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Sénat de Belgique |
Belgische Senaat |
Annales des réunions publiques de commission |
Handelingen van de openbare commissievergaderingen |
COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES |
COMMISSIE VOOR DE FINANCIEN EN DE ECONOMISCHE AANGELEGENHEDEN |
SÉANCE DU MERCREDI 14 FÉVRIER 1996 |
VERGADERING VAN WOENSDAG 14 FEBRUARI 1996 |
Mme la Présidente. L'ordre du jour appelle la demande d'explications de M. Hatry au Vice-Premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur sur « le prescrit de la deuxième phase de l'Union économique et monétaire de l'Union européenne en matière d'indépendance de la Banque nationale de Belgique à l'égard du Gouvernement belge ».
La parole est à M. Hatry.
M. Hatry (PRL-FDF). Madame la Présidente, ma demande d'explications fait, bien entendu, partie d'une préoccupation beaucoup plus vaste, à savoir la préparation de l'entrée de notre pays dans la troisième phase de l'Union économique et monétaire, et la problématique de l'indépendance de notre institut d'émission n'en constitue qu'un des aspects.
Je ne pense pas qu'il y ait de véritable opposition entre, d'une part, le point de vue de la majorité et les objectifs poursuivis par le Gouvernement et, d'autre part, l'avis de l'opposition quant au but à atteindre. Des divergences surgiraient plutôt en ce qui concerne les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif.
Dans le contexte de la demande d'explications que je formule aujourd'hui, nos points de vue divergent essentiellement sur l'image qu'il conviendrait de donner à notre pays en ce qui concerne son aptitude à faire partie du premier groupe de pays qui devraient entrer dans la troisième phase de l'Union économique et monétaire.
En fait, j'ai le sentiment que la politique de relations publiques suivie par le Gouvernement est totalement insuffisante.
Le Premier ministre et chacun des ministres dans leur domaine appliquent la méthode Coué en indiquant que nous sommes capables, ou le serons bientôt, de satisfaire aux exigences du traité, sauf peut-être en ce qui concerne le critère du déficit des dépenses publiques qui, lui, serait en ordre au niveau de 3 p.c. en 1997. En tout cas, en ce qui concerne la dette publique, c'est impossible. Malheureusement, cette méthode se heurte de plus en plus à des réticences de différents ordres de la part de nos partenaires européens.
Je voudrais rappeler au ministre l'échange de propos que nous avons eu au sujet de la conférence de presse du commissaire européen, de Silgui où il apparaît que celui-ci reconnaît que la Belgique fait un effort et pourrait faire partie moyennant cet effort du premier groupe de pays, tout en nous classant dans la même catégorie que la Suède, ce qui est très flatteur pour la Suède mais pas tellement pour notre pays.
M. Maystadt, Vice-Premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur. Ou la France.
M. Hatry (PRL-FDF). Oui, mais la France manifestement, en raison de son dérapage budgétaire récent, ne constitue pas non plus une référence flatteuse pour notre pays.
Pourtant, il est clair que si la France ne fait pas partie du premier groupe de pays, la première phase n'interviendra pas. Je reviendrai sur ce point dans le cadre de la conclusion de mon intervention.
Cela étant, depuis quelques mois, des propos inquiétants se répandent de plus en plus concernant la Belgique. Des critiques ont notamment été émises par le ministre des Finances néerlandais, M. Zalm, ainsi que par le gouverneur de la Nederlandse Bank, M. Duisenberg. Un grand ami de la Belgique, le premier ministre luxembourgeois, M. Jean-Claude Juncker a dit, à l'occasion de la conférence qu'il a donnée à l'IRRI, l'Institut royal des relations internationales, et lors d'une interview accordée au journal L'Echo, qu'il souhaitait que la Belgique fasse en tout cas partie du premier groupe de pays qui participeraient à l'Union économique et monétaire et adhéreraient à l'Euro. M. Juncker a précisé que s'il n'en allait pas de la sorte, le franc luxembourgeois se désolidariserait inévitablement du franc belge. De tels propos ne sont naturellement pas agréables à entendre. Tout récemment, lors du symposium de Davos, le chef de groupe CDU-CSU du Bundestag l'équivalent du PSC-CVP en Belgique M. Schäuble, a déclaré qu'il ne pensait pas que la Belgique ferait partie du premier groupe de pays qui adhéreront à l'Euro.
En d'autres termes, des rumeurs de plus en plus persistantes émanant de décideurs politiques d'autres pays dont l'aptitude à faire partie de ce premier groupe ne fait aucun doute s'opposent à l'optimisme peut-être un peu forcé de notre Gouvernement. Cela est inquiétant, même si la politique de relations publiques pratiquée par le Gouvernement tend à démontrer que la Belgique déploie les efforts requis, qu'à une exception près elle sera en mesure de respecter tous les critères de convergence et qu'il serait, dès lors, inconcevable qu'à une date à déterminer, elle ne fasse pas partie du premier groupe de pays qui adhéreront à l'Euro.
Par ailleurs, dans ce contexte général, les informations concernant notre institut d'émission ne sont pas très rassurantes quant à son image. J'ai eu l'occasion d'interpeller le ministre des Finances sur le caractère inopportun des déclarations prêtées au gouverneur de la Banque nationale de Belgique le 2 mars 1993. Depuis lors, j'ai constaté que l'indépendance réciproque de la banque et du Gouvernement a été remise en question à de nombreuses reprises par des prises de position publiques du gouverneur en faveur de la politique gouvernementale. Par conséquent, je pense que, s'il existe un lien de dépendance, il s'exerce à l'inverse de celui constaté dans d'autres pays. Ce n'est pas la Banque nationale qui dépend du Gouvernement, c'est le Gouvernement qui dépend de la Banque nationale. Un tel fait doit être rappelé. En effet, le travail de préparation des avis d'organisations internationales OCDE, Fonds monétaire international, Commission européenne effectué par la banque sur la politique économique, financière et monétaire du Gouvernement est toujours précédé de concertations, voire d'une approbation préalable de la banque. Ce lien réciproque donne, bien entendu, au gouverneur et à la banque l'occasion d'exprimer leurs sympathies bien connues. D'aucuns ont même estimé que la dissolution anticipée des Chambres, qui a conduit aux élections du 21 mai 1995, reposait sur un avis favorable sur la situation économique émis par la Banque nationale. Ces exemples prouvent clairement l'incidence hautement politique du comportement de la banque.
Ces éléments d'appréciation résultent des indices en matière de comportement dans la vie politique, économique et sociale. Ils ne constituent pas pour autant une analyse scientifique.
Mais, hormis ces éléments factuels, on peut trouver aujourd'hui une série d'études internationales conduisant également à mettre en doute la réalité de l'indépendance accordée à la banque nationale en vertu des lois adoptées entre 1989 et 1993 par le Parlement, lesquelles modifiaient fondamentalement le fonctionnement de l'institution par rapport au rôle du Gouvernement. Aujourd'hui, ces études scientifiques laissent toujours planer un doute bien que certaines d'entre elles soient fondées sur des éléments antérieurs à ces lois de réforme.
À ce sujet, une première offensive s'est développée dans le courant du mois d'août 1995. La presse a rendu compte d'une étude effectuée par MMS International, société d'analyse économique filiale de l'agence Standard and Poor, classant les banques d'émission en fonction de leur degré d'indépendance par rapport au pouvoir politique. La Banque nationale belge occupe le dix-neuvième rang dans le classement final sur 20 établissements. Cette étude a débouché sur un constat surprenant contre lequel la Banque nationale s'est insurgée. Les auteurs ont rétorqué que leur travail se basait sur plusieurs critères relatifs au cadre juridique et statutaire des banques centrales, au rythme de rotation des directeurs, gouverneurs ou régents, aux réponses données par les experts financiers et monétaires à une série de questions portant sur des aspects informels du fonctionnement de ces institutions, liées à des traditions et au degré de personnalisation de leurs directions.
En ce qui concerne le degré d'indépendance, la Bundesbank allemande figure au premier rang. Elle est suivie de la Suisse, de l'Autriche, du Danemark, des États-Unis, de l'Irlande, des Pays-Bas, du Canada, du Luxembourg, de la France, de l'Italie de la Finlande, de la Suède, de la Grande-Bretagne où l'indépendance, en raison de l'opting out , n'est pas du tout assurée pour la banque d'émission , l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, l'Espagne, la Belgique, la dix-neuvième place, la Norvège occupant la vingtième et dernière place.
Ce classement a, à juste titre, choqué la Banque nationale. Cependant, les auteurs de l'étude ont répondu à une demande complémentaire d'information; je cite l'article paru fin août dans le journal De Standaard sous le titre : « De Nationale Bank van België is eigenlijk geen centrale bank. »
En fait, la Banque nationale se contentant de répercuter à l'échelon belge les positions arrêtées par la Deutsche Bundesbank , elle est considérée par l'auteur de l'étude de MMS comme ne jouant même plus le rôle de banque centrale, ce qui explique la triste position qui est la sienne dans la liste que je viens de citer. Cet épisode démontre le manque de crédibilité affectant notre institution monétaire suprême aux yeux de l'étranger.
Plus grave encore, une étude sérieuse, complète, récente, utilisant de très nombreux critères d'indépendance, a été réalisée sur ce thème en 1995 par un économiste attaché à la banque d'Espagne, M. Santiago Fernandez de Lis. Une traduction française de cet article a été publiée par la revue Problèmes économiques datée du 29 novembre 1995. Son importance est d'autant plus grande qu'il s'agit d'une étude synthétisant les travaux analogues antérieurs, une « étude d'études » parmi lesquelles six sont considérées par l'auteur comme des études fondamentales.
Les critères d'indépendance sont regroupés en cinq grandes catégories : premièrement, la dépendance fonctionnelle et les responsabilités, deuxièmement, la structure des organes dirigeants et leurs liens avec le pouvoir politique, troisièmement, l'indépendance économique, quatrièmement, les fonctions autres que la gestion de la politique monétaire et le degré d'indépendance de celles-ci, cinquièmement, d'autres critères d'indépendance de l'institut d'émission.
En ce qui concerne la première catégorie, les éléments suivants sont pris en considération : l'organe de définition de la politique monétaire s'agit-il du Gouvernement ou de la banque ? , la dépendance formelle, les dispositions relatives à la résolution des conflits comment tranche-t-on les conflits éventuels survenant entre l'institut d'émission et le Gouvernement ? , les objectifs statutaires de la banque, la responsabilité en matière de démocratie, le contrôle de la politique monétaire. Celui-ci est-il du seul ressort de la banque ou des institutions politiques ? Par ailleurs, comment la banque est-elle réformée si cela s'avère nécessaire ?
Quant à la désignation des organes dirigeants, les éléments suivants sont pris en considération : leur composition, le choix, la durée du mandat, sa qualification, le renouvellement des mandats et la révocation des dirigeants. Je voudrais faire remarquer à cet égard que la composition, notamment, du comité de direction ne reflète plus du tout le rapport de forces existant au sein de la vie politique, sociale et économique belge, dans laquelle l'opposition libérale est très importante. Au comité de direction, cette présence n'est plus guère assurée que de façon tout à fait marginale.
En matière d'indépendance économique, interviennent bien entendu les limites au financement procuré au Gouvernement, l'indépendance budgétaire et la distribution des bénéfices. Vous vous rendez bien compte que, dans ce contexte en tout cas, le lien est particulièrement étroit malgré les réformes entre 1989 et 1993 notamment en ce qui concerne la distribution des bénéfices qui, parmi les recettes non fiscales, représentent une contribution non négligeable pour l'État. En outre, malgré le fait que le financement direct du Gouvernement ne soit plus autorisé, d'autres formes de financement indirect peuvent être mises en oeuvre.
Quant à la quatrième catégorie, elle concerne le rôle éventuel de l'institut d'émission dans le contrôle des banques en fait, ce rôle est assuré par la commission bancaire et financière et la politique de change, définie par le Gouvernement. Il est également possible de vérifier si, dans une série de domaines, la banque constitue un auxiliaire de l'État, par exemple en ce qui concerne la production de statistiques, la centralisation des bilans, la protection des consommateurs de services bancaires, la sécurité des dépôts. Je vous fais grâce de la longue liste des services rendus, dans certains cas, par l'institut d'émission à l'État.
Enfin, parmi les autres critères d'indépendance figurent la publicité des débats et des délibérations des organes dirigeants, la composition de l'actionnariat de la Banque centrale, les publications et les déclarations publiques émanant des dirigeants de la banque et leur alignement sur la politique gouvernementale.
L'énumération à laquelle je viens de me livrer constitue la synthèse d'un article comprenant plusieurs dizaines de pages. Or, les résultats enregistrés par la Banque nationale de Belgique sont, une nouvelle fois, consternants.
Signalons toutefois que la période couverte est antérieure aux réformes de 1989 à 1993, c'est-à-dire à une époque où la dépendance était très nette et bien visible.
Je tiens à préciser que l'étude de Fernández de Lis à laquelle je me réfère est une synthèse de toutes les études existantes auxquelles l'auteur ajoute ses propres conclusions. En ce qui concerne l'indépendance de la Banque nationale de Belgique, selon les critères que je viens d'énoncer, les six études antérieures à celles de Fernández de Lis ont établi divers tableaux de classement. Il en ressort qu'une première étude classe la Banque nationale de Belgique huitième sur douze; une deuxième étude douzième sur douze; une troisième étude sixième sur douze; une quatrième étude quatorzième sur quinze; une cinquième étude huitième sur quatorze; une sixième étude huitième sur huit.
Outre cette synthèse des études antérieures, Fernández de Lis a réalisé sa propre étude dont les résultats sont parus en 1995, c'est-à-dire après l'entrée en vigueur des réformes de 1989 et 1993. L'auteur y fait quatre classements. Dans trois de ces classements, la Belgique est treizième sur quinze tandis que dans un classement elle est onzième sur quinze.
Je souligne que ces différents classements résultent notamment de systèmes pondérés selon l'importance des banques d'émission. C'est ainsi que dans un calcul pondéré, la Bundesbank , par exemple, pèse beaucoup plus lourd que la banque d'émission du Danemark, pour citer le cas d'un petit pays.
L'étude de Fernández de Lis est donc extrêmement peu flatteuse à l'égard de la position de notre pays. Si l'on considère les quinze pays de l'Union européenne, tous sont mieux placés que la Belgique en ce qui concerne la question de l'indépendance, sauf la Suède pour un classement et l'Espagne pour trois classements. En dehors de la Communauté européenne, seuls la Nouvelle-Zélande et le Japon sont moins bien classés que la Belgique du point de vue de l'objet de notre analyse.
Je ne souhaite pas refaire ici un commentaire en profondeur de ce type de travail mais je tiens à mettre en évidence son effet de relations publiques. La Belgique aura déjà fort à faire pour entrer dans la troisième phase de l'Union économique et monétaire européenne, quelle que soit la date à laquelle on décidera de la réaliser. Dans cette optique, des études de ce genre apportent évidemment de l'eau au moulin de ceux qui affirment que la Belgique n'est pas prête. En tout cas, le Gouvernement devrait en tirer un enseignement.
Nous avons appris que le Premier ministre compte affecter des fonds importants aux informations relatives à la conférence intergouvernementale à l'intention du public. Ne serait-il pas plus sage d'affecter ces fonds à éclairer l'opinion publique tant belge qu'internationale quant au bien-fondé de la politique suivie pour notre adhésion à l'Union économique et monétaire ? C'est donc la manière dont le Gouvernement effectue la promotion de l'Union économique et monétaire qui me préoccupe. J'estime que la mauvaise réputation dont souffre la politique suivie par le Gouvernement, tant dans le public en général qu'au niveau de certains interlocuteurs sociaux et de nos partenaires européens, devrait pouvoir être corrigée par une information plus adéquate.
Il me semble que les montants importants consacrés aux informations relatives à une conférence intergouvernementale, dont personne ne connaît encore ni l'objet ni l'issue possible à l'heure actuelle, pourraient être mieux utilisés. Il serait à mon sens préférable d'éclairer l'opinion publique belge et internationale sur notre position, sur les efforts que nous accomplissons et qui sont imposés à la population oserai-je dire à juste titre ? pour atteindre cet objectif vital pour la Belgique de faire partie du premier groupe de pays qui entreront dans l'Union économique et monétaire entre le 1er janvier 1997 et le 1er janvier 1999.
Personnellement, monsieur le Vice-Premier ministre, je ne pense pas que le calendrier, souvent évoqué avec l'échéance du 1er janvier 1999, pourra être respecté. Au fur et à mesure de l'approche du 1er janvier 1999, les perturbations monétaires à l'encontre des monnaies jugées faibles, au profit des fortes, seront telles dans le monde que le calendrier préétabli, auquel tous les gouvernements adhèrent aujourd'hui officiellement, ne pourra être honoré.
Par conséquent, je suis persuadé qu'à un moment donné entre le 1er janvier 1997 et le 1er janvier 1999, à la condition que les huit pays partenaires qui soutiennent l'Union économique et monétaire et dont les critères de convergence sont satisfaisants en décident, la troisième phase pourra être réalisée.
Si l'information, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays est bien diffusée, nous ne serons pas rejetés de cette Union économique et monétaire qui devrait être réalisée à la majorité des pays européens avant le 1er janvier 1999.
Tels sont les commentaires que je désirais formuler à l'égard de cette mauvaise image de la banque d'émission de notre pays dans le monde, image qui risque encore de s'aggraver.
Personnellement, je préconise que nous accomplissions un important effort d'information pour que cette Union économique et monétaire ne soit pas perçue comme un désastre, comme c'est le cas à l'heure actuelle, et que nous ne soyons pas rejetés par nos partenaires par des études comme celles que j'ai évoquées. Il serait en effet extrêmement préjudiciable à notre pays que l'un des objectifs essentiels, auquel nous avons consacré tant d'efforts depuis si longtemps, ne puisse pas être atteint au moment où nos partenaires entreront dans cette troisième phase.
Mme la Présidente. La parole est à M. Maystadt, Vice-Premier ministre.
M. Maystadt, Vice-Premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur. Madame la Présidente, je partage la préoccupation de M. Hatry, quant à l'objectif poursuivi. Il est évident que nous devons tout mettre en oeuvre pour faire partie du premier groupe de pays participant à l'Union économique et monétaire et expliquer le mieux possible l'importance des enjeux. Par contre, je ne partage pas son appréciation quant à l'état actuel de notre position. Nos partenaires sont de plus en plus convaincus que nous répondrons aux critères imposés, y compris en Allemagne, où l'on commence à découvrir que le texte du Traité de Maastricht doit être lu dans son ensemble.
C'est le Conseil européen qui portera une appréciation sur la manière dont les différents États membres rencontrent les critères prévus. Toutefois, aux termes mêmes du Traité, il ne s'agit pas d'une application mécanique du texte et le Conseil européen est explicitement invité à tenir compte de tous les facteurs pertinents, y compris des perspectives à moyen terme des États membres concernés.
Il est donc important pour nous de démontrer et je suis convaincu que nous y parviendrons que nous avons enclenché un processus structurel de diminution du poids de la dette par rapport au produit intérieur brut.
J'en viens aux éléments qui ont plus particulièrement retenu votre attention, à savoir d'éventuels jugements sur l'indépendance de la Banque nationale belge à l'égard du Gouvernement.
Il n'entre pas dans mon intention de me prononcer sur le caractère judicieux ou non des critères utilisés dans des études, souvent réalisées par des économistes éminents, pour apprécier l'indépendance des banques centrales. Chaque auteur propose ses critères et donne une note plus ou moins favorable à telle ou telle banque centrale. Ces jugements sont loin d'être concordants, parce qu'ils dépendent de la pondération attribuée à chacun des critères et des éléments pris en considération : les dispositions légales ou statutaires, la pratique, la période d'analyse, etc. Certaines banques centrales de pays importants sont mieux connues que d'autres. Pour une banque centrale comme la nôtre, le jugement est souvent basé sur une interprétation purement livresque de textes anciens, les modifications intervenues échappant à l'attention des observateurs. L'étude de l'économiste de la Banque d'Espagne, à savoir « l'étude des études », fort intéressante d'ailleurs, constate elle-même ce phénomène.
Ainsi, par exemple, aucune des études comparées par M. Fernández de Lis ne tient compte, pour le classement, de la réforme intervenue en 1989 en Nouvelle-Zélande, ni de celle réalisée par la France en 1993. M. Fernández de Lis montre, avec une remarquable honnêteté intellectuelle, les limites de l'exercice auquel il s'est livré. Il précise qu'il convient d'être prudent en la matière, ajoutant : « Le concept même d'indépendance demeure obscur. Il est possible d'aborder les différentes formes que peut recouvrir l'indépendance selon des niveaux de précision très distincts. » L'article commence donc par une solide mise en garde.
En ce qui concerne la situation belge, vous n'ignorez pas, monsieur Hatry, que le législateur a, par la loi du 22 mars 1993, réalisé un pas considérable dans la voie de l'indépendance de la Banque centrale. Il s'agit d'une législation relativement récente dont les diverses études ne tiennent pas compte. Mais telle est la réalité juridique aujourd'hui.
La loi du 22 mars 1993 a, pour mettre en oeuvre l'article 104 du Traité de Maastricht, interdit le financement monétaire du Trésor par la Banque, mais elle ne s'est pas arrêtée là.
D'une part, elle a profondément modifié les pouvoirs du commissaire du Gouvernement auprès de la Banque, en lui enlevant tout contrôle d'opportunité sur les décisions de la Banque en ce qui concerne : la définition et la mise en oeuvre de la politique monétaire du pays; la conduite des opérations de change conformément aux dispositions de change applicables au franc; la détention et la gestion des réserves officielles de change et la promotion du bon fonctionnement des systèmes de paiement.
Ainsi, se trouvaient du même coup définies les missions essentielles de la Banque et créées les conditions de l'indépendance de celle-ci pour leur exercice.
D'autre part, la loi a renforcé considérablement les incompatibilités entre les fonctions de gouverneur, vice-gouverneur, directeur, régent ou censeur et des mandats politiques au niveau fédéral, communautaire ou régional. Elle a étendu ces incompatibilités jusqu'aux fonctions de chef de cabinet des gouvernements à tous les niveaux de pouvoir.
En outre, la loi a prévu une procédure plus expéditive pour adapter les statuts de la Banque aux modifications imposées, notamment, par le Traité de Maastricht.
Reste, il est vrai, à procéder à une adaptation des dispositions organiques de la Banque nationale, en vue non seulement de réaliser l'indépendance, selon les critères que l'Institut monétaire européen soumet actuellement à un examen approfondi, mais aussi en vue de se conformer au prescrit de l'article 108 du Traité selon lequel « chaque État membre veille à la compatibilité de sa législation nationale, y compris les statuts de sa banque centrale nationale, avec le présent traité et les statuts du Système européen de banques centrales, et ce au plus tard à la date de la mise en place du Système européen de banques centrales ».
L'honorable membre se souviendra qu'en présentant au Parlement le projet de loi qui allait devenir la loi du 23 décembre 1988 portant, notamment, des dispositions relatives au statut monétaire et à la Banque nationale, j'indiquais : « Les progrès de l'Union économique et monétaire au sein de la Communauté européenne nécessiteront une réflexion relative à la structure, aux pouvoirs et aux opérations des banques centrales nationales. »
Cette tâche devra, pour ce qui concerne la Belgique, être accomplie dans les délais prévus par le Traité de Maastricht.
L'article 109 E, paragraphe 5, fait obligation à chaque État membre, dès la deuxième phase, d'entamer le processus conduisant à l'indépendance de sa banque centrale, conformément à l'article 108 précité.
Selon l'article 109 J, la compatibilité des législations nationales avec les exigences des articles 107 sur l'indépendance et 108, constitue un élément des rapports que tant la Commission européenne que l'Institut monétaire européen doivent faire au Conseil de l'Union européenne pour permettre, le cas échéant, la prise d'une décision sur l'entrée dans l'Union monétaire. Il importe que nous gardions ce calendrier à l'esprit. C'est au plus tard à la date de la mise en place du Système européen de banques centrales que, selon l'article 108, l'indépendance doit être réalisée. La mise en place de ce système précédera de quelques mois le début de la troisième phase. C'est donc au plus tard dans le courant de l'année 1998 que cette réforme devra être accomplie. Mais il me semble que notre législation devrait être mise en conformité avant que soient adoptés par la Commission européenne et par l'Institut monétaire européen les rapports permettant au Conseil de décider quels sont les États qui participeront, dès le départ, à l'Union monétaire. Comme le Conseil européen devrait se prononcer début 1998, ces rapports auxquels je viens de faire allusion seront préparés fin 1997. C'est donc avant fin 1997 que cette adaptation devrait avoir lieu.
Dès lors, le Gouvernement compte déposer, en temps utile soit cette année-ci encore un projet de loi de réforme de la loi organique de la Banque nationale de Belgique et, le cas échéant, d'autres dispositions législatives, tel le statut monétaire, étant entendu que pour certaines dispositions nouvelles, leur entrée en vigueur pourrait être reportée au début de la troisième phase de l'Union économique et monétaire.
Mme la Présidente. La parole est à M. Hatry.
M. Hatry (PRL-FDF). Madame la Présidente, je remercie le ministre des Finances de sa réponse qui montre en tout cas que ma question n'était pas inutile. Il aura la bonne grâce de reconnaître que j'avais moi-même formulé certaines réserves sur l'étude Fernández de Lis quand je disais qu'une partie des éléments sur lesquels elle se fondait datait d'avant la réforme de la Banque nationale de Belgique. La qualité scientifique de l'étude est moins significative mais le risque existe cependant de voir d'aucuns tirer de ce genre d'étude même si elle est basée sur des éléments dépassés des conclusions qui pourraient nuire à la Belgique dans son ambition de faire partie du premier groupe de pays entrant dans l'Union économique et monétaire lors de la mise en vigueur de la troisième phase. À cet égard, je me réjouis d'apprendre que le Gouvernement envisage une nouvelle adaptation de l'institution au prescrit du Traité de Maastricht, lequel impose encore une révision du fonctionnement des banques d'émission.
Le ministre n'a pas répondu à certaines de mes considérations, en particulier à la nécessité éventuelle de réfuter, par d'autres études par exemple, les conclusions de celle-ci ou de celle, réalisée en 1995, par Standard and Poor.
Puisque la banque d'émission dispose d'un important service d'études, il serait opportun qu'elle mette à l'examen ce type de problème et stimule éventuellement une recherche en son sein, recherche qui pourrait être une mise à jour de travaux qui ont été menés dans d'autres instituts d'émission. En effet, ce document provient d'un économiste de la Banque d'Espagne. Il conviendrait de pouvoir examiner sur la base des données les plus récentes la position réelle de la Banque nationale car force est de constater que toutes les études, que ce soit celle de Standard and Poor ou celle-ci, font état d'une mauvaise position de la Banque nationale belge. Cette dernière ne ferait-elle pas bien, plutôt que de se justifier par des plaidoyers pro domo , de mener elle aussi une étude scientifique en la matière ? Ne serait-ce pas là une suggestion à lui faire sans, bien entendu, porter atteinte à son indépendance ?
M. Maystadt, Vice-Premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur. Il serait préférable que cette étude soit menée après la modification de sa loi organique.
M. Hatry (PRL-FDF). Ce serait trop tard car ce genre d'études prend un certain temps.
M. Maystadt, Vice-Premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur. Elle pourrait l'entamer mais les conclusions seront plus favorables si elles sont rendues publiques après cette adaptation de la loi que je viens d'annoncer.
M. Hatry (PRL-FDF). J'aimerais encore demander à M. le Vice-Premier ministre de réagir à ma conclusion en ce qui concerne le calendrier qui a été fixé et qui prévoit que la date du 1er janvier 1999 marquera l'entrée en vigueur de la troisième phase. Cela me paraît intenable en raison des perturbations que subiront les marchés monétaires et financiers à l'approche de cette date.
À mes yeux, il est un scénario préférable. À une date indéterminée, à partir du 1er janvier 1997, la troisième phase pourrait être entamée avec une majorité de pays parmi les quinze. Si ceux-ci étaient par exemple au nombre de huit, il est évident que nous en ferions partie, mais il faudrait que le mouvement parte de l'axe Bonn-Paris qui pourrait prendre les devants pour réduire les perturbations inévitables qui se produiraient à l'approche du 1er janvier 1999. On pourrait imaginer après le 1er janvier 1997 qu'aux environs du 15 août, du 1er novembre ou du 25 décembre cela se pratique parfois , une réunion soit organisée qui rassemblerait les ministres des Finances et les gouverneurs des banques d'émission afin d'anticiper et d'éviter ainsi de dangereuses perturbations.
Telles sont les remarques que je tenais à faire, madame la présidente. J'espère que le Vice-Premier ministre pourra y réagir.
M. Maystadt, Vice-Premier ministre et ministre des Finances et du Commerce extérieur. Madame la Présidente, je m'en tiendrai au scénario prévu par le Traité de Maastricht et confirmé par le Conseil européen de Madrid.
M. Hatry (PRL-FDF). C'est une réponse, monsieur le Vice-Premier ministre, mais ce n'est pas celle que j'avais espérée.
Mme la Présidente. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.
Mesdames, messieurs, l'ordre du jour de la réunion publique de la commission des Finances et des Affaires économiques est ainsi épuisé.
De agenda van de openbare vergadering van de commissie voor de Financiën en de Economische Aangelegenheden is afgewerkt.
La séance est levée.
De vergadering is gesloten.
(La séance est levée à 11 heures.)
(De vergadering wordt gesloten om 11 uur.)