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SÉANCES DU JEUDI 3 JUILLET 1997 |
VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 3 JULI 1997 |
M. le président . L'ordre du jour appelle la question orale de M. Hatry au Premier ministre.
Mme la ministre Smet répondra en lieu et place du Premier ministre.
La parole est à M. Hatry.
M. Hatry (PRL-FDF). Monsieur le président, je voudrais d'abord déplorer que le Premier ministre prenne la fuite dans une affaire qui concerne son arrondissement, dans laquelle il est partie prenante et après avoir fait preuve déjà de partialité, par rapport à des événements analogues survenus en Wallonie. Je constate simplement qu'il ne veut pas répondre à une question qui le concerne personnellement dans sa localité, dans son arrondissement et probablement aussi dans son parti. Je veux parler bien entendu de Vilvorde. En dat betekent wat voor hem nietwaar ? Dus is hij natuurlijk afwezig wanneer het over zijn eigen problemen gaat.
Mon indignation n'est pas feinte, elle est réelle ! D'après les informations communiquées ce matin par les médias, un accord aurait été conclu dans la nuit du 2 au 3 juillet concernant Renault-Vilvorde. Ces informations semblent indiquer que l'accord prévoit des mises à la prépension à 48 ans 48 ans, j'insiste et qui prendraient cours à l'âge de 50 ans, après deux années de chômage économique. Cela revient à dire qu'à partir de là, l'on est à charge de la collectivité jusqu'à la fin de ses jours, soit des dizaines d'années d'inactivité forcée !
L'accord comporte également une opération de chômage économique de deux ans pour l'ensemble des ouvriers occupés sur le site. Cet élément est aussi totalement inhabituel.
Ces dispositions, exorbitantes dans le cadre du droit social normal, ont pour effet principal de mettre à charge du contribuable belge le coût de la fermeture du site de Renault-Vilvorde, par le biais des allocations de chômage, au lieu de le faire supporter par l'entreprise.
Ces mesures sont d'ailleurs excessives à d'autres niveaux, je pense au code de comportement des multinationales, élaboré par l'Organisation de Coopération et de Développement économique, l'O.C.D.E. Selon ce code, accepté par toutes les multinationales du secteur de l'automobile, y compris Renault, c'est la maison-mère qui supporte les coûts sociaux de ses filiales. Or, Renault maison-mère n'est en rien une entreprise en difficulté. Renault est un de ces grands constructeurs automobiles et si cette entreprise passe peut-être par une phase délicate, elle n'a cependant aucunement besoin des subsides du contribuable belge pour se débarrasser de son problème social en Belgique.
Telles sont les données du problème. Si les informations que j'ai entendues, ce matin, à la radio se vérifient, compte tenu des finesses de notre législation sociale, un véritable scandale se prépare en Belgique. En fait, c'est nous qui subsidions Renault pour permettre à ses ouvriers de maintenir leurs « activités » telles que nettoyage, entretien de conteneurs et autres farces et attrapes, au lieu de pouvoir se livrer à des travaux dignes de leurs qualifications. (Applaudissements.)
J'en viens aux trois questions que je souhaitais poser au Premier ministre.
Premièrement, peut-il confirmer que les dispositions sociales mentionnées au début de mon intervention ont bien été conclues entre les parties durant la nuit du 2 au 3 juillet 1997 ? Inutile de me rétorquer qu'il y avait des conciliateurs ! Leur seul rôle est de concilier et non de faire respecter les règles budgétaires du gouvernement.
Deuxièmement, le Premier ministre compte-t-il marquer son approbation à ces mesures qui nous font payer la prétendue générosité, la générosité apparente du groupe Renault et celle du Premier ministre Jospin ? Permettez-moi de citer les propos tenus par ce dernier il y a vingt-quatre heures à peine : « Pas de licenciement sec. » On sait maintenant de quoi il parle, puisque les engagements du gouvernement français sont payés par le contribuable belge. Ce qui se prépare est un véritable scandale, et il faut intervenir aujourd'hui-même et non dans huit jours.
Troisièmement, notre Premier ministre évanescent et absent compte-t-il invoquer à l'O.C.D.E. le code de comportement des multinationales comme l'avaient fait le ministre Eyskens et le ministre Hansenne dans d'autres cas de fermeture qui n'étaient pas conformes à ce code afin de faire supporter le coût des indemnités de chômage par Renault ?
Monsieur le président, pour conclure, je désire une fois encore protester énergiquement contre le départ du Premier ministre, départ qui ressemble fortement à une fuite.
M. le président. La parole est à Mme Smet, ministre.
Mme Smet, ministre de l'Emploi et du Travail, chargée de la Politique d'égalité des chances entre hommes et femmes. Monsieur le président, je commencerai par féliciter le négociateur social qui, dans des circonstances très difficiles, est arrivé à un accord provisoire que je soutiens.
Ce matin, à six heures, les lignes de force provisoires d'un plan social pour Renault-Vilvorde ont été décidées au bureau de conciliation de la commission paritaire pour le secteur du métal. Elles seront proposées par les trois organisations syndicales à l'assemblée générale du personnel prévue pour demain, vendredi 4 juillet, et le lundi 7 juillet, une réunion de la commission paritaire sera consacrée à leur développement en vue d'établir un plan social global.
Ces lignes de force provisoires partent du principe qu'une solution doit être trouvée pour tous les travailleurs dans un délai de 24 mois.
Dans ce cadre, la cellule pour l'emploi occupe une position centrale. Elle a pour objectif d'assurer un accompagnement collectif et individuel, tant au plan interne qu'externe, et de faire de la prospection afin de procurer un nouvel emploi à un maximum de travailleurs.
Outre la création de cette cellule d'accompagnement, il est proposé d'inscrire les travailleurs chez Renault-Vilvorde pendant dix-huit mois, période prolongeable de six mois, et d'instaurer un système de treize semaines de chômage temporaires suivies d'une semaine de travail. Pendant cette période de chômage temporaire, les travailleurs concernés perçoivent en plus de l'allocation de chômage de 180 francs par jour, à charge du Fonds de sécurité d'existence du secteur du métal, une indemnité de 10 000 francs par mois à charge de Renault-Vilvorde.
De telles dérogations à la règle générale du chômage temporaire pour quatre semaines sont régulièrement accordées, et ce toujours à la demande des commissions paritaires concernées. La question d'une prolongation de la période complète de chômage temporaire de quatre à treize semaines, et ce pour une période de 18 à 24 mois, n'est donc pas exceptionnelle, au contraire. Un tel système de chômage temporaire accroît les chances de réussite d'une cellule pour l'emploi, étant donné qu'un lien persiste entre le chômeur et l'entreprise.
Par ailleurs, il est erroné de dire que l'instauration d'un tel système de chômage temporaire permet à la direction de Renault-Vilvorde de transférer le coût social des licenciements vers la sécurité sociale. Il a en effet été convenu que Renault paie une indemnité de 10 000 francs par mois, et ce pendant la totalité de la période de chômage temporaire. En outre, les travailleurs perçoivent, au cours de cette période de chômage temporaire, une indemnité de chômage comparable à l'indemnité à laquelle ils auraient eu droit s'ils avaient été licenciés directement. Le coût supporté par le chômage est donc moins important qu'en cas de chômage complet.
Il est important de souligner que l'instauration d'un tel système accroît les chances de réinsertion de ce groupe de travailleurs, et ce grâce à la mise en place d'une cellule d'accompagnement efficace qui assurera un suivi individuel et collectif.
Par ailleurs, Renault-Vilvorde a tout intérêt à enregistrer au plus vite des résultats, c'est-à-dire à créer de nouveaux emplois, étant donné que l'entreprise est redevable des cotisations sociales trimestrielles tant que les travailleurs sont en chômage temporaire.
La proposition comporte également un volet relatif à la prépension. Il convient de préciser que seules sont appliquées les possibilités existantes dans le cadre du système des entreprises en restructuration. Il s'agit d'un système habituel et non exceptionnel. Il prévoit que les entreprises confrontées à un licenciement collectif de grande envergure ce qui est le cas de Renault-Vilvorde ont la possibilité d'accorder la prépension à partir de l'âge de 50 ans, et ce pour une période de deux ans au maximum. Il importe de noter à cet égard que la responsabilité financière de l'employeur dans un système de ce type est très importante. Ainsi, outre l'indemnité complémentaire à l'allocation de chômage, fixée dans la proposition à 60 % de la différence entre l'allocation de chômage et le salaire net la loi impose 50 % mais Renault accordera 60 % il doit payer une cotisation patronale mensuelle de 4 500 francs par prépensionné à l'O.N.Em. ainsi qu'une cotisation patronale mensuelle de 750 francs par prépensionné à l'O.N.P.
Ces deux cotisations patronales sont dues aussi longtemps que les travailleurs demeurent dans le régime de la prépension. En ce qui concerne le coût supporté par l'O.N.Em., tous les prépensionnés reçoivent une allocation de chômage de 60 %.
Quant aux chômeurs âgés si les travailleurs ne sont pas prépensionnés, ils sont considérés comme chômeurs âgés il s'agit des travailleurs de plus de 50 ans qui seraient licenciés sans pouvoir bénéficier du régime de la prépension.
Les prépensionnés ne représenteront pas un surcoût pour l'O.N.Em. étant donné que les allocations de chômage pour les chômeurs âgés sont fixées à 60 %, plus 3 500 francs pour les chefs de famille, à 60 % pour les isolés et 45 à 55 % pour les cohabitants.
En conclusion, le coût de la prépension conventionnelle pour le chômage est inférieur à celui qu'il aurait dû supporter si tous les travailleurs avaient été simplement licenciés, étant donné que les allocations de chômage sont quasiment identiques et que l'employeur doit payer une cotisation patronale spéciale de 4 500 francs par mois pour les prépensionnés. L'avantage de la prépension conventionnelle réside dans le fait que le travailleur concerné peut bénéficier d'un statut social acceptable car il a droit, à charge de l'employeur, à une indemnité complémentaire à son indemnité de chômage.
Pour compléter ce qui précède, je tiens à préciser que les lignes de force provisoires du plan social comprennent également d'autres mesures pour l'emploi, en plus de la prépension susmentionnée. Il s'agit notamment de l'engagement de 400 travailleurs à temps plein dans le cadre d'une nouvelle activité, de la possibilité pour 263 travailleurs d'être engagés en France, de la création de la cellule pour l'emploi et de la création d'une cellule de reprise pour attirer les activités industrielles à Vilvorde. Le plan comporte un volet financier prévoyant, outre le système de chômage temporaire, une période de revenus garantis ainsi qu'un système satisfaisant d'indemnités de départ.
Enfin, le code de bonne conduite établi par l'O.C.D.E. constitue un ensemble de règles qui engagent moralement les multinationales, notamment en matière d'information et de consultation des travailleurs lors d'un changement important survenant dans leur organisation, par exemple en cas de fermeture d'un siège. Ce code ne porte nullement préjudice à l'autonomie des décisions économiques prises par les multinationales. Ces règles n'ayant qu'un impact moral, elles ne permettent pas d'appliquer des sanctions juridiques. Il est impossible d'en tirer les conséquences en matière de responsabilité civile des multinationales à l'égard des travailleurs ou des États qui les accueillent étant donné leur caractère moral et leur absence d'incidence sur la décision économique de fermeture.
M. le président. La parole est à M. Hatry pour une réplique.
M. Hatry (PRL-FDF). Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de relever une nouvelle fois la fuite du Premier ministre.
Quant à Mme la ministre de l'Emploi et du Travail, elle nous a submergé par un déluge de précisions confirmant intégralement la teneur des informations diffusées par les journaux radiophoniques. En d'autres termes, le gouvernement, qui avait fixé l'âge de la prépension à 58 ans, accepte de le ramener en pratique à 48 ans dans ce cas particulier. En effet, deux années de chômage sont prévues avant l'entrée dans le système d'une véritable prépension à l'âge de 50 ans. Il s'agit d'une mesure sans précédent. (Vives protestations de Mme la ministre.)
Puis-je terminer, monsieur le président ? En ce qui me concerne, je n'avais pas interrompu la réponse de Mme la ministre.
Fabrimétal ne manquera pas d'embrayer en présentant une multitude de cas de fermeture s'inscrivant dans une optique similaire! C'est inadmissible!
Mme Smet, ministre de l'Emploi et du Travail, chargée de la Politique d'égalité des chances entre hommes et femmes. C'est faux ! Vous ne connaissez pas la législation !
M. Hatry (PRL-FDF). Ces personnes âgées de 48 ans, sont désormais condamnées à l'inaction jusqu'à leur mort. Elles iront grossir la statistique du chômage que l'O.C.D.E. fera grimper non pas à 24 mais 25 % ou 26 % avec des cas de ce genre, créés de manière tout à fait artificielle parce qu'il s'agit de l'arrondissement du Premier ministre.
Renault donne 10 000 francs... Quelle générosité ! Cette somme est ridicule comparée à ce qu'accorde notre législation sociale. Un montant de 750 francs à l'O.N.S.S. pour les prépensionnés : quelle munificence ! Enfin, 4 500 francs à l'intéressé... Voilà de quoi remercier nos amis de la régie Renault.
Sachez que certains de vos prédécesseurs, tels que M. Hansenne dans l'affaire Michelin et M. Eyskens dans l'affaire Badger, ont recueilli d'autres résultats, en intervenant auprès de l'O.C.D.E., à Paris, que ceux que vous avez obtenus de par votre passivité. Si vous en référiez à l'O.C.D.E., Renault devrait supporter intégralement le coût de sa restructuration; celui-ci ne serait donc pas mis à charge des contribuables belges. Les propos que nous entendons aujourd'hui sont véritablement scandaleux !
Enfin, monsieur le président, je n'ai reçu aucune réponse positive de la ministre de l'Emploi et du Travail.
J'attends des gouvernements des autres États membres et de la direction générale de la concurrence de l'Union européenne qu'ils protestent contre le règlement envisagé, lequel fausse réellement la concurrence.
Enfin, le fait que l'âge de la prépension soit fixé à 48 ans constitue un précédent. Cela me paraît inacceptable sur le plan de l'économie belge.
M. le président . La parole est à M. Smet, ministre.
Mme Smet, ministre de l'Emploi et du Travail, chargée de la Politique d'égalité des chances entre hommes et femmes. Monsieur le président, l'âge de la prépension reste toujours 50 ans; si on parle de 48 ans, c'est parce qu'un nombre de prépensionnables atteignent l'âge de 50 ans pendant la période de reconnaissance comme entreprise en restructuration c'est-à-dire pendant les 24 mois. Une telle disposition est prévue dans la législation et est utilisée fréquemment.
M. Hatry (PRL-FDF). Relisez la déclaration gouvernementale !
Mme Smet, ministre de l'Emploi et du Travail, chargée de la Politique d'égalité des chances entre hommes et femmes. Vous n'êtes pas membre de notre commission ! Il s'agit ici d'un cas d'exception. La pratique utilisée est parfois appliquée dans le cadre d'entreprises en faillite ou en cours de restructuration, où l'âge de la prépension est fixé à 50 ans, alors qu'il se situe à 58 ans dans les autres cas.
M. le président . L'incident est clos.
Het incident is gesloten.