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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

29 SEPTEMBRE 1998


Proposition de loi fixant les normes auxquelles une équipe de soutien en matière de soins palliatifs doit répondre pour être agréée

(Déposée par Mme Willame-Boonen et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Notre société a la responsabilité de préserver et de promouvoir la dignité de la personne humaine jusqu'à la fin de sa vie. Il arrive de plus en plus fréquemment qu'en fin de vie, la médecine ne puisse plus intervenir pour guérir mais pour apporter un soulagement de la souffrance et une qualité de vie à la personne concernée. C'est là l'objectif du développement des soins palliatifs.

Toutefois, la situation actuelle en matière d'organisation des soins palliatifs reste encore insatisfaisante.

L'organisation et le financement des soins palliatifs à domicile, en particulier, doivent être clarifiés.

Au départ, les expériences en matière de soins palliatifs dites « expériences Busquin » étaient financées de manière forfaitaire.

Cette intervention financière était, à l'origine, expérimentale et limitée dans le temps. Elle ne s'adressait pas directement aux patients recevant des soins palliatifs, mais aux équipes qui les dispensaient, tant au niveau hospitalier qu'extra-hospitalier.

Ces expériences de financement étaient organisées par l'arrêté royal du 19 août 1991 (Moniteur belge du 4 octobre 1991). Elles firent l'objet de prolongations régulières. La dernière prolongation a pris fin au 31 décembre 1997 (arrêté royal du 19 juin 1997 modifiant l'arrêté royal du 19 août 1991).

Depuis 1997, d'importantes réformes ont vu le jour. Ces réformes constituent un pas supplémentaire dans la mise en place et l'extension des soins palliatifs. Toutefois, des points essentiels relatifs à l'organisation restent obscurs et incomplets.

L'arrêté royal du 19 juin 1997 fixant les normes auxquelles une association en matière de soins palliatifs doit répondre pour être agréée (Moniteur belge du 28 juin 1997) prévoit la mise en place au sein de chacune de ces associations (ou plates-formes) d'une équipe de soutien, dont la composition est fixée dans l'arrêté royal (deux infirmières ETP avec une expérience ou une formation en soins palliatifs, un médecin généraliste 4 h/semaine avec une expérience ou une formation en soins palliatifs, un employé administratif équivalent 1/2 temps). Le rôle de ces équipes de soutien n'est pas défini dans l'arrêté royal.

Toutefois, la loi-programme portant des dispositions sociales du 22 février 1998 (Moniteur belge du 3 mars 1998) en ses articles 81 à 84, et spécialement si l'on se réfère à l'exposé des motifs de la loi (doc. Chambre, nº 1184/2, 96/97, p. 16), semble indiquer, d'une part, que les équipes de soutien sont les actuelles équipes d'accompagnement multidisciplinaires de soins palliatifs qui prêtent assistance aux patients souhaitant mourir à domicile, à leur famille et aux dispensateurs de soins de première ligne, et que, d'autre part, ces équipes de soutien assureraient à terme les missions générales de l'association [coordination, information, accompagnement logistique du patient, de son environnement et des prestataires de soins professionnels de première ligne (généralistes et infirmiers)].

Quant au financement, les articles 81 et 82 de la loi précitée du 22 février 1998 prévoient que le comité de l'assurance du service soins de santé de l'INAMI peut conclure, sur proposition du collège des médecins-directeurs, des conventions avec les équipes d'accompagnement multidisciplinaires de soins palliatifs de chaque association. Par ces conventions, le financement de l'encadrement minimum de ces équipes est assuré. Les critères auxquels doivent répondre ces conventions devraient être fixés par arrêté royal.

L'objectif de la présente proposition est de clarifier et de compléter les dispositions légales existantes.

La proposition définit ce qu'on entend par soins palliatifs et patient palliatif, et précise le rôle et la spécificité de chaque intervenant en matière de soins palliatifs.

Elle confirme l'existence des équipes d'accompagnement multidisciplinaires de soins palliatifs à domicile, destinées à devenir les équipes de soutien, en précisant leurs missions, qui doivent être distinctes des missions exercées par les associations en matière de soins palliatifs. Elle assure à ces équipes, moyennant le respect de certaines conditions, un financement structurel durable.

En ce qui concerne les missions de ces équipes d'accompagnement multidisciplinaires de soins palliatifs, désormais appelées équipes de soutien, il est certain que ces équipes ne peuvent assumer le rôle de coordination régionale des différents acteurs de terrain (organisations de soins à domicile, maisons de repos agréées, maisons de repos et de soins...), dévolu par l'arrêté royal du 19 juin 1997 aux associations en matière de soins palliatifs. La proposition précise dès lors les missions de ces équipes, lesquelles sont notamment chargées, avec le médecin-traitant et les dispensateurs de soins de première ligne, de proposer aux mutualités de conférer le statut de patient palliatif au patient pour lequel elles interviennent. Ces équipes jouent également un rôle de soutien et d'encadrement (coordination, formation et information) des dispensateurs de soins de première ligne, et veillent à la continuité de l'assitance et des soins entre le domicile et l'hôpital ou la maison de repos (et de soins).

Afin de rendre effectif le financement des équipes de soutien prévu par la loi précitée du 22 février 1998 le plus rapidement possible, la proposition détermine les critères minimums auxquels ces équipes doivent satisfaire pour être agréées et financées. Dans le même temps, elle clarifie la nature des prestations remboursées intégralement depuis la loi du 22 février 1998 : il s'agit des prestations actuellement fournies par les équipes d'accompagnement multidisciplinaires de soins palliatifs à domicile, désormais appelées équipes de soutien, lesquelles sont habilitées expressément par la proposition à conclure des conventions avec l'INAMI.

En déterminant les critères et les modalités d'octroi du statut de patient palliatif à domicile, la proposition ouvre également la possibilité d'alléger à brève échéance la charge financière du patient palliatif pour les prestations effectuées par les dispensateurs de soins de première ligne, ainsi que pour certains médicaments et un certain type de matériel utilisés pour le patient palliatif.

L'objectif est de mettre en place un financement spécifique aux soins palliatifs qui garantisse à la fois une égalité d'accès de tous les patients à ce type de soins, et une égalité de traitement de tous les acteurs de terrain, en valorisant de manière prioritaire le travail des équipes déjà actives sur le terrain, et pouvant se prévaloir d'une expérience suffisante.

Afin de garantir la qualité des services et des soins prodigués, la proposition impose également aux membres de l'équipe de soutien de suivre une formation permanente.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article définit ce qu'on entend par soins palliatifs, patient palliatif, équipe de soutien, et dispensateurs de soins de première ligne.

Article 3

Cet article prévoit que les conditions énumérées dans la présente loi constituent des critères d'agrément pour les équipes d'accompagnement multidisciplinaires de soins palliatifs à domicile, désormais appelées équipes de soutien.

Article 4

Cet article définit le nombre minimum de patients devant être pris en charge par l'équipe de soutien afin que soient assurés, à la fois, un niveau de connaissance et de compétence suffisant des différents intervenants, et la viabilité économique du système.

Article 5

Cet article précise les missions de l'équipe de soutien.

Elle est notamment chargée de proposer, avec le médecin traitant et les dispensateurs de soins de première ligne, aux mutualités de conférer le statut de patient palliatif au patient pour lequel elle intervient, afin que le patient palliatif puisse bénéficier d'une intervention financière spécifique dans les soins palliatifs à domicile.

Il se peut toutefois que ce statut ait déjà été conféré par l'hôpital dans le cas où le patient n'a pas fait l'objet d'assistance et de soins palliatifs à domicile mais a été accueilli directement par l'hôpital. Dans ce cas, ce statut lui reste conféré.

Outre l'encadrement, la coordination, la formation et l'information des dispensateurs de soins de première ligne, l'équipe de soutien veille, en accord avec le médecin traitant et les dispensateurs de soins de première ligne, à la continuité de l'assistance et des soins lorsque le patient palliatif quitte son domicile pour rejoindre l'hôpital ou être admis en maison de repos ou en maison de repos et de soins ou lorsqu'il quitte l'hôpital pour rejoindre son domicile ou entrer en maison de repos ou en maison de repos et de soins.

Il importe que les décisions concernant le patient palliatif soient prises en accord d'abord avec celui-ci, avec le médecin traitant et les dispensateurs de soins de première ligne ensuite, et que le patient palliatif puisse garder le contact avec ceux-ci lorsqu'il entre à l'hôpital ou lorsqu'il le quitte pour rentrer à nouveau à son domicile.

Article 6

Cet article précise la composition minimale de l'équipe de soutien.

Cette équipe peut être sollicitée par le patient lui-même, par sa famille, par le médecin traitant, par un proche éventuel ou un voisin ou un ami du patient si celui-ci se trouve isolé. Elle travaille en étroite collaboration avec le médecin traitant du patient palliatif et associe également dans son travail les dispensateurs de soins de première ligne, qui peuvent être tant des infirmiers, kinésithérapeutes, aides familiales, etc. indépendants que des organisations telles les organisations de soins à domicile.

L'accent doit être mis sur le respect de la volonté du patient palliatif et sur la collaboration qui doit exister entre l'équipe de soutien et les dispensateurs de soins de première ligne. Dans l'intérêt du patient, cette collaboration doit être étroite et permanente, sans qu'une relation hiérarchique ne puisse s'instaurer entre les différents intervenants.

Article 7

L'équipe de soutien doit pouvoir être contactée à tout moment, du jour et de la nuit.

Article 8

Cet article impose aux membres de l'équipe de soutien de suivre une formation permanente.

Article 9

Cet article a pour objectif de permettre à l'équipe de soutien de coordonner et d'améliorer son action.

Article 10

Cet article précise les obligations de type organisationnel et administratif qui incombent à l'équipe de soutien.

Les activités de soins des dispensateurs de soins de première ligne doivent faire l'objet d'une évaluation concertée avec l'équipe de soutien.

L'équipe de soutien doit établir un rapport annuel circonstancié à l'intention du Comité de l'assurance de l'INAMI.

Article 11

Cet article vise à assurer le financement des équipes de soutien.

Article 12

Cet article fixe l'entrée en vigueur de la présente loi en tenant compte des équipes actuellement sur le terrain.

Magdeleine WILLAME-BOONEN.

PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Au terme de la présente loi, il y a lieu d'entendre par :

1º soins palliatifs : les soins visant à

­ prodiguer au malade pour lequel les traitements curatifs sont inefficaces les soins adéquats qui amèneront au soulagement optimal de la douleur et au contrôle des symptômes physiques;

­ accompagner le malade dans sa souffrance psychologique, sociale, familiale et spirituelle ou philosophique;

­ et encourager la famille du malade à prendre une place dans la phase de fin de vie, optimaliser la communication entre celle-ci et l'équipe soignante et l'accompagner au cours du processus de deuil.

2º patient palliatif : le patient

­ qui souffre d'une ou de plusieurs affections irréversibles selon une échelle de maladie médicalement reconnue;

­ dont l'évolution est défavorable, avec une détérioration sévère généralisée de sa situation physique et/ou psychique;

­ chez qui des interventions thérapeutiques et la thérapie revalidante n'influencent plus cette évolution défavorable;

­ et pour qui le pronostic de(s) l'affection(s) est mauvais et pour lequel le décès est supposé intervenir dans un délai de plus de 24 heures et de moins de quatre mois.

3º équipe de soutien :

l'équipe de deuxième ligne, qui prête assistance aux dispensateurs de soins de première ligne, aux patients souhaitant mourir à domicile et à leur famille.

4º dispensateurs de soins de première ligne :

les dispensateurs de soins qui dispensent effectivement les soins à domicile.

Art. 3

Pour être agréée et le demeurer, l'équipe de soutien doit satisfaire aux conditions de la présente loi.

Art. 4

L'équipe de soutien doit prendre en charge au minimum 120 patients palliatifs par an.

Art. 5

L'équipe de soutien n'intervient pas directement dans le traitement et les soins proprement dits.

Elle est notamment chargée :

1º de proposer, avec le médecin traitant et les dispensateurs de soins de première ligne, au médecin-conseil de la mutualité concernée, le statut de patient palliatif au patient pour lequel elle intervient, hormis les cas où ce statut a déjà été proposé par l'hôpital;

2º de soutenir et d'encadrer les dispensateurs de soins de première ligne, notamment en coordonnant leurs activités et en assurant leur formation et leur information;

3º de veiller, en accord avec le médecin traitant et les dispensateurs de soins de première ligne, à la continuité de l'assistance et des soins lorsque le patient palliatif quitte son domicile pour rejoindre l'hôpital ou être admis en maison de repos ou en maison de repos et de soins, ou lorsqu'il quitte l'hôpital ou la maison de repos ou la maison de repos et de soins pour rejoindre son domicile.

Art. 6

L'équipe de soutien est composée au minimum de :

­ deux infirmiers équivalents temps plein avec une expérience ou une formation en matière de soins palliatifs;

­ un médecin généraliste à raison de 4 heures par semaine, avec une expérience ou une formation en matière de soins palliatifs;

­ un employé administratif équivalent mi-temps.

L'équipe de soutien travaille en étroite collaboration avec le médecin traitant du patient palliatif et associe également les dispensateurs de soins de première ligne tels que les infirmiers, les kinésithérapeutes, les organisations de soins à domicile, les aides familiales, ...

L'équipe de soutien doit pouvoir faire appel à tout moment à un assitant social, un psychologue, un conseiller philosophique ou spirituel ainsi qu'aux médécins spécialistes concernés.

Art. 7

L'équipe de soutien doit être organisée de telle sorte qu'elle puisse être contactée à tout moment, 24 heures sur 24.

Art. 8

Tous les membres de l'équipe de soutien doivent suivre une formation permanente en soins palliatifs d'au moins une semaine par an.

Cette formation doit porter notamment sur les éléments suivants :

­ le contrôle des symptômes et de la douleur;

­ l'accompagnement psychologique du patient palliatif;

­ l'optimalisation de la communication avec l'entourage;

­ l'accompagnement philosophique ou spirituel;

­ la préparation et l'accompagnement des proches au processus du deuil.

Art. 9

L'équipe de soutien doit tenir des réunions interdisciplinaires hebdomadaires.

Art. 10

L'équipe de soutien doit :

1º faire partie ou collaborer à l'association en matière de soins palliatifs couvrant la zone géographique concernée;

2º avoir un lien fonctionnel avec un ou plusieurs hôpitaux faisant partie de l'association visée au 1º;

3º veiller à ce que les activités de soins proprement dites fassent l'objet d'une évaluation régulière concertée avec les dispensateurs de soins de première ligne, par le biais de l'enregistrement des actes médicaux, médico-techniques et infirmiers effectués.

Cet enregistrement doit faire apparaître la pertinence des actes techniques effectués et la durée du traitement;

4º établir un rapport annuel à l'intention du Comité de l'assurance auprès du Service des soins de santé de l'INAMI décrivant les activités de l'équipe de soutien, le nombre de patients pris en charge, le type et la durée des prestations administrées ainsi que la formation continue suivie par les membres de l'équipe.

Art. 11

L'équipe de soutien est financée conformément aux articles 22 et 23 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 portant coordination de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités.

Les conditions énumérées dans la présente loi constituent des critères minima auxquelles les conventions visées aux articles 22 et 23 de la loi précitée du 14 juillet 1994 doivent satisfaire.

Art. 12

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1999.

Les équipes de soutien existant depuis le 1er janvier 1997, peuvent bénéficier du financement prévu à l'article 10 dès le 1er janvier 1999 à condition de satisfaire aux critères prévus dans la présente loi pour le 31 décembre 1999 au plus tard.

Magdeleine WILLAME-BOONEN.
Andrée DELCOURT-PÊTRE.
Hubert CHANTRAINE.