4-1355/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

11 JUIN 2009


Proposition de résolution relative au procès à huis clos et à l'emprisonnement de l'opposante politique birmane Aung San Suu Kyi suite à de prétendues violations des restrictions liées à son assignation à résidence surveillée

(Déposée par Mme Olga Zrihen et M. Philippe Mahoux)


DÉVELOPPEMENTS


En 1990 la formation politique de Mme Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), avait remporté une victoire écrasante à des élections pluralistes. Toutefois, la junte militaire au pouvoir depuis 1962 s'était refusée à respecter et honorer les résultats électoraux. Aussi, pour saper la moindre velléité de réforme démocratique, l'armée a jeté et maintenu la figure de proue de l'opposition en quasi-isolement.

Alors que l'assignation à résidence à laquelle Mme Aung San Suu Kyi est soumise, expirait le 27 mai 2009, les autorités militaires birmanes se sont empressées de l'inculper pour violation des restrictions liées à cette assignation, à savoir le fait d'avoir recueilli pendant deux jours dans sa résidence un ressortissant mormon américain, M. John Yettaw. Cette intrusion est d'autant plus suspecte que le quasi-isolement dans lequel Mme Aung San Suu Kyi est maintenue depuis 2003 à Rangoon nécessite des mesures de sécurités importantes et spécifiques que nul ne peut franchir aisément.

Alors que l'opposante politique a été transférée à la prison d'Insein, le procès de cette dernière ainsi que celui de ses deux dames de compagnie, Khin Khin Win et Win Ma Ma et de M. John Yettaw, a débuté le 18 mai 2009. Ce procès s'est accompagné de mesures de sécurité considérablement renforcées autour de la prison d'Insein (où sont également incarcérés plusieurs centaines de détenus politiques), au point tel que des ambassadeurs de quatre pays européens (France, Grande-Bretagne, Italie, Allemagne) ont été empêchés de pénétrer dans l'établissement pénitentiaire.

Mme Aung San Suu Kyi, lauréate du Prix Nobel de la Paix, a été privée de liberté pendant plus de 13 des 19 dernières années. Elle est passible de cinq ans de prison si elle est condamnée pour l'affaire Yettaw, ce qui l'exclurait du paysage politique pendant les élections controversées que la junte entend organiser en 2010.

Les sanctions pénales que risque d'encourir Mme Aung San Suu Kyi et le contexte dans lequel s'ouvre ce procès sont autant d'éléments témoignant du climat répressif dans lequel le peuple birman vit depuis plusieurs décennies. Depuis août 2007, période à laquelle la population birmane s'est levée pour exprimer son rejet de la junte militaire et son souhait d'une évolution démocratique dans son pays, la répression s'est accentuée et la situation politique et humanitaire locale n'a fait que se dégrader.

Le soutien aux démocrates birmans par tous les États démocratiques est nécessaire et urgent. La Belgique doit accompagner ces démocrates dans leurs actions et doit participer à la pacification de ce pays. L'objet de la présente proposition de résolution vise essentiellement à exercer une pression internationale sur les autorités militaires birmanes afin que ces dernières libèrent de manière inconditionnelle l'opposante politique Aung San Suu Kyi — tout comme par ailleurs l'ensemble des prisonniers d'opinion — et évitent de la soumettre à une parodie de procès au cours duquel les droits les plus élémentaires de la défense ne seront aucunement respectés, s'engagent à honorer la volonté démocratique exprimée à moult reprises par sa population et respectent les droits de l'homme, en ce plus particulièrement la liberté d'expression.

Olga ZRIHEN
Philippe MAHOUX.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. Considérant l'urgence de mener une action pour obtenir la libération de Mme Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix, placée en résidence surveillée depuis plus de 19 années et emprisonnée depuis le 14 mai 2009, ainsi que de tous les opposants politiques emprisonnés pour le seul « délit d'opinion »;

B. Considérant que le procès ouvert le 18 mai 2009 visant à prolonger le quasi-isolement de Mme Aung San Suu Kyi n' a nullement garanti les droits les plus élémentaires de la défense et risque, par ailleurs, de déboucher sur une dégradation dangereuse, voire mortelle, de son état de santé;

C. Considérant la position du Parlement européen réaffirmant sa solidarité totale avec Mme Aung San Suu Kyi et demandant au régime birman de la libérer sans délai et sans conditions;

D. Considérant les récentes prises de position du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant l'arrestation de Mme Aung San Suu Kyi et rappelant sa déclaration CS/9139 du 11 octobre 2007 « [qui] exhorte la junte au pouvoir à préparer un véritable dialogue avec la dirigeante de l'opposition [...] »;

E. Considérant l'élection le 12 mai 2009 de la Belgique au Conseil des droits de l'homme des Nations unies (CDH) dont le mandat et la responsabilité est de renforcer la protection et la promotion des droits de l'homme dans le monde;

F. Considérant l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, garantissant le droit à la liberté d'opinion;

Demande au gouvernement:

1. de condamner l'arrestation et l'emprisonnement arbitraire de Mme Aung San Suu Kyi ainsi que tout simulacre de procès au cours duquel les conditions et droits élémentaires de la défense ne seront pas garantis;

2. de mener toutes les actions diplomatiques nécessaires au niveau bilatéral, européen, ou dans le cadre des Nations unies, pour que soit libérée immédiatement et sans conditions Mme Aung San Suu Kyi, seule Prix Nobel de la Paix contrainte pendant des années à résidence surveillée et maintenant emprisonnée, ainsi que tous les prisonniers d'opinion.

19 mai 2009.

Olga ZRIHEN
Philippe MAHOUX.