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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

6 DÉCEMBRE 1997


Commission d'enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE PAR MM. MAHOUX ET VERHOFSTADT


ANNEXE 4


RAPPORT D'ENSEMBLE ENSEIGNEMENTS TIRÉS DE LA MISSION DES NATIONS UNIES POUR L'ASSISTANCE AU RWANDA (MINUAR) - OCTOBRE 1993-AVRIL 1996 (décembre 1996)


RAPPORT D'ENSEMBLE ENSEIGNEMENTS TIRÉS DE LA MISSION DES NATIONS UNIES POUR L'ASSISTANCE AU RWANDA (MINUAR)

OCTOBRE 1993-AVRIL 1996

Groupe des enseignements tirés des missions

Département des opérations de maintien de la paix

Décembre 1996 (1).

INTRODUCTION

1. Entre avril et juillet 1994, de 500 000 à 800 000 Rwandais, principalement des membres du groupe ethnique Tutsi, ont été massacrés au Rwanda. Par manque d'intervention énergique et immédiate de la communauté internationale, le massacre s'est poursuivi en présence de la mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR), une force de maintien de la paix légèrement armée et équipée, envoyée dans le pays en octobre 1993 pour aider à mettre en oeuvre l'accord de paix d'Arusha, qui s'était de toute évidence effondré. Un génocide a été commis alors que la MINUAR ne disposait plus que 400 soldats de la paix sans mandat clair, ni moyens ou soutiens nécessaires pour y mettre un terme.

2. Depuis sa création jusqu'à son retrait, la MINUAR a toujours semblé en retard sur les réalités de la situation au Rwanda. Elle a été déployée en 1993 pour aider à mettre en oeuvre un processus de paix qui semblait être dans l'impasse avant même d'avoir été amorcé. Au plus fort de la crise, la décision prise unilatéralement par certains gouvernements de retirer leurs contingents nationaux a laissé le reste de la MINUAR encore plus vulnérable et incapable d'assurer la protection des civils en danger. Quand bien même l'effectif de la MINUAR ait été accru en mai 1994 en raison des massacres qui se poursuivaient, et qu'en novembre 1994 le niveau d'effectif autorisé de 5 500 ait été atteint, la guerre civile était terminée, et le pays n'avait plus besoin d'une aide pour le maintien de la sécurité mais d'une aide pour la reconstruction nationale.

3. Les Nations unies et leurs divers organismes ont effectivement déployé des efforts considérables, il est vrai après un certain retard, pour aider le peuple rwandais, plus particulièrement à rétablir le système judiciaire du pays, et pour atténuer les conditions très difficiles dans lesquelles vivaient bon nombre des quelques 60 000 détenus dans les prisons. La MINUAR elle-même a contribué au rétablissement des moyens de télécommunications nationaux, ainsi qu'à la réfection des routes, des ponts et de l'infrastructure de base. Toutefois, les Rwandais ont estimé que ces efforts ne suffisaient pas à répondre aux besoins du Rwanda à la suite du conflit. Le 8 mars 1996, sur la demande expresse du gouvernement rwandais, il a été mis fin au mandat de la MINUAR.

4. En tirant les bénéfices après coup, comment la communauté internationale aurait-elle pu améliorer son intervention face à la situation au Rwanda ? Pour tenter de répondre à cette question, il est important non pas de chercher des solutions idéalistes, mais plutôt de rester dans les limites de la réalité du système onusien actuel et déterminer les mesures qui auraient permis d'améliorer l'intervention. Si toutes les composantes des Nations unies ­ le secrétariat, les organismes spécialisés et les États membres ­, la communauté internationale dans son ensemble, les organisations non gouvernementales, les médias et les autres pays en conflit, peuvent tirer profit de cet exercice, alors la tragédie qu'a connue le Rwanda pourrait bien servir à empêcher d'autres tragédies du même genre de se produire. Cependant, alors que la situation au Burundi interpelle la communauté internationale, et quand bien même des appels répétés à agir aient été lancés, on ne sait toujours pas avec certitude si des mesures appropriées seront prises à temps pour empêcher un autre désastre politique et humanitaire.

5. Le Bureau des enseignements tirés appartenant au département des opérations de maintien de la paix (D.O.M.P.) a entrepris une étude de la MINUAR dans le but de dégager des leçons de cette expérience afin d'améliorer le déroulement des opérations en cours et la conduite de manière plus adéquate d'opérations futures. Après avoir examiné les documents et rapports pertinents sur ou au sujet de l'opération, des équipes du Bureau se sont entretenues avec des représentants du secrétariat et des organismes qui ont travaillé dans le cadre de l'opération, ceux des missions permanentes des pays contributeurs de contingents auprès des Nations unies et les membres du Conseil de sécurité, ainsi que les anciens représentants de la MINUAR. Une équipe s'est rendue au Rwanda en mars 1996 afin d'interviewer le personnel de la MINUAR qui s'y trouvait encore. Elle a rencontré des représentants rwandais, tant à Kigali qu'à New York. Une autre équipe s'est rendue au Canada pour parler à deux anciens commandants de la force et à l'ancien conseiller militaire auprès des Nations unies.

6. Le 28 mars, des experts extérieurs à l'organisation se sont réunis pour discuter de divers aspects de l'opération et de l'étude (voir l'annexe I pour la liste des participants). Une consultation interne de membres du système des Nations unies a eu lieu les 15 et 16 mai (voir l'annexe II pour la liste des participants) et, enfin, un séminaire de synthèse sur les enseignements tirés de la MINUAR s'est tenu du 12 au 14 juin à Plainsboro, dans l'État du New Jersey; y participaient des représentants des États membres, les principaux responsables de la MINUAR, les commandants des contingents nationaux, des représentants d'organisations non gouvernementales et d'organismes spécialisés des Nations unies (la liste des participants figure à l'annexe III). Le présent rapport est le fruit de toutes ces délibérations et des travaux de recherche connexes. La première partie du rapport renferme les enseignements tirés de la MINUAR, avec de courts paragraphes explicatifs tirés du débat, lequel fait l'objet de la deuxième partie. En elle-même, la première partie constitue l'équivalent d'un sommaire détaillé de l'ensemble des débats, repris en détail dans la deuxième partie.

PREMIÈRE PARTIE

Enseignements tirés de la mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda

Depuis sa mise en place en octobre 1993 jusqu'à son retrait en mars 1996, la MINUAR a toujours semblé en retard sur les réalités de la situation au Rwanda. Au début sa mission était d'assister à la mise en oeuvre d'un processus de paix dans lequel ne s'étaient pas nettement engagées toutes les parties au conflit. C'est pourquoi, lorsque celui-ci reprit, la MINUAR qui était une force légèrement armée n'était ni mandatée pour, ni capable de réagir de manière appropriée. Même après que le Conseil de sécurité eût accru ses effectifs pour lui permettre d'offrir une protection aux civils en danger, il fallut plusieurs mois avant de trouver des troupes et de les déployer sur le terrain. À ce moment, la guerre civile s'était terminée avec la victoire du Front Patriotique Rwandais (F.P.R.), et le pays avait besoin d'une assistance pour la reconstruction et la réhabilitation, ce qui n'était pas prévu dans le mandat de l'opération de maintien de la paix.

ENSEIGNEMENT N º 1 : Les mandats des opérations de maintien de la paix devraient non seulement refléter les réalités sur le terrain, mais aussi être assortis des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. Le Conseil de sécurité est responsable de définir le mandat d'une mission, mais si les moyens d'exécuter le mandat ne sont pas fournis, le secrétariat devrait être prêt à le signaler. Des mandats pertinents ne peuvent être rédigés qu'en étroite collaboration avec les parties en cause.

Les mandats de la MINUAR découlaient du contexte politique international dans lequel ils avaient été formulés et reflétaient généralement des préoccupations et des impératifs de certains États membres qui avaient peu de rapport avec la situation au Rwanda. Une incompréhension fondamentale de la nature du conflit a également donné lieu à des hypothèses politiques et à des évaluations militaires erronées. D'après certains de ses membres, au début de la crise, le Conseil de sécurité a eu tendance à considérer la situation au Rwanda comme une petite guerre civile. On a passé sous silence ou omis d'explorer les conflits politiques au sein du gouvernement rwandais et les preuves croissantes d'assassinats politiques et de violations des droits de l'homme dans le pays.

ENSEIGNEMENT N º 2 : Lorsqu'il cherche à obtenir une évaluation approfondie des situations de crise possibles avant de formuler un mandat, le Conseil de sécurité pourrait envisager d'élargir ses sources d'information afin d'y inclure les opinions éclairées de spécialistes militaires, d'universitaires, de représentants des médias concernés, d'organisations non gouvernementales et de personnel des institutions spécialisées. On pourrait également rechercher d'autres moyens d'obtenir de l'information, par exemple grâce à des missions d'enquête, à des consultations continues auprès des parties à un conflit et d'autres intervenants locaux, à des consultations auprès des pays susceptibles de fournir des contingents, et à la participation à la négociation d'accords de paix dans le but de déterminer comment ces derniers peuvent se traduire en mandats réalistes et exécutables.

Même si l'on a dit que les mandats des opérations de maintien de la paix doivent être clairs, directs et limités, il a été avancé que, dans le cas du Rwanda, le mandat de la mission de maintien de la paix aurait dû être conceptualisé avec plus de souplesse. Il est nécessaire que la fonction traditionnelle de maintien de la paix d'une présence militaire des Nations unies ­ c'est-à-dire séparer les combattants et, s'il est impossible de rétablir la paix, assurer la sécurité de la population civile et lui fournir des secours humanitaires ­ soit élargie pour devenir une opération de soutien de la paix et de réparation des dommages causés par le conflit. À la fin de la guerre, la MINUAR possédait l'effectif ainsi que le soutien technique et logistique nécessaires pour entreprendre l'opération de réparation, mais elle n'avait reçu aucun mandat en ce sens.

Toutefois, certains estiment que cet aspect du mandat des gardiens de la paix mérite une étude plus approfondie. Les aspects de la consolidation de la paix qui sont uniquement liés au développement ne devraient pas faire partie du mandat des casques bleus et doivent être financés au moyen des sources traditionnelles de financement volontaire.

ENSEIGNEMENT N º 3 : Les mandats des opérations de maintien de la paix devraient être rédigés avec souplesse pour permettre aux gardiens de la paix d'exécuter diverses tâches de consolidation de la paix, notamment la réouverture d'aéroports, le rétablissement des services essentiels tels que l'approvisionnement en eau, l'électricité et les télécommunications, la réfection des bâtiments indispensables et la prestation de services publics, y compris le cas échéant la restauration d'un service de police.

Un des problèmes qui ont gêné la planification de la MINUAR a été l'absence d'analyse de l'information, et ce problème est demeuré important même après le déploiement de la MINUAR. Aucune capacité de collecte, d'analyse et de diffusion de l'information n'a été établie. Les Nations unies doivent réévaluer leur attitude face au rôle du renseignement et de l'information dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Leur aversion traditionnelle pour la collecte et l'utilisation du renseignement les a mal servies dans le passé, et le Rwanda en est un bon exemple.

ENSEIGNEMENT N º 4 : On s'accorde de plus en plus à dire que les Nations unies ne possèdent pas de système adéquat pour recueillir et analyser l'information. En effet, l'Organisation n'a pas de système lui permettant de puiser aux sources d'information existantes, comme les gouvernements, les établissements universitaires, les groupes de surveillance des droits et autres groupes non gouvernementaux, ainsi que les divers organismes qui relèvent des Nations unies elles-mêmes. Il faudrait encourager les États membres à partager avec le secrétariat et le Conseil le renseignement pertinent qu'ils pourraient avoir sur la situation en question.

La première équipe d'étude envoyée au Rwanda après la signature des accords d'Arusha était dirigée par un officier qui devait assumer les fonctions de commandant de la force dans le cadre de la nouvelle opération. Elle comptait un autre officier qui avait fait partie de l'équipe du secrétaire général chargée d'observer les négociations à Arusha et qui devait être le chef des observateurs militaires de l'opération. Parmi les membres de l'équipe, il y avait également des responsables des questions politiques, militaires et humanitaires pour le Rwanda qui venaient des départements concernés, ainsi que des spécialistes de la division de l'administration et de la logistique des missions et du bureau du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (H.C.R.). L'équipe n'avait cependant aucun spécialiste de l'information pouvant élaborer la stratégie d'information applicable à l'opération. En rétrospective, même si l'équipe était bien constituée, elle n'était pas suffisamment préparée aux complexités de la situation politique du pays, facteur qui a contribué à un optimisme naïf au sujet de toute l'opération.

ENSEIGNEMENT N º 5 : L'équipe de planification qui effectue la mission initiale de reconnaissance devrait comprendre des représentants de tous les éléments essentiels de l'opération de maintien de la paix, dont l'élément d'information. Si les chefs des éléments de la mission ont déjà été désignés, ils devraient alors faire partie de l'équipe.

Après l'adoption de la résolution 872 (1993) créant la MINUAR, le secrétariat a entrepris de mettre sur pied le premier bataillon de la force. Il a donc fait appel aux pays membres pour qu'ils fournissent des contingents, mais seule la Belgique pouvait offrir un demi-bataillon de 400 militaires de tous grades. Lorsque le secrétariat a demandé instamment aux États membres de fournir un contingent bien équipé pour assurer le soutien logistique de la MINUAR, les pays ayant la capacité voulue se sont montrés peu réceptifs. C'est le Bangladesh, un pays en développement, qui a offert d'affecter 400 soldats à l'élément logistique. Le manque d'équipement logistique adéquat est devenu un facteur critique durant la guerre civile en avril 1994.

ENSEIGNEMENT N º 6 : Les États membres qui possèdent des compétences et des capacités précises devraient affecter des troupes à ces tâches. Il faudrait mettre l'accent sur la capacité plutôt que le nombre.

Lorsque sa force a été réduite à 444 militaires de tous grades pendant le génocide, la MINUAR a adopté une posture d'auto-défense, protégeant la population civile qui s'était réfugiée à l'intérieur de son périmètre de défense. Elle n'avait pas la capacité de sortir de ce périmètre pour protéger ou secourir des personnes en danger. Même si elle avait décidé de combattre, et conformément aux principes de la légitime défense, la force disposait de niveaux très peu élevés de munitions et de peu de combustible, vivres et médicaments; elle n'avait aucun sac de sable pour ériger des dispositifs de protection et aucune ambulance. En pareille situation, la force ne pouvait même pas envisager des mesures offensives. Malgré sa présence réduite, la MINUAR a protégé des dizaines de milliers de Rwandais venus se réfugier dans les endroits placés sous son contrôle.

Le 17 mai 1994, en réponse au génocide, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 918 autorisant la MINUAR à porter son effectif à 5 500 soldats. On a élargi son mandat pour lui permettre de contribuer à la sécurité et à la protection des personnes déplacées, des réfugiés et des civils en danger, et d'assurer la sécurité et le soutien des opérations de secours. Pourtant, des problèmes ont surgi lorsqu'est venu le moment de trouver des troupes pour la mission élargie. Seuls des pays africains et quatre pays non africains étaient disposés à en affecter. Le soutien logistique des troupes africaines mal équipées n'a pas été facile à obtenir et, une fois offert, il a fallu mener de longues et fastidieuses négociations sur les conditions dans lesquelles il était fourni, car certains gouvernements insistaient pour obtenir des conditions financières plus strictes que celles sous lesquelles ils avaient traditionnellement fourni du matériel et autres éléments de soutien pour des opérations de maintien de la paix des Nations unies.

Le secrétariat était également frustré par le processus consistant à assortir chaque contingent au matériel dont il avait besoin et dont il savait se servir. Le 18 juillet 1994, le front patriotique rwandais (F.P.R.) a déclaré unilatéralement un cessez-le-feu, mettant ainsi effectivement fin à la guerre civile. Lorsqu'un nouveau gouvernement d'unité nationale a été formé le 19 juillet, la MINUAR comptait moins de 500 militaires de tous grades au Rwanda.

ENSEIGNEMENT N º 7 : Des contingents qui arrivent tard et qui ne sont pas suffisamment équipés contribuent à l'inefficacité globale de la mission. Les pays fournisseurs et le secrétariat doivent veiller à ce que les contingents soient munis de l'équipement nécessaire pour exécuter les tâches qui leur sont confiées et à ce qu'ils soient déployés aussi rapidement que possible dans la zone de la mission.

ENSEIGNEMENT N º 8 : Pour éviter les problèmes qui surviennent lorsque les troupes et l'équipement sont mal assortis, tous les contingents doivent arriver avec leur propre matériel. Si cela est impossible, il faudrait accorder un certain temps aux troupes pour qu'elles puissent s'exercer à utiliser le matériel nouveau et peu familier avant d'être déployées.

Après que l'avion présidentiel eût été abattu le 6 avril 1994 et le début du génocide, certains États membres ont unilatéralement retiré leurs contingents de la MINUAR. Certains États sont intervenus les 9 et 10 avril afin d'évacuer leurs ressortissants du Rwanda, sans avoir assuré une coordination adéquate ni prévenu la MINUAR. Une situation similaire s'était produite durant l'opération au Congo entre 1960 et 1964, lorsque des États membres avaient envoyé des troupes dans la zone de conflit pour évacuer leurs ressortissants, sans coordonner leurs efforts auprès de la mission de maintien de la paix. Dans le cas de la crise au Congo, le Conseil de Sécurité a considéré ce geste comme une intervention étrangère qu'il n'avait pas autorisée et qui, par conséquent, mettait en danger les troupes des Nations unies sur le terrain. En ce qui concerne le Rwanda, des officiers supérieurs de la MINUAR étaient d'avis que de telles actions ont amené la MINUAR a être soupçonnée de collusion, particulièrement lorsque les forces d'intervention se sont servies à un certain moment de véhicules portant l'inscription des Nations unies pour entreprendre leurs tâches d'évacuation.

On a suggéré qu'il faudrait informer à l'avance le secrétaire général de toute intervention de ce genre et que les évacuations devraient être coordonnées avec le commandant de la force. On pourrait également demander l'autorisation du Conseil de Sécurité avant d'effectuer de telles tentatives. Des représentants de certains États qui sont intervenus pour évacuer leurs ressortissants du Rwanda en avril 1994 ont indiqué que le secrétaire général ou le Conseil de Sécurité en avaient été informés, peut-être au même moment où atterrissaient leurs forces d'évacuation. Toutefois, lors du séminaire de synthèse, on a laissé entendre qu'à l'avenir, ces évacuations devraient être effectuées en collaboration avec les troupes des Nations unies sur le terrain.

ENSEIGNEMENT N º 9 : Le retrait unilatéral de contingents nationaux après qu'ils aient été mis en place pour une opération doit être découragé, car de telles actions mettent en danger le reste de la force. Tout retrait de troupes et toute évacuation de ressortissants devraient être effectués de concert avec le commandant de la force.

Au Rwanda, le manque de coordination a nui aux activités des Nations unies. La mission avait besoin d'une chaîne de commandement claire et précise. Idéalement, tous les éléments d'une mission devraient passer par le représentant spécial du secrétaire général (R.S.S.G.). Lorsqu'il présente des demandes ou émet des ordres, le siège devrait lui aussi passer par le R.S.S.G., qui, à son tour, transmettrait les instructions au bureau compétent.

ENSEIGNEMENT N º 10 : Au sein de la mission, il devrait y avoir une chaîne de commandement claire et structurée ayant à sa tête le R.S.S.G. Les décisions importantes prises sur le terrain devraient l'être au nom du R.S.S.G.

Après le génocide, la présence accrue de personnel d'organismes des Nations unies au Rwanda a semé la confusion chez les représentants du F.P.R. désormais responsables, car ils connaissaient mal les voies hiérarchiques des Nations unies et ils ne s'étaient probablement pas rendu compte du fait qu'il y avait autant de mandats différents, et parfois concurrents. Le chaos qui s'en est suivi a sapé l'autorité du R.S.S.G., surtout après que les Rwandais n'ont pas tardé à découvrir que c'étaient les institutions spécialisées, et non la mission de maintien de la paix, qui disposaient de fonds pour leur venir en aide. Lorsque les Rwandais ont demandé à ces institutions de passer par le R.S.S.G., certains organismes ont fait appel avec succès à leur siège en vue d'exercer des pressions politiques sur le nouveau gouvernement pour que ce dernier leur accorde un accès indépendant à ses représentants.

Les avis étaient partagés au sujet de la coordination entre la MINUAR, particulièrement son élément militaire, et la communauté humanitaire. Selon les organismes humanitaires, les relations avec la mission de maintien de la paix étaient bonnes, et la coordination et la volonté de partager l'information étaient meilleures que dans la plupart des autres situations où les casques bleus et les organismes humanitaires travaillent ensemble. Par contre, l'élément militaire de la MINUAR était d'avis que la coordination de la communauté humanitaire avec l'opération était limitée et conditionnelle. Elle était fondée sur la « perception d'un besoin ». Les organismes humanitaires étaient généralement plus coopératifs lorsque la situation était tendue dans le pays sur le plan de la sécurité et qu'ils avaient besoin de la protection des gardiens de la paix. Toutefois, dès que les préoccupations diminuaient au sujet de la sécurité, ils préféraient prendre leurs distances vis-à-vis de la mission.

ENSEIGNEMENT N º 11 : La présence globale des Nations unies dans un pays devrait être structurée de façon unifiée et cohérente. Le R.S.S.G. devrait être reconnu institutionnellement comme chef de la famille des Nations unies dans la zone de la mission.

Dans le cas du Rwanda, le commandant de la force de la MINUAR est arrivé dans la zone de la mission en octobre 1993, en qualité de chef du groupe précurseur; le R.S.S.G. n'est arrivé qu'en novembre 1993. En ce qui concerne la Somalie, le coordonnateur de l'aide humanitaire était déjà là depuis un certain nombre de mois lorsque le R.S.S.G. est arrivé sur les lieux. Dans les deux situations les représentants supérieurs s'étaient établis dans la zone de la mission avant l'arrivée du R.S.S.G. Des tensions inutiles ont donc nui aux efforts de coordination au début.

ENSEIGNEMENT N º 12 : Pour renforcer la position du R.S.S.G., on recommande qu'il soit nommé aussitôt que possible et qu'il soit le premier représentant supérieur des Nations unies à arriver dans la zone de la mission.

À l'extérieur de la famille des Nations unies, mais toujours dans le contexte de l'aide humanitaire, on retrouve les nombreuses organisations non gouvernementales qui travaillent aux côtés de la mission de maintien de la paix. Bien qu'elles puissent apporter un très grand soutien à bon nombre des initiatives de consolidation de la paix et d'aide humanitaire de la mission, elles ont tendance à protéger farouchement leur indépendance et elles n'apprécient pas le fait qu'on insinue qu'elles travaillent sous l'égide d'un organisme des Nations unies. Dans le cas du Rwanda, toutefois, le D.A.H. était d'avis que son bureau des Nations unies pour les secours d'urgence au Rwanda (U.N.R.E.O.) avait extrêmement bien travaillé avec les organisations non gouvernementales. Celles-ci ont également déployé des efforts afin d'établir un code de conduite commun.

ENSEIGNEMENT N º 13 : Lorsqu'un grand nombre d'organisations non gouvernementales travaillent dans un pays de façon non coordonnée, cela peut avoir une incidence négative sur les initiatives d'aide humanitaire. Pour accroître la responsabilisation et la transparence, on pourrait mettre au point un système international d'accréditation des organismes qui travaillent dans des situations d'urgence complexes.

L'élément de police civile (POLCIV) de la MINUAR a été aux prises avec un certain nombre de problèmes liés à l'exécution de son mandat. Tout au long de son existence après la guerre civile, la POLCIV n'a jamais atteint son niveau d'effectif autorisé parce que les États fournisseurs, particulièrement les pays francophones, étaient peu disposés à envoyer des observateurs policiers. La plupart des stagiaires rwandais étaient francophones, et ceux qui parlaient l'anglais, le kinyarwanda ou le swahili avaient besoin d'instructeurs bilingues. Lorsqu'il n'y avait pas d'instructeurs, les exposés étaient donnés par l'entremise d'interprètes locaux qui n'étaient pas toujours à la hauteur de la tâche. De plus, bon nombre d'observateurs de la POLCIV ne possédaient pas les compétences nécessaires, particulièrement en ce qui concerne la langue et la conduite automobile. Il a donc fallu en rapatrier 31 immédiatement après leur arrivée.

ENSEIGNEMENT N º 14 : Pour permettre à l'élément de POLCIV d'exécuter entièrement son mandat, les pays fournisseurs doivent offrir les services d'observateurs policiers compétents et expérimentés.

Des dispositions budgétaires insuffisantes ont également gêné l'élément de POLCIV dans ses activités, si bien qu'il n'a pas été possible d'apporter un soutien régulier au programme de formation et de fournir de l'équipement destiné à la police. Par conséquent, les nouveaux gendarmes et policiers ont été déployés sur le terrain sans aucun appui matériel de la MINUAR. Pendant toute la durée du programme, la MINUAR a formé la police rwandaise sans moyens didactiques comme des livres, du matériel d'enquête, des appareils-photos, des caméras et des rétroprojecteurs, ce qui a nui à la qualité et à la crédibilité du programme.

Le programme de formation a été élaboré en étroite collaboration avec les autorités rwandaises, et il incombait au gouvernement de sélectionner les stagiaires, d'assurer leur entretien et de fournir l'infrastructure nécessaire à la formation, notamment les approvisionnements et le matériel. Malgré leurs bonnes intentions, les autorités ont tardé à remplir ces engagements. Cela aurait pu nuire grandement à la mise en oeuvre du programme s'il n'y avait eu l'aide des organismes spécialisés des Nations unies.

ENSEIGNEMENT N º 15 : Pour qu'une programme de formation de policiers soit crédible, il faut fournir suffisamment de matériel, de moyens didactiques et autres ressources. Des provisions budgétaires doivent être faites pour assurer les ressources nécessaires lorsque des activités de police civile font partie d'un mandat de maintien de la paix.

Les agents de la POLCIV ont travaillé étroitement avec les autres éléments et les organismes des Nations unies au Rwanda, mais ils ont surtout collaboré avec les observateurs de l'opération en faveur des droits de l'homme au Rwanda. Toutefois, cette collaboration n'était pas automatique, et on a établi un cadre officiel de collaboration avec les observateurs des droits de l'homme afin que les agents de la POLCIV puissent travailler avec eux de manière efficace sur le terrain et entreprendre des enquêtes de nature délicate. Il faudrait envisager de tels accords de collaboration officialisés dans d'autres situations, particulièrement si l'autre entité ne fait pas partie de la mission de maintien de la paix. L'idée consistait à allier l'expérience pratique des observateurs policiers avec l'expertise juridique des spécialistes des droits de l'homme.

ENSEIGNEMENT N º 16 : Les observateurs des droits de l'homme et les observateurs de la POLCIV, qui ont souvent des tâches communes, doivent coordonner leur efforts et mettre en commun leurs ressources et leur expertise afin de répondre de façon efficace et synergique aux exigences de leurs mandats. La coordination des activités devrait commencer dès les étapes de la conception et de la planification et se poursuivre jusqu'à celles de la mise en oeuvre et du suivi.

Quelques-uns des problèmes logistiques auxquels la MINUAR a fait face étaient attribuables à la longueur du processus d'obtention du financement pour la mission, et à celle du processus subséquent d'acquisition des approvisionnements et du matériel. Le retard dans la nomination d'un chef de l'administration au début de la mission a ajouté à ces problèmes. Jusqu'en avril 1994, aucun chef de l'administration n'avait été confirmé pour la mission. Il n'existait aucun système organisé de réapprovisionnement et, au plus fort de la crise, les stocks de vivres, de médicaments et autres produits essentiels sont tombés dangereusement bas.

Un autre problème venait du fait que pendant passablement de temps, la MINUAR a fonctionné sans budget approuvé. Reconnaissant les problèmes financiers qui se posent lors de la création d'une mission, l'Assemblée générale autorise désormais le secrétaire général à demander des pouvoirs d'engager des fonds jusqu'à concurrence de 50 millions de dollars pour couvrir les frais initiaux.

ENSEIGNEMENT N º 17 : L'infrastructure administrative doit être en place de manière à suivre le rythme du déploiement des troupes.

Le personnel des régions ou des secteurs doit avoir des comptes de caisse lui permettant de régler les questions administratives de moindre importance qui ne devraient pas nécessiter l'autorisation du siège. Le système actuel selon lequel le siège autorise les comptes de caisse crée des goulots d'étranglement dans l'administration de la mission.

ENSEIGNEMENT N º 18 : Les pouvoirs financiers devraient être davantage décentralisés et délégués au personnel local.

ENSEIGNEMENT N º 19 : Il serait utile que les budgets des opérations de maintien de la paix soient aussi détaillés que possible et que tous les éléments fonctionnels participent à leur établissement.

Au cours de la deuxième phase de la MINUAR, la mission a fait appel à des entrepreneurs civils pour obtenir certains services. Or, cela a entraîné une complication du fait que les privilèges et les immunités de ces entrepreneurs n'étaient pas, au dire des nouvelles autorités rwandaises, adéquatement visés par l'accord initial sur le statut de la mission. Le gouvernement du Rwanda devait par la suite se servir de cette interprétation comme levier politique contre la MINUAR, avec qui ses relations se détérioraient régulièrement. Il a exigé que les entrepreneurs civils versent d'énormes taxes sur leurs opérations au Rwanda puisque, selon l'interprétation susmentionnée, ils n'étaient pas visés par les dispositions de l'accord sur le statut de la mission.

Grâce à l'expérience acquise au Rwanda, les accords sur le statut des missions assureront dorénavant certaines facilités aux entrepreneurs qui fournissent des services aux Nations unies, notamment la délivrance rapide de visas, la liberté de mouvement et le droit d'importer, à l'intention des Nations unies, des approvisionnements, de l'équipement et des matériaux en franchise de droits et de taxes.

ENSEIGNEMENT N º 20 : Les contrats conclus avec des compagnies privées pour la prestation de services dans le cadre de missions doivent être détaillés et indiquer clairement ce que l'entrepreneur est censé fournir. Le statut juridique du personnel des entrepreneurs civils vis-à-vis du gouvernement hôte doit être adéquatement visé par l'accord sur le statut de la mission.

ENSEIGNEMENT N º 21 : Lorsqu'elles décident d'avoir recours à des fournisseurs de services du secteur privé pour répondre aux besoins des éléments militaires, les Nations unies doivent reconnaître que ces fournisseurs ne sont pas en mesure d'assurer leur propre sécurité, ce qui ajoute au fardeau des éléments militaires. Elles doivent tenir compte de ce facteur lorsqu'elles déterminent l'effectif.

La réduction hâtive de la MINUAR et l'évacuation de son personnel dans des conditions hostiles ont mis en lumière le fait que la liquidation de la mission ne devrait pas être planifiée à la fin de celle-ci mais qu'il devrait plutôt s'agir d'un processus permanent. Les missions devraient être prêtes à partir à bref délai. La Division de l'administration et de la logistique des missions a élaboré des directives provisoires sur la liquidation pour veiller à ce que tous les intéressés discutent du processus au début de la mission. Elle a également demandé à toutes les missions de faire des copies de sauvegarde de leurs dossiers.

ENSEIGNEMENT N º 22 : La liquidation de la mission devrait constituer un processus permanent; les missions devraient être prêtes à partir à tout moment.

L'attitude et le comportement des troupes et du personnel des Nations unies sont également essentiels à la réussite d'une mission. Par leur comportement, certains membres de la MINUAR n'ont rien fait pour se faire aimer de la population rwandaise. Cela n'a fait qu'accroître le désenchantement du nouveau gouvernement à l'égard de la MINUAR.

En outre, il n'y avait aucune chaîne de commandement claire et précise entre l'opération de maintien de la paix et les organismes des Nations unies oeuvrant dans le même pays. Le manque de coordination était parfois attribuable à des perceptions divergentes ou à l'ignorance des cultures organisationnelles respectives de la force militaire, de la communauté humanitaire, des organismes de développement, de l'élément de police civile, des observateurs des droits de l'homme et des autres intervenants au Rwanda.

ENSEIGNEMENT N º 23 : Tout le personnel de la mission devrait être renseigné sur l'histoire, la culture et les traditions du pays hôte, la nature du conflit, le mandat de la mission, ainsi que sur les rôles et fonctions des divers éléments et organismes oeuvrant dans la région, et sur les normes de conduite attendues du personnel de l'O.N.U. dans la zone de conflit.

Un certain nombre de raisons ont été invoquées en ce qui concerne la difficulté des Nations unies à recruter du personnel qualifié et compétent pour la MINUAR et d'autres opérations de maintien de la paix. Un fort pourcentage du personnel affecté aux missions est recruté à l'extérieur du système des Nations unies. En général, le personnel interne est peu disposé à prendre part à des missions vu l'absence d'avancement professionnel lorsqu'il retourne à son poste. Les années de service passées dans le cadre de missions et l'expérience ainsi acquise sont des facteurs auxquels on ne donne pas suffisamment de poids lorsque des promotions sont envisagées. Par ailleurs, la crise financière que connaissent actuellement les Nations unies a incité de nombreux membres du personnel du secrétariat à refuser des affectations à des missions de crainte que leurs postes ne soient supprimés ou gelés au moment de leur retour.

ENSEIGNEMENT N º 24 : Les organismes spécialisés et les départements du secrétariat doivent être disposés à libérer les meilleurs membres de leur personnel pour qu'ils soient affectés à des missions, particulièrement lors de la phase initiale.

ENSEIGNEMENT N º 25 : Les expériences de la MINUAR et d'autres missions récentes ont fait ressortir la nécessité d'assurer la présence de personnel capable de prodiguer des conseils sur la gestion du stress. De plus, on pourrait nommer un agent des relations avec la collectivité qui assurerait la liaison au sujet des plaintes formulées par la population ou le personnel local à l'endroit des Nations unies.

Le poste de conseiller juridique de la MINUAR a été doté très tard au cours de la mission et, à certains moments critiques, il n'y avait personne pour conseiller la mission sur l'interprétation juridique de son mandat, les détails de l'accord de paix d'Arusha et les règles d'engagement, ainsi que sur des questions comme les contrats, le droit national et le droit international.

Puisque le Rwanda utilise à la fois le français et l'anglais, il était important d'avoir du personnel qui parlait couramment l'une des deux langues et qui avait une connaissance pratique de l'autre. Il était essentiel que les juristes affectés à la mission parlent couramment la langue dans laquelle les lois du pays étaient rédigées, soit en français dans le cas du Rwanda, même si l'anglais était la langue des affaires gouvernementales sous le F.P.R.

ENSEIGNEMENT N º 26 : Un conseiller juridique doit être nommé le plus tôt possible au cours d'une mission de maintien de la paix. Il est préférable qu'il parle couramment la langue dans laquelle les lois du pays hôte sont rédigées.

Dès le début, l'absence d'un programme efficace d'information a constitué une sérieuse lacune de la MINUAR. En effet, la mission était incapable de renseigner la population rwandaise et le monde entier au sujet de ses réalisations et des limites de son mandat. Devant la propagande de plus en plus hostile menée par les autorités rwandaises ou certaines sections de l'éventail politique rwandais, la MINUAR a semblé impuissante à corriger cette image négative.

ENSEIGNEMENT N º 27 : Un programme d'information et de relations publiques approprié devrait faire partie intégrante d'une opération de maintien de la paix dès sa création, de sorte que les objectifs de la présence des Nations unies soient communiqués clairement et continuellement à la population et au gouvernement hôte, aux pays voisins et aux autres parties intéressées. Cela permettrait à l'Organisation de faire échec à la propagande dirigée contre elle et d'informer la population locale et le reste du monde des violations des accords en vigueur.

ENSEIGNEMENT N º 28 : Une trousse d'information sur l'Organisation des Nations unies, sa mission et son mandat peut être préparée avant le déploiement d'une mission et envoyée avec le groupe précurseur, afin que certaines activités d'information puissent commencer avant que l'élément d'information soit entièrement fonctionnel.

ENSEIGNEMENT N º 29 : Il devient nécessaire de développer un réservoir de professionnels de l'information qui peuvent être affectés à des opérations sur le terrain et les former à l'avance pour qu'ils puissent servir dans le cadre d'opérations de maintien de la paix. Le porte-parole désigné de la mission doit compter parmi les premières personnes à arriver dans la zone de la mission et posséder de solides compétences en journalisme ou en relations publiques. Le porte-parole doit être la voix de la mission, et les spécialistes de l'information de tous les autres éléments doivent travailler de concert avec lui.

Dans une situation aussi fluide et chaotique que celle du Rwanda durant la guerre civile en 1994, la coordination entre la mission de maintien de la paix et les organismes des Nations unies dans la zone de la mission constituent peut-être le défi le plus grand en ce qui a trait à l'information. Il n'existe aucune solution facile au problème de la prolifération des « porte-parole » cités par la presse. Tous les organismes et bureaux des Nations unies doivent d'abord comprendre le rôle central que le R.S.S.G. et son personnel de l'information jouent à l'égard de la gestion de l'information ayant une incidence politique. Il en va de même pour le personnel militaire de l'information. On peut se fier aux porte-parole des organismes et de la force militaire pour ce qui est de l'information sur leur domaine de compétence particulier, tandis que le R.S.S.G. et le porte-parole civil de la mission devraient se trouver au coeur des efforts d'information que les Nations unies déploient sur le terrain.

ENSEIGNEMENT N º 30 : Dans la zone de la mission, l'information doit relever du R.S.S.G., mais elle devrait tenir compte des instructions permanentes et des directives convenues à l'égard des éléments d'information sur le terrain.

La crise humanitaire au Rwanda n'a pas commencé avec les massacres d'avril 1994. La situation humanitaire au Rwanda en 1993, caractérisée par un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur du pays, était un indice fondamental de l'explosion politique qui allait secouer le pays. Les événements qui se sont produits au Burundi en octobre 1993, suivis du chaos et de l'afflux de réfugiés dans le sud du Rwanda, ont contribué à déstabiliser davantage la situation. Néanmoins, cette dimension humanitaire n'a pas été prise en considération de manière adéquate dans le plan opérationnel initial de la mission.

ENSEIGNEMENT N º 31 : Les indicateurs humanitaires peuvent être un important baromètre des tendances politiques et doivent recevoir une attention appropriée au niveau politique.

Dans l'ensemble, la communauté internationale, y compris les intervenants sur la scène humanitaire, n'a pas reconnu que la crise humanitaire s'aggravait au Rwanda, et elle était relativement peu préparée aux événements du début de 1994 et à l'intervention requise. Avant la mise sur pied de l'opération de maintien de la paix, des experts des droits de l'homme ont présenté à la commission des droits de l'homme des rapports sur la situation au Rwanda. Malgré l'existence de ces rapports au sein du système des Nations unies, l'information n'a pas été portée à l'attention des organes politiques.

Tirant la leçon de cette expérience, le secrétariat a déployé des efforts considérables afin de porter la situation du Burundi à l'attention du Conseil de sécurité pour que celui-ci prenne les mesures voulues. Toutefois, il n'y a eu aucune intervention internationale efficace en dépit des avertissements répétés en temps opportun.

ENSEIGNEMENT N º 32 : Sur les plans humanitaire et politique, il faut un système efficace d'avertissement rapide pour les zones de conflit éventuelles. Compte tenu de la volonté politique, un bon système d'avertissement rapide consisterait à cibler efficacement les personnes et les organismes politiques compétents.

La générosité dont a fait preuve la communauté internationale en apportant une aide aux camps de réfugiés, particulièrement à Goma, au Zaïre, a été en partie suscitée par les médias, qui ont beaucoup parlé des épidémies de choléra et de dysenterie dans les camps et, dans une certaine mesure, par un sentiment de culpabilité pour ne pas avoir fait assez durant le génocide lui-même. Cette intervention internationale a été considérée avec méfiance par les nouvelles autorités rwandaises, qui voyaient clairement dans cette aide massive un geste de soutien aux auteurs du génocide qui se cachaient dans les camps, tandis que les personnes ayant survécu aux horreurs du génocide au Rwanda n'obtenaient aucun soutien pour rebâtir leur vie et leur pays en ruine.

Un plan humanitaire exhaustif élaboré suffisamment tôt aurait pu aider à éviter une intervention ponctuelle face à la crise humanitaire et aurait contribué à prévenir des problèmes ultérieurs, comme la prépondérance de l'aide dans les camps de réfugiés de Goma alors que les personnes déplacées à l'intérieur ou les besoins de reconstruction et de rétablissement à l'échelle nationale ne recevaient guère d'attention.

ENSEIGNEMENT N º 33 : Une évaluation systématique des besoins doit être effectuée par une institution pilote afin d'éviter une répartition disproportionnée de l'aide humanitaire. De plus, l'assistance humanitaire aux camps de réfugiés devrait être apportée dans le but ultime d'affranchir le bénéficiaire de sa dépendance vis-à-vis de l'aide.

Pour améliorer la coordination, en particulier durant les opérations de réinstallation des personnes déplacées, un centre d'opérations intégré a été mis sur pied en janvier 1995 sous la présidence d'un représentant du gouvernement rwandais. Ce centre a contribué à améliorer la coordination des activités et à définir des objectifs communs.

Un plan humanitaire exhaustif élaboré de concert avec les plans militaire et de sécurité de la MINUAR aurait permis de mieux faire concorder les objectifs de la force militaire et de la communauté humanitaire dès le début. Il aurait également eu pour effet de sensibiliser les intervenants humanitaires et militaires au mandat, aux méthodes et à la culture de l'autre composante, ce qui leur aurait permis de mieux travailler ensemble durant la période de crise qui a suivi le mois d'avril 1994.

ENSEIGNEMENT N º 34 : Pour assurer la coordination entre la force militaire et la communauté humanitaire, on pourrait envisager de mettre sur pied un centre d'opérations civilo-militaire dans le cadre des missions de maintien de la paix. Cela permettrait de renforcer la coordination et la communication à l'égard des questions d'opérations conjointes et de maximiser l'utilisation des ressources disponibles dans la zone de la mission.

La question des personnes déplacées à l'intérieur (P.D.I.) et celle de savoir qui devait leur fournir de l'aide ont été à l'origine d'une certaine divergence d'opinion entre la MINUAR et la communauté humanitaire. Même si le H.C.R. a joué le rôle prépondérant en ce qui a trait à l'aide aux réfugiés, les responsabilités n'ont pas été attribuées clairement à l'égard des P.D.I. Le H.C.R. et la MINUAR ont adopté des approches différentes dans leurs rapports avec elles. Tandis que la MINUAR voyait la nécessité de faciliter la fermeture rapide des camps de P.D.I. et assurait également le transport des P.D.I. qui souhaitaient retourner dans leur commune, le H.C.R. considérait qu'il fallait donner une plus grande priorité aux conditions de ce retour. Il a été suggéré que la MINUAR accordait une importance secondaire au fait de conseiller et de préparer ces personnes à retourner dans leur foyer avec ce dont elles avaient besoin pour commencer une nouvelle vie et que, à certains moment, la question du nombre de personnes transportées semblait plus importante que les conditions du retour.

Certains membres d'organismes humanitaires estimaient également que le centre d'opérations intégré mettait davantage l'accent sur les opérations menant à la fermeture des camps, sans examiner d'un oeil critique la question de savoir qui était responsable de défendre les droits des P.D.I. auprès du gouvernement rwandais. À titre de représentant supérieur des Nations unies au Rwanda, le R.S.S.G. devrait être un puissant porte-parole des questions humanitaires et de celles liées aux droits de l'homme.

ENSEIGNEMENT N º 35 : L'aide aux personnes déplacées à l'intérieur doit faire partie d'un plan d'urgence, et la responsabilité de ces personnes doit être clairement assignée au sein de la communauté humanitaire oeuvrant dans un pays.

Lorsqu'un crime contre l'humanité est commis, en l'occurrence un génocide, les Nations unies doivent à tout prix agir promptement sous une seule égide conceptuelle. On a laissé entendre que dans le cas du Rwanda, un élément de respect des droits de l'homme aurait dû être incorporé à la mission de maintien de la paix dès le début. Une opération hors siège en faveur des droits de l'homme aurait bénéficié, avec l'opération de maintien de la paix, de systèmes administratifs et logistiques communs, et les éléments militaire et de POLCIV de la mission auraient pris conscience de la dimension que comportait la situation au Rwanda sur le plan des droits de l'homme.

ENSEIGNEMENT N º 36 : La protection des civils contre la violence politique constitue une importante contribution du point de vue humanitaire. Une composante « Droits de l'Homme » aurait dû être intégrée à la mission dès le début.

Lors de son déploiement en octobre 1993, la MINUAR a été confrontée à des problèmes politiques qui n'avaient pas été prévus. D'une part, elle devait traiter avec le gouvernement du président Habyarimana, qui était le gouvernement légitime du Rwanda. D'autre part, elle devait également transiger avec le F.P.R., dont la légitimité avait été reconnue dans les accords d'Arusha et qui, en janvier 1994, ne faisait toujours pas partie du gouvernement, contrairement à ce qui avait été convenu dans les accords.

La stratégie des parties semblait consister à se servir de la MINUAR afin de gagner du temps. Tandis que les dirigeants de la MINUAR cherchaient à négocier la fin de l'impasse politique et, de ce fait, passaient du temps en compagnie du président Habyarimana et du général Paul Kagame, chef militaire du F.P.R., une perception s'est fait jour qui a semblé compromettre l'impartialité des dirigeants de la MINUAR. La question de l'impartialité d'une mission de maintien de la paix pose immanquablement un problème lorsque le déploiement a lieu dans le contexte d'un conflit civil.

ENSEIGNEMENT N º 37 : Une mission de maintien de la paix devrait s'efforcer de rester impartiale tant au niveau des perceptions que de la réalité. Une attitude adaptée, favorisant la maintien de la paix, de la part du personnel à tous les échelons est d'une importance cruciale lorsqu'il s'agit de gagner la confiance de la population locale, notamment à travers le dialogue entre le personnel de la mission et les autorités locales à tous les niveaux. Il est essentiel d'expliquer que les Nations unies traitent d'une manière impartiale avec toutes les parties et les autorités concernées et n'agissent pas dans l'intérêt de telle ou telle partie.

Durant la période qui a suivi la guerre civile, le gouvernement rwandais a considéré la MINUAR non pas comme un partenaire mais comme un rival qui sapait son autorité. Le harcèlement de la MINUAR et les violations de l'accord sur le statut de la mission, que le nouveau gouvernement ne se sentait pas tenu de respecter, sont devenus monnaie courante. De plus en plus, l'armée refusait au personnel de la MINUAR la liberté d'accès, fouillant les véhicules de la mission, orchestrant contre elle une propagande, et cherchant l'affrontement avec certains contingents particulièrement visés de la MINUAR pour forcer leur retrait.

Les représentants de la MINUAR et ceux du Siège de l'O.N.U. à New York ont fait tout leur possible pour inciter le gouvernement à tenter de résoudre les problèmes concernant l'accord sur le statut de la mission, mais les modifications exigées par le gouvernement étaient considérées comme des violations fondamentales des privilèges et des immunités des Nations unies reconnus à l'échelle internationale, ne laissant ainsi aucune place aux négociations. L'accord sur le statut de la mission était un traité international entre le Rwanda et les Nations unies, et le nouveau gouvernement était obligé de le respecter.

ENSEIGNEMENT N º 38 : La MINUAR a illustré l'importance d'assurer un solide fondement juridique à la mission vis-à-vis des autorités locales. En particulier, chaque mission devrait conclure un accord sur le statut de la mission dès que possible, et les Nations unies ainsi que les autorités locales devraient s'entendre clairement sur l'interprétation de l'accord et sur l'importance de se soumettre à ses exigences.

Lorsque la MINUAR élargie a été entièrement déployée en septembre 1994, deux mois après la fin de la guerre civile, le gouvernement n'a pas compris quel était le but de la nouvelle force. À l'origine, il avait résisté à l'idée du déploiement d'une force importante des Nations unies après la guerre civile. Lorsqu'il s'est ravisé, c'était parce qu'il croyait que la force apporterait les ressources nécessaires à la reconstruction du pays.

Même si la MINUAR a effectivement apporté avec elle des parcs de véhicules blancs et tout un éventail d'équipement, c'était dans le but d'appuyer la mission, a-t-on dit au gouvernement, et non pour aider à rebâtir le pays. Cet étalage de richesses apparentes devant une population traumatisée par le génocide et la guerre civile a donné au gouvernement l'impression que la MINUAR n'était pas sensible à ses besoins. Les Rwandais n'auraient probablement pas éprouvé autant de ressentiment si les ressources de l'opération de maintien de la paix avaient servi à la reconstruction nationale de même qu'au soutien de la mission.

ENSEIGNEMENT N º 39 : Les Nations unies devraient savoir quand mettre fin à une mission pour éviter qu'elle ne dure au-delà de la période où elle est utile. Il ne faut pas en arriver à un point où la présence continue de la mission déplaît à la population locale.

Une fois entièrement déployée, la MINUAR élargie possédait les ressources techniques nécessaires, c'est-à-dire des médecins, des ingénieurs, des techniciens en télécommunications et des moyens logistiques (véhicules légers et lourds, bétonnières, hélicoptères et groupes électrogènes), pour accomplir cette tâche de consolidation de la paix. L'obstacle résidait dans le mandat, car on rappelait constamment aux hauts fonctionnaires que les techniciens militaires et leur matériel étaient financés à l'aide de quote-parts dans le but de soutenir la MINUAR en non le gouvernement et le peuple du Rwanda. La tâche en question était axée sur le développement, et cette responsabilité incombe aux organismes spécialisés, dont le fonctionnement repose sur des contributions volontaires.

Néanmoins, de juillet à décembre 1994, les ressources militaires de la MINUAR ont servi à fournir un soutien médical aux Rwandais. Le Comité international de la Croix-Rouge et d'autres organisations non gouvernementales se sont joints à la MINUAR pour assurer ces services dans tout le pays, tandis que le P.N.U.D. et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (U.N.I.C.E.F.) appuyaient d'autres activités de consolidation de la paix. La MINUAR a également aidé le gouvernement à rétablir l'infrastructure, à fournir les services essentiels et à effectuer des travaux de réparation et de construction d'urgence. Le soutien logistique apporté par la MINUAR, particulièrement l'utilisation de ses véhicules, a facilité le transport des rapatriés.

ENSEIGNEMENT N º 40 : Le rôle des casques bleus en ce qui a trait à la consolidation de la paix serait des plus cruciaux durant la « période floue » qui suit immédiatement une crise et avant que la Banque mondiale et les organismes des Nations unies soient en mesure de mettre en branle leurs propres programmes de rétablissement et de relance d'urgence.

Au lendemain de la guerre civile en 1994, le secrétaire général a créé un fonds d'affectation spéciale pour appuyer les programmes de rétablissement au Rwanda. Or, l'initiative a eu une incidence limitée puisque seuls les Pays-Bas ont offert cinq millions de dollars au fonds d'affectation spéciale.

ENSEIGNEMENT N º 41 : Pour assurer le financement immédiat des activités de consolidation de la paix, il faudrait adopter une approche souple. Une possibilité consisterait à établir un fonds d'affectation spéciale renouvelable. On pourrait encourager la Banque mondiale, les banques régionales de développement et d'autres organismes à financer des projets qui s'inscriraient dans le cadre d'un processus de consolidation de la paix.

Selon plusieurs experts, le meilleur moyen de consolider la paix et d'en arriver à la réconciliation nationale au Rwanda est d'appuyer la société non gouvernementale locale et les dirigeants de la société civile. La communauté internationale devrait travailler de concert avec ces réseaux locaux et par leur entremise, au niveau de la collectivité, afin de résoudre les nombreux problèmes auxquels le pays fait face, qu'il s'agisse d'assurer des services sociaux, de réintégrer les combattants dans la société ou d'offrir des possibilités de formation et d'emploi.

ENSEIGNEMENT N º 42 : Des efforts en vue de la réconciliation nationale doivent être déployés vigoureusement à tous les niveaux, en commençant par la base et en englobant tous les aspects de la société rwandaise.

Tant que l'opposition à l'étranger et les réfugiés ne seront pas inclus dans un partage effectif du pouvoir, la situation politique au Rwanda demeurera précaire.

Cela ne signifie pas qu'il faille imposer au gouvernement rwandais les personnes soupçonnées d'implication dans le génocide. Il est essentiel, pour mener à bien le processus de réconciliation, que les instigateurs du génocide soient tenus responsables de leurs actes. Une fois qu'ils auront vu les coupables traduits en justice, les Tutsi survivants seront peut-être moins désireux de se venger en commettant des homicides extrajudiciaires, et les paysans Hutu en exil auront peut-être moins peur de rentrer chez eux. C'est alors qu'on pourra déployer des efforts en vue d'une véritable réconciliation, pour ainsi briser le cycle d'« exclusion alternative » qui a caractérisé la vie politique au Rwanda.

Un autre facteur qui complique la réconciliation nationale est le problème de l'impunité et la culture de violence qui ont affligé le Rwanda au cours des dernières décennies.

ENSEIGNEMENT N º 43 : Aux fins de la réconciliation nationale, il faut souligner l'importance d'administrer rapidement la justice, tant à l'échelle internationale que nationale. Il faut éviter de créer un climat d'impunité en veillant à ce que les personnes impliquées dans un génocide et des crimes contre l'humanité soient arrêtées et jugées. Le retour volontaire et sans danger des réfugiés est un facteur central pour ce qui est de promouvoir la réconciliation nationale. Le retour des réfugiés doit être appuyé par la communauté internationale, particulièrement grâce à des efforts régionaux visant à assurer la paix, la stabilité et la coopération.

DEUXIÈME PARTIE

Exposé des enseignements tirés de la MINUAR

Contexte, mandat et moyens

1. Parmi les personnes interrogées et les participants au séminaire de synthèse, le sentiment général était que les mandats de la MINUAR découlaient du contexte politique international dans lequel ils avaient été formulés et reflétaient généralement des préoccupations et des impératifs de certains États membres qui avaient peu de rapport avec la situation au Rwanda. Une incompréhension fondamentale de la nature du conflit a également donné lieu à des hypothèses politiques et à des évaluations militaires erronées. Le Conseil de sécurité, qui est le principal responsable de l'élaboration des mandats de maintien de la paix, a eu tendance, au début de la crise, à considérer la situation au Rwanda comme une petite guerre civile, comme l'ont déclaré certains membres du Conseil. On a passé sous silence ou omis d'explorer les conflits politiques au sein du gouvernement rwandais et les preuves croissantes d'assassinats politiques et de violations des droits de l'homme dans le pays. Lors du séminaire de synthèse, on a laissé entendre que le Conseil de sécurité devait améliorer radicalement la qualité de l'information de base dont il dispose sur les situations à l'ordre du jour.

2. La MINUAR a été créée le 5 octobre 1993 par suite d'une demande du gouvernement du Rwanda et du Front patriotique rwandais (F.P.R.), qui, dans un geste sans précédent, ont dépêché une délégation conjointe auprès des Nations unies. Par cette demande, ils espéraient obtenir une aide pour la mise en oeuvre des accords d'Arusha. Ces accords, qui comprenaient l'accord de paix d'Arusha du 4 août 1993, un accord de cessez-le-feu et six protocoles détaillés sur la primauté du droit, le partage du pouvoir, le rapatriement des réfugiés et la réinstallation des personnes déplacées, l'intégration des forces armées et diverses questions, avaient été soigneusement négociés pendant près de deux ans sous les auspices de l'Organisation de l'unité africaine (O.U.A.), et sous la surveillance des Nations unies. On ne peut saisir pleinement le sens de la demande conjointe que lorsqu'on la compare aux sérieuses difficultés auxquelles l'O.N.U. faisait face, à ce moment-là, au sujet de la volonté des parties aux conflits en Somalie et dans l'ex-Yougoslavie de coopérer avec elle.

3. Un membre permanent du Conseil de sécurité qui souhaitait retirer ses militaires du Rwanda sans créér un vide critique au niveau de la sécurité, ainsi que l'O.U.A., a exhorté les Nations unies à jouer un rôle plus actif et à aider les parties à mettre en oeuvre les accords. Les États voisins du Rwanda, à savoir la République Unie de Tanzanie, l'Ouganda, le Zaïre et le Kenya, voulaient que les Nations Unies prennent leur part du fardeau consistant à rétablir la paix dans un pays où régnaient depuis longtemps les conflits et les tragédies humaines. En février 1993, le secrétaire général a dépêché une mission de bons offices dans la région pour favoriser les négociations et explorer la possibilité de déployer des observateurs militaires le long de la frontière entre le Rwanda et l'Ouganda. À la demande de ces deux pays, la Mission d'observation des Nations unies en Ouganda-Rwanda (MINUOR) a été créée en juin 1993 et déployée le long de leur frontière commune de 150 kilomètres dans le but de prévenir l'utilisation de la région à des fins militaires, particulièrement pour le transport d'approvisionements militaires au Rwanda.

4. Avec la conclusion des accords d'Arusha, les conditions semblaient propices à la réussite d'une opération de maintien de la paix au Rwanda. En rétrospective, il est évident que les questions sous-jacentes n'ont pas été réglées à Arusha. Au Rwanda également, certaines factions politiques avaient exprimé ouvertement leur opposition à l'ensemble du processus d'Arusha. Les observateurs des négociations d'Arusha ont affirmé que les deux camps n'étaient pas équilibrés : le F.P.R. formait un bloc et avait une position commune sur chaque question, tandis que le gouvernement était divisé et déchiré par des conflits internes. Les partis politiques rwandais manoeuvraient pour obtenir le contrôle et des portefeuilles ministériels, et certains d'entre eux avaient rejeté l'accord de manière catégorique. Lors du séminaire de synthèse, on a suggéré que pour mieux comprendre la situation, le Conseil de sécurité devait jouer un rôle beaucoup plus actif dans les processus de paix avant leur conclusion.

5. Lorsque le premier mandat de la MINUAR a été formulé, la situation était sombre en Bosnie, en Iraq et en Somalie. Deux jours avant l'adoption de la résolution 872 du Conseil de sécurité créant la MINUAR, 18 soldats américains ont été tués en Somalie. Le lendemain de l'adoption de cette résolution, le gouvernement des États-Unis a annoncé qu'il retirait ses forces de la Somalie et de l'Opération des Nations unies en Somalie (ONUSOM). Peu après, la plupart des États occidentaux ont annoncé qu'ils en feraient autant. Même avant ces événements, les États-Unis avaient entrepris un examen critique de leur rôle dans le cadre des opérations de maintien de la paix, et l'on semblait généralement peu disposé à prendre part à des opérations coûteuses en vies humaines ou en ressources. Une directive présidentielle définissait rigoureusement les conditions dans lesquelles les États-Unis participeraient à des opérations de maintien de la paix. Et, dans le discours qu'il a prononcé devant l'Assemblée générale en octobre 1993, le président américain a déclaré que les Nations unies devaient apprendre à dire « non » aux opérations de maintien de la paix qui étaient irréalisables.

6. C'est dans ce climat de prudence et d'austérité financière que la MINUAR a été créée pour une période de six mois, étant entendu qu'elle ne serait prolongée au-delà de la période initiale de 90 jours qu'après examen du Conseil. Un gouvernement de transition à larges assises devait être établi avant la fin de 1993, des élections nationales et l'installation d'un nouveau gouvernement suivraient, et le processus prendrait fin d'ici octobre 1995, ou décembre 1995 au plus tard. Comme l'ont suggéré certains participants au séminaire de synthèse, il s'agissait d'aider les Rwandais, mais au coût le plus bas possible, sans être entraîné dans un conflit prolongé.

7. Le premier mandat de la MINUAR comprenait les tâches suivantes : contribuer à assurer la sécurité de Kigali, notamment à l'intérieur d'une zone libre d'armes établie par les parties dans le ville et dans ses alentours; superviser l'accord de cessez-le-feu; superviser les conditions de la sécurité générale dans le pays pendant la période terminale du mandat du gouvernement de transition jusqu'aux élections; aider à coordonner l'aide humanitaire; enfin, enquêter et sur les incidents relatifs aux activités de la gendarmerie et de la police et en rendre compte. Par la même résolution, le Conseil de sécurité a lancé un appel pressant aux États membres, aux organismes des Nations unies et aux organisations non gouvernementales pour qu'ils fournissent et intensifient leur aide économique, financière et humanitaire en faveur du peuple rwandais et du processus de démocratisation au Rwanda.

8. La force approuvée pour mettre en oeuvre ce mandat ­ soit 2 548 militaires de tous grades qui seraient déployés de manière progressive ­ était légèrement armée et équipée et devait opérer selon l'hypothèse que les parties respecteraient les accords intervenus à Arusha. En rétrospective, certains participants au séminaire de synthèse ont laissé entendre que cette hypothèse était trop optimiste et que l'une des pénibles leçons dégagées de la mission au Rwanda était : « S'ils partent trop légèrement armés, les Casques Bleus finiront par devenir des cibles vulnérables au lieu de maintenir la paix. »

9. Le Bangladesh et la Belgique ont été les seuls pays à offrir des troupes pour constituer le premier bataillon de la MINUAR, chacun fournissant un contingent de 400 soldats. Dès leur arrivée sur les lieux le 22 octobre 1993, le commandant de la force et un petit groupe précurseur ont vite réalisé qu'ils n'étaient pas préparés, du point de vue politique, à faire face à la situation au Rwanda. Ils commençaient à percevoir des aspects de l'impasse politique, dont les germes remontaient à août 1993. Bien que l'installation de Juvénal Habyarimana dans les fonctions de président ait eu lieu le 5 janvier 1994, l'assemblée nationale et le gouvernement de transition n'ont pu être installés le même jour. La mise en oeuvre des accords de paix prenait du retard, et les activités de certains éléments politiques devenaient de plus en plus violentes. À la fin de février 1994, le deuxième bataillon de la MINUAR, provenant du Ghana, avait été déployé, portant ainsi l'effectif de la MINUAR au niveau autorisé de 2 545 militaires de tous grades. En ce qui concerne le contingent de la police civile de la MINUAR, la limite autorisée avait été atteinte, soit 60 membres.

10. Le 6 avril 1994, après l'écrasement de l'avion qui transportait le président Habyarimana, la guerre civile a éclaté et le génocide a commencé. Le mandat de la MINUAR qui consistait à superviser l'accord de cessez-le-feu n'était plus pertinent. La mission n'avait ni le mandat approprié ni les moyens de prendre des mesures efficaces. Les représentants militaires supérieurs s'accordent à dire que l'effectif de 2 545 militaires était insuffisant pour lancer une action militaire pour protéger les victimes du massacre, même en légitime défense, et que les capacités de la force n'avaient pas été réunies dans l'optique d'un conflit. L'infrastructure logistique était extrêmement faible, et la MINUAR manquait de plus en plus de vivres et de fournitures médicales, même de sacs de sable pour protéger ses installations. Elle n'avait aucune ambulance et disposait principalement de véhicules non blindés pour le transport des troupes. « Nous allions payer très cher la faiblesse des moyens logistiques et du soutien médical lorsque la guerre civile a éclaté », a déclaré un haut fonctionnaire.

11. Certaines personnes ont avancé l'argument selon lequel la MINUAR aurait pu avoir recours à ses règles d'engagement, dont un paragraphe a été interprété comme autorisant la mission à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l'utilisation de la force, afin de protéger les civils en danger. D'autres ont déconseillé toute tentative visant à usurper les pouvoirs du Conseil de sécurité, qui, en vertu de la Charte des Nations unies, est le seul organe habilité à décider des mandats des opérations de maintien de la paix. Les dirigeants militaires de la MINUAR ont affirmé que, durant cette période, même s'ils avaient voulu invoquer ce paragraphe des règles d'engagement, ils ne possédaient ni la capacité physique ni les moyens de le faire.

12. En l'absence d'un mandat effectif entre le 7 avril et le 21 avril 1994, date où le Conseil de sécurité a modifié le mandat de la MINUAR, certains États membres sont intervenus les 9 et 10 avril afin d'évacuer leurs ressortissants du Rwanda, sans avoir assuré une coordination adéquate ni prévenu la MINUAR Une situation du même genre s'était produite durant l'opération au Congo entre 1960 et 1964, lorsque des États membres avaient affecté des troupes dans la zone de conflit pour évacuer leurs ressortissants, sans coordonner leurs efforts auprès de la mission de maintien de la paix. Dans le cas de la crise au Congo, le Conseil de sécurité considérait ce geste comme une intervention étrangère qu'il n'avait pas autorisée et qui, par conséquent, mettait en danger les troupes des Nations unies sur le terrain. En ce qui concerne le Rwanda, des officiers supérieurs de la MINUAR étaient d'avis que de telles actions ont amené la MINUAR à être soupçonnée de collusion, particulièrement lorsque les forces d'intervention se sont servies à un certain moment de véhicules portant l'inscription des Nations unies pour entreprendre leurs tâches d'évacuation.

13. On a dit lors du séminaire de synthèse que l'inaction du Conseil de sécurité durant la période critique qui a suivi l'écrasement de l'avion du président était attribuable à plusieurs facteurs, dont une compréhension insuffisante de l'ampleur du problème. Le Conseil de sécurité n'a fait que percevoir vaguement la dégradation progressive de la situation au Rwanda et, même là, il n'y a vu qu'un retard dans la mise en oeuvre du processus d'Arusha, et non le prélude d'un génocide. Certains membres du Conseil ont recommandé que le Secrétariat trouve une manière de s'assurer que le Conseil soit totalement informé de tous les aspects d'une situation critique en cours de discussion. Une autre complication mentionnée lors du séminaire de synthèse était la présence au Conseil d'un représentant du régime du président Habyarimana, le Rwanda ayant un mandat de deux ans à titre de membre non permanent du Conseil de sécurité. Ce représentant, a-t-on laissé entendre, cherchait tout naturellement à axer la discussion sur les actions du F.P.R. et à passer sous silence ce qui se produisait dans les secteurs contrôlés par le gouvernement.

14. Étant donné que certains pays retiraient unilatéralement leurs contingents de la MINUAR, le Secrétaire général a déclaré, dans un rapport présenté au Conseil le 20 avril 1994, que le personnel de la MINUAR « ne peut demeurer en danger indéfiniment lorsqu'il lui est impossible d'accomplir les tâches pour lesquelles il a été déployé » (traduction non officielle). Ce jour-là, l'effectif militaire de la mission s'établissait à 1 515 personnes. Le Secrétaire général a soumis trois options au Conseil : un renforcement immédiat et massif de la MINUAR, dont le mandat serait modifié pour lui permettre de contraindre les parties à un cessez-le-feu et de tenter de rétablir l'ordre public; une réduction de la mission à un petit groupe dirigé par le commandant de la force, qui resterait à Kigali pour obtenir un cessez-le-feu par médiation, tandis que le Représentant spécial du Secrétaire général (R.S.S.G.) poursuivrait ses efforts de médiation en ce qui a trait aux négociations politiques; ou le retrait complet de la MINUAR.

15. Comme les pays fournisseurs de contingents étaient peu disposés à exposer leurs soldats à des risques excessifs, et en l'absence d'un consensus sur l'octroi à la force de pouvoirs coercitifs, le Conseil de sécurité, le 21 avril 1994, a modifié le mandat de la MINUAR afin que celle-ci « serve d'intermédiaire entre les parties en vue d'obtenir un accord de cessez-le-feu, aide à la reprise des opérations de secours humanitaires dans la mesure du possible, surveille et rende compte du déroulement des événements au Rwanda, notamment la sauvegarde et la sécurité des civils qui cherchaient refuge auprès de la MINUAR » (traduction non officielle). Le Conseil a également décidé de réduire l'effectif de la MINUAR à 270 militaires et a réaffirmé que les accords d'Arusha demeuraient la clé du processus de paix au Rwanda. Il était évident qu'avec ce niveau de force, ainsi que le mandat révisé, la MINUAR ne pouvait prendre aucune mesure efficace pour mettre fin au génocide. En fait, il y avait une certaine résistance parmi les membres du Conseil à admettre que le problème du Rwanda était un génocide.

16. Même une déclaration du président du Conseil de sécurité le 30 avril, se contentait d'exiger uniquement que le gouvernement provisoire du Rwanda, proclamé le 8 avril, et le F.P.R. prennent des mesures efficaces afin de prévenir toute attaque contre les civils dans les secteurs placés sous leur contrôle, et demandait à la MINUAR de poursuivre ses efforts pour en arriver à un cessez-le-feu entre les deux parties. La déclaration reconnaissait toutefois que « des attaques sur des civils sans défense se sont produites dans tout le pays, particulièrement dans les régions contrôlées par les membres ou les partisans des forces armées du gouvernement provisoire du Rwanda » (traduction non officielle), reconnaissant ainsi ce qui se passait dans les villes et les communes contrôlées par les Hutu. Pourtant, ce n'est que le 17 mai 1994 que le Conseil, en adoptant la résolution 918, a admis que « la MINUAR peut être appelée à intervenir en légitime défense contre des personnes ou des groupes qui menacent les endroits et les populations protégées » (traduction non officielle) et, dans ce contexte, a autorisé l'expansion de la MINUAR de façon à porter son effectif à 5 500 militaires. On a élargi son mandat pour lui permettre de contribuer à la sécurité et à la protection des personnes déplacées, des réfugiés et des civils en danger et d'assurer la sécurité et le soutien des opérations de secours.

17. Des problèmes ont surgi lorsqu'est venu le moment de trouver des troupes pour l'opération élargie. Seuls des pays africains et quatre pays non africains étaient disposés à en affecter. Le soutien logistique des troupes africaines mal équipées n'a pas été facile à obtenir et, une fois offert, il a fallu mener de longues et fastidieuses négociations sur les conditions dans lesquelles il était fourni. Le secrétariat était également frustré par le processus consistant à assortir chaque contingent au matériel dont il avait besoin et dont il savait se servir. Le 18 juillet, le F.P.R. a déclaré unilatéralement un cessez-le-feu, mettant ainsi fin à la guerre civile. Lorsqu'un nouveau gouvernement d'unité nationale a été formé le 19 juillet, la MINUAR comptait moins de 500 militaires de tous grades au Rwanda.

18. Avant que le déploiement complet de la MINUAR élargie puisse avoir lieu, le Conseil de sécurité a autorisé, en vertu du chapitre VII, l'opération turquoise dirigée par les Français à des fins humanitaires. Cette force était sur les lieux en l'espace de quelques jours, alors qu'on ne pouvait trouver de troupes et de soutien logistique pour la MINUAR élargie. Lorsque cette dernière a finalement été déployée au grand complet dès novembre 1994, les Rwandais ont de nouveau mis en doute l'opportunité de son mandat. Quels réfugiés et civils en danger la MINUAR protégeait-elle maintenant ? ont-ils demandé. Pourquoi ne pas avoir offert cette protection aux victimes du génocide ? Selon certaines autorités rwandaises interrogées, le mandat de la MINUAR élargie ne correspondait pas, une fois de plus, à la situation sur le terrain. D'autres personnes, notamment des représentants supérieurs de la MINUAR, ont également affirmé que le Rwanda n'avait pas besoin à ce moment-là d'unités d'infanterie, mais plutôt d'une force mixte qui pourrait l'aider à rétablir les services essentiels. D'autres encore sont toutefois d'avis que la force militaire élargie a constitué un facteur de stabilisation nationale après la guerre civile et qu'elle s'est avérée essentielle pour donner un sentiment de sécurité aux rapatriés qui craignaient un génocide inverse sous la forme d'assassinats de représailles.

19. Même si l'on a dit que les mandats des opérations de maintien de la paix doivent être clairs, directs et limités, il a été avancé que, dans le cas du Rwanda, le mandat de la mission de maintien de la paix aurait dû être conceptualisé avec plus de souplesse. Il est nécessaire que la fonction traditionnelle de maintien de la paix d'une présence militaire des Nations unies ­ c'est-à-dire séparer les combattants et, s'il est impossible de rétablir la paix, assurer la sécurité de la population civile et lui fournir des secours humanitaires ­ soit élargie pour devenir une opération de soutien de la paix et de réparation des dommages causés par le conflit. À la fin de la guerre, la MINUAR possédait l'effectif ainsi que le soutien technique et logistique nécessaires pour entreprendre l'opération de réparation, mais elle n'avait reçu aucun mandat en ce sens.

20. Certains participants au séminaire de synthèse ont cependant indiqué que cet aspect du mandat des gardiens de la paix méritait une étude plus approfondie. Les aspects de la consolidation de la paix qui sont uniquement liés au développement ne devraient pas faire partie du mandat des Casques bleus et doivent être financés au moyen des sources traditionnelles de financement volontaire.

Planification

21. Le 11 juin 1993, environ deux mois avant la signature de l'accord de paix d'Arusha, l'ancien gouvernement rwandais et le F.P.R. ont présenté une demande conjointe au Conseil de sécurité afin que les Nations unies envoient une mission de reconnaissance au Rwanda pour préparer le déploiement rapide d'une force internationale neutre dès la signature des accords. La demande faisait bon accueil à la suggestion de l'O.U.A. voulant que les Nations unies assument la responsabilité et le commandement d'une telle force.

22. Dès que les accords d'Arusha ont été signés, le Secrétaire général a dépêché une équipe de reconnaissance au Rwanda. Cette équipe était dirigée par un officier qui devait assumer les fonctions de commandant de la force dans le cadre de la nouvelle opération et comprenait un autre officier qui avait fait partie de l'équipe du Secrétaire général chargée d'observer les négociations d'Arusha et qui agirait désormais à titre d'observateur militaire en chef de l'opération. Parmi les membres de l'équipe, il y avait également des responsables des questions politiques, militaires et humanitaires pour le Rwanda qui venaient des départements concernés, ainsi que des spécialistes de la division de l'administration et de la logistique des missions et du bureau du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (H.C.R.). L'équipe ne comptait cependant aucun spécialiste de l'information pouvant élaborer la stratégie d'information applicable à l'opération. En rétrospective, le commandant de la force a déclaré que l'équipe n'était pas suffisamment préparée aux complexités de la situation politique du pays, facteur qui a contribué à un optimisme naïf au sujet de toute l'opération.

23. L'équipe s'est penchée sur deux options visant à répondre aux besoins de la MINUAR en matière de troupes : la première option prévoyait un effectif de 2 500 militaires tandis que l'autre, plus ambitieuse, en prévoyait 4 500. Durant les consultations avec les États membres, un pays était d'avis qu'il fallait seulement 500 observateurs militaires pour accomplir le travail tandis qu'un autre en suggérait 1 000. En définitive, le Secrétaire général a recommandé une force de 2 545 militaires de tous grades, ce que le Conseil de sécurité a accepté dans sa résolution 872. En mettant sur pied le premier bataillon de la force, le Secrétariat a constaté que seule la Belgique pouvait offrir un demi-bataillon de 400 militaires de tous grades. Lorsqu'il a demandé instamment aux États membres de fournir un contingent bien équipé pour assurer le soutien logistique de la MINUAR, les pays ayant la capacité voulue se sont montrés peu réceptifs. C'est le Bangladesh, un pays en développement, qui a offert d'affecter 400 soldats à l'élément logistique. Les personnes interrogées ont exprimé une grande admiration à l'endroit du contingent bangladeshi mais précisé qu'il ne possédait pas le matériel suffisant pour exécuter ses tâches logistiques. Cette lacune est devenue un facteur décisif pendant la guerre civile. La planification des futures missions doit tenir compte de la capacité des pays fournisseurs de contingents à remplir les fonctions qui leur sont confiées.

24. On est d'avis que dans le monde actuel de l'après-guerre froide, la plupart des armées occidentales possèdent des moyens de soutien limités. Même si l'on pouvait trouver des soldats pour les opérations de maintien de la paix, les pays étaient incapables de les soutenir. Au moment de la formation de la MINUAR, il y avait environ 80 000 gardiens de la paix déployés dans le monde entier. De nombreux pays n'ont pas offert de troupes à la MINUAR parce que leurs ressources étaient déjà utilisées au maximum et, a-t-on déclaré, la plupart des pays ne sont pas en mesure de participer à plus de deux opérations de maintien de la paix à la fois.

25. Lorsque le Conseil de sécurité a décidé, le 17 mai 1994, de porter l'effectif de la MINUAR à 5 500 militaires de tous grades, l'incertitude quant à la possibilité de trouver des troupes et des moyens logistiques a entravé la planification. Jamais auparavant dans l'histoire du maintien de la paix les Nations unies n'avaient déployée autant de soldats et de moyens logistiques dans un pays enclavé. Et le faire avec si peu de collaboration de la part des États membres est devenu un cauchemar pour les planificateurs et l'est resté pendant toute la durée de la mission au Rwanda.

26. Un autre problème qui a nui au processus de planification a été l'absence d'une analyse adéquate de l'information disponible. Ce problème est demeuré important même après le déploiement de la MINUAR. Aucune capacité de collecte, d'analyse et de diffusion de l'information n'a été établie. On s'accorde de plus en plus à dire que les Nations unies ne possèdent pas de système adéquat pour recueillir et analyser l'information. En effet, elles n'ont pas de système leur permettant de puiser aux sources d'information existantes, comme les organismes étatiques, les établissements universitaires, les groupes de surveillance des droits et autres groupes non gouvernementaux, ainsi que les diverses institutions spécialisées des Nations unies elles-mêmes. L'Organisation manque d'une unité spécialisée, sans responsabilités opérationnelles, pour analyser cette information et lui donner la forme d'options stratégiques en évolution. Cela devient particulièrement critique lorsqu'elle doit faire face à une situation qui se dégrade au cours d'une crise.

27. Les Nations unies doivent réévaluer leur attitude face au rôle du renseignement et de l'information dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Leur aversion traditionnelle pour la collecte et l'utilisation du renseignement les a mal servies dans le passé, et le Rwanda en est un bon exemple. Par suite des expériences de la MINUAR et de celles vécues dans d'autres zones de crise, on a établi un cadre interdépartemental englobant le Département des affaires politiques (D.A.P.), le Département des opérations de maintien de la paix (D.O.M.P.) et le Département des affaires humanitaires (D.A.H.) afin d'améliorer la planification et la coordination.

28. Il faut aussi examiner la question de l'information fournie par les États membres, peut-être en améliorant la collaboration entre les Nations unies et les États membres qui sont en mesure de recueillir et d'analyser l'information. Outre la mise sur pied du centre de coordination au siège, on a suggéré d'instaurer sur le terrain, au bureau du R.S.S.G., un mécanisme militaro-civil d'analyse de l'information bénéficiant des ressources nécessaires. Il pourrait s'agir d'analystes compétents des questions militaires, politiques et humanitaires qui devraient être en mesure d'orienter, de recueillir, d'analyser et de diffuser l'information. Ces activités peuvent permettre à la mission d'intervenir d'une manière proactive, plutôt que réactive, face à la situation sur le terrain.

29. La situation humanitaire au Rwanda en 1993 était également un indice fondamental de l'explosion politique qui allait secouer le pays. Un plan humanitaire exhaustif élaboré de concert avec le plan militaire et de sécurité de la mission aurait permis de mieux faire concorder les objectifs de la force militaire et de la communauté humanitaire dès le début. Il aurait également eu pour effet de sensibiliser les intervenants humanitaire et militaire au mandat, aux procédures et à la culture de l'autre, ce qui leur aurait permis de mieux travailler ensemble durant la période de crise après avril 1994. En outre, une telle planification aurait pu aider à éviter des interventions ponctuelles face aux crises humanitaires et permettre une approche globale en matière d'assistance, ce qui aurait pu contribuer à prévenir des problèmes ultérieurs comme la prépondérance de l'aide dans les camps de réfugiés de Goma, au Zaïre, alors que les personnes déplacées à l'intérieur ne recevaient guère d'attention.

Coordination

30. Au Rwanda, le manque de coordination a nui aux activités des Nations unies. La mission avait besoin d'une chaîne de commandement claire et précise. Idéalement, tous les éléments d'une mission devraient passer par le R.S.S.G. Lorsqu'il présente des demandes ou émet des instructions, le siège devrait lui aussi passer par le R.S.S.G., qui, à son tour, transmettrait les instructions au bureau compétent. De plus, les critiques étaient partagées au sujet de la coordination entre la MINUAR, particulièrement son élément militaire, et la communauté humanitaire. Selon les organismes humanitaires, les relations avec la mission de maintien de la paix étaient bonnes, et la coordination et la volonté de partager l'information étaient meilleures que dans la plupart des autres situations où les Casques bleus et les organismes humanitaires travaillent ensemble. Par contre, l'élément militaire de la MINUAR était d'avis que la coordination de la communauté humanitaire avec l'opération était limitée et conditionnelle.

31. Au cours du séminaire de synthèse, d'anciens représentants de la MINUAR ont répété ce qui a été constaté lors d'autres missions : les organismes humanitaires étaient généralement plus coopératifs lorsque la situation était tendue au pays sur le plan de la sécurité et qu'ils avaient besoin de la protection des gardiens de la paix. Toutefois, dès que les préoccupations diminuaient au sujet de la sécurité, ils préféraient prendre leurs distances avec la mission, particulièrement de son élément militaire. Il n'existe aucune chaîne de commandement claire et précise entre une opération de maintien de la paix et les organismes des Nations unies qui oeuvrent dans le même pays. Selon des représentants de la MINUAR, la relation qui existait entre eux au Rwanda était uniquement fondée sur la « perception d'un besoin ». Parfois, le manque de coordination n'était attribuable qu'à des perceptions divergentes des cultures organisationnelles respectives de la force militaire, de la communauté humanitaire, des organismes de développement, de l'élément de police civile, des spécialistes des droits de l'homme et des autres intervenants. Un haut fonctionnaire a également souligné que le manque de coordination entre les divers éléments sur le terrain reflétait souvent un manque de coordination au siège. C'est notamment pour résoudre cette question qu'on a établi un cadre de coordination interdépartementale.

32. Le rapport étroit qui existe entre le niveau de sécurité et l'efficacité de l'aide humanitaire fait ressortir la nécessité, pour les éléments politique, militaire et humanitaire, d'adopter des stratégiques cohérentes. La crise au Rwanda a prouvé qu'il était nécessaire de créer des liens plus étroits entre les efforts humanitaires et politiques. Pour améliorer la coordination, en particulier durant les opérations de réinstallation des personnes déplacées à l'intérieur, un centre d'opérations intégré a été mis sur pied en janvier 1995 au ministère de la Réhabilitation et de l'Intégration sociale, avec la participation de toutes les institutions spécialisées des Nations unies, de deux représentants des organisations non gouvernementales et des deux plus importants donateurs, les États-Unis et l'Union européenne. Les ministères de l'Intérieur, du Plan, de la Justice et de la Défense étaient également représentés. Ce centre a contribué à améliorer la coordination des activités liées à la réinstallation des personnes déplacées et, dans une certaine mesure, à définir des objectifs communs.

33. Même si l'on peut recommander de tels centres dans le cas d'autres missions, les futures tâches de coordination des Nations unies sur le plan humanitaire devraient comporter des objectifs de mission clairement définis. Ces derniers devraient non seulement être propres au pays et à la situation, mais également refléter un accord précis entre les institutions spécialisées et les départements sur la politique globale et les activités prioritaires du coordonnateur des Nations unies pour l'aide humanitaire. Lors de la consultation interne, certains participants ont proposé, pour renforcer la coordination entre la communauté humanitaire et le R.S.S.G., que l'adjoint de ce dernier soit choisi parmi le personnel de l'un des organismes humanitaires.

34. Après le génocide, la présence accrue de personnel d'organismes des Nations unies au Rwanda a semé la confusion chez les représentants du F.P.R. désormais responsables, car ils connaissaient mal les voies hiérarchiques des Nations unies et ils ne s'étaient probablement pas rendu compte du fait qu'il y avait autant de mandats différents, et parfois concurrents. Le chaos qui s'en est suivi a sapé l'autorité du R.S.S.G., surtout après que les Rwandais n'ont pas tardé à découvrir que c'étaient le programme des Nations unies pour le développement (P.N.U.D.) et le H.C.R., et non la mission de maintien de paix, qui disposaient de fonds pour leur venir en aide. Lorsque les Rwandais ont demandé aux institutions spécialisées de passer par le R.S.S.G., certains organismes on fait appel avec succès à leur siège en vue d'exercer des pressions politiques sur le nouveau gouvernement pour que ce dernier leur accorde un accès indépendant à ses représentants.

35. Les Nations unies doivent veiller à ce que le R.S.S.G. soit reconnu non seulement nominalement, mais aussi institutionnellement comme le chef de la famille des Nations unies dans le pays où il a été désigné. Pour renforcer la position du R.S.S.G., on recommande qu'il soit nommé aussitôt que possible et qu'il soit le premier représentant supérieur des Nations unies à arriver dans la zone de la mission. En ce qui concerne la Somalie, le coordonnateur de l'aide humanitaire était déjà là depuis un certain nombre de mois lorsque le R.S.S.G. est arrivé sur les lieux. Dans le cas du Rwanda, le commandant de la force est arrivé en octobre 1993 et le R.S.S.G., en novembre 1993. Dans les deux situations, ces hauts responsables s'étaient établis dans la zone de la mission avant l'arrivée du R.S.S.G. Cela a entraîné des tensions inutiles qui ont nui aux efforts de coordination au début.

36. En outre, certains représentants ont proposé, pour assurer une coordination globale efficace et éviter des répercussions politiques négatives, que le R.S.S.G. soit consulté à l'égard de toutes les questions ayant une incidence politique. Il ne s'agirait pas d'entraver les mandats précis des institutions spécialisées, mais plutôt de permettre aux Nations unies d'offrir un front uni et cohérent au gouvernement hôte, et non un ensemble d'unités disparates cherchant à atteindre leurs propres objectifs.

37. Les représentants de la MINUAR interrogés ont parlé d'un cas qui s'est produit vers la fin de 1994 et où les différentes entités présentes au Rwanda n'ont pas coordonné adéquatement leurs efforts. À l'époque, la MINUAR estimait que le moment était venu pour les réfugiés de rentrer au Rwanda : elle était déployée dans les trois quarts du pays, elle avait 4 000 soldats sur le terrain et ses représentants ont estimé qu'il y avait-là nettement un créneau permettant aux réfugiés de rentrer chez eux en bénéficiant d'une sécurité relative. Les représentants de la MINUAR ont donc déployé des efforts, et notamment distribué des tracts, afin d'inciter les réfugiés à retourner au Rwanda. Malheureusement, la MINUAR n'a pas consulté le D.A.H. ni le H.C.R. avant de lancer son initiative, et ceux-ci ont protesté contre ce geste.

38. À l'extérieur de la famille des Nations unies, mais toujours dans le contexte de l'aide humanitaire, on retrouve les nombreuses organisations non gouvernementales qui travaillent aux côtés de la mission de maintien de la paix. Bien qu'elles puissent apporter un très grand soutien à bon nombre des initiatives de consolidation de la paix et d'aide humanitaire de la mission, elles ont tendance à protéger farouchement leur indépendance et elles n'apprécient pas le fait qu'on insinue qu'elles travaillent sous l'égide d'un organisme des Nations unies. Dans le cas du Rwanda, toutefois, le D.A.H. était d'avis que son Bureau des Nations unies pour les secours d'urgence au Rwanda (U.N.R.E.O.) avait extrêmement bien travaillé avec les organisations non gouvernementales. D'autres ont déclaré que le rôle de l'U.N.R.E.O. se bornait principalement à faciliter le partage d'information et que sa contribution à la coordination de l'aide humanitaire était, par conséquent, elle aussi limitée.

Aspects liés à la force militaire et à la sécurité

39. Lors de son déploiement initial en octobre 1993, la MINUAR devait, avec l'appui des parties, aider à la mise en oeuvre de ce que l'on considérait comme de vastes accords de paix. En raison notamment de l'absence d'analyse de l'information, les hypothèses en vertu desquelles elle a été déployée ne correspondaient pas aux réalités sur le terrain, et la MINUAR était mal équipée pour y faire face. Des conférenciers au séminaire de synthèse étaient d'avis que les Nations unies devaient développer une capacité de réaction rapide lui permettant de réagir aux changements dans la situation sur le terrain.

40. Malgré l'incertitude politique qui régnait au début de 1994, les parties avaient établi la zone libre d'armes de Kigali, et le F.P.R. avait affecté à Kigali un bataillon de 600 hommes pour protéger ses dirigeants, comme il avait été convenu. En rétrospective, il semble que lorsque la mise en oeuvre des accords d'Arusha est tombée dans l'impasse peu après l'installation du président Habyarimana le 5 janvier, des armes destinées aux forces gouvernementales rwandaises (F.A.R.) et à la milice avaient commencé à arriver au Rwanda. Le F.P.R. a lui aussi commencé à introduire plus de troupes à Kigali afin de renforcer son contingent de 600 hommes.

41. La discussion qui a eu lieu entre la MINUAR et le Secrétariat au sujet de la recherche et de la saisie d'armes au début de 1994 éclaire le rapport existant entre une mission de maintien de la paix et le siège. Les entretiens ont révélé, d'une part, que le siège a pour rôle d'inciter les chefs de mission hésitants à agir en conformité avec le mandat de la mission. D'autre part, il doit tempérer l'enthousiasme des chefs de mission qui désirent peut-être exagérer le mandat ou croient être en mesure d'exécuter des plans ambitieux qui demeurent dans les limites du mandat mais qui ne sont pas réalisables compte tenu des moyens existants.

42. Lorsque sa force a été réduite à 444 militaires de tous grades pendant le génocide, la MINUAR a adopté une posture d'auto-défense, protégeant la population civile qui s'était réfugiée à l'intérieur de son périmètre de défense. Elle n'avait pas la capacité de sortir de ce périmètre pour protéger ou secourir des personnes en danger. Même si elle avait décidé de combattre, et conformément aux principes de la légitime défense, la force disposait de niveaux très peu élevés de munitions et de peu de combustible, vivres et médicaments; elle n'avait aucun sac de sable pour ériger des dispositifs de protection et aucune ambulance. En pareille situation, la force ne pouvait même pas envisager des mesures offensives.

43. Malgré sa présence réduite, la MINUAR a protégé des dizaines de milliers de Rwandais venus se réfugier dans les endroits placés sous son contrôle. Néanmoins, de nombreuses personnes croient qu'on aurait pu sauver beaucoup plus de vies si l'opération de maintien de la paix des Nations unies au Rwanda avait été renforcée à ce moment critique. Toutefois, la rapidité avec laquelle les massacres étaient commis et le contrôle organisé de leur perpétration laissent supposer qu'une bonne partie des dommages auraient peut-être quand même été causés avant qu'on puisse déployer une force élargie. On a toutefois affirmé lors du séminaire de synthèse que si la communauté internationale avait manifesté sa volonté à ce moment-là, elle aurait ainsi communiqué sa détermination aux auteurs des massacres. Un membre du Conseil de sécurité a déclaré que le Conseil avait fait preuve d'un manque de leadership durant cette période critique et que, par conséquent, il n'avait pas transmis de message clair aux éventuels pays fournisseurs de troupes et au reste du monde. Les événements ultérieurs ont démontré davantage le manque de volonté politique de la communauté internationale d'assurer une protection lorsque sont commises de si flagrantes violations des droits de l'homme et ont malheureusement abouti au retrait de la plupart des troupes de la MINUAR pendant qu'avait lieu un génocide.

44. Quant aux États membres qui évacuent leur personnel d'une zone de conflit, on a suggéré d'informer à l'avance le Secrétaire général de leurs interventions et de coordonner ces dernières avec le commandant de la force. On pourrait également demander l'autorisation du Conseil de sécurité avant d'effectuer de telles tentatives. Des représentants de certains États qui sont intervenus pour évacuer leurs ressortissants du Rwanda en avril 1994 ont indiqué que le Secrétaire général et le Conseil de sécurité en avaient été informés, peut-être au même moment où atterrissaient leurs forces d'évacuation. Toutefois, lors du séminaire de synthèse, on a laissé entendre qu'à l'avenir, ces évacuations devraient être effectuées, si possible, en étroite collaboration avec les troupes des Nations unies sur le terrain.

45. La France a déployé l'opération Turquoise le 23 juin 1994, un jour seulement après avoir reçu l'autorisation du Conseil de sécurité. La MINUAR ne savait pas exactement où les troupes françaises se déployaient, car elles étaient entrées au Rwanda par Goma, au nord-ouest du pays. On savait que le F.P.R. n'était pas en faveur du déploiement de l'opération Turquoise. Il poursuivait toujours son avance, dans le but de prendre le contrôle de tout le territoire rwandais. Vu la possibilité d'un affrontement entre le F.P.R., qui avançait, et l'opération Turquoise, qui se déployait, la MINUAR s'est trouvée aux prises avec de grandes difficulté mais, lors de ses entretiens avec les responsables de l'opération Turquoise et du F.P.R., les intentions des parties ont été clarifiées. La France a par la suite annoncé que l'opération Turquoise établirait une « zone humanitaire sûre » dans le triangle Cyangugu-Kibuye-Gikongoro, dans le sud-ouest du Rwanda, zone couvrant environ un cinquième du territoire rwandais. Bien qu'il s'opposait toujours au déploiement, le F.P.R. a donné à la MINUAR l'assurance qu'il ne la contesterait pas.

46. D'après l'un des officiers supérieurs de la MINUAR, si un pays, agissant à titre de pays responsable, avait pu avoir recours à une force écrasante pour faire cesser la violence ­ non seulement pour protéger les réfugiés dans une partie du pays ­, l'armée du gouvernement rwandais et la gendarmerie auraient disposé du soutien nécessaire pour rétablir l'ordre public. C'est l'approche qui semble avoir été retenue pour la planification de l'autorité temporaire des Nations unies pour la Slavonie Orientale (A.T.N.U.S.O.), où il était entendu que si les circonstances tournaient mal, la force de mise en oeuvre (I.F.O.R.) interviendrait.

47. Le 11 juillet, la France a annoncé que l'opération Turquoise, dont le déploiement avait été autorisé jusqu'au 21 août 1994, commencerait son retrait dès le 31 juillet. L'intention du F.P.R. de pénétrer dans la région sud-ouest pendant le retrait des troupes françaises a fait apparaître le spectre d'un autre désastre. Une fois de plus, la MINUAR a dû négocier avec le F.P.R. afin que ce dernier retarde son avance dans la région jusqu'à ce que la MINUAR s'y soit établie. Le 22 août 1994, la MINUAR a été en mesure de prendre en charge, dans le calme, la zone humanitaire sûre lors du retrait des forces de l'opération Turquoise. En septembre et en octobre, l'armée patriotique rwandaise (A.P.R.) a réussi à prendre le contrôle de la zone.

48. Lorsqu'une paix relative a été rétablie au Rwanda, la MINUAR a pris beaucoup plus d'expansion en vertu de son nouveau mandat. En novembre 1994, elle avait atteint son niveau d'effectif autorisé, soit 5 500 militaires. Des résolutions subséquentes du Conseil sur le prolongement de la mission prévoyaient une réduction systématique de l'effectif ­ en réponse à une demande du gouvernement rwandais ­ de 2 300 à 1 800 et, après décembre 1995, à un peu plus de 1 000 militaires jusqu'à la fin du mandat, c'est-à-dire le 8 mars 1996. Seize pays ont affecté des troupes à l'opération; tous, sauf quatre, étaient des pays africains.

49. Après la guerre civile et jusqu'à l'expiration de son mandat, la MINUAR a eu comme mission de fournir protection et soutien à la distribution des secours humanitaires, de ramener les réfugiés et les personnes déplacées et de les réinstaller dans leurs communes respectives, tous en effectuant d'autres tâches, par exemple protéger le personnel des organismes des Nations unies, les observateurs des droits de l'homme et les organisations non gouvernementales, ainsi qu'assurer la sécurité du noyau du Tribunal international pour le Rwanda.

50. À l'aide des ressources disponibles de la MINUAR, notamment dans les domaines du transport et de la coordination, on a mis sur pied l'opération Homeward en septembre 1994, suivie de l'opération Retour, afin d'aider les organismes de secours à réinstaller dans leurs foyers les personnes déplacées à l'intérieur. Plus de 40 000 d'entre elles ont été évacuées à bord de véhicules tandis que beaucoup d'autres sont retournées chez elles à pied. Le tout a été entrepris en collaboration avec le gouvernement, le centre d'opération intégré jouant un rôle essentiel.

51. De plus, la MINUAR a travaillé étroitement avec le nouveau gouvernement dans le cadre de certaines opérations de sécurité. En décembre, elle a lancé l'opération Hope, une opération d'encerclement et de recherche menée par une brigade de concert avec l'A.P.R. dans le but de débarrasser les camps de Kibeho et de Ndago des éléments criminels qui pillaient et commettaient des actes de banditisme et des meurtres afin de décourager les réfugiés de ces camps de retourner volontairement dans leurs communes respectives. L'A.P.R. a affecté à cette opération deux bataillons formant le cordon de troupes extérieur. Elle a également fourni quelques officiers de liaison. L'opération a été couronnée de succès, car plusieurs centaines d'armes ont été confisquées et 44 criminels présumés ont été arrêtés et livrés au bureau du procureur à Gikongoro, en présence d'observateurs des droits de l'homme et de représentants de la Croix-Rouge.

52. Un cas où le mécanisme de coordination du centre d'opérations intégré n'a pas fonctionné s'est produit vers la fin d'avril 1995, dans le camp pour personnes déplacées de Kibeho. La décision du gouvernement de fermer le camp, par la force si nécessaire, a provoqué une mouvement de panique au cours duquel de nombreuses personnes perdirent la vie. Si le gouvernement, la MINUAR et la communauté humanitaire avaient bien coordonné leurs efforts en assurant des moyens de transport et des délais suffisants aux personnes qui étaient disposées à rentrer dans leurs communes, quelques vies auraient pu être épargnées.

Activités de la POLCIV

53. La première phase de la MINUAR comprenait un petit élément de police civile (POLCIV) composé de 60 observateurs qui devaient être déployés partout au Rwanda afin d'enquêter et de faire rapport sur les incidents relatifs aux activités de la gendarmerie et de la police. Ils devaient en outre jouer un rôle consultatif à l'égard de la mise en oeuvre de l'accord de paix d'Arusha. Les observateurs de la POLCIV ont été déployés graduellement et ont rempli leurs fonctions jusqu'en avril 1994, date où la guerre civile a éclaté. Il n'est ensuite resté que 15 observateurs, lesquels assuraient la liaison avec les autorités locales.

54. Après son accession au pouvoir le 19 juillet 1994, le nouveau gouvernement a immédiatement demandé l'aide de la MINUAR pour créer et former une nouvelle force de police nationale, la plupart des anciens gendarmes et policiers ayant fui le pays. Le programme de formation de la police rwandaise constituait la plus importante tâche de l'unité de police civile de la MINUAR et l'une des activités les plus concrètes et les mieux perçues de la mission. Le programme visait à former aussi rapidement que possible un nombre suffisant de gendarmes et de policiers qui constitueraient le noyau d'une nouvelle force de police rwandaise, ainsi qu'à fournir quelques instructeurs pour assurer le suivi, après le retrait de la MINUAR. Du début du programme, en août 1994, jusqu'à la fin du mandat de la POLCIV, en décembre 1995, 919 gendarmes et 750 policiers ont été formés. Des manuels de formation ont été préparés et remis par la suite aux autorités rwandaises.

55. Malheureusement, il a été mis fin au programme de formation, qui avait été pendant longtemps une priorité, par la résolution 1029 (1995) du Conseil de sécurité, à la demande du nouveau gouvernement, au moment où la POLCIV était parvenue à recueillir l'appui financier nécessaire, qui lui avait manqué jusque-là.

56. L'élément de POLCIV a été aux prises avec un certain nombre de problèmes liés à l'exécution de son mandat. Tout au long de son existence après la guerre civile, la POLCIV n'a jamais atteint son niveau d'effectif autorisé parce que les États fournisseurs, particulièrement les pays francophones, étaient peu disposés à envoyer des observateurs policiers. La plupart des stagiaires rwandais étaient francophones, et ceux qui parlaient l'anglais, le kinyarwanda ou le swahili avaient besoin d'instructeurs bilingues. Lorsqu'il n'y avait pas d'instructeurs, les exposés étaient faits par l'entremise d'interprètes locaux qui n'étaient pas toujours à la hauteur de la tâche. De plus, bon nombre d'observateurs de la POLCIV ne possédaient pas les compétences nécessaires, particulièrement en ce qui concerne la langue et la conduite automobile. En conséquence, il a fallu en rapatrier 31 immédiatement après leur arrivée.

57. On a également signalé que la conduite de certains observateurs de la POLCIV qui s'occupaient de la formation au Rwanda était loin d'être exemplaire sur le plan professionnel. Certains ne portaient pas l'uniforme tandis que d'autres n'arrivaient pas à l'heure pour donner les cours. Afin de remédier à quelques-uns de ces problèmes, l'unité de POLCIV du D.O.M.P. est actuellement en train de parfaire les procédures visant à aider les gouvernements à choisir les observateurs de la POLCIV affectés à des missions des Nations unies.

58. Des dispositions budgétaires insuffisantes ont également gêné l'élément de POLCIV dans ses activités, si bien qu'il a été impossible d'apporter un soutien régulier au programme de formation et de fournir de l'équipement destiné à la police. Par conséquent, les nouveaux gendarmes et policiers ont été déployés sur le terrain sans aucun appui matériel de la MINUAR. Pendant toute la durée du programme, la MINUAR a formé la police rwandaise sans moyens didactiques comme des livres, du matériel d'enquête, des appareils-photos, des caméras et des rétroprojecteurs, ce qui a nui à la qualité et à la crédibilité du programme.

59. Le programme de formation a été élaboré en étroite collaboration avec les autorités rwandaises. Il incombait au gouvernement de sélectionner les stagiaires, d'assurer leur entretien et de fournir l'infrastructure nécessaire à la formation, notamment les approvisionnements et le matériel. Malgré leurs bonnes intentions, les autorités ont tardé à remplir ces engagements. Cela aurait pu nuire grandement à la mise en oeuvre du programme s'il n'y avait eu l'aide apportée par le P.N.U.D., l'Organisation mondiale de la santé (O.M.S.) et le programme alimentaire mondial (P.A.M.). Lors du séminaire de synthèse, on a recommandé que pour assurer la réussite d'un programme de formation de policiers, il fallait fournir suffisamment de matériel, de moyens didactiques et autres ressources.

60. La POLCIV a travaillé étroitement avec les éléments tant militaire que civil de la MINUAR et avec les institutions spécialisées des Nations unies présentes au Rwanda. Elle a surtout collaboré avec les observateurs de l'Opération en faveur des droits de l'homme au Rwanda. Toutefois, comme cette collaboration n'était pas automatique, on a établi un cadre officiel de collaboration avec ces observateurs, afin que les agents de la POLCIV puissent travailler avec eux de manière efficace sur le terrain et entreprendre des enquêtes de nature délicate. Il faudrait envisager de tels accords de collaboration officialisés dans d'autres situations, particulièrement si l'autre entité ne fait pas partie de la mission de maintien de la paix. L'idée consistait à allier l'expérience pratique des observateurs policiers avec l'expertise juridique des observateurs des droits de l'homme. En outre, la POLCIV a effectué avec passablement de succès des activités de surveillance de concert avec les observateurs militaires.

61. L'expérience de la POLCIV au Rwanda a encore une fois souligné le caractère polyvalent des opérations de maintien de la paix et la contribution substantielle des divers éléments. L'exécution des fonctions assignées à l'élément de POLCIV de la MINUAR a exigé l'emploi de techniques et de procédures qui devraient être uniformisées et communiquées à d'autres missions du même genre.

62. Il est nécessaire que les agents de police qui arrivent sur les lieux soient convenablement préparés et possèdent le profil requis, déterminé en fonction de critères clairement définis qu'ils devraient connaître avant leur départ. Il est également indispensable que le pays hôte accepte la présence de la police civile dans le cadre du mandat de l'opération de maintien de la paix. Au Rwanda, grâce à la contribution qu'elle a apportée, la POLCIV a été acceptée par les autorités, malgré le peu d'empressement que ces dernières ont manifesté au début à l'égard de sa présence.

63. Lors du séminaire de synthèse, certains participants ont suggéré de placer l'élément de POLCIV sous le commandement et le contrôle du commandant de la force afin d'assurer l'unité de commandement. D'autres estimaient que cet arrangement pourrait s'avérer utile dans le cas où la POLCIV est appelée à surveiller les activités d'une force de police nationale qui ressemble davantage à une force paramilitaire ou qui fasse même partie des forces armées, et dans les cas où les observateurs de la POLCIV exercent leurs activités de concert avec les observateurs militaires. Toutefois, comme le mandat de la POLCIV est entièrement distinct dans le cadre d'autres opérations, un tel arrangement n'est peut-être pas la solution idéale.

Logistique et administration

64. Le Rwanda, qui est un pays enclavé, a constitué un cauchemar pour la MINUAR sur le plan logistique, en particulier au début du déploiement et lors de la liquidation finale de la mission. La MINUAR a été l'une des plus importantes opérations jamais entreprises par les Nations unies dans un pays enclavé. Il a fallu amener les troupes et le matériel par un port situé dans un pays voisin, puis les transporter par avion ou par camion jusqu'au Rwanda, établissant ainsi une longue chaîne logistique. C'est principalement pour cette raison que le déploiement de troupes à l'intérieur du Rwanda a subi des retards.

65. En outre, la MINUAR a été confrontée à certains des vieux problèmes qu'ont connus d'autres opérations de maintien de la paix : les troupes étaient insuffisamment équipées et avaient besoin de matériel comme des transports de troupes blindés et même des casques et des gilets pare-balles. La mission devait se fier à des transports de troupes blindés dans un état moins que satisfaisant pour transporter les troupes d'une région du pays à l'autre.

66. Malgré l'accord de paix d'Arusha et la simplicité apparente de la tâche, les troupes offertes à la MINUAR étaient peu nombreuses. Durant la première phase de la mission, seul le Bangladesh a offert des troupes pour la logistique. Les Nations unies ne pouvaient qu'accepter, même s'il était évident que le bataillon bangladeshi ne disposait pas des ressources suffisantes pour apporter le soutien logistique nécessaire.

67. Quelques-uns des problèmes logistiques auxquels la MINUAR a fait face étaient attribuables à la longueur du processus d'obtention du financement pour la mission, et à celle du processus subséquent d'acquisition des approvisionnements et du matériel. Le retard dans la nomination d'un chef de l'administration au début de la mission a ajouté à ces problèmes. Jusqu'en avril 1994, aucun chef de l'administration n'avait été confirmé pour la mission. Il n'existait aucun système organisé de rapprovisionnement et, au plus fort de la crise, les stocks de vivres, de médicaments et autres produits essentiels étaient dangereusement bas. Le nouveau commandant de la force, qui est arrivé à Kigali en juillet 1994, était un logisticien expérimenté qui a travaillé avec acharnement afin d'éliminer certains des obstacles logistiques qui paralysaient la mission.

68. Selon des officiers supérieurs de la MINUAR, les Nations unies devraient posséder deux systèmes logistiques : un pour les missions de « garnison » ou « à l'état stable », fondé sur le concept de l'approvisionnement « sur demande du terrain », et dont la mise sur pied devrait prendre de quatre à six mois. Il s'agirait de la norme dans le cas des missions en marche. L'autre serait un système d'« urgence » ou de « crise », fondé sur le concept de l'approvisionnement « poussé par le Siège », et qui pourrait être mis sur pied rapidement en quelques jours, ou en quelques semaines tout au plus, afin de répondre aux exigences d'une mission se déployant dans une situation de crise. Une fois la mission déployée ou la crise terminée, et dès qu'une mission à l'état stable est en vigueur, le système passerait au mode « garnison ». Dans le cas de la Mission de vérification des Nations unies en Angola III, la Division de l'administration et de la logistique des missions a tiré parti de l'expérience de la MINUAR en ayant effectivement recours aux moyens logistiques d'un pays ayant fait ses preuves dans ce domaine, pour une période prédéterminée de 90 jours jusqu'à ce que les Nations unies puissent mettre sur pied leur propre système logistique.

69. Au cours de la deuxième phase de la MINUAR, la mission a fait appel à des entrepreneurs civils pour obtenir certains services. Or, cela a entraîné une complication du fait que les privilèges et les immunités de ces entrepreneurs n'étaient pas, au dire des nouvelles autorités rwandaises, adéquatement visés par l'accord initial sur le statut de la mission. Le gouvernement du Rwanda devait par la suite se servir de cette interprétation comme levier politique contre la MINUAR, avec qui ses relations se détérioraient régulièrement. Il a exigé que les entrepreneurs civils versent d'énormes taxes sur leurs opérations au Rwanda puisque, selon l'interprétation susmentionnée, ils n'étaient pas visés par les dispositions de l'accord sur le statut de la mission. Grâce à l'expérience acquise au Rwanda, les accords sur le statut des missions assureront dorénavant certaines facilités aux entrepreneurs qui fournissent des services aux Nations unies, notamment la délivrance rapide de visas, la liberté de mouvement et le droit d'importer, à l'intention des Nations unies, des approvisionnements, de l'équipement et des matériaux en franchise de droits et de taxes.

70. Puisque les Nations unies reconnaissent que les fournisseurs de services commerciaux auxquels elles ont recours pour répondre aux besoins des éléments militaires ne sont pas en mesure d'assurer leur propre sécurité, sécurité dont la charge incombe aux unités militaires, elles devraient tenir compte de ce facteur lorsqu'elles déterminent l'effectif d'une opération.

71. Le bureau d'administration de la MINUAR a dû également répondre aux besoins de soutien d'autres opérations et entités des Nations unies dans la région qui n'étaient pas directement liées à la mission de maintien de la paix mais qui ont réclamé son aide. Il s'agissait du Tribunal international pour le Rwanda, de l'opération en faveur des droits de l'homme au Rwanda et à Bujumbura, ainsi que du bureau du R.S.S.G. pour le Burundi. Ces activités de soutien étaient souvent imprévues, donc non budgétisées. En fait, il faudrait que les budgets des opérations de maintien de la paix soient établis en étroite consultation avec toutes les parties prenantes.

72. Un autre problème venait du fait que pendant passablement de temps, la MINUAR a fonctionné sans budget approuvé. Reconnaissant les problèmes financiers qui se posent lors de la création d'une mission, l'assemblée générale a désormais autorisé le secrétaire général à demander une autorisation de paiement jusqu'à concurrence de 50 millions de dollars pour couvrir les frais initiaux.

73. Le personnel des régions ou des secteurs doit avoir des comptes de caisse lui permettant de régler les questions administratives de moindre importance qui ne devraient pas nécessiter l'autorisation du siège. Le système actuel selon lequel le Siège autorise les comptes de caisse crée des goulots d'étranglement dans l'administration de la mission.

74. Lors de sa liquidation, la MINUAR a rencontré certains des problèmes qu'ont connus d'autres missions par le passé, notamment les tentatives du gouvernement de conserver la plus grande partie possible du matériel de la mission. Ce problème est devenu une question politique explosive et une pomme de discorde entre le gouvernement et la MINUAR. De hauts fonctionnaires de la MINUAR ont recommandé qu'au moment de liquider une mission, les États membres pondèrent les besoins du nouveau gouvernement. Le mandat de consolidation de la paix devrait s'étendre à la fourniture de l'assistance indispensable.

75. Par ailleurs, on a laissé entendre que la liquidation de la mission ne devrait pas être planifiée à la fin de celle-ci mais qu'il devrait plutôt s'agir d'un processus permanent. Les missions devraient être prêtes à partir à bref délai. La division de l'administration et de la logistique des missions a élaboré des lignes de conduite provisoires sur la liquidation pour veiller à ce que tous les intéressés discutent du processus au début de la mission. Elle a également demandé à toutes les missions de faire des copies de sauvegarde de leurs dossiers.

Ressources humaines

76. Toutes les personnes interrogées ont souligné l'importance de la qualité du personnel affecté aux missions, en particulier une mission aussi complexe et exigeante que la MINUAR.

77. Entre le moment où la mission a été créée en octobre 1993 et le début de la guerre civile le 6 avril 1994, la MINUAR n'avait aucun chef de l'administration confirmé. En outre, elle a souffert initialement d'un manque de moyens dans le domaine de l'information et de l'absence d'un spécialiste des affaires juridiques. Le poste de conseiller juridique a été doté très tard au cours de la mission et, à certains moments critiques, il n'y avait personne pour conseiller la mission sur l'interprétation juridique de son mandat, les détails de l'accord de paix d'Arusha et les règles d'engagement, ainsi que sur des questions comme les contrats, le droit national et international.

78. Certaines des personnes interrogées ont également formulé des commentaires négatifs sur la qualité des agents de police et des observateurs militaires affectés à la MINUAR. On a insisté sur le fait que les États fournisseurs doivent essayer d'envoyer le personnel le plus compétent et le plus énergique.

79. Puisque le Rwanda utilise à la fois le français et l'anglais, il était important d'avoir du personnel qui parlait couramment l'une des deux langues et qui avait une connaissance pratique de l'autre. Un conseiller juridique de la MINUAR a mentionné qu'il était essentiel que les juristes affectés à la mission parlent couramment la langue dans laquelle les lois du pays étaient rédigées, soit le français dans le cas du Rwanda, même si l'anglais était la langue des affaires gouvernementales sous le F.P.R.

80. L'attitude et le comportement des troupes et du personnel des Nations unies sont également essentiels à la réussite d'une mission. Par leur comportement, certains membres de la MINUAR n'ont rien fait pour se faire aimer de la population rwandaise, intensifiant ainsi l'opinion défavorable du gouvernement à l'endroit de la MINUAR. Les personnes interrogées ont recommandé de renseigner de manière appropriée l'ensemble du personnel et des troupes affectées à une opération de maintien de la paix sur la culture, les traditions et l'histoire du pays hôte. Une connaissance du système des Nations unies, de ses principes et de ses objectifs était aussi recommandée, et l'on estimait que les postes cruciaux devaient être occupés, partiellement au début d'une mission, par du personnel interne aux Nations unies connaissant bien le fonctionnement de l'Organisation.

81. Les exposés initiaux donnés au personnel supérieur dans les domaines fonctionnels et administratifs devraient mettre notamment l'accent sur la responsabilité quant à la promotion du travail d'équipe sur place, de même que sur l'importance de faire preuve de respect à l'égard du personnel local et de reconnaître son travail. Il faudrait aussi envisager de désigner un agent de liaison qui serait chargé d'entendre les plaintes du personne. Le tableau d'effectifs de chaque mission devrait comprendre un agent des relations avec la collectivité qui assurerait la liaison au sujet des plaintes formulées par la population locale à l'endroit des Nations unies.

82. Un certain nombre de raisons ont été invoquées en ce qui concerne la difficulté des Nations unies à recruter du personnel qualifié et compétent pour la MINUAR et d'autres opérations de maintien de la paix. Un fort pourcentage du personnel affecté aux missions est en conséquence recruté à l'extérieur du système des Nations unies. En général, le personnel interne est peu disposé à prendre part à des missions vu l'absence d'avancement professionnel lorsqu'il retourne à son poste. Les années de service passées dans le cadre de missions et l'expérience ainsi acquise sont des facteurs auxquels on ne donne pas suffisamment de poids lorsque des promotions sont envisagées. Par ailleurs, la crise financière que connaissent actuellement les Nations unies a incité certains membres du personnel du secrétariat à refuser des affectations à des missions de crainte que leurs postes ne soient supprimés ou gelés au moment de leur retour.

83. Les membres du personnel de l'information affectés à des opérations de maintien de la paix, particulièrement ceux qui dirigent les éléments d'information, devraient connaître à fond les procédures informationnelles et administratives des Nations unies. Le département de l'information (D.I.) et le D.O.M.P. ont pris des mesures provisoires afin d'élaborer un questionnaire de présélection à l'intention des candidats à des postes de spécialiste de l'information. En outre, le D.I. examine les dossiers du personnel susceptible d'être affecté à des missions et tient à jour des listes non officielles, mais les Nations unies doivent être plus systématiques lorsqu'il s'agit de prévoir les besoins d'information sur le terrain, de déterminer et de sélectionner les candidats et de veiller à ce qu'ils soient bien renseignés.

84. L'expérience de la MINUAR met en lumière la nécessité de diffuser des directives claires sur la responsabilité de l'Organisation à l'égard du personnel local en cas d'évacuation. De plus, il faut déployer des efforts concertés dans l'ensemble des Nations unies pour assurer une mise en oeuvre uniforme de ces directives. Bien qu'il existe des principes directeurs sur ce sujet dans le manuel des mesures de sécurité sur le terrain, il est recommandé de soumettre la question au coordonnateur des mesures de sécurité des nations unies, qui devrait être la personne idoine pour coordonner une telle discussion entre les départements et les institutions spécialisées.

85. L'expérience de la MINUAR a également fait ressortir la nécessité d'assurer, dans la zone de la mission, la présence de personnel capable de prodiguer des conseils sur la gestion du stress. Dans le cas du personnel de la MINUAR, une équipe a été envoyée à Nairobi pour fournir cette aide au lendemain de la guerre civile. Le personnel de mission qui a servi au Libéria et au Liban a également reçu une aide similaire.

Information

86. Dès le début, l'absence d'un programme efficace d'information a constitué une sérieuse lacune de la MINUAR. En effet, la mission était incapable de renseigner la population rwandaise et le monde entier sur ses réalisations et les limites de son mandat. Devant la propagande de plus en plus hostile menée par les autorités rwandaises ou certains secteurs de l'éventail politique rwandais, la MINUAR a semblé impuissante à corriger cette image négative.

87. De nombreux Rwandais croyaient que les Nations unies étaient là pour arrêter le génocide, et ils ont été amèrement déçus de voir que ce n'était pas le cas. On a laissé entendre que la MINUAR aurait dû faire beaucoup plus afin de renseigner le public dès le début sur son rôle et son mandat restreints, notamment en ce qui concerne la protection des civils en danger, de façon à ne pas donner aux gens un faux sentiment de sécurité. En outre, cela aurait peut-être permis d'éviter des désastres comme le massacre de Kibeho; dans ce cas particulier, les personnes déplacées qui se trouvaient dans le camp de Kibeho croyaient que les soldats de la MINUAR les protégeraient contre l'A.P.R.

88. Encore plus insidieuse que le sentiment anti-onusien était la haine contre les Tutsi que véhiculaient certaines stations de radio, comme Radio Mille-Collines, au coeur de la guerre civile en 1994. La MINUAR a été incapable de contrer cette propagande par des commentaires sensés et un appel à la retenue qu'elle a transmis grâce à ses propres moyens indépendants de diffusion. Lorsqau'elle a été finalement mise sur pied, Radio MINUAR, au dire de tous, a beaucoup fait en tant que voix et source d'information impartiales et objectives au Rwanda, mais c'était trop peu et trop tard. Les délais importants pris par le gouvernement pour allouer des fréquences à la station de radio a été une cause importante du retard dans sa mise sur pied.

89. On a recommandé que la planification des missions de maintien de la paix comprenne dès le départ un élément et une stratégie d'information. De plus, lors du séminaire de synthèse, on a laissé entendre que la MINUAR aurait pu recevoir l'expertise et l'équipement techniques nécessaires pour brouiller les émissions de radio qui incitaient à la violence. Par ailleurs, si les émissions de Radio Mille-Collines avaient été surveillées dès le début, c'est-à-dire avant avril 1994, la mission aurait pu avoir un aperçu sur l'environnement sur lequel se développait l'agitation et la dérive du Rwanda vers le chaos.

90. Un autre problème était lié au personnel : ce n'étaient pas toujours les personnes les plus compétentes qui étaient affectées au poste important de porte-parole. On a recommandé que toute personne envoyée pour agir à titre de porte-parole d'une mission possède une expérience pratique dans le domaine du journalisme ou des relations publiques. Le personnel supérieur de l'information devrait connaître le sytème des Nations unies, en particulier le Siège et son mode de fonctionnement. Ce n'était pas toujours le cas en ce qui concerne la MINUAR.

91. Dans une situation aussi fluide et chaotique que celle du Rwanda durant la guerre civile en 1994, la coordination entre la mission de maintien de la paix et les institutions spécialisées des Nations unies dans la zone de la mission constitue peut-être le défi le plus grand en ce qui a trait à l'information. Il n'existe aucune solution facile au problème de la prolifération des « porte-parole » cités par la presse. Des participants à la consultation interne sur les enseignements tirés de la mission au Rwanda ont indiqué que tous les organismes et bureaux des Nations unies devaient d'abord comprendre le rôle central que le R.S.S.G. et son personnel de l'information jouent à l'égard de la gestion de l'information ayant une incidence politique. Il en va de même pour le personnel militaire de l'information. On peut se fier aux porte-parole des institutions spécialisées et de la force militaire pour ce qui est de l'information sur leur domaine de compétence particulier, tandis que le R.S.S.G. et le porte-parole civil de la mission devraient se trouver au coeur des efforts d'information que les Nations unies déploient sur le terrain.

92. Bien entendu, le Siège doit accorder au R.S.S.G. les ressources (personnel, équipement et soutien) qui lui permettront de remplir ce rôle central en matière d'information. Il est essentiel que l'Organisation des Nations unies dans son ensemble transmette un message coordonné et clair, en particulier durant une crise. Il doit y avoir une structure et une discipline dans la zone de la mission de sorte que les rôles et les activités des institutions spécialisées, de la mission et des intervenants sur la scène humanitaire soient reconnus et rendus publics et que le rôle politique central du R.S.S.G. soit respecté.

93. Tant le D.O.M.P. que le département de l'information (D.I.) se sont montrés en général plus réactifs que proactifs dans la planification et l'exécution des efforts d'information liés à la MINUAR. Le D.I. a répondu à des demandes du D.O.M.P. qui désirait obtenir des commentaires et des propositions concernant la dotation et la budgétisation de certains services courants d'information, mais il n'a pas participé étroitement à l'élaboration ni à la mise en oeuvre du programme d'information de la MINUAR. Certaines des personnes interrogées ont affirmé que même si le D.I. compte parmi son personnel des gens expérimentés qui possèdent des compétences dans le domaine de l'information et qui comprennent les Nations unies, leurs points forts et leurs contraintes, ce ne sont pas toujours les meilleurs qu'on libère en vue d'une affectation à une mission.

94. L'expérience des Nations unies dans le domaine de l'information au Rwanda, en Somalie et en ex-Yougoslavie a donné un nouvel élan aux efforts que le D.I. a consentis l'an dernier afin d'améliorer la planification et la coordination de l'information sur le terrain. Un mécanisme interdépartemental visant à prévoir les besoins d'information sur le terrain et à tenir des consultations à cet égard a été établi et fontionne à l'heure actuelle; le D.O.M.P., le D.A.P. et le D.A.H. ont tous pleinement participé à sa mise en oeuvre. Les trois départements se sont efforcés, de bonne foi, d'évaluer les besoins d'information des missions en Yougoslavie, à Haïti et en Angola. Des progrès ont été accomplis, et le cheminement de l'information s'est amélioré. Nénamoins, tous les intéressés ont ancore beaucoup à faire pour que les consultations aboutissent à une planification et à un appui systématiques des activités d'information. On a affirmé que pour assurer une coordination efficace à l'égard des politiques d'information, il serait utile que le D.I. soit inclus dans le cadre de coordination interdépartementale qui regroupe déjà le D.O.M.P., le D.A.P. et le D.A.H.

95. La radiodiffusion est un autre domaine où il faut améliorer la coopération dès le début de la planification d'une mission. Au Rwanda, une étude de faisabilité concernant la mise sur pied d'une station de radio a été entreprise indépendamment du D.I. La participation du Département s'est limitée à formuler des propositions à l'égard des tableaux d'effectifs et des candidats, mais seulement après qu'on ait décidé d'aller de l'avant pour l'acquisition de matériel. La mission a été aux prises avec des difficultés et des retards en ce qui concerne l'obtention des permis et des fréquences nécessaires, ce qui, en définitive, a compliqué la planification du programme et la dotation.

96. C'est en février 1995 que Radio MINUAR a finalement commencé à émettre. De l'avis général, elle a grandement permis à la MINUAR d'avoir accès aux auditeurs rwandais à l'intérieur du pays et dans les camps de réfugiés. Toutefois, les conditions dans lesquelles la station de radio fonctionnait étaient probablement plus difficiles qu'il ne le fallait. Radio MINUAR souffrait d'une grave pénurie de personnel, son équipement était limité et elle n'était pas en mesure d'en assurer l'entretien technique. Elle n'a jamais pu émettre pendant plus de quatre heures par jour. Pour exercer un maximum d'influence et faire en sorte que les efforts d'information soient durables, l'O.N.U. doit prévoir les obstacles et les réduire le plus possible, et planifier les activités comme la programmation radiophonique en comprenant bien tous ses besoins particuliers et, peut-être, ses limites.

97. La question des émissions radiophoniques des Nations unies dans les zones de mission mérite un examen sérieux et systématique, particulièrement compte tenu des investissements qui ont déjà été effectués dans du matériel de radiodiffusion pour la mission en Angola et de l'intention de mettre sur pied une station de radio en règle dans le cadre de l'Atnuso. En ce qui concerne la radiodiffusion, les objectifs doivent être clairs, et les Nations unies doivent être réalistes quant aux ressources requises, et disponibles, pour les atteindre de manière opportune. Il faudrait déterminer les problèmes éventuels de la radiodiffusion et leurs solutions en ce qui a trait notamment aux contraintes juridiques et politiques, au contenu du programme, ainsi qu'aux besoins organisationnels, financiers et techniques.

98. La politique en matière d'information sur le terrain doit être guidée par le R.S.S.G., et il incombe au Siège de veiller à ce que les R.S.S.G. soient renseignés de façon adéquate sur les directives courantes des Nations unies applicables à l'information sur le terrain, ainsi que sur les ressources et le soutien que peut offrir le Siège. Les directives en matière d'information qui ont été adoptées par le groupe de travail interdépartemental constituent un schéma des structures, des activités et de l'équipement normalisés qui sont nécessaires à la mise en oeuvre d'un programme efficace d'information sur le terrain. Les R.S.S.G. devraient en connaître l'existence. Dans le cas du Rwanda, les services d'information de la MINUAR auraient été plus à même de soutenir les activités de diffusion à l'intérieur et à l'extérieur du pays si le Siège s'était appliqué davantage à faire en sorte qu'ils soient toujours dotés et équipés conformément aux directives. Cela aurait peut-être aidé la MINUAR à communiquer plus efficacement avec la population locale et la presse internationale.

99. Un élément d'information plus solide aurait également permis au D.I. et au bureau du porte-parole à New York de mettre en lumière les activités et les réalisations de la mission, ainsi que d'expliquer les contraintes s'imposant à son fonctionnement.

Aspects humanitaires, réfugiés et personnes déplacées

100. Lors du séminaire de synthèse, on a fait remarquer que la crise humanitaire au Rwanda n'avait pas commencé par les massacres d'avril 1994. Néanmoins, cette dimension n'a pas été prise en considération dans le plan opérationnel initial de la mission. Dans l'ensemble, la communauté internationale, y compris les intervenants sur la scène humanitaire, n'a pas reconnu que la crise humanitaire s'aggravait au Rwanda, et elle était relativement peu préparée aux événements qui ont suivi et à l'intervention qui était requise. Un bon système d'avertissement rapide sur les plans politique et humanitaire exige que soient ciblés les intervenants politiques appropriés.

101. Durant le séminaire de synthèse, on a laissé entendre que l'aide humanitaire ne peut remplacer l'action politique. Le fait d'apporter des secours sans remédier aux causes fondamentales des mouvements de réfugiés et des déplacements de personnes au Rwanda équivalait uniquement à s'occuper des symptômes sans traiter la maladie. La générosité dont a fait preuve la communauté internationale en apportant une aide aux camps de réfugiés, particulièrement à Goma, a été en partie suscitée par les médias, qui ont beaucoup parlé des épidémies de choléra et de dysenterie dans les camps et, dans une certaine mesure, par un sentiment de culpabilité pour ne pas avoir fait assez durant le génocide lui-même. Cette intervention internationale a été considérée avec méfiance par les nouvelles autorités rwandaises, qui voyaient clairement dans cette aide massive un geste de soutien aux auteurs du génocide qui se cachaient dans les camps, tandis que les personnes ayant survécu aux horreurs du génocide au Rwanda n'obtenaient aucun soutien pour rebâtir leur vie et leur pays en ruine.

102. Il a été recommandé lors du séminaire de synthèse qu'une approche globale à l'égard de l'assistance soit élaborée en fonction d'une analyse critique de la nature du conflit et du contexte dans lequel l'aide est offerte. Les stratégies d'assistance doivent être bien coordonnées entre tous les intervenants et avoir comme objectif ultime d'affranchir le bénéficiaire de sa dépendance vis-à-vis de l'aide. L'approche globale devrait d'abord comporter une évaluation des besoins humanitaires et ne pas être dictée par le « facteur C.N.N. ». Certains participants ont affirmé que même si les organismes humanitaires, notamment le D.A.H., qui lançaient des appels au nom de pays en situation de crise, pouvaient faire ressortir les véritables besoins, ils contrôlaient rarement l'afflux de ressources provenant de gouvernements et d'organismes donateurs. Les affectations de ressources étaient souvent déterminées par les objectifs politiques nationaux ou d'autres considérations.

103. La MINUAR a beaucoup contribué à l'effort humanitaire. Elle a travaillé étroitement avec le groupe humanitaire précurseur que le D.A.H. a envoyé au Rwanda durant la crise en 1994 et qui, par la suite, a aidé à trouver des moyens de décourager l'exode de réfugiés lors du retrait de l'opération turquoise menée par les Français. Au cours de sa seconde phase, la MINUAR a aidé le gouvernement à rétablir l'infrastructure, à assurer les services essentiels et à effectuer des travaux de réparation et de construction d'urgence. Grâce à sa présence, la MINUAR a effectivement assuré la sécurité des rapatriés et facilité le processus de rapatriement. Elle a également constitué une importante source d'information générale, de conseils sur la sécurité et d'appui aux institutions spécialisées. Le soutien logistique qu'elle a fourni, en particulier ses véhicules, a aidé au transport des rapatriés.

104. Durant le génocide, une faible présence humanitaire au Rwanda a donné lieu à une intervention humanitaire insuffisante. On a laissé entendre lors du séminaire de synthèse que la communauté humanitaire ne peut jouer un rôle utile si elle n'est pas présente physiquement dans la zone de crise. La difficulté de surveiller, d'analyser et de prévoir les déplacements massifs de population a également nui à l'efficacité des efforts d'aide. Après le début du génocide, et étant donné la présence réduite de la MINUAR, il est devenu de plus en plus difficile d'évaluer le nombre de personnes qui s'enfuiraient et dans quelle direction. La mise en commun de l'information des Nations unies et des organismes non gouvernementaux ainsi que des États membres pourrait aider à résoudre ce problème dans l'avenir.

105. La question des personnes déplacées à l'intérieur (P.D.I.) et celle de savoir qui devait leur fournir de l'aide ont été à l'origine d'une certaine divergence d'opinion entre la MINUAR et la communauté humanitaire. Même si le H.C.R. a joué le rôle prépondérant en ce qui a trait à l'aide aux réfugiés, les responsabilités n'ont pas été attribuées clairement à l'égard des P.D.I. Le H.C.R. et la MINUAR ont adopté des approches différentes dans leurs rapports avec elles. Tandis que la MINUAR voyait la nécessité de faciliter la fermeture rapide des camps de P.D.I. et assurait également le transport des P.D.I. qui souhaitaient retourner dans leur commune, le H.C.R. considérait qu'il fallait donner une plus grande priorité aux conditions de ce retour ainsi qu'au fait de conseiller et de préparer ces personnes à retourner dans leur foyer avec ce dont elles avaient besoin pour commencer une nouvelle vie. Des représentants du H.C.R. ont déclaré que pour la MINUAR, la question du nombre de personnes transportées semblait plus importante que les conditions du retour. Certains membres d'organismes humanitaires estimaient également que le centre d'opérations intégré mettait davantage l'accent sur les opérations menant à la fermeture des camps, sans examiner d'un oeil critique la question de savoir qui était responsable de défendre les droits des P.D.I. auprès du gouvernement rwandais. À titre de représentant supérieur des Nations unies au Rwanda, le R.S.S.G. devrait être un puissant porte-parole des questions humanitaires et de celles liées aux droits de l'homme.

106. L'utilisation des ressources militaires à des fins humanitaires constituait souvent une autre pomme de discorde. La MINUAR a mis une bonne partie de son équipement, de son personnel et de ses ressources à la disposition des opérations humanitaires. Les organismes humanitaires reconnaissaient que chaque contingent pouvait avoir besoin de conserver sa propre identité et se fait parfois aux ressources qui lui étaient fournies par son gouvernement ou d'autres parrains, plutôt que par les Nations unies. Toutefois, cette situation avait souvent pour effet de réduire la souplesse quant au redéploiement des ressources à des fins humanitaires. Par exemple, lorsque des moyens de transport étaient disponibles, leur mobilisation efficace pouvait être restreinte par chaque commandant de contingent, qui pouvait contribuer ce qu'il jugeait bon, au lieu que le commandant de la force soit en mesure de décider lequel d'entre eux fournirait combien de véhicules et à quel moment.

107. Même si les relations étaient bonnes entre les Casques bleus et la communauté humanitaire, il semblerait que les organismes humanitaires et l'élément militaire n'aient pas clairement compris leurs mandats, rôles et procédures réciproques. Il est nécessaire d'amener l'élément militaire et la communauté humanitaire à un point où ils se soutiennent l'un l'autre, tout en respectant leurs mandats et cultures organisationnelles réciproques. Les soldats de la paix et les membres du personnel civil doivent s'intégrer les uns aux autres et s'intégrer au sein de la population locale grâce à un processus de formation et de sensibilisation aux différences culturelles. Des séances d'information et d'orientation qui favorisent un tel échange doivent avoir lieu à intervalles réguliers.

108. L'afflux rapide d'organisations d'aide non gouvernementale au Rwanda après la guerre civile a occasionné des problèmes propres. Bien que certaines organisations aient extrêmement bien fonctionné au Rwanda, d'autres ont créé plus de problèmes qu'elles n'en ont résolus, et d'autres encore ont semblé se servir de la situation uniquement dans leur propre intérêt. Les participants au séminaire de synthèse se sont réjouis des efforts déployés au sein de la communauté humanitaire non gouvernementale dans le but d'établir un code de conduite commun, ainsi que de l'élaboration d'un système international d'accréditation, du moins pour ceux qui interviennent dans des situations d'urgence complexes, afin d'accroître la responsabilisation et la transparence de leurs actions.

Questions liées aux droits de l'homme

109. Au printemps de 1993, le rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a entrepris une mission au Rwanda afin d'évaluer de première main les rapports persistants de massacres de Tutsi et autres meurtres politiques au Rwanda. Plusieurs événements ont provoqué la visite du rapporteur spécial, l'une des deux seules visites spéciales qu'il a effectuées cette année-là (l'autre a été au Pérou). En 1992, le rapporteur spécial a pris connaissance de rapports et d'allégations concernant des exécutions extrajudiciaires et arbitraires de civils non armés par des éléments des F.A.R. dans le cadre de son conflit armé avec le F.P.R. depuis octobre 1990. Il a également reçu des rapports de massacres de Tutsi, particulièrement du clan Bagogwe, qui auraient été perpétrés avec la participation directe ou indirecte des forces de sécurité. Le rapporteur spécial de la Commission sur la question de la torture ainsi que son groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires avaient tous deux présenté des exposés à la Commission sur la situation des droits de l'homme au Rwanda.

110. Dans son rapport, publié en août 1993, le rapporteur spécial a affirmé catégoriquement que les victimes des attaques, des Tutsi dans l'immense majorité des cas, avaient été ciblés uniquement en raison de leur appartenance à un certain groupe ethnique, et pour aucune autre raison objective. Le rapport donnait un aperçu des méthodes des massacres, laissant présager ce qui allait suivre en avril 1994 : « Des massacres de populations civiles ont été perpétrés par les forces de sécurité rwandaises ou par certains secteurs de la population ... On a démontré à maintes reprises que des représentants gouvernementaux étaient impliqués, soit directement en encourageant, en planifiant et en dirigeant les actes de violence ou en y prenant part, soit indirectement par leur incompétence, leur négligence ou leur inaction délibérée ... Les F.A.R. ont également joué un rôle actif et bien planifié, au plus haut niveau, dans certains cas de massacres de Tutsi par la population ... Il existe de nombreux rapports bien documentés selon lesquels certains maires ont fait courir des rumeurs non fondées qui ont exacerbé la haine ethnique et incité la population à massacrer des Tutsi ... Il convient aussi de noter qu'au moment où les violences ont eu lieu, les personnes qui commettaient les massacres étaient sous une direction organisée. » (traduction non officielle) Il était même mentionné dans le rapport que Radio Rwanda, l'unique source d'information pour la majorité des gens, avait joué un rôle pernicieux dans l'instigation de plusieurs massacres.

111. Le rapport renfermait également des recommandations précises sur la façon d'améliorer la situation au Rwanda. Toutefois, la Commission des droits de l'homme n'a rien fait pour en assurer la mise en oeuvre lorsqu'elle s'est réunie en février 1994, et personne aux Nations unies n'a pris de mesures concrètes afin de porter à l'attention de tous les intéressés la gravité des avertissements contenus dans le rapport. On a laissé entendre lors de la consultation interne et du séminaire de synthèse que tous les départements compétents, c'est-à-dire le Centre pour les droits de l'homme, le D.A.P., le D.O.M.P. et le D.A.H., auraient pu donner de l'importance à cette question. Des propositions pertinentes auraient pu être présentées au Conseil de sécurité, propositions auxquelles la mission de maintien de la paix et d'autres intervenants auraient pu donner suite. On a suggéré que cela ne s'est pas produit au secrétariat pour au moins deux raisons : un manque d'échange d'information entre les départements au sein du secrétariat, et l'absence d'une analyse des causes profondes de conflits qui donnent souvent lieu à des violations flagrantes des droits de l'homme. Il doit y avoir un effort concerté visant à partager l'information au sein du secrétariat. Le cadre interdépartemental de collaboration à l'intention du D.A.P., du D.A.H. et du D.O.M.P. est un pas concret dans cette direction.

112. Les participants ont affirmé que lorsqu'un crime contre l'humanité est commis, en l'occurrence un génocide, les Nations unies doivent à tout prix agir promptement sous une seule égide conceptuelle. On a laissé entendre lors du séminaire de synthèse qu'un élément de respect des droits de l'homme aurait dû être incorporé à la mission de maintien de la paix dès le début. L'opération en faveur des droits de l'homme aurait bénéficié, avec l'opération de maintien de la paix, de systèmes administratifs et logistiques communs, et les éléments militaire et de POLCIV de la mission auraient pris conscience de la dimension que comportait la situation au Rwanda sur le plan des droits de l'homme et de la meilleure façon de l'aborder. De même, les éléments militaire et de POLCIV, qui sont en communication plus étroite avec les forces militaires et policières locales, auraient pu alors fournir des renseignements et une perspective d'une importance cruciale pour la protection des droits de l'homme. De cette façon, la présence politique des Nations unies est renseignée sur le contexte politique du pays et la prise de décision de la communauté internationale d'une façon qui peut aider les dirigeants de l'opération en faveur des droits de l'homme à se faire une opinion.

113. L'opération des Nations unies en faveur des droits de l'homme au Rwanda a été lancée en septembre 1994, indépendamment de la MINUAR, et plusieurs mois après la fin des pires massacres. Les nouvelles autorités rwandaises ont mis en doute son utilité puisque le pays n'était plus en guerre. Elles ont également mis en doute le but des spécialistes des droits de l'homme : étaient-ils là pour vérifier les abus des droits de l'homme commis par les victimes du génocide, tandis que les auteurs de ce dernier se trouvaient loin des regards scrutateurs dans les camps de réfugiés situés de l'autre côté de la frontière ? Le déploiement extrêmement lent des spécialistes des droits de l'homme et leur incapacité relative à communiquer avec la population locale ­ nombre d'entre eux ne parlaient pas le français et pratiquement aucun ne parlait le kinyarwanda ­ ont rendu leur utilité encore plus douteuse.

114. L'opération en faveur des droits de l'homme et la POLCIV se sont toutes deux occupées de former la gendarmerie mais, selon des représentants de l'opération en faveur des droits de l'homme, leurs efforts n'ont pas été coordonnés de façon systématique. Les éléments militaire et de POLCIV de la MINUAR ont tous deux participé à la surveillance des droits de l'homme, cependant ils n'avaient reçu aucune formation ni conseils pour les aider dans cette tâche. Il a été finalement convenu, en principe, entre le R.S.S.G. et l'opération en faveur des droits de l'homme que celle-ci organiserait la formation. Toutefois, comme le mandat de la mission tirait à sa fin, cette formation n'a pu être donnée. Profitant de l'expérience du Rwanda, le Centre pour les droits de l'homme s'occupe maintenant de la formation des observateurs de la POLCIV qui sont affectés à des missions de maintien de la paix.

115. L'opération en faveur des droits de l'homme a également pris part à la création d'institutions pour les droits de l'homme au Rwanda à partir de la fin de 1994. Il a été recommandé que les éléments de respect des droits de l'homme faisant partie des efforts de consolidation de la paix après les conflits soient incorporés aux activités et aux mandats des opérations de maintien de la paix aussitôt que possible. On pourrait également élaborer des directives à l'intention des unités militaires et policières sur le respect des droits de l'homme et les mesures qu'elles doivent prendre en cas de violation flagrante, d'autant plus que la nouvelle génération d'opérations de maintien de la paix comporte invariablement une dimension liée aux droits de l'homme.

Aspects politiques et relations avec les autorités locales

116. Lors de son déploiement en octobre 1993, la MINUAR a été confrontée à des problèmes politiques qui n'avaient pas été prévus. D'une part, elle devait traiter avec le gouvernement du président Habyarimana, qui était le gouvernement légitime du Rwanda. La légitimité de la présidence de M. Habyarimana a été confirmée lors de son installation dans les fonctions de président du Rwanda le 5 janvier, conformément aux accords d'Arusha. La position de M. Habyarimana a été renforcée lorsque le Rwanda est devenu membre du Conseil de sécurité en janvier 1994, cinq jours avant son installation. La MINUAR devait également transiger avec le F.P.R. dont la légitimité avait été reconnue dans les accords d'Arusha et qui, en janvier 1994, ne faisait toujours pas partie du gouvernement, contrairement à ce qui avait été convenu dans les accords.

117. La stratégie des parties semblait consister à se servir de la MINUAR afin de gagner du temps. Tandis que les dirigeants de la MINUAR cherchaient à négocier la fin de l'impasse politique et, de ce fait, passaient du temps en compagnie du président Habyarimana et du général Paul Kagame, chef militaire du F.P.R., une perception s'est fait jour qui a semblé compromettre l'impartialité des dirigeants de la MINUAR. La question de l'impartialité d'une mission de maintien de la paix pose immanquablement un problème lorsque le déploiement a lieu dans le contexte d'un conflit civil, a-t-on suggéré.

118. Après la prise du pouvoir par le F.P.R. en juillet 1994, au lendemain de la guerre civile, les relations se sont détériorées entre la MINUAR et le nouveau gouvernement. Le F.P.R. s'est senti trahi par la communauté internationale, en particulier les Nations unies. Lors des troubles civils de 1959, des centaines de Tutsi avaient été tués et, à la fin de 1964, environ 330 000 d'entre eux avaient été contraints de s'exiler, pour fuir les persécutions. Entre avril et juillet 1994 avait de nouveau lieu le génocide des Tutsi, en grande majorité, cette fois en présence de la MINUAR. Au lieu d'arrêter les massacres, de l'avis du F.P.R., les Nations unies ont retiré la plupart de leurs troupes, laissant la population assiégée à la merci des extrémistes hutu. Mais tandis que le F.P.R. avançait pour prendre le contrôle de son pays, les Nations unies ont autorisé l'opération turquoise dans le but, au dire du F.P.R., de lui refuser la victoire totale et d'assurer la protection des Hutu, protection qui avait été refusée aux Tutsi et qui était désormais offerte à certains des auteurs du génocide.

119. Ayant rétabli la paix par lui-même dans son pays, le nouveau gouvernement s'attendait à une aide immédiate de la part des Nations unies. Lorsque la MINUAR élargie a été entièrement déployée en septembre, deux mois après la fin de la guerre civile, le gouvernement n'a pas compris quel était le but de la nouvelle force. À l'origine, il avait résisté à l'idée du déploiement d'une imposante force des Nations unies après la guerre civile. Lorsqu'il s'est ravisé, c'était parce qu'il croyait que la force apporterait les ressources nécessaires à la reconstruction du pays. Même si la MINUAR a effectivement apporté avec elle des parcs de véhicules blancs et tout un éventail d'équipement, c'était dans le but d'appuyer la mission, a-t-on dit au gouvernement, et non pour aider à rebâtir le pays. Cet étalage de richesses apparentes devant une population traumatisée par le génocide et la guerre civile a donné au gouvernement l'impression que la MINUAR n'était pas sensible à ses besoins. On a laissé entendre lors du séminaire de synthèse que les Rwandais n'auraient probablement pas éprouvé autant de ressentiment si les ressources de l'opération de maintien de la paix avaient servi à la reconstruction nationale de même qu'au soutien de la mission.

120. Malgré les relations cordiales entre le nouveau gouvernement et les hauts dirigeants de la MINUAR, le gouvernement a déclaré que l'opération portait mal son nom : Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda. Quand la mission avait-elle réellement aidé le Rwanda ? à-t-il demandé. Selon un représentant supérieur, la MINUAR aurait dû changer son nom avant le déploiement de l'opération élargie pour ainsi se dissocier des échecs du passé.

121. Lorsque les institutions spécialisées des Nations unies et les contingents de la MINUAR ont commencé à aider au rétablissement des services essentiels, le gouvernement a refusé d'associer ces projets à la MINUAR et s'est attribué le mérite de ce rétablissement. Durant la période qui a suivi la guerre civile, le gouvernement considérait la MINUAR non pas comme un partenaire mais comme un rival qui sapait son autorité. Le harcèlement de la MINUAR et les violations de l'accord sur le statut de la mission, que le nouveau gouvernement ne se sentait pas tenu de respecter, sont devenus monnaie courante. De plus en plus, l'armée refusait au personnel de la MINUAR la liberté d'accès, fouillant les véhicules de la mission, orchestrant contre elle une propagande, et cherchant l'affrontement avec certains contingents particulièrement visés de la MINUAR pour forcer leur retrait.

122. Sans une stratégie d'information adéquate, la MINUAR ne pouvait même pas renseigner la population sur les efforts qu'elle avait déployés afin de rétablir les services essentiels. Au lieu de cela, elle a vu la colère des Rwandais se retourner contre elle et, devant l'insistance du gouvernement, elle s'est retirée du Rwanda le 8 mars 1996.

123. Il est ressorti des entrevues avec le Groupe des enseignements tirés des missions que les Nations unies devaient entretenir un dialogue continu avec les autorités locales et se montrer attentives à leurs besoins afin d'éviter de tels problèmes. Les mandats des opérations devraient être rédigés de concert avec les autorités locales. Les représentants de la MINUAR et ceux du siège de l'O.N.U. à New York ont fait tout leur possible pour inciter le gouvernement à tenter de résoudre les problèmes concernant l'accord sur le statut de la mission, mais les modifications exigées par le gouvernement étaient considérées comme des violations fondamentales des privilèges et des immunités des Nations unies reconnus à l'échelle internationale, ne laissant ainsi aucune place aux négociations. « Nous avions affaire à une entité qui ne possédait aucune expérience du droit international ni de sa pratique, » a déclaré un représentant. L'accord sur le statut de la mission était un traité international entre le Rwanda et les Nations unies, et le nouveau gouvernement était tenu de le respecter.

124. Il a été suggéré lors du séminaire de synthèse qu'étant donné l'attitude du gouvernement, la mission aurait dû avoir la possibilité de prouver son utilité aux autorités en appliquant judicieusement la « politique de la carotte et du bâton ».

Consolidation de la paix, justice et réconciliation nationale

Consolidation de la paix

125. En juillet 1994, les combats avaient cessé au Rwanda, mais il y avait toujours une menace de contre-attaque par les anciennes forces gouvernementales Rwandaises. Lorsque les troupes de l'opération Turquoise se sont retirées en août 1994 et que l'A.P.R. devait assumer le contrôle de l'ancienne zone humanitaire sûre, on ne savait pas très bien ce qui arriverait. Il était donc logique de procéder quand même au déploiement de la MINUAR élargie suivant la formation que le Conseil de sécurité avait approuvée en mai, soit cinq bataillons d'infanterie. Or, à mesure que la situation se stabilisait, les Rwandais ont commencé à mettre en doute la tâche de la MINUAR dans ce qu'ils considéraient comme un pays où régnait la paix; la MINUAR a commencé à être perçue comme une force d'occupation plutôt qu'une mission d'assistance, et un obstacle aux efforts du nouveau gouvernement pour prendre le contrôle total du pays.

126. Suite à la guerre civile en 1994, le secrétaire général a créé un fonds d'affectation spéciale pour appuyer les programmes de rétablissement au Rwanda. Le nouveau R.S.S.G. et le commandant de la force de la MINUAR élargie ont bien compris que pour jouer un rôle significatif, la MINUAR devait prendre part aux activités qui serviraient à consolider la paix au Rwanda. Ces activités comprenaient notamment la réouverture des aéroports, le rétablissement des services essentiels comme l'approvisionnement en eau, l'électricité et les télécommunications, la réfection des immeubles essentiels tels que les hôpitaux et les écoles, et le rétablissement des services municipaux comme les transports en commun.

127. On a affirmé que les troupes de maintien de la paix sont souvent sur les lieux peu après la fin d'un conflit et qu'elles possèdent les moyens techniques et logistiques nécessaires pour répondre aux besoins essentiels dans cette situation. Par ailleurs, les organismes spécialisés ne peuvent immédiatement rassembler les troupes, les techniciens, les véhicules et les moyens logistiques, comme les forces militaires peuvent le faire, pour répondre à ces besoins pressants. Il existe donc, après un conflit, une « période floue » d'une durée limitée au cours de laquelle les casques bleus peuvent entreprendre les travaux de réparation d'urgence en ce qui concerne l'infrastructure, puis laisser progressivement la place aux opérations de développement des institutions spécialisées. Certains sont d'avis que, dans l'idéal, une unité civile de « casques blancs » composée, entre autres, d'ingénieurs et de techniciens et équipée de véhicules lourds appropriés, de moyens de communication et autre matériel devrait arriver dans une zone dévastée afin de prendre la direction des opérations de secours. Toutefois, il n'existe pas encore d'unité de « casques blancs » de ce genre au sein des Nations unies. Par conséquent, les unités militaires peuvent assumer ce rôle.

128. Une fois entièrement déployée, la MINUAR élargie possédait les ressources techniques nécessaires, c'est-à-dire des médecins, des ingénieurs, des techniciens et télécommunications et des moyens logistiques (véhicules légers et lourds, bétonnières, hélicoptères et génératrices), pour accomplir cette tâche de consolidation de la paix. L'obstacle résidait dans le mandat, car on rappelait constamment aux hauts fonctionnaires que les techniciens militaires et leur matériel étaient financés à l'aide de quote-parts dans le but de soutenir la MINUAR et non le gouvernement et le peuple du Rwanda. La tâche en question était axée sur le développement, et cette responsabilité incombe aux organismes spécialisés, dont le fonctionnement repose sur des contributions volontaires.

129. Lors du séminaire de synthèse, on a fait remarquer que les États membres, particulièrement ceux qui assumaient la plus grande part des contributions liées au maintien de la paix, considéraient que le développement de l'infrastructure relevait de la compétence nationale d'un État et qu'il s'agissait d'une activité devant faire l'objet d'un financement interne. Pour le Conseil, se préoccuper du développement de l'infrastructure, particulièrement dans les États en ruine, serait se lancer dans une tâche sans fin. Les ressources nécessaires au financement de cette activité ne se trouvaient tout simplement pas dans le budget du maintien de la paix. Une solution pourrait consister à mettre en place, dès le début, d'autres structures de soutien qui seraient financées au moyen de contributions volontaires et qui s'appliqueraient effectivement à la question de la consolidation de la paix.

130. Néanmoins, de juillet à décembre 1994, les ressources militaires de la MINUAR ont servi à fournir un soutien médical aux Rwandais. La Croix-Rouge et d'autres organisations non gouvernementales se sont joints à la MINUAR pour assurer ces services dans tout le pays, tandis que le P.N.U.D. et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (U.N.I.C.E.F.) soutenaient d'autres activités de consolidation de la paix. De concert avec les institutions spécialisées, le R.S.S.G. a procédé à l'élaboration d'un plan de normalisation d'urgence du Rwanda qui ferait démarrer le rétablissement du pays. Ce plan prévoyait l'octroi au gouvernement rwandais, des fonds nécessaires pour payer les salaires et réparer les installations essentielles, la réouverture des hôpitaux et des dispensaires, la réouverture des aéroports et le rétablissement de la circulation aérienne commerciale, le transport des rapatriés et des personnes déplacées, le rétablissement de l'électricité, la réfection des réseaux d'approvisionnement en eau, la réouverture des écoles, le renforcement de Radio Rwanda, l'amélioration des télécommunications et du système judiciaire, le déminage, le rétablissement agricole, la formation des cadres policiers et administratifs, ainsi que le relèvement des services municipaux et des ministères.

131. Tandis qu'il espérait des contributions au fonds d'affectation spéciale pour le rétablissement du Rwanda, le R.S.S.G. a mobilisé les organismes spécialisés et la MINUAR afin de mettre en oeuvre tout ce qu'ils pouvaient dans le cadre du plan. Les contingents australien, britannique, canadien et indien, de même que l'Organisation mondiale de la santé, le H.C.R., l'U.N.I.C.E.F., le P.A.M., le P.N.U.D. et des organisations non gouvernementales ont contribué à leur façon. Toutefois, l'initiative a eu une incidence limitée puisque seuls les Pays-Bas ont offert 5 millions de dollars au fonds d'affectation spéciale.

Réconciliation nationale

132. Selon plusieurs experts, le meilleur moyen de consolider la paix et d'en arriver à la réconciliation nationale au Rwanda est d'appuyer la société non gouvernementale locale et les dirigeants de la société civile. La communauté internationale devrait travailler de concert avec ces réseaux locaux et par leur entremise, au niveau de la collectivité, afin de résoudre les nombreux problèmes auxquels le pays fait face, qu'il s'agisse d'assurer des services sociaux, de réintégrer les combattants dans la société ou d'offrir des possibilités de formation et d'emploi.

133. Lors du séminaire de synthèse, on a affirmé que la plupart des problèmes fondamentaux qui ont conduit au génocide ou qui militent contre la consolidation de la paix et la réconciliation nationale existent encore au Rwanda. Tant que l'opposition à l'étranger et les réfugiés ne seront pas inclus dans un partage efficace du pouvoir, la situation politique au Rwanda demeurera précaire. Cela ne signifie pas qu'il faille imposer au gouvernement rwandais les personnes soupçonnées d'implication dans le génocide. Il est essentiel, pour mener à bien le processus de réconciliation, que les instigateurs du génocide soient tenus responsables de leurs actes. Une fois qu'ils auront vu les coupables traduits en justice, les Tutsi survivants seront peut-être moins désireux de se venger en commettant des homicides extrajudiciaires, et les paysans hutu en exil auront peut-être moins peur de rentrer chez eux. C'est alors que des efforts pourront être déployés en vue d'une véritable réconciliation, pour ainsi briser le cycle d'« exclusion alternative » qui a caractérisé la vie politique au Rwanda.

134. Un autre facteur qui complique la réconciliation nationale est le problème de l'impunité et la culture de violence qui ont affligé le Rwanda au cours des dernières décennies. Le gouvernement rwandais a soutenu qu'il poursuivait effectivement ce chemin vers la réconciliation et qu'il se penchait sur le problème de l'impunité. Les représentants du gouvernement qui ont été interviewés ont déclaré que le gouvernement avait pris des mesures sévères contre les personnes, notamment des soldats de l'A.P.R., coupables d'avoir commis des meurtres par vengeance. Ils ont ajouté que les quatre piliers des accords d'Arusha, c'est-à-dire la primauté du droit, le partage du pouvoir et une culture politique d'intégration, le fusionnement des forces armées des deux camps en une seule armée nationale, ainsi que les efforts visant à rapatrier et à réinstaller les réfugiés, n'ont pas été abandonnés. Ils ont simplement été modifiés en fonction des circonstances.

135. Non seulement les institutions gouvernementales sont encore faibles au Rwanda, mais l'infrastructure socio-économique est aussi très fragile. L'absence d'un système judiciaire fonctionnel retarde le processus de réconciliation nationale. De plus, il existe un énorme déséquilibre entre les imposantes ressources affectées aux opérations humanitaires, surtout à l'extérieur du Rwanda, et l'investissement minimal de la communauté internationale dans la relance et le rétablissement au Rwanda. Il est peu probable, dans un avenir rapproché, que des possibilités d'emploi, de création de revenus, d'éducation à tous les niveaux et d'accès aux services essentiels soient offertes à la majorité de la population.

136. La combinaison du sous-investissement et de l'absence de justice encore aujourd'hui contribuent à entretenir l'instabilité au Rwanda et dans les pays voisins. Les événements survenus au Burundi et au Libéria ont suscité des doutes quant à la volonté de la communauté internationale et des différents gouvernements de vraiment tirer la leçon du Rwanda pour l'établissement de politiques adaptées aux situations de conflit exacerbé. L'absence de volonté politique, que ce soit aux Nations unies, au sein de l'O.U.A., parmi les principales puissances ou même dans la région, signifie que d'autres conflits sont inévitables au Rwanda.

137. Comme l'a déclaré un représentant de l'U.N.I.C.E.F., « À un niveau différent, chaque organisation ou département a beaucoup appris de l'opération au Rwanda pour ce qui est de la façon d'améliorer nos capacités respectives, nos stratégies, nos communications, l'efficacité de notre administration et notre coordination. S'il s'agit bien là des leçons que l'Organisation veut tirer, alors elle a beaucoup appris. Mais au niveau politique, dans un pays ou une région qui n'a guère d'importance stratégique pour les principaux intervenants sur la scène internationale, la grande leçon à tirer est que des situations semblables à celle du Rwanda se répéteront ailleurs, que des soldats de la paix et des organismes humanitaires seront mobilisés pour remplacer et non traduire la volonté politique d'éliminer les causes profondes et les conséquences des conflits internes, dans le but de favoriser la consolidation de la paix et la réconciliation nationale. » (Traduction non officielle.)

138. La communauté internationale peut aider le Rwanda dans ses efforts de réconciliation nationale en soutenant l'économie et en facilitant la création de possibilités économiques pour tous. Les institutions de Bretton Woods, ainsi que les donateurs d'aide bilatérale, doivent participer pleinement à cette initiative. L'atténuation des tensions économiques fera également baisser les tensions politiques et ethniques.

Tribunal international pour le Rwanda

139. Bien qu'il ne fasse pas partie intégrante de la MINUAR, le tribunal international pour le Rwanda constitue un facteur pertinent dans l'étude de la mission, puisqu'il est essentiel à l'ensemble du processus de paix et de réconciliation nationale au Rwanda. Tant qu'on n'aura pas constaté que la justice a été rendue, de nombreuses personnes interrogées ont conclu que le Rwanda ne pourra parvenir à la réconciliation nationale.

140. Même s'il n'existait aucun lien organique entre lui et la MINUAR, le tribunal n'en demeure pas moins une partie importante de la pésence globale des Nations unies au Rwanda. Sur le plan de la collaboration, la MINUAR et le tribunal ont partagé installations, locaux et équipement, la MINUAR assurant la sécurité du tribunal.

141. Ayant établi un tribunal international pour l'ex-Yougoslavie quelques mois auparavant dans le but d'engager des poursuites contre les personnes responsables de crimes de guerre, le Conseil de sécurité n'aurait pu agir différemment dans le contexte du Rwanda sans donner la détestable impression d'avoir deux poids, deux mesures. L'attitude du gouvernement rwandais qui, en août 1994, avait demandé l'établissement d'un tribunal international, a changé tout au long du processus de négociation qui a conduit à la mise sur pied du tribunal. Après s'être rendu compte que la juridiction internationale envisagée par le Conseil de sécurité ne répondrait pas entièrement à ses souhaits, que le tribunal ne serait pas habilité à imposer la peine de mort et qu'il n'était pas en mesure d'engager des poursuites contre des milliers de détenus se trouvant déjà dans les prisons rwandaises, le gouvernement du Rwanda a décidé de voter contre la résolution établissant le tribunal.

142. Néanmoins, si le Rwanda a accepté de collaborer avec le tribunal, c'est parce qu'il s'est rendu compte qu'en tant qu'organe créé en vertu du chapitre VII de la charte, le tribunal était la seule entité capable de faire en sorte que les criminels de guerre soient livrés à sa juridiction. Le Rwanda espérait également que le siège du tribunal soit établi sur son territoire et que les procès soient largement et publiquement diffusés afin que la population locale puisse voir que l'on était en train de rendre la justice. Toutefois, le Conseil de sécurité a décidé d'établir un tribunal à Arusha, en République Unie de Tanzanie, pour des raisons de justice, d'équité, d'efficience administrative et de proximité des témoins. Mais il a également décidé de mettre sur pied un bureau du tribunal au Rwanda pour la conduite d'instances. Ainsi, le bureau du procureur constituait une présence symbolique du tribunal international.

143. L'une des critiques dont le tribunal a fait l'objet a été la lenteur de ses activités. Plusieurs des personnes interrogées ont affirmé que deux ans après le génocide, le tribunal n'avait pas encore jugé une seule personne, ce qui avait nui à l'image de marque des Nations unies dans leur ensemble au Rwanda. On a également laissé entendre que si le tribunal s'était hâté d'accuser et de juger les principaux dirigeants et organisateurs du génocide, le gouvernement rwandais aurait réagi en libérant quelques-uns des milliers de détenus qui se trouvent aujourd'hui dans les prisons rwandaises. L'appel du peuple à la justice et la peur des représailles ont nécessité la détention de milliers de personnes, alors que le tribunal aurait pu contribuer à calmer la situation en montrant à la population qu'on était bel et bien en train de rendre la justice.

144. Or, comme l'a précisé le directeur des enquêtes du tribunal lors du séminaire de synthèse, le tribunal international était un tribunal criminel et non une commission de la vérité ou une tribune pour une enquête publique. Les allégations devaient être prouvées devant la justice, et hors de tout doute raisonnable.

145. On étudie encore la question de savoir si l'établissement d'un tribunal international pour poursuivre les criminels de guerre était la meilleure façon, pour la communauté internationale, d'intervenir face aux événements survenus au Rwanda. On a laissé entendre que le tribunal ne pourra pas juger plus d'une poignée des principaux organisateurs du génocide. Ces individus seront détenus dans des conditions de loin supérieures à celles qui existent actuellement dans les prisons rwandaises, où des milliers de personnes sont internées, sans bénéficier de procédure de recours, simplement pour être soupçonnées d'implication. De plus, les organisateurs du génocide poursuivis par le tribunal ne seront pas soumis à la même peine que celle qui a déjà été infligée à d'autres, beaucoup moins élevés en grade et beaucoup moins coupables, dont l'implication était présumée : la peine de mort. Enfin, il y a les difficultés pratiques que pose l'obtention des témoignages de témoins oculaires dans un pays où bon nombre des témoins vivent dans des camps de réfugiés, encore sous l'oeil vigilant des structures de commandement qui ont planifié et perpétré le génocide.

146. Quel rôle les opérations de maintien de la paix pourront-elles jouer dans l'avenir afin d'aider une juridiction internationale dans une situation similaire ? Idéalement, il semblerait que le rôle pouvant être attribué à une opération de maintien de la paix serait de poursuivre les criminels de guerre. L'O.N.U.S.O.M. II avait également reçu le mandat, en vertu de la résolution 837 (1993) du Conseil de sécurité, d'arrêter et de détenir, pour qu'ils soient traduits en justice, jugés et punis, les responsables des attaques armées contre des casques bleus des Nations unies. Si un tribunal international est établi en vue de poursuivre les criminels de guerre au nom de la communauté internationale dans son ensemble, dans des situations où les États refusent de collaborer et où les criminels de guerre sont protégés par des « États amis », ce tribunal devrait alors se fier à des mesures coercitives prescrites par le Conseil de sécurité et prises, le cas échéant, par une force militaire au nom de la communauté internationale dans son ensemble.

147. Toutefois, il existe au moins trois raisons pour lesquelles cette option ne serait probablement pas réalisable. D'abord, une force de maintien de la paix n'opère peut-être pas nécessairement dans les pays où se trouvent les criminels de guerre. Par exemple, la MINUAR n'aurait pu être d'une grande utilité pour ce qui est de poursuivre les criminels de guerre se trouvant au Zaïre, au Kenya ou au Cameroun. Deuxièmement, même si les forces de maintien de la paix devaient opérer dans des territoires où se trouvent des criminels de guerre, la poursuite de ces derniers n'est peut-être pas nécessairement compatible avec le mandat de l'opération de maintien de la paix en question, comme en témoigne l'expérience yougoslave. Troisièmement, le succès d'un tribunal international des Nations unies restera entre les mains du Conseil de sécurité et reposera sur sa volonté politique de faire respecter ses ordres et ses demandes.

ANNEXE I


Consultation avec experts indépendants,

New York, le 28 mars 1996

1. Brigadier général Henry Anyidoho

Ex-commandant adjoint de MINUAR

Ministère de la Défense, Accra, Ghana

2. Mme Cindy Collins

Thomas J. Watson Institute for International Studies

Brown University, Rhode Island, États-Unis

3. M. David Cox

Président, Recherche et opérations

Conseil canadien pour la paix et la sécurité internationales

Ottawa, Canada

4. Mme Allison des Forges

Human Rights Watch/Africa, Buffalo, New York

5. Mme Miriam Friedmann

Administrateur de programmes, Friedrich Ebert Foundation,

New York

6. M. Omar Halim

Centre d'études stratégiques internationales

Jakarta, Indonésie

7. Mme Connie Peck

UNITAR, Genève, Suisse

8. Brigadier général Bo Pellnas

Uppsala, Suède

9. Mme Astri Suhrke

Christian Michelsen Institute, Bergen, Norvège

10. Mme Joëlle Tanguy

Médecins sans frontières, New York

11. Mme Margaret Vogt

Académie pour la paix internationale, New York

12. Mme Renate Wilke-Launer

Éditeur, Überblick, Hambourg, Allemagne

ANNEXE II


Consultation internationale sur les renseignements à tirer de MINUAR, New York, 15-16 mai 1996

1. M. Kofi Annan

Secrétaire général adjoint pour les opérations de maintien de la paix.

2. M. Lansana Kouyaté

Sous-secrétaire général pour les affaires politiques.

3. M. Shahryar Khan

Ex-représentant spécial du secrétaire général pour le Rwanda.

4. M. Abdelkader Abbadi

Directeur, Division de l'Afrique II, D.P.A.

5. Docteur Jakov Adler

Conseiller médical adjoint, D.P.K.O.

6. Mme Dee Dee Angagaw

Directeur du programme humanitaire, Bureau régional pour l'Afrique, P.N.U.D.

7. M. Hedi Annabi

Administrateur chargé du Bureau des opérations, D.P.K.O.

8. Mme Leila Benkirane

Juriste hors classe, Bureau des affaires juridiques.

9. M. Runo Bergstrom

Groupe des enseignements tirés des missions, D.P.K.O.

10. M. Sammy Buo

Ex-spécialiste des questions politiques, MINUAR.

11. Mme Rebecca Caballero

Groupe des enseignements tirés des missions, D.P.K.O.

12. M. Maurice Clapisson

Fonctionnaire chargé de l'évaluation, Bureau des services de contrôle interne.

13. M. Christopher Coleman

Chef, Groupe des politiques et de l'analyse, D.P.K.O.

14. Lieutenant colonel Paolo Coletta

Groupe de la police civile, D.P.K.O.

15. M. Luiz da Costa

Chef, Service de la gestion du personnel, D.P.K.O.

16. M. Manuel da Silva

Directeur, Division des situations d'urgence complexes, D.H.A.

17. Lieutenant colonel Jean-Pierre Doubeck

Groupe de formation, D.P.K.O.

18. M. Jorge Duhalt

Groupe des enseignements tirés des missions, D.P.K.O.

19. M. Nigel Fisher

Directeur, Bureau des programmes d'urgence, U.N.I.C.E.F.

20. Mme Alexandra Humme

Agent de pupitre pour le Rwanda.

21. Mme Momoye Ise

Chef, Service de la formation, Bureau de la gestion des ressources humaines.

22. M. Léonard Kapungu

Chef, Groupe des leçons apprises, D.P.K.O.

23. M. Kevin Kennedy

Chef, Section de la paix et de la sécurité, D.P.I.

24. M. Randolph Kent

Ex-coordonnateur pour les affaires humanitaires pour le Rwanda.

25. Mme Pirkko Kourula

Bureau du H.C.R. de New York.

26. Mme Sunaina Lowe

Groupe des enseignements tirés des missions, D.P.K.O.

27. M. Hocine Medili

Directeur, F.A.L.D., D.P.K.O.

28. Mme Gunda Narang

Administrateur du personnel, Bureau de la gestion des ressources humaines.

29. Lieutenant colonel François Pascal

Centre d'opérations, D.P.K.O.

30. M. Umberto Pizzabiocca

Groupe des enseignements tirés des missions, D.P.K.O.

31. M. Mian Qadrud-Din

Directeur, Division de la promotion et des services à l'intention du public, D.P.I.

32. Mme Christa Rieth

Chef, Groupe VI, Bureau de la gestion des ressources humaines.

33. Mme Daphna Shraga

Juriste hors classe, Bureau des affaires juridiques.

34. M. Tore Skedsmo

Chef, Groupe du déminage, D.P.K.O.

35. Mme Elissavet Stamatopoulu-Robbins

Bureau du Centre pour les droits de l'homme de New York.

36. M. Masimba Tafirenyika

Groupe des enseignements tirés des missions, D.P.K.O.

37. Colonel Isoa Tikoca

Ex-chef du Groupe d'observateurs militaires, MINUAR.

38. Colonel Cees van Egmond

Chef, Service de la planification des missions, D.P.K.O.

39. Colonel Anil Vasisht

Groupe des enseignements tirés des missions, D.P.K.O.

40. Mme Tina Zournatzi

P.N.U.D.

ANNEXE III


Séminaire général sur les enseignements à tirer de MINUAR Plainsboro, New Jersey, 12-14 juin 1996

États membres

Australie

1. Col. Christopher R. Prickett

Conseiller militaire, Mission permanente de l'Australie auprès de l'O.N.U., New York

2. Mme Anastasia Carayanides

Premier secrétaire, Mission permanente de l'Australie auprès de l'O.N.U., New York

Bangladesh

3. Brig. gén. Moeen Uddin Ahmed

Ex-chef adjoint du groupe d'observateurs militaires de MINUAR

Belgique

4. M. Thomas Baekelandt

Conseiller, Mission permanente de la Belgique auprès de l'O.N.U.

5. Col. Baudouin Briot

Conseiller, Mission permanente de la Belgique auprès de l'O.N.U.

Canada

6. Maj. Brent Beardsley

Forces armées canadiennes Q.G.D.N., Ottawa, Canada

7. Col. Jacques Castonguay

Ministère de la Défense, Canada

Éthiopie

8. M. Berhane G. Kristos

Ambassadeur de l'Éthiopie aux États-Unis

9. Col. Tadele Gebre-Selassie

Ex-commandant du contingent éthiopien de MINUAR

10. M. Kinfe Abraham

Directeur, Ethiopian International Institute for Peace and Development

France

11. M. Bruno Foucher

Conseiller, Mission permanente de la France auprès de l'O.N.U., New York

12. Commandant François Auffray

Conseiller militaire adjoint

Mission permanente de la France auprès de l'O.N.U., New York

Allemagne

13. M. Cord Meier-Klodt

Conseiller, Mission permanente de l'Allemagne auprès de l'O.N.U., New York

Inde

14. Brig. gén. K.S. Shivakumar

Ex-commandant adjoint, MINUAR

Pays-Bas

15. M. Rob Zaagman

Département des affaires politiques et des Nations unies

Ministère des Affaires étrangères, Pays-Bas

Nouvelle-Zélande

16. M. Colin Keating

Représentant permanent de la Nouvelle-Zélande auprès de l'O.N.U., New York

17. Mme Felicity Wong

Premier secrétaire, Mission permanente de la Nouvelle-Zélande auprès de l'O.N.U., New York

Nigéria

18. M. Isaac E. Ayewah

Représentant permanent adjoint du Nigéria auprès de l'O.N.U., New York

Norvège

19. Lt. Col. Per Jorgen Aasen

Conseiller militaire adjoint

Mission permanente de la Norvège auprès de l'O.N.U., New York

20. Mme Eli Jonsvik

Premier secrétaire, Mission permanente de la Norvège auprès de l'O.N.U., New York

Pakistan

21. Lt. Col. Mian Nadeem Ijaz Ahmed

Conseiller militaire, Mission permanente du Pakistan auprès de l'O.N.U., New York

22. M. Irfan Yusuf Shami

Deuxième secrétaire, Mission permanente du Pakistan auprès de l'O.N.U., New York

Rwanda

23. M. Théogène Rudasingwa

Ambassadeur du Rwanda aux États-Unis, Washington, D.C.

24. M. Gideon Kayinamura

Représentant permanent du Rwanda auprès de l'O.N.U., New York

Sénégal

25. Colonel Ousmane Goudiaby

Ex-commandant du bataillon sénégalais de MINUAR

Suède

26. Mme Helena Bjuremalm

Premier secrétaire, Département pour la coopération en matière de développement international, ministère des Affaires étrangères, Stockholm, Suède

27. Mme Bie Granbom

Coopération suédoise pour le développement international (S.I.D.A.), Stockholm, Suède

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

28. Major Charles Morpeth

Département de l'O.N.U., Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth, Londres

États-Unis d'Amérique

29. M. John Cook

Directeur adjoint, Bureau des opérations de maintien de la paix et des affaires humanitaires, Bureau des organisations internationales, département d'État, Washington, D.C.

30. Col. Steve Riley

Directeur, US Army Peacekeeping Institute Carlisle Barracks, PA.

31. Lt. Col. Bob Feliz

Adjoint militaire de l'ambassadeur

Mission permanente des États-Unis d'Amérique auprès de l'O.N.U., New York

Zimbabwe

32. Lt. Col. Mike N. Sango

Conseiller militaire, Mission permanente du Zimbabwe auprès de l'O.N.U., New York

Experts extérieurs et autres

33. M. Machivenyika T. Mapuranga

Représentant permanent du Zimbabwe auprès de l'O.N.U.

Ex-sous-secrétaire général de l'O.U.A.

34. M. Daniel Augstburger

C.I.C.R., New York

35. Mme Jane Boulden

Recherchiste consultant, C.A.R.E. Canada

36. M. David Cox

Directeur exécutif, Conseil canadien pour la paix et la sécurité internationales, Ottawa, Canada

37. Mme Allison des Forges

Human Rights Watch/Africa, Buffalo, New York

38. M. Age Eknes

Chef du programme des Nations unies

Institut norvégien des affaires internationales, Oslo, Norway

39. M. Joe Felli

Représentant de l'O.U.A., Kigali, Rwanda

40. Mme Miriam Friedmann

Administrateur de programmes, Friedrich Ebert Foundation (Allemagne), Bureau à New York

41. M. Omar Halim

Centre d'études stratégiques internationales Jakarta, Indonésie

42. M. Winrich Kuehne

Directeur adjoint, Stiftung Wissenschaft und Politik (S.W.P.), Institut allemand de recherche pour les affaires internationales, Ebenhausen, Allemagne

43. M. Sture Normark

Directeur, programme pour la Corne de l'Afrique Institut pour la vie et la paix, Uppsala, Suède

44. Mme Josephine Odera

Professeur, Institut de diplomatie et d'études internationales Université de Nairobi, Kenya

45. Brigadier général Bo Pellnas

Uppsala, Suède

46. Mme Astri Suhrke

Directeur de recherche, Christian Michelsen Institute, Bergen, Norvège

MINUAR

47. Ambassadeur Shaharyar Khan

Ex-représentant spécial du secrétaire général pour le Rwanda Pakistan/Londres

48. Général Roméo Dallaire

Ex-commandant de la force, MINUAR, Canada

49. Général Guy Tousignant

Ex-commandant de la force, MINUAR, Canada

50. Brigadier général Henry Anyidoho

Ex-commandant adjoint de la force, MINUAR, ministère de la Défense, Burma Camp, Accra, Ghana

51. M. Alphonse Breau

Directeur des enquêtes, Tribunal international pour le Rwanda, Kigali, Rwanda

52. M. Mamady Lamine Conde

Ex-spécialiste des questions politiques (hors classe), MINUAR, a/s U.N.E.S.C.O., Paris, France

53. M. Wilfred De Souza

Ex-directeur général, MINUAR

54. M. Cheick Oumar Diarra

Ex-commissaire de police, MINUAR, Bamako, Mali

55. M. Augustine Mahiga

Coordonnateur, Groupe spécial du H.C.R. pour le Rwanda et le Burundi, Genève, Suisse

Agences et bureaux de l'O.N.U.

56. M. David Bassiouni

Ex-conseiller principal (politiques), Bureau des programmes d'urgence, U.N.I.C.E.F.

57. M. Lorenzo J. De Luis

Analyste du Fonds d'affectation spéciale, Bureau régional pour l'Afrique, P.N.U.D.

Département des opérations de maintien de la paix

58. M. Kofi Annan

Secrétaire général adjoint pour les opérations de maintien de la paix

59. M. Hedi Annabi

Administrateur chargé du Bureau des opérations, directeur, Division de l'Afrique

60. Lt. Col. Jean-Pierre Doubeck

Recherchiste et spécialiste de la validation, Groupe de la formation

61. M. Frederic Eckhard

Attaché de liaison (hors classe)

62. Mme Elisabeth Lindenmayer

Administrateur général, Division de l'Afrique

63. Mme Anita Menghetti

Planification des missions

64. Lt. Col. Abdel Ghaffar Youssif

Officier traitant

Autres groupes du secrétariat

65. M. Lansana Kouyate

Sous-secrétaire général pour les affaires politiques

66. M. Kevin Kennedy

Chef, Section de la paix et de la sécurité, D.P.I.

67. Mme Norah Niland

Spécialiste des questions humanitaires, D.H.A.

68. Mme Monica Sandvik-Nylund, D.H.A.

69. Mme Elissavet Stamatopoulou-Robbins

Bureau du Centre pour les droits de l'homme de New York

70. M. Ralph Zacklin

Adjoint du secrétaire général adjoint pour les affaires juridiques

Secrétariat de la conférence

M. Leonard Kapungu, chef du Groupe des enseignements tirés des missions

Mme Sita Agalawatta, assistant administratif des rapporteurs

Mme Rosalie Aka, historien de la conférence

M. Runo Bergstrom, coordonnateur

Mme Shirley Brownell, rapporteur des séances plénières

Mme Rebecca Caballero, fonctionnaire d'administration et de la conférence

Mme Sunaina Lowe, rapporteur du syndicat

Mme Karin Menkhaus, fonctionnaire d'administration

M. Kenneth Menkhaus, rapporteur du syndicat

M. Umberto Pizzabiocca, spécialiste de la planification

M. Masimba Tafirenyika, rapporteur du syndicat

Mme Torunn L. Tryggestad, fonctionnaire d'administration

M. Anil Vasisht, rapporteur du syndicat


(1) Le soutien financier de cette étude par les gouvernements d'Allemagne, de Norvège et de Suède, ainsi que le soutien du gouvernement canadien pour la traduction de cette étude en français ont été particulièrement appréciés.