ce qui concerne le cumul d'une pension avec une activité professionnelle, le système suédois offre une très grande flexibilité dès l'âge de 61 ans. On peut par exemple prendre sa retraite à mi-temps et rester actif à mi-temps sur le marché du travail. On peut faire valoir ultérieurement la partie des droits à la retraite non encore employée. Il s'agit là d'un système d'épargne très neutre. La pension suédoise est accordée sur la base de la résidence et est modulée en fonction des revenus.

Si un titulaire n'a pas cotisé suffisamment pour se constituer une pension complète, il a malgré tout droit à une pension minimale garantie. Il existe en outre une aide sociale, à l'instar du salaire minimum garanti aux personnes âgées en Belgique.

— Contrairement à la Belgique et à la France, les pays scandinaves ne font pas de distinction entre les différents régimes de retraite. Il n'existe donc pas de régimes de retraite applicables exclusivement soit au secteur privé, soit au secteur public.

— Au Danemark, les mesures d'intégration en faveur des travailleurs âgés ont par exemple pour effet que les travailleurs âgés reçoivent déjà une aide pour la recherche d'un travail après 6 mois de chômage, alors que les jeunes demandeurs d'emploi doivent attendre 18 mois avant de pouvoir y prétendre.

II.A.3.2. Docteur Roland Vanden Eede, président de l'Association professionnelle belge des médecins du travail

a) Exposé introductif

M. Vanden Eede aborde la problématique sous un double angle d'approche, à savoir celui des personnes professionnellement actives dans le domaine du bien-être au travail et celui des 400 médecins du travail qu'il représente.

Les points de départ de son approche sont le vieillissement de la population, le rétrécissement de l'assise du financement de la sécurité sociale et la faible participation des plus de 55 ans au marché du travail.

M. Vanden Eede souligne qu'en Belgique, la participation des plus de 55 ans au marché du travail est sensiblement inférieure à la moyenne européenne et que cet écart ne cesse de croître. Selon lui, les raisons de cette faible participation sont liées à la politique, mais aussi aux employeurs et aux individus. Plusieurs questions se posent à cet égard: Sur quelles causes peut-on agir ? Comment peut-on le faire effectivement ? Faut-il agir de manière curative ou préventive ? À quels problèmes peut-on s'attendre ? Quelle contribution les professionnels du bien-être au travail peuvent-ils apporter ?

En ce qui concerne les raisons liées à la politique suivie, l'intervenant note la tendance délibérée, qui a prévalu durant une trentaine d'années, d'évincer les travailleurs âgés en raison du chômage élevé chez les jeunes, du niveau élevé des coûts salariaux et des plans sociaux en cas de faillite d'entreprises. Cette politique a créé des attentes chez les employeurs et chez les travailleurs. Les travailleurs âgés coûteux, peu productifs et peu flexibles devaient céder la place à une main-d'œuvre plus jeune. Ces attentes influencent leurs conceptions et constituent dans une large mesure une prophétie autoréalisante, celle d'un départ à la retraite à 60 ans.

Les employeurs ont pris progressivement l'habitude de faire usage des larges possibilités qui leur étaient offertes de faire partir les travailleurs âgés. Cette pratique ferait même partie de la politique de gestion du personnel en cas de fusion ou de restructuration. Il y a en outre peu d'incitants à garder les travailleurs en bonne santé et à assurer leur employabilité, car c'est la collectivité qui finance le filet social. La différence par rapport aux accidents du travail est grande. Si les accidents du travail sont trop fréquents dans une entreprise, l'assureur augmentera la prime. En revanche, l'employeur qui évince des travailleurs âgés ne subit aucun préjudice.

Les travailleurs optent massivement pour le départ anticipé, principalement en raison des conditions financières avantageuses qui leur sont proposées dans ce cas. En effet, pourquoi les gens continueraient-ils à travailler si la perte financière à laquelle ils s'exposent en arrêtant est minime ? Les autres éléments qui interviennent dans cette décision sont la santé, le conjoint et la manière dont est vécue leur vie professionnelle. Les gens sont prêts à travailler plus longtemps s'ils sont valorisés dans leur travail ou s'ils sont affectés à un poste adapté à leur situation.

L'intervenant déclare qu'on peut influencer cette situation au niveau politique et au niveau de l'entreprise.

Les pouvoirs publics doivent développer des solutions stratégiques qui découragent le départ anticipé à la retraite, induisent un changement de mentalité parmi le grand public et créent des possibilités de dégager, dans le cadre de la concertation sociale, des solutions créatives qui puissent être bénéfiques pour toutes les parties concernées. Il appartient alors aux employeurs et aux travailleurs d'imaginer des solutions créatives par le biais de la concertation sociale.

Au niveau de l'entreprise, il faut insister sur la nécessité de travailler plus longtemps. Le travail confié aux plus âgés doit être adapté à leurs possibilités et à leur souhaits, de manière à prévenir l'absentéisme et la perte de rendement.

M. Vanden Eede se penche ensuite sur l'aspect du vieillissement dans le cadre du travail.

Il distingue un vieillissement primaire et un vieillissement secondaire. Le vieillissement primaire est un processus biologique; plus une personne vieillit, plus elle régresse sur les plans mental et physique. Ce processus peut varier sensiblement d'un individu à l'autre, et il est en outre irréversible. Le vieillissement secondaire, lui, résulte en grande partie de facteurs environnementaux et du style de vie; il entraîne la démotivation, une perte de rendement et une tendance à tout voir de façon négative. Il s'agit d'un processus qui s'auto-alimente, mais qui est aussi réversible. Il est possible d'intervenir à ce niveau, ce qui est très important.

L'intervenant développe plus en détail le concept de vieillissement primaire. En ce qui concerne l'état de santé physique, on constate une évolution de la morphologie dans le sens d'une diminution de la masse osseuse et une évolution du poids corporel. Les sens — principalement la vue et l'ouïe — s'émoussent, mais il est possible de compenser cette perte par des mesures correctrices. La masse musculaire, la vitesse de contraction des muscles et l'endurance diminuent. La coordination des yeux et des mains se détériore, mais le processus peut être ralenti au moyen d'exercices. Sur le plan cardiovasculaire, on constate une diminution de la capacité énergétique. Les personnes de 65 ans ne posséderaient plus que 60 à 70 % de la capacité dont elles disposaient à 25 ans. Il est important de noter à cet égard que le travail physique lourd n'agit pas à la manière d'un entraînement.

Selon M. Vanden Eede, toutes les études convergent vers le même constat: le recul de l'état de santé physique n'est pas tellement spectaculaire et il ne constitue en fait une véritable charge qu'à partir d'un âge plus élevé (70-75 ans). Un individu de 65 ans est parfaitement en mesure d'effectuer la plupart des travaux physiques, parce qu'il existe également des stratégies d'adaptation.

Sur le plan mental et cognitif, il est évident que les travailleurs âgés se fatiguent plus vite lorsqu'on leur confie des tâches complexes. La mémoire à court terme diminue à partir de 45 ans déjà, mais cette perte est compensée par l'expérience. Lorsque le travail consiste à traiter des informations très complexes dans l'urgence, on constate déjà un vieillissement dès l'âge de 30 ans. La capacité d'apprentissage devient plus lente, mais la qualité de l'apprentissage ne diminue pas. La formation en ligne est toutefois plus difficile pour les travailleurs âgés.

L'âge n'a clairement aucune influence sur la précision ni sur les capacités intellectuelles. Chez le travailleur âgé, la capacité de résoudre les problèmes se basera davantage sur l'expérience; elle fonctionnera donc moins rapidement et moins souplement, mais la qualité n'en pâtira certainement pas.

Diverses études montrent que les travailleurs âgés ont recours à des stratégies d'adaptation en rapport avec les connaissances et l'expérience. L'organisation informelle est très importante. Sur le lieu de travail, il est toujours possible de mettre au point entre collègues une certaine organisation consistant par exemple à prévoir des mini-pauses, à mieux utiliser les outils disponibles ou à s'entraider. Cela implique toutefois la possibilité de fixer des règles minimales, une possibilité qui se réduit en cas de fusion, d'accroissement d'échelle ou de distance plus marquée entre le management et la base, car tout se déroule dans ce cas de manière plus structurée et plus rationnelle. Dans les grandes sociétés, une culture d'entreprise collégiale pose souvent problème.

C'est principalement pour les ouvriers que M. Vanden Eede relève un certain nombre de facteurs de risque. Il est admis que l'on peut utiliser 30 % de sa capacité de travail maximale durant une période prolongée. Avec l'âge, la résistance physique s'affaiblit lentement et la capacité de réserve diminue. Ce n'est pas grave si la différence entre la charge de travail absolue et la capacité de réserve est suffisamment importante. Mais des problèmes peuvent se poser s'il y a des facteurs de risque supplémentaires, comme une exposition de longue durée. Ainsi, la situation d'un ouvrier qui commence à travailler dans l'industrie de la construction à l'âge de 14 ans et qui effectue le même travail pendant 40 ans n'est pas comparable à celle d'un ouvrier qui travaille durant 40 ans à l'extérieur, alternativement comme ferrailleur, grutier, etc. Lorsqu'on combine plusieurs situations contraignantes, comme dans le cas d'un travail physique incluant une exposition au bruit ou à des produits toxiques, le levage de charges, les problèmes augmentent de façon exponentielle.

Selon M. Vanden Eede, l'accroissement de la productivité, tant dans le secteur tertiaire que dans l'industrie de transformation, la hausse de la flexibilité, l'augmentation du volume de travail et la complexité, les déplacements et les embouteillages constituent également des facteurs de risque.

Heureusement, le fait de prendre de l'âge a aussi des côtés positifs. Les connaissances et l'expérience permettent souvent d'atteindre une meilleure qualité, grâce à divers mécanismes d'adaptation et de compensation, ce qu'on sous-estime dans bon nombre d'entreprises.

En poussant leurs travailleurs prématurément vers la sortie, les entreprises se privent d'une expérience très précieuse. Autre atout lié à l'âge: les personnes expérimentées contrôlent mieux leur situation professionnelle. La considération que leur témoignent les jeunes travailleurs leur donne aussi un certain prestige et une meilleure estime de soi, qu'ils n'auraient peut-être plus en quittant prématurément le marché du travail. Lorsque des problèmes complexes se posent, on met en balance, d'une part, les connaissances de fond et, d'autre part, l'expérience de la vie ou la sagesse.

Ainsi que M. Vanden Eede l'a déjà souligné, le vieillissement secondaire est surtout lié à l'image que l'on se fait de nos aînés, mais il y a aussi, malheureusement, la dure réalité de certains faits. Pour une catégorie déterminée de travailleurs, les connaissances et l'entendement restent au second plan, un phénomène qui s'explique surtout par une évolution de carrière unilatérale. Une personne qui a fait le même travail pendant 40 ans, sans bénéficier d'aucune formation ni d'aucun système de rotation, ne sera plus en mesure d'évoluer. Cela s'explique également par une offre de formation insuffisante et, surtout, par le fait que le travailleur lui-même n'a plus la volonté de s'investir dans des réseaux professionnels. Après un certain temps, il ne sera plus capable de suivre les évolutions et sa volonté d'apprendre finira également par s'éroder. M. Vanden Eede constate ce phénomène principalement chez les personnes confrontées à un choix: en cas de charge de travail élevée ou de problèmes de santé, dans une situation professionnelle pénible présentant de nombreux facteurs de risque de diverses natures ou dans une situation peu motivante, ces personnes « décrochent » mentalement et se mettent effectivement dans l'impossibilité d'encore suivre l'évolution. Elles sont prises dans un cercle vicieux. La prise de conscience d'une perte de valeur sur le marché du travail et la crainte de ne plus pouvoir retrouver de travail si elles perdent leur emploi sont sources d'inquiétude et les amènent encore davantage à « décrocher ».

M. Vanden Eede souligne que le vieillissement, la santé et la capacité de travail sont des processus tout à fait personnels. Le vieillissement primaire et le vieillissement secondaire varient très fort d'un individu à l'autre.

L'usure prématurée est un autre aspect important. Lorsqu'on affirme que les ouvriers du bâtiment sont usés à l'âge de 54 ans, on ne parle pas d'un problème de travailleurs âgés, mais d'affections liées à une profession. Les éléments pertinents à cet égard sont la durée et l'intensité de l'exposition. Le Fonds des maladies professionnelles, qui est en fait un organisme assureur, a l'intention de jouer un rôle plus actif sur ce plan et d'agir davantage au niveau de la prévention. Certains travailleurs âgés, mais certainement pas tous, sont plus sensibles aux maladies chroniques telles que le diabète ou les maladies cardiovasculaires. L'intervenant estime qu'il faut accorder plus d'attention à la prévention et à l'ajustement des tâches.

Étant donné que toutes les études ont été menées auprès de personnes actives sur le marché du travail, un « effet du travailleur sain » pourrait jouer, et les chiffres concernent principalement les citoyens qui ont la meilleure santé.

Les travailleurs âgés sont moins souvent absents que les jeunes, mais ils s'absentent plus longtemps. L'intervenant déclare qu'en obligeant les travailleurs à travailler plus longtemps, on risque de ne faire que déplacer le problème.

Une entreprise peut recourir à quatre stratégies pour mener une politique du personnel qui tienne compte de l'âge. Elle peut accepter de considérer que les travailleurs âgés ont des limites ou combattre cette idée. Il y a des stratégies à court terme — surtout financières — et des stratégies à long terme. Selon M. Vanden Eede, il faut agir à divers points de vue. On peut, par exemple, partir du principe que les travailleurs âgés ont des limites et rendre les conditions de départ plus attractives. C'est une stratégie qui a été appliquée au cours des 30 dernières années et dont on connaît les résultats. On peut aussi combattre l'idée qu'ils ont des limites et rendre les conditions de départ moins intéressantes.

L'intervenant estime qu'il faut agir de toute façon à long terme. Les départements de gestion des ressources humaines doivent faire en sorte que le management apprenne à promouvoir « l'employabilité » des personnes qui ont de légères limites. La médecine du travail doit veiller à adapter les postes de travail et prévoir un accompagnement individuel. Au niveau des entreprises, les employeurs doivent opter pour une politique du personnel qui tienne compte de l'âge. M. Vanden Eede note que les premiers signes d'une telle politique sont déjà visibles.

Il faut responsabiliser les travailleurs, mais pas seulement en ce qui concerne leur santé et leur mode de vie. Ils doivent signaler aussi les risques de déséquilibre entre la capacité de résistance et la charge de travail effective et le manque de défis.

Dans le cadre de l'adaptation du rôle de chaque travailleur à ses possibilités individuelles, la hiérarchie doit observer, signaler et encadrer, et ce, en concertation avec les gestionnaires des ressources humaines et les représentants des travailleurs. La médecine du travail joue un rôle d'appui, de signalement et d'information.

M. Venden Eede aborde ensuite la question des défis pratiques. Les organisations doivent apprendre à leurs managers comment ils doivent se comporter vis-à-vis des travailleurs vieillissants. À cet égard, la flexibilité et la capacité d'adaptation dans l'organisation du travail sont essentielles. Il est évident que la participation de tous les acteurs est aussi extrêmement importante. Un article de journal annonçant une faillite imminente qui va entraîner le renvoi de tous les travailleurs de 50 ans aura plus de poids qu'une trentaine d'auditions. L'intervenant trouve cela catastrophique.

La médecine du travail doit mieux utiliser les possibilités existantes. L'examen médical individuel doit être moins routinier et plus personnalisé, et il doit tenir compte davantage de l'âge. L'Association professionnelle belge des médecins du travail a adressé à ce propos un mémorandum au gouvernement précédent.

Il faut supprimer les entraves légales. On a publié récemment un arrêté royal visant à faciliter la réintégration des travailleurs. Il faut préparer les travailleurs qui sont en congé de maladie à réintégrer leur poste de travail, mais la réglementation élaborée à cet effet est tout à fait inefficace.

M. Vanden Eede souligne qu'il y a lieu non seulement de développer les efforts d'analyse des risques périodiques et des plans de prévention globaux pour la sécurité, la santé et le bien-être au travail, mais aussi de développer une conception standardisée axée sur l'âge. L'indice de capacité de travail (Work Ability Index) permettra de développer des instruments et de mener des recherches sur l'efficacité des interventions.

M. Vanden Eede tire les conclusions suivantes:

Le vieillissement et le faible taux de participation des travailleurs âgés au marché du travail soulèvent d'énormes défis;

L'image que l'on se fait des travailleurs âgés est inutilement négative;

Le vieillissement primaire a aussi des aspects positifs;

Il est possible d'agir sur le vieillissement secondaire à condition que les employeurs et les travailleurs investissent dans les facteurs qui continuent à garantir « l'employabilité ». Cela requiert le soutien des pouvoirs publics, des organisations sectorielles et des professionnels du bien-être.

L'intervenant cite l'exemple du Finnish National Program for Aging Workers, qui apporte une réponse spécifique au problème du vieillissement. Selon cette approche holistique, la qualité de l'environnement professionnel influe sur la qualité de vie et une bonne qualité de vie est un facteur de bonne santé. Dans ces circonstances, l'entreprise, l'individu et la sécurité sociale sont tous gagnants.

Dans le modèle finnois qui a été développé dans le cadre du programme précité, on a opté pour une approche intégrée de l'environnement et de l'individu, et ce, selon quatre lignes de force. Il faut examiner l'environnement de travail à la fois sur le plan physique et sur le plan (psycho)social. D'autre part, l'individu a tout intérêt à bénéficier d'un bon épanouissement personnel, et il y a lieu de se préoccuper du bien-être individuel.

M. Vanden Eede explique tout cela à l'aide du concept The House, du professeur Imarinen (42) . La maison en question est fondée sur la santé et sur les capacités fonctionnelles du travailleur, sur ses compétences, ses connaissances et ses aptitudes, sur les valeurs, l'attitude et la motivation, autant d'aspects qui concernent le travailleur. À ceux-ci s'ajoutent les aspects qui concernent l'entreprise et qui sont liés aux conditions de travail, au contenu du travail, à ses exigences et à son mode d'organisation, au travail en équipe, au management et au leadership. Ces deux groupes d'aspects ou piliers déterminent ensemble la capacité de travail (work ability), qui est le toit de la maison. Depuis quelques années, la capacité de travail peut être mesurée et exprimée dans un index de capacité de travail (work ability index (43) ). Cet index couvre sept domaines à propos desquels dix questions sont posées. On demande aux travailleurs comment ils évaluent leur capacité de travail actuelle par rapport au moment où ils se sentaient le plus forts, comment ils évaluent leur capacité à travailler par rapport aux exigences de leur fonction, combien d'affections ont été diagnostiquées par leur médecin, quels problèmes ces affections engendrent au travail, combien de fois ils ont été malades au cours des douze derniers mois, comment aura évolué selon eux leur capacité de travail d'ici deux ans et comment ils réagissent aux problèmes.

Le concept en question est basé sur un consensus social et il est contrôlé par le Finnish Institute of occupational health (44) . Les partenaires sociaux y sont tout à fait favorables. Il se traduit surtout aussi au niveau de la participation des travailleurs, de la façon d'organiser le travail, des systèmes de temps de travail — par exemple des périodes de rotation de postes —, des bonnes pratiques et du développement d'une analyse participative. Et M. Vanden Eede conclut que pareille approche apporte des améliorations considérables.

b) Échange de vues

La présidente, Mme Geerts, remercie l'intervenant pour son exposé très intéressant centré sur le point de vue des travailleurs. Cet exposé confirme aussi qu'il est difficile de dégager une tendance générale et que l'on ne peut se borner à prendre des mesures radicales. Il faut intervenir sur le marché du travail en étant plus attentif aux perceptions et à la sensibilisation, domaines sur lesquels la politique a moins de prise.

Mme Van de Casteele se demande si M. Vanden Eede connaît les chiffres montrant que 16 % des personnes interrogées sont tombées malades ou sont devenues invalides en raison de leurs conditions de travail.

M. Vanden Eede confirme que, dans ce domaine, la Belgique enregistre des chiffres supérieurs à ceux des autres pays. Selon lui, il y a deux causes possibles. À sa connaissance, aucune étude n'a été réalisée sur le sujet, mais la Belgique possède l'un des systèmes de dépistage des maladies professionnelles les plus performants.

La cause principale réside dans la différence de paiement: si l'on est invalide ou en congé de maladie, on continue à percevoir 60 % de son salaire alors que si l'on souffre d'une maladie professionnelle, on en perçoit 90 %. Le Fonds des maladies professionnelles a — dans la ligne sans doute de son expérience du cas des mineurs — développé une politique centrée sur les personnes. L'intervenant indique que, dans les provinces où des mines étaient jadis en activité, on a tendance à déclarer un nombre plus élevé de maladies professionnelles. Les pneumologues et les dermatologues connaissent bien la procédure. D'ailleurs, le Fonds des maladies professionnelles possède toujours une antenne à Liège, Mons et Hasselt. Tous ces facteurs jouent un rôle.

Une deuxième cause, selon M. Vanden Eede, est que la Belgique est à la pointe en matière de pluridisciplinarité et d'analyse des risques mais aussi en ce qui concerne la mise en œuvre de la directive européenne de 1989, de sorte que, sur le lieu de travail, on parle aussi beaucoup plus de la question. Dans un pays comme les Pays-Bas, les personnes concernées relèvent de la loi relative à l'incapacité de travail et il est impossible de dire quel est le taux d'incapacité imputable à une maladie professionnelle.

Mme Van de Casteele constate qu'il est apparemment très difficile d'identifier une tendance générale étant donné les trop grandes différences et qu'une approche individualisée est préférable. Elle demande s'il ne serait pas possible de le faire malgré tout pour certains thèmes, comme le travail de nuit. Dernièrement, elle a appris que le travail de nuit serait beaucoup plus néfaste qu'on ne le pensait jusqu'à présent. On préconisait de convertir les primes de travail de nuit en réduction du nombre d'heures de ce type de travail, en raison des possibles effets à long terme. L'intervenante souhaite dès lors connaître le point de vue de M. Vanden Eede sur le travail de nuit pour les travailleurs âgés et à partir de là sur une intervention différenciée sur le lieu de travail. Accepterait-on l'idée sur le terrain qu'à partir d'un certain âge, on travaillerait dans le cadre d'un autre système ? Comment cela serait-il perçu par les collègues ? Cela ne risque-t-il pas de renforcer l'image négative des travailleurs âgés ? Il faudra sans doute encore un changement de mentalité majeur pour faire accepter l'idée que des personnes soient occupées dans le même emploi suivant d'autres modalités.

En outre, Mme Van de Casteele a constaté que la créativité voulue fait encore défaut pour appliquer sur le terrain — avec les fonds que les pouvoirs publics mettent à disposition par le biais du Fonds de l'expérience professionnelle — une politique du travail tenant davantage compte de l'âge, et ce, dans le but de pouvoir conserver l'expérience au sein de l'entreprise (45) . La sénatrice demande si M. Vanden Eede a des suggestions à formuler pour affecter efficacement les moyens financiers en question.

M. Vanden Eede répond que le travail de nuit est effectivement néfaste pour la santé, en particulier pour les travailleurs âgés. De nombreuses études y ont été consacrées. En Finlande, on a instauré des régimes de travail de nuit moins nocifs, pratiquant notamment des rotations plus rapides des équipes au bout de quelques jours et une rotation anticipée des équipes. On pourrait s'inspirer de ce modèle. Mais pour cela il faudrait lever bon nombre d'obstacles légaux. Il faudrait aussi qu'une autre culture voie le jour parmi les employeurs et les travailleurs afin que l'on renonce effectivement aux primes financières et que l'on consacre davantage d'attention à la qualité du travail. À l'instar de Mme Van de Casteele, il espère que cette évolution se poursuivra.

Pour ce qui est de la difficile question de l'intervention différenciée sur le lieu de travail, l'intervenant cite l'exemple de la protection de la maternité. Pour les femmes enceintes aussi, on décide au cas par cas qui peut rester à la maison et qui doit travailler en fonction du risque du poste de travail. Toutefois, il n'existe pas de directives précises à cet égard. C'est au médecin du travail qu'incombe le rôle de décider qui sera autorisé à rester à la maison avec 90 % ou avec 60 % du salaire. Cela donne lieu à d'interminables discussions.

M. Vanden Eede pense que tout système sera toujours inéquitable d'une manière ou d'une autre. Si l'on instaure un système linéaire interdisant tout départ avant 60 ans, il y a des personnes qui en pâtiront et il faudra corriger le système. Si on laisse au médecin du travail le soin de décider, ce pourrait être pire encore.

Une approche différenciée n'est possible que si l'on fixe un cadre strict après négociation ainsi que des directives précises. Il faut indiquer clairement les cas dans lesquels le médecin du travail peut prendre une décision et ceux où il ne le peut pas. Il ne faudrait pas qu'un chef d'entreprise prétende, d'une part, qu'il n'y a pas le moindre risque sur le lieu de travail et refuse toute visite d'un médecin du travail, mais que, d'autre part, il renvoie immédiatement chaque femme enceinte chez elle par crainte des risques effroyables sur le lieu de travail. Or, d'après M. Vanden Eede, c'est ce qui se passe à l'heure actuelle.

En ce qui concerne le Fonds de l'expérience professionnelle, l'intervenant a déjà essayé de prendre des initiatives dans certaines entreprises et avec certaines fédérations. Toutefois, force est de constater que cela suscite peu d'intérêt de la part des grandes entreprises, surtout parce que les coefficients sont moins intéressants pour elles. Les petites entreprises manifestent davantage d'intérêt, mais, en dépit des coefficients plus élevés, les réticences demeurent très fortes.

L'intervenant souhaite formuler deux suggestions. En premier lieu, il faudrait parvenir à associer les fédérations professionnelles. Les entreprises de carrosserie, par exemple, aimeraient affecter leurs travailleurs âgés comme « tuteurs » à l'accompagnement des plus jeunes. Un petit garage, de 12 travailleurs par exemple, ne serait pas en mesure d'accomplir cet effort. Si on pouvait faire en sorte que le tuteur en question soit inscrit sur la liste des salariés d'une fédération en conservant ses droits acquis, on pourrait entamer pareille expérience.

En second lieu, il faut faire quelque chose pour dissiper la grande crainte des PME à l'idée de devoir conclure une CCT. C'est un obstacle majeur. Il semblerait que la loi-programme puisse y remédier.

M. Noreilde s'accorde à dire qu'au cours des dernières décennies, on a ouvert des portes et que l'on a eu le tort de mettre en œuvre une politique de départ anticipé à la retraite. En outre, un problème se pose en ce qui concerne certains comportements.

En comparaison avec celles d'autres pays, les conditions de travail chez nous laissent parfois à désirer. Dans les discussions avec des syndicalistes de Volvo-Gand, notamment, l'intervenant a constaté qu'en raison de la lourde charge de travail, les travailleurs nourrissent l'espoir de pouvoir prendre leur prépension à l'âge de 55 ou 56 ans. Dans d'autres pays, les travailleurs qui assemblent les mêmes voitures n'ont manifestement pas ces attentes et travaillent plus longtemps.

M. Noreilde essaie de discerner le fil conducteur de l'exposé de M. Vanden Eede. Quelles solutions a-t-il à proposer aux responsables politiques ? La productivité élevée dans notre pays constitue-t-elle un problème du point de vue des conditions de travail ? Le modèle finlandais est-il le seul qui puisse apporter une solution ou y a-t-il encore d'autres pistes à explorer ?

M. Vanden Eede répond que la question de M. Noreilde ne relève pas de son domaine de compétence mais qu'il ne veut pas l'éluder. Le nombre d'accidents du travail en Belgique n'est certainement pas excessif. Il est vrai que le nombre de plaintes liées aux relations de travail est élevé, mais il n'est pas du tout certain que les conditions de travail dans notre pays soient plus mauvaises qu'ailleurs. En outre, il faut également tenir compte de la charge extraprofessionnelle. Nous vivons dans un pays densément peuplé et doté d'un réseau routier très serré. Il est difficile de trouver un environnement calme. Les endroits sans voitures, sans éclairage ou sans bruit ne sont pas légion. Le modèle de la Finlande, pays aux mille lacs et au mode de vie radicalement différent, ne peut donc pas être transposé tel quel dans notre pays.

Mme de T' Serclaes estime que les facteurs externes, desquels fait partie la mobilité, jouent également un rôle.

Les trajets deviennent de plus en plus lourds et pénibles au fil des ans. La longueur des trajets peut constituer un poids énorme, de même que les conditions de logement et l'environnement proche.

Elle estime que ces éléments pèsent beaucoup sur la décision du travailleur de partir à la retraite. Il faut donc être très attentif à l'organisation de la société de manière générale et tenter d'intégrer les éléments précités dans l'organisation du travail, par exemple, en autorisant les travailleurs à arriver beaucoup plus tôt ou beaucoup plus tard sur leur lieu de travail. Le télétravail devrait être encouragé, même si, s'agissant de nouvelles technologies, cette solution est peut-être un peu plus compliquée pour les travailleurs âgés.

En tout cas, les interventions précédentes n'incitent pas l'oratrice à faire preuve d'un grand optimisme: les travailleurs comme les entreprises ont avantage à ne rien changer. Tous établissent le même constat, mais les incitants font lourdement défaut. Or, une entreprise ne prend pas d'initiative si elle n'a pas intérêt à le faire. Bref, elle considère qu'à défaut d'un travail de « neutralisation » portant, et sur le travailleur, et sur l'entreprise, la situation n'évoluera pas.

Mme de T' Serclaes évoque la question du travail infirmier. Les hôpitaux ont beaucoup de mal à recruter des infirmières, car ce travail est particulièrement lourd. Seules les jeunes s'y risquent car, comparativement à d'autres travailleuses du même âge, elles sont bien payées.

Après un certain nombre d'années, elles changent toutefois de secteur et s'orientent, par exemple, vers le secteur des soins à domicile, vers une organisation qui leur convient mieux. La pénurie de main-d'œuvre est peut-être, dans ce domaine, un incitant à une meilleure organisation mais, pour le reste, elle ne pense pas que l'on améliorera le vécu des travailleurs plus âgés tant que, d'un côté comme de l'autre, il y aura plus d'incitants à encourager ces personnes à partir à la retraite plutôt qu'à réfléchir aux éléments précités.

Mme de T' Serclaes aborde enfin l'invalidité et la tendance actuelle apparemment bien admise de mettre en invalidité des personnes qui le souhaitent en raison de leur maladie.

Or, celles-ci finissent parfois, lorsque leur santé s'améliore, par demander à réintégrer le monde du travail. L'oratrice pense particulièrement aux problèmes de dépression chez les femmes. Notre pays se situe dans le peloton de tête pour l'utilisation des antidépresseurs, probablement en raison du stress.

Cependant, il est impossible pour une personne placée en invalidité d'obtenir le retour au travail, en raison de normes de rigidité énormes. Cette situation devrait être prise en compte, notamment en matière de médecine du travail. Il conviendrait de faire un relevé des différentes dispositions en la matière.

M. Vanden Eede relève que ces remarques sont extrêmement importantes. Un tel travail a déjà été fait et transmis au Conseil supérieur de la santé au travail. Quand on parle, de manière informelle, aux représentants des travailleurs ou aux représentants des employeurs, tout le monde est d'accord, ce qui n'est plus le cas lors d'une réunion officielle où chacun se retranche sur des positions connues de longue date. Donc, rien n'évolue.

L'intervenant souligne qu'il est chef d'entreprise et qu'il cherche en vain depuis six mois une infirmière pour trois demi-journées par semaine. Des candidates de 65 ou 70 ans se sont présentées; elles souhaiteraient travailler selon un tel horaire, mais ne peuvent accepter ce poste qui occasionnerait la perte de tous leurs avantages sociaux.

Ce n'est pas un problème de médecine du travail mais de choix de société. Cette rigidité du statut constitue un frein considérable.

En ce qui concerne l'invalidité, il faut souligner un projet-pilote actuellement en cours au Fonds des maladies professionnelles. Cette expérience promet d'être intéressante.

Il s'agit d'identifier les infirmières qui sont à la maison depuis au moins quatre semaines pour un problème de dos. Au lieu de payer une pension d'invalidité, on va faire en sorte que ces personnes soient revalidées et que des changements ergonomiques soient opérés à leurs postes de travail. Le Fonds des maladies professionnelles prend donc ses responsabilités d'organisme de prévention.

Ce projet-pilote vise aussi à recenser tous les problèmes juridiques qui pourraient apparaître, et non des moindres. L'orateur prend l'exemple de la loi sur les droits des patients.

Les médecins qui doivent intervenir sont nombreux: le médecin conseil de la mutuelle, le médecin traitant, le médecin du travail, le tout avec l'accord du patient et rapidement parce que les malades qui ne reprennent pas le travail après six semaines évoluent souvent vers la chronicité.

Le projet est intéressant et tout le monde souhaite qu'il réussisse, mais ce ne sera pas facile étant donné la rigidité de la législation actuelle. Un employeur préférera qu'une personne partiellement rétablie ne reprenne pas le travail, craignant une rechute onéreuse pour l'entreprise.

II.A.3.3. Mme Anne-Marie Halin, service « Indemnités », INAMI

a) Exposé introductif

Mme Halin présente une série de transparents contenant des statistiques relatives aux bénéficiaires d'indemnités d'invalidité.

Elle commence par rappeler que, pour évoquer l'évolution de l'invalidité, il faut examiner la population assurée.

Mme Halin a pris en considération la population de 1993 à 2003 et présente différentes répartitions, par sexe, par état social, par groupe d'âge et par âge moyen. Elle examine ensuite le nombre d'invalides, également avec une ventilation par sexe et état social, par âge, âge moyen et taux d'entrée en invalidité. Elle présente enfin l'évolution des invalides par rapport à cet effectif et termine en tirant quelques conclusions.

Le tableau 1 (46) présente la population assurée entre 1993 et 2003. Cette population passe de 3 297 878 titulaires en 1993 à 3 738 232 titulaires en 2003, soit une augmentation de 13,35 %.

Quand on examine la population par sexe, on voit que le total des hommes passe de 1 886 152 titulaires à 2 036 460 titulaires, soit une augmentation de 7,97 %, tandis que le total des femmes passe de 1 411 726 titulaires à 1 701 772 titulaires, ce qui représente une hausse de 20,55 %, soit une augmentation nettement plus importante.

Les deux premières lignes du tableau 1 concernent les ouvriers et les deux lignes suivantes les employés. On constate que l'augmentation est de 5,55 % pour les ouvriers et de 13,50 % pour les ouvrières. Chez les employés, la progression est de 12,84 % et chez les employées de 26,12 %.

La figure 1 (47) présente les pourcentages des assurés: 35,61 % d'ouvriers et 18,93 % d'ouvrières. 54 % des titulaires appartiennent donc au secteur ouvrier, les 46 % restants étant des employés.

Mme Halin présente ensuite, à titre d'information, un tableau 1b (48) de la population assurée, ventilée par groupe d'âge, à la fois pour 1993 et 2003, avec l'évolution entre 1993 et 2003, en chiffres absolus et en pourcentage.

Les groupes d'âge qui enregistrent la plus forte augmentation en nombre sont ceux entre 40-44 ans, 45-49 ans et 50-54 ans. Cette hausse se reflète aussi dans les pourcentages, avec respectivement 32 %, 33,59 % et 55,96 % pour chacun de ces groupes d'âge.

Le tableau 1c (49) que présente Mme Halin expose les mêmes données mais réparties cette fois entre hommes et femmes. La première partie du tableau concerne les hommes. On note que les pourcentages d'augmentation les plus importants se situent dans les groupes 35-39, 40-44 et 50-54 ans. L'augmentation totale pour tous les groupes d'âge est de 7,97 %.

Chez les femmes, deuxième partie du tableau, les pourcentages d'augmentation les plus importants se situent de 40-44 ans jusque 50-54 ans. Entre 60 et 64 ans, la hausse est excessivement importante mais il ne faut pas oublier que l'âge de la retraite des femmes a été allongé et que les chiffres présentés ici englobent des femmes jusqu'à 63 ans, ce qui n'était pas le cas en 1993.

Le tableau 2 (50) présente l'évolution de la totalité des titulaires hommes en pourcentages. En 1993, le groupe de titulaires de 25 à 29 ans représentait 15,52 %. En 2003, ce groupe d'âge ne représentait plus que 12,61 %, soit une diminution de 2,91 %. On constate que jusqu'à 34 ans, les pourcentages sont en baisse et que ce n'est qu'à partir de 35 ans que la proportion des titulaires en 2003 augmente par rapport à 1993.

La figure 2 est la représentation graphique du tableau 2 (51) . On voit que jusqu'à 34 ans, les chiffres de 1993 étaient supérieurs à ceux de 2003 et que ce n'est qu'à partir du groupe d'âge 35-39 ans que les taux de 2003 sont supérieurs à ceux de 1993.

Le tableau 3 (52) présente les mêmes données que le tableau 2 mais pour les femmes. Les principaux groupes d'âge en 1993 étaient les groupes de 25-29, 30-34 et 35-39 ans.

En 2003, les chiffres montrent un léger glissement: les pourcentages les plus élevés s'observent dans les groupes d'âge 30-34, 35-39 et 40-44 ans, qui sont respectivement de 15,88, 15,52 et 14,16 % de l'effectif total des femmes.

La figure 3 (53) est la représentation graphique du tableau précédent. On voit chaque fois que l'année 2003 est supérieure à l'année 1993, sauf à partir de 55-59 ans, où les chiffres de 1993 étaient plus élevés pour cette tranche d'âge.

Le tableau 4 (54) exprime l'âge moyen des invalides. On constate un relatif statu quo pour les hommes, tandis que pour les ouvrières cet âge augmente de 0,38 % et pour les employées de 1,72 %, soit un léger vieillissement des invalides.

Le tableau 5 (55) représente le calcul du taux d'entrée en invalidité pour 100 000 titulaires pour la période 1999-2003. Ce taux d'entrée est progressif en fonction de l'âge puisqu'on a 323 entrées sur 100 000 titulaires de moins de vingt ans, tandis qu'aux alentours de 50-54 ans on a 2 000 entrées sur 100 000 titulaires.

Dans toutes les tranches d'âge, le taux d'entrée pour les femmes est supérieur à celui des hommes, tant pour les ouvrières que pour les employées.

La moyenne des tranches d'âge est de 1 224 pour les ouvrières et de 1 047 pour les ouvriers. Il est de 564 pour les employés et de 401 pour les employées.

Le tableau 6 (56) montre la répartition des invalides par rapport à la population assurée. Entre 40 et 49 ans, le taux passe de 6,13 % à 6,35 %, soit une légère augmentation. Pour le groupe de 50 à 59 ans, le taux passe de 16,3 % à 13,85 %, soit une légère diminution de 2,45 %. Globalement, le taux des invalides passe de 5,24 % en 1993 à 5,58 % en 2003.

De tous ces chiffres, Mme Halin tire les conclusions suivantes: on constate un accroissement de la population active, en raison surtout de la poursuite de l'entrée des femmes sur le marché du travail.

On observe aussi un vieillissement de la population. Il faut tenir compte également du relèvement de l'âge de la retraite des femmes. Celles-ci constituent une population plus âgée avec un risque de maladie accru et restant plus longtemps en invalidité ce qui explique aussi l'augmentation du nombre d'invalides.

b) Échange de vues

La présidente, Mme Geerts, fait remarquer qu'à la lecture des chiffres absolus, on pourrait avoir l'impression que l'invalidité progresse de manière phénoménale chez les femmes, mais elle ajoute que les chiffres relatifs permettent de rectifier cette méprise. L'augmentation en termes absolus est due à l'afflux de femmes sur le marché du travail.

Il ressort des mêmes chiffres, ainsi que des conclusions, que la proportion des entrées en invalidité est plus élevée parce que les femmes restent plus longtemps sur le marché du travail. Mais le tableau 5 montre aussi que les femmes entrent beaucoup plus tôt dans le système d'invalidité. La présidente demande s'il existe une explication à ce phénomène.

Mme Halin répond qu'on a toujours constaté que les femmes tombaient plus rapidement à charge de l'assurance. L'une des causes en est probablement que les pathologies des femmes sont différentes de celles des hommes.

La présidente fait remarquer à cet égard que le tableau 5 montre que les femmes entrent en invalidité à un âge plus précoce, et ce tant chez les ouvriers que chez les employés.

II.A.3.4. M. Dirk Antonissen, administrateur délégué, et Mme Sofie Taeymans, ISW n.v.

a) Exposé introductif

M. Antonissen précise qu'ISW est une spin-off de la KULeuven et de l'UCL, qui fait essentiellement de la recherche sur le bien-être et le stress au sein des entreprises et des organisations, avec l'appui financier des pouvoirs publics. ISW participe à des projets financés par le Fonds social européen (FSE) et par le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale. Cette entreprise a mis au point des outils permettant de mesurer le bien-être et la satisfaction et de vérifier quels sont les facteurs qui ont un impact sur ces éléments. Comme le travailleur âgé est un des principaux piliers de la politique du FSE, il a été demandé à ISW de consacrer une attention particulière à cette catégorie de travailleurs.

C'est dans ce cadre que s'inscrit l'étude que va présenter Mme Taeymans. L'étude se trouve sur le site web d'ISW: www.isw.be. ISW s'est focalisée non pas sur les travailleurs les plus âgés, mais bien sur le groupe des 45-54 ans. Il s'agissait en effet surtout de découvrir ce qui motive un travailleur à sortir du circuit du travail.

Mme Taeymans souligne que l'étude est basée sur une série d'observations faites lors d'un premier examen des données.

On a constaté que les facteurs à risque ont un impact différent sur le sentiment de bien-être au travail et sur la motivation chez les travailleurs âgés de plus de 55 ans et chez ceux des autres catégories d'âge. Il est aussi frappant de constater que ce groupe affiche de meilleurs résultats pour certains indicateurs de bien-être. Il s'agit de l'effet du travailleur sain (« healthy worker-effect »). Constaté et décrit à maintes reprises, ce phénomène apparaît donc aussi dans la présente étude qui porte sur une trentaine d'entreprises. Le nombre de plaintes physiques augmente avec l'âge, mais il diminue subitement à partir de 55 ans. Le groupe des plus de 55 ans affiche également des résultats bien meilleurs en ce qui concerne le bien-être au travail et le burn-out. Ces résultats s'expliquent non pas par l'âge, mais par les départs sélectifs. Les travailleurs souffrant de symptômes physiques et de burn-out cessent plus rapidement de travailler. Le groupe examiné des plus de 55 ans est donc un groupe sélect aux caractéristiques spécifiques et l'intervenante considère qu'il n'est donc guère intéressant de l'étudier plus avant. C'est pourquoi l'étude est basée sur le groupe d'âge de 45 à 54 ans.

La question qui se pose est de savoir qui arrête de travailler à l'âge de 55 ans. L'étude vérifie si la décision d'arrêter de travailler est liée à une certaine typologie du travailleur ou à une certaine attitude. Elle vise aussi à établir s'il y a des variables sociodémographiques, des plaintes ou des conditions de travail qui y sont liées et, le cas échéant, comment on peut influer sur celles-ci au sein de l'entreprise.

Mme Taeymans commente en outre brièvement la méthode de travail.

Le questionnaire standard S-ISW, conçu par la société ISW, a été utilisé pour sonder les facteurs de risque dans la situation de travail et les indicateurs de bien-être. Ces données ont été recueillies auprès d'une trentaine de petites et grandes entreprises du secteur privé et du secteur non marchand. L'échantillon des personnes interrogées se composait de 265 personnes de 55 ans ou plus et de 1 356 personnes âgées entre 45 et 54 ans. Les analyses concernent surtout ce dernier groupe.

Il a été procédé à une analyse de conglomérats, englobant trois variables importantes, à savoir la satisfaction au travail, l'intention de départ et la centralité du travail ou l'intention de continuer à travailler même sans en éprouver le besoin financier.

Les résultats mettent en exergue quatre conglomérats.

Presque toutes les personnes démotivées déclarent qu'elles ne continueraient certainement pas à travailler si la nécessité financière ne s'en faisait pas sentir. Sur le plan de la satisfaction au travail, ces personnes réalisent un score nettement inférieur à celui des autres et elles envisagent de changer d'emploi dans un futur proche.

Quelque 44 % des travailleurs forment le groupe des « personnes figées ». Ces personnes sont très satisfaites de leur travail et n'envisagent absolument pas d'en changer, mais elles arrêteraient volontiers de travailler si elles pouvaient se le permettre financièrement.

Le groupe des personnes loyales motivées est le groupe le plus positif. Ses membres continueraient certainement à travailler quelle que soit leur situation financière. Ils sont très satisfaits de leur travail et font preuve d'une grande loyauté envers leur employeur.

Les professionnels actifs critiques sont aussi très satisfaits de leur situation et continueraient certainement à travailler même s'ils n'en éprouvaient pas le besoin financier, mais ils envisagent cependant encore de changer d'emploi.

Selon l'intervenante, le profil des personnes figées est plus fréquent chez les femmes, les ouvriers et les petits employés. Ces travailleurs ont relativement peu de plaintes physiques ou psychiques. Ils se sentent bien dans leur travail et considèrent qu'ils disposent de suffisamment de moyens. La fréquence de ce phénomène augmente avec l'ancienneté.

Les personnes loyales motivées forment le pendant du groupe précédent. Ce profil est caractéristique des cadres de direction. Les membres de ce groupe sont ceux qui totalisent le moins de plaintes et il en émane aussi beaucoup moins de plaintes psychiques que de toutes les autres catégories de travailleurs. Ces personnes enregistrent de meilleurs résultats pour tous les facteurs de risque et elles ne présentent en outre qu'un risque extrêmement faible de burn-out. Ce profil est plus fréquent chez les travailleurs ayant peu d'ancienneté générale ou peu d'ancienneté dans la fonction, ce qui indique qu'un changement de travail ultérieur stimulera leur zèle au travail.

Le profil des professionnels actifs critiques est le plus fréquent chez les cadres. Ils ont relativement moins de plaintes, malgré un nombre légèrement plus élevé de plaintes physiques. Relativement insatisfaits des moyens, de la rémunération, de l'utilisation des compétences et de l'effectif du personnel, ils sont à la recherche d'autres opportunités, éventuellement chez un autre employeur. Ils ont d'assez hautes responsabilités et leur travail est diversifié.

Le profil des personnes démotivées apparaît plus fréquemment chez les hommes ainsi que chez les ouvriers et les employés. Ce groupe enregistre davantage de plaintes physiques et psychiques, affiche des résultats moins bons pour la plupart des facteurs de risque et présente un risque très élevé de burn-out.

Un aperçu par catégorie montre que le groupe le plus représenté parmi les cadres de direction est celui des personnes loyales motivées. L'importance du groupe des personnes figées augmente à mesure que l'on descend dans l'échelle des statuts et ce groupe compte aussi davantage de femmes que d'hommes.

Quand on fait la comparaison entre le secteur marchand et le secteur non marchand, on constate que c'est surtout dans le premier que l'on trouve un grand nombre de personnes figées. L'intervenante souligne que le fait que ce secteur occupe davantage d'ouvriers y est pour quelque chose.

La différence de niveau de formation joue également un rôle: on trouve plus d'universitaires dans la catégorie des statuts les plus élevés et des personnes loyales motivées. Plus le niveau de formation du travailleur est bas, plus il risque de se trouver « figé » dans son emploi et plus il voudra arrêter de travailler avant l'heure si on lui accorde une compensation financière.

Lorsque l'on examine les plaintes des travailleurs en fonction du profil, on constate qu'au niveau tant des plaintes que du burn-out, les travailleurs loyaux motivés affichent un score beaucoup moins élevé que l'ensemble du groupe, qui comprend également des jeunes. Les travailleurs de 45 à 54 ans qui ont ce profil sont donc en très bonne santé, tant sur le plan physique que psychique.

Les personnes démotivées de cette catégorie d'âge affichent en revanche un taux très élevé de plaintes physiques, mais aussi et surtout de plaintes liées au burn-out. L'intervenante souligne la différence énorme par rapport aux personnes loyales motivées.

L'étude examine aussi comment il se fait qu'il y a quatre types différents et tente de déterminer s'il y a des facteurs de la situation de travail qui font que l'on appartient à l'un ou à l'autre type.

Mme Taeymans a fait une analyse statistique des facteurs de risque cruciaux. Les possibilités d'épanouissement constituent le facteur principal. Les travailleurs qui trouvent de nombreuses possibilités d'épanouissement dans leur travail restent motivés et veulent rester actifs plus longtemps. Vient ensuite l'utilisation des compétences: mon travail correspond-il à mes capacités ? La diversité dans le travail a également énormément d'importance. À la quatrième place, on trouve le soutien social du supérieur. Les normes, la culture et les valeurs de l'entreprise sont importantes pour les travailleurs de plus de 55 ans. Le climat social et la flexibilité jouent aussi un rôle non négligeable. La sécurité d'emploi serait un facteur moins important. Des études ont montré qu'en cas de réorganisation et d'incertitude, les travailleurs plus âgés décrochent plus rapidement. L'équilibre entre vie professionnelle et vie privée joue aussi un rôle, de même que la rémunération, surtout pour les personnes loyales motivées et les professionnels actifs critiques qui sont encore à la recherche d'un autre emploi.

Mme Taeymans illustre, au moyen d'une grille de motivation, le rapport entre centralité du travail et intention de départ. Lorsque la centralité du travail est faible et que l'intention de départ est forte, le personnel est très peu motivé, il veut arrêter de travailler et quitter l'entreprise le plus rapidement possible. C'est la situation la moins souhaitable, tant pour l'employeur que pour le travailleur.

Chez les personnes loyales motivées, la centralité du travail est élevée et l'intention de départ, faible. Cette situation est idéale, tant pour l'employeur que pour le travailleur. L'intervenante souligne une nouvelle fois que les professionnels actifs critiques sont l'antithèse des personnes figées et vice versa. Alors que les premiers sont intrinsèquement motivés et qu'ils sont encore attentifs à d'autres opportunités, les seconds se complaisent dans une situation de travail favorable ainsi qu'un cadre et une ambiance agréables. Ils aiment encore travailler, mais sans excès de zèle.

Mme Taeymans a comparé l'influence des facteurs de risque sur la centralité du travail, la satisfaction au travail et l'intention de départ chez les 45-54 ans et les 55 ans et plus.

Elle constate qu'en ce qui concerne l'intention de départ, il n'y a pas de facteur de risque spécifique qui joue davantage chez les 55 ans et plus que chez les 45-54 ans. Pour les membres de ce dernier groupe, les éléments importants sont surtout l'épanouissement, les valeurs et l'utilisation des compétences.

En ce qui concerne la centralité du travail, l'épanouissement est un élément capital pour les deux groupes. Les valeurs ont aussi de l'importance, surtout pour les 55 ans et plus.

Quant à la satisfaction au travail, les aspects qui interviennent sont tous ceux qui ont été mis en exergue dans les autres analyses: les valeurs, l'épanouissement, le soutien du supérieur, l'utilisation des compétences, l'ambiance et la diversité. Ces facteurs sont essentiels pour motiver les travailleurs à rester actifs à partir de l'âge de 55 ans.

Cette analyse amène Mme Taeymans à une série de conclusions générales.

Pour les travailleurs âgés comme pour tous les autres travailleurs, le plus important est d'avoir un travail rationnel, qui offre des défis à relever, des possibilités d'épanouissement et de la diversité. Le soutien social du supérieur direct est aussi important, tant en ce qui concerne la répartition des tâches que du point de vue de la qualité de la relation directe. Une attitude stéréotypée envers les travailleurs âgés entraîne une diminution de leurs prestations.

Les normes et valeurs ainsi que le climat social sont des éléments capitaux pour les travailleurs âgés. Ceux-ci sont plus sensibles que leurs jeunes collègues à ce que l'on fasse preuve de respect. Une bonne organisation du travail et de bonnes conditions de travail physiques peuvent faire la différence entre la volonté de continuer à travailler et l'envie de prendre sa retraite.

Dans le prolongement de ces conclusions générales, l'intervenante attire l'attention sur une série de points:

Il faut veiller à ce qu'il y ait suffisamment de défis à relever et de stimulants et prendre garde à la prophétie auto-réalisée; les employeurs épargnent parfois les travailleurs âgés, ils ne s'attendent plus guère à ce que ces derniers se recyclent ou assument de nouvelles tâches difficiles. Par le fait même, le travail des plus âgés contient moins de défis, ce qui a un effet démotivant et nuit en fin de compte à la productivité. De bonnes intentions peuvent donc avoir un effet négatif.

Il s'impose d'adopter une politique flexible et personnalisée. Les travailleurs âgés sont souvent considérés comme un groupe homogène et on a tendance à tous les traiter de la même manière. Or, ce groupe est beaucoup plus hétérogène que celui des jeunes travailleurs; ces derniers viennent en effet tous de quitter l'école, ils ont suivi la même formation et ont une expérience professionnelle limitée. Les entreprises ont donc tout intérêt à opter pour une politique personnalisée et des solutions individuelles. Pourtant, elles sont souvent réticentes à cet égard, sous prétexte que cela s'apparente à du favoritisme. Cet argument ne fait toutefois pas le poids face aux avantages que cela procure.

Une autre idée intéressante consiste à permettre aux travailleurs âgés de mettre fin progressivement à leur carrière. Partir à la retraite est une des expériences les plus stressantes dans la vie. Il peut être avantageux pour les entreprises aussi de permettre aux travailleurs âgés de réduire progressivement leur temps de travail, tout en faisant par exemple davantage appel à eux au moment des pics d'activité, comme en période de vacances, lorsque les jeunes travailleurs qui ont des enfants prennent leurs congés, ou pour encadrer des étudiants jobistes.

Il ne faut pas sous-estimer l'importance de la formation. Les connaissances acquises peuvent soudainement s'avérer dépassées. Les travailleurs âgés courent le risque de tomber dans la routine et de perdre ainsi toute motivation.

Il est très important de tordre le cou aux stéréotypes sur les travailleurs âgés, car si beaucoup de bonne volonté se perd, c'est à cause de pareils clichés.

b) Échange de vues

Mme Van de Casteele trouve l'étude de Mme Taeymans très intéressante. Les tendances que les commissaires avaient déjà perçues de manière intuitive sont à présent étayées par des chiffres. L'intervenante relève toutefois que les chiffres sont subjectifs. Il est fait une distinction en fonction des conditions matérielles dans lesquelles les personnes doivent travailler, mais la sénatrice se demande si l'on peut aussi faire une ventilation entre les travailleurs selon qu'ils accomplissent ou non un travail en équipe ou un travail de nuit. Dans la discussion sur les fins de carrière, ce type de travail constitue en effet, pour une série de groupes, un motif qui les pousse à sortir du circuit du travail du fait de la charge de travail et des conditions physiques plus lourdes. L'intervenante constate l'absence de cette donnée objective dans l'analyse et demande à Mme Taeymans si elle peut la lui fournir.

Les femmes auraient plus facilement tendance à faire partie du groupe de personnes figées. Il serait intéressant de connaître les motivations qui les poussent à quitter la vie active. Les femmes qui ont des enfants seront sans doute plus tentées que les femmes sans enfant d'arrêter de travailler moyennant une indemnité financière. Cette donnée objective peut également influer sur l'interprétation des résultats de l'étude.

Mme Van de Casteele demande si l'on pourrait affiner les chiffres qui ont été avancés. Elle souscrit pleinement aux points concrets sur lesquels Mme Taeymans a attiré l'attention.

En ce qui concerne les solutions individuelles prônées par Mme Taeymans, la commission a déjà procédé à un échange de vues sur cette question avec le professeur De Vos (57) . On essaie effectivement aujourd'hui de résoudre tous les problèmes par le biais de conventions collectives de travail. La sénatrice estime également qu'une approche plus individuelle s'impose, mais elle se demande s'il est possible de prendre des mesures personnalisées dans le cadre de la législation du travail.

La présidente, Mme Geerts, pose des questions concernant le facteur « âge ». N'est-il pas possible que certaines personnes considérées comme « figées » aient déjà fait partie de ce groupe dans leur jeunesse ? À quel âge passe-t-on d'un groupe à l'autre ? Ou alors, une fois que l'on a un profil, le garde-t-on pour la vie ?

Elle constate que les recommandations sont très souvent liées à la culture d'entreprise. L'organisation du travail et les mesures structurelles figurent toujours au bas de la liste des recommandations. L'intervenante demande si la politique peut effectivement contribuer à mettre en place une culture d'entreprise telle que les travailleurs puissent continuer à travailler plus longtemps.

Mme de T' Serclaes voudrait avoir davantage de précisions sur la trentaine d'entreprises qui constituent l'échantillon. S'agit-il de petites, de moyennes ou de grandes entreprises ? Quelle est la part de francophones et de néerlandophones qui y travaillent ? L'échantillon est-il représentatif des entreprises privées du pays ?

M. Noreilde se demande d'où proviennent les chiffres et si l'on dispose aussi de chiffres pour d'autres pays européens. Dans l'affirmative, diffèrent-ils des chiffres relatifs à la Belgique ? Le groupe de travail a appris que les pays scandinaves mènent une politique offrant aux 55 ans et plus la possibilité de bénéficier d'emplois de fin de carrière, comme la pension à temps partiel. Les intervenants connaissent-ils les chiffres en vigueur à l'étranger ? Ont-ils connaissance de mesures politiques permettant de maintenir plus longtemps au travail les personnes de 55 ans et plus ? 

Mme Taeymans répond qu'ISW a ajouté des questions dans les nouveaux questionnaires. La base de données qui a été utilisée dans l'étude qui nous occupe n'est pas adaptée à ce type de recherche. Le questionnaire devait servir à effectuer un screening dans une entreprise. Les questions qui portent sur des notions telles que la charge de travail sont subjectives, en ce sens que la réponse donnée par la personne interrogée joue un rôle déterminant. On mesure non pas la charge de travail proprement dite, mais la charge de travail telle qu'elle est ressentie par la personne interrogée.

M. Antonissen ajoute qu'en fait, l'enquête est en quelque sorte un produit dérivé d'une autre approche. La mission première d'ISW est de poser un diagnostic au sein d'organisations et d'entreprises individuelles qui lui demandent de vérifier quels facteurs internes à l'entreprise ont un effet sur le bien-être, le stress, la satisfaction, l'intention de départ, etc. ISW a conçu un instrument à cet effet. À la demande du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, elle a effectué une enquête spécifique sur les travailleurs âgés des entreprises figurant dans la banque de données. En réponse à la question de Mme de T' Serclaes, l'intervenant souligne que la banque de données n'est donc vraiment représentative ni des entreprises et organisations de Belgique, ni de la Wallonie et de la Flandre, ni des grandes ou petites entreprises. Il s'agit là bien sûr d'une nuance importante, mais l'intervenant souligne que la plupart des effets observés peuvent, indépendamment de l'échantillon prélevé dans la base de données, être extrapolés à plusieurs types d'entreprises, et ce tant en Flandre qu'en Wallonie. Les facteurs qui incitent certains membres du personnel à changer d'employeur ou qui maintiennent la motivation des membres du personnel, sont identiques quel que soit le type d'entreprise.

S'agissant de la référence aux pays scandinaves, M. Antonissen pense qu'il serait intéressant de vérifier si certaines mesures politiques ayant un effet sur les organisations et les entreprises peuvent également continuer à maintenir plus longtemps au travail les personnes de 55 ans et plus. Il déplore l'actuelle pénurie de chiffres à ce sujet et estime qu'une enquête plus approfondie devrait être effectuée au niveau européen.

En ce qui concerne la question de savoir si l'on reste « figé » sa vie durant, l'intervenant fait remarquer que le nombre de personnes figées est moins important en début de carrière et que leur proportion par rapport à la population active totale augmente avec l'âge. Ces dernières années, on a toutefois constaté une diminution à l'approche de la fin de carrière; lorsque les travailleurs ont la possibilité de quitter l'entreprise en bénéficiant d'un régime de départ, notamment la prépension, ce sont surtout les personnes figées dans leur carrière qui y ont recours.

Les mesures politiques qui influencent l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée ont un effet considérable sur les travailleurs de 25 à 35 ans et sur ceux de 35 à 40 ans. L'orateur ne peut pas dire s'il en va de même chez les travailleurs âgés. Il cite un exemple: il y a quelques années, le secteur bancaire a fait l'objet d'un audit basé sur des questionnaires portant sur les facteurs de bien-être et de satisfaction. En ce qui concerne l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, on a constaté une différence significative entre les sièges flamand et wallon d'une même institution bancaire. Le principal facteur était le système d'horaires. Le siège flamand travaillait avec un système d'horaire flottant, tandis que les membres du siège wallon commençaient et arrêtaient le travail à heures fixes. Pour le reste, la culture d'entreprise était très comparable. L'effet de l'horaire flottant sur le taux de satisfaction des femmes faisant partie du groupe des 25-40 ans, qui ont souvent charge d'enfant, était énorme. Les mères qui peuvent conduire leurs enfants à l'école avant de se rendre au travail sont beaucoup moins stressées.

Mme Taeymans ajoute que le taux de départs est beaucoup plus élevé chez les jeunes travailleurs que chez les travailleurs âgés. À son avis, c'est là que réside la plus grande différence. Les jeunes travailleurs insatisfaits changent beaucoup plus rapidement de travail.

M. Antonissen acquiesce et souligne que les jeunes ont davantage de possibilités de changer d'emploi.

II.A.3.5. Mme Anne Himpens, coordinatrice du Fonds de l'expérience professionnelle du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale

a) Exposé introductif

Mme Anne Himpens est coordinatrice du Fonds de l'expérience professionnelle depuis le 1er octobre 2004.

Le Fonds de l'expérience professionnelle est un fonds budgétaire qui aide financièrement les entreprises à réaliser des études et des adaptations visant à améliorer le bien-être au travail des personnes de 55 ans et plus dans le but de maintenir celles-ci plus longtemps au travail. L'objectif est quadruple: premièrement, développer une approche novatrice de l'expérience du travailleur âgé; deuxièmement, rassembler des exemples de bonnes pratiques dans le cadre de projets pilotes qui pourront être mis à la disposition d'autres entreprises; troisièmement, garantir le maintien de l'expertise professionnelle au sein de l'entreprise; quatrièmement, promouvoir une politique des ressources humaines qui tienne compte de l'âge.

Les chiffres clés dans ce cadre sont:

Premièrement, le taux d'emploi: la Belgique est le plus mauvais élève de l'Europe à cet égard avec 59,6 % par rapport à une moyenne européenne de 64,2 %.

Deuxièmement, la durée moyenne de la carrière professionnelle: 37 ans en Belgique, soit la durée la plus courte de l'Europe, par rapport à une moyenne européenne de 41 ans.

Troisièmement, l'âge moyen du départ du marché du travail: 57,8 ans en Belgique par rapport à une moyenne européenne de 60,9 ans.

Pour la Belgique, le message est identique. Dans notre pays, les moyennes en matière de taux d'emploi, de durée de la carrière et d'âge de sortie du marché du travail sont inférieures aux moyennes européennes.

Mme Himpens en vient au taux d'emploi par tranche d'âge. Le document en annexe (58) comporte trois colonnes: les 15 à 24 ans, les 25 à 54 ans et les 55 à 64 ans. La dernière colonne est la plus pertinente: 26 % des 55 ans et + sont encore actifs, alors que la moyenne européenne est de 40 %.

On peut émettre la même remarque pour le graphique en annexe (59) pour lequel on peut émettre la même remarque. Dans les deux dernières colonnes, pour les 55 à 64 ans, l'écart par rapport à l'Europe est très important.

Pour ce qui est des projections, on est confronté au vieillissement de la population active. Vers 2010, 40 % de la population européenne aura entre 45 et 65 ans. À Lisbonne, en 2004, la Belgique s'est engagée à améliorer le taux d'emploi des travailleurs de 55 ans et plus, en le faisant passer de 1 sur 4 à 1 sur 2, à l'horizon 2010.

Retraçons brièvement l'histoire du fonds de l'expérience professionnelle. Les bases se trouvaient déjà dans la loi du 4 août 1996, la loi sur le bien-être. La deuxième étape, à savoir la constitution du fonds, commence sur le plan légal, le 5 septembre 2001, avec une loi visant à améliorer le taux d'emploi des travailleurs.

Le 30 janvier 2003, un arrêté royal fixe les critères, les détails, le taux de la prime, etc.

En avril 2004, le fonds a été lancé à l'initiative du ministre de l'Emploi, M. Vandenbroucke et de la secrétaire d'État, Mme Van Brempt. C'est depuis 2004 que les moyens de fonctionnement ont été libérés. Depuis le 1er septembre 2004, plusieurs personnes ont été embauchées. L'équipe a été mise en place dans la deuxième moitié de l'année 2004.

Le Fonds de l'expérience professionnelle aide financièrement les entreprises privées à réaliser des études et des adaptations visant à améliorer l'organisation et les conditions de travail pour les travailleurs de 55 ans et plus.

Les projets d'adaptation des conditions de travail et les projets d'études doivent viser à améliorer le bien-être au travail et, prioritairement, concerner la sécurité au travail, la santé des travailleurs, l'ergonomie et la charge psychosociale. Ces quatre éléments figurent dans la loi sur le bien-être.

Les projets d'études proprement dits doivent déboucher impérativement sur des adaptations concrètes de l'organisation ou des conditions de travail pour les travailleurs de 55 ans et plus. Aucune subvention n'est accordée pour la réalisation d'études théoriques qui resteraient lettre morte.

Comment les personnes vivent-elles le travail selon leur âge ?

Les deux graphiques en annexe (60) sont la conclusion d'une recherche scientifique. Les entreprises peuvent s'inspirer de ces indicateurs pour se montrer créatives dans le cadre de leur politique de l'emploi.

Une courbe traduit la perception que les gens ont de leur travail, la manière dont ils supportent le rythme et la pression du travail, l'axe horizontal représentant l'âge.

Il s'agit d'une courbe descendante, ce qui veut dire que les jeunes supportent facilement le rythme et la pression du travail. Par contre, une rupture se marque dans la tranche des 50-55 ans, où la ligne continue remonte. À cet âge-là, nombreux sont ceux qui ont déjà cessé de travailler. La ligne en pointillés représente la situation hypothétique où tous les travailleurs resteraient en fonction.

La graphique en annexe (61) , qui montre la manière dont les personnes vivent les changements au travail, suit la même tendance: plus on est jeune, plus les changements sont faciles à vivre; entre 30 et 35 ans, les choses deviennent plus difficiles et au-delà, encore davantage.

La courbe en pointillé illustre l'hypothèse où l'ensemble de la population reste sur le marché du travail. La « rupture » qui intervient dans la courbe marque l'endroit à partir duquel seul un travailleur sur quatre est encore disponible pour le marché du travail. Les deux graphiques montrent comment le stress et les changements au travail sont vécus. Il y a beaucoup à faire dans ces domaines pour maintenir valablement au travail les personnes de 55 ans et plus.

Le schéma en annexe (62) montre quelques idées sur le contenu des projets, la réorientation des fonctions. Des projets de coaching, qui peuvent parfois se révéler positifs, ont déjà été évoqués: certaines personnes, qui ont travaillé sur le terrain pendant plusieurs années, sont ravies de pouvoir transmettre leur savoir-faire, pour autant qu'elles bénéficient du soutien de l'entreprise.

On voit aussi l'adaptation de l'organisation du travail, la formation des travailleurs, la préservation des connaissances, le transfert des compétences propres à l'entreprise, etc. Les entreprises doivent lancer d'autres idées en fonction de leur environnement et de leurs besoins.

Les projets qui peuvent bénéficier d'une subvention sont les projets axés sur la prévention des risques, les projets novateurs qui peuvent être étendus à d'autres entreprises et les projets applicables dans d'autres entreprises.

Il faut que les travailleurs auxquels les projets sont destinés soient associés à la conception et à la mise sur pied de ceux-ci.

L'avis favorable des comités et des services pour la prévention et la protection au travail doit être acquis et une convention collective de travail sur le sujet doit être établie.

Tels sont les trois critères administratifs indispensables.

Quelles sont les conditions d'octroi de la subvention ?

Il s'agit d'un cofinancement. L'objectif n'est donc pas de financer le projet dans son intégralité.

Le montant de la subvention dépend du nombre de travailleurs occupés. Une entreprise qui compte moins de travailleurs peut obtenir un montant relativement plus élevé. Celui-ci peut couvrir entre 50 et 80 % des frais exposés et est plafonné. On part du principe que pour les petites entreprises, les nouvelles initiatives ont un coût relativement plus élevé.

La subvention ne peut pas être cumulée avec d'autres avantages que l'employeur perçoit dans le chef du même travailleur et dans le même but, à l'exception de la réduction de la cotisation ONSS dont l'entreprise peut bénéficier dans le cadre du plan Activa.

Quant aux conditions à respecter, il faut s'engager à exécuter effectivement les mesures d'adaptation des conditions ou de l'organisation du travail et continuer à occuper les travailleurs pendant au moins un an selon les conditions ou l'organisation du travail décrites dans le projet.

La principale mission de l'équipe du Fonds de l'expérience professionnelle est de promouvoir le fonds et de mener des actions de sensibilisation sur le thème en question. Cela peut se concrétiser par des exposés notamment dans les entreprises, la formulation d'avis sur le développement d'initiatives, la communication d'informations au sujet des subventions, le traitement des demandes de subvention, la formulation d'avis à l'intention du ministre, la communication de la décision aux entreprises et l'imputation des subventions.

Pour de plus amples renseignements, il y a lieu de consulter le « Metaguide » de l'autorité fédérale (63) .

b) Échange de vues

Mme Thijs signale que ces derniers temps, des organisations proposent des études de diversité dans les entreprises. Au Limbourg, c'est le comité sous-régional pour l'emploi qui s'en occupe.

Le Fonds de l'expérience professionnelle a probablement acquis une expertise considérable en ce qui concerne les travailleurs âgés. A-t-il des contacts avec de telles organisations ? De quelle manière l'expertise du Fonds de l'expérience professionnelle est-elle transmise à ces organisations, qui s'intéressent entre autres à la problématique des travailleurs âgés, des allochtones et des femmes ?

Mme Himpens signale qu'elle a déjà présenté un exposé dans l'un des comités sous-régionaux de l'emploi. L'objectif est certainement de collaborer dans ce domaine avec eux.

Mme Van de Casteele constate avec étonnement que le Fonds de l'expérience professionnelle n'est opérationnel que depuis le 1er septembre de cette année. Elle avait l'intention de demander des chiffres sur le nombre d'entreprises avec lesquelles le Fonds de l'expérience professionnelle a collaboré. Elle croit se rappeler qu'à l'époque, elle avait aussi posé des questions à M. Vandenbroucke et qu'il était déjà prévu que le Fonds entame ses activités. Lors d'un colloque sur le vieillissement de la population, le représentant de l'OCDE a déclaré que le seul mérite de la Belgique avait été de créer un Fonds de l'expérience professionnelle.

Une comparaison des conditions de travail dans l'Union européenne, réalisée dans le cadre de l'enquête appelée de Dublin, montre qu'en ce qui concerne le travail lourd, les horaires de travail irréguliers et le travail en équipes, la situation dans notre pays n'est pas fondamentalement différente de celle d'autres pays européens. Un chiffre, toutefois, se détache du lot, à savoir celui des congés de maladie dus aux conditions de travail. L'intervenante n'aperçoit pas clairement si ces données sont objectives ou subjectives. Si, dans notre pays, il y a davantage de travailleurs de plus de 55 ans qui deviennent invalides et qu'ils pointent du doigt les conditions de travail, il y a lieu d'examiner comment remédier à cet état de choses.

La présidente, Mme Geerts, aimerait savoir dans quelle mesure les entreprises font appel aux services du Fonds de l'expérience professionnelle. Elle se dit surprise, elle aussi, d'apprendre que le Fonds de l'expérience n'est opérationnel que depuis cette année. Elle a déjà entendu certaines entreprises déclarer que les incitants ne sont pas suffisants et que, dès lors, cela ne vaut pas la peine d'introduire un projet. L'intervenante a du mal à comprendre. Des formulaires d'inscription ont-ils déjà été expédiés au cours de ces derniers mois ?

Mme Himpens précise que le cadre légal existe depuis 2001 mais que les premiers membres du personnel ne sont entrés en service que le 1er septembre 2004. De là sans doute la confusion. Le Fonds a déjà reçu plusieurs demandes.

À la question de la présidente, Mme Geerts, de savoir dans quel délai les entreprises obtiennent une réponse à leur demande et à quel moment elles peuvent effectivement entamer leur projet, Mme Himpens répond que rien n'empêche les entreprises de commencer leur projet avant d'introduire la demande mais que, dans ce cas, elles ne savent pas si elles bénéficieront ou non de la subvention. La procédure figure dans l'arrêté royal. Elle pense que le délai est de quatre mois.

Mme Van de Casteele en déduit qu'aucune firme n'a encore obtenu le feu vert.

Mme Himpens le confirme mais signale qu'une équipe opérationnelle travaille activement dans le domaine de la sensibilisation.

II.A.4. AUDITIONS DE REPRÉSENTANTS DU MONDE ÉCONOMIQUE

II.4.1. M. Hans Suijkerbuijck, directeur RH, Centre d'expertise SD Worx

a) Exposé introductif

M. Hans Suijkerbuijck se pose la question de savoir pourquoi le vieillissement constitue un problème social:

— sur le plan démographique, le rapport entre les jeunes et les personnes âgées est déséquilibré: les baby-boomers vieillissent, l'espérance de vie augmente et la natalité est morose;

— le degré d'activité chez les travailleurs âgés baisse;

— le rapport entre les contributeurs nets et les consommateurs nets des équipements collectifs est déséquilibré;

— parmi les facteurs supplémentaires rendant la situation encore plus problématique, citons: l'augmentation relative des coûts des soins de santé, le système de répartition des pensions et le fait que l'assise économique est soumise à forte pression.

Il ressort du tableau figurant à l'annexe de II.A.4.1.1. qu'il existe un déséquilibre entre les populations active et inactive (64) . On peut également en conclure que le degré d'activité chez les plus âgés, c'est-à-dire la catégorie d'âge des 50-64 ans est réduite. Comment cela se fait-il ?

— Les personnes plus âgées sont poussées hors du marché (facteurs push) pour les raisons suivantes:

+ coûts salariaux élevés en comparaison avec un collaborateur plus jeune;

+ coûts salariaux élevés par rapport à la contribution/aux prestations;

+ mécanismes de sortie disponibles, assortis d'exigences peu importantes, tant pour les travailleurs que pour les employeurs.

— Les travailleurs plus âgés choisissent de leur propre chef de quitter (facteurs pull):

Les raisons pour lesquelles ils arrêtent sont:

+ l'envie de s'arrêter: usure, carrière stoppée, rythmes élevés;

+ exigences peu élevées des mécanismes de sortie.

— Le postulat social classique prévoit de partir à la pension à l'âge de 60 ans.

Il ressort de données rassemblées par SD Worx (65) que les travailleurs plus âgés sont effectivement plus chers, mais que c'est particulièrement vrai chez les employés et dans une bien moindre mesure chez les ouvriers. À la lumière de la « DIP Salary Survey 2004 », il semble également que l'augmentation du coût salarial des fonctions d'employés progresse dans une plus large mesure au fur et à mesure des années que l'augmentation du coût salarial des fonctions d'ouvriers.

Les travailleurs plus âgés remplissent en général des fonctions exigeant davantage d'expérience, mais le coût salarial est également fonction du temps presté: SD Worx a constaté grâce à des études que le nombre de jours de vacances, qui augmente au fur et à mesure de l'évolution de la carrière, a un impact sur le coût salarial, de même que le taux d'absentéisme, qui augmente également avec l'âge. Cela signifie que les travailleurs plus âgés sont absents du travail moins souvent, mais plus longtemps.

Une enquête menée par SD Worx a montré qu'une grande majorité des gens estime que l'âge idéal de la pension est, en moyenne, de 56,3 ans. Cette même enquête a également démontré que ceux qui souhaitent généralement partir plus tôt, sont les ouvriers, suivis par les employés et enfin par les cadres.

L'âge souhaité de la pension semble également être plus tardif chez les personnes dont la satisfaction est plus élevée.

À la lecture des données précitées, M. Suijkerbuijk est arrivé à la conclusion que, pour permettre l'allongement de la carrière, il y a lieu de mener une gestion du personnel mieux adaptée à l'âge. Si les travailleurs et les employeurs ont un rôle à jouer dans ce cadre, la société et le monde politique ont également des responsabilités à assumer.

M. Suijkerbuijk décrit la mission du monde politique comme suit:

— sensibiliser: il faut persuader les gens de la nécessité de prolonger leur carrière. M. Suijkerbuijk souligne que la sensibilisation est efficace: une enquête menée par SD Worx concernant l'âge souhaité de la pension en 2003 a donné pour résultat 55,8 ans; en 2004, ce chiffre s'élevait à 56,3 ans. En outre, les personnes sondées donnaient 60,7 ans comme âge idéal de la pension, ce qui est supérieur à l'âge moyen actuel de la pension, fixé à 58 ans;

— les mécanismes de sortie doivent devenir plus sélectifs et être rendus moins attractifs;

— l'assise économique, et par conséquent également la compétitivité doivent être renforcées;

— un nouveau cadre légal doit être fixé pour une nouvelle gestion du personnel.

Selon M. Suijkerbuijck, les défis à relever par la nouvelle gestion du personnel sont les suivants:

— mettre fin au préjugé « vieux = cher »;

— créer le droit et le devoir de rester;

— ne pas laisser s'échapper les connaissances et l'expérience;

— créer des possibilités en matière de rythme de travail et de conditions de travail;

— gérer la carrière avec flexibilité.

Pour vaincre le préjugé « vieux = cher », M. Suijkerbuijk propose les étapes suivantes:

+ l'âge et l'expérience ne peuvent plus constituer les seules bases pour fixer les salaires: cela signifie, que lors des négociations dans le cadre des conventions collectives et sectorielles, on ne peut se contenter de prendre l'âge pour base unique;

+ la contribution à l'organisation doit constituer le noyau de la gestion de la politique salariale: à cet égard, les qualités suivantes sont exigées:

— compétence (et expérience)

— résultats

+ tout ce qui précède suppose des systèmes professionnellement structurés:

— gestion des compétences (qualités exigées et disponibles)

— gestion des performances (performances exigées et disponibles)

— qualité de l'encadrement.

Le droit et le devoir de rester, impliquent les éléments suivants:

+ la mentalité consistant à dire « j'arriverai/il arrivera bien jusque-là » n'est plus acceptable.

+ la prise de conscience d'une carrière prolongée exerce un impact sur la disposition à investir et à se former.

+ on a à nouveau besoin de gérer les compétences:

— qui doit (encore) savoir/pouvoir quoi ?

— qui sait/peut quoi ?

— que faut-il rectifier et comment ?

+ la liaison entre la formation continue et le salaire en fait une option moins facultative.

+ le fait rester doit aller au-delà de simplement suivre des formations: il faut demeurer impliqué et informé, être coaché, ...

Il est également crucial que les connaissances et l'expérience ne se perdent pas:

+ les entreprises vieillissantes en font l'expérience: on constate une fuite rapide des connaissances et de l'expérience.

+ il est donc important d'investir dans la gestion des connaissances:

— les connaissances doivent être documentées;

— les connaissances doivent être transmises;

— les formateurs doivent être formés;

— les engagements en matière de remplacement doivent pouvoir se superposer.

Il faut porter davantage d'attention aux rythmes de travail et aux conditions de travail:

— un rythme soutenable signifie bien plus que s'arrêter de temps en temps;

— des alternatives par la gestion des prestations doivent être liées aux salaires;

— il faut également conserver des possibilités de travail à temps partiel. À cet égard, il est important de tenir compte des indemnités constituées par les assurances de groupe. Étant donné qu'aujourd'hui, les 5 dernières années de travail sont déterminantes pour la fixation du montant des indemnités en la matière, la plupart des gens ne souhaitent pas travailler à temps partiel pendant les 5 dernières années de leur carrière.

M. Suijkerbuijk est donc d'avis que l'introduction d'une gestion de carrière flexible est très importante. Cela signifie entre autres:

— la mise à mal du système de up or out;

— davantage de variations doivent être introduites dans les descriptions de fonctions;

— au sein même des fonctions, des évolutions doivent être possibles, compte tenu des points forts et des éléments motivants pour les personnes disposant d'une expérience: elles doivent endosser davantage de responsabilités, pouvoir critiquer la politique de l'entreprise de manière constructive et pouvoir servir de coach, le cas échéant.

M. Suijkerbuijck fait remarquer à cet égard qu'une étude de SD Worx de 2004 semble démontrer que pour les travailleurs plus âgés, la responsabilité au travail est l'élément motivant le plus important (66) .

M. Suijkerbuijck conclut comme suit:

— la prolongation des carrières est une nécessité et un fait incontournable pour les administrations, les entreprises et les individus;

— le cœur d'une politique du personnel tenant compte de l'âge consiste à adopter une gestion du personnel solidement ancrée sur le principe « en avoir pour son argent » et « être payé en retour »;

— le vieillissement peut mener à l'introduction de principes bénéfiques liés à une politique du personnel orientée sur les résultats.

b) Échange de vues

M. Noreilde retient de l'exposé de M. Suijkerbuijck qu'il s'agit d'un plaidoyer clair pour une gestion du personnel novatrice et flexible. À cet égard, un nouveau cadre juridique est-il nécessaire ou non ?

Quelles autres mesures s'imposent en la matière, en dehors des dispositions légales ?

L'adage selon lequel le « vieux = cher » doit donc être détrôné, insiste M. Noreilde. Comment M. Suijkerbuijck envisage-t-il ce bouleversement et dans quel délai est-il réalisable ?

M. Suijkerbuijck souligne que les marges étroites en matière de compétitivité des entreprises ne permettent pas de simplement tenter d'accroître le taux d'activité.

Il existe en effet une série de pistes que le gouvernement peut envisager pour mettre un terme à l'adage qui dit que « vieux = cher », par exemple:

— prendre des mesures en matière de sécurité sociale, spécifiques pour les travailleurs plus âgés;

— rendre le travail à temps partiel plus facile pour les travailleurs plus âgés (par exemple en réglementant autrement la prépension).

Pour le reste, il est essentiel que de nouveaux accords soient pris entre les employeurs et les travailleurs. Le passage à un nouveau système ne sera pas facile, dit M. Suijkerbuijck, et devra aller de pair avec de bons systèmes de gestion des compétences et des connaissances.

Pour le moment, SD Worx utilise déjà de telles techniques pour son évaluation interne.

Mme de T' Serclaes fait remarquer que les statistiques en matière de retraites anticipées des travailleurs plus âgés n'indiquent pas s'il s'agit d'une démarche volontaire, et s'il s'agit de décisions individuelles ou de mesures collectives.

Elle connaît beaucoup de prépensionnés et de pensionnés actifs dans ce que l'on pourrait appeler la zone « grise », soit pour rester dans le coup, soit pour aider ses propres enfants à prendre un bon départ.

Elle retient de l'exposé de M. Suijkerbuijk qu'une réflexion globale sur une gestion moderne et flexible du personnel s'impose.

Enfin, elle fait remarquer que l'on ne peut perdre de vue que les travailleurs plus âgés ne sont plus au fait des technologies modernes et que la formation de ces travailleurs plus âgés s'impose donc également.

II.A.4.2. M. Marc Embo, auteur du concept de skill-pooling et M. André Van Meervenne, administrateur de t-groep

a) Exposés introductifs

Le skill-pooling est un instrument de ressources humaines créé pour apporter une réponse à des problèmes qui se présentent souvent pour les collaborateurs en fin de carrière. On constate que certains d'entre eux, une fois qu'ils ont dépassé l'âge 45 ans, éprouvent des difficultés pour continuer à fonctionner de manière optimale et que les fonctions qui leur sont adaptées ne sont plus disponibles au sein de l'entreprise. Ils disposent d'une vaste expérience dans leur domaine, mais celle-ci n'est soit plus utilisable à temps plein, soit ne justifie plus son coût. De plus, à la fin de la carrière, on n'échappe pas toujours à des phénomènes de burn-out.

Afin d'offrir une alternative à la prépension ou de trouver d'autres solutions au problème, on a créé le skill-pooling.

Le skill-pooling consiste à chercher, pour les collaborateurs de 50 ans ou plus pour lesquels aucune fonction ne peut être trouvée au sein de l'entreprise, un travail adapté ou des missions en dehors de l'entreprise, à temps plein ou à temps partiel, pour des périodes courtes ou longues, selon le cas. Pendant cet emploi en dehors de l'entreprise, le travailleur continue à être payé normalement et ses services sont facturés à leur utilisateur.

Il doit s'agir de collaborateurs qui disposent d'une expertise et d'une expérience concrètes et applicables. Ce sont en premier lieu des cadres mais également des experts dans des fonctions spécialisées, comme des comptables, des chefs d'atelier, des analystes système, les ingénieurs de projets, etc. qui entrent en ligne de compte. Bien qu'en général il s'adresse aux plus de 50 ans, le skill-pooling est également possible pour ceux qui n'ont pas atteint cet âge.

M. Embo donne les exemples suivants:

— un facility manager, responsable de l'entretien des bâtiments et des installations est sous-employé parce que l'on n'opère pour le moment aucun nouvel investissement; on ne peut cependant pas s'en passer car il possède des connaissances spécialisées dans des domaines spécifiques, propres à l'entreprise. Le skill-pooling l'a mis en contact avec une PME qui a acheté un nouveau terrain et pour laquelle il travaille à présent à mi-temps pour assurer la réinstallation et l'adaptation technique du bâtiment. De la sorte, le skill-pooling résout un problème pour deux entreprises et l'expertise existante est utilisée de manière optimale et à coûts partagés.

— un expert en EFQM et Change-Management est devenu superflu et n'a plus de mission à remplir au sein de son organisation. Grâce au skill-pooling, il met aujourd'hui son expertise au service d'un groupe d'hôpitaux où il a introduit l'idée d'EFQM et d'Excellence in Business.

À quels problèmes le skill-pooling offre-t-il une solution ?

Dans le domaine des ressources humaines, la pratique quotidienne est faite d'une multitude de situations pour lesquelles le skill-pooling peut offrir une solution:

— un collaborateur pour lequel aucune fonction adaptée n'est (momentanément) disponible dans l'entreprise;

— un salarié de plus de 50 ans qui montre des signes de burn-out et qui n'a pas encore droit à la prépension;

— un collaborateur dont l'expertise est indispensable, mais qui coûte trop cher en comparaison avec la contribution qu'il apporte;

— un expert qui n'est pas nécessaire à temps plein, mais seulement pour des périodes spécifiques;

— un expert plus âgé et ayant des problèmes de motivation par rapport à son employeur actuel ou des problèmes d'adaptation par rapport à un chef plus jeune;

— un expert, qui pour des motifs de réduction des coûts, doit être remercié mais pour qui la prépension ou le licenciement ne sont pas possibles pour diverses raisons;

— un expert qui revient après un long congé de maladie et dont, entre-temps, la fonction est assumée de manière satisfaisante par quelqu'un d'autre;

— un expert qui revient après une mission à l'étranger et pour qui aucune fonction adaptée n'est disponible;

— un expert qui peut (ou doit) prendre une prépension, mais qui ne le souhaite pas pour diverses raisons;

— etc.

Quels sont les avantages offerts par le skill-pooling ?

Outre le fait qu'il constitue une solution pour les problèmes précités qui peuvent se présenter, le skill-pooling offre également les avantages suivants:

— récupération d'une part importante des coûts salariaux;

— l'entreprise reste, si nécessaire, propriétaire de l'expertise accumulée au cours des années;

— preuve de professionnalisme par la mise en place d'une gestion des ressources humaines tenant compte de l'âge;

— création d'une image sociale positive à l'égard des collaborateurs et des organisations sociales et syndicales, évitant les scénarios de « séparation » difficilement acceptables socialement;

— l'expertise disponible est optimalisée et la productivité des experts est améliorée;

— l'entreprise collabore à l'accroissement du taux d'emploi des travailleurs plus âgés;

— le skill-pooling peut devenir un instrument important dans la politique en matière de planification des carrières dans l'entreprise/organisation;

— le skill-pooling offre aux experts la possibilité de relever de nouveaux défis, prévenant ainsi le burnout;

— le skill-pooling propose un espace d'épanouissement pour les jeunes cadres;

— etc.

Comment fonctionne le skill-pooling ?

M. Embo explique que le skill-pooling consiste à échanger une expertise/des experts entre entreprises. Le rôle d'intermédiaire est assuré par le conseiller en skill-pooling.

La première entreprise, prestataire de services, prête l'un de ses collaborateurs, le skill-pooler, à une autre entreprise, la cliente, pour l'exécution d'une mission à temps plein ou à temps partiel, pour un délai plus ou moins long sur la base d'un contrat de prestation de services.

Pour le skill-pooler, rien ne change: il continue à être payé comme d'habitude par son employeur sans modification de son contrat d'emploi, de son statut ou de ses droits acquis. Son employeur-prestataire de services est rémunéré pour la fourniture de ses services par l'entreprise utilisatrice-cliente sur la base d'un tarif journalier ou horaire convenu au préalable.

M. Embo explique le rôle et la mission du consultant en skill-pooling comme suit: le consultant en skill-pooling assume un rôle important dans le processus de médiation. Son rôle est à la fois psychologique en apportant une évolution des mentalités chez le travailleur et chez l'employeur à l'égard des travailleurs plus âgés, mais il est aussi pratique au moment de la réalisation de l'échange.

Dans la pratique, les choses se passent comme suit:

1) En cas de demande d'un expert émanant du client:

— définition de l'expertise nécessaire pour mener à bien la mission.

— identification d'une entreprise prestataire de services qui a à sa disposition un skill-pooler et évaluation de ce dernier pour s'assurer qu'il dispose de l'expertise souhaitée (assessment);

— si le skill-pooler satisfait aux critères imposés, le renseigner et lui fournir toutes les informations de façon à ce qu'il soit prêt à assumer la mission et motivé et pour la mener à bien;

— présenter le skill-pooler au client et veiller à ce qu'aucun malentendu ne subsiste concernant la mission et le résultat escompté: il est important que les accords entre le client et le skill-pooler soient équitables;

— négocier, avec le prestataire de services et le client, le tarif journalier ou horaire,

— établir un contrat et des déclarations d'intention réciproque;

— accompagner le skill-pooler au début de sa mission et assurer le suivi nécessaire en cas de difficultés;

— sur la base d'états de prestations mensuels dûment complétés, adresser les factures aux deux entreprises.

2) En cas de demande de mission émanant d'une entreprise prestataire de services qui possède un expert à disposition:

— évaluation du candidat skill-pooler pour s'assurer qu'il dispose de l'expertise et de l'expérience nécessaire (assessment);

— identification du client qui est à la recherche de cette expertise;

— définition de l'éventuelle mission en fonction du skill-pooler;

— préparation du skill-pooler et motivation de celui-ci pour la mission;

— présentation auprès de l'entreprise cliente et établissement d'accords clairs concernant les attentes en matière d'emploi du temps, d'objectifs et de résultats;

— négociation du tarif journalier ou horaire;

— rédaction des contrats et des déclarations d'intention réciproques;

— accompagnement du skill-pooler au début de la mission et intervention en cas de problème;

— sur la base d'états de prestations mensuels dûment complétés, adresser les factures aux deux entreprises.

Deux contrats sont toujours conclus:

1) un contrat de prestation de services entre le prestataire de services et le client, parfaitement conforme à la législation en matière de mise à disposition;

2) un contrat de skill-pooling entre le consultant en skill-pooling et l'entreprise qui fait appel aux services du consultant en skill-pooling.

En outre, il est recommandé de conclure un accord écrit avec le skill-pooler stipulant qu'il est disposé à être employé à un autre endroit. La responsabilité en cas d'accident du travail pendant la mission de skill-pooling est réglée par le contrat de prestation de services. Toutefois, il est préférable d'informer la compagnie d'assurances de l'activité de skill-pooling au préalable, pour éviter toutes discussions ultérieures.

Les honoraires sont prélevés sur le salaire journalier ou horaire sur la base d'un pourcentage qui varie en fonction de la durée de la mission.

Si la mission consiste à trouver un skill-pooler potentiel ou, au contraire, si elle consiste à trouver un emploi adapté pour un candidat skill-pooler, une avance est demandée, qui sera ensuite déduite des honoraires, si la recherche s'avère fructueuse.

M. Embo fait toutefois remarquer qu'il a constaté que les employeurs continuent à montrer une certaine réticence pour monter dans le train du skill-pooling. Pour le moment, il reste plus facile pour les employeurs d'envoyer leurs salariés âgés à la prépension.

C'est la raison pour laquelle l'orateur insiste pour que le gouvernement prenne des mesures afin qu'il soit plus intéressant pour les employeurs d'utiliser le système du skill-pooling plutôt que de faire usage du mécanisme de mise à la prépension.

Pour le moment, il est prévu qu'un employeur qui engage un travailleur de plus de 50 ans paie des cotisations réduites de sécurité sociale. M. Embo suggère de prévoir la même règle pour les employeurs qui placeraient leurs salariés de plus de 50 ans dans un système de skill-pooling.

M. Van Meervenne ajoute qu'il a personnellement été directeur des ressources humaines pendant 35 ans dans une entreprise internationale. Grâce à son expérience, il assiste M. Embo pour faire connaître le système de skill-pooling, mais il tient cependant à mettre en lumière un certain nombre de difficultés de ce système.

À l'heure actuelle, les employeurs ne cherchent qu'à se débarrasser le rapidement possible de leurs travailleurs plus âgés, soit par licenciement soit par une mise à prépension.

Aujourd'hui, le skill-pooling est la seule solution proposée sur le marché pour résoudre le problème du vieillissement. Mais jusqu'à présent, elle n'a guère rencontré de succès.

La raison en est, d'après M. Van Meervenne, que sur le terrain, on n'est pas encore mûr:

— au plan intellectuel, les entreprises qui souhaitent s'engager comme prestataires de services, sont très positives;

— les entreprises qui doivent « vendre » les travailleurs âgés sont cependant plus réticentes: elles ne comprennent pas pourquoi on engagerait un travailleur âgé au lieu d'essayer d'attirer une main-d'œuvre plus jeune;

— il est très difficile de convaincre les travailleurs âgés d'entrer dans le système de skill-pooling. Les statistiques montrent que la plupart des travailleurs plus âgés souhaitent arrêter de travailler à +/- 56 à 58 ans;

— jusqu'à présent, le gouvernement n'a rien fait pour rendre le skill-pooling attirant pour les personnes concernées.

b) Échange de vues

À la question de plusieurs sénateurs qui ont entendu les questions soulevées quant à la légalité du système de skill-pooling, M. Embo répond que plusieurs juristes l'ont assuré qu'aucun obstacle légal ne devrait empêcher la mise en place du système. Il ne devrait y avoir aucun problème du type de ceux rencontrés avec les « faux indépendants ».

Mme Van de Casteele tient à souhaiter bonne chance à MM. Embo et Van Meervenne dans leur tentative de diffuser l'idée du skill-pooling.

L'oratrice se déclare, de son côté, disposée à collaborer à cette idée.

II.A.4.3. M. Herwig Muyldermans, directeur général de Federgon

a) Exposé introductif

Federgon est une fédération qui regroupe six départements, dont le travail intérimaire, le recrutement et la sélection, la gestion du travail intérimaire, le domaine de la formation, l'outplacement et les entreprises de détachement. Cela signifie que Federgon, en tant que fédération, chapeaute la totalité des secteurs de prestation de services de RH.

Attendu que le gouvernement a déjà pris un certain nombre d'initiatives en matière d'outplacement à la demande des partenaires sociaux, M. Muyldermans ne souhaite pas s'y attarder. Federgon considère que l'outplacement est un excellent système pour remettre des gens au travail avec le mot d'ordre suivant: « mieux vaut un système de tremplin qu'un système de hamac ».

Aujourd'hui à nouveau, le secteur du travail intérimaire est confronté à plusieurs préoccupations. De nombreux emplois vacants ne sont pas remplis, tant au niveau des ouvriers que des employés. Le secteur du travail intérimaire doit même aller chercher des travailleurs à Lille ou à Douai pour les envoyer en mission dans les entreprises de Flandre occidentale.

M. Muyldermans indique que dans ce cas, quatre solutions existent:

— soit on fait revenir les demandeurs d'emploi actuels sur le marché du travail,

— soit les entreprises vont à l'étranger,

— soit on attire de la main-d'œuvre étrangère,

— soit on trouve des solutions pour remettre au travail des travailleurs plus âgés.

L'orateur présentera des propositions relatives aux demandeurs d'emploi âgés et aux demandeurs d'emploi en général.

En 2004, Federgon a fait mener une enquête par Idea-consult sous le titre « Les plus de 45 ans, travailleurs intérimaires » (67) . M. Muyldermans commente succinctement les résultats de cette étude.

Le graphique intitulé « Les plus de 45 ans sur la population totale des intérimaires » (68) montre que les intérimaires de plus de 45 ans sont au nombre de 24 374.

Il apparaît clairement à la lecture du graphique que le nombre de plus de 45 ans employés à titre d'intérimaires n'a cessé de croître ces dernières années.

Le groupe cible de l'étude se compose de 500 personnes de plus de 45 ans.

Le but de l'étude consistait à sonder le profil des intérimaires de plus de 45 ans tant sur le plan des caractéristiques personnelles qu'en ce qui concerne leur passé professionnel.

Concernant les caractéristiques personnelles, les données rassemblées étaient relatives à l'âge, au sexe et au statut, à la nationalité et au niveau de formation.

En ce qui concerne l'âge, le groupe des 46-49 ans est le plus important (46 %), ensuite le groupe des 50-53 ans (21,9 %), suivi du groupe des 54-57 ans (20,6 %) et enfin le groupe des 58 ans et plus (11,5 %). Au total, environ 50 % des personnes sondées avaient plus de 50 ans.

La répartition selon l'âge donne les chiffres suivants: femmes: 45,5 % et hommes: 54,5 %.

36,4 % des personnes interrogées ont le statut d'employé et 63,6 % celui d'ouvrier.

86,5 % de tous les intérimaires de plus de 45 ans sont belges, 10,6 % sont ressortissants d'un autre État de l'UE et 2,9 % sont des ressortissants d'États non membres de l'Union.

Il apparaît également que de nombreux intérimaires non belges sont actifs sur le marché du travail en Belgique.

Concernant le niveau de formation, 36,8 % des plus de 45 ans ont terminé l'école primaire, 38 % ont un diplôme secondaire, 22 % ont un diplôme supérieur et environ 3 % ont une autre formation.

En comparaison avec l'ensemble des travailleurs intérimaires (14,8 % école primaire — 53,2 % secondaire inférieur — 27,9 % enseignement supérieur), les plus de 45 ans sont plutôt moins bien formés.

L'enquête sur le passé professionnel des intérimaires de plus de 45 ans nous apprend que 59,7 % des sondés avaient un emploi à durée déterminée ou indéterminée, 0,8 % suivaient une formation professionnelle, 28,2 % étaient chômeurs et 11,3 % n'étaient pas actifs sur le plan professionnel. Dans cette dernière catégorie, on trouve essentiellement d'anciennes femmes au foyer.

L'analyse de la durée de chômage de ce groupe nous apprend que 23 % des personnes interrogées ont cherché un emploi pendant plus d'un an. 11 % ont même été demandeurs d'emploi pendant plus de cinq ans. 43,8 % ont été chômeurs pendant moins de trois mois. M. Muyldermans fait remarquer que ces chiffres indiquent qu'une gestion de l'emploi orientée vers les plus de 45 ans peut livrer des résultats intéressants.

L'étude s'est également intéressée à la motivation de travail des plus de 45 ans:

— en règle générale, les raisons suivantes ont été citées, par ordre dégressif d'importance: la satisfaction du travail, le besoin financier, le contact social, rester dans le coup et améliorer ses compétences, tous les amis et le partenaire travaillent encore;

— les motifs pour travailler en tant qu'intérimaire, par ordre dégressif d'importance: la liberté d'accepter un travail, les plus de 45 ans trouvent un emploi plus facilement de cette manière que par les autres canaux, c'est une solution provisoire, la possibilité d'essayer un nouveau job, un tremplin pour trouver un emploi fixe, travailler régulièrement mais temporairement, aide/accompagnement dans la recherche d'un emploi, pour acquérir de l'expérience, choix délibéré et pour travailler temporairement, l'intérim est varié, comme revenus supplémentaires.

Il y a des facteurs qui rendent la recherche d'un emploi difficile pour les plus de 45 ans, mais pour 44,2 % des personnes interrogées, il n'y en a pas.

Les facteurs qui sont retenus par certains sont: les problèmes de santé, l'insuffisance des connaissances en informatique, la perte de la pension, pas de véhicule personnel, la perte d'autres primes financières.

Les possibilités de trouver un emploi fixe diffèrent en fonction du groupe d'âge auquel appartiennent les plus de 45 ans:

— 57,3 % pour la catégorie 46-49 ans

— 57,8 % pour la catégorie 50-53 ans

— 32,3 % pour la catégorie 54-57 ans

— 29,7 % pour la catégorie 58 ans et plus.

Globalement, 48,5 % trouvent un emploi fixe dans l'entreprise utilisatrice et 3/4 des contrats conclus sont des contrats à durée indéterminée.

Pour un groupe défini de plus de 45 ans, le travail intérimaire représente un revenu complémentaire (21 % des personnes sondées).

Une enquête de satisfaction auprès des personnes concernées a montré que celle-ci est grande et augmente avec l'âge. Ceci est vrai pour la satisfaction en général, la satisfaction quant au travail proposé, quant aux conditions de travail et de salaire et quant au fonctionnement des bureaux d'intérim.

Sur la base des résultats de l'enquête, M. Muyldermans explique les propositions de Federgon comme suit:

— il est important que les décideurs politiques (gouvernements, partenaires sociaux) reconnaissent davantage les atouts du travail intérimaire et les valorise dans leurs plans d'action pour l'emploi des travailleurs plus âgés;

— le travail intérimaire peut constituer une formule flexible pour les fins de carrière, où les travailleurs peuvent rester selon leur propre rythme et en fonction de leurs besoins;

— la durée de travail autorisée pour les travailleurs pensionnés doit être assouplie;

— le recrutement de travailleurs plus âgés doit être encouragé par des incitants financiers (ONSS);

— le recrutement de travailleurs plus âgés doit être encouragé par une prime à l'intermédiaire qui a réalisé le recrutement: ce type d'arrangement existe dans d'autres pays voisins;

— les connaissances et l'accès des plus de 45 ans à l'informatique doivent être améliorés parce que cette donnée est incontournable pour certains emplois;

— la formation (recyclage) des demandeurs d'emploi de plus de 45 ans doit être améliorée de manière à ce que leurs profils correspondent mieux à la demande du marché de l'emploi;

— la mobilité de ces travailleurs doit être améliorée de sorte qu'ils aient accès aux zones industrielles;

— l'offre de services de proximité doit être étendue à un prix correct pour ceux qui veulent en faire une profession;

— le travail au noir par les plus de 45 ans doit être combattu.

b) Échange de vues

À la question de M. Noreilde qui souhaite savoir si le secteur du travail intérimaire peut jouer un rôle positif dans le skill-pooling, M. Muyldermans répond que le skill-pooling s'inscrit parfaitement dans le cadre du travail intérimaire. Mais l'orateur souligne cependant que pour rendre le skill-pooling réalisable dans la pratique, la loi de 1987 sur le travail intérimaire et la mise à disposition de personnel doit être modifiée. En effet, le skill-pooling est une forme de mise à disposition de personnel. Il faut donc pouvoir évoluer dans le sens de la fourniture d'un pool de mobilité et cela peut également être organisé par le secteur du travail intérimaire.

M. Noreilde a appris dans une étude menée par Federgon en 2003, que 90 % des activités d'outplacement font suite à des offres de l'employeur et seulement 10 % à une demande du travailleur. La CCT nº 82 fait de l'outplacement un droit du travailleur.

Comment se fait-il que l'employeur y fasse aussi peu appel et est-il vrai que ce droit est très souvent négocié entre l'employeur est le travailleur ?

M. Muyldermans répond que, dans de nombreux cas, l'évaluation des possibilités d'outplacement est erronée tant dans le chef des employeurs que dans celui des travailleurs.

Il est en effet vrai que dans un certain nombre de cas l'accompagnement de l'outplacement est négocié. Cet état de choses relève tant de la responsabilité des employeurs que des travailleurs. En effet, dans ce cas, ils négocient un système Canada Dry supplémentaire en plus de la prépension, au lieu de choisir l'accompagnement de l'outplacement. Pourtant il est extrêmement important que ces personnes retrouvent très rapidement du travail.

À cet égard, Federgon a fait une série de propositions au ministre chargé à l'époque de l'Emploi et des Pensions, M. Vandenbroecke ainsi qu'à l'actuel ministre de l'Emploi, Mme Vandenbossche. Dans les négociations intersectorielles, cette problématique est également évoquée et M. Muyldermans espère que les partenaires sociaux trouveront le courage de prendre des engagements en la matière. L'une des propositions consiste à prévoir un outplacement obligatoire pour toutes les entreprises en restructuration.

En ce qui concerne plus précisément les plus de 45 ans, Federgon estime que l'initiative doit être prise par l'employeur et non par le travailleur. C'est l'employeur, qui au moment de la restructuration, doit faire parvenir au travailleur le message qu'il a droit à un accompagnement de l'outplacement.

Mme Van de Casteele souhaite apprendre de M. Muyldermans quels sont les inconvénients du travail intérimaire pour le travailleur et ceci notamment en relation avec les droits à la pension et à l'acquisition d'ancienneté.

En effet, il est de notoriété publique qu'il existe des réticences pour reconnaître le travail intérimaire comme un travail à temps plein. L'oratrice aimerait savoir s'il existe à cet égard des arguments objectifs.

Elle ajoute qu'elle est favorable au fait de rendre plus souple l'application du travail intérimaire, en particulier pour les plus de 50 ans.

À l'aide d'un exemple, elle explique la méthode appliquée chez Volvo. Dans cette entreprise, de nombreuses personnes sont employées à titre d'intérimaires. Le travail intérimaire est considéré par l'entreprise comme un premier stade vers un contrat à durée indéterminée. La flexibilité propre au travail intérimaire a, en fait, pour conséquence que ce sont souvent de jeunes travailleurs qui optent pour cette formule parce qu'ils souhaitent ne pas travailler pendant un certain temps. Les travailleurs sous contrat chez Volvo n'ont pas cette possibilité et considèrent ce phénomène avec étonnement ...

M. Muyldermans répond que l'un des inconvénients est la volatilité du contrat. Pour le reste, tous les avantages sociaux sont les mêmes que pour les personnes sous contrat classique. Le travail intérimaire est un système flexible, tant pour les employeurs que pour les travailleurs. Certaines entreprises estiment également que le fait que l'intérimaire puisse chercher facilement un autre travail est un inconvénient, de même que son manque de rigueur dans l'exécution de son contrat.

L'une des propositions de M. Muyldermans consiste à prévoir des incitants financiers pour les entreprises qui acceptent d'employer des travailleurs plus âgés. Mme Van de Casteele souhaite apprendre de M. Muyldermans pour combien d'entreprises ces incitants financiers jouent un rôle. La pratique a démontré que les grandes entreprises examinent d'abord leurs besoins et ne s'intéressent qu'ensuite à la mesure dans laquelle certains groupes peuvent entrer en ligne de compte pour obtenir des incitants financiers.

M. Muyldermans croit aux incitants, mais pas aux incitants pour les entreprises qui ne connaissent pas leur propre coût salarial. Les entreprises bien structurées, quant à elles, tiennent compte de ce type d'incitants si ces derniers sont suffisamment alléchants.

La meilleure preuve a été le plan d'embauche des jeunes. Les jeunes âgés de 26 ans qui ne tombaient pas hors du groupe cible de ce plan l'ont appris à leurs dépens, insiste M. Muyldermans.

Mme Van de Casteele se déclare assez dubitative à l'égard de l'octroi de primes aux agences d'intérim qui pourraient aider des demandeurs d'emploi âgés, difficiles à remettre sur le marché du travail.

M. Muyldermans répond que le modèle australien et le modèle néerlandais des services pour l'emploi prévoient des primes supplémentaires pour les bureaux d'intérim qui mettent sur le marché de l'emploi des intérimaires handicapés.

Toutefois, l'orateur souligne que ce sont plutôt les régions qui sont compétentes en matière d'octroi éventuel de primes, conformément à l'article 6, VI, 1º de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

Mme de T' Serclaes souhaite que M. Muyldermans explique quelle sorte d'entreprise emploie aujourd'hui de la main-d'œuvre intérimaire de plus de 45 ans.

M. Muyldermans répond qu'une étude a montré qu'une seule catégorie d'entreprises se montre plus disposée à engager des travailleurs de plus de 45 ans.

Mme de T' Serclaes souhaite également en savoir davantage sur les problèmes spécifiques de mobilité auxquels sont confrontés les travailleurs plus âgés.

M. Muyldermans répond que la mobilité est l'un des plus problèmes les importants pour réintégrer les personnes sur le marché du travail. Les zonings industriels semblent, en particulier, difficiles d'accès pour les personnes qui reviennent sur le marché du travail. Ainsi, par exemple, aucun transport en commun ne dessert le cœur du port d'Anvers. Le secteur du travail intérimaire a, en collaboration avec la ville d'Anvers et des associations sans but lucratif, mis au point un système par lequel de petits bus transportent les travailleurs intérimaires du et vers le port d'Anvers. Une initiative similaire existe au port de Zeebrugge. Un transport est également organisé pour mener les intérimaires de la Louvière vers Halle.

Ce sont là des exemples concrets de collaboration entre les secteurs public et privé, commente M. Muyldermans.

À la demande de Mme de T' Serclaes, M. Muyldermans ajoute que le secteur du travail intérimaire estime que les travailleurs plus âgés qui ne souhaitent travailler que quelques heures par semaine peuvent parfaitement être maintenus dans le système à l'aide de chèques services. Actuellement, quelque 8 000 personnes restent dans le mouvement grâce aux chèques services. M. Muyldermans estime qu'il y a là encore un important potentiel de croissance.

À une demande de Mme Van de Casteele qui souhaite obtenir plus de détails sur les intérimaires non belges et plus précisément sur les secteurs dans lesquels ces personnes sont actives, M. Muyldermans répond que cette question mérite d'être approfondie.

Mme Van de Casteele suppose que ces personnes sont, pour la plupart, actives dans le secteur du nettoyage.

II.A.4.4. M. Marc Boumans, directeur RH, Egemin

a) Exposé introductif

M. Boumans explique qu'il va prendre la parole en sa qualité « d'homme de terrain ». En effet, il apportera quelques éclaircissements sur un certain nombre de propositions concernant la problématique des fins de carrière déjà abordée au sein du groupe de travail AGORIA. Enfin, il suggérera un certain nombre d'idées.

Egemin est une entreprise d'automatisation où travaillent autant d'ouvriers que d'employés. La majorité des employés sont ingénieurs de formation.

Les perspectives de fin de carrière diffèrent très fortement au sein de l'entreprise selon qu'il s'agit d'ouvriers ou d'employés.

Les ouvriers considèrent qu'ils partiront à la prépension une fois atteints les 58 ans. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'un ouvrier souhaite rester plus longtemps au travail et ceci, en général, pour des raisons personnelles.

En tant qu'employeur, Egemin n'éprouve aucune difficulté à cet égard puisque les frais à supporter par l'employeur sont assumés par le Fonds de sécurité d'existence.

Dans le même temps, M. Boumans a constaté que la plupart des ouvriers sont candidats pour prendre un crédit-temps à partir de l'âge de 45 ans. Ils souhaitent travailler encore à 80 %, ce qui est tout à fait faisable.

La motivation à cet égard n'est pas la volonté de travailler moins car M. Boumans constate que ce groupe cible va en général encore travailler ailleurs aussi.

Quels arguments peut-on avancer pour dire que cela ne se peut pas puisqu'en tant qu'employeur, on est obligé d'accorder le crédit-temps ?

Les employés de l'entreprise sont très fortement impliqués dans son économie. Les hommes travaillent par projet et savent si un projet entraîne des pertes ou rapportent des bénéfices. Ils savent qu'il est financièrement insoutenable pour l'entreprise de continuer à subsidier un grand nombre de prépensionnés. Les employés travaillent par conséquent jusqu'à 60 ans puis prennent leur pension.

Certains employés se plaignent de cet état de choses parce que l'ouvrier prépensionné continue à accumuler ses droits à la pension jusqu'à 65 ans, âge auquel il aura droit à une pension complète. Les employés doivent travailler deux ans de plus et sont confrontés, le jour où ils prennent leur pension, à une perte de cinq années de pension.

M. Boumans estime que cette situation est une aberration du système de la prépension.

L'orateur juge également que la plupart des employés de l'entreprise continuent à produire un rendement parfait jusqu'à ce qu'ils prennent leur pension à 60 ans. Ceci tient également au fait que cela s'inscrit parfaitement dans leurs perspectives d'avenir.

Dans un passé récent, Egemin a, du fait de sa croissance économique à la fin des années 90 et au début des années 2000, procédé au réengagement de travailleurs plus âgés. M. Boumans souhaite souligner que cette initiative est une donnée unique qui n'est pas nécessairement transposable à d'autres entreprises. En règle générale, on recherche des ingénieurs et des gradués dans des professions techniques, à un moment de pénurie de ce type de main-d'œuvre qualifiée. L'orateur a essayé, autant que possible, d'engager de jeunes diplômés des hautes écoles, mais a rapidement constaté que ces derniers manquaient le plus souvent d'expérience en ce qui concerne la base méthodologique: par exemple comment lire un contrat, comment participer à une réunion ou mener une réunion, comment élaborer le planning d'un projet et garder un budget sous contrôle .... Les employés déjà en service avaient trop peu de temps pour accompagner les nouveaux arrivants. C'est la raison pour laquelle M. Boumans est parti à la recherche de personnes de plus de 50 ans pour assurer l'encadrement des nouveaux venus.

Citons, à titre de deuxième exemple, les problèmes rencontrés lors du décès brutal du directeur des recherches. Comme le successeur pressenti de ce dernier était un très jeune ingénieur civil, Egemin a recruté un travailleur plus âgé pour aplanir les obstacles pour le jeune candidat.

Les filiales situées à l'étranger ont également commencé leurs activités sous la férule de travailleurs plus âgés et ce pour deux raisons: ces personnes connaissent bien le marché local et elles pouvaient travailler à temps partiel, entraînant pour l'entreprise une compression du coût salarial.

Depuis 1997, Egemin a engagé de cette manière 23 personnes, généralement avec succès.

Lors du recrutement de travailleurs plus âgés, M. Boumans a éprouvé les difficultés suivantes:

1. De nombreuses CCT stipulent qu'un prépensionné qui quitte volontairement ce système (par exemple pour retourner au travail) ne peut plus revenir à la prépension.

2. L'entreprise qui engage un travailleur plus âgé (par exemple 55 ans) qui demanderait, après trois ans, de partir à la prépension, doit s'acquitter d'indemnités pendant 7 ans, alors que cette personne n'aura travaillé que trois ans pour l'entreprise.

M. Boumans juge par conséquent que la protection des travailleurs plus âgés est bonne, mais que de telles mesures ne constituent aujourd'hui qu'un frein pour ceux qui voudraient revenir au travail.

3. Un autre problème auquel M. Boumans s'est trouvé confronté, était le fait qu'il n'a trouvé pratiquement aucun candidat. Les systèmes de protection pour les travailleurs plus âgés sont en effet de nature telle que les personnes concernées n'ont que peu de possibilités d'en sortir.

Quel est le profil de ceux qui sont tout de même disposés à en sortir ?

En premier lieu, les personnes ayant des problèmes financiers; deuxièmement, les personnes qui, soit souhaitent ne pas quitter le milieu dans lequel elles évoluent, soit ne veulent pas rester à la maison.

Enfin, il y aussi les travailleurs âgés qui, à cause du choix de leur partenaire, aboutissent dans une autre catégorie sociologique.

M. Boumans admet qu'il faut faire changer les mentalités. L'orateur constate que dans ce que l'on appelle la génération médiane (les quadragénaires), les perspectives d'épanouissement consistent à penser qu'ils pourront quitter le marché du travail à leur 58e anniversaire.

Comme l'initiative de M. Boumans a suscité de nombreuses réactions, notamment et essentiellement des employeurs et des chefs de PME, une organisation de travail intérimaire spécialisée dans certains profils techniques et dans les travailleurs plus âgés a été fondée.

Ses initiatives ont valu à M. Boumans d'être invité par Agoria pour participer à un groupe de travail qui se penche sur la problématique de la fin de carrière.

Ce groupe de travail n'a pas pris officiellement mais il est arrivé à un certain nombre de constatations. Personne n'est actuellement demandeur de la suppression des prépensions:

— les employeurs trouvent le système idéal pour pouvoir restructurer en cas de problèmes économiques tout en restant humain;

— les organisations syndicales trouvent également le système idéal car, grâce à la prépension, on évite le bain de sang;

— les travailleurs individuels sont également contents de prendre leur prépension.

Le seul qui y voit un problème, c'est le gouvernement. Le groupe Agoria part du principe de base que, si le gouvernement a un problème, il le répercutera de toute façon sur les employeurs et les travailleurs. La dernière chose qu'il souhaite, c'est que les mesures prises puissent faire grimper les coûts salariaux.

Pour ne pas orienter toute la discussion sur la prépension, le groupe de travail Agoria s'est mis à réfléchir à l'ensemble de la carrière et même à l'ensemble de la sécurité sociale. Ce travail de réflexion a débouché sur la proposition suivante:

La sécurité sociale devrait pouvoir être divisée en un système d'assurance sociale et un système de bien-être. Le système d'assurance sociale a pour objectif de faire prendre en charge par la collectivité les personnes qui, à cause d'une maladie, d'un accident, d'un handicap, ... ne sont plus capables de subvenir à leurs propres besoins.

Le système de bien-être a pour objectif de répondre aux demandes des personnes qui souhaitent apporter plus de confort à leur vie, et de leur garantir un certain niveau de vie. Les travailleurs devraient pouvoir contribuer eux-mêmes à ce système.

Concrètement, cela signifie que chaque travailleur reçoit un petit sac à dos de carrière au moment où il débute celle-ci. Dans ce petit sac à dos, se trouve une sorte de ration « temps libre » que l'intéressé peut utiliser au cours de sa carrière s'étendant sur 45 ans. Il est fait appel à cette ration, par exemple, s'il prend un crédit-temps (à l'exception toutefois des congés spéciaux: congé palliatif, congé parental). Concrètement, cela signifierait que quelqu'un qui a déjà pris du temps libre pendant sa carrière, devra travailler plus longtemps à la fin de celle-ci.

On pourrait également introduire une part de responsabilité en cas de périodes de chômage. Ainsi, par exemple, on pourrait financer les six premiers mois de chômage par le biais du système de sécurité sociale, puis financer les six mois suivant pour moitié par le système de sécurité sociale et pour l'autre moitié par le système de bien-être social.

De la sorte, les chômeurs seraient plus motivés et responsabilisés pour rechercher un nouvel emploi.

Les partenaires sociaux pourraient moduler la répartition des périodes de chômage entre le système de sécurité sociale et le système de bien-être, en fonction de la conjoncture.

Pour certains problèmes, le groupe de travail n'a cependant trouvé encore aucune solution. Par exemple, en ce qui concerne la question des longues maladies.

Aux Pays-Bas, la pratique a démontré que les personnes peuvent passer du chômage à l'invalidité. Un contrôle plus strict est par conséquent à recommander.

Pour les « travaux lourds », on peut imaginer de donner un bonus sur la ration se trouvant dans le sac à dos. M. Boumans juge qu'il doit alors s'agir de professions physiquement astreignantes et non pas de professions où le stress constitue un facteur important. Ceci, explique l'orateur, doit être déterminé au coup par coup.

M. Boumans ajoute que l'idée de l'économie de temps qui circule au niveau politique n'est pas négative, mais il estime qu'il faudra cependant obligatoirement fixer un nombre minimal de jours de vacances à prendre par an, sans quoi l'absentéisme pour maladie va augmenter à toute allure.

Enfin, M. Boumans esquisse encore deux autres pistes de réflexion, indépendantes de la proposition du groupe de travail Agoria:

— on devrait pouvoir envisager d'étendre le système de chômage temporaire des ouvriers aux employés. De la sorte, les employeurs prendraient peut-être moins rapidement des mesures du type « Canada Dry », de prépension ou de licenciement sec. Pour le travailleur, cela offrirait comme avantage qu'il est chômeur temporaire, sans pour autant être totalement coupé du marché du travail;

— M. Boumans emprunte une autre idée aux Pays-Bas. Un certain moment, la société Shell avait obtenu du gouvernement néerlandais, à cause d'une restructuration, que les travailleurs âgés puissent partir à la pension anticipée plus tôt que ne l'autorisait la législation.

Si Shell avait obtenu une telle dérogation aux règlementations légales, c'est que la société avait promis qu'une fois qu'elle engrangerait à nouveau des bénéfices, elle rembourserait au gouvernement les indemnités de chômage que celui-ci aurait versées aux travailleurs licenciés. C'est du reste ce qui s'est effectivement produit.

b) Échange de vues

Mme Van de Casteele a constaté que M. Boumans insiste manifestement beaucoup dans ses propos sur la différence entre les ouvriers et les employés. Ceci, en dépit du fait que cette différence constitue souvent un obstacle pour permettre aux ouvriers plus âgés de se ménager une voie de sortie après avoir acquis le statut d'employé.

M. Boumans explique que, dans son entreprise également, on tient au système de la prépension pour les ouvriers et ce, parce que ce système est solidarisé par le Fonds de sécurité d'existence. La société ne le ressent pas comme tel. Pour les employés, ce n'est pas le cas, et c'est la raison pour laquelle l'entreprise est beaucoup moins disposée à accorder la prépension aux employés.

M. Boumans souligne également qu'il a l'impression que les délégués syndicaux se montrent assez disposés à aborder le problème et ce, parce qu'on est conscient que les systèmes de départ anticipé, d'interruption de carrière etc. exercent une forte pression sur le coût du travail. Ceci a pour effet pervers que les entreprises se délocalisent de plus en plus. Les proportions que ce phénomène risque de prendre inquiètent également les représentants syndicaux inquiets parce que la menace de perte de bien-être est réelle. La menace de perte de bien-être fait également réfléchir les syndicats.

M. Boumans a également appris dans la pratique que ceux qui optent pour une forme déterminée d'interruption de carrière sont également ceux qui, à la fin de leur carrière, souhaitent partir plus tôt. Le fait de « faire une petite pause » n'est, en d'autres termes, pas une garantie d'avoir ensuite l'envie de reprendre le collier. De là le plaidoyer pour donner à chacun « un petit sac à dos » contenant une période équivalente pour tous et que chacun peut utiliser à sa guise, soit pour faire une pause pendant sa carrière, soit pour quitter le marché du travail anticipativement.

En ce qui concerne la suppression de la différence ouvriers-employés, M. Boumans explique que d'après lui, la problématique de la fin de carrière exige une plus haute priorité et que les pierres d'achoppement dans la différence entre ouvriers et employés se situent essentiellement au niveau de la période de préavis: les employeurs souhaitent voir réduire cette période et les organisations syndicales aimeraient voir la période de préavis s'accroître pour les ouvriers.

Mais il reste, cependant, que lorsque l'on analyse les profils, il est de plus en plus difficile de faire la distinction entre ouvrier et employé.

Dans la pratique, M. Boumans a constaté que personne ne passe volontiers d'un système à l'autre. D'après lui, cela tient essentiellement au fait que l'on est habitué à l'un ou à l'autre système.

M. Boumans admet cependant que les entreprises sont plus aisément disposées à laisser partir les ouvriers anticipativement à cause de l'existence du Fonds de sécurité d'existence.

L'orateur est assez partisan d'éviter d'utiliser ce fonds pour le financement du départ anticipé des ouvriers plutôt que de créer un système équivalent pour les employés.

Mme Van de Casteele demande si l'exploration de la piste consistant à supprimer le fonds de sécurité d'existence est possible dans ce domaine.

Seule la forme suivante de solidarité pourrait prolonger son existence: par exemple, dans le cas où un travailleur âgé déjà à la prépension souhaite reprendre le travail, pour éviter que l'intéressé ne perde ses droits à la prépension ou que cette dernière soit à la charge de son nouvel employeur.

II.A.4.5. M. Frank Lierman, chef du service d'étude de DEXIA, et M. Mick Daman, administrateur et membre du Comité de direction de Dexia Insurance Belgium

a) Exposé introductif

M. Lierman considère le vieillissement comme un dôme qui recouvre l'ensemble de la problématique de la fin de carrière, englobant à la fois les personnes entre 55 et 60 ans qui sont encore au travail, et celles qui sont déjà à la pension.

Dexia a mené une étude sur les conséquences de la problématique du vieillissement (69) , non seulement en matière de politique de personnel de sa propre société, mais également sur le plan des produits commerciaux de la banque. Sur la base de cette étude, 10 propositions ont été formulées en vue d'apporter une contribution à la discussion sur les fins de carrière. Certaines de ses propositions nécessitent, pour pouvoir être mises en œuvre, un travail législatif préalable.

M. Lierman exposera dans un premier temps les données chiffrées et la situation actuelle. Ensuite, il analysera le contexte européen et enfin, il expliquera les 10 fondements.

À la lumière des chiffres européens, il apparaît que l'augmentation du taux de dépendance n'est pas un problème strictement belge. Pratiquement chaque pays européen est confronté dans une plus ou moins grande mesure à ce problème.

À l'ordre du jour du sommet de Lisbonne de 2001, figuraient des objectifs liés aux taux d'activité. Les gouvernements fédéral, wallon, flamand et bruxellois ont essayé d'y trouver une réponse. En quelque sorte, l'initiative est comparable à la norme de Maastricht des années 90. Elle oblige les pays européens à se pencher sur la problématique et à prendre des mesures même si, à l'inverse de la norme de Maastricht, aucune sanction ni récompense n'y est liée. L'accroissement du taux d'activité est en effet essentiel, mais ne résoudra pas fondamentalement le problème.

Les chiffres de la Banque nationale, publiés dans le document intitulé Financial Stability Review (70) , indiquent, selon M. Lierman, qu'en ce qui concerne le deuxième pilier des pensions — les fonds de pension et les assurances de groupe et assurance vie — il existe une grande différence entre les pays scandinaves, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, d'une part et la Belgique, la France et l'Espagne d'autre part. La loi sur les pensions complémentaires d'avril 2003 peut réduire ce gouffre d'une certaine manière, mais nous n'avons cependant en Belgique qu'une très petite marge de manœuvre. D'autres mesures doivent encore être prises pour que nos pensions restent payables à l'avenir.

La commission d'étude sur le vieillissement dirigé par le professeur Théo Peeters a calculé la part croissante des charges de pension dans le budget.

Ensuite, M. Lierman dépeint le contexte européen.

En principe, cinq solutions sont imaginables pour que le vieillissement de la société reste payable: le nombre d'actifs qui payent des contributions augmente, une mesure qui est dans le prolongement de l'augmentation du taux d'activité; la contribution des actifs augmente, une mesure qui ne trouvera que très peu de soutien auprès des actifs; le nombre de pensionnés diminue en augmentant l'âge de la pension par exemple à 60 ans; le montant des pensions de retraite diminue ou au moins leur augmentation effrénée, ce qui se produit déjà aujourd'hui par le fait que les adaptations à l'index s'effectuent moins rapidement; on recherche d'autres canaux pour financer les pensions.

La solution sera constituée d'une combinaison des différentes approches possibles.

Au sommet de Laeken, l'Europe avait formulé 11 objectifs sociaux. En Belgique, certains de ces objectifs sont déjà mis en œuvre depuis quelque temps, comme l'augmentation du taux d'activité, l'assainissement des finances publiques, l'encouragement d'une carrière plus flexible, l'introduction de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Dexia a analysé quelles mesures neuf autres pays européens ont pris au cours des trois dernières années. Certaines de ces mesures ont un certain succès sur le marché; par exemple huit des neuf pays accordent des bonus à qui souhaite travailler plus longtemps, même au-delà de l'âge normal de la pension, réduisent les droits à la pension de ceux qui veulent tout de même quitter le travail anticipativement dans huit de ces neuf pays. Bon nombre de ces pays ont également adapté la base de calcul de la mise à la pension et prennent en considération, par exemple, les revenus de la totalité de la carrière. Évidemment, dans ce cas, les autres piliers de la pension doivent être étendus, de manière à ce que les pensionnés puissent disposer d'un revenu convenable.

L'orateur n'ose pas parler d'un consensus, mais il estime tout de même que cette tendance commence à s'ébaucher. Les mesures ne sont pas vraiment révolutionnaires mais elles peuvent servir de base à un travail.

L'orateur en vient à présent à l'explication des dix fondements. Les deux premiers fondements concernent les finances des administrations locales. Dexia est un financier important des administrations locales et a donc voulu examiner cette problématique de près. Les trois suivants sont liés aux particuliers, les pensionnés. Le sixième fondement traite de l'épargne à long terme. Viennent ensuite trois fondements qui s'inscrivent dans le cadre social. Le 10e fondement, enfin, est constitué par l'élaboration d'une « charte du vieillissement ».

M. Lierman explique le premier fondement: conscientiser les administrations locales quant à l'impact du vieillissement sur leurs finances (71) .

Les finances des administrations locales sont dans un triste état. Selon l'orateur, cette situation est due à de multiples raisons. Par exemple, la réduction de la fiscalité fédérale a eu pour conséquence que la base de calcul de l'impôt communal a diminué. Le vieillissement croissant de la population — davantage de personnes qui vivent de la pension — entraîne une diminution des recettes fiscales. Or, les communes doivent, dans le même temps, dépenser davantage d'argent pour les infrastructures sociales, comme les maisons de repos, les appartements-services ou les parcs.

Jusqu'en 2003, on a constaté une amélioration durable des finances des administrations locales, mais en 2004, s'est produite une brusque chute provoquée essentiellement par la libéralisation du marché de l'énergie. Si l'on n'intervient pas, le chiffre négatif de 2004 pourrait être multiplié par cinq en quelques années seulement. M. Lierman est totalement convaincu que des mesures devront être prises pour éviter la catastrophe.

Après les dernières élections des conseils communaux, dans de nombreuses communes, l'impôt complémentaire des personnes et les centimes additionnels sur l'impôt foncier ont été augmentés. Des études ont montré que l'évolution dans les trois régions est à peu près parallèle. Selon M. Lierman, outre la mesure impopulaire de l'augmentation des impôts, d'autres possibilités s'ouvrent aux administrations locales. Les services sociaux offerts par les CPAS peuvent être réduits ou les tarifs des services sociaux peuvent être augmentés. D'après l'orateur, ces mesures ne seront pas appréciées. On peut penser à des techniques de financement alternatif comme d'autres formes d'imposition ou l'augmentation des tarifs d'utilisation de l'infrastructure communale. Les communes peuvent également imaginer des formules de collaboration entre le privé et le public comme le cross border lease.

Deux des trois communes flamandes qui appliquent le système de cross border lease pour les égouts, investissent le revenu dans un fonds argenté local. Les communes doivent se montrer prévoyantes et ne pas consacrer en une fois et immédiatement ces revenus au financement des dépenses courantes.

M. Lierman aborde ensuite le deuxième fondement, la gestion des frais de pension du personnel communal, ainsi que du personnel contractuel et statutaire.

M. Lierman montre quelques graphiques élaborés par l'ONSSAPL (72) , le fonds d'assurance sociale pour les gouvernements provinciaux et locaux. Ces graphiques reflètent l'évolution des coûts de la pension pour les fonctionnaires statutaires. À première vue, la réserve pour cette catégorie est encore suffisante. Par contre, pour les communes qui ont récemment adhéré au système, la situation est nettement moins rose.

Pour les communes de petite taille est de taille moyenne, l'ONSSAPL constitue une bouée de sauvetage. Évidemment, il faut payer des cotisations qui pour le moment s'élèvent à 27,5 %. Ces montants sont insuffisants et devront progressivement atteindre les 35 %. Pour les communes concernées, ces cotisations sont énormes.

Les plus grandes communes et les villes ont généralement élaboré d'autres formules, comme des réserves propres ou des assurances de groupe, grâce auxquelles les réserves de pension sont constituées grâce à une formule de capitalisation, puis réparties entre les membres du personnel concerné. Certaines administrations ont fondé un fonds de pension propre, comme le fonds de pension de la police.

M. Lierman expose ensuite les solutions possibles aux problèmes financiers de la pension des administrations locales. Les cotisations peuvent être augmentées, mais cela ne suffira sans doute pas. L'autorité de surveillance pourrait apporter une contribution, comme Tonus 2 dans quelques grandes villes de Wallonie. D'autres solutions possibles sont les assurances de groupe et les fonds de pension. La création d'un fonds de vieillesse propre alimenté par des revenus uniques et exceptionnels constitue également une solution possible. L'orateur a déjà donné l'exemple du cross border lease des égouts, mais d'autres parties du patrimoine immobilier pourraient également être utilisées dans ce sens.

M. Lierman explique ensuite le troisième fondement; la mobilisation du patrimoine immobilier des particuliers. Les Belges possèdent un vaste patrimoine immobilier. Certaines personnes trouvent leur pension trop restreinte et vendent parfois leur maison pour garder un niveau de vie raisonnable. Dans les pays anglo-saxons, des systèmes alternatifs existent, comme le reverse mortgage ou prêt hypothécaire inversé. Le propriétaire d'une habitation demande un nouveau prêt hypothécaire pour disposer d'un revenu récurrent d'un montant de 10, 25 ou 30 % de la valeur de sa maison. Il reste propriétaire de l'habitation, mais reçoit un revenu complémentaire — une rente viagère ou un capital unique — de son institution financière. Si la personne décède avant la fin du contrat, les héritiers peuvent envisager de rembourser le prêt ou de faire valoir l'hypothèque. Toutes les combinaisons sont possibles. Les banques anglo-saxonnes possèdent d'innombrables formules. Il est possible, ajoute M. Lierman, de les consulter sur Internet.

En France également, la loi a été adaptée en vue de permettre que de tels produits soient offerts. En Belgique, la loi sur les hypothèques et sur le crédit à la consommation devrait être adaptée dans ce sens.

Le quatrième fondement est l'augmentation de la solidarité entre les générations. En général, ce sont les actifs qui doivent payer pour les seniors. M. Lierman se demande si c'est une bonne chose. Les actifs ont déjà de nombreuses cotisations à payer. Dexia propose de renverser la vapeur. Une grande partie de capital dormant est aux mains des personnes âgées. Ces dernières n'en ont pas besoin à court terme et seraient peut-être disposées à faire un don ou une cession.

En Flandre, les droits sur les donations ont été considérablement diminués. La cession du patrimoine doit être facilitée à tous les niveaux et dans toutes les régions. L'argument qui consiste à dire que cela équivaut à sacrifier la richesse future, ne tient pas la route d'après M. Lierman, parce que l'argent qui est ainsi mis à la disposition des actifs peut générer une croissance économique. Ceux qui reçoivent cet argent le dépenseront rapidement et créeront ainsi une spirale positive. Par analogie avec la diminution des droits de donation, les droits de succession devraient également être réduits.

Le cinquième fondement est la neutralité fiscale entre le versement d'un capital et la rente viagère. La loi sur les pensions complémentaires encourage les entreprises et les différents secteurs à créer à l'avenir un fonds de pension ou à conclure une assurance de groupe pour leurs collaborateurs. En Belgique, actuellement, un tiers seulement de la population active peut compter sur une pension complémentaire. Dans différents secteurs, on constate néanmoins la création de quelques nouveaux fonds de pension.

Dans notre pays, ajoute M. Lierman, la situation est très particulière. Les personnes qui ont contracté une assurance complémentaire, comme un fonds de pension ou une assurance de groupe, touchent, dans 90 % des cas à l'âge de 60 ans, la totalité du capital. Avant leurs 65 ans, ce capital est le plus souvent déjà dissipé. Il y aurait donc lieu de protéger les gens contre eux-mêmes. Dans les autres pays européens, la rente viagère est la norme, mais en Belgique, c'est le paiement du capital. Par le passé, il existait une discrimination fiscale au profit du versement du capital. La situation a été partiellement corrigée par la loi sur les pensions complémentaires, mais pas totalement. Si une personne opte pour une rente viagère, et meurt relativement jeune, le capital reste dans le fonds et pratiquement rien n'entre dans la succession. Ceci est particulièrement ennuyeux pour les héritiers. Il est par conséquent indispensable qu'une adaptation soit réalisée à moyen terme.

Le sixième fondement est l'encouragement de l'épargne à long terme. Les nombreuses formules fiscales stimulantes dans notre pays — assurance vie, épargne pension, assurance pension, ... — d'après M. Lierman, non seulement manquent de transparence, mais en outre ne sont pas cumulables.

M. Lierman propose de revenir à une idée lancée il y a quelques années déjà par le Conseil supérieur des finances et par le premier gouvernement violet, à savoir de travailler avec des paniers de produits pour lesquels des incitants fiscaux existent: un panier environnement, un panier épargne à long terme, un panier investissement éthique, ... Ainsi, on pourrait choisir un produit ou un mélange de produits. Il est important d'offrir plus de flexibilité aux gens qui souhaitent construire leurs propres stratégies d'investissement et se ménager une pension complémentaire.

Selon M. Lierman, le montant maximum investi et fiscalement immunisé, doit être augmenté. Pour le moment, le seuil est relativement bas, même si celui qui a commencé en 1986 à constituer une épargne pension et a déposé chaque année le montant maximum, dispose déjà d'un joli capital.

L'épargne à long terme est presque devenue une nécessité. Nous nous sommes construit un tel niveau de vie que nous ne pourrons pas nous contenter uniquement de notre pension légale, quel qu'en soit le montant.

Le septième fondement aborde le côté humain de la problématique des fins de carrière. La KUL, le VBO et d'autres organisations ont mené des études sur les éléments push et pull qui font que les travailleurs quittent leur emploi anticipativement.

Les mesures attractives qui encouragent les gens à s'arrêter de travailler anticipativement sont souvent considérées comme un droit acquis. Il y a donc lieu de trouver des moyens pour accroître le taux d'activité des plus de 55 ans.

Les possibilités que propose Dexia contiennent, selon M. Lierman, une série de mesures qui ont également été proposées par le Premier ministre, M. Verhofstadt, dans le cadre de la discussion sur les fins de carrière. De nouvelles pistes doivent être explorées, ce qui exige de la flexibilité de la part de tous ceux qui prennent part au débat.

Les mesures à prendre ne doivent pas seulement concerner la fin de la carrière, mais doivent également concerner les autres groupes d'âge, les relations hommes/femmes, les relations allochtones/autochtones dans l'entreprise. En ce qui concerne la fin de carrière certainement, la gestion des ressources humaines doit être envisagée de manière plus large.

Le huitième fondement que propose M. Lierman est la création de silverjobs dans le secteur des soins. Au cours de la période 1975-2008, les opportunités d'emploi dans ce secteur ont augmenté plus vite que la croissance du PIB. Sur les 361 000 nouveaux emplois au cours de la période 1975-2002, 270 000 ont été créés dans le secteur non marchand, levier important pour l'avenir. En comparaison avec les pays voisins, la Belgique se trouve dans le peloton de tête. Quelles mesures peuvent être prises dans ce domaine ? M. Lierman mentionne en premier lieu un Maribel social. Des chômeurs âgés et sans formation peuvent être insérés dans les services de proximité moyennant un recyclage.

Le neuvième fondement est le financement alternatif de la sécurité sociale. Le financement alternatif consiste dans le fait que d'autres sources de financement sont utilisées que les cotisations sociales qui sont payées actuellement sur le travail. Une comparaison avec d'autres pays européens montre que la Belgique fait déjà appel pour le financement de la sécurité sociale, à concurrence de 22 %, à d'autres sources que les cotisations des employeurs et des salariés. En France, ce chiffre s'élève à 24 %; dans ce pays, c'est la contribution sociale généralisée qui joue un rôle important.

D'après M. Lierman, il est possible d'aller plus loin encore dans cette direction à la condition qu'il s'agisse d'un véritable financement alternatif et non d'un surfinancement. Ainsi, l'augmentation de la TVA ou des accises ou l'introduction d'une cotisation sociale générale doivent être compensées par une diminution des cotisations sociales sur les salaires. De la sorte, il est possible de mener une politique de stimulation du travail.

M. Lierman signale que les gouvernements Verhofstadt I et Verhofstadt II ont déjà pris certaines mesures pour diminuer les charges sociales. Il trouve cela très positif mais d'autres pistes sont encore à explorer pour faire descendre davantage les charges sur le travail et trouver des sources de financement alternatives.

Il fait référence à une comparaison du financement alternatif dans les différents pays européens où la pression implicite sur le travail est compensée par une pression implicite sur la consommation. À la lumière de cette comparaison, il apparaît qu'en Belgique la pression implicite sur le travail est de 7 % plus élevée que la moyenne européenne, tandis que la pression implicite sur la consommation approche la moyenne européenne. D'après M. Lierman, notre pays doit essayer autant que possible de se rapprocher de la moyenne européenne.

Parmi les autres sources de financement alternatives généralement citées, figurent l'augmentation de l'imposition sur le capital. La commission européenne a, en effet, mené une étude qui analyse toutes les impositions sur le capital. Cette étude montre que la Belgique est très proche de la moyenne européenne. Cette situation est due essentiellement aux droits de succession, qui sont très lourds en Belgique. Notre pays dispose donc d'une marge étroite à moins qu'il choisisse de suivre l'exemple français. Cela ne semble pas être le chemin le plus recommandé, selon M. Lierman.

M. Lierman donne quelques exemples de financement alternatif possible. On peut opter pour des cotisations sociales générales, pour des taxes supplémentaires sur certains produits nuisibles pour la santé comme le tabac ou les produits pétroliers. Pour veiller à ce que l'inflation n'augmente pas trop, il faudrait, dans ce dernier cas, continuer à appliquer l'indice santé.

Parmi les autres options, citons le financement de certaines branches de la sécurité sociale par d'autres canaux que les cotisations sur le travail. Si, de cette manière, on génère des revenus supplémentaires, il faut également avoir le courage de réduire certaines charges sur les salaires.

Le dernier fondement, enfin, consiste dans l'établissement d'une « charte de vieillissement ». Le service d'études de Dexia a emprunté l'idée aux Canadiens. Au Canada, tous les acteurs concernés — monde politique, partenaires sociaux, classes moyennes — se sont engagés à conclure un pacte sur un certain nombre de thèmes qui constituent des défis pour les 10 à 15 ans à venir. Les objectifs européens — où certains d'entre eux — peuvent être pris comme bases pour la charte du vieillissement.

M. Lierman énumère les cinq objectifs sur lesquels repose la charte canadienne: dignité, autonomie, participation, égalité et sécurité.

Grâce à ces 10 fondements, M. Lierman espère avoir apporté un certain nombre d'idées susceptibles de déboucher sur une solution durable à la problématique du vieillissement.

b) Échange de vues

Pour Mme de T' Serclaes l'idée du reverse mortgage est très intéressante. C'est proche de la rente viagère, sauf que ce sont des institutions financières qui concluraient de telles rentes. Qu'est ce qui empêche, aujourd'hui, un particulier de recourir à ce système ? Faut-il une initiative législative ? L'oratrice estime que ce pourrait être une mesure à promouvoir, parmi d'autres.

M. Noreilde fait référence à la comparaison qu'a faite M. Lierman entre la norme de Maastricht et l'ordre du jour du sommet de Lisbonne. Il se demande s'il ne serait pas utile d'imposer, au niveau européen également, des normes obligatoires visant l'augmentation du taux d'activité ?

Il demande également des explications complémentaires sur le système du reverse mortgage et demande quelle est la différence avec le système de la vente en rente viagère qui existe encore dans notre pays. Il demande si l'on sait si les Belges, qui ont une brique dans le ventre, sont mentalement mûrs pour entrer dans un tel système et quelles sont les lignes de force pour un nouveau projet de loi.

Il demande également ce que pense M. Lierman du saut volontaire d'une génération en matière de succession.

Enfin, il relève la discrimination en matière de pensions entre ceux qui travaillent pour l'administration en vertu d'un contrat, et les fonctionnaires statutaires. Il estime que le service public devrait construire un deuxième pilier pour les fonctionnaires contractuels.

M. Noreilde souhaite savoir à cet égard si Dexia essaye de convaincre les services publics locaux de l'importance et de l'évolution nécessaire d'un deuxième pilier de pension ? Le système de pension des fonctionnaires statutaires et contractuels doit, selon lui, également être rapprochés l'un de l'autre. La carrière dans une administration fait également partie du débat sur le vieillissement. Il s'agit d'un débat sur des droits acquis.

M. Lierman répond d'abord aux questions concernant le reverse mortgage. Pour cela, la loi sur le prêt hypothécaire et la loi sur le crédit à la consommation doivent être modifiées, mais relativement peu. L'objectif du système consiste à donner un coup de pouce aux jeunes grâce à la mobilisation d'une partie du capital dormant, c'est-à-dire le patrimoine immobilier. Les droits de succession sur les biens immobiliers ne peuvent, en effet, être esquivés.

M. Lierman a eu l'occasion de s'entretenir récemment avec un professeur britannique dont le fils ne peut se permettre un nouveau logement à Londres à cause des prix excessifs de l'immobilier. Grâce a un reverse mortgage sur sa maison à concurrence de 50 %, il a pu faire une donation à son fils qui, ainsi, disposait des moyens financiers pour s'acheter un logement.

La formule de la rente viagère constitue, selon M. Lierman, la chose la plus faisable. Dans ce cas, une hypothèque est prise par exemple sur 20 % de la valeur de la maison. La banque ou la société d'assurance paie mensuellement un montant défini en plus de la pension légale. Cela permet au bénéficiaire, par exemple, de voyager davantage ou d'aller plus souvent au restaurant.

On peut également choisir la formule du paiement du capital. Les deux formules peuvent également être mélangées. Ainsi, en cas d'hypothèque de 20 % de la valeur de la maison, 10 % peuvent être payés sous forme de capital — pour, par exemple, faire une donation ou réaliser un achat — et 10 % sous la forme d'une rente viagère. Les intérêts de la rente sont à peu près équivalents au taux actuel du marché. Il s'agit donc d'un prêt hypothécaire tout à fait ordinaire, mais qui ne sert pas à acheter un bien immobilier. C'est une hypothèque sur un bien immobilier déjà acquis. Le propriétaire reste propriétaire du bien. À l'échéance, le prêt doit être intégralement remboursé.

M. Lierman conseille aux sénateurs qui souhaiteraient davantage d'informations de consulter le site Web par exemple de la Bank of America, de Citigroup ou de Chase Manhattan.

M. Daman aimerait situer le reverse mortgage dans le cadre du vieillissement. La méthode offre aux propriétaires, qui doivent vivre à partir d'un certain moment d'une pension ou d'une seule pension au lieu de deux, la possibilité de rester le plus longtemps possible dans leur maison est en même temps de disposer de suffisamment de revenus pour ne pas devoir réduire leur niveau de vie. Les effets secondaires mentionnés dans la brochure Silver de Dexia, comme le transfert de patrimoine entre générations, ne relève pas, selon lui, du contexte du vieillissement

En ce qui concerne la comparaison avec la norme de Maastricht, M. Lierman fait remarquer que celle-ci est liée au pacte de stabilité et de croissance européen, mais qu'aucune déclaration n'a encore été faite sur la nécessité de faire entrer les charges des pensions futures dans la norme de la dette. Si cette mesure est appliquée, la plupart des pays européens devront fournir un important effort supplémentaire.

Ainsi, selon M. Lierman, l'effort que les États membres devront consentir pour aborder le problème du vieillissement, acquiert un caractère officiel. Selon lui, il ne suffit en effet pas d'intervenir, en application de l'agenda de Lisbonne, sur les actifs et d'augmenter le taux d'activité. Les autorités arriveront automatiquement à la conclusion qu'il y a lieu, en complément du premier pilier, d'étendre le deuxième, voire le troisième pilier. De la sorte, la pression sur le premier pilier de pension pourra être sensiblement soulagée. La loi sur les pensions complémentaires, si elle est appliquée dans les termes qui viennent d'être suggérés, peut stimuler l'utilisation de canaux alternatifs.

L'orateur qualifie le groupe des personnes entre 50 et 60 ans de génération sandwich. Leurs parents ont à présent de 80 à 85 ans et leurs enfants entre 20 et 30 ans. Ils doivent souvent se tenir prêts à aider leurs parents et reçoivent en fin de compte un héritage dont ils n'ont pas vraiment besoin et qu'ils peuvent, en fait, directement transmettre à la génération suivante. Les mesures prises par le gouvernement flamand concernant les droits sur les donations exercent, selon lui, un impact à cet égard.

M. Lierman connaît de nombreux exemples de parents qui, au-delà de leurs propres enfants qui ont beaucoup épargné et ont su profiter des exceptionnelles hausses boursières et des taux d'intérêt élevés, donnent leur patrimoine à leurs petits-enfants parce que ceux-ci en ont davantage besoin. Dans la foulée, lorsque ces petits-enfants dépensent cet argent en biens de consommation, ils contribuent à créer des opportunités d'emploi.

Ensuite, l'orateur aborde le problème des fonctionnaires contractuels. Le ministre des pensions a, selon lui, tout à fait raison de dire qu'un trop grand fossé est en train de se creuser et qu'il faut trouver des solutions. Si le premier pilier de pension n'est pas suffisant, pour quelque raison que ce soit, un deuxième, voire un troisième pilier de pension doit être encouragé. Ceci est cependant également valable pour les fonctionnaires statutaires. Les pensionnés actuels et futurs se sont constitués un niveau de vie totalement différent et ne sont pas disposés à abandonner celui-ci après leur pension. Selon lui, la Belgique ne pourra rien faire d'autre si elle veut rester au coude à coude avec les autres pays européens.

M. Daman répond ensuite à la remarque du sénateur Noreilde qui fait état de la différence entre les pensions des statutaires et des contractuels et qui s'interroge sur la possibilité d'encourager les villes et les communes à épargner pour compenser cette différence (73) .

Il souligne qu'aujourd'hui, les collectivités locales sont déjà tenues de payer 27 % de la masse salariale des actifs statutaires de la commune pour financer les pensions des statutaires pensionnés. Or, tous les calculs indiquent que ce montant augmentera, demain, pour atteindre 25, 40, voire 50 % et ce, en raison de la hausse du nombre de statutaires pensionnés et du système de péréquation qui fait que ces pensions sont liées non seulement à l'index, mais également aux augmentations barémiques des actifs. C'est ce financement qui constitue le nœud du problème.

Le problème des pensions des contractuels a été reporté au gouvernement fédéral. Les collectivités publiques sont cependant tenues de financer les pensions de tous leurs fonctionnaires statutaires. Or, tout le monde connaît les difficultés financières auxquelles sont confrontées les villes et les communes. Il faudrait donc qu'elles puissent se constituer des fonds de pension, à l'instar du « Fonds pour le vieillissement » imaginé par l'État fédéral. La priorité aujourd'hui est donc de s'attaquer à la problématique du financement du premier pilier. En effet, on va au-devant de grosses difficultés car, avec l'Espagne, la Belgique est le pays où le taux de capitalisation pour les pensions est le plus bas de toute l'Europe. Notre pays connaît la dette publique la plus élevée et le taux d'activité le plus bas.

Il ne s'agit pas tant, ajoute M. Daman, d'harmoniser les pensions des statutaires et des contractuels, bien qu'on puisse, pour l'avenir, imaginer un système identique pour toutes les pensions, ouvriers, employés, indépendants, fonctionnaires, mais de savoir comment les collectivités locales vont, à l'avenir, pouvoir financer des obligations existantes.

Mme de T' Serclaes demande si le problème se pose de la même manière pour les provinces et les communautés et régions.

M. Daman répond par l'affirmative. Certaines provinces ont d'ailleurs déjà pris l'initiative de se constituer des fonds de pensions. Certaines villes et communes ont également des fonds de réserve mais les montants mis de côté sont vraiment marginaux par rapport à leurs obligations futures.

La première priorité devrait donc être de les encourager à se constituer des fonds de pension car si le paiement des pensions des statutaires pose un jour des problèmes, il faudra faire intervenir, d'une manière ou d'une autre, les autorités régionales ou fédérales.

L'orateur dit qu'il faut encourager les communes à prendre leurs précautions dès aujourd'hui, c'est-à-dire à réaliser évidemment des arbitrages puisque les villes et communes ont déjà des difficultés à boucler leurs budgets. Il faut les encourager à prendre leurs responsabilités et à épargner dès à présent pour faire face aux obligations futures.

Le jour où les villes et communes devront affecter 50 % de leur masse salariale au paiement des pensions des statutaires qui ne sont plus actifs, on verra surgir un énorme problème, étant donné le poids de la masse salariale dans les budgets des pouvoirs communaux. C'est la priorité.

M. Daman partage le souci du sénateur Noreilde concernant l'égalité entre personnes qui effectuent le même travail mais dont l'une aura une pension plus élevée parce qu'elle était statutaire.

Mme de T' Serclaes souligne que la responsabilité de donner de telles directives aux communes appartient aux régions.

M. Daman acquiesce.

M. Noreilde demande si cela signifie que la situation est si sérieuse que les autorités locales ne disposent pas de moyens suffisants pour construire un deuxième pilier pour leurs fonctionnaires contractuels. Si c'est le cas, cela constitue, selon lui, la base d'une sorte de conflit de générations. Les jeunes ne reçoivent en effet plus la possibilité de devenir fonctionnaires statutaires. Ils doivent payer d'importants impôts, mais ne peuvent, à l'inverse des statutaires, se constituer leur propre droit à la pension. Selon lui, il s'agit là d'une forme de discrimination.

M. Daman déclare que les autorités locales doivent se tenir à leurs obligations du passé. Si un système de pensions harmonisé pour tous les statuts doit se constituer — si donc, pour la constitution de la pension via le premier pilier, aucune différence ne devrait être faite entre les fonctionnaires nommés contractuellement et statutairement, les indépendants, les employés et les ouvriers — selon lui, les jeunes générations de fonctionnaires ne seront pas automatiquement discriminées. Les villes et les communes peuvent donc être encouragées à constituer, via le deuxième pilier, une réserve supplémentaire pour leur personnel. Et les individus doivent également être encouragés à prendre les précautions qui s'imposent pour leur avenir, via le troisième pilier.

Certaines villes et communes ne se trouvent pas, selon M. Daman, dans une si mauvaise situation et essaient, en faisant appel à une capitalisation des pensions des travailleurs contractuels, de mettre ces derniers sur le même plan que les statutaires. Pour de nombreuses villes et communes, le tableau n'est pas si rose.

Le gros problème est le fait que les fonctionnaires statutaires doivent recevoir la pension qui leur a été promise. À cet égard, il y a lieu d'examiner la problématique de la péréquation. Ces dernières années, le fossé entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public n'a cessé de se réduire. C'est la raison pour laquelle, selon l'orateur, la pension des fonctionnaires devrait être adaptée. Auparavant, la pension élevée des fonctionnaires était en effet considérée comme une compensation de leurs basses rémunérations. L'égalisation entre les deux secteurs doit finalement mener à la création d'un système uniforme.

D'après M. Daman, il n'y a plus d'argent aujourd'hui pour financer les droits acquis dans le passé et il est important d'épargner pour résoudre le problème du vieillissement. À défaut, les villes et les communes doivent économiser sur les services assurés à la population.

II.A.5. AUDITIONS DE REPRÉSENTANTS D'ORGANISATIONS DE SENIORS

a) Exposés introductifs

II.A.5.1. M. Jul Geeroms, secrétaire du Ouderen Overleg Komitee (OOK) flamand

M. Geeroms présente brièvement l' « Ouderen Overleg Komitee » (OOK) flamand. L'OOK est un comité qui regroupe toutes les organisations de seniors flamandes ainsi que la plupart des organisations socioculturelles travaillant pour des seniors. L'OOK poursuit un double objectif: d'une part, promouvoir la collaboration entre toutes les organisations qui travaillent avec et pour des seniors et promouvoir le fonctionnement de celles-ci et, d'autre part — lorsque c'est possible — assurer la défense collective des intérêts des seniors et faire office d'interlocuteur envers les pouvoirs publics.

L'OOK représente au total quelque 750 000 seniors, soit environ 35 à 40 % de ceux-ci. La concertation et la formulation des points de vue ont lieu en conseil d'administration et en assemblée générale. Les travaux de ces organes décisionnels sont préparés par des commissions et des groupes de travail spécialisés pour les revenus, les soins de santé, la mobilité, le sport et le mouvement. L'OOK organise chaque année la semaine des seniors et tient un parlement des seniors tous les deux ans.

M. Geeroms exprime les points de vue qui se dégagent des discussions sur le vieillissement tenues au sein des groupes de travail et des organes de gestion de l'OOK.

M. Geeroms constate que le groupe de travail Vieillissement se concentre sur le problème du travailleur âgé au niveau micro et méso dans le contexte du vieillissement. Les organisations de seniors ne sont pas directement concernées par cette problématique étant donné que l'OOK représente essentiellement les seniors retraités. Toutefois, l'intervenant pense qu'il serait utile que le groupe de travail tienne compte également de certaines sensibilités présentes chez les seniors.

L'intervenant déclare que les organisations de seniors membres de l'OOK abordent le débat sur le vieillissement, en cours dans les médias et dans le monde politique, en se plaçant dans l'optique des seniors. Il en résulte trois constats majeurs. Premier constat: la discussion se cantonne pour l'essentiel au financement des pensions et des soins de santé pour la période 2010-2030. Deuxième constat: on ne met pas suffisamment l'accent sur une approche plus large ou plus positive, fondée non pas sur le problème du vieillissement en soi mais sur les possibilités qu'il offre. Troisième constat: à l'heure actuelle, les seniors ne sont guère associés à la discussion.

Le premier point du débat est le financement des pensions et des soins de santé à partir de 2010. L'analyse n'est guère contestable dans la mesure où elle a été réalisée par des institutions réputées. L'intervenant s'efforcera de ne pas abreuver les commissaires de chiffres connus. L'augmentation du nombre de seniors et de leur part relative dans la population provoquera une hausse des dépenses de pensions et de soins de santé et pèsera sur la capacité financière des générations d'actifs à venir.

Les organisations de seniors approuvent aussi en grande partie les solutions proposées: augmentation du taux d'activité, allongement de la carrière, maîtrise des dépenses, apurement de la dette publique ou alimentation du Fonds de vieillissement, financement alternatif de la sécurité sociale.

L'OOK a néanmoins quelques observations à formuler. L'augmentation du taux d'activité des personnes âgées ne doit pas se faire au détriment des jeunes, des personnes peu qualifiées et des allochtones, qui sont durement touchés par le chômage. Cet argument a également été avancé pour justifier la prépension. En outre, nombre de seniors constatent qu'il est très difficile de trouver un emploi quand on a plus de cinquante ans. Un élément important à cet égard est l'image négative de la prise d'âge en général et des travailleurs âgés en particulier. Il faudra inverser cette image si on veut procurer des emplois aux seniors. Jusqu'à présent, le débat a négligé cet aspect.

Une deuxième observation concerne la solidarité des seniors qui disposent de moyens financiers suffisants. L'OOK approuve l'idée d'une solidarité à condition que celle-ci soit globale. La solidarité des seniors mieux nantis existe déjà sous la forme d'une cotisation de solidarité.

Une troisième observation concerne la pension légale et l'adaptation des pensions au bien-être. Dans le débat actuel, on met très fortement l'accent sur le financement futur des pensions, mais cela ne doit pas masquer le fait qu'il existe déjà un problème aujourd'hui.

À en croire certains, notre régime de pension légal verse des pensions mirobolantes. Or, ce n'est pas le cas. Les chiffres de la pauvreté montrent que 13 % de la population se trouve en situation précaire, mais chez les retraités, ce taux est de 25 %. Le régime de pension légal n'est donc pas pleinement satisfaisant. L'intervenant estime que l'ajustement des pensions au bien-être est très important. On en parle, mais on n'agit pas vraiment.

Selon M. Geeroms, le système des pensions complémentaires concerne surtout les futurs retraités. Ceux qui prendront leur retraite d'ici cinq à dix ans ne bénéficieront guère de ce système. Le régime de pension complémentaire n'en est qu'à ses débuts et ses effets ne se feront pleinement sentir que dans quarante ans. L'intervenant craint que l'on ne tire prétexte de l'existence d'un régime de pension complémentaire pour ne plus améliorer le régime légal.

En investissant dans les soins de santé, on fait d'une pierre deux coups. On répond à l'augmentation de la demande de soins tout en créant davantage d'emplois pour les peu qualifiés.

Selon l'intervenant, le problème du vieillissement est formulé en termes trop restrictifs et trop négatifs. Le vieillissement offre aussi des opportunités. En Finlande, une campagne de sensibilisation a été menée sous le slogan positif « L'expérience est une richesse nationale ». Cette approche positive fait défaut en Flandre et en Belgique.

La reconnaissance et la promotion de l'apport que peuvent représenter les seniors dans le cadre des soins de proximité, de l'accueil des enfants et du bénévolat pourraient être un premier pas dans ce sens. Une étude du « Centrum voor Bevolkings- en Gezinstudie » révèle que 25 % des personnes de 55 à 65 ans viennent régulièrement en aide à d'autres personnes, en dehors des tâches ménagères. Si le travail non rémunéré était converti en travail rémunéré, cela aurait des conséquences sur l'accueil des enfants, les soins de proximité, etc.

Une approche positive du vieillissement pourrait également se traduire par la reconnaissance du soutien informel des seniors aux générations plus jeunes. Comme ce phénomène n'a guère été étudié, les données disponibles sont rares.

L'intervenant sait par l'OOK que l'aide informelle que les personnes âgées apportent aux jeunes est considérable.

De plus, si on peut maintenir le revenu des personnes âgées à niveau, leurs activités permettront de générer beaucoup d'emploi dans le tourisme, l'horeca, et le secteur des soins et des services.

La grande question est de savoir quel nouveau rôle les personnes âgées peuvent jouer dans la société. Comment mettre à profit l'expérience qu'elles ont acquise ? Actuellement, après leur mise à la retraite, quantité de gens restent encore actifs pendant dix à vingt ans.

L'intervenant se demande dès lors s'il ne faudrait pas réfléchir à un « nouveau contrat social ». Jusqu'à présent, les vingt-cinq premières années de la vie sont consacrées à la formation, les quarante suivantes au travail, et celles qui restent au repos. C'est sur ce schéma que se fonde la sécurité sociale. L'intervenant est d'avis qu'il faut revoir ce schéma à la lumière de l'évolution démographique. À l'avenir, des phases de travail, de formation, de soin et de temps libre alterneront sur une période qui s'étendra au-delà de 65 ans.

Cette conception des choses mérite toute notre attention dans le débat sur l'emploi des travailleurs âgés, au niveau micro comme au niveau macro.

Pour finir, il faut également tenir compte de la conclusion à laquelle aboutissent de nombreuses études, comme celle des professeurs Hooghe et Elchardus: il existe une différence considérable entre les retraités d'aujourd'hui et ceux de la génération suivante, nés après 1945, en ce qui concerne l'échelle de valeurs, les comportements, le mode de vie, etc.

L'OOK estime qu'il faut mener une politique d'inclusion des personnes âgées qui intègre les effets du vieillissement dans divers domaines. L'OOK entend considérer le vieillissement comme un élément positif. Dans une société qui s'articule autour du nouveau contrat social entre les générations, sans discrimination d'âge, les personnes âgées ont encore de nombreuses possibilités.

Enfin, l'intervenant estime qu'il faut associer davantage les personnes âgées au débat sur le vieillissement. Il regrette que la commission de la Chambre, qui s'est penchée sur les effets du vieillissement pour les pensions et les soins de santé, n'ait pas pris l'avis de l'organisation dont il est le secrétaire, et il apprécie à sa juste valeur l'attitude positive adoptée par le groupe de travail du Sénat.

Selon M. Geeroms, il y a bien un problème d'exclusion des personnes âgées, que celle-ci soit consciente ou inconsciente. Il compare la représentation des personnes âgées au Parlement fédéral actuel avec ce qu'elle était dans le premier parlement d'après-guerre. Alors qu'à l'époque, 10 % des parlementaires avaient plus de 65 ans, ce groupe ne représente plus à l'heure actuelle qu'1 %. Bien qu'il y ait à cela diverses explications, l'exemple montre aussi les possibilités structurelles de participation à la politique qui s'ouvrent aux personnes âgées.

Au niveau flamand, on est en train de mettre sur pied un Conseil des seniors. L'intervenant estime que cette initiative flamande mérite d'être imitée au niveau fédéral. L'OOK est disposé à prêter son concours. C'est la seule manière d'élaborer une politique d'inclusion des personnes âgées.

II.A.5.2. M. Christian Dhanis, président de la « Coordination des Associations de Seniors ASBL » (CAS)

M. Dhanis se réjouit que le Sénat demande l'avis des organisations de seniors. C'est important parce, trop souvent dans le passé, on a pris l'habitude de gérer leur vie sans les consulter. Aujourd'hui, on suit une autre orientation.

L'orateur explique que la CAS est en quelque sorte le pendant francophone de l'OOK. Toutefois, elle n'a été créée que le 26 octobre 2004. Elle réunit des associations de seniors de toutes les opinions politiques: chrétienne, socialiste, libérale et indépendante ainsi que les universités d'aînés. Elle poursuit le même objectif que l'OOK: faire entendre la voix de tous les aînés.

Il est important de laisser s'exprimer les seniors et de les aider à comprendre les problèmes qui se posent. Il existe surtout un problème de formation et d'information des seniors. Il est important que, par le biais de l'éducation permanente, on puisse les aider à prendre conscience de la réalité de l'existence et des problèmes qui se posent.

Aujourd'hui, on constate que le taux d'emploi est faible et qu'il est lié aux futures difficultés de financement de la sécurité sociale et des pensions. Il existe également un péril financier à cause de l'effet conjugué du vieillissement de la population et de la baisse de la natalité.

Cela signifie que, demain, on risque de connaître un déséquilibre entre les actifs et les non-actifs. On propose de revenir aux quarante heures, d'augmenter le taux d'emploi des plus de cinquante ans et de modifier le système des prépensions. L'Europe insiste également sur ce point. L'orateur pense toutefois qu'il convient de respecter une certaine prudence.

Le rapport de la Chambre (74) souligne que les travailleurs considèrent que la prépension est un droit acquis. L'orateur précise qu'il est dans le cas puisqu'il a pris sa prépension. Il a donc profité du système. Plusieurs éléments guident ce souhait. Tout d'abord, il existe une envie de retourner vers des loisirs et de mener une vie familiale un peu plus active. Ensuite, il règne, sur les lieux de travail, une ambiance peu enthousiasmante. Actuellement, l'ambiance de travail n'est plus la même que jadis et est peut-être moins motivante qu'elle ne l'a été.

Du côté des employeurs, deux aspects doivent être pris en considération. La prépension est un moyen de licencier une main d'œuvre coûteuse. Elle permet aussi d'éviter les indemnités élevées dues aux travailleurs âgés en cas de délocalisation ou de fermeture de l'entreprise.

On dit également que les travailleurs âgés ne s'adaptent pas à l'évolution technologique. C'est une erreur fondamentale de ne pas leur proposer de formation dès qu'ils ont atteint un certain âge.

Un problème fondamental de manque d'emplois se pose avant tout. Si on augmente le nombre de travailleurs de plus de 55 ans, ce manque sera davantage encore ressenti.

Autre piste de réflexion: pourquoi ne pas envisager un financement alternatif de la sécurité sociale, des pensions et des soins de santé via, par exemple, la cotisation sociale généralisée ?

M. Dhanis souligne qu'il faut aussi éviter la panique et les fausses rumeurs. Il est vrai que le vieillissement de la population fera augmenter le coût des pensions et des soins de santé mais, d'un autre côté, le nombre de jeunes diminuera, ce qui entraînera une réduction des dépenses au niveau des allocations familiales, de l'enseignement etc.

Il ne faut pas uniquement évoquer l'aspect financier. Les travailleurs expérimentés ont un savoir-faire dont on se prive peut-être trop facilement. Pourquoi ne pas envisager qu'ils forment des plus jeunes, éventuellement dans les milieux scolaires ?

L'orateur développe ensuite quelques objectifs pour la politique de fin de carrière. Il y a tout d'abord la création d'emplois de qualité en faveur des jeunes, des temps partiels et des chômeurs de longue durée, éventuellement via la formation des moins qualifiés et des jeunes. Faire davantage travailler les aînés n'est en tout cas pas une solution.

Il faut aussi élaborer une politique de fin de carrière à plus long terme. Les entreprises devraient préparer les fins de carrière plus tôt. Dès que les travailleurs ont atteint l'âge de 40 ou 45 ans, il conviendrait d'examiner leurs besoins en formation continue pour les 15 ou 20 années à venir, en adaptant éventuellement leurs conditions de travail et en leur permettant ainsi de glisser doucement vers cette retraite.

M. Dhanis trouve important de mieux concilier l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, et de remettre la motivation à l'ordre du jour. Les employeurs ont une responsabilité à cet égard. Il faut éviter les ruptures brutales entre le monde du travail et la retraite, favoriser les départs à la pension, peut-être de façon progressive en développant des projets intergénérationnels et des programmes d'encadrement des jeunes, ainsi que valoriser l'expérience des aînés en leur permettant de former les plus jeunes.

En matière de prépension, il conviendrait de maintenir le système dans le cadre d'entreprises en réelle restructuration, surtout pour les travailleurs effectuant un travail pénible.

M. Dhanis évoque brièvement le travail après 65 ans. Il pense qu'il peut se révéler positif mais rappelle qu'il vise ceux qui peuvent encore trouver du travail et dont la santé leur permet d'assumer cette charge. Il pointe une politique à deux vitesses, qui n'offre pas à tous les aînés le même type de traitement, d'avantages ou de possibilités.

Les réflexions de M. Dhanis vont dans le même sens en ce qui concerne les pensions complémentaires, à savoir les pensions du deuxième pilier — assurances-groupe — et les pensions du troisième pilier — fonds de pension. Il convient d'éviter que demain, on ne fasse un peu trop la promotion des deuxième et troisième piliers, en oubliant de renforcer le premier pilier dont bénéficient la majorité des pensionnés.

II.A.5.3. M. Louis Noël, président de la Fédération des Préretraités et Retraités

M. Noël constate tout d'abord qu'en Belgique, le taux d'emploi des plus de 50 ans est extrêmement faible, à savoir 25,7 % contre 68,5 % en Suède. Il considère que les démocraties occidentales sont à la traîne sur ce plan, puisque la France se situe à 33 %, l'Allemagne à 38 % et les Pays-Bas à 42 %, la moyenne européenne étant d'environ 40 %.

Ces chiffres ne permettent pas d'aborder valablement le problème du vieillissement de la population. De graves problèmes sont à prévoir. Des poids morts se créeront au niveau du chômage et de la retraite.

M. Noël aborde ensuite les prépensions. Il précise que la Fédération des Préretraités et Retraités, qu'il représente, est née en 1982 et a pour objectif la protection des conditions de vie en général des personnes qui ont quitté le circuit du travail en raison de leur âge.

Concernant les prépensions, la fédération de M. Noël estime qu'il faut bien sûr maintenir une couverture sociale en cas de prépension. Il faudrait toutefois éliminer les abus et limiter les prépensions aux cas de détresse, c'est-à-dire aux entreprises réellement en difficulté, contraintes de procéder à des licenciements collectifs, et aux cas de « carrières lourdes ». Il n'est pas possible qu'une personne ayant une carrière lourde soit obligée de rester active pendant une période aussi longue qu'une personne ayant une carrière plus normale, plus légère. Enfin, poursuit M. Noël, il faudrait limiter les prépensions aux problèmes de santé, c'est-à-dire aux personnes chez qui on constate légalement, suivant un processus précis, une impossibilité de continuer une carrière normale pour raisons de santé.

Pourquoi la Fédération des Préretraités et Retraités formule-t-elle ces propositions ? Parce que, explique M. Noël, la position des entreprises est telle qu'elle a favorisé les prépensions. Au début, on a prépensionné parce qu'on voulait favoriser le travail des jeunes. M. Noël en a personnellement fait l'expérience. Par la suite, les entreprises ont réalisé des économies de charges sociales et salariales pures et simples par le biais de la prépension. Ce fait est indiscutable, estime M. Noël. À partir du moment où une convention existait dans une entreprise, où la prépension était possible, les travailleurs ont demandé à en bénéficier, ce qui est assez humain. Il ajoute toutefois qu'il faut s'efforcer de changer les mentalités et, vu l'allongement de l'espérance de vie et le vieillissement de la population, d'amener les gens à travailler plus longtemps, sans les brimer et en tenant compte des considérations qu'il a exprimées au départ.

M. Noël se penche ensuite sur le problème du chômage. Il observe que notre pays compte 723 000 chômeurs (catégorie qui englobe non seulement les demandeurs d'emploi mais aussi les chômeurs âgés et les prépensionnés), soit 42 %. Ce nombre était de 704 000 en 1992. M. Noël en conclut que la Belgique est en train de s'installer dans le chômage. Parmi les 723 000 chômeurs recensés dans notre pays, ajoute M. Noël, on compte 11 % de personnes de moins de 25 ans, 30 % de personnes âgées de 25 à 40 ans, 16 % de personnes âgées de 40 à 50 ans et 42 % de travailleurs âgés !

La situation actuelle est semblable, bien qu'un peu aggravée, à celle qui existait en 1992. M. Noël insiste pour que l'on garde à l'esprit que le problème à résoudre par rapport au vieillissement de la population est d'abord et avant tout celui du chômage. Pour le résoudre, les entreprises doivent y mettre du leur et le pouvoir politique doit avoir le courage de prendre certaines mesures qui conduiront progressivement à une diminution du chômage. Sinon, c'est simple, la société sera boiteuse, elle devra porter un poids lourd « chômage » en amont et un poids lourd « retraite » en aval.

En ce qui concerne le travail des pensionnés, la Fédération des Préretraités et Retraités constate que les rémunérations afférentes éventuellement au travail d'appoint étant réglementées et limitées, la tentation existe de supprimer les limitations. M. Noël déclare avoir personnellement étudié avec soin le dossier produit par la Chambre, qui comporte 450 pages d'exposés de gens venant des milieux les plus divers. Beaucoup ont émis l'opinion qu'il fallait supprimer les limitations des rémunérations afférentes au travail d'appoint des pensionnés. M. Noël, quant à lui, pense que c'est peut-être un peu tôt pour le faire et qu'il faut avant tout s'attaquer au problème du chômage. Il souligne que les plafonds ont d'ailleurs été majorés il y a un an. Il considère que limiter les rémunérations du travail d'appoint présente un danger. Il cite l'exemple d'un pensionné qui touche une pension modeste de l'ordre de 400 000 francs par an. Si l'intéressé prend un travail d'appoint de 200 000 francs sur l'année, il ne lui reste que 100 000 francs net. Pourquoi ? Parce qu'il paie 13,07 % de cotisations sociales qui ne lui profitent pas pour sa pension. Là, une adaptation est absolument nécessaire. Il faut diminuer cette ponction sociale. Quant à la ponction fiscale, elle doit être diminuée également parce que les pensionnés subissent l'effet d'une progressivité exagérée et que la réduction d'impôts doit bénéficier au pensionné avant qu'il obtienne un travail d'appoint. Cette progressivité est trop lourde, ce qui implique d'adapter les retenues sociales et fiscales.

Le dernier point que soulève M. Noël est celui de la formation des travailleurs, laquelle doit se poursuivre tout au long de la carrière.

Le patronat a demandé, par exemple, la suppression de la barémisation en fonction de l'âge. M. Noël estime que le travailleur âgé doit être protégé, que l'on ne peut pas manipuler sa rémunération à volonté et qu'il faut tenir compte de l'importance de la fonction qu'il remplit ainsi que de son âge. Il ne faut pas raccourcir les délais de préavis; il faut combattre la tentation que peuvent avoir des employeurs de se débarrasser du travailleur âgé.

Personne n'aborde généralement la question du processus de formation. Quand un travailleur atteint un certain âge, il faut avoir le souci de l'informer et de le former. Il faut éviter que les gens arrivent désarmés au seuil de cette période de retraite qui est plus longue qu'auparavant et peut atteindre 20 ou 25 ans, en raison de l'espérance de vie qui augmente continuellement.

À la naissance, l'espérance de vie d'une personne est actuellement de 75 ans pour un homme et de 81 ans pour une femme. Toutefois, lorsqu'elle atteint l'âge de 60-65 ans, son espérance de vie est plus élevée puisqu'un certain nombre de caps ont été franchis. Il faut donc la former et l'informer sur cette période de vie, lui dire que la clef d'une retraite heureuse est de garder une activité et des objectifs, de ne pas devenir un senior croulant.

On ne peut pas remplir une période de vie de 20 ou 25 ans uniquement avec des loisirs et des voyages. Il est donc normal de prévoir une formation de l'intéressé, une préparation à sa retraite, de parler de la gestion des ressources, de la gestion du logement, d'une série de problèmes qu'il va certainement rencontrer.

En conclusion, la Fédération des Préretraités et Retraités estime qu'il faut absolument avoir le courage de redonner plus de travail à la population. Si on n'agit pas ainsi, on n'est pas armé pour faire face au vieillissement. Pourquoi les Scandinaves réussissent-ils sur ce plan ? En Suède, le pourcentage de taux d'activité des personnes âgées est de 68,3 %; le Danemark se positionne très bien aussi. Pourquoi l'Europe occidentale est-elle à ce point à la traîne dans ce domaine crucial ?

II.A.5.4. M. Francis Féraux, Mme Martine Croisiau et M. Didier van der Meersch, représentants de SeniorFlex ASBL

M. Féraux précise que, chez SeniorFlex, il s'occupe des matières juridiques et de la presse, tandis que Mme Croisiau est responsable des ressources humaines dans un organisme financier et que M. Van der Meersch est directeur financier et possède sa propre société.

L'orateur explique que SeniorFlex a été créée en janvier 2003. Elle compte des membres de qualité, issus de toutes les couches sociales de la population. Son objectif est de tenter d'aider tous les seniors, soit les personnes de 45 ans et plus, et tous les chômeurs qui, remerciés par les entreprises qui les employaient, se trouvent sur le marché de l'emploi et éprouvent des difficultés pour se reclasser.

SeniorFlex veut obtenir, pour les seniors, le droit de rester actif de manière flexible en permettant la combinaison d'une activité lucrative occasionnelle et le maintien d'avantages sociaux, sans que ceux-ci ou le produit du travail ne soient grevés. SeniorFlex souhaite également promouvoir la valeur économique et sociale du travail des seniors, ainsi qu'une communication puissante. En Belgique, il convient en effet d'informer correctement les seniors et les décideurs.

Il faut, par ailleurs, promouvoir un nouveau cadre juridique ainsi que des incitants afin que les seniors retournent au travail. Le droit à la prépension ne doit pas être un acquis social et on doit éventuellement revenir à la situation qui existait lorsque la prépension a été créée.

Enfin, on doit permettre aux seniors de transmettre leur expérience aux jeunes.

Le cheval de bataille de SeniorFlex est toutefois l'abolition des plafonds annuels de l'activité autorisée. Ils ont été créés en 1967 par un arrêté royal. Il faut aujourd'hui adopter un autre arrêté royal afin de modifier totalement la situation actuelle.

SeniorFlex a d'ailleurs contribué à la rédaction de la proposition de loi visant à l'abolition des plafonds, déposée en juillet 2004 par les députés de Donnea, Bacquelaine et Jeholet (75) . SeniorFlex ne demande pas d'argent ou une augmentation des pensions. L'État ne pourrait d'ailleurs pas l'accorder et, de toute façon, dans dix ans, il pourra d'ailleurs donner encore moins d'argent.

SeniorFlex demande simplement que le senior qui désire travailler puisse le faire sans perdre ses droits acquis et sans aucune contrainte. S'il n'existe pas assez d'emploi en Belgique, il doit même pouvoir créer son propre emploi mais pas sans rien gagner. Actuellement, à cause des plafonds, il est très difficile pour un pensionné ou prépensionné de créer son propre emploi, de le faire fructifier et de contribuer ainsi au PNB.

L'orateur ajoute que ces plafonds sont complexes, injustes, inutiles et surtout uniques au monde. Peu de pays connaissent ce genre de plafonds. Il est extrêmement difficile de comprendre les douze plafonds existants.

En fait, en Belgique, personne ne sait avec certitude de quoi il devra vivre au moment où il prendra sa retraite.

Les plafonds sont injustes car, quels que soient le type et le niveau de la pension, il est interdit à tout retraité de travailler sans perdre celle-ci. Ce système est unique en Europe et même au monde. C'est en tout cas une discrimination au niveau du droit au travail.

Ils sont inutiles parce qu'ils ne profitent ni à la personne, ni à l'État. Ils sont injustifiables parce qu'une pension de survie permet de travailler pour 11 874 euros par an; une pension de retraite réduit cette autorisation à 5 937,26 euros par an, avant l'âge de 65 ans. On peut à nouveau gagner 10 845 euros par an après 65 ans. A-t-on besoin d'argent avant ou après 65 ans ?

Ces limitations inutilement vexatoires pour deux millions d'individus en Belgique doivent être supprimées, en tout cas pour les seniors qui désirent exercer une activité lucrative. Il faut même encourager et soutenir ces derniers. Des mesures techniques devront être mises au point; elles ne sont pas très complexes. Il faut innover.

Les seniors eux-mêmes se font un petit mirage doré de ce qu'ils vont gagner et de ce temps béni de la retraite, jusqu'à ce qu'ils prennent connaissance du montant qu'ils percevront et de l'interdiction de dépasser les plafonds.

Un premier objectif fondamental de l'État doit être d'informer le citoyen de manière claire et précise quant aux conditions exactes et aux montants qui lui seront applicables en matière de retraite. Aujourd'hui, si l'on interroge l'Office national des pensions sur ce que l'on gagnera à l'âge de 60 ou de 65 ans, il faut des mois pour obtenir une réponse et essayer de comprendre.

Dans la négociation sociale qui réglera le sort des seniors, le gouvernement ne peut limiter le nombre de ses partenaires à deux: les représentants des entreprises et les syndicats. En effet, les seniors qui sont au chômage ou à la retraite ne sont pas valablement représentés. Dans la mesure où ce sont les entreprises qui ont décidé unilatéralement de leur éviction du monde du travail et où ces mêmes entreprises refusent de les embaucher sous prétexte de leur âge avancé, leur impartialité au sein de la négociation sociale n'est pas évidente.

Quant aux syndicats, ils n'ont pas pu défendre les seniors avec efficacité quand ceux-ci étaient en activité. Aujourd'hui, ils ne les défendent plus sous prétexte qu'ils ne font plus partie du personnel actif. Telle est la concertation sociale sur un problème fondamental qui préoccupe 33 % de la population belge en 2005 !

SeniorFlex s'oppose à cette réglementation inadéquate et obsolète réservant aux seuls partenaires sociaux le droit de discuter et de régler le sort d'un tiers de la population. Les seniors ont voix au chapitre.

Mme Croisiau a été sensibilisée au combat de SeniorFlex en tant que responsable des ressources humaines.

En 1996, quand elle a pris ses fonctions, elle a été confrontée assez rapidement au fantasme d'une grande partie de la population belge. Beaucoup de gens assimilaient « pensions et prépensions » à « temps libre et loisirs ».

Le travailleur qui pense en termes de « temps libre et loisirs » souhaite être pensionné le plus rapidement possible. Il y est encouragé par l'État sur la base d'une législation datant des années 70 visant à permettre aux jeunes d'accéder à l'emploi. Les syndicats sont également d'accord car ils satisfont leur base et les employeurs voient là un excellent moyen de maintenir la paix sociale.

À ces fantasmes vient s'ajouter la notion de droit acquis: les travailleurs sont séduits par le système; ils bénéficient d'un droit et n'ont pas l'intention de s'en départir. Il sera difficile de réorienter les attentes.

Or, la situation a changé: Mme Croisiau cite l'évolution démographique, l'espérance de vie et les coûts en matière de retraite et de sécurité sociale. Auparavant, un responsable des ressources humaines qui considérait son action fondée, rencontrait la satisfaction de sa direction, des bénéficiaires, des syndicats et de l'État. Or, le désengagement des seniors qui devait donner lieu à l'engagement de juniors, semble de plus en plus contesté. Par ailleurs, on entend dire de plus en plus souvent que les seniors prennent l'emploi des juniors.

Pour le travailleur qui s'attendait a une espèce d'eldorado, la préretraite se révèle beaucoup moins attrayante en réalité: les revenus diminuent et s'étalent sur une plus longue période puisque la durée de vie s'allonge; il faut donc fractionner le revenu complémentaire. L'état de santé pose également des problèmes: on constate des maladies et dépressions dues à l'absence de reconnaissance, à la perte du lien social, au sentiment d'inutilité.

Le chef d'entreprise réalise peut-être quelques économies sur le coût des salaires, mais il ne se rend pas toujours compte qu'il subit également une perte d'expérience, de compétences, de savoir, de savoir-faire, une perte de mémoire et de patrimoine culturel et un déséquilibre intergénérationnel. Où les juniors pouvaient se tourner vers des personnes plus expérimentées, il y a à présent un manque criant de complémentarité. Il ne faut pas nécessairement aborder les choses sous un angle conflictuel: le senior contre le junior !

Du côté de l'État, on constate une diminution des recettes sociales et fiscales, sans parler du travail au noir: nombreux sont les seniors qui effectuent des tâches complémentaires et des petits boulots. L'État voit aussi ses dépenses augmenter, notamment en raison de l'impact sur la sécurité sociale. Plusieurs études réalisées ces derniers mois ont démontré qu'un senior sur quatre de plus de cinquante ans était dépressif ou connaissait des problèmes de santé.

Au départ d'une idée qui semblait recueillir un large consensus, les responsables des ressources humaines en sont arrivés à procéder à des licenciements de seniors sachant pertinemment qu'à long terme, cette politique nuira à tout le monde y compris aux intéressés.

Mme Croisiau explique que SeniorFlex veut participer à une communication claire et sans ambiguïté sur la nécessité de faire évoluer les mentalités et changer l'état d'esprit dans le monde de l'entreprise et l'opinion publique en général; mettre en place des alternatives positives au rejet des seniors, comme un meilleur aménagement de la carrière; valoriser les seniors et leur apport à l'entreprise en leur ouvrant d'autres perspectives en rapport avec leur expérience, par exemple le tutorat et l'accompagnement; être un partenaire actif pour l'élaboration de tout projet destiné à améliorer la situation du senior pendant sa carrière, tel le processus de formation continue.

Mme Croisiau ajoute à cet égard qu'à l'heure actuelle, la gestion des ressources humaines en général n'investit plus dans les seniors parce que ceux-ci sont déjà sur la touche depuis un petit bout de temps et parce qu'il est insensé d'investir dans des personnes que l'on va licencier un peu plus tard.

Mme Croisiau poursuit en disant que l'objectif de SeniorFlex est encore de permettre aux prépensionnés de reprendre une activité partielle et flexible sans perdre le bénéfice de leur statut.

Elle note que le retour sur le marché du travail est envisageable s'il se fait dans un laps de temps le plus court possible. Par exemple, il est difficile de remettre au travail une personne de 60 ans qui a quitté la vie professionnelle à 52 ans.

Tout cela avant d'être contraint à obliger tout le monde à travailler davantage et plus longtemps. Mme Croisiau rappelle en effet que nous ne sommes plus si éloignés de 2010, année du pic d'évolution démographique.

M. Van der Meersch présente un aperçu des pistes de réflexion de SeniorFlex pour faciliter le retour ou l'entrée des seniors dans la vie active.

SeniorFlex a axé sa réflexion sur deux points. Premièrement, les opérations de portage salarial. Ces opérations sont très connues et très fréquentes dans d'autres pays mais sont illégales en Belgique. Elles consistent à mettre en relation un senior qui a trouvé un travail auprès d'une entreprise ou d'un employeur avec une société porteuse qui serait spécialement agréée à cette fin. Cette pratique ressemble à de l'intérim mais n'en est pas car le contrat existe avant l'appel à la société porteuse.

Deuxièmement, le contrat de partenariat SeniorFlex. Il s'agit d'un contrat spécifique, occasionnel et suspensif, durant toute son exécution, de certains statuts préexistants. Spécialement dans le cas des chômeurs et des prépensionnés, explique M. Van der Meersch, il y aurait suspension des prestations sociales mais strictement limitée à la durée du contrat de partenariat. Dans le cas des retraités, en revanche, il n'y aurait pas de suspension du paiement des pensions puisque, par définition, celles-ci sont acquises en vertu d'une carrière antérieure.

M. Van der Meersch explique que ce contrat spécifique prévoit une mission à exécuter par un senior volontaire, dans un délai et suivant des modalités souples, en ce compris le retour à son statut antérieur, lorsque le senior a quitté ce statut de manière temporaire pour un travail spécifique. Le prix payé au senior serait soumis à une cotisation sociale dite de solidarité et aux impôts sur les revenus. Il y aurait donc participation à l'alimentation des caisses de l'État, à l'enrichissement du senior qui participe au système et, bien entendu, à la création de richesses exprimée dans le PNB.

M. Van der Meersch déclare que SeniorFlex considère qu'il serait bon d'assortir les deux systèmes que sont le portage salarial et le contrat de partenariat SeniorFlex d'un cadre juridique et d'un statut social particulier pour les seniors.

Il précise que ce statut social ferait des seniors en général une catégorie distincte de travailleurs afin de leur permettre d'exercer de manière souple une activité économique lucrative s'ils le désirent.

M. Féraux ajoute que SeniorFlex tente aujourd'hui de trouver des outils, des solutions, des pistes dans le contexte économique actuel.

Il serait aberrant d'attendre 2010. Il faut que les entreprises et les seniors trouvent eux-mêmes des solutions et que l'État les y aide.

b) Échange de vues

Mme Zrihen souligne que cette audition fait entrer le groupe de travail au cœur du débat. Lorsque les exigences que l'on peut avoir en arrivent à être considérées carrément comme une obligation pour la survie de la société, il y a lieu d'examiner la question avec les personnes concernées et expérimentées. Si l'on veut demander, demain, à des personnes — qui sont en capacité — de retravailler, et que ce soit non une hypothèse mais bien une obligation, il faut savoir dans quel cadre et préciser les obligations des uns et des autres. C'est de cela qu'il faut se préoccuper. La dernière proposition qui a été faite est intéressante parce que très prospective. La question n'est plus de savoir s'il le faut. Il le faut, le stade de l'hypothèse et de l'interrogation est dépassé. La question à poser maintenant est: puisqu'il le faut, quels sont les moyens pour y arriver ?

Mme Zrihen souhaite savoir si les différents intervenants ont eu la possibilité d'interpeller directement des seniors et de leur demander s'ils sont prêts à reprendre du service et à quelles conditions ils pensent en être capables. Les gens de sa catégorie d'âge se voient très bien en train de retravailler mais pas du tout avec l'expérience professionnelle des personnes qui sont sur le terrain. On se trouve dans une autre société, avec d'autres perspectives.

Mme Zrihen a vu énormément de seniors retravailler, compte tenu de la fameuse somme de 250 000 francs (environ 6 200 euros) bruts par an en complément, dans le secteur culturel et des loisirs. Ils encadrent, ils animent. Peu nombreux sont ceux qui repartent vraiment sur le champ professionnel, comme avant. Prolonger le temps de travail ne signifie certainement pas faire le même travail. On peut aussi rechercher dans la vie des intéressés des potentialités occultées qui pourraient enfin s'exprimer. Il faut pratiquer une sorte de management des potentialités dès que les gens atteignent 40 ou 45 ans et leur dire qu'ils n'ont pas fini, qu'il leur reste une nouvelle carrière. Mais cela, c'est une révolution quasiment corpernicienne qui s'oppose à la résistance de l'être humain plus favorable à la paresse qu'à l'agitation. Dans la pratique, c'est une nécessité. Il y a 25 ans à remplir. M. Noël a dit très justement qu'on ne peut remplir 25 ans avec des voyages et des loisirs uniquement. Cela posera des problèmes. C'est pourquoi Mme Zrihen aimerait savoir si ces publics ont été interpellés et connaître leurs réponses.

Mme Thijs aimerait en savoir davantage sur le contrat de partenariat proposé par SeniorFlex. Elle ne voit pas très bien s'il est question d'une période durant laquelle la pension est suspendue ou d'un complément à la pension. Il importe de créer un cadre juridique à cet égard et SeniorFlex a formulé des propositions intéressantes à cet effet. Mme Thijs se demande d'ailleurs si l'ASBL à un équivalent dans la partie néerlandophone du pays.

Mme Van de Casteele a trouvé très intéressante l'idée de donner la parole aux organisations représentatives des seniors. Les sénateurs partagent un certain nombre des préoccupations évoquées par celles-ci, comme celle qui concerne la liaison des pensions au bien-être.

Mme Van de Casteele souhaite revenir en premier lieu sur le problème du cumul. SeniorFlex évoque dans sa note « le soutien du droit des personnes considérées comme âgées (45 ans et plus) de continuer à exercer une activité lucrative, si elles le désirent ». L'intervenante trouve préoccupants les derniers mots de cet extrait, car elle estime que la société ne peut pas se permettre de laisser aux personnes de 45 ans et plus le choix de travailler ou non. Le ministre des Pensions a fait savoir récemment que l'on devrait porter l'âge effectif de la retraite à 60 ans pour pouvoir garantir la viabilité du système de sécurité sociale. Il y a lieu dès lors de se mettre d'accord sur ce qu'on considère exactement comme l'âge de la pension.

Il faut également se mettre d'accord sur le moment à partir duquel un cumul est possible. Il existe en effet diverses propositions à ce sujet. Le VLD estime que le cumul doit être autorisé aux personnes de plus de 65 ans. La question se pose de savoir s'il faut soumettre l'ensemble des rémunérations cumulées au paiement des cotisations sociales. Cette question doit faire l'objet d'un débat distinct, mais Mme Van de Casteele y répond d'ores et déjà par l'affirmative. En Turquie, par exemple, les personnes âgées qui travaillent doivent encore payer des cotisations sociales. Elles ne reçoivent plus rien en contrepartie, mais cela fait partie d'un système de solidarité entre ceux qui sont encore capables de travailler et ceux qui ne le peuvent plus. On risque de voir apparaître deux catégories de gens: les personnes âgées qui perçoivent une pension minimum et celles qui bénéficient d'une pension confortable à laquelle s'ajoutent des revenus complémentaires.

Mme Van de Casteele aimerait savoir si les organisations représentatives des seniors plaident également pour le cumul des rémunérations des personnes qui ont pris une retraite anticipée ou qui sont préretraitées. Cela répond apparemment à une demande des préretraités eux-mêmes. Mais Mme Van de Casteele a beaucoup d'autres questions sur le sujet. Contrairement à la pension, la prépension est en fait une allocation de chômage assortie d'un complément. Si l'on devait accéder à la demande en question, on chamboulerait tout notre système de sécurité sociale. En effet, une allocation de chômage est destinée aux personnes qui, pour une raison ou pour une autre, ne peuvent plus travailler. Mme Van de Casteele souhaiterait donc que les divers intervenants précisent mieux ce qu'ils entendent par « cumul ». Elle demande par ailleurs si les représentants de SeniorFlex ne pourraient pas parler plus en détail de leur expérience sur le terrain ? Certaines personnes font-elles appel à eux ? Au cours des auditions, on n'a pas cité, jusqu'à présent, beaucoup d'exemples concrets d'entreprises qui essaient de trouver des formules permettant d'offrir davantage d'opportunités aux seniors. On n'a pas non plus cité beaucoup d'exemples de seniors qui essaient eux-mêmes d'en trouver. L'intervenante est heureuse d'entendre que les gens sont heureux de continuer à être reconnus et veulent continuer à travailler. Elle estime que l'on touche dès lors au cœur du débat. Nous sommes solidairement responsables de la réorientation de nos attentes qui constitue une condition indispensable si l'on veut pouvoir assurer la pérennité de notre système.

M. Féraux se dit très heureux d'entendre toutes les réactions. Cela signifie que son association rencontre un certain intérêt.

Il est exact qu'un certain nombre de seniors ont envie de travailler bien davantage que ce qui est autorisé. S'ils embrassent aujourd'hui des carrières supplémentaires dans le domaine culturel, c'est parce que ce dernier a besoin d'un support et dispose de peu de moyens financiers. Dès lors, si l'on ne peut gagner qu'un minimum en raison des plafonds, autant le faire d'une manière conviviale et agréable.

Certains seniors veulent se réorienter vers d'autres carrières, voire créer eux-mêmes des entreprises. Lorsqu'on a 50 ou 55 ans, qu'on a travaillé pendant 20 ans comme employé ou cadre dans une société et qu'on a engrangé un acquis, on peut valoriser ce dernier et créer sa propre entreprise. On souhaite toutefois le faire décemment, c'est-à-dire sans rencontrer l'écueil des plafonds qui limitent tout et anéantissent le courage de créer, parce qu'on prend des risques en investissant du capital sur fonds propres. Si, en fin de compte, on ne peut pas gagner un minimum décent par rapport à l'effort, c'est inadmissible.

En outre, il faut signaler que les personnes qui fondent leur entreprise, non seulement créent leur propre emploi, mais sont également susceptibles d'en créer beaucoup d'autres. Si on cherche 200 000 emplois en Belgique, il faut certainement encourager ce genre d'initiative.

Beaucoup de seniors souhaitent travailler, mais pas à plein temps. Ils aimeraient bien travailler quelques mois pas an. Un emploi très intéressant pour les seniors consiste à travailler en support aux PME. Beaucoup de jeunes fondent des PME dans des secteurs de pointe, des secteurs de technologie ou autres. Ils ont une excellente formation, ils sont extrêmement développés en hightech, mais ils rencontrent des difficultés sur le plan de la gestion d'entreprise. Ils font dès lors appel à des cabinets spécialisés, ce qui leur coûte une fortune alors qu'ils ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour pouvoir supporter cette dépense. La solution consiste à faire appel à des seniors. Ces derniers peuvent répondre très efficacement à ce genre de besoin en supportant les jeunes entrepreneurs à des moments où ils en ont le plus besoin ou à des moments où l'on peut faire une adéquation entre la rentabilité du travail, la productivité de l'entreprise et le revenu du senior.

Aujourd'hui, il est impossible d'assurer ces missions parce qu'il est logique que le senior qui travaille veuille gagner de l'argent. Cela paraît évident, d'autant plus que de nos jours, à 54-55 ans, un Belge sur quatre seulement travaille. À 60 ans, un Belge sur 10 travaille encore. C'est M. Guy Quaden, gouverneur de la Banque nationale, qui le dit. Il est donc urgent de redresser la barre.

M. Féraux répond ensuite à Mme Van de Casteele. Il n'a jamais été dit au cours de l'exposé qu'une personne de 45 ans, considérée comme senior, devait pouvoir travailler quand elle en avait envie. Il faut se rendre compte que dans le monde économique actuel, tant au nord qu'au sud, bon nombre d'entreprises licencient des gens de 45 ou 48 ans pour des raisons de restructuration ou de délocalisation.

L'année dernière, à Ford Genk, on a prépensionné à 50 ans et on a dit à ceux qui avaient 48 ans qu'on les garderait jusqu'à l'âge de 50 ans de manière à ce qu'ils puissent bénéficier de la prépension. M. Féraux ne se prononce pas à ce sujet.

Il s'agit de travailleurs qui se retrouvent sur le marché de l'emploi, sans l'avoir souhaité. Ils essaient dès lors de trouver un autre emploi. Or, chacun sait qu'à 45 ans, c'est une tâche impossible. M. Féraux a connu cette expérience à 38 ans. Il en a 55 aujourd'hui. En effet, en 1988 déjà, lorsque l'orateur cherchait un emploi, il n'en a pas trouvé un seul en neuf mois. L'ONEm était incapable d'en proposer un correspondant à son curriculum vitae. C'est donc par nécessité qu'il est lui-même devenu indépendant. Les cas de ce genre sont aujourd'hui beaucoup plus nombreux. Il faut y être attentif. Une personne qui a plus de 45 ans et qui se trouve sur le marché de l'emploi sans l'avoir demandé, doit pouvoir travailler à nouveau. Elle tentera de trouver un emploi à temps plein. Si elle y parvient, elle n'aura pas besoin du contrat de partenariat SeniorFlex. Mais si elle n'y parvient pas, elle doit pouvoir travailler en complément de ses acquis sociaux, car elle n'a pas demandé à se retrouver dans cette situation.

Par ailleurs, l'orateur souligne que l'on participe à la solidarité dès que l'on travaille. En effet, SeniorFlex veut absolument que les secrétariats sociaux, par exemple, gèrent le travail, même à temps partiel et même volontaire, des seniors. En effet, la cotisation de solidarité et l'impôt sont nécessaires. Les secrétariats sociaux sont les mieux placés pour les prélever, par exemple tous les mois, sans qu'il soit nécessaire d'attendre trois ans pour régulariser la situation, comme c'est le cas pour les indépendants. Il s'agit donc de mesures techniques qui doivent faire l'objet d'un examen. Elles sont loin d'être compliquées et peuvent être mises en place très rapidement. Le tout est de le vouloir.

M. Noël indique qu'il est proche de la position de SeniorFlex pour ce qui concerne l'activité des seniors. Il souhaite que ces derniers travaillent davantage. S'il n'a pas proposé de supprimer totalement les limitations, c'est parce qu'il craint qu'il ne s'agisse d'un prétexte pour diminuer encore les pensions et que les gens ne s'y retrouvent plus tellement. Le système actuel prévoit des retenues fiscales et sociales exagérées. D'une part, on pourrait donc s'en servir pour faire pression sur les pensions et, d'autre part, si on supprime les limitations, il faut aménager les déductions d'une manière raisonnable afin qu'il existe une rétribution réelle de l'effort consenti.

L'orateur pense que l'information et la formation constituent l'essentiel du problème. Il conviendrait d'informer les travailleurs, avant qu'ils ne quittent l'entreprise, des aléas qu'ils rencontreront au cours de leur période de vie ultérieure. Il convient de changer la mentalité des personnes concernées. C'est ainsi qu'elles travailleront davantage. Actuellement, pour bon nombre de personnes, pension est synonyme de repos. Mais, pour l'orateur, il n'est pas possible de remplir une vie avec des loisirs. Il faut donc indiquer aux personnes d'un certain âge qu'elles doivent conserver une activité et des objectifs. C'est ainsi que le pays pourra davantage s'appuyer sur sa population et que les gens seront plus heureux.

M. Geeroms souligne que notre pays compte 2,2 millions de retraités. Deux pour cent des ex-travailleurs salariés pratiquent le travail autorisé, tandis que les ex-travailleurs indépendants sont 12 pour cent à le faire. Les organisations ont interrogé les retraités sur la suppression du travail autorisé. Selon l'intervenant, il y a quasi-unanimité au sein du Comité consultatif pour le secteur des pensions en faveur du maintien du travail autorisé et, si possible, du relèvement des limites. En fait, la question n'est pas de savoir si les plus de soixante-cinq ans sont autorisés à continuer à travailler. Il est évident qu'ils peuvent le faire, mais ils n'y sont pas obligés. La seule question est de savoir si le travail peut être combiné avec une pension et dans quelle mesure il peut l'être. N'est-il pas inconcevable que des prépensionnés puissent combiner un travail avec une allocation de chômage de fait ? Pour les vrais retraités, la question est de savoir s'ils peuvent combiner sans restriction leur pension avec du travail.

L'intervenant se demande du reste s'il faut toujours parler de cumul de travail rémunéré ? Si l'on dispose d'une pension confortable, pourquoi ne pourrait-on pas faire du bénévolat dans des organisations ? Pareille activité n'a-t-elle aucune valeur sociale ? Ne devons-nous discuter que de travail rémunéré ? On doit parler ici du travail du pensionné, qu'il soit rémunéré ou non. Et on doit aborder le statut du bénévole, qui, selon l'intervenant, devrait aussi être réglé au niveau fédéral. Des propositions existent d'ailleurs déjà en ce sens.

Mme Thijs se demande si cela n'intéresserait pas beaucoup de retraités de collaborer à un projet, pendant six mois par exemple, moyennant la suspension de leur pension.

Selon M. Geeroms, beaucoup de retraités souhaitent déjà travailler dans les limites actuelles du travail autorisé. Pour l'imposant groupe de retraités qui travaillent déjà, la marge existante suffit pour effectuer ce genre de travail. Ceux qui insistent pour que l'on supprime les limites du travail autorisé sont ceux auxquels ce travail peut rapporter tellement que leur revenu leur ferait perdre une partie de leur pension. Ils sont toutefois peu nombreux.

M. Dhanis répond qu'au niveau du principe du travail après la pension, cette mesure lui semble inégale pour les pensionnés.

L'UCP, l'Union chrétienne des Pensionnés, a mené une enquête voici deux ans environ. Selon la majorité des répondants, ce n'était pas une solution d'avenir.

M. Noël a parlé de l'épanouissement des seniors, mais le bénévolat, familial ou autre, est aussi important. De nombreux aînés sont dans la « génération sandwich » et s'occupent de leurs enfants, de leurs petits-enfants et d'un parent très âgé. On peut parler dans ce cas de bénévolat à temps plein. Celui-ci a une valeur sociale dont il faut tenir compte. Un statut réel devrait être accordé à ces personnes.

Selon Mme Van de Casteele, il y a effectivement encore beaucoup à faire en ce qui concerne le statut de bénévole. Il a d'ailleurs été convenu avec la commission des Affaires sociales de mettre le plus rapidement possible à l'ordre du jour une série de propositions qui ont été déposées sur le sujet. Il y a également la problématique des bénévoles dans le domaine des soins de proximité, où des initiatives s'imposent également.

Dans le débat sur le cumul, on invoque parfois le fait que les pensionnés hésitent à effectuer un travail rémunéré, par crainte de prendre le travail d'un jeune. Ce point de vue est compréhensible pour quelqu'un qui a peut-être quitté le marché du travail pour faire place aux jeunes. Or, le rapport de la Chambre (76) , sur la base duquel le groupe de travail souhaite poursuivre ses travaux, démontre clairement qu'il y aura une pénurie de main-d'œuvre de 2010 à 2030. Il sera alors très important de tout faire pour maintenir un maximum de personnes au travail. Il sera utile de maintenir au travail même les plus de 65 ans.

Les mentalités devront évoluer petit à petit, et cela ne se fera que par étapes. L'intervenante comprend que les organisations représentatives des seniors aient encore quelques réticences à l'idée de travailler après 65 ans. Nous devrons toutefois mener le débat pour faire en sorte que les gens travaillent plus longtemps à l'avenir et pour les encourager par des incitants à effectuer un travail rémunéré une fois qu'ils auront atteint l'âge de la pension, et à contribuer ainsi au financement de la sécurité sociale. Nous pourrons alors discuter de la question de savoir s'il est possible de réintégrer sur le marché du travail un pensionné qui n'a pas encore atteint l'âge de la pension, ce qui entraînerait une économie au niveau des allocations et un gain sur le plan des cotisations sociales. Il y a en tout cas un gain, que l'on touche ou non à l'allocation. C'est un débat qui concerne l'avenir. Mme Van de Casteele annonce que l'on demandera aux organisations représentatives des seniors de réfléchir à ces questions. Elle rappelle ce que l'ancien ministre de l'Emploi, M. Vandenbroucke, a toujours dit: il ne s'agit pas de redistribuer le gâteau, il s'agit d'agrandir le gâteau tous ensemble. Des études montrent d'ailleurs que dans les pays où il y a davantage de seniors qui travaillent, les jeunes qui travaillent ne sont pas automatiquement moins nombreux. Mais certaines études européennes démontrent le contraire.

Pour Mme Zrihen, il importe de poser la question de manière globale et d'éviter des réponses ponctuelles. Il y a un enjeu structurel à court terme, à moyen terme et à long terme que les sociétés doivent prendre à bras-le-corps.

Il importe de bien distinguer, d'une part, le statut de la personne pensionnée qui dispose d'un cadre légal et donc d'une liberté de choix et, d'autre part, celui de la personne prépensionnée, laquelle émarge à la caisse des chômeurs et doit par conséquent remplir les mêmes obligations que ces derniers. Un exercice important doit être fait en matière de changement des mentalités et de compréhensions des définitions.

Quand on dit qu'il ne faut pas partager le gâteau mais en faire un plus grand, il ne s'agit pas uniquement de démultiplier les différents éléments du gâteau mais aussi de trouver le bon récipient. La température de chauffe devra aussi être appropriée.

Tout ces éléments doivent être mis en place. L'oratrice craint que l'on ne veuille trouver une solution rapide car 2010 n'est pas très éloigné. Or le problème est le suivant: une nouvelle donne intervient dans la structuration de la sécurité sociale et il faut l'intégrer dans les mentalités en lui donnant rapidement des perspectives légales afin d'éviter un rafistolage du système.

La problématique se pose au niveau européen, voire mondial. La Belgique devrait donc intégrer une législation européenne. La pression extérieure sur la législation belge en matière de sécurité sociale est suffisamment forte pour examiner ce qui est viable et ce qui ne l'est pas.

Mme Thijs souligne que la plupart des organisations ont insisté sur l'importance de l'image que l'on donne. Le fait que beaucoup d'associations de seniors recrutent des quinquagénaires suscite chez ceux-ci le sentiment d'être pour ainsi dire obligés, à leur âge, de partir à la préretraite ou de prendre leur retraite anticipée, alors que ce phénomène est lié au chômage.

La brochure du KBG ainsi que d'autres brochures similaires s'efforcent de donner une image positive des jeunes seniors qui font du sport et développent toutes sortes d'activités. Cette image s'adresse toutefois exclusivement à leur propre catégorie d'âge et ne touche par conséquent pas les autres. Les associations devraient s'adresser à l'ensemble de la population. Il arrive à l'intervenante de rencontrer un fringant jeune homme de 53 ans qui lui annonce qu'il partira à la préretraite sous peu. Elle se demande alors ce qui motive l'intéressé à franchir ce cap si tôt. Il s'agit sans doute selon elle du désir qu'il éprouve d'être indépendant et de consacrer son temps aux occupations qu'il affectionne.

Les grandes campagnes médiatiques des organismes ne peuvent à elle seules remédier à cette situation. Les organisations de seniors ont aussi un rôle à jouer en la matière.

Le salon Zenith de l'année passée s'adressait aux jeunes seniors de 50 ans et plus. Cette approche a glacé l'intervenante d'effroi. Elle aimerait par conséquent que les associations de seniors lui disent ce qu'elles envisagent en l'espèce. Il faut changer d'image, même si une telle campagne se fait au détriment du nombre d'affiliés.

La présidente, Mme Geerts, constate que plusieurs orateurs renvoient au système scandinave. Elle a souvent été amenée à constater, avec irritation, que la discussion sur la problématique de la fin de carrière dans les médias reste braquée sur l'âge de la retraite. Néanmoins, elle tient à aborder elle-même cette question maintenant.

M. Geeroms et d'autres intervenants ont parlé du contrat social en éludant la discussion sur l'âge.

Le contrat avec le citoyen dans les régimes scandinaves repose un nombre déterminé d'années accomplies. Il peut s'agir de 38 ou 40 années de travail. La présidente aurait voulu connaître le point de vue des organisations à ce sujet.

M. Dhanis reconnaît qu'il existe un problème de communication: certaines personnes de 47 ou 48 ans comprennent difficilement qu'elles vont passer dans la catégorie des seniors. L'âge de base pour s'affilier à l'UCP est de 50 ans, mais certains membres sont âgés de 90 ans. Cela fait trois générations de membres. Une solution est de proposer des activités aux plus jeunes et de prévoir des réunions plus calmes pour les aînés. Par ailleurs, les gens n'ayant pas nécessairement tous accompli leur cheminement vers le troisième âge, il est très difficile de les orienter vers des organisations de loisirs. En parlant des gens de 50 ans, l'UCP a voulu traduire une réalité sociale: le nombre de pensionnés ou prépensionnés à 50 ans ne cesse d'augmenter, qu'ils soient volontaires ou non.

Selon M. Geeroms, le grand problème qui se pose aux organisations de seniors est celui des images véhiculées. Le choix entre les termes « âgé », « plus âgé », « senior » suscite une certaine confusion. En outre, l'intervenant a pu lire dans une étude consacrée à la communication culturelle, qu'une personne de plus de 50 ans n'est plus appelée « senior », mais « medior ». Comme les termes ne cessent d'évoluer, nous avons finalement décidé de nous en tenir au mot « âgé ». Il ne faut pas se voiler la face: dans notre société, la prise d'âge est perçue négativement. L'OOK tente d'induire un changement de mentalité, mais il est particulièrement difficile de convaincre les autres générations.

Certes, on discerne parfois quelques timides avancées, comme c'est le cas par exemple pour la campagne actuelle sur la surdité qui aborde le problème dans une optique intéressante. Mais pareil changement requiert aussi un grand professionnalisme. Toute initiative de la part des politiques sera évidemment la bienvenue.

Le problème de la liaison de la pension à la durée de la carrière n'a pas encore été abordé au sein de l'OOK. Toutefois, lors de son congrès de 1981, l'OOK avait déjà défendu l'idée d'une liaison de la pension à un nombre d'années de carrière identique pour tous. Selon l'OOK, il ne serait pas juste qu'une personne qui est entrée dans la vie professionnelle à 14 ans doive également travailler jusqu'à 65 ans et qu'aucune distinction ne soit faite par rapport à une personne qui a pu poursuivre des études jusqu'à 25 ans. M. Geeroms pense — même si ce n'est selon lui que spéculation — qu'aucune organisation de seniors ne s'oppose à la liaison de la pension à la durée de la carrière.

M. Noël répète que les gens doivent travailler plus longtemps. Il n'est pas d'accord avec M. Dhanis sur le fait qu'il faut d'importants revenus pour avoir de grosses retenues fiscales. Une pension de 10 000 euros par an et un travail de 5 000 euros par an ne représentent pas grand-chose, mais une retenue de 2 500 euros, soit 50 % du salaire, est trop élevée.

Ensuite, M. Noël insiste sur la nécessité d'informer les gens sur la retraite et de les y former, de changer les mentalités. Il ne faut surtout pas croire que l'on résoudra le problème du vieillissement en diminuant, voire en supprimant les pensions. Certaines interventions développées à la Chambre des représentants allaient pourtant dans ce sens.

M. Féraux estime que le terme « senior » est galvaudé. De tout temps, les seniors ont été les « trois fois vingt ». Lorsque Bismarck a créé la pension au XIXe siècle, il a fixé l'âge de 65 ans — l'espérance de vie avoisinait alors 66 ans !

M. Féraux signale que SeniorFlex a le bonheur de compter, en son sein, des membres âgés de 35 ans. Ce ne sont évidemment pas des seniors mais des personnes intéressées au plus haut point par le combat de l'association, étant donné que ce seront elles, entre autres, qui payeront les retraites à partir de 2010. Elles ont créé un splendide site internet que chacun peut consulter à l'adresse « seniorflex.org ». Ces « jeunes » travaillent pour SeniorFlex de manière tout à fait bénévole.

Quant au bénévolat, M. Féraux précise que SeniorFlex n'y est pas opposée et ne demande pas que tout le monde gagne de l'argent. Elle ne demande pas le beurre et l'argent du beurre. Elle tient juste à ce que celui qui est dans le besoin, qui estime que sa rémunération sociale, à savoir sa pension ou allocation de prépension, ne lui suffit pas et qui est capable de travailler, puisse le faire.

La génération du babyboom va bientôt devenir celle du papy-boom. M. Féraux raconte qu'il est âgé de 55 ans et qu'il a deux fils, de 23 et 20 ans, qui étudient à l'université. Ces études coûtent très cher. Si M. Féraux était chômeur ou prépensionné et voyait ses revenus limités, il ne pourrait sans doute payer les études universitaires de ses fils qui, dans quelques années, produiront l'argent dont l'État aura besoin pour financer ses devoirs sociaux. M. Féraux estime donc que nous nous trouvons aujourd'hui dans un cercle vicieux, qu'il faut en sortir au plus vite et qu'il s'impose de trouver des solutions à très court terme.

Dans la foulée des propos tenus par la première interlocutrice, M. Féraux ajoute toutefois qu'il ne faut pas se précipiter. Il s'agit d'un problème de fond, un problème sociétal que l'on ne pourra résoudre en deux coups de cuiller à pot. M. Féraux craint particulièrement, en tant que citoyen, que l'on n'écourte de manière abrupte la discussion sur les fins de carrière. L'ASBL SeniorFlex existe depuis deux ans et côtoie depuis lors les ministres fédéraux compétents en la matière. Elle essaie de les convaincre du bien-fondé de ses démarches. Or, il semble que le gouvernement actuel désire précipiter les choses concernant les fins de carrière. M. Féraux estime qu'en voulant résoudre ce problème sur la durée d'une législature, le gouvernement irait au-devant d'une catastrophe que l'on paierait de plus en plus cher jusqu'en 2030.

II.B. PROBLÉMATIQUE DE LA FIN DE CARRIÈRE DANS LE SECTEUR PUBLIC

II.B.1. Auditions des ministres compétents ou de leurs représentants

II.B.1.1. M. Herwig Stalpaert, conseiller Conditions de travail, DG Organisation, SPF Personnel et organisation, et M. Erwin De Buyser, directeur du Service juridique, administration des pensions

a) Exposé introductif

M. Stalpaert explique les règlements existants en matière de départ anticipé auprès des administrations fédérales. Ces règlements en matière de départ anticipé sont relativement semblables. Les régions, communautés et administrations locales sont responsables en personne du statut de leur personnel et peuvent en fixer les modalités. L'impact sur la retraite anticipée reste néanmoins matière fédérale; les administrations régionales ne peuvent rien y changer.

L'âge auquel les fonctionnaires entrent en ligne de compte pour un départ anticipé est l'une des modalités dont la fixation dépend de chaque administration. En règle générale, cet âge est de 55-60 ans, mais dans certains cas exceptionnels, le départ peut se faire avant cet âge. La plupart du temps, le départ anticipé est lié à une obligation de prendre sa pension à 60 ans.

Le départ anticipé est toujours un temps plein. L'intéressé perçoit une allocation d'attente ou de disponibilité s'élevant à 70 à 80 % de sa dernière rémunération en tant que salarié actif.

Dans la plupart des cas, le départ anticipé constitue un droit pour les fonctionnaires qui satisfont aux conditions d'âge et d'ancienneté. L'ancienneté est la condition de base pour le droit à la pension.

Dans l'administration fédérale, il n'y avait jusqu'à présent que trois possibilités de départ anticipé à temps plein et une possibilité de prépension à mi-temps:

Il existait une possibilité de départ anticipé à temps plein pour les fonctionnaires pénitentiaires (77) , pour le personnel de la protection civile (78) et pour le personnel nommé définitivement des niveaux 3 et 4 (79) .

Le départ anticipé à mi-temps est applicable à tout le secteur public fédéral.

La réglementation s'appliquant aux institutions pénitentiaires était valable jusqu'au 31 décembre 2003; celle s'appliquant à la protection civile a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2006. La réforme Copernic a introduit une possibilité de départ anticipé générale et uniforme pour les niveaux 3 et 4, pour laquelle une demande devait être introduite entre le premier mars 2001 et le 30 avril 2001. Dans l'administration fédérale, les niveaux 3 et 4 sont en effet surreprésentés et il y avait plus besoin de fonctionnaires de niveau supérieur.

La réglementation pour les institutions pénitentiaires s'appliquait au personnel nommé de grade 3 ou non formé, de grade 2 ou de niveau humanité ou de grade 2+ ou de niveau enseignement supérieur non universitaire. Les fonctionnaires pénitentiaires devaient avoir au moins 55 et au plus 60 ans et justifier de minimum 25 ans de service pour entrer en considération.

À la protection civile, la réglementation s'appliquait au personnel nommé de grade opérationnel et âgé d'au moins 56 ans et d'au plus 60 ans, ayant 25 ans de service.

Les fonctionnaires de niveaux 3 et 4 pouvaient profiter du règlement s'ils avaient au moins 20 ans de service.

Les travailleurs des institutions pénitentiaires et de la protection civile recevaient 80 % de leur dernière rémunération dans le service actif, ceux des niveaux 3 et 4 percevaient de leur dernier salaire annuel brut. S'ajoutait à cela respectivement 80 ou 70 % de l'allocation de foyer et de résidence, du pécule de vacances et de la prime de fin d'année. Il n'y avait, pour les intéressés, aucune interdiction de cumul pour autant que les limites fixées dans la législation sur les pensions ne soient pas dépassées.

Pour les fonctionnaires pénitentiaires, la durée de la période de départ anticipé était de maximum cinq ans avec la pension à 60 ans. Pour la protection civile, la période était de maximum quatre ans avec d'office la pension à l'âge de 60 ans. Pour le niveau 3 et 4, la période autorisée était également de cinq ans avec d'office la pension à 60 ans.

La décision d'opter pour ce système était irréversible.

M. Stalpaert évoque à présent le système de la pension anticipée à mi-temps — également appelé loi Vande Lanotte (80) — introduit au niveau fédéral en 1995 dans le cadre de la redistribution du travail. Outre la pension anticipée à mi-temps, il existait également un système volontaire de travail de quatre jours par semaine.

Ce système, qui a entre-temps été prolongé jusqu'au 31 décembre 2005, s'applique à tous les fonctionnaires nommés définitivement. C'est un droit; l'administration ne peut refuser d'accorder le congé, mais peut éventuellement demander que le début de la période soit reporté de six mois. Le système peut s'appliquer à partir de 55 ans et pour une période de maximum cinq ans. Le fonctionnaire peut, par exemple, opter pour le système à partir de 58 ans. Dans ce cas, le congé court jusqu'à l'âge de 63 ans. Le système est également irréversible, mais la date de la pension peut éventuellement être anticipée. Toutefois, cette date doit être fixée dès le début du congé.

M. Stalpaert fait également remarquer que, sur les fonctionnaires des niveaux et 3 et 4 qui satisfaisaient aux conditions, un sur deux a effectivement fait usage de la mesure provisoire de départ anticipé à temps plein (81) .

M. De Buyser déclare vouloir consacrer son intervention à l'influence qu'exercent les départs anticipés à temps plein ainsi que le départ anticipé à mi-temps sur les pensions.

Le 1er janvier 2002, le crédit temps a été introduit. Ce système prévoit qu'un fonctionnaire peut, pendant sa carrière, s'absenter volontairement pendant une période déterminée, sans que cela influence négativement le calcul de sa pension. Le crédit temps dont dispose un fonctionnaire est calculé sur la base de sa présence totale et de son année de naissance.

Les fonctionnaires âgés de plus de 55 ans avant le 1er janvier 2002 et qui avaient déjà opté pour un départ anticipé, relèvent de l'application de l'ancienne législation. Cela veut dire que les périodes d'absence non rémunérées du service actif sont mises sur le même pied à dater du 31 décembre 1982. Pour les périodes d'interruption de carrière et d'absence dans le cadre de la semaine des quatre jours ou d'un départ anticipé à mi-temps, le crédit temps est accordé à concurrence de 20 % des services effectifs, des congés payés, de la disponibilité avec allocation d'attente et du congé préalable à la pension de retraite. Pour ces fonctionnaires, le congé préalable à la pension de retraite compte donc totalement pour le calcul de la pension.

Pour les personnes qui n'avaient pas atteint l'âge de 55 ans le 1er janvier 2002, un autre règlement est d'application. Pour eux, le congé préalable à la pension de retraite n'est plus considéré comme une période de présence, mais comme une période d'absence. Ceci a un double effet: la période d'absence augmente, la période de présence diminue.

Pour les personnes qui atteignent l'âge de 55 ans entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2005, les périodes d'absence non rémunérées pendant le service actif sont mises sur le même pied à dater du 31 décembre 1982. Les périodes d'interruption de carrière, d'absence dans le cadre de la semaine des quatre jours ou du départ anticipé à mi-temps et le congé préalable à la pension de retraite, comptent également pour le calcul de la pension à concurrence de 25 % des services effectivement prestés, des congés payés et de la mise en disponibilité avec allocation d'attente.

Pour les personnes qui atteindront 55 ans après 2010, ce montant est plafonné à 20 % et pour ceux qui auront 55 ans entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2010, un pourcentage dégressif s'applique, qui diminue mensuellement de 25 à 20 %.

Il existe des exceptions à ces règles. Le pourcentage de 25 % reste maintenu si quelqu'un a pris une interruption de carrière de 24 mois dont 12 mois pour l'éducation d'un enfant de moins de six ans pour lequel les allocations familiales étaient perçues. Si quelqu'un est mis à la pension en raison d'une incapacité physique avant l'âge de 60 ans ou si quelqu'un décède pendant le service actif, certaines périodes validées dans le cadre de l'interruption de carrière restent hors de considération pour le calcul de ces 25 ou 20 %.

Enfin, M. De Buyser souhaite également attirer l'attention sur une mesure spécifique du règlement de pension pour le secteur public qui a pour but de maintenir les plus de 60 ans dans le coup, grâce à un bonus d'âge. Cela revient à dire que pour les mois de service effectifs prestés après l'âge de 60 ans, un bonus est octroyé sous la forme d'un pourcentage variable et progressif du montant nominal de la pension; 0,125 % pour chaque mois de service effectif entre l'âge de 60 et 62 ans et 0,167 % pour chaque mois de service effectif après l'âge de 62 ans. Ceux qui continuent à travailler après leur 60e anniversaire, comptent une année de service en plus et reçoivent 1,5 % de pension en plus. Toute personne qui reste en service jusqu'à ses 65 ans compte non seulement cinq années de service en plus, mais jouit en outre d'une augmentation du montant total de sa pension de 9 %.

Enfin, M. De Buyser remet un tableau synoptique de tous les systèmes possibles de congés préalables à la pension de retraite existant dans le secteur public (82) .

b) Échange de vues

Mme Van de Casteele s'intéresse surtout au nombre de personnes qui font usage des possibilités de départ anticipé. Des propos de M. Stalpaert, elle déduit qu'environ la moitié du personnel entre en considération. Elle aimerait avoir des chiffres plus concrets également sur la mesure — il est vrai récente — applicable au secteur public pour garder plus longtemps les gens au travail. Elle ajoute qu'elle a du mal à se faire une idée de la signification concrète de ce règlement sans disposer de plus d'informations sur le calcul des pensions dans le secteur public. Les fonctionnaires de niveaux 3 et 4 ont par exemple tous le droit de partir anticipativement à 55 ans après 20 ans de service. Elle serait très intéressée par une comparaison avec le secteur privé. Dans l'administration, les travailleurs sont de plus en plus souvent des contractuels. La réglementation actuelle crée par conséquent une certaine discrimination entre les membres du personnel définitivement nommés et les contractuels qui travaillent dans les mêmes circonstances et dans les mêmes services. L'oratrice aimerait donc savoir à combien s'élève la pension d'un membre du personnel de niveau 3 ou 4 qui opte pour un départ anticipé à 55 ans après 20 ans de service et dans quelle mesure ce membre du personnel est sanctionné pour ce départ anticipé. Mme Van de Casteele se pose également une question quant à la philosophie qui se dissimule derrière le système. Un certain nombre de réglementations avaient été élaborées au départ comme un mécanisme de redistribution afin de redistribuer le travail disponible en période de chômage important. Des réglementations ont également été élaborées pour des professions spécifiques comme la protection civile où les conditions physiques dans lesquelles le travail est exercé, mènent à un départ anticipé. Tout comme dans le secteur privé, le marché du travail, dans le secteur public, connaît une évolution. D'ici à 2010, on peut s'attendre à une pénurie. L'oratrice se demande s'il est encore sensé de laisser en place des mécanismes de redistribution. Elle souhaiterait également que soit établie une comparaison entre les mécanismes en matière de départ anticipé dans les secteurs privés et publics. Dans certains cas, il y a des parallélismes, comme pour les membres du personnel pour qui il est physiquement important de partir prématurément, par exemple chez les pompiers, la protection civile. En réalité elle ne voit pas très bien pourquoi les formules très souples de départ anticipé devraient continuer à s'appliquer aux membres du personnel des niveaux 3 et 4 alors qu'une pénurie apparaît sur le marché du travail. Cette situation est intenable. L'oratrice souhaite par conséquent savoir si les formules qui s'appliqueront encore jusque fin 2005 seront reconduites en 2006.

Mme de T' Serclaes demande s'il y a un service chargé de calculer l'impact de l'âge auquel les fonctionnaires prennent leur pension sur le montant de celle-ci ? Certaines personnes semblent en effet regretter leur départ prématuré. S'agit-il d'une décision irréversible ?

Mme Zrihen voudrait connaître la définition exacte du secteur public et savoir si M. De Buyser dispose d'informations selon le genre. Quelles sont les catégories qui se retirent prématurément de la vie active ? Enfin, des systèmes tels que les pauses-carrière ou les congés pour convenance personnelle entrent-ils en considération dans le calcul de la pension ou s'agit-il de systèmes particuliers ?

M. Noreilde demande s'il existe des statistiques montrant le nombre de personnes qui font usage de l'opportunité de partir anticipativement à mi-temps. Dans le privé, il existe une formule assimilable à la prépension à mi-temps qui n'est guère mise à profit. L'orateur exprime son opinion sur le fait que le monde politique doit trouver des moyens pour stimuler ces voies de sortie. Dans le secteur privé, il n'y a pratiquement pas de voie de sortie, tandis que les fonctionnaires ont le « droit » de quitter leur emploi à mi-temps, ce qui, selon l'orateur, constitue bien une forme de voie de sortie. Il serait utile que la commission ou que le groupe de travail puisse disposer de chiffres en la matière.

La présidente demande si d'autres chiffres, exprimés en pourcentage, sont disponibles. Environ 50 % des fonctionnaires des niveaux 3 et 4 auraient opté pour le départ à temps plein, mais peut-être ce choix a-t-il été dicté par le fait que les gens n'avaient que deux mois pour prendre leur décision. Elle aimerait obtenir davantage d'informations sur les systèmes encore d'application, et notamment sur le départ anticipé à mi-temps et à temps plein à la protection civile.

M. Stalpaert répond que le départ anticipé à temps plein pour les niveaux 3 et 4 était en effet une mesure très provisoire. Cela signifie que les personnes qui ont atteint 55 ans ultérieurement, n'ont plus eu accès au système. Au niveau fédéral, cela ne concerne donc plus que deux catégories spécifiques de fonctionnaires pénitentiaires et de personnel de la protection civile. Il ne connaît pas les perspectives politiques.

L'orateur ne dispose d'aucun chiffre sur le départ anticipé à temps partiel. Au cours de la période de lancement, quelque 600 personnes satisfaisaient aux conditions ou ont opté pour le système. Actuellement, les nouveaux chiffres ont été demandés en vue de rédiger un nouveau rapport.

La possibilité d'un départ anticipé à temps plein pour les niveaux 3 et 4 n'était destinée qu'au personnel des administrations fédérales, c'est-à-dire les ministères fédéraux et les institutions parastatales. La loi sur le départ anticipé à temps partiel a rendu le système automatiquement applicable aux administrations fédérales, mais les autres autorités, comme les administrations locales, communautaires et régionales pouvaient décider de rendre le système applicable aussi à leur personnel. La Région wallonne l'a fait, la Région flamande non, peut-être parce que cette dernière possédait ses propres systèmes.

À l'échelon fédéral, le système de départ anticipé à mi-temps n'est en vigueur que jusqu'au 31 décembre 2005. Cette décision est tombée l'année passée, mais le décret doit être être publié. En effet, cette décision devrait dépendre de la future discussion sur la problématique des fins de carrière. On attend de voir quelles seront les options politiques pour l'année prochaine.

M. De Buyser répond à la question de Mme Van de Casteele sur le bonus lié à l'âge. Cette mesure est, en effet, relativement récente et s'applique aux services prestés après 2001. Les personnes qui possèdent un tantième plus avantageux que 1/47e, n'ont pas droit à un complément, surtout si elles reviennent d'un congé préalable à la pension de retraite et doivent donc obligatoirement prendre leur pension à 60 ans. Seules les personnes qui sont encore au travail au moment où elles atteignent 60 ans entrent en considération pour le complément. En 2001, sur le nombre de personnes entrant en considération, 455 n'ont pas perçu le complément et 1 723 l'ont perçu. M. De Buyser fournira également les chiffres pour 2002, 2003 et 2004 (83) . Il n'a pas idée de la raison qui a poussé les intéressés à travailler plus longtemps ni de la durée de cette période.

Les pensions dans le secteur public sont, en règle générale, calculées comme suit: la rémunération moyenne des cinq dernières années est multiplée par un tantième — fraction qui représente 1/60e pour les fonctionnaires moyens et de 1/55e dans l'enseigenement — puis elle est multipliée par le nombre d'années assimilées. La pension d'un fonctionnaire de 55 ans, qui a travaillé 20 ans, est donc calculée comme suit: la rémunération moyenne des cinq dernières années sur 1/60e multipliée par 20. La question de savoir si les cinq ans de mise en disponibilité ou de congés préalables à la pension de retraite compteront intégralement, dépend du moment auquel l'intéressé part à la pension. Pour une personne qui prendrait sa pension aujourd'hui, les cinq années de congés préalables à la pension de retraite entre intégralement en ligne de compte. Sa rémunération moyenne sera multipliée par 25/60e.

Mme Van de Casteele explique qu'elle souhaite avoir une idée de la « sanction » en cas de départ anticipé. Pour un travailleur du secteur privé, la pension est calculée comme une fraction du nombre d'années qu'il a travaillé; pour un fonctionnaire, on tient compte d'un tantième.

M. De Buyser répond que cela revient en fait à ceci: le tantième dans le secteur public et de 1/60e, dans le secteur privé de 1/45e, multiplié par 75 %. Chaque année entre dans le décompte pour le 1/60e de la rémunération moyenne des cinq dernières années.

Pour les personnes qui sont pensionnées aujourd'hui, le congé préalable à la pension de retraite compte intégralement dans le calcul. Pour ceux qui seront pensionnés au cours des prochaines années, il faut également tenir compte des éventuelles interruptions de carrière, d'un départ anticipé à mi-temps, du congé préalable à la pension de retraite. En fonction de l'âge, ces absences peuvent compter pour 25 %, et après 2011 jusqu'à 20 % des années prestées et être pris en compte. Quelqu'un qui, par exemple, aurait pris cinq ans de pause carrière, qui a travaillé 20 ans et qui a pris cinq ans de congé préalable à la pension de retraite, peut justifier de 20 ans de service actif et de cinq ans de mise en disponibilité, au total donc d'une carrière de 25 ans.

L'interruption de carrière entrera en ligne de compte pour 25 % de ces 25 années, soit dans ce cas-ci, cinq ans. En fin de compte, la pension sera calculée sur une carrière de 30 ans. À dater de 2011, 20 % seulement de ces 25 ans entreront en ligne de compte et quatre ans seulement d'interruption de carrière seront ajoutés à sa carrière. M. De Buyser fait remarquer que la situation est différente en fonction de l'individu est qu'il faut prendre en compte l'ensemble du crédit temps distribué sur l'ensemble de la carrière.

Mme Van de Casteele demande s'il faut également tenir compte des possibilités laissées au personnel contractuel pour éviter que la discrimination ne soit trop importante. Aujourd'hui, la différence semble très grande. En théorie, un fonctionnaire peut jouir d'une période de cinq ans assimilées à une mise en disponibilité et encore de cinq ans de crédit temps. Au total cela fait 10 ans. S'il a effectivement travaillé pendant 20 ans, il peut toucher une pension pour 30 ans de carrière.

M. De Buyser répond que le système a entre-temps été adapté. Dans le cas d'un travail effectif de 20 ans, on ne peut plus ajouter aujourd'hui que quatre ans au maximum. L'orateur ne connaît pas le système de pensions du secteur privé. Il ne peut donc dire si les fonctionnaires sont effectivement mieux traités.

Mme Van de Casteele souligne qu'il serait très intéressant pour la commission d'avoir la réponse à cette question, de manière à pouvoir faire une comparaison.

En répondant à la question de Mme de T' Serclaes, M. De Buyser admet qu'il n'est pas facile aujourd'hui pour un futur fonctionnaire pensionné d'estimer s'il a intérêt à prendre une certaine période de congé. À partir de 55 ans, on peut s'adresser au service d'information sur les pensions et introduire une demande officielle pour faire calculer sa pension. Dans certains cas, l'administration réalise même une simulation. Il est extrêmement difficile de dire aujourd'hui ce qu'une période de congés peut avoir comme impact pour une personne de 35 ou 40 ans qui souhaiterait s'absenter. Il s'agit toujours d'un pourcentage défini des services qui seront prestés. Une personne de 35 ans qui souhaitent prendre un congé de 5 ou 10 ans, doit savoir que ces congés compteront ou pas, en fonction du fait qu'elle travaillera de 45 à 60 ans ou non. L'administration peut communiquer les règles générales et donner un conseil à l'intéressé sur la base de ses projets pour le restant de sa carrière. En outre, il doit toujours être tenu compte du fait que la réglementation sur les pensions peut évoluer à l'avenir.

Pour les personnes qui ont déjà pris leur mise en disponibilité, le règlement ancien et très favorable est toujours d'application. Il est toujours difficile de donner un conseil à des personnes plus jeunes et qui ne sont pas encore affectées par le système.

Mme de T' Serclaes veut une réponse à sa question de savoir s'il y a un tableau qui permet de voir, par âge, qui travaille encore dans l'administration fédérale. Elle dit qu'on dispose de ce tableau pour le secteur privé. S'il existe pour le secteur public, où peut-on le trouver ? Sinon, ne faudrait-il pas le dresser ?

M. Noreilde demande si le tableau qui a été remis au groupe de travail (84) contient toutes les réglementations existant au sein des services publics.

Selon M. De Buyser, le tableau contient les congés et absences entrant en ligne de compte pour le calcul de la pension. La majeure partie du secteur public adhère à l'administration des pensions, mais la SNCB possède un système autonome et n'est pas reprise dans la liste.

M. Noreilde demande s'il existe une liste des réglementations autonomes; il est important de disposer d'une cartographie de toutes les réglementations du secteur public. M. De Buyser répond que la SNCB constitue l'exception la plus importante.

II.B.1.2. Échange de vues avec M. Bruno Tobback, ministre des Pensions

a) Exposé introductif de M. Bruno Tobback, ministre des Pensions

Le ministre Tobback souligne que certains aspects de la problématique de la fin de carrière des fonctionnaires relèvent de la compétence du ministre de l'Emploi tandis que d'autres aspects, dont les réglementations liées aux départs anticipés, relèvent de la compétence du ministre fédéral de la Fonction publique et des ministres régionaux.

Il reprend le tableau synoptique des différentes catégories (85) de personnel de l'administration fédérale, des régions et des institutions parastatales ainsi que des possibilités de départ anticipé offertes. Il s'agit de systèmes de congés préalables à la pension, pour lesquels les critères de prise en considération ont été imposés par l'administration fédérale des pensions. La première exigence pour profiter de ce système est d'avoir entre 55 et 60 ans. Il faut également pouvoir justifier d'au moins 20 ans de service pour le calcul de la pension dans le secteur public. Le système doit être limité dans le temps. La décision de profiter de ce dernier est libre, mais elle est irréversible et la pension doit être demandée à 60 ans. La rémunération se situe généralement entre 70 et 80 % de la rémunération en activité. La loi du 5 avril 1994 spécifie les activités qui restent admises. Le ministre Tobback fait également remarquer que les systèmes comportent quelques diversités. Étant donné qu'il existe également des réglementations régionales, il recommande au groupe de travail de consulter les ministres compétents.

Les chiffres de 1999 concernant les départs anticipés des fonctionnaires accusent de grandes variations. À l'échelon fédéral, au niveau 1, 45 % d'hommes et 52 % de femmes (86) se sont inscrits dans l'un des systèmes; au niveau 2, ces chiffres sont respectivement de 60 et 58 %; au niveau 3, ils s'élèvent à 61 et 57 % et au niveau 4 respectivement à 39 et 31 %.

Le ministre attire l'attention sur une corrélation entre ces chiffres et ceux des départs anticipés pour motifs de santé. Le nombre de fonctionnaires ayant pris un congé préalable à la pension est le plus élevé au niveau 1 et diminue systématiquement jusqu'au niveau 4. En cas de départ anticipé pour raisons de santé, on constate que la tendance est totalement inversée: au niveau 4, 42 % des femmes s'inscrivent dans ce système, alors qu'au niveau 1, seulement 2,6 % des hommes et 7,9 % des femmes en font usage. Une autre différence est liée à l'employeur. Le ministre donne l'exemple de La Poste. Les travailleurs de niveau 4 demandent bien moins souvent d'utiliser le congé préalable à la pension: le chiffre le plus élevé, celui des femmes, s'élève à 20 %. La possibilité de départ anticipé pour raisons de santé est utilisée par quelque 60 % des travailleurs.

Les chiffres de départ anticipé pour raisons de santé ainsi que les autres réglementations liées aux départs anticipés accusent une tendance croissante de 1999 à 2005. En 1999, 12,07 % du nombre total de fonctionnaires de l'administration fédérale ont pris un congé préalable à la mise à la retraite. En 2004, ce chiffre s'élevait à 31,44 %. Dans l'enseignement francophone et germanophone, l'évolution montre un chiffre qui est passé de 46,07 % en 1999 à 56,96 % en 2004. Dans l'enseignement flamand, le chiffre est passé de 39,31 % en 1999 à près de 66 % en 2004. Dans les administrations locales, le chiffre de 2,61 % des fonctionnaires est passé à 7,24 %. On constate qu'ici, ces chiffres sont nettement plus bas. À La Poste, on constate une augmentation de 54,61 % à près de 70 %. Dans les institutions parastatales, la tendance est similaire à celle de l'administration fédérale; on a constaté une augmentation de 10,67 % en 1999 à 29,58 % en 2004.

Le ministre Tobback attire ensuite l'attention sur le crédit temps. Celui-ci entre en considération pour le calcul de la pension à concurrence d'une limite maximum qui évolue de manière dégressive. Si la période d'absence du travail, quelle qu'en soit la raison, est dépassée, ce fait aura des conséquences négatives sur le calcul de la pension. Cependant, cette sanction est pratiquement inexistante parce que la limite est très élevée. Entre aujourd'hui et 2011, un maximum sera introduit. D'ici là, un maximum de 20 % du nombre d'années de carrière pourra entrer en ligne de compte à titre de périodes assimilées. Dans une carrière de fonctionnaire, la période de congé préalable à la pension de retraite et la période d'interruption de carrière, quelle qu'en soit la forme, s'additionnent. Cela exerce une influence sur les pensions.

b) Échange de vues

Mme Thijs fait remarquer que ce sont surtout les fonctionnaires de niveau 4 qui quittent le travail pour raisons de santé. Elle demande si l'on ne peut prendre des mesures pour donner aux travailleurs ayant des problèmes de santé des tâches appropriées ? On devrait pouvoir les recycler. L'administration ne peut-elle envisager ce type de mesures comme incitants pour garder plus longtemps les gens au travail ?

Le ministre répond que cette question doit être posée à l'employeur, c'est-à-dire au ministre de la Fonction publique. Le seul incitant qu'il peut lui-même donner est le bonus de pension pour les travailleurs qui continuent à travailler après 60 ans. Ce bonus est valable pour tout le monde, quelle que soit la raison pour laquelle on reste au travail. Le ministre des Pensions n'est pas compétent pour intervenir sur le plan de l'emploi.

M. Noreilde demande si le ministre a des pronostics sur la possibilité de payer les pensions du secteur public. Il ressort des nombreuses auditions organisées par le groupe de travail, que l'on ne dispose que de peu d'éléments clairs quant à la croissance des pensions et de leurs conséquences. D'après Mme Cantillon, les effets devraient se faire sentir dès 2006 dans le secteur public et dès 2011 dans le secteur privé. Il avait espéré que le ministre traiterait également de cet aspect et qu'il communiquerait des chiffres à cet égard.

Sa deuxième question a trait à la distorsion entre les fonctionnaires statutaires et les contractuels. Aujourd'hui, de nombreux jeunes commencent une carrière dans l'administration sur la base d'un contrat. Très souvent, ils travaillent pendant des années sous ce statut sans jamais avoir la chance d'accéder à la nomination statutaire. Il suppose que l'administration choisit délibérément d'accorder autant que possible des nominations contractuelles. Cela a pour conséquence que les différents fonctionnaires ne se trouvent pas sur un pied d'égalité en ce qui concerne la constitution de leur pension. Le gouvernement insiste pour que le secteur privé constitue d'urgence un deuxième pilier pour les pensions, mais M. Noreilde se demande ce que le gouvernement fait pour son propre personnel. Il souligne, qu'à cet égard, la VRT a constitué un excellent deuxième pilier dans le cadre de sa réforme. Il craint que le gouvernement reste en défaut à cet égard. Le sénateur demande si le ministre peut exprimer son point de vue à ce sujet et s'il pense ouvrir un large débat social sur la distorsion existant entre le personnel statutaire et contractuel. Pour attirer les jeunes, il ne faut pas seulement qu'ils soient mieux payés, ils doivent également avoir de meilleures perspectives de pension.

Le ministre répond qu'au cours de ces dernières semaines et de ces derniers mois, il a été interrogé à plusieurs reprises, notamment à la suite des interventions de Mme Cantillon, sur les pronostics d'évolution des pensions des fonctionnaires. Il explique que l'année dernière, le bureau du plan a émis un pronostic sur les coûts globaux. Ce pronostic indique qu'entre aujourd'hui et 2030, un supplément de 0,3 % du PNB sera consacré au paiement des pensions des fonctionnaires. Par rapport aux coûts totaux du vieillissement, ceci est relativement raisonnable et supportable par la société. Le ministre indique également que le secteur des pensions des fonctionnaires sera confronté à partir de 2007-2008 à des chiffres de croissance de 4,5 à 5 % par an et ce, pendant une période déterminée. Pour le moment, il est difficile de prévoir la longueur de cette période et de prédire si les chiffres resteront linéairement stables, s'ils augmenteront ou s'ils diminueront. Il estime que le pronostic du bureau du plan est assez correct.

S'il n'existe que peu de chiffres concrets, cela est dû, d'après le ministre Tobback, au fait que le « fonctionnaire » en soi, n'existe pas. En matière de pronostic relatif au nombre de fonctionnaires statutaires nommés, au nombre de contractuels, à l'âge moyen et à l'âge escompté de la pension, le ministre dispose de chiffres émanant de l'administration fédérale et de certaines autres administrations parce que les données nécessaires à ce sujet étaient, par le passé, enregistrées et systématisées. En ce qui concerne les données pour les fonctionnaires des provinces, des communes et des institutions parastatales, le ministre fédéral des Pensions n'en dispose généralement pas, parce qu'elles ne sont souvent pas systématisées. Certaines communes et intercommunales ont confié la systématisation de leurs données à un assureur privé, possèdent leur propre fonds ou ont créé spécialement une intercommunale dans ce but. Ces dernières ne sont, dans la plupart des cas, pas disposées à communiquer les données pour des raisons qui ont trait à la protection de la vie privée et à la propriété des données.

Le ministre conclut qu'une estimation globale est possible mais que l'évaluation et l'impact des mesures spécifiques pour des catégories déterminées ne sont que difficilement prévisibles. À cet égard, il est d'accord avec Mme Cantillon. Cela ne facilite pas le travail d'adaptation de la politique aux groupes cibles, mais d'autre part, cela n'entraînera pas un surcoût considérable pour les décennies futures.

Il s'agit également de responsabiliser les différents employeurs. Le lien de la pension des fonctionnaires à la péréquation entraîne une augmentation de 1 % des salaires dans l'enseignement dans une certaine région, ce qui signifie pour l'État une augmentation de 25 à 30 millions d'euros par an en matière de pension. Étant donné les mesures prises en Communauté flamande, prévoyant une augmentation de 3 % et en Communauté française de 8 à 9 %, on peut déjà calculer ce que cela va coûter à l'État. Un niveau prend la décision, mais c'est l'autre niveau qui doit payer.

Le ministre répète une fois de plus que le maintien de la pension des fonctionnaires à son niveau actuel reste payable socialement mais que le système doit assurément être adapté pour rattraper certains effets. Il faut également récolter des informations complémentaires mais le ministre ne se fait pas d'illusions sur la diligence dont feront preuve les administrations communales et provinciales pour mettre rapidement toutes les données à disposition.

À la question relative à l'inégalité de traitement entre les fonctionnaires nommés statutairement et contractuellement, le ministre répond qu'il ne faut pas dramatiser. Il estime que la situation des contractuels dans les différentes administrations s'est améliorée au cours des dernières années. Il n'existe pratiquement plus de différence entre le salaire des contractuels de l'administration et les contractuels du secteur privé et les deux ont droit à une pension de salarié. Ils ne subissent par conséquent pas de préjudice social grave. Il admet qu'il reste une certaine inégalité dans le fait que la pension de deux personnes travaillant dans le même service peut différer parce que l'une a droit à une pension de salarié et l'autre à une pension de fonctionnaire. Cela peut entraîner des tensions.

S'il faut que l'on évolue vers une situation où, dans le secteur privé, tout le monde a accès à un deuxième pilier, et si le secteur public ne peut pas l'offrir, le problème est réel. Ceci, non seulement pour les personnes qui travaillent, mais également pour les administrations elles-mêmes. En effet, il serait alors encore plus difficile de trouver du personnel motivé. Le ministre évoque une enquête qui sera publiée sous peu et dont il ressort que les avantages extralégaux sont de plus en plus déterminants dans le choix d'une carrière. Si le service public veut continuer à disposer d'un personnel qualifié, il va devoir entreprendre quelque chose. Il est évidemment totalement impossible de prendre une mesure uniforme à cause de l'immense diversité entre, par exemple des communes de 10 000 habitants dont le personnel compte 20 membres et le ministère des finances qui compte plusieurs milliers de fonctionnaires. Il existe également une multitude de systèmes, de statuts, de relations, de contrats etc. Le ministre des Pensions ne peut prendre une mesure unique pour donner à tous les fonctionnaires une pension complémentaire. Il s'intéresse aux discussions dans certaines communes et se renseignent sur l'orientation que prennent les partenaires sociaux dans la discussion. Il souligne que nous ne sommes que dans une phase de démarrage et il espère que le secteur privé et le secteur public pourront se rapprocher. Il s'agit toujours d'une discussion budgétaire. Alors que le secteur privé peut soustraire ces frais de ses impôts, l'administration communale ne le peut pas.

La réduction ou le refoulement systématique du nombre de fonctionnaires statutaires menace également de mettre en danger le secteur des pensions des fonctionnaires. En effet, la pension est payée par la cotisation des fonctionnaires statutaires. Cela peut créer des problèmes dans les communes qui travaillent souvent avec un système de pension solidaire mais qui maintiennent une politique de personnel indépendant. Dans certaines communes, deux fonctionnaires sur trois sont encore statutaires, tandis que dans d'autres, le nombre de statutaires diminue systématiquement.

La présidente, Mme Geerts, constate que le nombre de congés préalables à la pension a presque doublé entre 1995 et 2005, dans certains secteurs. Elle demande ce qui peut expliquer cette augmentation spectaculaire.

M. Baret, directeur général à l'administration des pensions, répond que les chiffres pour l'administration se rapportent tant aux ministères fédéraux qu'aux ministères des communautés et de la région wallonne. Il s'agit de chiffres de 1999 à 2004. Les chiffres pour 2005 sont encore incomplets parce que les pensions en raison de maladie sont octroyées plus tard et que les demandes ne sont donc pas toutes entrées. Les fonctionnaires qui prennent un congé préalable à la pension savent qu'ils doivent partir à leur 60e anniversaire et demandent leur pension plutôt que les fonctionnaires qui ne peuvent s'inscrire dans ce système et peuvent partir à 60, 60,5 et 61 ans.

L'orateur fait remarquer que l'augmentation de 12 à 16 % pour l'administration est normale. Les augmentations plus importantes notées en 2003 et 2004 sont la conséquence de la réforme Copernic de 2001 qui a offert, par une mesure uniforme, pour les niveaux 3 et 4, la possibilité de prendre un congé préalable à la pension. Les intéressés ont quitté le travail à l'âge de 55, 56, 57, 58 ans et ont atteint l'âge de la pension en 2003-2004.

Dans l'enseignement, l'augmentation est linéaire, ce qui est normal parce que le système de congés préalables à la pension existe depuis longtemps et que de nombreuses personnes y font appel.

M. Baret évoque ensuite une évolution semblable dans les statistiques des institutions parastatales. Les chiffres partent de 10 % en 1999, 11 % en 2000, 12 % en 2001, 6 % en 2002 et atteignent 22 % en 2003, voire 29 % en 2004. Les augmentations en 2003 et 2400 sont la conséquence de l'entrée de la RTBF dans le pool des parastataux en août 2002. À la RTBF également, il existait un règlement pour le congé préalable à pension. Un nombre important de membres du personnel de l'audiovisuel en ont fait usage, ce qui a fait grimper les chiffres pour les parastataux. Le chiffre peu élevé de 5,83 % en 2002 découle de l'accession de la RTBF au pool, au cours de cette année, ce qui a fait augmenter le nombre de pensions.

Mme Thijs se souvient qu'au cours d'une des auditions précédentes, il a été question d'un contrat de partenariat qui prévoit que pour les gens qui touchent une pension et qui, à un moment donné, reçoivent une offre de nouveau contrat d'un employeur, la pension peut être suspendue pour la durée de ce contrat. Elle demande si le ministre des Pensions estime cela faisable tant pour les fonctionnaires que pour les salariés du secteur privé.

Le ministre estime que ce système est en soi identique à la réglementation en matière de revenus complémentaires après la pension. Soit les intéressés touchent un montant complémentaire et restent sous le plafond prédéfini: dans ce cas, il n'y a pas de suspension. Soit, les revenus des intéressés dépassent le plafond, et la pension est suspendue. Dès qu'il redescendent sous ce plafond, la pension est à nouveau payée. D'après le ministre, le système existe donc déjà, mais il porte sans doute un autre nom.

D'après Mme Thijs, il s'agissait, au cours de l'audition précédente, d'un système dans lequel la pension était suspendue avec maintien des droits. Il est possible qu'un intéressé, par le biais d'un nouveau contrat, entre dans un nouveau système et devienne, par exemple, indépendant. Cela aurait incontestablement une influence sur la constitution de ses droits à la pension.

Le ministre Tobback réplique qu'il y a deux possibilités. Soit l'intéressé est à la pension et doit respecter le plafond fixé pour les revenus complémentaires, et la pension est éventuellement suspendue s'il gagne trop. Soit, l'intéressé tombe sous le coup des réglementations en matière de départ anticipé, comme la prépension, la réglementation Canada Dry, etc. Il s'agit en fait, dans tous les cas, de réglementations relevant du chômage qui considèrent que l'intéressé n'est plus disponible sur le marché du travail. Il souligne, une fois de plus, que ces réglementations n'ont rien à voir avec la pension légale, en dépit de leur dénomination qui porte à confusion. Ceci ne relève pas de sa compétence, mais de celle du ministre de l'emploi.

Le ministre souligne que le gouvernement est favorable à l'idée que l'on puisse engranger des revenus complémentaires après la pension, mais seulement après l'âge de la pension légale. Les revenus complémentaires avant l'âge de la pension légale ne sont pas admissibles parce que les réglementations liées au départ anticipé seraient stimulées par cette possibilité. Ceux qui optent pour un départ anticipé, ne subissent pas de désavantage financier, mais leurs cotisations pour la pension diminuent. Plus on créera des possibilités de partir à la pension complète ou partielle entre 55 et 65 ans avec la permission d'avoir des revenus complémentaires, plus le départ anticipé sera stimulé. Or le gouvernement ne le souhaite pas.

M. Noreilde souhaite avoir l'avis du ministre sur les systèmes scandinaves qui offrent tout un éventail de possibilités permettent de partir à la pension en partie et travailler en partie. Il demande au ministre s'il estime que de tels systèmes sont applicables aux fonctionnaires belges. Selon M. Noreilde, le haut degré d'activité des pays scandinaves est dû, en partie, à l'existence de ces systèmes flexibles.

Le ministre Tobback estime qu'il faut nuancer la réponse. En Scandinavie, l'âge de la pension est nettement plus élevé. Dans notre pays, ces systèmes menaceraient de stimuler les départs anticipés. Cela pourrait encourager des entreprises à se débarrasser de travailleurs de 48 à 50 ans avec un arrangement qui leur permettrait d'avoir des revenus complémentaires. Dans ce cas, les travailleurs ne peuvent pratiquement rien faire d'autre que d'accepter.

Le gouvernement accepte que les pensionnés aient un revenu complémentaire, mais seulement à compter de leur pension réelle. Le marché du travail doit être organisé de telle sorte qu'il soit faisable et possible pour les plus de 50 ans de continuer à travailler. Il y a donc lieu de prendre des mesures pour réduire les coûts salariaux et diminuer la durée du travail.

Mme Zrihen souhaiterait obtenir des explications complémentaires au sujet de la différence constatée, en 2004, entre l'enseignement francophone et l'enseignement néerlandophone (87) . Elle se demande également de quelle façon l'on pourrait inciter les travailleurs à aller au-delà de la moyenne fixée, en Belgique, à la tranche d'âge 56-58. Si la personne, en recommençant à travailler, perçoit le même montant, l'opération n'est guère intéressante. Si elle peut toucher sa pension et compléter celle-ci à condition de ne pas dépasser un certain plafond, la compensation n'est peut-être pas suffisante. Mme Zrihen connaît des personnes dont les frais consentis pour pouvoir travailler sont tels que l'opération est quasi blanche. Ils sont davantage intéressés par le fait de rester dans le circuit, dans la vie active.

M. Tobback, après avoir précisé que la deuxième question dépassait largement le cadre de la fonction publique, donne à Mme Zrihen une réponse générale: si la personne concernée a envie de rester active, la meilleure chose à faire est de ne pas prendre sa pension ... Cela étant, il faut sans doute réorganiser le marché du travail belge pour qu'une personne de plus de 50 ans puisse continuer à travailler, mais de façon un peu moins intensive, par exemple. Ce débat concerne davantage le marché du travail que le secteur des pensions. Des efforts doivent donc être consentis pour permettre aux personnes dont l'âge varie entre 55 et 65 ans de travailler dans des conditions qui leur conviennent, mais sans donner à ce système le nom de pension. Une fois pensionné, le travailleur doit avoir la possibilité « d'arrondir ses fins de mois ». M. Tobback n'aime pas beaucoup ce terme, qui implique l'idée d'obligation, de nécessité. L'État doit faire en sorte que la pension légale soit suffisante pour mener une vie convenable. Mais en cas de besoins supérieurs ou si la personne a envie d'un travail particulier, elle doit pouvoir ajouter ce revenu à sa pension. Telle est la philosophie du gouvernement.

Quant à la première question de Mme Zrihen, M. Tobback n'a pas d'explication toute faite.

M. Baret n'a pas d'explication non plus. Il constate simplement qu'en 2003, en ce qui concerne l'enseignement francophone, 756 pensions ont été accordées pour inaptitude physique. Parmi les 2 800 autres pensions de retraite accordées à l'âge de 60 ans ou plus tard, les intéressés avaient, dans 58 % des cas, pris un congé préalable à la retraite. Cette possibilité est encore plus appréciée en Flandre, puisque le pourcentage y est de 63 %.

II.B.1.3. Mme Alice Baudine, directrice Fonction publique, Cellule stratégique du ministre de la Fonction publique

a) Exposé introductif de Mme Alice Baudine

Mme Alice Baudine signale d'emblée qu'il existe très peu de possibilités de départ anticipé pour le personnel de la fonction publique fédérale. La mesure de base est le départ anticipé à mi-temps, en vigueur depuis 1995, qui permet aux agents statutaires de prendre congé, à mi-temps, à partir de 55 ans, avec une prime d'environ 300 euros. Les contractuels peuvent recourir au système du privé, à la pause carrière à mi-temps.

En dehors de ces deux processus, la pause-carrière traditionnelle subsiste toujours. Des mesures spécifiques ont été prises à des moments définis — la plupart du temps pour des périodes déterminées. Il convient de préciser que le départ anticipé à mi-temps est aussi une disposition temporaire, prolongée jusqu'à la fin 2005, en accord avec les organisations syndicales. C'est seulement dans l'hypothèse d'un échec des discussions globales sur le système de pension que l'on envisagerait l'éventuelle prolongation de cette possibilité.

Parmi les mesures spécifiques, il faut noter le départ anticipé — une disposition qui a vu le jour au moment de la réforme Copernic —, mais cette option ne s'adressait qu'aux personnes qui avaient 55 ans avant le 31 décembre 2000 — les effets en sont d'ailleurs seulement ressentis maintenant.

On peut également souligner les mesures de départ anticipé à 55 ans pour certains agents dans les établissements pénitentiaires, mais ces dispositions ont pris fin à l'issue de l'année 2003.

En outre, il existe, à la protection civile, une possibilité de partir à 56 ans pour les agents qui comptent 25 ans d'ancienneté, mais cette option n'existe que pour les grades opérationnels et seulement jusqu'au 31 décembre 2006.

Les possibilités qui existent dans l'enseignement n'ont jamais été envisagées pour le secteur public.

À propos de la pension des contractuels du secteur public, la fonction publique fédérale compte, en moyenne, entre 20 et 25 % d'agents contractuels. L'engagement a été pris, en comité, avec les organisations syndicales, d'établir un cadastre des fonctions contractuelles pour déterminer les niveaux auxquels elles se situent. Le but est d'envisager les mesures qui permettraient aux agents de devenir statutaires. Plutôt que de choisir un système de pension extralégale pour les agents contractuels, l'objectif est d'offrir des possibilités de carrière à tous les agents et de permettre aux contractuels d'entrer et d'évoluer dans la carrière, ce qui leur permettrait aussi d'avoir une meilleure pension.

Le cadastre des contractuels devrait se terminer dans le courant du mois de mars. À partir de là, les données seront disponibles pour étudier les pistes qui peuvent être envisagées.

Une réflexion a débuté sur la mobilité des agents, sur les possibilités de travailler davantage avec les communes, notamment sur la fin de carrière des agents, afin de permettre un allégement des trajets, ce qui favoriserait leur maintien au travail. La réflexion ne fait que commencer; il faut encore approfondir les pistes qu'il conviendra de présenter au gouvernement.

b) Échange de vues

M. Noreilde se demande si le fait de faire passer, à court terme, 20 % des travailleurs contractuels de l'administration au statut de statutaires par le biais d'examens est soutenable au niveau budgétaire.

Mme Baudine répond que, d'un point de vue strictement budgétaire, la mesure n'a pas d'impact puisque, de toute façon, les contractuels sont en place et sont payés pour l'instant. À très court terme, cette mesure coûterait même moins cher puisque les cotisations sont plus élevées pour le personnel contractuel que pour le personnel statutaire. Évidemment, il faudrait analyser les effets à terme mais, ainsi que cela a déjà été souligné, plus il y a d'agents statutaires, plus on maintient le système tel qu'il existe, plus on le garantit.

Passera-t-on à un système d'examens généralisés ? Certainement pas. Mme Baudine signale qu'à différents endroits, par exemple à la Région de Bruxelles-Capitale, des examens de régularisation, qui avaient été organisés, ont posé problème. Si les agents contractuels en place ne réussissent pas ces examens, le drame social s'installe. On opterait plutôt pour un système plus souple qui permettrait aux agents contractuels ayant déjà réussi des examens d'obtenir une régularisation dans le poste qu'ils occupent sans devoir nécessairement attendre d'être en ordre utile, d'autant qu'ils occupent parfois depuis vingt ans un poste dans lequel ils donnent entière satisfaction.

Mme Baudine estime qu'il faut encore réfléchir à la question et qu'il y a lieu de se baser sur des chiffres précis pour décider vers quelle direction on veut s'orienter. Toutes les questions ont été posées aux différents départements. D'ici à deux ou trois semaines, les informations permettant de prendre les décisions devraient avoir été communiquées.

M. Noreilde insiste sur le fait que cela aura d'énormes conséquences sur le prix de revient des pensions. Les pensions des salariés sont toujours nettement plus basses que celles du service public. L'orateur se demande si c'est également valable pour toutes les entreprises publiques, par exemple la SNCB.

Mme Baudine apporte cette précision: lorsqu'elle parle de fonction publique fédérale, elle parle uniquement des ministères et des parastataux fédéraux et pas des entreprises publiques autonomes. Quant à savoir si le coût risque de poser problème, la question devrait être posée au représentant des pensions. Il s'agit d'un choix. Le statut prévoit que les tâches permanentes sont assurées par du personnel statutaire. Il n'y a donc aucune raison de maintenir en place des agents contractuels si les tâches à remplir sont des tâches permanentes. Si on laisse se développer ce système-là, on provoque un sentiment d'insatisfaction chez le personnel qui n'a pas de possibilités de carrière alors que, pendant de très nombreuses années, il a accompli un travail identique à celui de ses collègues. Il s'agit donc plus, en l'occurrence, d'une question de motivation du personnel que d'une question de pension.

M. Baret ajoute que si les membres du personnel contractuel restent contractuels, on se trouvera confronté, en effet, au problème de la pension complémentaire à la pension de salariés. Si les membres du personnel contractuel sont nommés définitivement, aucun problème ne se présentera. En effet, si, à une tâche contractuelle provisoire succède une tâche à temps plein dans le cadre du fonctionnariat, les pensions sont à charge du Trésor.

II.B.1.4. Mme Kirsten O, conseillère à la direction du service juridique, du contentieux et des statuts de la police fédérale

a) Exposé introductif de Mme Kirsten O

Il est demandé à Mme O de faire un exposé sur la situation en matière de fin de carrière pour les membres du personnel des services de police.

Mme O explique qu'à dater du 1er avril 2001, le nouveau statut de la police intégrée a été mis en application. Un certain nombre de membres du personnel ont eu le choix entre le maintien de leur ancien statut et la mise en application du nouveau statut. Actuellement, quelque 200 à 300 membres du personnel relèvent donc toujours du système de pension applicable à l'ancien statut. Étant donné que la plupart d'entre eux atteindront l'âge de la pension d'ici peu, à court terme, tous les membres du personnel tomberont sous l'application du nouveau statut.

La police emploie environ 40 000 personnes, dont 32 000 sont des membres du personnel opérationnel et 8 000 appartiennent au cadre administratif et logistique. Cette différence est importante pour le système de pension.

Mme O abordera ensuite les pensions, les systèmes de congé de fin de carrière et l'organisation du temps de travail.

L'oratrice fait remarquer que dans le système de pension des services de police, en ce qui concerne l'âge de la pension, des différences existent par rapport à la réglementation générale du secteur public.

Pour les membres du personnel statutaire du cadre administratif et logistique de la police, la réglementation qui s'applique est la même que pour l'ensemble du secteur public. Ils peuvent prendre leur pension au plus tard à 65 ans et au plus tôt à 60 ans. Les membres du personnel du cadre opérationnel peuvent également prendre leur pension à 65 ans mais la pension anticipée est possible à partir de 60 ans pour le cadre officier et à partir de 58 ans pour le cadre moyen et de base ainsi que le cadre des auxiliaires. Cette dernière réglementation est donc différente de celle qui s'applique aux services publics.

Il existe en outre une mesure transitoire pour les membres du personnel qui font partie du cadre opérationnel de la gendarmerie, pour les membres du personnel versés, en tant que militaires, au corps administratif et logistique de la gendarmerie. Il y a des âges de pension garantis pour qui appartenait, le 30 avril 1999, à l'une de ces deux catégories. Ainsi, pour le cadre officier, l'âge de la pension se situe entre 54 et 58 ans, pour le cadre de base et moyen à 56 ans et pour le personnel administratif et logistique entre 54 et 58 ans. La disposition transitoire peut être valable 35 ans, ce qui permettra à bon nombre de membres du personnel de prendre une pension anticipée.

Il existe trois systèmes de mise à la retraite d'office. Mme O examine surtout les systèmes qui diffèrent de ceux du secteur public. À l'instar du secteur public, il est possible de prendre sa pension le premier jour du mois qui suit le 651e anniversaire. Mais un membre du personnel peut, dans certains cas, être automatiquement mis à la pension après l'âge de 60 ans — pour le cadre officier et le cadre administratif et logistique — ou à partir de 58 ans — pour le cadre moyen, le cadre de base et le cadre des auxiliaires, où si le contingent de maladie est épuisé après avoir atteint l'âge auquel la pension peut être prise. Du coup, l'âge de la pension s'inscrit entre 54 et 60 ans.

Le calcul de la pension est pratiquement identique à celui du secteur public. Pour calculer le salaire de référence, on se base sur les cinq dernières années de la carrière, exactement comme dans le secteur public. En ce qui concerne les années de service assimilées, la règle générale applicable au secteur public s'applique également ici. La condition s'appliquant spécifiquement à la police est la suivante: pourra introduire une demande de pension avant l'âge de 60 ans, l'intéressé qui justifiera de 20 ans d'années de service assimilées.

Mme O souligne également une autre différence importante par rapport à la réglementation générale des pensions pour le secteur public, à savoir les tantièmes. Comme la pension s'élève à maximum 75 % du salaire de référence, les membres du personnel ayant un tantième de 1/50e, doivent justifier de 37,5 années de service assimilées et les membres du personnel ayant un tantième 1/60e, doivent justifier de 45 années de service assimilées. Les membres du personnel du cadre opérationnel ont un tantième de 1/50e tandis que ceux du cadre administratif et logistique ont un tantième de 1/60e, ce qui signifie que les membres du personnel du cadre opérationnel peuvent atteindre plus rapidement la pension complète.

L'oratrice souligne qu'il existe deux systèmes de congés comparables à ceux du secteur public, à deux nuances près cependant. Premièrement, elle mentionne le départ anticipé à mi-temps. À la police, cette possibilité est prolongée jusque fin 2005. Dans le secteur public, cette réglementation s'applique à partir de 55 ans. À la police, elle s'applique à partir de 53 ans pour le cadre moyen, le cadre de base et les auxiliaires statutaires et à partir de 55 ans pour les membres du personnel du cadre officier et du cadre administratif et logistique, tout comme dans la fonction publique. Cette réglementation est valable pour maximum cinq ans.

À la police, il existe également un système de congés préalables à la pension. Il s'agit d'un système provisoire, qui est cependant toujours appliqué. Pour les membres du personnel de la police fédérale il s'agit d'un droit et pour la police locale d'un droit hypothétique. Cela signifie que la police locale a pu décider elle-même si elle souhaitait introduire ou non le système tout en sachant qu'elle en supporterait elle-même les charges financières. L'oratrice ne sait pas précisément combien de zones de police ont opté pour le système, mais elle sait qu'il y en a peu et qu'il y en a plus en Flandre qu'en Wallonie.

La police locale a pu introduire la mesure jusqu'en 2003 et tous les membres du personnel qui, dans les cinq ans suivant la prise de cette décision, satisfont aux conditions, pourraient en faire usage. Le système ne s'applique donc qu'aux fonctionnaires de police nommés à titre définitif et aux membres du personnel du cadre opérationnel. Les auxiliaires en sont exclus. À la police fédérale, le délai est également de cinq ans, mais il est assorti de dates fixes, à savoir du 1er avril 2001 au 31 mars 2006. Les conditions sont les mêmes que pour les autres systèmes: 56 ans, au moins 20 ans d'années et de service assimilées et ne pas avoir atteint l'âge auquel on peut être pensionné sur demande. C'est clairement le cas pour l'âge de la pension anticipée. Les personnes qui peuvent prendre leur pension à 54 ou à 56 ans — et il en reste encore beaucoup à la police fédérale — ne peuvent pas s'inscrire dans cette réglementation.

Mme O donne ensuite des explications sur l'organisation du temps de travail. À titre d'incitants pour le cadre opérationnel, et pour permettre de rester opérationnel le plus longtemps possible, il a été décidé qu'à partir de 55 ans, les officiers peuvent demander d'être exemptés de prestations de nuit. Les membres des cadres de base et moyen peuvent demander cette mesure à partir de 53 ans.

Le service recrutement et sélection a établi un plan de recrutement pour le ministère des affaires étrangères pour la période 2004-2010. Pour déterminer combien de personnes doivent être recrutées, il faut savoir combien de membres du personnel partiront à la pension au cours des prochaines années. Deux graphiques (88) montrent que ce nombre ne cessera d'augmenter, tant pour les officiers et les inspecteurs en chef que pour les inspecteurs. Le service mobilité a assuré à Mme O, qu'au cours de la période 2010-2012, un grand nombre de mises à la pension devraient encore se produire.

b) Échange de vues

Mme Zrihen constate que l'exposé de Mme O permet de dégager immédiatement le cadre dans lequel l'ensemble du travail s'effectuera.

Selon Mme O, les autorités locales n'ont pas, contrairement à l'autorité fédérale, l'obligation de donner le congé préalable à la pension. Mme Zrihen en déduit que si elles accordent celui-ci, elles doivent le faire sur leurs fonds propres. Elle se demande également selon quelles règles et suivant quels barèmes elles interviennent, sur quoi elles doivent s'aligner et comment le système fonctionne étant donné les nombreuses fusions ayant eu lieu entre les différents niveaux de police.

Mme O répond que les pensionnés perçoivent 80 % de leur dernière rémunération en activité. Il est important de souligner qu'il s'agit de la rémunération en activité de l'ancien statut. On fait comme si ces personnes n'étaient jamais passées au nouveau statut, ce qui entraîne une réduction des coûts. Elles reçoivent également 80 % du pécule de vacances, 80 %, de la prime de fin d'année et 80 % de la prime pour prestations irrégulières, c'est-à-dire les prestations de week-end effectuées au cours de l'année 2001.

La présidente, Mme Geerts, pose une question dans le même sens à la suite des signaux qu'elle a reçus du niveau local. Selon elle, il semblerait que l'on assure, au cours des cinq dernières années, le plus possible de prestations irrégulières de travail, pour obtenir ensuite une meilleure rémunération.

Mme O fait remarquer qu'il s'agit du travail presté en 2001. Étant donné que le système n'a été introduit qu'ultérieurement, il aurait été impossible d'augmenter rapidement le nombre de prestations à effectuer. Il était également impossible de se faire rapidement muter dans une autre zone de police; en effet, l'intéressé devait faire partie de la zone de police au moment où la mesure a été introduite. Jusqu'en décembre 2003, le système aurait encore pu s'appliquer aux membres du personnel mutés exactement à ce moment. L'objectif était d'éviter que des agents de police demandent massivement leur mutation dans une certaine zone de police.

La présidente demande encore quelques éclaircissements. D'une part, la zone de police peut décider de manière autonome mais, d'autre part, la mesure prise était d'application jusque fin 2003. Elle se demande si cela n'est pas contradictoire.

Mme O répond que les zones de police pouvaient introduire la mesure entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2003. La mesure était valable pour cinq ans. La limite est donc le 31 décembre 2008. La police locale peut effectivement prendre une décision autonome, mais comme à la police fédérale, le délai est de cinq ans, on a voulu imposer la même limite à la police locale. La police locale a, effectivement, reçu la possibilité de calculer le prix que coûterait la mesure et elle n'a pas été obligée de prendre une décision dès le 1er avril 2001.

Mme Thijs pose une question supplémentaire sur la mise à la retraite d'office. Après 365 jours de congés de maladie, on est automatiquement envoyé à la pension. Elle se demande si, après un grave accident ou une longue période de maladie on peut obliger quelqu'un à prendre sa pension, même s'il ne le souhaite pas ?

La réponse affirmative la surprend énormément.

Mme O indique cependant, qu'outre le congé de maladie, il existe également des systèmes de prestation réduite en raison de maladie. Ainsi, le travailleur peut, via le médecin du travail, demander un poste de travail adapté. Mais pour ceux qui restent en permanence à la maison, il est impossible d'échapper à la mise à la pension obligatoire. Les intéressés sont par ailleurs informés de cet état de choses.

Étant donné que l'exemption des prestations de nuit se fait sur demande, Mme Thijs suppose que personne ne le demande puisque les prestations irrégulières interviennent dans le calcul pour 80 % supplémentaires. L'oratrice trouve qu'il ne s'agit pas d'une bonne mesure pour garder les gens au travail. Les personnes plus âgées ont besoin de davantage de sommeil et d'une vie plus régulière. Mais cette mesure rend la chose impossible.

Mme O fait remarquer que si un membre du personnel opte pour un congé préalable à la pension mais ne satisfait pas à toutes les conditions, il n'est tenu compte que de ses prestations de nuit et de week-end de l'année 2001. Ce montant est fixé. Ce n'est pas parce que quelqu'un, à la fin de sa carrière, ne fournit plus de prestations la nuit et le week-end, que la rémunération de son congé préalable à la pension sera moins élevée. Les prestations de nuit et de week-ends sont en effet des suppléments qui n'entrent jamais en considération pour le calcul de la pension.

Mme Zrihen se demande quelles modalités prévoit le plan de recrutement en matière de pensions. Elle aimerait savoir si l'on envisage des mesures plus proactives que celles dont il est question. Il lui semble en effet que l'on continue dans la lignée d'un système plutôt ancien. D'autres propositions sont-elles prévues ?

Mme O répond que le plan doit de nouveau subir un examen au cours des prochaines semaines. Pour le moment, le cadre du personnel est bien rempli, mais il faut tenir compte qu'au cours des 10 prochaines années, de nombreuses personnes prendront leur pension. Il est très difficile de prévoir le nombre de personnes qui prendront leur pension: certaines peuvent déjà partir à la pension à 56 ans, d'autres opteront pour travailler jusqu'à 65 ans. Les agents de police ont droit à une pension complète dès qu'ils justifient de 37,5 ans de service. Dans le service public, ce chiffre est de 45 ans. Les membres du personnel qui souhaitent travailler plus longtemps reçoivent une rémunération supérieure à leur pension, mais leur pension ne change plus. Tant que cela ne sera pas modifié, ils continueront à partir à la pension plus tôt.

La présidente constate que certaines catégories peuvent partir à la pension dès 54 ans. Ils n'ont aucun avantage financier à rester jusqu'à leur 65 ans.

Mme O peut en effet confirmer la chose, pour autant qu'ils justifient de 37,5 ans de service. Certains décident tout de même de rester plus longtemps parce qu'ils ont encore des enfants à charge. Auparavant, on était obligé de prendre sa pension. Aujourd'hui, il est possible de rester jusqu'à 65 ans. L'oratrice conclut qu'elle n'exclut pas que les agents de police, à l'avenir, choisiront de travailler plus longtemps.

La présidente, Mme Geerts, demande s'il est possible de communiquer au groupe de travail des chiffres concernant le nombre de membres du personnel qui prennent leur pension et le moment où ils le font. Il serait intéressant de savoir quel est le pourcentage de personnes qui partent effectivement au moment où elles ont atteint l'âge légal de la pension.

Mme O renvoie aux statistiques de l'administration des pensions qu'elle a jointes à la documentation. On y trouve des chiffres sur les pensions de retraite des hommes (89) et des femmes (90) ainsi que les raisons pour lesquelles ils ont été mis à la pension, au cours de la période d'avril 2001 à juillet 2003. Seules les données concernant l'année 2002 ont trait à une année complète. Elles donnent le nombre de personnes qui ont fait usage des dispositions transitoires.

II.B.1.5. Lieutenant-colonel administrateur militaire Ariane Vandenberghe, chef de service du SPF Défense et Mme Katrien Geernaert, directrice, cellule stratégique du ministre de la Défense nationale

a) Exposé introductif

Mme Vandenberghe explique les différents systèmes de pension et de fin de carrière pour les militaires.

Pour l'instant, il existe quatre types de pensions de retraite militaires:

1. La pension sur demande est un droit pour les officiers d'état-major et les directeurs du personnel de l'armée de terre justifiant de 40 ans de service actif, qui ont atteint l'âge de 55 ans au moins.

2. Pour les officiers ayant moins de 55 ans et justifiant de 40 ans de service actif, il existe également une possibilité de pension sur demande, mais dans ce cas, à titre de faveur.

3. La pension pour incapacité physique est une troisième catégorie.

4. La pension pour avoir atteint la limite d'âge.

En application de la loi Unique, seuls les militaires qui étaient déjà en service avant le 31 décembre 1960 pouvaient faire valoir leur droit à la pension sur demande. Entre-temps, ce groupe cible a atteint l'âge de 60 ans. Cette possibilité de mise à la pension n'existe par conséquent plus que dans des cas particuliers, comme le chef de la maison militaire du Roi et le commandant du Palais des nations, pour qui la limite d'âge est supérieure à 60 ans. La pension sur demande pour les officiers justifiant d'au moins 40 ans de service actif n'est pas un droit; il est octroyé par le Roi, mais il peut également être refusé. Ce sont surtout les officiers d'état-major et les officiers supérieurs entrés relativement tôt en service, ainsi que le personnel navigant, pour qui 12 ans de service comptent double et qui atteignent par conséquent plus facilement 40 ans de service actif, qui ont pu en faire usage. En 2003, 4 militaires ont fait usage du droit à la pension sur demande et en 2004, ils étaient 9. Ce sont les inconvénients en matière de pension de survie liés à ce système de pension qui expliquent ce manque de succès.

L'oratrice souligne que la pension pour incapacité physique n'est pas limitée aux militaires en fin de carrière, mais que tous les militaires longtemps absents pour des raisons de santé peuvent entrer en ligne de compte. La procédure est automatiquement enclenchée après 18 mois d'absence pour raisons de santé, mais elle peut être lancée plus tôt à l'initiative du chef de corps, du docteur ou de l'intéressé lui-même. La commission militaire d'aptitude et de réforme doit s'exprimer sur l'aptitude de l'intéressé avant l'exécution de n'importe quelle fonction militaire et peut, le cas échéant, décider d'une mise à la pension provisoire ou définitive. Au fur et à mesure du vieillissement de la population, le risque de développement de maladies entraînant des absences de longue durée augmente. Le nombre de pensionnés en raison d'une incapacité physique devrait par conséquent augmenter au cours des prochaines années. L'oratrice souligne que la mise à la pension en raison d'une incapacité physique s'opère, dans la plupart des cas, à l'initiative du chef de corps et extrêmement rarement à la demande de l'intéressé.

Ensuite, il y a la mise à la pension pour atteinte de la limite d'âge. Dans les forces armées, la limite d'âge dépend du grade. Elle varie de 51 à 67 ans (91) . Pour le personnel navigant breveté de l'armée de l'air, la limite d'âge est plus basse (92) .

Le nombre de mises à la pension pour atteinte de la limite d'âge est pratiquement constant en 2003 et 2004 et les perspectives pour 2005 suivent la même tendance. Toutefois, l'évolution à long terme est moins favorable (93) . Pour l'ensemble des militaires, on constate une augmentation croissante entre 2010 et 2019 (94) , puis à nouveau une diminution. Cette évolution correspond à l'évolution dans le secteur public. Chez les officiers, l'augmentation est moins marquée, mais chez les sous-officiers et les volontaires, la problématique du vieillissement des militaires à laquelle l'armée se trouvera confrontée d'ici à 10 ans maximum est nettement plus évidente.

Mme Vandenberghe évoque ensuite les mesures de reclassement et les possibilités de fin de carrière pour les militaires.

En 1997, consécutivement à des réformes, la Défense, a été amenée à diminuer son effectif. Cet objectif ne pouvait être atteint uniquement par les départs naturels et nécessitait l'adoption de certaines mesures. Le ministre de l'époque s'opposait à toute démission obligatoire. Il refusait, par exemple, d'entendre parler de prépension. Il estimait que les militaires visés pouvaient encore rendre de bons services au pays et qu'ils étaient trop jeunes pour rester à la maison.

Les militaires qui étaient à cinq ans de leur pension pouvaient aussi être mis à la disposition d'organismes d'intérêt public ou de service public. L'objectif était de diminuer l'âge moyen des militaires en service actif.

Ces personnes gardaient tous leurs droits essentiels et leur traitement que la Défense assumait pour moitié, ce qui faisaient d'eux des employés moins coûteux pour les autres ministères. Néanmoins, cela n'a pas suffi à rendre la mesure attractive; ni les militaires ni les ministères n'étaient intéressés. Cette législation a seulement permis le dégagement d'une vingtaine, voire d'une quarantaine de personnes durant toute cette période et il ne semble pas que des militaires aient été mis à disposition l'année passée, ni l'année d'avant. Cette mesure connaît un succès mitigé.

Afin d'atteindre l'objectif fixé, le ministre a finalement accepté la mise en disponibilité, c'est-à-dire une mise en congé avec 80 % du traitement. Cette mesure était surtout orientée vers les officiers et les sous-officiers, catégories qui présentaient le plus important surnombre.

Cette possibilité a été supprimée pour les officiers, en 2000 et pour les sous-officiers en 2002. En 2007, le dernier militaire à avoir fait usage de cette possibilité sera pensionné. Cette mesure a été réinstaurée plus tard pour le rapatriement des militaires qui officiaient dans les forces belges en Allemagne. Ces personnes peuvent encore opter pour la mise en disponibilité jusqu'au 1er janvier 2006, date à laquelle les dernières troupes seront rentrées d'Allemagne. Mme Vandenberghe remarque que le nombre de militaires qui ont fait usage de la mesure en 2003 et 2004 est assez limité. À ce moment, la mesure a également été étendue aux volontaires (95) .

Une deuxième disposition consiste en une disponibilité automatique (96) . Il s'agit d'une sorte de reliquat des mesures de dégagement prises dans les années '90. On a créé la possibilité d'un retrait temporaire d'emploi par interruption de carrière. Cette option pouvait être choisie durant cinq ans et être suivie d'un retrait temporaire d'emploi pour convenance personnelle. Afin de rendre la mesure attractive, on a offert aux personnes concernées la possibilité de réintégrer l'armée pendant neuf ans, par exemple, lorsque la poursuite d'une carrière dans le privé était impossible. Cette mesure visait surtout des gens qui avaient donc environ quinze ans de service actif. Cela dit, il est toujours possible que certaines personnes réintègrent l'armée durant cette période de neuf ans. S'ils le font à cinq ans de leur pension, ils seront aussi mis en disponibilité automatiquement.

Ils sont donc mis en congé, avec 80 % de leur traitement. Dans ce cas, ils ne peuvent exercer d'activité de cumul.

Une mesure qui existe toujours et dont tout le monde peut encore faire usage, à l'exception de certaines catégories de personnel et de certaines unités qui ont été exclues pour cause d'opérationnalité, est la possibilité pour les militaires qui se trouvent à cinq ans de leur retraite de travailler dans le régime de départ anticipé à mi-temps. Contrairement au secteur privé, cette mesure n'était pas destinée à organiser la fin de carrière, mais bien à contribuer au dégagement. À l'époque, l'objectif était de dégager la moitié du personnel. Les militaires perçoivent 50 % de leur traitement, plus une allocation. Le grand problème est que ces gens-là ne peuvent plus revenir à un régime de travail normal. Ils doivent rester dans le mi-temps anticipé. Selon les derniers chiffres reçus, actuellement, 136 personnes travaillent à mi-temps.

Mme Vandenberghe souhaite également attirer l'attention sur la structure de l'âge dans les forces armées (97) . Compte tenu des données statistiques en matière de recrutement et de carrière, on a construit un modèle de structure de l'âge pour 2015. Il en ressort qu'à ce moment, la majorité des militaires auront dépassé l'âge de 45 ans. L'oratrice souligne que cela entraînera un grand nombre de problèmes en matière d'opérationnalité des forces armées. On planche aujourd'hui sur un nouveau statut qui doit garantir une meilleure pyramide des âges de telle sorte que l'objectif consistant à posséder en Belgique une armée plus petite, mieux équipée, flexible et rapide à déployer, forte d'un effectif de 35 000 hommes, puisse être atteint.

Par l'introduction du « concept de carrière mixte », la Défense veut également rendre le métier de militaires plus attractif et optimaliser le rendement de l'organisation et de chaque individu. L'objectif est le suivant: le militaire qui entame une carrière militaire et l'exerce pendant un certain nombre d'années, reçoit ensuite la possibilité, soit de poursuivre sa carrière à l'armée, soit d'être muté dans le personnel civil de la Défense, soit d'utiliser les opportunités d'outplacement ou d'emploi dans un autre service public. Il serait tenu compte des intérêts de l'intéressé et des nécessités rencontrées par l'armée.

b) Échange de vues

Mme Zrihen apprend que les objectifs de la carrière mixte sont: des Forces armées belges plus petites et mieux équipées, plus flexibles et plus rapidement projetables. Elle ne comprend pas bien la notion de « projetables ».

Mme Vandenberghe précise qu'il s'agit de la possibilité de partir en opération à l'étranger, ce qui nécessite d'être jeune, physiquement capable et bien entraîné. L'important est surtout d'être jeune.

À la question de Mme Zrihen de savoir jusqu'à quel âge, dans ce contexte, on est considéré comme jeune, Mme Vandenberghe répond que cet âge n'est pas fixé de façon précise mais qu'en réalité il s'agit de 35-40 ans. À 45 ans, un militaire est trop âgé pour partir en opération à l'étranger.

Selon les informations fournies par Mme Vandenberghe, il est possible de constituer des forces armées mixtes. Mme Zrihen lui demande si on a établi des statistiques permettant de savoir de quel sexe sont les personnes qui essayent le plus soit de rester en poste, soit de quitter la carrière lorsque c'est possible.

Mme Vandenberghe dit que les militaires sont généralement très stables. Après la formation et quelques années de service actif, beaucoup poursuivent la carrière. L'abandon est relativement peu fréquent. Lorsqu'il a lieu, il se produit surtout en début de carrière. En effet, certains éprouvent parfois des difficultés à s'adapter au régime militaire assez strict et les jeunes changent plus facilement de travail que les plus âgés. Ceux qui ont quelques années de carrière ont moins envie de quitter parce qu'ils ont davantage de choses à perdre. La stabilité devient alors un facteur plus important.

M. Noreilde aimerait savoir pourquoi la possibilité de passer chez un autre employeur en fin de carrière est si peu utilisée.

Mme Vandenberghe confirme que cette mesure n'a que peu de succès. L'une des raisons est le fait que les autres employeurs doivent ouvrir des fonctions à des militaires. Cela se produit rarement et le cas échéant, ce sont souvent des civils qui les occupent. Elle suppose que quelqu'un qui est à cinq ans de sa mise à la retraite n'a guère tendance à modifier sa situation à moins qu'il y ait fondamentalement quelque chose à gagner. Dans ce système qui limite le passage à une administration fédérale, la récompense est pratiquement inexistante.

Mme Geernaert expose un exemple « d'occupation » de la législature 1995-1999. Un trio d'officiers qui étaient à moins de cinq ans de leur pension a été détaché, à sa propre demande, dans un bureau d'achat fédéral du département de la fonction publique, où ils exerçaient la même fonction que celle qu'ils avaient à l'armée où ils collaboraient avec des fonctionnaires civils. La moitié de leur rémunération était à charge de la Défense, l'autre moitié était à charge du département de la Fonction publique. Elle considère que cette formule se basait sur d'excellentes intentions et que la Défense a voulu en faire la promotion. Pourtant, cette option n'a connu que très peu de succès au cours des années.

La présidente, Mme Geerts, revient sur l'âge de la pension qui est différente en fonction du grade et de la fonction dans laquelle le militaire est employé. Certains militaires peuvent déjà prendre leur pension à 51, voire à 45 ans. Elle trouve cela effrayant, lorsque l'on considère l'objectif macro-économique visant à garder les gens le plus longtemps possible au travail, domaine dans de lequel notre pays est d'ailleurs en retard par rapport à la moyenne européenne. La présidente part du principe que le gouvernement se doit de donner le bon exemple. Il peut y avoir des fonctions dans lesquelles la condition physique est si importante qu'il faut fixer la limite d'âge au-delà de laquelle les militaires ne sont plus aptes à remplir ces fonctions. De nombreuses fonctions sont liées à l'organisation et à l'accompagnement. Dans ce cas, l'âge n'est pas vraiment une contre-indication. Elle aimerait savoir sur quoi se base la fixation des limites d'âge.

Les possibilités de faire carrière s'appliquent aux militaires qui sont à cinq ans de leur pension. La présidente demande si ces cinq ans sont soustraits à la limite d'âge de la pension, qui est parfois de 45 ou de 51 ans, et combien de militaires se trouvent dès leur 40e anniversaire, dans un « système de prépension ».

La présidente fait en outre remarquer que Mme Vandenberghe indique, à la fin de son exposé, que des efforts doivent être consentis pour introduire le concept de carrière mixte, et elle fait mention d'un dispatching externe et interne. Elle se demande si l'armée fournit suffisamment d'efforts pour donner des missions à remplir aux quarantenaires. Il est évidemment possible que les militaires ne soient pas demandeurs parce qu'ils tiennent à des droits acquis, mais elle trouve tout de même hallucinant qu'il n'existe aucun système qui empêche que des gens de 40-45 ans puissent rester à la maison tout en étant payés.

Mme Vandenberghe souligne que, historiquement, les limites d'âge n'ont cessé de croître. Elle estime en outre qu'il doit être tenu compte de l'opérationnalité des militaires. Même si, à la fin de leur carrière, ils n'occupent plus de fonctions opérationnelles, les militaires qui ont passé une grande partie de leur carrière dans une fonction opérationnelle, accusent une usure physique plus importante. L'opérationnalité ne peut par conséquent pas être jugée exclusivement au moment où l'intéressé atteint 40 ou 50 ans.

Le concept de carrière mixte sous-entend qu'à un moment donné, les militaires ne sont plus occupés dans des fonctions opérationnelles et se retrouvent dans une carrière civile et administrative au sein de la Défense, dans laquelle ils peuvent valoriser leur expérience en tant que militaire. Pour les militaires qui restent engagés, elle estime qu'il est vraiment nécessaire de maintenir une limite d'âge plus basse.

La présidente souhaite savoir si « l'âge de la retraite » dans les pays voisins est comparable à celui de la Belgique.

Mme de T' Serclaes voudrait savoir ce que l'on entend par « fonctions opérationnelles » et quelle est la proportion de militaires qui partent réellement en opération à l'étranger.

Étant donné l'évolution actuelle de l'armée, on peut se demander si les règles qui sont toujours d'application à l'heure actuelle doivent encore être maintenues. Un grand nombre de militaires « opérationnels » ayant charge de famille ont été contraints de prendre leur pension avant 50 ans. Beaucoup d'entre eux se sont recyclés dans l'humanitaire où ils occupent finalement quasiment les mêmes fonctions opérationnelles que celles qu'ils avaient dans l'armée.

L'intervenant voudrait savoir quelles sont les fonctions pour lesquelles une limite d'âge s'impose réellement. Il s'agit d'une question à laquelle il faudrait réfléchir, dans le cadre de nos obligations, notamment au sein de l'OTAN.

Mme Vandenberghe répond qu'il est impossible de fournir des chiffres pour l'instant. Elle voudrait cependant attirer l'attention sur le fait que le nombre d'opérations s'est fortement accru ces dernières années. Avant de partir à l'étranger, nos militaires suivent un entraînement spécifique.

Mme de T' Serclaes dit qu'il serait malgré tout intéressant de disposer des chiffres. Une partie limitée des militaires est capable de suivre ces entraînements alors qu'il y a, dans le civil, des gens de plus de 50 ans qui sont en meilleure condition physique que des jeunes de 25 ans. La question de l'âge est très discriminante.

Mme Vandenberghe répond que la carrière mixte a été imaginée pour permettre à des militaires de se recycler dans des fonctions civiles. Il faut cependant fixer une limite d'âge pour ceux qui accomplissent une carrière complète dans des fonctions militaires. Cette limite ne doit pas être nécessairement fixée à 45 ou à 51 ans, mais il est certain qu'à 60 ans, même s'ils ont été bien entraînés — chaque année, ils doivent subir des épreuves physiques —, nos militaires ne sont plus capables de partir en opération.

Certaines fonctions exigent quand même une grande résistance à la fatigue.

Mme Geernaert ajoute qu'en Belgique, 1 000 personnes sont de façon continue en opérations, et ce depuis plus de dix ans.

Ces jeunes militaires sont généralement à l'étranger pour une période de quatre ou six mois. Ils peuvent ensuite rentrer en Belgique et y rester pendant un an, pour des raisons familiales et sociales. Cela veut dire qu'à chaque rotation, un millier de jeunes doivent être opérationnels et bien entraînés pour être envoyés à l'étranger. Plusieurs milliers doivent donc être constamment disponibles et bien entraînés et ce, pendant les dix ou quinze premières années de leur carrière. Logiquement, ils partent en effet plus souvent au début de leur carrière.

Certaines fonctions militaires physiquement très éprouvantes, comme celles de pilote de chasse et de conducteur de char, exigent une très bonne condition physique.

II.B.1.6. Mme Tania Dekens, conseillère, membre de la cellule « Politique générale » du vice-premier ministre et ministre du Budget et des Entreprises publiques

a) Exposé introductif

L'exposé de Mme Dekens se compose de 2 grands chapitres: d'une part les initiatives qui concernent les fins de carrière pour le personnel statutaire dans les entreprises publiques (Belgacom, La Poste, SNCB, Belgocontrol et BIAC) et d'autre part, les projets de mobilité externe mis en œuvre par le ministre du Budget et des Entreprises publiques.

1. Initiatives du ministre des Entreprises publiques

1.1. Chez Belgacom SA, les initiatives suivantes en matière de fin de carrière des statutaires ont été prises:

1º l'arrêté royal du 18 juin 1997 a introduit le programme PTS (People Teams and Skills);

2º dans le cadre de la CCT « programme de restructuration », le programme BeST (Belgacom E-Strategic Transformation) a été introduit;

3º à l'avenir, le personnel statutaire restant de Belgacom sera également concerné par les projets de mobilité externe mis en œuvre par le ministre des Entreprises publiques.

1º Le programme PTS a été le premier programme relatif aux départs anticipés combiné à un programme interne de remise au travail. Ce programme, d'une durée de deux ans, se composait des mesures suivantes:

— d'une part, le départ anticipé entre le 1er juillet 1997 et le 31 décembre 1998:

+ les conditions étaient les suivantes: avoir atteint l'âge de 50 ans au plus tard le 1er juillet 1997, avoir au moins 20 ans de service le 1er juillet 1997, accepter d'être mis à la pension de retraite à 60 ans, la réglementation sur le cumul s'appliquait comme pour la pension de retraite;

+ les personnes qui acceptaient cette offre percevaient un supplément à concurrence de 75 % de leur dernier salaire en activité à la date de départ et ce supplément était, d'un point de vue fiscal et du point de vue de la sécurité sociale, traité comme une pension de retraite;

+ outre le supplément, il leur était octroyé une prime de départ unique qui s'élevait à la moitié du dernier salaire annuel en activité.

— d'autre part: pour les membres du personnel qui n'étaient pas concernés par la mesure précitée, un recyclage était organisé afin de les remettre au travail en interne. À cet effet, 5 « jobcenters » ont été mis en place afin de permettre une réorientation rapide et précise des membres du personnel.

2º En 2000, sur la base des négociations dans le cadre de la CCT, un deuxième programme de départs anticipés a été introduit en combinaison avec un programme de remise au travail interne et externe:

— ainsi, le départ anticipé était possible entre le 1er mars 2002 et le 31 décembre 2005 dans les conditions suivantes:

+ les conditions auxquelles il fallait satisfaire étaient les suivantes: avoir 50 ans au plus tard le 31 décembre 2002, compter au moins 20 ans de service le 31 décembre 2005 et accepter d'être mis d'office à la pension de retraite à 60 ans;

+ étaient octroyés un supplément de 75 % du dernier salaire brut barémique, les suppléments et indemnités avant la date de départ et ceci jusqu'à l'acceptation d'un nouvel emploi et maximum jusqu'à la pension;

+ en outre, une prime d'encouragement de 8 676 euros était accordée au démarrage d'un nouveau job et une prime annuelle de 8 676 euros était octroyée en cas de maintien d'un nouveau job.

Mme Dekens souligne qu'en 2005, 461 membres du personnel quitteront leur emploi de manière anticipée sur base du programme BeST.

3º Enfin, Belgacom élabore des plans précis en vue de concrétiser l'engagement qu'a pris Belgacom à l'égard des partenaires syndicaux dans le cadre de la CCT 2002-2005 concernant la mobilité externe.

— Un premier volet concerne la mise en place du Belgacom Redeployment Center:

+ le personnel statutaire et contractuel excédentaire est accompagné et soutenu pour trouver une nouvelle orientation pour leur carrière;

+ des partenariats sont possibles avec le VDAB, le Forem et les différents services administratifs (pour les statutaires), ...

— Dans un deuxième volet, on retrouve les projets de mobilité externe du ministre des Entreprises publiques (98) .

Mme Dekens précise encore que tous ces programmes sont, en premier lieu, ouverts aux statutaires (ancien personnel RTT). Le gouvernement avait en effet pris avec ces personnes un engagement « à vie ». Les programmes sont orientés tant vers la mobilité interne qu'externe.

À titre d'exemple, Mme Dekens cite la mobilité des statutaires de Belgacom qui ont été envoyés dans les communes pour la distribution des cartes d'identité les électroniques. Certaines personnes ont également été déléguées aux services compétents du SPF « Affaires intérieures ».

Comme autre exemple, elle cite le projet visant à remplir les fonctions de « call-taker » neutre au sein des Centres d'information et de communication (CIC-ASTRID). Le Conseil des ministres a, entre-temps, également approuvé un projet lié à la DG « Personnes avec handicap » au SPF « Sécurité sociale ». Cette DG doit engager 48 personnes provenant des entreprises publiques.

Mme Dekens fait référence au tableau de l'annexe de II.B.1.6.1 (99) . relatif au nombre de membres du personnel de Belgacom impliqués dans les projets précités.

1.2. À La Poste, les initiatives suivantes ont été prises en matière de fin de carrière:

1º le congé préalable à la pension prévue dans un contrat en exécution d'un plan d'entreprise visant la redistribution du travail à La Poste a été introduit par l'arrêté royal du premier mars 2000;

2º l'arrêté royal du 19 avril 2001 portant approbation de l'accord de réglementation des conditions s'appliquant aux congés préalables à la pension à La Poste;

3º projets de mobilité externe du ministre des Entreprises publiques.

1º Pour ce qui concerne le congé préalable à la pension (AR du 1er mars 2000) qui venait à échéance le 31 décembre 2000, les critères suivants étaient d'application:

— les conditions sont les suivantes: avoir atteint l'âge de 57 ans au plus tard le 31 décembre 2000, compter au moins 30 ans de service le 31 décembre 2000 et prendre sa pension de retraite d'office à 60 ans, aucun cumul n'est possible;

— l'allocation d'attente s'élève à au moins 70 % et au plus à 75 % du dernier salaire en activité pour des prestations complètes; le calcul s'effectue comme pour la pension de retraite et le droit à l'augmentation de salaire est maintenu;

— une prime de fin d'année est prévue mais pas d'allocation de foyer ou de résidence, ni de pécule de vacances.

2º Pour le congé préalable à la pension qui est régi par l'arrêté royal du 19 avril 2001 et d'application jusqu'au 1er janvier 2006, les critères suivants s'appliquent:

— les conditions sont les mêmes que celles figurant à l'arrêté royal du 1er mars 2000;

— l'allocation d'attente peut s'élever à 75 % du dernier salaire en activité pour les groupes cibles suivants: livreurs, facteurs Snelpost et membres du personnel des bureaux du chemin de fer en fonction du nombre d'années de service.

3º Mme Dekens souligne encore que La Poste a également embrayé sur les projets de mobilité mis en place par le ministre des Entreprises publiques. C'est ainsi que des membres du personnel de La Poste ont été envoyés dans les communes dans le cadre du projet « cartes d'identité électroniques » et que certains des anciens fonctionnaires de La Poste fonctionnent dans le cadre du projet « DG Personnes avec un handicap ».

Pour le moment, les négociations sociales 2005-2006 sont en cours de préparation avec La Poste et le ministre des Entreprises publiques considère qu'aucun nouveau congé préalable à la pension ne sera plus octroyé, sauf éventuellement pour ce que l'on appelle les « groupes défavorisés » (par exemple les facteurs).

1.3. La SNCB connaît, en matière de fin de carrière, les initiatives suivantes:

1º les mesures concernant la pension anticipée prises dans le cadre de la loi unique de 1961;

2º MOVE: il s'agit d'un système d'interruption de carrière. Les intéressés reçoivent des indemnités payées par l'ONEM, avec en outre une indemnité payée par l'employeur, la SNCB;

3º en outre, la SNCB est également intéressée par les projets de mobilité externe mis en place par le ministre des Entreprises publiques.

1º en ce qui concerne l'avenir, la négociation sociale est en cours de préparation et la question se pose de savoir si l'on peut étendre les mesures de la loi unique de manière illimitée au personnel roulant (les machinistes et les accompagnateurs de trains); l'article 85 de la loi unique de 1961 précise en effet que le système de pension anticipée peut être prolongé pour 3 ans par arrêté royal. La dernière prolongation a eu lieu en 2002 et vient à échéance en décembre 2005.

Les conditions auxquelles il faut satisfaire sans les suivantes: il faut faire partie du personnel roulant (machinistes et accompagnateurs de trains), avoir atteint l'âge de 55 ans le 31 décembre 2005 et avoir presté, au 31 décembre 2005, plus de 30 ans de service.

En vertu de la loi unique, 30 personnes ont pris leur pension anticipée en 2002, 39 en 2003 et 122 en 2004.

2º MOVE est un système d'interruption de carrière préalable à la pension de retraite, régie par une CCT. Le départ est prévu au plus tard le 1er juin 2005 et la demande doit être introduite avant le 15 juin 2004.

Les conditions sont les suivantes:

— pour les membres du personnel des rangs 7, 8 et 9:

+ 55 ans avant le premier juin 2005 et 20 ans de service à la SNCB;

— pour les autres membres du personnel:

+ 57 ans avant le 1er juin 2005 et 20 ans de service à la SNCB.

Les intéressés reçoivent une indemnité de l'ONEM majorée d'une allocation supplémentaire de la SNCB.

Pour se donner une idée du nombre de membres du personnel qui sont entrés dans le système d'interruption de carrière « MOVE », Mme Dekens renvoie au tableau figurant à l'annexe II.B.1.6.2 (100) . Au total, ce chiffre s'élève, pour la période de 1003-2006, à 1746 personnes.

En ce qui concerne l'avenir, Mme Dekens signale que la dernière prolongation de trois ans, basée sur l'article 85, alinéa 2, arrive à échéance le 31 décembre 2005.

Les syndicats demandent que la loi unique soit appliquée de manière illimitée. Le gouvernement a, à titre de compensation, demandé la multifonctionnalité des travailleurs, ce qui reviendrait à une meilleure flexibilité et une meilleure disponibilité du personnel. Ces deux prises de position n'ont, jusqu'à présent, pas permis d'arriver à une solution transactionnelle.

La SNCB s'est également engagée dans le projet e-ID.

1.4. Belgocontrol connaît une mise en disponibilité obligatoire pour les aiguilleurs du ciel nommés depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté royal du 14 septembre 1997.

Les conditions sont les suivantes:

— avoir atteint l'âge de 55 ans;

— mise à la pension d'office à 60 ans.

L'allocation d'attente s'élève au minimum à 75 % et au maximum à 85 % du dernier salaire en activité (soit au moins 75 % plus 1 % par an de service au-delà de 20 ans).

En 2002, la mise en disponibilité obligatoire concernait 6 personnes, en 2003, 6 également, et en 2004, 9.

1.5. Chez BIAC enfin, on connaît la disponibilité volontaire en raison de motifs personnels préalables à la pension jusqu'au 31 décembre 2008.

Les conditions sont les suivantes:

— au moins 20 ans d'ancienneté de service

— avoir atteint l'âge de 58 ans pour les fonctions ordinaires

— avoir atteint l'âge de 57 ans pour les fonctions lourdes: la liste de ces fonctions est établie en concertation entre l'employeur et les salariés

— en ce qui concerne le cumul, la réglementation est analogue au système de la pension de retraite.

L'allocation d'attente s'élève au minimum à 70 % et au maximum à 75 % du dernier salaire.

Cela équivaut à au moins 70 % plus 0,5 % par année de service au-delà de 20 ans avec un maximum de 5 %.

Le maintien du pécule de vacances et de la prime de fin d'année est garanti.

En 2003, 8 personnes ont profité de la mise en disponibilité volontaire pour motifs personnels.

2. Initiatives du ministre des Entreprises publiques

Pour contrecarrer la prolongation systématique des possibilités de départ anticipé dans les entreprises publiques, le ministre des Entreprises publiques a mis au point des projets de mobilité externe.

Il tentait ainsi de répondre aux entreprises publiques qui se plaignaient d'être confrontées à un excédent de personnel. Cela concerne essentiellement les membres du personnel qui n'ont pas évolué avec l'entreprise, même après avoir suivi des formations spécifiques.

Étant donné que l'administration fédérale se trouvait confrontée, dans un certain nombre de projets, à une pénurie de main-d'œuvre, des projets de mobilité externe ont été mis en place.

2.1. Le premier projet concerne les cartes d'identité électroniques: pour ce projet, le gouvernement fédéral recherchait 722 personnes pour travailler temporairement et 58 fonctionnaires statutaires pour le SPF « Affaires intérieures ».

Dans un premier temps, il a été fait appel aux membres du personnel de Belgacom étant donné que cette entreprise publique avait atteint la phase la plus avancée de sa restructuration interne. Les autres entreprises publiques ont suivi.

Les cinq entreprises publiques ont participé au projet temporaire dans les communes et Belgacom a fourni les 58 membres du personnel statutaire pour le SPF « Affaires intérieures ».

2.2. Le deuxième projet ou Projet 112 a consisté à utiliser des membres du personnel de Belgacom pour servir de calltakers neutres de « CIC ».

Le troisième projet, très récent, permettra de mettre des membres du personnel de Belgacom et de La Poste à la disposition de la direction générale des personnes avec handicap du SPF « Sécurité sociale ».

En annexe (101) , le lecteur trouvera un tableau illustrant le nombre de personnes ayant travaillé dans les différentes communes au projet des cartes d'identité électroniques.

Il ressort de ces chiffres qu'un certain nombre de candidats provenant de la SNCB ayant réussi l'épreuve organisée par le Selor n'ont pu participer au projet, parce qu'ils étaient indispensables à la SNCB.

Les membres du personnel temporaire ont été mis à la disposition des communes pendant en 3 ans. Après cette période de 3 ans, les intéressés sont revenus chez leurs anciens employeurs ou sont restés dans les communes. Cette deuxième solution est en cours de concertation avec les communes et avec les ministres régionaux compétents en la matière.

Étant donné que la carte d'identité électronique sera renouvelée tous les 5 ans, les communes continueront à avoir besoin de personnel.

À l'heure actuelle, il reste 130 emplois vacants pour travailler dans ce cadre dans les communes.

Pour le Projet 112, 60 personnes sont en cours de formation; il reste encore 63 emplois vacants.

2.3. En ce qui concerne le troisième projet à la DG « personnes avec handicap », on recherche 48 personnes pour des fonctions administratives.

De toutes ces données, Mme Dekens conclut qu'il n'est pas évident de convaincre les statutaires de quitter leur environnement de travail familier.

Pour quand même convaincre les intéressés, Belgacom a par exemple mis au point des « paquets de départs » pour les membres du personnel qui s'engagent volontairement dans un projet de mobilité externe.

Ainsi, Belgacom paie à chaque personne qui quitte l'entreprise publique, pendant 3 ans, la différence entre le salaire de l'intéressé chez Belgacom et le salaire que lui payera l'administration. De plus, lors de la nomination définitive de l'intéressé, Belgacom versera une indemnité de départ s'élevant à un mois de salaire par année d'ancienneté.

En dépit de toutes ces primes, tous les emplois vacants ne sont pas comblés.

Le Projet 112 attire le moins de candidats. Pourtant, les intéressés peuvent travailler dans les chefs-lieux de province ce qui représente tout de même un avantage. Ceci peut être lié au fait qu'il faut souvent travailler en équipe de 2 × 12 heures.

Les emplois vacants sont en outre ouverts aux militaires et également aux fonctionnaires fédéraux par le biais du nouveau système de mobilité interne.

Pour les 130 emplois vacants dans les communes, il y a 550 candidats militaires.

Ce succès s'explique par le fait que les militaires non repris dans le cadre opérationnel n'ont pas un salaire très intéressant.

Les communes peuvent offrir aux militaires des grades inférieurs un salaire intéressant par comparaison.

b) Échange de vues

Mme Thijs constate qu'il n'y a que peu de membres du personnel des entreprises publiques disposés à accepter un nouveau job, en dépit du fait qu'un certain nombre de programmes ont été mis en place.

Il ressort du tableau de l'annexe II.B.1.6.3 (102) . Que sur les 451 membres du personnel de Belgacom qui ont réussi l'examen du Selor, 232 seulement sont partis travailler dans les communes pour le projet des cartes d'identité électroniques. Où sont donc partis les autres ?

En outre, l'oratrice estime que la force d'attraction de la prépension reste encore très élevée. Il est essentiel de rechercher des systèmes pour rendre le travail à l'âge de 57 ans et au-delà plus « sexy » ...

Vu que Mme Thijs a également constaté qu'il y a suffisamment de travail dans les administrations locales — et que l'administration fédérale doit de toute façon supporter le coût du personnel statutaire en excédent dans les entreprises publiques — elle est d'avis qu'il faudrait mettre au point un système grâce auquel ces personnes pourraient être utilisées dans les communes avec une certaine souplesse.

Mme Dekens souligne que l'apparition de la réglementation concernant le départ anticipé à l'âge de 50 ans date d'une période au cours de laquelle il n'existait encore aucune problématique de fin de carrière. Il s'agissait soit de se recycler, soit de partir à cause de l'informatisation des télécommunications.

Mme Dekens précise encore que les projets de mobilité externe ne sont ouverts qu'aux agents statutaires qui étaient précédemment nommés dans les entreprises publiques. Ces personnes ont déjà toutes un certain âge. Le ministre des Entreprises publiques ne dispose par conséquent que de deux possibilités: soit accorder la prépension à ces personnes, soit mettre en place des projets de mobilité externe par lesquels les intéressés peuvent travailler plus près de chez eux. L'enquête a en effet démontré que l'un des obstacles pour les intéressés sont les déplacements domicile-lieu de travail.

Dans le cadre du programme BeST de Belgacom, de nombreuses primes étaient prévues pour simplifier la recherche d'un nouvel emploi. Cette démarche n'a pas eu un grand succès. Par exemple, 20 personnes seulement ont accepté une offre d'outplacement. La mentalité et la situation financière des intéressés ont eu pour conséquence que ces derniers n'avaient plus besoin et ne souhaitait plus travailler ...

À l'heure actuelle, 562 fonctions sont remplies dans les communes. Certaines n'ont pas encore commencé, mais en tout cas, le démarrage est prévu, spécifie Mme Dekens. Le démarrage concret du programme lié aux cartes d'identité électroniques a, en fait, pris quelque retard « en cours de route ».

Les fonctions les plus difficiles à combler se situent à Bruxelles et à Anvers.

Mme Dekens ajoute que la ville d'Anvers a déjà refusé 20 candidats ... Les communes peuvent en effet refuser des personnes, même si les intéressés ont réussi l'épreuve du Selor. Les communes sont les employeurs finals.

L'épreuve Selor ne vérifie que les aptitudes des candidats sur la base de cinq critères, comme la qualité du contact avec le citoyen, l'aptitude administrative et l'aptitude de se servir de l'appareillage TIC.

Comme les communes peuvent également confier aux intéressés d'autres tâches, elles peuvent exiger des candidats d'autres aptitudes.

Toutes les communes ont reçu un manuel où figure une liste de questions qu'elles peuvent poser aux candidats.

Mme Zrihen souhaite quelques éclaircissements sur le statut des personnes qui passent dans les communes et qui, à la fin des 3 ans que dure le projet, souhaitent rester employées dans les communes.

Mme Dekens répond qu'une modification apportée à l'article 475 de la loi-programme du 24 décembre 2002 prévoit que, lorsque les communes souhaitent garder les membres du personnel intéressés, elles doivent le faire en leur accordant la qualité de statutaires. C'est le seul principe défini par la loi.

Les barèmes applicables à ces personnes sont les mêmes que ceux des autres membres du personnel statutaire de la commune.

Après trois ans, les intéressés n'ont plus droit aux primes complémentaires.

Mme Dekens rappelle que, pour le moment, des négociations sont en cours avec les régions et les différentes associations de villes et communes sur la façon dont les droits à la pension constitués auprès des entreprises publiques ou de l'administration fédérale, peuvent être transférés au fonds de pension des communes.

En ce qui concerne les autres droits, comme l'ancienneté, Mme Dekens explique que chaque membre du personnel, prend, au cours de la première année, un congé non payé puisque cette première année est une année d'essai. Ensuite, il leur est accordé un barème qui tient compte de la réglementation applicable en matière d'ancienneté et qui tient compte également du niveau atteint par l'intéressé dans l'entreprise publique.

Des négociations sont également en cours avec les régions concernant cette solution.

À une question de Mme Zrihen qui demande si les membres du personnel intéressés peuvent avoir rapidement une idée de leur situation financière s'ils acceptent d'entrer dans un projet de mobilité externe, Mme Dekens répond par l'affirmative. Tout a été calculé au préalable jusque dans les moindres détails. De toute façon, les intéressés ont toujours trois ans pour revenir dans l'entreprise publique si tel est leur souhait.

Dans le cadre du projet de mobilité des années 80 lié à la mise en route de la carte d'identité actuelle, la pratique a démontré que plus de 80 % des fonctionnaires qui étaient partis dans les communes ne sont jamais revenus dans les services administratifs fédéraux.

La seule raison des négociations entreprises avec les communes par le ministre des Entreprises publiques consiste à éviter les incertitudes qui pourraient se présenter quant au statut des intéressés.

M. Noreilde se rallie à l'intervention de Mme Thijs mais tient à préciser que le gouvernement devra faire preuve de courage pour prendre des mesures concrètes en la matière. Seule l'introduction de ces mesures pourra encourager un changement des mentalités.

Mme Dekens ajoute que le ministre des Entreprises publiques est un ardent défenseur d'un concept de mobilité totale au sein des services gouvernementaux.

L'adage selon lequel « la bonne personne doit avoir la bonne fonction » doit s'appliquer et ceci plus largement qu'uniquement et seulement au niveau de l'administration fédérale.

L'idée d'un pool de mobilité des personnes, comme le précise l'accord gouvernemental, a évolué pour devenir un pool de mobilité des fonctions. De la sorte, les intéressés comprendront mieux leur rôle.

Dans ce cadre, on a également tiré des leçons de l'expérience menée par le pool des personnes à reclasser provenant de l'ancien service de la redevance radio et télévision. Il a fallu 1,5 an pour trouver un nouveau poste à 80 personnes.

Dans la fonction publique, en effet, si l'on ne trouve pas un job pour un statutaire, celui-ci reste chez lui mais continue d'être payé. C'est la raison pour laquelle le ministre des Entreprises publiques préfère ne pas établir un pool de mobilité des personnes en excédent, tout en engageant, d'autre part, de nouveaux membres du personnel.

Mme Dekens signale que La Poste engage, actuellement, des facteurs.

Le ministre des Entreprises publiques souhaite travailler à un concept par lequel des postes sont proposés aux intéressés et qui prévoie également les sanctions nécessaires.

Les négociations syndicales concernant un tel concept se déroulent dans la douleur.

Par exemple, chez Belgacom, on éprouve quelque difficulté avec 600 personnes en cours de reconversion — dont environ 450 statutaires — qui, après avoir refusé 3 offres de travail, devraient s'en aller. Ce système est considéré comme inacceptable.

C'est la raison pour laquelle le ministre des Entreprises publiques ne peut que proposer un maximum de projets possibles aux intéressés. Il est à noter que les projets qui permettent de travailler plus près de chez soi emportent la préférence des intéressés.

En ce qui concerne les exigences du personnel de la SNCB liées à la prolongation de la « loi unique », M. Noreilde souhaite savoir si le ministre des Entreprises publiques a l'intention d'accepter cette exigence et, le cas échéant, quelles sont les conditions qu'il imposerait en compensation, par exemple dans le domaine de la flexibilité.

Mme Dekens explique que jusqu'à présent, la prolongation du système de la loi unique pour trois ans reste à négocier. Au sein du gouvernement fédéral, il doit exister un accord pour que le système de la loi unique devienne définitif à la demande des syndicats, mais on ne peut perdre de vue que cette réglementation ne s'applique qu'aux machinistes et accompagnateurs de train.

En compensation, le gouvernement souhaite également que des mesures soient prises en matière de flexibilité et de multifonctionnalité de tout le personnel roulant, par exemple l'acceptation d'une autre fonction au sein de l'entreprise si le service l'exige.

Mme Dekens souligne également que, dans le cadre des négociations syndicales du Comité A et du Comité P de la fonction publique fédérale, les syndicats des administrations souhaitent encore toujours établir une réglementation pour les professions inconfortables. L'oratrice suppose qu'une réglementation devrait être élaborée en la matière. En ce qui concerne les gardiens de prison, les surveillants dans les centres fermés, le personnel de la protection civile, ... Il semble irréaliste à Mme Dekens de supprimer la prépension à ces personnes.

Il ressort des chiffres présentés par Mme Dekens que seulement un membre du personnel sur trois de la SNCB réussit l'épreuve organisée par le Selor. M. Noreilde souhaite savoir comment cela se fait.

La présidente, Mme Geerts, se sent un peu mal à l'aise avec tous les chiffres cités. Un premier exercice pourrait consister à porter les différents âges de fin de carrière à une limite supérieure et commune.

Mme Geerts estime en fait qu'en tout cas, il y a lieu de sensibiliser les trentenaires et les quarantenaires, mais que l'on peut difficilement entreprendre des actions correctrices en tant qu'autorité à l'égard du groupe de personnes ayant atteint aujourd'hui l'âge de 50- 55 ans.

Le problème réside dans le fait que ce dernier groupe d'âge est considérable.

Mme Geerts souhaite également savoir à partir de quel âge on peut faire appel aux redeployment centres ou jobcenters ? Il est tout de même regrettable que ces centres ne peuvent intervenir que lorsque que le groupe cible est déjà psychologiquement au seuil de la pension.

Mme Dekens répond que le redeployment center qui vient d'être fondé reçoit toutes les personnes en cours de reconversion au sein de Belgacom.

Les critères s'appliquant aux personnes « en reconversion » sont les suivants:

— être insuffisamment adapté à sa fonction qui a évolué;

— être employé dans un service qui est supprimé; ...

Mme Dekens constate que, chez Belgacom, il y a beaucoup de membres du personnel valables en reconversion. Dans un premier temps, on essaye de former ces personnes pour leur offrir une autre fonction au sein de Belgacom. Mais, pour des raisons de concurrence, Belgacom se voit également dans l'obligation de réaliser des économies de main-d'œuvre. Tant pour les contractuels que pour les statutaires, on recherche alors un emploi alternatif. En général, cette démarche rencontre du succès pour les contractuels mais pas pour les statutaires.

Pour le moment, 617 personnes sont en reconversion au sein de Belgacom: 70 d'entre elles appartiennent à la catégorie d'âge des 35-40 ans, 97 à la catégorie d'âge des 40-45 ans, 190 à la catégorie d'âge des 45-50 ans et 186 à la catégorie d'âge des 50-55 ans.

239 de ces personnes en reconversion sont des femmes et 378 sont des hommes.

Mme de T' Serclaes aimerait savoir depuis combien de temps ces personnes recherchent un nouveau poste. Elle est très critique à l'égard des projets et initiatives dont les effets ne sont pas mesurables. Très souvent, de fausses attentes naissent dans l'esprit des intéressés.

Mme Dekens réplique que, pour ce qui concerne le projet des cartes d'identité électroniques et le projet 112, on a commencé avec 450 personnes en reconversion, dont 100 seulement étaient disposées à participer à l'un des deux projets.

Mme de T' Serclaes estime que le profil des 450 personnes en cours de reconversion doit être analysé. Y a-t-il un problème de formation, y a-t-il un problème de motivation, ... Si l'on ne possède pas de données, il est impossible de mettre en œuvre des projets qui mettent mieux la demande et l'offre en adéquation.

Selon Mme Dekens, Belgacom mène ce type d'étude en profondeur.

Elle précise également que le projet de la carte d'identité électronique était destiné aux niveaux D et C, ce qui signifie que les intéressés avaient obtenu, au maximum, un diplôme de l'enseignement secondaire supérieur. Le projet 112 était destiné aux niveaux B et C. Pour le moment, il y a 60 personnes ayant réussi l'épreuve et qui souhaitent entamer une formation. Cette formation dure 4,5 mois et entraîne une perte de revenus pour les intéressés. Les entreprises publiques payent en effet mieux que l'administration fédérale, en tout cas pour des catégories professionnelles spécifiques.

Mme de T' Serclaes comprend que la comparaison des rémunérations nettes n'encourage pas les intéressés à participer à un projet, mais elle réplique que l'on peut trouver des solutions d'une autre façon, par exemple par le biais de la fiscalité.

Mme Dekens signale que Belgacom a clairement choisi l'option de ne plus tolérer de nouvelles prépensions. Cela a occasionné un choc parmi le personnel qui doit se faire à cette idée. Aujourd'hui, il reste encore bon nombre de membres du personnel qui ne présentent pas les épreuves pour pouvoir participer aux projets du ministre des entreprises publiques. Ils misent sur le fait qu'une réglementation relative aux prépensions devrait finir par sortir du chapeau. Les syndicats les soutiennent dans cette démarche.

Mme de T' Serclaes reconnaît que, compte tenu du passé, il sera certainement difficile de provoquer un changement de mentalité chez les travailleurs les plus âgés.

Mme Dekens reste cependant persuadée que l'un des éléments cruciaux pour faire passer le cap aux personnes à reconvertir est l'offre d'un emploi près de leur domicile.

M. Noreilde aimerait en savoir plus sur la politique du ministre des Entreprises publiques en ce qui concerne les contractuels dans les entreprises publiques.

L'orateur rappelle que le représentant du ministre de la Fonction publique, M. Dupont, a expliqué au groupe de travail que le ministre s'efforce, à terme, de rendre statutaires tous les contractuels (20 % au total) des services administratifs fédéraux.

Il est probable que cette piste est réalisable au niveau des autorités locales ...

Mais M. Noreilde pointe également du doigt la position des contractuels dans les services publics et les entreprises publiques. Il s'agit souvent de jeunes travailleurs qui ont été discriminés dans un certain nombre de domaines, comme les chances de promotion, la constitution de la pension (pas de deuxième pilier), le congé de maternité, ...

M. Noreilde aimerait savoir si le ministre des Entreprises publiques a les mêmes intentions à l'égard des membres du personnel contractuels des entreprises publiques que le ministre de la Fonction publique pour les contractuels des services publics fédéraux.

Mme Dekens explique qu'un service public fédéral a tout intérêt à statutariser à court terme son personnel contractuel. L'employeur doit en effet continuer à payer des cotisations de sécurité sociale patronales qui sont nettement moins importantes que précédemment (de 13,68 à 3,85 %).

Mais à long terme, la charge de pension est nettement plus importante dans ce cas pour l'administration fédérale.

Bien que, dans les entreprises publiques, l'engagement de personnel statutaire soit la règle et l'engagement de contractuels l'exception, elles ont néanmoins vraisemblablement un « accord » avec les représentants syndicaux selon lequel elles engagent essentiellement des contractuels. L'oratrice suppose qu'il existe un deuxième pilier pour les travailleurs contractuels de Belgacom.

À la SNCB, il n'existe aucun deuxième pilier pour les travailleurs contractuels.

Mais Mme Dekens précise qu'à la SNCB on continue à nommer du personnel statutaire.

Elle ajoute que — à l'occasion des dernières négociations avec le secteur non marchand — on a prévu la possibilité d'étendre un deuxième pilier aux contractuels du secteur public. Une réserve est constituée à cet effet.

Cela constitue un précédent important, mais les syndicats restent très réticents parce qu'ils considèrent qu'il s'agit là d'une première étape vers la contractualisation de la fonction publique.

La réserve n'est que le premier pas, car des négociations doivent encore être menées pour le démarrage effectif du fonds pour la totalité de la fonction publique.

Le ministre des Entreprises publiques est certainement favorable à un tel fonds pour les contractuels du secteur public.

M. Noreilde juge qu'on ne peut pas se mettre la tête dans le sable. Tant les administrations locales, que les services fédéraux et les entreprises publiques engagent de plus en plus de contractuels. L'orateur estime que l'on doit, pour le moins, offrir à ces contractuels des perspectives d'avenir au sein de leur environnement de travail. Pour l'orateur, cela signifie non pas que tous les contractuels doivent devenir statutaires, mais qu'eux aussi ont droit à une perspective de carrière et à une pension correcte.

Mme Dekens comprend la position de M. Noreilde mais elle ajoute que le ministre des Entreprises publiques n'a que peu d'impact sur la politique menée en matière de personnel des entreprises publiques en général et concernant les contractuels en particulier. Les entreprises publiques sont autonomes en la matière.

II.B.2. Auditions concernant la problématique de la fin de carrière dans les administrations locales et provinciales

II.B.2.1. M. Mark Suykens, directeur de l'Association des villes et communes de Flandre (VVSG)

a) Exposé introductif

Dans son exposé (103) , M. Suykens se concentre surtout sur les pensions du personnel des administrations locales, où il convient de faire une différence entre les pensions des fonctionnaires nommés définitivement et celles des collaborateurs contractuels.

Il est à noter que les administrations locales possèdent un système de financement propre pour les fonctionnaires statutaires nommés définitivement. Il s'agit d'un système de répartition par lequel les fonctionnaires actuels paient les pensions actuelles par le biais de cotisations sur leur rémunération. Les pensions ne sont donc pas financées par le budget courant des administrations locales.

Dans le secteur des administrations locales, il existe cinq systèmes de financement de la pension, des fonctionnaires nommés définitivement. Premièrement, il y a le système de pension collective des administrations locales. Les administrations qui y adhèrent participaient antérieurement à la Caisse de répartition des pensions communales qui, en 1987, a été transférée du ministère de l'Intérieur à l'ONSSAPL. Ce système de répartition compte le plus grand nombre de membres, à savoir plus de 90 % des communes et également des CPAS et autres institutions locales. Pour garantir le mécanisme de solidarité, l'adhésion est irrévocable. Quelque 65 à 75 % du personnel statutaire des administrations locales relèvent de ce système. Seules les grandes villes n'ont pas adhéré à ce système.

M. Suykens souligne qu'au cours des 10 dernières années, le taux de cotisation sur la masse salariale du personnel statutaire est resté relativement constant; à savoir 27,5 %. La cotisation personnelle des fonctionnaires statutaires s'élève à 7,5 % et celle des employeurs à 20 %.

Le deuxième système est celui des administrations qui ont adhéré récemment à l'Office national (ONSSAPL) fondé par la loi du 6 août 1993, appelée loi Willockx. L'objectif consistait à étendre aux administrations qui n'y participaient pas encore le système de cotisations solidarisé existant. Toutes sortes de mécanismes ont été mis en œuvre pour encourager ces administrations à adhérer. Des réserves du fonds d'allocations familiales, des contributions du pécule de vacances et des cotisations de sécurité sociale ont été utilisées pour financer le système.

Dans une première phase, peu d'administrations y ont adhéré, mais au cours des dernières années, quelques grandes administrations se sont inscrites dans ce deuxième système parce qu'elles s'étaient rendu compte que le financement des pensions de leurs fonctionnaires nommés allait peser très lourd sur leur budget.

Il est réjouissant de constater, affirme l'orateur, que de plus en plus d'administrations souhaitent adhérer au deuxième système. La perspective qu'à l'avenir un système communautaire peut être mise en place pour toutes les administrations locales n'est pas illusoire.

Le troisième système rassemble les administrations adhérant à une institution de prévoyance. Les administrations locales concluent, pour le paiement des pensions de leurs membres du personnel nommés, un contrat avec une institution de prévoyance qui gère les pensions collectives de retraite et de survie, par exemple, Ethias, Fortis et d'autres.

Dans le quatrième système, les administrations locales assurent elles-mêmes la gestion de leurs pensions. Ce système perd du terrain dans le sens où de plus en plus administrations locales adhèrent au deuxième ou au troisième système.

Le cinquième système est le Fonds pour les pensions de la police intégrée. Auparavant, les membres du personnel de la police locale étaient intégrés dans les quatre systèmes précités. Lors de la réforme des polices, un système de financement propre a été créé. Un grand nombre de membres du personnel nommés provenant du premier système entrent aujourd'hui dans le cinquième, ce qui entraîne une hémorragie au niveau du premier système.

Après avoir passé en revue les cinq systèmes de pensions, l'orateur fait remarquer que le but est de faire passer le plus possible d'administrations dans le système solidarisé, bien que cela ne soit pas facile, surtout en ce qui concerne les administrations possédant leur propre caisse de pension ou un contrat avec une institution de prévoyance. Les administrations trouvent que le montant des cotisations annuelles qu'elles doivent payer au système solidarisé est trop élevé. Pour faciliter cette évolution, on pense à un fonds de réserve et à d'autres mécanismes.

En résumé, l'orateur constate que la grande majorité des administrations locales — les communes, CPAS, hôpitaux publics, associations de coopération intercommunale — participent au premier système, qu'au cours des dernières années de nombreuses grandes administrations ont adhéré au deuxième système qui ne cesse donc de grandir, que le troisième est le quatrième systèmes deviennent de moins en moins importants et que le cinquième système pour la police intégrée comprend différentes zones de police et est financé séparément.

M. Suykens souligne ensuite la nécessité d'un certain nombre d'interventions pour que l'on puisse continuer à financer les pensions des fonctionnaires nommés. Il examine à présent la chose du point de vue de l'employeur, point de vue avec lequel les travailleurs ne seront pas nécessairement d'accord.

Un certain nombre de problèmes est lié aux réglementations des pensions mêmes. Le système de répartition a des avantages et des inconvénients. L'orateur constate que, par le passé, on n'a pas libéré suffisamment de moyens par la capitalisation collective, afin de tenir compte du nombre croissant de pensionnés. C'est la raison pour laquelle le montant des cotisations sur les salaires menace de s'accroître considérablement au cours des prochaines années.

Certaines solutions ont déjà été avancées, comme l'intégration du fonds de réserve des allocations familiales. Selon M. Suykens, il est important que le système de répartition soit partiellement complété par une constitution collective de réserve, de telle sorte que les fluctuations des besoins de financement puissent être suffisamment prises en compte.

L'orateur constate également que le principe du salaire différé joue des tours aux administrations locales. Si, par exemple, de nouvelles conditions salariales et de travail sont discutées avec les syndicats pour le personnel actuel, les administrations locales devront payer deux fois: d'abord pour l'augmentation des salaires et ensuite pour le principe de la péréquation, même pour les pensions.

D'après l'orateur, il faut oser se poser la question de savoir si l'effet de la péréquation ne devrait pas être édulcoré. Il ne plaide pas pour sa suppression — cela serait pas réaliste -mais il est important d'examiner si l'on peut limiter le maintien de la prospérité des pensions de la fonction publique. De la sorte, on ménagerait un espace budgétaire pour les augmentations salariales nécessaires pour recruter une main-d'œuvre de qualité pour les administrations locales.

M. Suykens souligne également que le principe de l'autonomie communale a incité certaines administrations à se montrer particulièrement généreuses, par exemple, en octroyant des tantièmes favorables ou de très courte carrière. Ceci a un prix très élevé. Un autre élément qui pousse les coûts à la hausse dans le système de pension est le fait que l'administration — et pas seulement les administrations locales — ont autorisé, dans le cadre de la gestion des opportunités d'emploi, que toutes sortes de systèmes de congé et d'absences soient pris en compte pour la pension. Cela entraîne un surcoût, puisque aucune cotisation sur les salaires n'y correspond.

Bref, au cours des 15 dernières années, on a mis en place toute une série de mécanismes qui influencent négativement le financement des pensions et qui, en outre, ont un effet cumulatif. L'orateur précise qu'il faut que nous nous demandions si le système actuel est encore soutenable et si certains mécanismes ne devraient pas être adaptés.

L'orateur constate également que le système de cotisations de l'ONSSAPL génère une série de mécanismes pervers. Ainsi, l'effet sur la pension de plusieurs réorganisations dans le secteur public a été insuffisamment évalué. L'orateur donne deux exemples. Consécutivement à la fusion des communes en 1976, des pensions doivent être payées, dans un certain nombre de cas, alors qu'à l'époque aucune cotisation n'avait été perçue pour la pension. En fait, la solidarité a été étendue sans que des cotisations n'aient été perçues en suffisance. Le même phénomène se produit dans le cas des hôpitaux publics, après une opération de fusion avec des hôpitaux privés. Les pensions en cours des hôpitaux publics doivent continuer à être payées alors qu'aucune cotisation ne peut être prélevée sur une masse salariale correspondante. Le personnel repris relève du système de l'ONSS et seuls des contractuels sont encore en recrutés.

M. Suykens considère les réorganisations comme un problème de décision insidieuse parce qu'ils ne sont pas correctement calculés par rapport à l'ensemble de la situation.

Une autre cause, peut-être plus importante encore, du problème du financement est la chute libre du nombre des fonctionnaires nommés. Dans les administrations locales, le nombre de fonctionnaires contractuels a spectaculairement grimpé au cours des dernières années pour diverses raisons. En 1995, les membres statutaires du personnel comptaient 63 % contre 50 % seulement en 2001. Pour les CPAS, les pourcentages sont encore plus bas. La masse salariale sur laquelle les cotisations doivent être perçues pour payer les pensions des fonctionnaires nommés est de plus en plus réduite. Pour atteindre la même masse budgétaire, la cotisation doit donc être augmentée.

En ce qui concerne les causes du recrutement accru de fonctionnaires contractuels, l'orateur pense, en premier lieu, à l'introduction du système d'interruption de carrière dans les administrations locales. Le personnel qui en fait usage, est remplacé par des collaborateurs contractuels. L'attribution aux communes d'un contingent d'agents contractuels subventionnés (en Flandre: GESCO), a, dans de nombreux cas, pour conséquence que la formation du personnel nommé ne se réalise pas complètement. Il n'est pas possible de prélever une cotisation pour les pensions des fonctionnaires nommés sur les salaires des agents contractuels subventionnés. L'orateur pense également à une série de mesures d'assainissement prises dans les villes et les communes qui ont entraîné le départ du personnel statutaire. Dans les CPAS, la situation est similaire. En vertu de l'article 55 de la loi sur les CPAS, les CPAS peuvent remplacer des membres du personnel nommé pour des missions définies. Les CPAS en ont fait un usage massif. De la sorte, elles ont pu mieux entrer en concurrence avec le secteur privé, ont pu combler plus rapidement les fonctions vacantes, etc. Toutes ces mesures et tous ces mécanismes de subventions des emplois ont eu pour effet que le personnel qui travaille dans les administrations locales se compose de davantage de contractuels que de fonctionnaires nommés, entraînant une distorsion toujours plus grande de la masse salariale. Dans les années 60 et 70, un nombre considérable de membres du personnel sont entrés en service, ce qui a pour conséquence qu'aujourd'hui un nombre considérable d'entre eux prennent leur pension.

M. Suykens plaide pour une évaluation approfondie au cours des toutes prochaines années de l'ensemble du système de financement des pensions des administrations locales ainsi que pour une batterie de mesures pour résoudre les problèmes. Une mesure par-ci par-là ne pourra certainement pas suffire. En ce qui concerne l'évaluation, davantage de matériel chiffré précis est indispensable.

Il va falloir encourager le monde politique à intervenir dans la réglementation des pensions elle-même. Les systèmes trop généreux du passé ne peuvent être maintenus. Les effets pervers des fusions des hôpitaux publics doivent être compensés. Dans un premier temps, il faut lancer un débat fondamental sur la gestion du personnel des administrations locales en attachant une importance toute particulière aux relations entre les membres du personnel statutaires et contractuels. À titre d'exemple, l'orateur cite un avant-projet de décret communal du gouvernement flamand qui laisse le libre choix aux administrations locales quant au statut de leur personnel. Dans les intercommunales flamandes, la pratique a montré, au cours des 20 dernières années, que ce libre choix entraîne automatiquement l'apparition de plus de contractuels, hypothéquant ainsi le financement des pensions. Dans les intercommunales, le nombre de contractuels s'élève aujourd'hui à 85 %. Selon M. Suykens, la solution à la question des pensions dans les administrations locales ne relève pas exclusivement de la réglementation et du financement des pensions, mais bien plus de leur gestion du personnel.

L'orateur estime qu'il faut réfléchir à un statut juridique uniforme comprenant la totalité du personnel, c'est-à-dire tant pour le personnel contractuel que nommé. Le passage de tous les contractuels au statut de fonctionnaire nommé et budgétairement insoutenable. Un statut uniformisé n'est pas une utopie. L'opération a été réalisée dans d'autres secteurs. Grâce à une réglementation uniformisée, les contractuels de Flandre peuvent aujourd'hui franchir la troisième marche de la carrière de fonctionnaire et le pécule de vacances des fonctionnaires nommés a été sensiblement relevé au niveau de celui des contractuels.

b) Échange de vues

Mme Thijs demande si le Sénat pourrait recommander au gouvernement d'engager dorénavant dans les services publics des statutaires au lieu de contractuels.

M. Suykens répond que cela ne serait certainement pas la première de ses recommandations. Dans toutes leurs enveloppes de revendications, les organisations syndicales reprennent déjà, à tous les niveaux, la statutarisation de tous les contractuels, parmi leurs premières exigences. Ce n'est financièrement pas faisable et il ne trouve pas cela souhaitable non plus en raison de la flexibilité de l'organisation du travail. Les administrations locales sont critiques à l'égard de certaines situations statutaires rigides et trouvent que les possibilités de flexibilisation sont encore insuffisantes. Il est nécessaire de réfléchir de manière plus proactive. Le secteur local est demandeur d'un débat ouvert sur une réglementation uniformisée du statut juridique, qui combinerait une série d'acquis du système statutaire et le côté plus flexible du système contractuel. Cette question est complexe pour le secteur public. M. Suykens insiste vraiment pour qu'il soit tenu compte du fait que le nombre de contractuels sur l'ensemble du personnel des administrations locales est spectaculairement plus élevé qu'au niveau supérieur de l'administration. Une opération unique pour la totalité de la fonction publique ne lui semble pas faisable également parce que les administrations locales disposent d'un système de financement propre pour les pensions des statutaires.

La recommandation la plus importante consiste, selon M. Suykens, à convaincre l'administration fédérale ainsi que les trois régions et les administrations locales, de rechercher une diversité de mesures pour rendre la gestion du personnel plus flexible au niveau local au sein d'un système juridique uniforme — mais pas le système statutaire actuel — et aussi mettre sur la bonne voie le financement des pensions. Pour les administrations locales, une solution sui generis doit être élaborée afin de donner une réponse aux problèmes spécifiques du secteur.

Comme M. Suykens a évoqué l'autonomie des administrations locales et le fait que certaines administrations ont autorisé le raccourcissement des carrières, la présidente, Mme Geerts, demande s'il est possible de cartographier la diversité au sein des administrations locales.

M. Suykens déclare ne pas disposer d'un inventaire. Néanmoins, l'administration des pensions dispose de ce type de données. En tout cas, il existe des exemples d'administration qui, par le passé, ont accordé des largesses. Ainsi, Ostende et plusieurs communes wallonnes accordent la pension complète après une carrière plus courte.

M. Baret, directeur général de l'administration des pensions, précise que son administration ne possède pas non plus d'inventaire étant donné qu'elle ne traite que les pensions du premier système, c'est-à-dire le système ordinaire des fonctionnaires de l'État.

Cependant, M. Baret fait remarquer que dans certaines communes, 30 ans de service donnent droit à une pension complète.

Mme Thijs demande avec étonnement si elle a bien entendu « 30 ans ».

M. Baret confirme qu'en effet de tels systèmes extrêmes ont existé, de même que des tantièmes très favorables. Il précise cependant que ce type d'arrangement appartient aujourd'hui au passé. L'autonomie communale dans le domaine de la législation sur les pensions est sérieusement réduite. De nombreuses règles en matière de minima et de maxima sont à présent obligatoires pour tout le secteur public, et donc également pour les administrations locales. Les autorités locales continuent à jouir d'une certaine liberté dans le domaine des tantièmes, mais ceci n'est valable que pour les personnes qui sont entrées en service avant une certaine date. À Ostende, un tel système favorable existe toujours, mais la plupart des communes suivent le système qui s'applique aux fonctionnaires de l'État.

La présidente demande s'il est possible d'avoir un aperçu de cette réglementation en effet surprenante.

M. Baret communiquera au groupe de travail une note de la réunion du 8 septembre 1993 (104) .

Selon ce que l'on a pu entendre, il existerait un grand nombre de systèmes en matière de congés, etc. permettant aux personnes de se constituer des droits à la pension, sans que pour autant des cotisations ne soient payées: la présidente demande si M. Baret a une idée quelconque du montant des recettes soustraites de cette manière.

M. Baret répond qu'il ne peut donner aucun chiffre global. Il n'est pas seulement nécessaire de disposer de matériel chiffré sur l'évolution générale et future du taux de cotisation, mais également sur le phénomène abordé par la présidente. L'administration est en effet au courant de ces phénomènes, mais ne dispose pas de matériel chiffré et fiable. Il évoque notamment l'exemple d'un fonctionnaire contractuel qui, après 20 ans de service, a été nommé à un statut fixe de façon à disposer des droits à la pension complète, alors qu'il n'avait pas payé, pendant sa carrière, la cotisation de 27,5 % due par les fonctionnaires statutaires, mais bien celle de 16,36 % que paient les fonctionnaires contractuels. Des phénomènes semblables ont été constatés, mais aucun matériel chiffré fiable n'est disponible sur l'impact financier exact de ce phénomène. De même, le véritable coût de la distorsion provoquée par les fusions des communes et l'opération de fusion des hôpitaux publics, reste inconnu.

M. Baret estime par conséquent que la collecte de matériel chiffré exact est aujourd'hui une priorité.

La présidente conclut que la demande de matériel chiffré exact peut-être l'une des recommandations du groupe de travail.

M. Noreilde demande s'il tire une conclusion correcte en disant qu'aujourd'hui qu'il est impossible de donner une réponse définitive sur la possibilité de payer les pensions.

M. Suykens répond que tant l'administration des pensions que les institutions de prévoyance comme Ethias et l'ONSSAPL ont, ces dernières années, fait des pronostics à différents niveaux. Ces pronostics se basent en fait sur des données chiffrées partielles dont personne ne sait si elles sont correctes. Ces chiffres dessinaient des tendances; les chiffres corrects ne pourraient que rendre la tendance plus claire et plus explicite. Selon lui, il est déjà évident que le taux de cotisation augmentera de 27,5 % à 35, 36, 37, voire 38 % sur la structure de carrière. On ne peut ignorer qu'il y a un réel problème, la seule chose qui manque est le matériel chiffré exact qui est, selon M. Suykens, indispensable pour les éventuelles interventions.

La présidente déclare qu'un orateur a cité comme pronostic de taux de cotisation 50 %.

D'après M. Suykens, ce pourcentage n'est pas vraiment surprenant. Certaines administrations possédant leur propre caisse de pension ou qui ont conclu un contrat avec une institution de prévoyance sont déjà aujourd'hui à 40 %, 45 % ou 55 %. Les 27,5 % du premier système représentent en fait une situation de luxe.

Mme Zrihen demande s'il y a un lieu où les différentes Unions des villes et des communes peuvent aborder cette problématique.

M. Suykens déclare que le comité de gestion de l'ONSSAPL s'est constitué en forum de discussion, mais il a compris que le ministre des Pensions, M. Tobback a l'intention de créer une commission pour traiter de la manière la plus large possible la problématique des pensions. Différents experts provenant des villes et communes seront invités à faire partie du groupe de travail et à réaliser un travail préparatoire au cours des prochains mois.

M. Willems, directeur de la Cellule Stratégique du ministre des Pensions, répond par l'affirmative. Une commission spéciale a été installée à la fin du mois de janvier pour discuter des différentes problématiques relatives aux pensions communales. Elle ne s'est encore réunie qu'une fois. La prochaine réunion est programmée pour le mois de mars. Cette commission, dotée de larges compétences, pourra éventuellement se faire assister par des experts pour régler tous les problèmes qui viennent d'être évoqués. M. Willems ajoute que l'on compte beaucoup sur cette commission pour avancer dans la délicate problématique des pensions des pouvoirs locaux.

Mme Zrihen demande si des délais ont été fixés pour aboutir.

M. Willems répond que la commission est chargée de recenser l'ensemble des problèmes, de déterminer des priorités et de proposer des solutions au ministre. La plupart de ces problèmes doivent être débattus au comité technique de l'ONSS-APL. Ils devront aussi passer au comité de gestion puisque se pose une question d'autonomie communale.


Dans une lettre datée du 28 février 2005, l'Union des villes et communes de Wallonie se ralliait au texte de l'exposé de M. Mark Suykens, directeur de la VVSG (105) .

II.B.2.2. M. Jan Gysen, administrateur général, et M. Nicolas Jeurissen, administrateur général adjoint, ONSSAPL

a) Exposé introductif

M. Gysen présente l'ONSSAPL comme une petite institution parastatale née d'un ancien fonds d'allocations familiales spéciales. Ce service a été fondé en 1952 sur base de l'initiative parlementaire en vue de regrouper les fonds d'allocations familiales provinciaux de l'époque au niveau national, entre-temps devenu fédéral.

En 1986, l'institution a reçu un nouveau nom et est devenue l'ONSS, qui, outre l'encaissement des cotisations des allocations familiales et le paiement des allocations familiales, s'est vu chargée d'autres missions de sécurité sociale pour les mêmes employeurs, à savoir les communes, les CPAS, les intercommunales et les provinces. En 1987, la caisse de répartition des pensions communales a été transférée du ministère de l'Intérieur à l'ONSSAPL. En 1973, à la demande des syndicats, un service social collectif a été créé.

Aujourd'hui, l'institution est active dans quatre domaines administratifs. Pour le paiement des allocations familiales et pour le payement trimestriel des cotisations de sécurité sociale, les communes sont obligées par la loi à adhérer à l'ONSSAPL. L'adhésion au service social collectif s'effectue sur la base volontaire. Cela vaut aussi pour le régime des pensions. Toute ville ou commune peut donc posséder un système propre de répartition ou de calcul des pensions.

À l'heure actuelle, quelque 1 000 administrations participent au service social collectif. Initialement, il s'agissait essentiellement de services sociaux de petites communes, mais ces dernières années, de plus en plus de grandes communes y ont adhéré. Elles considèrent cette participation comme une forme d'outsourcing.

Lors du transfert de la caisse de répartition des pensions communales, quelque 90 % des communes y participaient. Il s'agissait pour la plupart de petites et de moyennes communes et aujourd'hui encore, peu de grandes villes sont membres du financement collectif. Ainsi, souligne M. Gysen, si les communes membres comptent bien pour 90 % des administrations, 40 % seulement des membres du personnel statutaire sont représentés. Lorsque à l'ONSSAPL, on évoque la problématique des pensions, on pense évidemment aux fonctionnaires statutaires. L'institution perçoit les cotisations du personnel contractuel, mais les 16,36 % représentant les cotisations du personnel et de l'employeur sont transférées ensemble à l'administration des pensions.

L'orateur fait référence à la loi du 6 août 1993 portant modification de la législation des villes et communes en matière de pensions, qui a introduit quelques modifications fondamentales.

La première de ces modifications concerne la possibilité d'adhésion. Avant 1993, la ville qui souhaitait adhérer au système communautaire de pension devait payer la cotisation en vigueur à ce moment-là, mais elle restait financièrement responsable de la totalité de la charge des pensions que la ville avait au moment de son adhésion. Une ville comme Anvers, où la charge des pensions représentait 50 % de la charge salariale, aurait ainsi, dès le premier jour de son adhésion, payé 27,5 % de cotisation tout en restant responsable de l'ensemble de la charge des pensions. L'adhésion au système aurait fait passer la charge des pensions de la ville à 77,5 % de la masse salariale du personnel actif. Il n'y a donc rien d'étonnant, selon M. Gysen, qu'aucune ville n'ait adhéré au financement collectif.

En vertu de la loi de 1993, la ville qui accède au système continue à payer le taux de cotisation en vigueur, mais la charge des pensions est soulagée par la reprise d'une partie des pensions existantes à concurrence des cotisations payées au cours de la première année d'adhésion.

La ville d'Anvers a rejoint le système le 1er janvier 2005; elle paye le pourcentage de cotisations en vigueur de 27,5 % mais sa charge de pensions est en partie reprise, à commencer par les pensions les plus récentes. Au moment de l'adhésion, l'opération est parfaitement neutre mais cela peut changer ultérieurement. Si la charge des pensions d'une ville augmente de manière plus importante que le groupe global auquel elle adhère, elle y trouve un avantage.

Une deuxième intervention importante de la loi de 1993 est la création de quatre systèmes de pensions, également appelés pools. Le pool 1 est le système par lequel les communes étaient initialement membres de la caisse de répartition des pensions communales. Le pool 2 est le pool des administrations ayant adhéré à l'Office national après 1993. Le pool 3 est le système des administrations ayant un contrat avec une institution de prévoyance. Le pool 4 est le système des administrations possédant leur propre caisse de pension. Ces dernières ne souhaitent pas d'amalgame et ne font pas appel à la solidarité. Il s'agit pour la plupart d'intercommunales, notamment dans le secteur de l'électricité, qui assument bien plus d'obligations en matière de pensions et accordent bien plus d'avantages qu'il n'est d'usage dans les communes ou les CPAS.

Pour terminer, M. Gysen précise qu'en 2003, à la suite de la réforme des polices, on a créé le pool 5, ou fonds de pension de la police intégrée (106) .

Le fonds d'égalisation, renforcé par une cotisation de 13,07 % sur le pécule de vacances de tous les membres du personnel a également été créé par la loi de 1993.

Une autre modification importante concernait les bonus sur les réserves des allocations familiales. Entre 1987 et 1993, ces bonus se sont simplement accumulés. Après 1993, les bonus annuels du fonds d'allocations familiales et les bonus générés par des placements de fonds ont reçu une destination légale: ils ont été attribués aux fonds qui optaient pour le financement collectif. M. Gysen regrette que la répartition de ces bonus et intérêts ait également profité au pool 3, c'est-à-dire au système des administrations ayant un contrat avec une institution de prévoyance. Le fait d'octroyer des montants acquis au sein d'un système collectif à des administrations individuelles est une option que l'orateur a du mal à accepter. Il estime en outre que le ministre compétent de l'époque a adapté sa vision à cet égard.

L'orateur évoque ensuite la problématique du financement du secteur. Le rapport statutaires/contractuels est problématique (107) . Si la charge des pensions d'un système collectif s'élève à 18 milliards de francs belges, une cotisation de 27,5 % sur la masse salariale, soit une cotisation patronale de 20 % et une cotisation personnelle de 7,5 %, doit suffire à son maintien. Si réellement le nombre de fonctionnaires statutaires actifs dans les communes doit être diminué de moitié, les cotisations ne peuvent continuer à garantir le financement.

La masse salariale des fonctionnaires statutaires est en effet la seule source de financement de l'actuelle charge de pension. Il sera nécessaire de combattre un certain nombre de phénomènes pervers, mais les instruments légaux manquent actuellement. Ainsi, il est imaginable qu'un certain nombre de communes nomment à titre définitif des fonctionnaires contractuels quelques années avant l'âge de la pension, de sorte qu'ils perçoivent la pension des fonctionnaires nommés. L'autonomie communale entre ici en jeu, mais l'orateur estime que l'on peut y faire obstacle vu les charges supplémentaires que cela entraîne. La cotisation sociale pour les contractuels est en effet de 16,36 % contre 27,50 % pour les statutaires. Il manque donc une partie du financement, qui, à terme, peut s'avérer considérable. Il plaide pour le développement d'un mécanisme permettant de récupérer auprès des communes le financement manquant.

En outre, la fusion des communes a soulevé un gros problème qui n'a pas été réglé. Une grande ville qui n'a jamais adhéré au financement communautaire mais a fusionné avec des communes qui, elles, y avaient adhéré, doit payer des cotisations pour les membres du personnel de ces dernières, tant qu'ils sont en service actif. À leur pension, les anciennes communes doivent payer ensemble les pensions de ces personnes. Il faut également trouver une solution à ce problème. L'ONSSAPL ne peut prendre aucune initiative dans ce domaine. L'orateur fait remarquer que les pierres d'achoppement citées sont bien connues de même que leur prix. Il insiste pour que soit prise une initiative législative.

La fusion des hôpitaux a également entraîné des conséquences. Les CPAS qui gèrent un hôpital s'en défont et les laissent fusionner parfois avec des hôpitaux privés. L'orateur admet que la recherche d'une nouvelle structure pour fonctionner sur une base financière plus saine est un objectif louable, mais il fait remarquer que la charge des pensions du passé est rejetée sur les CPAS. Les CPAS mettent leur personnel statutaire à disposition de la nouvelle structure, mais elles doivent entre-temps continuer à payer les cotisations sociales. Et, dans ce cas également, la base de financement des pensions est la masse salariale des membres actifs du personnel ! À l'heure actuelle, selon l'orateur, le déraillement ne s'est pas encore produit, mais étant donné qu'aucune nomination n'intervient dans la nouvelle structure, il craint fort qu'à très court terme, les charges financières ne s'inversent.

Un dernier problème concerne la réforme des polices: les policiers communaux qui ont pris leur retraite avant cette réforme resteront à charge des régimes du secteur local, sans cotisation de pension des policiers actifs. Le fonds de pension de la police intégrée accordera aux pools respectifs des ristournes insuffisantes, qui se réduiront d'année en année pour disparaître à terme.

M. Gysen aimerait encore aborder succinctement la situation de la caisse de répartition des pensions communales. En son temps, une commission sur les pensions composée de manière paritaire, avait fixé les cotisations individuelles. Ces données ont ensuite été transmises à l'administration des pensions par le ministère des Finances qui se chargeait du paiement des pensions. Après le transfert de la caisse de répartition, en 1987, à l'ONSSAPL, les droits individuels n'étaient plus définis. L'ONSSAPL ne paie par ailleurs pas de pension. L'Office national de sécurité sociale ne fait que fixer la cotisation nécessaire pour garantir le financement. L'ONSSAPL encaisse l'argent et le met à la disposition de l'administration des pensions avant de connaître la date valeur et de devoir payer. L'orateur précise que cela se passait différemment autrefois. À l'époque, le coefficient de répartition n'était fixé qu'après une année environ. L'argent était perçu par les communes avec un an de délai sans aucun frais d'administration ni charge d'intérêt, imposant donc aux citoyens de préfinancer les pensions communales. Lors du transfert de la caisse de répartition, un changement fondamental s'est produit: aujourd'hui, le système s'autofinance.

L'orateur précise qu'il dispose d'une documentation étendue et renvoie les membres du groupe de travail au site Web de l'ONSSAPL (108) qui publie, outre le rapport annuel, de nombreuses données chiffrées et statistiques. Il estime que certaines choses méritent d'être actualisées d'urgence, mais il refuse de mener de vastes études tant qu'aucune donnée pertinente n'est disponible. Ces deux choses sont liées à la réforme de la police. L'ONSSAPL a estimé qu'il faudrait cinq à sept ans pour arriver à une régularisation. La déclaration pour la sécurité sociale pour l'année 2001, qui constituent la base de la déclaration des salaires, est finalement disponible, mais les régularisations avec les différentes communes qui composent les zones de police doivent encore être réalisées. Pour les années 2002 et 2003,4 trimestres ont été déclarés mais sans aucune régularisation. Pour l'année 2004, cela doit encore se faire. Pour l'année 2005, la nouvelle technique de déclaration DMFAPPL (109) sera appliquée, ce qui entraînera de nouveaux problèmes et d'autres charges. La suppression des agents de police qui, au sein du cadre communal, constituaient le personnel statutaire par excellence et donc également la suppression de leur masse salariale, exerce un effet considérable sur le financement des pensions communales. Tant que l'on ne dispose pas des chiffres relatifs à ce groupe, l'orateur estime qu'aucune étude sérieuse ne peut être menée. On peut faire des simulations. En collaboration avec l'administration des pensions, une étude actuarielle a été lancée, mais d'autres statistiques et études sont nécessaires pour pouvoir expliquer les phénomènes que décrit M. Gysen.

b) Échange de vues

M. Noreilde souhaite en apprendre davantage sur la situation des contractuels. Le ministre de la fonction publique, M. Dupont, souhaite résoudre le problème des contractuels en en faisant des statutaires. Au cours d'une audition de M. Mark Suykens, directeur du VVSG (110) , il apparaît que ceci n'est pas financièrement tenable pour les communes. L'orateur demande si M. Gysen voit une solution. M. Suykens estime qu'il faut créer un nouveau statut qui rétablirait une sorte d'équilibre entre ce qui existe aujourd'hui pour les contractuels et pour les statutaires. M. Noreilde peut comprendre que l'administration travaille avec du personnel contractuel parce que l'instrument est flexible. Le personnel contractuel est cependant moins bien protégé, surtout en ce qui concerne la constitution de la pension. Si l'administration veut que le secteur privé prévoie un deuxième pilier, elle doit également le faire pour son propre personnel, juge-t-il. Que pense M. Gysen de cela et quelle serait la répercussion budgétaire de l'ensemble ?

La présidente, Mme Geerts, fait remarquer qu'au cours d'auditions antérieures, il est apparu que la proportion statutaires/contractuels est déterminante pour le système. Elle demande s'il existe des données chiffrées sur l'évolution de ces proportions.

M. Gysen répond qu'en dépit de tous les problèmes de régularisation et du fameux projet DMFA, dans ses services, une commission a tout de même été chargée, la semaine passée, de placer dans la perspective historique un certain nombre de statistiques, et notamment la proportion statutaires/contractuels.

À la demande de la présidente, il explique que DMFA est l'abréviation de Déclaration Multifonctionnelle-Multifunctionele Aangifte. L'ONSSAPL y ajoutent encore les initiales PPL parce que la déclaration ne sera pas pareille à celle du secteur privé où la déclaration annuelle est obligatoire. L'Office national de sécurité sociale a en effet un certain nombre d'obligations supplémentaires qui l'obligent à compléter la déclaration avec un certain nombre de données.

M. Gysen ajoute que la pyramide des âges est très différente en fonction qu'il s'agit d'une commune, d'un CPAS, d'une intercommunale ou d'une province. Le degré de statutarisation est également très variable. Pour les 52 à 56 000 contractuels subventionnés, aucune cotisation de sécurité sociale n'est payée. L'orateur suppose qu'il s'agit, dans la majorité des cas, d'emplois sociaux et que l'on est réticent à intervenir. À terme, cela n'est cependant pas tenable. S'il y a plus de 50 000 contractuels sur un nombre total de 325 000 membres du personnel, on ne peut pas parler d'un phénomène marginal. Quelque chose doit être fait.

La proportion entre le personnel nommé et les contractuels est très variable d'une commune à l'autre. Dans certaines communes, 30 % seulement des fonctionnaires sont nommés. Si l'on ajoute à cela les contractuels subventionnés, on peut — même si c'est un petit peu exagéré — considérer que pratiquement plus personne dans les communes ne paye encore des cotisations pour le financement des pensions.

Selon M. Gysen, le pourcentage des fonctionnaires nommés dans les villes s'établit encore autour de 50 % et cela ne devrait pas se modifier à court terme. De nombreux fonctionnaires sont membres d'un syndicat et l'on peut estimer que, dans les villes, la nomination se poursuivra pendant quelque temps.

Les CPAS sont les structures les plus jeunes, ayant la main-d'œuvre la plus jeune. Dans celle-ci également, au départ, une grande partie des travailleurs était statutaire et nommée, mais un glissement est en train de s'opérer.

En règle générale, la proportion des fonctionnaires nommés a diminué de 10 % au cours des 10 dernières années. La question de savoir si cette tendance va se poursuivre, reste ouverte. M. Gysen fournira à la commission les données chiffrées à ce sujet. Il peut dès à présent signaler d'importantes différences entre les différents employeurs du secteur — communes, villes, provinces, CPAS — et entre la Flandre et la Wallonie. Ainsi, l'emploi dans les provinces wallonnes est plus important que dans les flamandes. Pour toute information supplémentaire, l'orateur renvoie au site Web de l'ONSSAPL. Il rappelle l'étude menée à ce sujet également par l'ONSSAPL.

En ce qui concerne la question du deuxième pilier pour les fonctionnaires contractuels, M. Gysen explique que l'Union flamande des villes et communes y est largement favorable. Quant à la question de savoir si la réduction du nombre de fonctionnaires statutaires va se poursuivre, il ne peut y répondre. Peut-être, l'évolution va-t-elle se renverser ou la préférence sera-t-elle donnée à une combinaison des deux systèmes. L'orateur estime, quoi qu'il en soit, qu'il faut travailler sur le deuxième pilier pour les fonctionnaires contractuels. Le financement des pensions est en effet un problème: si l'on est statutaire et nommé, il faut d'abord travailler 40 ans et, à 60 ans, entamer une carrière de pensionné.

Si le secteur privé continue à étendre le deuxième pilier de pension, le gouvernement devra, s'il souhaite attirer encore du personnel qualifié, suivre la même évolution. Il est donc nécessaire de créer un cadre juridique pour qu'existe cette possibilité, bien que, selon M. Gysen, ce soit déjà possible aujourd'hui. L'orateur craint en effet que le deuxième pilier pour les contractuels ne soit financé aux dépens des fonctionnaires statutaires. Le financement en soi n'est pas vraiment un grand problème. Les charges des pensions augmenteront de toutes façons d'ici à 2010-2015, mais le problème le plus important est le fait que les communes ne savent pas quelle sera leur charge de pension au cours des cinq ou six prochaines années. Elles doivent être informées correctement. M. Gysen s'engage à informer les communes de la facture qu'elles recevront au cours de la prochaine législature de 6 ans avec une probabilité proche de la certitude.

Si les communes vivent en fonction de leurs moyens, l'orateur pense qu'il n'y aura pas de grands problèmes de financement. La répartition interne des charges pourrait cependant être problématique. La totalité du personnel devra contribuer. L'ONSSAPL veille à ce que le financement communautaire soit garanti pour le Pool I. Depuis 7 ans, la cotisation demandée est de 27,5 % et cela peut se poursuivre pendant 10 ans encore, pour autant que l'emploi statutaire reste au même niveau. Ce pourcentage est assez relatif et doit être revu en regard avec les chiffres absolus. Pour le moment, le Pool I dispose d'un fonds de réserve important. Les réserves sont constituées par cumul sur la base des dépôts de fonds et sur la base de contributions fixes sur la masse salariale.

Grâce aux bonus des allocations familiales, le revenu des fonds déposés et la ristourne de la police, le Pool I est bénéficiaire et la réserve devrait pouvoir parfaitement être utilisée pour compenser les fluctuations. Cela peut se faire pendant au moins 10 ans. Néanmoins, il est nécessaire que la volonté politique existe, le cas échéant, d'intégrer la réserve et celle-ci en concertation avec les partenaires sociaux, l'association des villes et communes et les syndicats. M. Gysen ne se rallie pas au raisonnement selon lequel les surplus du Pool I peuvent être envisagés pour constituer un deuxième pilier pour le personnel contractuel. Il plaide pour le développement d'un deuxième pilier moyennant des efforts financiers supplémentaires des administrations. Ceci peut être réalisé par le biais d'une cotisation patronale et personnelle, mais l'orateur estime que ce rôle est réservé aux institutions de prévoyance et aux compagnies d'assurances. La garantie de paiement correct des pensions du personnel statutaire doit rester une obligation de l'État. D'après l'orateur, la recherche d'un nombre maximal d'adhésions n'est pas un objectif en soi. Toutefois, les phénomènes pervers doivent être identifiés et un instrumentaire doit être développé à cet effet. Il ne voit en outre pas très bien pourquoi de petites communes devraient payer pour des phénomènes qui ne les concernent pas. De là également la nécessité d'une gestion séparée pour les petites communes du pool I et les grandes villes qui glissent petit à petit dans le pool 2. Le pool 3 se réduit et menace même de disparaître. L'Office national n'a rien à voir avec le pool 4. Les entreprises d'intérêt public ont en effet suffisamment de moyens pour continuer à financer les pensions.

M. Gysen explique que, sous l'impulsion du ministre des Pensions, M. Tobback, une commission a été créée pour chercher une solution pour les contractuels. Il en fait personnellement partie, en plus de représentants de l'Union des villes et communes, de l'administration des pensions et de l'institution d'assurances. On essayera également d'intégrer dans l'étude les données de la réforme des polices, encore indisponibles à ce jour. La commission espère pouvoir communiquer aux communes, dès le 1er janvier 2007, la charge de pension à attendre pour le personnel statutaire pour la prochaine législature et la marge qui reste éventuellement pour le développement d'un deuxième pilier de pension pour le personnel contractuel.

M. Gysen précise qu'une forte concurrence est exercée par une grande compagnie d'assurances qu'il ne nommera pas, mais que les membres du groupe de travail connaissent bien. Il ajoute qu'il n'a pas pu gagner la bataille pour motiver les grandes villes à adhérer au financement collectif au sein de l'ONSSAPL parce qu'il n'a pas su prévoir la charge et que la décision était irrévocable. Il voit un avantage à regrouper la charge des pensions pour les statutaires au sein d'une institution gouvernementale, mais il est également favorable au regroupement de la charge des pensions du deuxième pilier pour les contractuels au sein d'une institution d'assurances. Il plaide pour la professionnalisation dans le domaine des investissements en gestion propre de l'ONSSAPL. Le monde des banques et des assurances pourrait y être impliqué par le biais d'un consortium comme cela se passe déjà pour la gestion globale de la sécurité sociale. Le législateur doit alors être disposé à envisager la chose autrement. M. Gysen pense que l'on pourrait en tirer autant d'intérêt que par le biais d'un investissement dans des OLO. À l'heure actuelle, seul l'investissement est autorisé. Pour cela, la collaboration d'un expert extérieur n'est pas nécessaire. Il ne plaide pas pour les investissements à risque, mais pense tout de même que d'autres investissements que les OLO sont défendables. Il s'agit de montants considérables. Le montant estimé pour le fonds de réserve fin 2005 est de 750 millions d'euros pour le pool 1. La charge de pension annuelle, par contre, s'élève aujourd'hui à 475 millions d'euros. Il y a donc plus d'argent dans les caisses que la cotisation annuelle. Actuellement, le pool 2 accuse un déficit cumulé de 200 millions d'euros. En fait, le fonds d'égalisation doit compenser ce déficit. Le ministre des Pensions refuse cependant de prendre un arrêté royal pour rendre ce fonds opérationnel. Il ne veut prendre aucune décision tant que les chiffres ne sont pas connus pour l'avenir. M. Gysen peut comprendre cet argument mais il pense qu'il n'y a de toute façon pas autre chose à faire que de combler les trous. Le pronostic pour fin 2005 pour le fonds d'égalisation est de 428 millions d'euros. Il reste de toute façon une marge. Le fait que la création du fonds d'égalisation destinait les cotisations de 13,07 % de toutes les communes, exclusivement au pool 2, c'est-à-dire aux grandes villes, suscite quelques critiques.

Voilà la situation actuelle. Au moment où, dans le pool 1, en moyenne 30 % des statutaires sont employés et où de nombreux pensionnés sont encore en vie, la situation pourrait parfaitement se retourner et le fonds d'égalisation pourrait être utilisé pour le pool 1. Le fonds a été créé pour compenser le pool qui serait déficitaire, de sorte que dans les deux pools, on puisse maintenir le même niveau de cotisation. Aujourd'hui l'équilibre est rompu. Pour la première fois, les cotisations du pool 2 seront unilatéralement augmentées à 29,5 %, alors que la cotisation pour le pool 1 restera, probablement à long terme, au taux de 27,5 %.

À la question de M. Noreilde qui souhaite savoir si les 50 000 contractuels sont répartis de manière équilibrée entre la Flandre et la Wallonie, M. Gysen répond qu'il n'existe pas de différences communautaires spectaculaires (111) .

Mme Zrihen estime que le paysage offert est loin d'être réjouissant.

Elle voudrait savoir si les effets des pensions des contractuels se feront sentir dans cinq, dix ou vingt ans. Pour l'instant, les administrations publiques engagent massivement des contractuels. Pour ceux-là, les effets se feront sentir dans trente ou quarante ans.

Comme il existe une multiplicité de nouveaux statuts, elle aimerait savoir si les CDI sont à placer parmi les contractuels. Elle connaît les TCT, ACS, APE, mais peut-être existe-t-il encore d'autres statuts.

M. Jeurissen vise l'ensemble des contractuels, y compris les contractuels subventionnés, par opposition aux statutaires. C'est une simplification nécessaire.

On constate une augmentation du volume de l'emploi au niveau local, qu'il s'agisse de statutaires ou de contractuels. Depuis une dizaine d'années, on observe cependant une diminution de 1 % de la part des statutaires par rapport aux contractuels. De ce fait, l'ONSSAPL perd forcément, du côté du financement des pensions, l'apport des agents statutaires de la police communale qui ont rejoint le fonds des pensions. Cette perte n'est pas négligeable, même si on reprend les ristournes qui, au bout de quelques années, seront inexistantes.

Le deuxième phénomène est difficile à observer. Le graphique très intéressant en annexe II.B.2.2.2.b) (112) montre qu'avant 40-45 ans, les contractuels représentent la majorité; après 45 ans, on observe une majorité de statutaires et après 61 ans, il s'agit presque uniquement de pensionnés.

Ce graphique ne permet cependant pas de savoir si les contractuels sont nommés après quelques années.

M. Jeurissen craint cependant qu'un autre phénomène ne vienne s'y greffer, à savoir la tendance au remplacement des statutaires par des contractuels au moment des restructurations de services et surtout d'hôpitaux. Il est probable que les deux phénomènes coexistent, mais il craint que le deuxième ne l'emporte.

L'évolution des chiffres ne doit cependant pas faire craindre beaucoup de problèmes: les pensions augmentent de 5 à 6 % et les cotisations aussi.

Dans la mesure où ce phénomène de distorsion entre les statutaires et les contractuels joue, il peut cependant se poser, à terme, un problème de financement assez lourd.

On peut en outre s'interroger sur les raisons du renoncement aux statutaires. Chacun a sa réponse. L'intervenant l'explique personnellement par le coût plus élevé de l'agent nommé par rapport à celui du contractuel, indépendamment du phénomène des contractuels subventionnés.

En raison de la cotisation à la pension, le coût est beaucoup plus élevé pour les agents statutaires. Les administrations locales préfèrent évidemment ce qui coûte moins cher. C'est un premier phénomène.

Le deuxième phénomène est celui du coût de la sécurité sociale. Dans les hôpitaux, le personnel soignant qui tombe malade doit immédiatement être remplacé, ce qui n'est pas le cas dans l'administration, par exemple. Si le personnel soignant est statutaire et qu'il est remplacé par un agent contractuel, l'employeur paie la sécurité sociale de deux agents.

Par ailleurs, certains estiment que le statut est trop rigide, qu'il empêche une certaine productivité, qu'il n'incite pas à la performance, etc. En revanche, le contractuel serait plus mobile et plus performant. Tous ces phénomènes expliquent la tendance à remplacer les statutaires par des contractuels.

Si cette tendance se maintient, plusieurs orientations sont possibles. La première est quelque peu coercitive et consiste à imposer une petite cotisation complémentaire en cas de réduction du nombre de statutaires, afin de financer les pensions.

La deuxième orientation est l'instauration d'une cotisation sur la base de la masse salariale globale, contractuels et statutaires confondus, de telle manière que le choix entre personnel contractuel et statutaire soit neutre. Le jeu qui consiste à diminuer le nombre de statutaires et à faire assumer par d'autres la charge des pensions n'aurait ainsi plus lieu d'être.

Il existe une troisième possibilité, celle d'un statut unique, plus souple, qui serait revu et qui permettrait davantage d'adaptation. Les contractuels ne seraient prévus que pour des besoins exceptionnels et temporaires, notamment des remplacements.

L'orateur dit qu'il est certain que le coût élevé des statutaires pose problème. On est en train de réfléchir, notamment au sein de la commission, à une sorte de capitalisation par la retenue de 1 ou 2 %, qui pourrait jouer pour les contractuels, mais aussi pour les statutaires, en déduction de leur pension; le but est d'arriver à une certaine neutralisation et d'introduire un élément de capitalisation progressive dans l'ensemble du système.

Cette piste peut également être envisagée à l'avenir. L'intervenant ne se prononce cependant pas sur le choix des pistes qu'elle a évoquées.

Mme Zrihen déclare que le statut du contractuel devient structurel alors qu'il devait être occasionnel. C'est une dérive du système: faute de pouvoir trouver les financements pour les paiements ad hoc, chacun a essayé de gérer la situation avec les moyens dont il disposait. Il faudrait pouvoir engager des jeunes et les nommer lorsqu'ils sont jeunes, de manière à pouvoir garantir un avenir aux suivants. Cependant, on engage des contractuels que l'on fait changer de service pour qu'ils gardent leur statut de contractuel. Le pire est que cela se passe parfois à la demande des intéressés, qui n'ont alors plus aucune perspective d'avenir. D'aucuns estiment que la charge du statutaire est trop lourde, mais il s'agit d'une vision à court terme. La charge est lourde au départ, mais à la longue, ce statut peut se révéler bénéfique. Il faudrait procéder, estime-t-elle, à une analyse à plus long terme. Or, les communes, les provinces et les administrations publiques mènent souvent une politique à court terme en ce qui concerne leurs finances.

Mme Zrihen voudrait revenir sur l'idée de placements évoquée tout à l'heure. Elle se demande si les dispositifs légaux prévoyant certains placements ne permettent pas d'engranger des fonds supplémentaires.

M. Jeurissen répond qu'en vertu d'un arrêté royal de 1997, qui est pratiquement un arrêté de pouvoirs spéciaux, les organismes d'intérêt public ne peuvent placer des fonds que dans un instrument du Trésor. Cela signifie que ces organismes ne peuvent même pas souscrire à des obligations ou à des bons de caisse dans quelque banque que ce soit, sans parler des actions.

Dans le cadre d'une volonté de réduire le montant de la dette publique, le placement des réserves de pensions dans les instruments du Trésor a un effet: certains fonds sont investis et viennent en déduction du montant de la dette publique. D'ailleurs, en fin d'année, la surveillance est particulièrement sévère. Il faut alors remettre au Conseil des ministres une liste reprenant tous les placements effectués.

III. VOTE

Lors de la réunion du 28 septembre 2005 le groupe de travail a décidé à l'unanimité des membres présents de transmettre pour examen ultérieur le rapport à la commission des Affaires sociales.

Les rapporteurs, La présidente,
Jihane ANNANE. Erika THIJS. Stefaan NOREILDE. Christel GEERTS.


(1) « Le vieillissement de la société: les défis en matière d'emploi et de financement de la sécurité sociale et des pensions », Rapport fait au nom de la commission des Affaires sociales par Mmes Nahima Lanjri et Maggie De Block, doc. Chambre, 2003-2004, no 51 1325/001.

(2) Voir le rapport de la commission des Affaires sociales et le texte adopté par celle-ci, Le vieillissement de la société: les défis en matière d'emploi et de financement de la sécurité sociale et des pensions, doc. Chambre, 2003-2004, no 51-1325/1-2.

(3) Voir rapport de la Commission des Affaires sociales, Chambre, 2003-2004, no 51-1525/1-2.

(4) Voir document en annexe no II.A.1.2.1: DULBEA, Les mesures prises en faveur de vieillissement actif et leur effet sur le marché du travail des jeunes, août 2004, doc. Sénat, no 3-886/2, pp. 1-55.

(5) Voir annexe no II.A.1.2.1, tableau 1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 7.

(6) Voir annexe no II.1.2.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 56.

(7) Voir annexe no II.1.2.1, tableau no 2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 8.

(8) Voir annexe no II.A.1.2.1, tableau no 3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 9.

(9) Voir annexe no II.A.1.2.1, tableau no 4, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 11.

(10) Voir annexe no II.A.1.2.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 56.

(11) Voir graphique 5 en annexe no II.A.1.2.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 44.

(12) Voir graphique 6 en annexe no II.A.1.2.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 44.

(13) Voir annexe no II.A.1.2.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 1-55.

(14) voir à ce sujet infra, point II.A.2.4.2. Audition de M. Marc Embo, créateur du concept de skill-pooling, et M. André Van Meervenne, administrateur t-groep nv, p. 138.

(15) Voir tableau en annexe II.A.1.4.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 57.

(16) Voir tableau en annexe II.A.1.4.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 57.

(17) Voir graphique en annexe II.A.1.4.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 58.

(18) Voir graphique en annexe II.A.1.4.4, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 58.

(19) Voir tableau en annexe II.A.1.4.5, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 59.

(20) Voir tableau en annexe II.A.1.4.6, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 59.

(21) Voir tableau en annexe II.A.1.4.7, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 60.

(22) Voir graphique en annexe II.A.1.4.8, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 60.

(23) Voir graphique en annexe II.A.1.4.9, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 61.

(24) Voir graphique en annexe II.A.1.4.10, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 61.

(25) Voir tableau en annexe II.A.1.4.11, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 61.

(26) Voir graphique en annexe II.A.1.4.12, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 62.

(27) Voir le graphique à l'annexe II.A.1.4.9, doc. Sénat no 886/2, p. 61.

(28) Voir l'annexe no II.A.1.4.7, doc. Sénat no 886/2, p. 60..

(29) Voir tableau en annexe II.A.2.1.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 63.

(30) Voir graphique en annexe II.A.2.1.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 63.

(31) Voir le texte en annexe, II.A.2.2.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 64.

(32) Voir infra, II.A.3.5. Audition de Mme Anne Himpens, coordinatrice du fonds de l'expérience professionnelle du SPF emploi, Travail et Concertation Sociale, p. 128.

(33) Voir la déclaration du gouvernement sur sa politique du 12 octobre 2004, doc. Chambre, 2004-2005, Compte rendu de la séance plénière du 12 octobre 2004, no 85.

(34) Voir le rapport de la commission des Affaires sociales, doc. Chambre, 2003-2004, no 51-1325/1.

(35)  Voir doc. Sénat, nos 3-905-915.

(36)  Voir le rapport fait au nom de la Commission des Affaires sociales, Chambre, 2003-2004, no 51-1325/1-2

(37) Voir rapport à l'annexe II.A.3.1.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 68-108.

(38) Voir le tableau à l'annexe II.A.3.1.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 109.

(39) Voir l'annexe II.A.3.1.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 109.

(40) Voir l'annexe II.A.3.1.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 109.

(41) Voir le graphique, annexe II.A.3.1.4, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 110.

(42) Voir le schéma en annexe II.A.3.2.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 110.

(43) Voir l'annexe II.A.3.2.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 111.

(44) Voir l'annexe II.A.3.2.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 112.

(45) Voir infra point II.A.3.5. Audition de Mme Anne Himpens, coordinatrice du Fonds de l'expérience professionnelle du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, p. 128.

(46) Voir annexe no II.A.3.3.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 112.

(47) Voir annexe no II.A.3.3.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 113.

(48) Voir annexe no II.A.3.3.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 113.

(49) Voir annexe no II.A.3.3.4, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 114.

(50) Voir annexe no II.A.3.3.5, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 115.

(51) Voir annexe no II.A.3.3.6, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 115.

(52) Voir annexe no II.A.3.3.7, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 116.

(53) Voir annexe no II.A.3.3.8, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 116.

(54) Voir annexe no II.A.3.3.9, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 116.

(55) Voir annexe no II.A.3.3.10, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 117.

(56) Voir annexe no II.A.3.3.11, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 117.

(57) Voir supra II.A.1.3. — audition du professeur Marc De Vos, Département de droit social à l'université de Gand et avocat au barreau de Bruxelles, p. 29.

(58) Voir annexe no II.A.3.5.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 118.

(59) Voir annexe no II.A.3.5.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 118.

(60) Voir annexes nos II.A.3.5.3 et II.A.3.5.4, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 119.

(61) Voir annexe no II.A.3.5.4, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 119.

(62) Voir annexe no II.A.3.5.5, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 120.

(63) www.meta.fgov.be

(64) Voir annexe II.A.4.1.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 120.

(65) Voir graphique à l'annexe II.A.4.1.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 121.

(66) Voir graphique à l'annexe II.A.4.1.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 121.

(67) Cette étude se trouve sur le site Web de Federgon: www.federgon.be

(68) Voir annexe II.A.4.3.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 122.

(69) Voir publication: Dexia Bank SA, Silver: Les fondements d'une solution durable, Bruxelles, 2004 — http://www.dexia.be

(70) Voir graphique à l'annexe II.A.4.5.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 123.

(71) Voir également ci-dessous II.B.2. Auditions concernant la problématique de la fin de carrière dans les administrations locales et provinciales, p. 243.

(72) Voir graphiques aux annexes II.A.4.5.2., II.A.4.5.3. et II.A.4.5.4, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 123 et 124.

(73) Pour plus d'informations sur la problématique des pensions pour les villes et communes, voir infra, chapitre II.B.2. Auditions concernant la problématique de la fin de carrière dans les administrations locales et provinciales, p. 243.

(74) Rapport de la Commission des Affaires sociales, doc. Chambre, 2003-2004, no 51-1325/1-2.

(75) Doc. Chambre, 2003-2004, no 51-1266/1.

(76) Voir le rapport fait au nom de la Commission des Affaires sociales, Chambre, 2003-2004, no 51-1325/1-2.

(77) Arrêté royal du 25 septembre 1998 portant introduction d'un congé préalable à la pension au profit de certains fonctionnaires en service dans les services extérieurs de la direction générale des institutions pénitentiaires.

(78) Arrêté royal du 22 mars 1999 portant introduction d'un congé préalable à la pension pour certains fonctionnaires des services opérationnels de la protection civile.

(79) Arrêté royal du 13 mars 2000 portant introduction d'un congé préalable à la pension au profit de certains fonctionnaires de la fonction publique administrative fédérale titulaires de grades classés aux niveaux 3 et 4.

(80) Loi et arrêté royal du 10 avril 1995 relatifs à la redistribution du travail dans le secteur public.

(81) Voir annexe II.B.1.1.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 125.

(82) Voir tableau en annexe II.B.1.1.2, doc. Sénat, no 3-886/2, pp. 126-132.

(83) Voir tableau à l'annexe II.B.1.1.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 132.

(84) Voir tableau en annexe II.B.1.1.2, doc. Sénat, no 3-886/2, pp. 126-132.

(85) Voir tableau en annexe II.B.1.1.2, doc. Sénat, no 3-886/2, pp. 126-132.

(86) Voir tableau en annexe II.B.1.2.1: tableau récapitulatif des secteurs (1999-2005): nombre de congés avant la mise à la retraite, ventilés par sexe, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 133.

(87) Voir tableau en annexe II.B.1.2.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 133.

(88) Voir graphiques aux annexes II.B.1.4.1 et II.B.1.4.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 134.

(89) Voir tableau en annexe II.B.1.4.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 135.

(90) Voir tableau en annexe II.B.1.4.4, doc. Sénat, no 3-886/2, pp. 135 en 136.

(91) Voir tableau synoptique en annexe II.B.1.5.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 136.

(92) Voir tableau synoptique en annexe II.B.1.5.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 137.

(93) Voir tableau en annexe II.B.1.5.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 137.

(94) Voir graphiques en annexes II.B.1.5.4-B.1.5.7, doc. Sénat, no 3-886/2, pp. 138-139.

(95) Voir tableau en annexe no II.B.1.5.8, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 140.

(96) Voir tableau en annexe no II.B.1.5.9, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 140.

(97) Voir graphique en annexe II.B.1.5.10, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 141.

(98) Voir à ce sujet le point 2 de l'exposé d'introduction.

(99) Voir tableau en annexe II.B.1.6.1, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 142.

(100) Voir annexe II.B.1.6.2, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 143.

(101) Voir annexe II.B.1.6.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 144.

(102) Voir annexe II.B.1.6.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 144.

(103) Voir texte en annexe II.B.2.1.1.: « Mark Suykens et Nele De Gols, Problematiek pensioenen lokale besturen, VVSG », 10 janvier 2005, doc. Sénat, no 3-886/2, pp. 145-157.

(104) Voir note en annexe II.B.2.1.2, doc. Sénat, no 3-886/2, pp. 158-164.

(105) Voir lettre en annexe II.B.2.1.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 165.

(106) À l'annexe II.B.2.2.1, le lecteur trouvera un diagramme en forme de tarte qui illustre la situation pour 2003 du nombre de fonctionnaires (statutaires) par système de pension, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 166.

(107) Voir, à titre d'illustration, l'annexe II.B.2.2.2.a-c, doc. Sénat, no 3-886/2, pp. 166-167.

(108) http://www.onssapl.fgov.be

(109) Pour plus d'explications: voir plus bas: b) Échange de vues, p. 257.

(110) Voir ci-dessus II.B.2.1. Audition de M. Mark Suykens, directeur VVSG, pp. 243-252.

(111) Voir diagrammes à l'annexe II.B.2.2.3, doc. Sénat, no 3-886/2, p. 168.

(112) Voir doc. Sénat, no 3-886/2, p. 167.