1-172

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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCES DU JEUDI 12 MARS 1998

VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 12 MAART 1998

(Vervolg-Suite)

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE MME DARDENNE AU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS SUR « LA PRÉSENCE DE SUBSTANCES RADIOACTIVES DANS DES DÉTECTEURS DE FUMÉE »

VRAAG OM UITLEG VAN MEVROUW DARDENNE AAN DE VICE-EERSTE MINISTER EN MINISTER VAN ECONOMIE EN TELECOMMUNICATIE OVER « DE AANWEZIGHEID VAN RADIOACTIEVE STOFFEN IN ROOKMELDERS »

M. le président. ­ L'ordre du jour appelle la demande d'explications de Mme Dardenne au vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications.

La parole est à Mme Dardenne.

Mme Dardenne (Écolo). ­ Monsieur le président, je me permets de transformer une question écrite datant du 19 septembre 1997 en demande d'explications vu le délai très long pour obtenir une réponse. Il est vrai que j'ai reçu, respectivement aux mois de janvier et de mars, deux réponses à des questions que j'avais posées en 1996. Cette situation me paraît tout de même anormale, monsieur le vice-Premier ministre.

Cela dit, le problème des détecteurs de fumée à base de substances radioactives me paraît extrêmement important étant donné le nombre de tels appareils actuellement sur le marché. À ce sujet, un des éléments les plus intéressants de la réponse que vous m'adressiez le 3 décembre 1996 est le suivant : « Les détecteurs de fumée contenant des substances radioactives sont soumis à l'obligation de sécurité visée par la loi du 9 février 1994 relative à la sécurité des consommateurs. » Vous me disiez également que vous deviez consulter la Commission de la sécurité des consommateurs avant de prendre un arrêté et que vous aviez demandé l'avis de cette instance.

Depuis lors, cet avis a-t-il été rendu ? Dans l'affirmative, pouvez-vous m'en communiquer la teneur et, éventuellement, le texte complet ? Comptez-vous prendre des mesures en matière d'étiquetage, notamment pour signaler aux consommateurs les problèmes posés par ces détecteurs en tant que déchets ? À mes yeux, c'est essentiellement à ce niveau que le problème se pose, sachant que ces détecteurs contiennent de l'americium 241, un émetteur alpha dont on sait qu'il a une demi-vie très longue et qu'il n'est pas du tout inoffensif!

Dans votre réponse, vous me détailliez longuement la procédure à suivre en matière de gestion de ce type de déchets radioactifs. Mais il s'agit là de la théorie que tout le monde peut trouver dans les rapport de l'O.N.D.R.A.F. Ce qui m'intéresse, c'est de connaître la pratique réelle en ce domaine. Peut-on disposer des données de l'O.N.D.R.A.F. sur le nombre des détecteurs récupérés, afin de voir si la théorie est bien mise en pratique ? Pourrait-on également connaître le nombre de demandes pour prise en charge, comme cela est prévu, de déchets non conditionnés ?

Le dossier Actua ­ le périodique de l'O.N.D.R.A.F. ­ de mars 1997, fait état du fait que plus de la moitié des 175 000 détecteurs installés chaque année en Belgique par Wormald ­ une seule des sociétés concernées ­ sont des appareils à ionisation. Peut-on connaître le nombre de tels détecteurs mis en place chaque année en Belgique ? A-t-on une idée de leur nombre pour les dix dernières années ?

Toujours dans votre réponse, vous disiez également : « Quant aux solutions alternatives, pour éviter l'usage de sources radioactives, j'ai l'intention de demander à la Commission de la sécurité des consommateurs précitée d'émettre un avis motivé à ce sujet. » Avez-vous demandé cet avis ? Dispose-t-on déjà du résultat ?

Par ailleurs, je viens d'avoir connaissance d'un projet de rapport final de juin 1997 de la Commission européenne, division générale de l'Environnement, Sécurité nucléaire et Protection civile. Ce document intitulé « Minimisation des déchets dans le domaine des produits courants domestiques ou industriels ayant un contenu élevé en radionucléides » traite des détecteurs à base de substances radioactives. On peut y lire : « La technologie des détecteurs optiques a fortement évolué et présente aujourd'hui des performances équivalentes aux détecteurs ioniques. » Une des objections émises était précisément que les performances n'étaient pas équivalentes.

Par ailleurs, même d'un point de vue économique, je pense qu'il y a une équivalence entre les deux produits.

De quelle manière comptez-vous favoriser la mise sur le marché des produits alternatifs ?

Le dossier Actua de mars 1997 fait par ailleurs état du coût de l'évacuation et du manque de spécificité des tarifs. Cela rejoint une des recommandations de la commission d'Information et d'Enquête en matière de sécurité nucléaire du Sénat dont le rapport final date de 1991. Quelle est la position du gouvernement par rapport aux quinze recommandations de la commission concernant les petits producteurs ? Pouvez-vous me donner un état des lieux de la situation ?

Je voudrais ajouter que le rapport de la Commission européenne dont je viens de parler précise que l'americum 241 n'est pas du tout inoffensif et que l'utilisation de ce type de détecteur présente certains dangers.

M. le président. ­ La parole est à M. Di Rupo, vice-Premier ministre.

M. Di Rupo, vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications. ­ Monsieur le président, je remercie Mme Dardenne pour sa nouvelle demande d'explications dont l'objet relève des compétences de plusieurs départements ministériels.

En outre, certains aspects de la question, notamment les recommandations de la commission d'Information et d'Enquête en matière de sécurité nucléaire du Sénat, demandent une analyse approfondie par des experts, analyse toujours en cours actuellement. Mes services attendaient d'en connaître toutes les conclusions pour finaliser la réponse à la dernière question écrite. Je vous donnerai ici les conclusions déjà disponibles.

J'attire l'attention de notre honorable collègue sur le fait que je réponds de mon mieux, mais les questions relatives à des statistiques et à des analyses longues et compliquées doivent se référer aux indications précises du règlement du Sénat.

J'en viens aux différents points de votre question.

Vous relevez tout d'abord les demandes d'avis de la Commission de la sécurité des consommateurs que j'évoquais dans ma réponse de décembre 1996.

Au moment de mettre en oeuvre ce projet et après l'avoir étudié en détail, mes services sont d'avis que les problèmes potentiels posés par les détecteurs de fumées ioniques ne peuvent pas être réglés sur la base de la loi du 9 février 1994 relative à la sécurité des consommateurs, malgré mon souhait de les consulter.

En effet, cette loi présente un caractère supplétif. Son article 9 prévoit explicitement que les mesures prévues par la loi ne peuvent pas être prises pour les produits ou services soumis à des dispositions législatives ou réglementaires particulières. Dans ce cas-ci, c'est du côté du règlement général de la protection de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des radiations ionisantes qu'il faut se tourner.

Ce règlement, comme vous le savez, relève de la compétence de mon collègue le ministre de l'intérieur. J'ai fait vérifier ce point et l'on me confirme que le Service de protection contre les radiations ionisantes est en charge de l'ensemble des questions de cette nature. Les détecteurs de fumées ioniques, leurs conditions d'autorisation préalable et les normes d'étiquetage assurant l'information du consommateur en font partie. Ces normes d'étiquetage sont d'ailleurs issues de recommandations internationales et sont donc appliquées de manière similaire dans les pays voisins.

En ce qui concerne les autorisations, les détecteurs de fumée sont des appareils dits « de classe IV ». Cela signifie que chaque installation ne fait pas l'objet d'une autorisation séparée : ce serait impossible en pratique. Les fabricants ou importateurs doivent demander l'autorisation des types de détecteurs qu'ils commercialisent. Pour de plus amples détails, je vous invite à questionner mon collègue le ministre de l'Intérieur.

Je vous rappelle que le Service de protection contre les radiations ionisantes est l'un des services qui sont sur le point d'être intégrés dans la nouvelle Agence fédérale de contrôle nucléaire.

La Commission de la sécurité des consommateurs n'avait donc pas malgré mon désir, à se prononcer sur la question des détecteurs de fumées ioniques.

Je reste cependant attentif à la question que vous avez soulevée. Dans le cadre de la création de l'Agence fédérale de contrôle nucléaire, il s'indique de favoriser une bonne coordination entre les services de l'agence et ceux pour lesquels je suis directement compétent, en particulier l'O.N.D.R.A.F.

Précisément, permettez-moi d'en venir aux aspects de votre question liés à la gestion des déchets radioactifs résultant du déclassement de ces détecteurs.

Vous relevez vous-même que ma réponse détaille longuement la procédure à suivre à cet égard. Est-ce de la théorie ? Je puis sans aucun problème vous informer sur la pratique réelle en ce domaine.

Le projet de réponse écrite qui a été préparé par mes services reprend le nombre de détecteurs déjà enlevés par l'O.N.D.R.A.F. Il serait trop long de vous citer ces chiffres oralement; ils vous seront communiqués. Je vous dirai seulement que, de 1990 à 1997, le nombre de détecteurs de fumée enlevés par l'O.N.D.R.A.F. augmente progressivement. De 300 en 1991, ce chiffre passait déjà à près de 6 000 pour l'année 1993. Il approchait les 13 000 pour la seule année 1997.

L'enlèvement a lieu selon la procédure qui a été établie par l'O.N.D.R.A.F. fin 1992 et qui, madame, vous a été décrite amplement dans ma réponse à votre question nº 90 du 11 octobre 1996.

Je dois admettre que le nombre total de détecteurs de fumée enlevés par l'O.N.D.R.A.F. est sans doute bien inférieur au nombre de détecteurs de fumée installés annuellement par différentes firmes. N'oubliez pas que seuls les détecteurs de fumée qui sont déclassés par leurs propriétaires sont enlevés. De plus, ces propriétaires doivent introduire une demande à l'O.N.D.R.A.F.

Dans la logique de la répartition des compétences que je vous ai expliquée, vos questions concernant les statistiques du nombre de détecteurs de fumée à ionisation installés en Belgique relèvent du ministre responsable. Je crois savoir que ses services disposent d'informations qu'ils pourraient vous fournir.

J'en viens à la dernière partie de votre question. Vous me demandez un état de la situation par rapport aux recommandations faites en 1991 par la commission d'Information et d'Enquête en matière de sécurité nucléaire du Sénat, à propos des petits producteurs. Nous changeons par conséquent de registre : il ne s'agit plus seulement des détecteurs de fumée mais de l'ensemble des petits producteurs de déchets radioactifs.

Les progrès réalisés depuis 1991 ont, dans une large mesure, rencontré les orientations qui étaient traduites dans ces recommandations. Je voudrais souligner que cette matière reste dominée par un souci de sécurité : toutes les exigences découlant notamment du règlement général de la protection de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des radiations ionisantes doivent être respectées.

Néanmoins, des efforts importants ont été entrepris pour réduire les tarifs imposés aux petits producteurs, je vous l'ai déjà indiqué dans ma première réponse écrite. Les transports sont effectués autant que possible de façon groupée; des emballages moins coûteux sont utilisés. Des centres d'entreposage de décroissance ont pu être créés dans un certain nombre de cas. Les déchets dont les demi-vies sont les plus courtes n'arrivent alors pas à l'O.N.D.R.A.F.

Pour les autres déchets, la tarification a été établie par catégorie. Chaque catégorie tient compte de la composition isotopique des déchets. La tarification est ainsi établie de façon à instaurer une certaine solidarité entre les différents producteurs. Chaque producteur paie le même tarif pour une catégorie donnée.

Certaines universités ont créé des centres de groupement pour leurs propres services. Elles permettent aussi aux instituts et entreprises avec lesquels elles sont en relation d'amener leurs déchets dans ces centres universitaires. Cette pratique n'est toutefois pas généralisée. Il n'est d'ailleurs pas prouvé que ces centres donnent lieu, dans tous les cas, à une diminution des coûts.

Les déchets des petits producteurs sont traités et conditionnés ­ chaque fois que le permet la technique ­ de façon à pouvoir évacuer, comme non radioactive, une partie aussi grande que possible de leur volume.

Je voudrais souligner que les tarifs des déchets des petits producteurs n'ont plus été adaptés depuis quelque temps déjà, hormis l'adaptation à l'inflation. Jusqu'en 1995, le déficit qui en résultait restait limité; il a pu être pris en charge par l'O.N.D.R.A.F. Pour la période 1996-2000, ce déficit s'accroîtra. À la suite de négociations, Electrabel a accepté de prendre en charge ces déficits à concurrence de 50 millions de francs maximum.

Je vous rappelle par ailleurs que le Fonds à long terme a été créé. Les tarifs des petits producteurs incluent une provision pour couvrir les coûts d'entreposage et d'évacuation à long terme. Les provisions ont été rassemblées à l'O.N.D.R.A.F. Leur montant sera transféré au Fonds à long terme. À l'avenir, les provisions devraient être versées dans ce Fonds au fur et à mesure de l'arrivée des déchets des petits comme des gros producteurs.

Comme je vous l'ai déjà indiqué, la création de l'Agence fédérale de contrôle nucléaire nous permettra d'améliorer la coordination avec l'O.N.D.R.A.F., notamment pour la transmission des informations. Toutes les autorisations d'exploitation devront être portées à la connaissance de l'O.N.D.R.A.F.

Je voudrais encore vous signaler que l'O.N.D.R.A.F. reçoit des petits producteurs les plus importants un aperçu annuel des quantités de déchets produits et des transports qui ont eu lieu. Une telle méthode de travail ne peut cependant pas être imposée de manière systématique à tous les petits producteurs. Leur production est parfois trop irrégulière. Dans ces cas, ils doivent se faire connaître par l'O.N.D.R.A.F. et lui fournir l'information nécessaire.

La commission recommandait un inventaire des générateurs d'isotopes installés en Belgique. L'O.N.D.R.A.F. en disposera d'ici peu. Il a en effet reçu une mission générale d'inventaire, à mon initiative, en vertu de l'article 9 de la loi-programme du 12 décembre 1997. Cette mission, je vous le rappelle, porte sur toutes les installations nucléaires et sur tous les sites contenant des substances radioactives. L'inventaire devra être mis à jour tous les cinq ans et l'O.N.D.R.A.F. recevra copie des autorisations d'exploitation des nouveaux générateurs d'isotopes installés sur le territoire belge.

J'espère, madame, que ces quelques indications auront pu répondre à votre préoccupation. D'autres, plus techniques, ont été rassemblées par mes services. Je me propose de vous les transmettre directement.

M. le président. ­ La parole est à Mme Dardenne.

Mme Dardenne (Écolo). ­ Monsieur le président, il me semble que le vice-Premier ministre n'a pas abordé l'élément essentiel dans sa réponse. En effet le problème ne porte pas tellement sur les producteurs; il réside plutôt dans le fait que ces détecteurs de fumée se retrouvent chez les particuliers et qu'ils sont en vente libre dans n'importe quel magasin et à des prix dérisoires, sans aucun étiquetage, sans aucune signalisation permettant de savoir qu'il s'agit d'une substance radioactive. Aucune indication n'est non plus prévue pour expliquer ce qu'il convient d'en faire au moment de leur fin de vie. Cela signifie qu'on les retrouvera dans toutes les décharges du pays, et ce en grandes quantités puisque l'on en produit et en installe des centaines de milliers par an.

Je souhaiterais que l'on prévoie un étiquetage minimum. Vous me renvoyez au ministre de l'Intérieur. Soit, je veux bien l'admettre.

Je vous ai interrogé sur la promotion de matériaux alternatifs, à savoir les détecteurs optiques. Mais vous ne me répondez absolument pas à ce sujet. Je me permets donc de vous conseiller la lecture du document européen que j'ai évoqué et qui propose des éléments de solution.

M. le président. ­ La parole est à M. Di Rupo, vice-Premier ministre.

M. Di Rupo, vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et des Télécommunications. ­ Je vous remercie Mme Dardenne des bons conseils que vous venez de me prodiguer.

M. le président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.