4-1123/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

19 JANVIER 2009


Proposition de résolution visant à intensifier la lutte contre la tuberculose

(Déposée par M. François Roelants du Vivier et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Dans la seconde moitié du XXe siècle, la tuberculose devint si rare dans les pays industrialisés (grâce à la vaccination, aux traitements et à l'amélioration de l'hygiène) que les gouvernements cessèrent de la considérer comme une menace et réduisirent les programmes de lutte contre cette maladie.

Mais, dans les années 80, la maladie est réapparue, particulièrement dans le Sud-Est asiatique et l'Afrique subsaharienne.

Cette résurgence est due principalement à l'épidémie de sida: près de 750 000 personnes atteintes de VIH/sida ont contracté la tuberculose en 2006, et près de 250 000 en sont mortes. 50 % des porteurs du virus du sida développent la tuberculose qui est l'une des principales causes de mortalité chez ces malades; les patients séropositifs courent dix fois plus de risques de développer une tuberculose active. S'y ajoutent les conditions de vie qui se détériorent pour une partie de la population et l'immigration accrue en provenance de pays toujours gravement touchés.

En réalité, dans les pays en voie de développement, la tuberculose n'a jamais été totalement maîtrisée.

Pour rappel, la tuberculose est une maladie bactérienne due au bacille de Koch (Mycobacterium tuberculosis). Dans sa forme la plus commune, le bacille envahit les poumons: il s'agit dans ce cas de la tuberculose pulmonaire. La tuberculose est une maladie très contagieuse. À chaque fois qu'une personne malade tousse, crache ou éternue, elle expulse des milliers de minuscules gouttelettes qui peuvent contenir la bactérie responsable. Ces fines particules peuvent rester en suspension dans l'air pendant plusieurs heures et infecter d'autres personnes. Seules les personnes atteintes de tuberculose pulmonaire peuvent transmettre l'infection. Les personnes atteintes d'une tuberculose active qui ne reçoivent aucun traitement risquent d'infecter en moyenne dix à quinze personnes chaque année.

Les principaux symptômes sont une toux persistante, des expectorations, une perte de poids et de la fièvre. Le bacille de Koch peut également se fixer sur d'autres organes; on parle alors de tuberculose extra-pulmonaire, comme la tuberculose osseuse ou abdominale.

En l'absence de traitement, la moitié des malades environ meure au bout de deux à cinq ans.

Pour diagnostiquer la tuberculose, la méthode la plus utilisée est l'examen au microscope des crachats des patients. Mais ce test, mis au point en 1882, ne permet d'identifier que la moitié des malades. Il ne détecte pas certaines formes pulmonaires de la tuberculose, ni les formes extra-pulmonaires. Il est particulièrement peu sensible pour les patients co-infectés par le virus du sida et la tuberculose. Pour les formes résistantes de la maladie, le diagnostic est encore plus complexe, puisqu'il nécessite des examens de laboratoire très techniques (antibiogramme) pour déterminer quels médicaments (antibiotiques) peuvent encore être utilisés pour soigner les malades.

Ainsi, d'une manière générale, les méthodes diagnostiques disponibles ne sont pas assez fiables, ou bien trop complexes à mettre en œuvre à grande échelle dans des pays aux ressources limitées, là où vivent 95 % des malades. Malheureusement, aucune innovation adaptée aux besoins n'est prévue avant plusieurs années.

Le test le plus répandu, découvert il y a plus d'un siècle, basé sur l'analyse des expectorations, n'est pas assez précis et ceci est d'autant plus vrai pour les patients co-infectés par la tuberculose et le sida. Encore trop de personnels infirmiers renvoient chez eux des patients dont le test est négatif, alors que les symptômes cliniques sont présents.

L'un des progrès majeurs ces dernières années a été la mise au point d'un test de mise en culture rapide, et l'introduction de cette technique dans la première ligne du test en algorithme: ceci à permis de multiplier par deux la fiabilité de la détection. La technique de la mise en culture est malheureusement loin d'être répandue dans la plupart des contextes d'intervention en Afrique.

Il faut continuer à développer les possibilités de mise en culture rapide dans des laboratoires peu équipés, ce qui permettra de sauver de nombreux cas aux traces de bacille non présentes, qui auraient été diagnostiqués trop tard ou pas du tout.

À l'échelle mondiale plus de 80 % des malades vivent dans les pays pauvres et principalement dans vingt-deux pays. Des foyers ont été identifiés, principalement en Russie où les prisonniers sont particulièrement touchés, dans les pays Baltes mais aussi dans l'État de Delhi (Inde) et en République Dominicaine (Grandes Antilles). Au total, environ 16 millions de personnes souffrent de la maladie (tuberculose active). Cette maladie tue encore 4 000 personnes par jour. D'après l'OMS, d'ici 2020, 200 millions de personnes développeront la maladie et 35 millions en mourront si aucune amélioration n'est apportée.

Une stratégie, connue sous le nom de DOTS (Directly Observed Therapy, Short-course treatment ou Traitement de courte durée sous surveillance directe), mise au point en Tanzanie dans les années 80, est recommandée depuis le début des années 90 par l'OMS. DOTS est un moyen peu onéreux et extrêmement efficace de traiter les patients déjà infectés à la tuberculose et d'éviter à la fois de nouvelles infections et le développement d'une résistance aux médicaments. Entre 1995 et 2004, environ 22 millions de malades ont été traités par la stratégie DOTS.

Cette stratégie fait appel au personnel de santé pour soutenir les patients et veiller à ce qu'ils prennent leur traitement jusqu'à la guérison complète, élément clé pour éviter de voir se multiplier des souches résistantes. Ce programme de traitement de la tuberculose repose donc essentiellement sur les soins infirmiers, qui ont un rôle clé dans les zones rurales où il y a peu de médecins.

Le prix du traitement varie entre 10 et 40 euros et sa durée est de six à huit mois.

L'accessibilité de cette stratégie est essentielle, particulièrement en Afrique, car on espère d'une part guérir les cas de tuberculose et, d'autre part, organiser les infrastructures de santé en vue de la distribution des médicaments antiviraux nécessaires pour le traitement du sida. Les taux de guérison, avec la stratégie DOTS, sont deux à trois fois plus élevés que pour les malades qui n'y ont pas accès et les pharmaco résistances sont trois fois moins nombreuses.

L'application de la méthode DOTS, en l'associant aux résultats de l'analyse d'expectoration, permet de contenir l'épidémie dans les pays où la prévalence du sida est faible, mais les chiffres montrent que c'est tout le contraire dans les contextes à forte prévalence.

Dans le cas des multirésistances, les traitements classiques sont inefficaces. Il faut alors utiliser des traitements dits de deuxième ligne, beaucoup plus chers (environ 8 000 euros le traitement), prix qui les rend inaccessibles à de nombreux pays. Concernant la tuberculose multirésistante, l'OMS estime à 500 000 le nombre de nouveaux cas chaque année dans le monde. Il y a quelques années, on pensait que cette forme de tuberculose était limitée aux pays de l'ex-Union Soviétique.

En outre, le vaccin actuellement disponible, le BCG (bacille de Calmette et Guérin, une souche vivante atténuée de Mycobacterium bovis) n'est pas assez efficace. Globalement, les outils mis en œuvre pour le diagnostic, le traitement et la prévention de la tuberculose sont obsolètes, développés entre le début du XXe siècle et les années soixante. Le BCG permet de prévenir les formes graves de la maladie chez les jeunes enfants (80 % d'efficacité) mais ne protège l'adulte qu'à 50 %.

L'émergence de la tuberculose résistant aux antibiotiques, particulièrement dans les endroits où de nombreux patients tuberculeux sont aussi infectés par le VIH, représente une grave menace pour le contrôle de la tuberculose et confirme la nécessité de renforcer les efforts de prévention et de traitement.

François ROELANTS du VIVIER
Margriet HERMANS
Olga ZRIHEN
Marleen TEMMERMAN
Jean-Paul PROCUREUR
Josy DUBIÉ
Jacques BROTCHI.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

Demande au gouvernement:

1. d'inscrire sa politique de lutte contre la tuberculose dans les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) des Nations unies qui comprennent des cibles pour réduire la prévalence de la tuberculose des années 1990 et des taux de décès d'ici 2015;

2. de soutenir le développement de nouveaux traitements de plus courte durée et donc plus faciles à respecter, d'outils de diagnostic ainsi que de stratégies de santé publique afin de lutter avec plus d'efficacité contre la tuberculose;

3. de développer l'accès à la stratégie DOTS, permettant de prévenir les résistances aux médicaments et, à long terme, de réduire l'importance de la maladie;

4. de soutenir les investissements en matière de recherche contre la tuberculose, tant publics que privés, répondant aux engagements nécessaires pour soutenir la recherche contre la tuberculose selon le « Plan Global Halte à la Tuberculose 2006-2015 »;

5. de soutenir la formation de personnels de soin de santé impliqués dans la lutte contre la tuberculose;

6. de soutenir la création de services de tuberculose et de sida regroupés dans les cliniques périphériques, ainsi que la formation spécifique du personnel infirmier afin de pouvoir traiter les deux maladies, permettant ainsi une meilleure synchronisation des traitements, une meilleure réactivité par rapport aux incompatibilités de médicaments et effets secondaires et de manière générale un meilleur suivi;

7. de coordonner nos efforts diplomatiques pour que l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) reconnaisse la nécessité de se doter de nouveaux outils de lutte contre la tuberculose et de mener plus de recherches; de soutenir les nouvelles initiatives de l'OMS qui permettront aux malades atteints de tuberculose multirésistante (tuberculose MR) dans les pays en développement d'obtenir un diagnostic en deux jours, ainsi qu'un traitement approprié;

8. de soutenir les efforts du Service pharmaceutique mondial au niveau de l'approvisionnement en médicaments nécessaires pour traiter la tuberculose MR dans cinquante-quatre pays, notamment ceux qui recevront les nouveaux tests diagnostiques;

9. de soutenir d'ici 2010 des réductions de prix allant jusqu'à 20 % pour les traitements destinés aux formes multirésistantes de la tuberculose;

10. de renforcer la collaboration existante avec le laboratoire de l'Institut de médecine tropicale d'Anvers;

11. d'explorer la faisabilité sur le terrain des techniques moléculaires (PCR);

12. de soutenir dans les enceintes appropriées la lutte contre les services de mauvaise qualité, le manque de moyens et les traitements mal prescrits et mal administrés.

10 décembre 2008.

François ROELANTS du VIVIER
Margriet HERMANS
Olga ZRIHEN
Marleen TEMMERMAN
Jean-Paul PROCUREUR
Josy DUBIÉ
Jacques BROTCHI.