5-150 | Sénat de Belgique | 5-150 |
Avertissement: les passages en bleu sont des résumés traduits du néerlandais.
Prise en considération de propositions
Projet de loi relatif au statut et au contrôle des établissements de crédit (II) (Doc. 5-2851)
Projet de loi relatif aux sociétés immobilières réglementées (Doc. 5-2860) (Procédure d'évocation)
Projet de loi portant diverses dispositions (Doc. 5-2863) (Procédure d'évocation)
Présidence de Mme Sabine de Bethune
(La séance est ouverte à 10 h 20.)
Mme la présidente. - La liste des propositions à prendre en considération a été distribuée.
Y a-t-il des observations ?
Puisqu'il n'y a pas d'observations, ces propositions sont considérées comme prises en considération et renvoyées à la commission indiquée par le Bureau.
(La liste des propositions prises en considération figure en annexe.)
Mme la présidente. - Je viens d'être saisie d'une demande visant à transmettre la proposition de loi pour avis au Conseil d'État. Cette demande réunissant les conditions requises, la proposition de loi sera transmise pour avis au Conseil d'État.
M. François Bellot (MR). - Tout texte renvoyé devant le Conseil d'État peut faire l'objet d'un exposé par les membres qui en font la demande.
Mme la présidente. - C'est exact. La demande d'avis ne suspend pas la discussion d'un projet.
M. François Bellot (MR). - Madame la présidente, chers collègues, mardi dernier, les faits m'ont donné raison : vingt conducteurs de train ont déclenché à Liège une grève sauvage alors qu'une négociation était toujours en cours, prenant en otages plus de vingt mille navetteurs, travailleurs, étudiants et voyageurs. Je présume que les organisations syndicales sont aussi solidaires des travailleurs privés de moyens de transport pour se rendre sur leur lieu de travail.
Sous des airs désolés, certains opposants à la présente proposition de loi ont déclaré leur indignation de voir des milliers de navetteurs pris en otages. Quel double langage en l'espace de quinze jours !
Le texte soumis à l'analyse de notre assemblée a été adopté, non sans heurts, le 1er avril, en commission des Finances et des Affaires économiques. Notre proposition ne porte pas sur le service minimum. À la SNCB, le service maximum est déjà le service minimum pour les usagers. Il s'agit tout simplement d'intégrer dans le contrat de gestion de l'entreprise publique le protocole d'accord signé par la direction de la SNCB et les organisations représentatives du personnel.
En dépit de la grève déclenchée ce mardi par les cheminots de Liège prouvant la nécessité d'une intervention du législateur, certains partenaires de la majorité ont réitéré hier la politique de la chaise vide en commission des Finances et des Affaires économiques pour le vote du rapport. Ce rapport a finalement été voté à l'unanimité, mais je trouve cette attitude déplorable, d'autant plus que le protocole existe. Je souhaite donc expliquer une nouvelle fois le contenu de la proposition.
La proposition de loi vise, comme le précise son intitulé, à enrayer les grèves sauvages afin d'assurer la continuité du service dans les entreprises. Elle demande que les dispositions des protocoles d'accord relatives aux arrêts de travail intempestifs, c'est-à-dire sans préavis, soient inscrites dans les contrats de gestion. Le texte prévoit des sanctions en cas de grève sauvage et le remboursement automatique des usagers.
Pour la SNCB, le texte existe. L'accord de gouvernement prévoyait de revoir pendant la législature le protocole signé en 2008. Il prévoyait aussi que le gouvernement veillerait à garantir la continuité du service public par le biais du contrat de gestion. Le texte adopté est conforme à l'accord de gouvernement. Il le concrétise dans son entièreté en complétant le contrat de gestion par des dispositions visant le phénomène des grèves sauvages.
Je laisserai aux autres le soin de prétendre le contraire, souvent avec une certaine dose d'agressivité d'ailleurs. Je préfère inviter sereinement le citoyen à prendre connaissance des textes. Il pourra se rendre compte du respect de l'accord de gouvernement par le Mouvement réformateur. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls partenaires de la majorité à avoir la même lecture de l'accord de gouvernement. Je rappelle que le texte de la proposition a été amendé par le MR, l'Open Vld et le CD&V. Le cdH était également prêt à se rallier à notre position. J'invite ce groupe à prendre ses responsabilités dans ce dossier ô combien important pour le citoyen. Je rappelle qu'un amendement cdH a été adopté en commission le 1er avril et que les mandataires wallons de ce parti défendent par ailleurs une proposition beaucoup plus pointue et beaucoup plus ferme, notamment pour les TEC. Voici deux jours, j'ai entendu le vice-président du Parlement wallon dire que ce dernier ne pouvait pas agir à défaut d'un texte fédéral. C'est inexact ! Que chaque pouvoir assume les marges de liberté qui lui ont été conférées par la réforme institutionnelle.
J'ai lu à de nombreuses reprises que le texte imposait le service minimum et bafouait le droit de grève. Non ! Le texte n'impose pas le service minimum.
Il ne précise pas non plus le nombre de trains devant circuler à l'heure de pointe du matin et de l'après-midi. Comment pourrait-on faire, d'ailleurs, puisque le service offert aujourd'hui par la SNCB est déjà un service minimum ?
Notre proposition vise uniquement les grèves intempestives, c'est-à-dire les arrêts de travail qui n'ont pas été observés dans le respect des procédures, des grèves pour lesquelles les syndicats n'ont pas déposé de préavis et dans le cadre desquelles ils sont souvent dépassés par leur base, mais aussi des grèves qui pénalisent l'usager, c'est-à-dire le travailleur. Il s'agit donc de mouvements qui ne sont pas endossés par les organisations syndicales, comme le prévoit le protocole d'accord revu tout récemment.
Non, le texte ne bafoue pas le droit de grève classique dans le respect des procédures existantes ; ce droit de grève, pour le Mouvement réformateur et toutes les familles politiques réunies autour de la table, conserve évidemment son utilité pour les travailleurs, en appui de leurs revendications.
Cependant, ce droit n'est pas absolu et doit être mis en balance avec le droit des citoyens de recourir de façon prévisible à des services publics de qualité. Il n'est plus acceptable que l'usager soit pris en otage par quelques personnes qui, via une grève sauvage, ont la possibilité de bloquer l'ensemble des usagers d'une région.
De plus, je souhaiterais rappeler également que le texte n'entend pas rompre avec la tradition de concertation sociale de notre pays. Le dialogue social doit rester un élément clé dans le cadre de la résolution des conflits sociaux.
Cependant, force est de constater que les accords sociaux ont leurs limites. L'actualité nous l'a rappelé une fois de plus : le mouvement des conducteurs de train de Liège illustre et démontre qu'une intervention du législateur est souhaitable et qu'une simple évaluation des protocoles d'accord existants n'est pas suffisante. Il est donc nécessaire de renforcer le cadre juridique des accords sociaux.
Loin de rompre le dialogue social, mon texte accorde un crédit, une force juridique supplémentaire aux accords passés entre syndicats et direction, en les bétonnant dans le contrat de gestion.
Concernant les sanctions, j'ai pu lire de nombreux propos farfelus, voire irréalistes, sans doute dus à une certaine fébrilité. Je vous rassure : la disposition qui consiste à rembourser le jour de grève à des abonnés qui ont déjà payé leur titre de transport ou allonger leur abonnement du nombre de jours de grève ne mettra pas à mal les finances de la SNCB, qui reçoit, bon an mal an, une dotation de l'ordre de 3 milliards d'euros.
Faut-il vous préciser d'où vient cet argent ? Le citoyen, usager ou non de la SNCB, contribue chaque jour à la constitution de cette dotation.
En retour, l'usager reçoit des services dont la qualité est loin d'être à la hauteur de ce qu'il débourse. L'usager ne compte plus les trains supprimés, les minutes de retard quotidiennes, mais il s'agit là d'un autre débat.
Je puis aussi vous parler des temps de parcours. Que dire sinon qu'il est déplorable qu'en dépit des évolutions technologiques, il faille actuellement plus de temps pour relier Namur à Bruxelles qu'en 1938 ?
Alors, dans ce contexte, une mesure qui prévoit un remboursement du ticket ou le prolongement de l'abonnement lorsque le train n'a pas roulé ou connaît un retard excessif peut-elle être qualifiée d'utopique voire de révolutionnaire ?
Une autre mesure prévoit des sanctions pour les dix personnes qui partent en grève, bloquent un réseau entier, prennent en otage 700 000 usagers, et cela en toute impunité et dans le non-respect des règles du jeu préalablement établies entre syndicats et directions. Est-ce réellement, je vous le demande, un cri de guerre ? Est-ce là jeter de l'huile sur le feu ? Non, puisque les tribunaux ont confirmé voici un an que le non-paiement des salaires des agents les jours de grève sauvage était un droit légitime de la direction de la SNCB.
Alors, je voudrais poser une question à celles et ceux qui ne sont pas disposés à voter ce texte. Que représentent pour vous les 700 000 navetteurs ? Faut-il vous rappeler que derrière ce chiffre et ce mot se trouvent des milliers de travailleurs, d'étudiants, de seniors, d'écoliers laissés sur le quai ? Les partenaires sociaux ne sont-ils pas aussi leurs porte-parole ?
Je voudrais, enfin, évoquer le recours au Conseil d'État. Il faut savoir qu'en 2007, nous avions déjà déposé un projet à la Chambre, qui a été soumis au Conseil d'État. C'est sur la base de ses observations que nous avons élaboré le texte qui vous est présenté aujourd'hui.
Je n'ai pas choisi le calendrier. Ce texte est sur la table de la commission depuis le 12 septembre 2010 et nous réclamons son examen depuis octobre 2010. Au lieu de cela, nous avons vu une série de textes, de la majorité ou de l'opposition, examinés avant le nôtre, parfois deux mois après leur dépôt.
Manifestement, notre texte gênait un certain nombre de personnes. Qui a voulu retarder l'examen de ce texte ? Ce n'est pas nous, en tout cas !
Je ne comprends pas où se situe la difficulté, notamment pour la SNCB. Je rappelle que son modèle de protocole a été élaboré par les partenaires sociaux. Est-ce vraiment beaucoup demander que de l'inscrire dans le contrat de gestion, en ajoutant un seul point : la confirmation d'une note que le ministre des Entreprises publiques lui-même a transmise à la SNCB, demandant le remboursement automatique des tickets aux voyageurs qui les avaient payés préalablement et aux abonnés qui avaient payé leur abonnement. Cette démarche individuelle implique que les vingt mille personnes qui ont eu à subir la grève sauvage remplissent chacune un document, soit vingt mille documents à traiter. Il serait pourtant simple, gráce aux technologies actuelles, de prolonger systématiquement l'abonnement des voyageurs du nombre de jours de grève sauvage.
Nous avons travaillé de façon sérieuse et efficace, avec l'Open VLD et le CD&V. Personnellement, je n'ai pas de connivence ni de sympathie et je ne négocie pas avec la N-VA. Moi, je n'ai pas mangé des gaufres pendant les cinq cents jours de négociation en 2010 au point de prendre des kilos !
M. Philippe Mahoux (PS). - Vous êtes sur la mauvaise pente, Monsieur Bellot.
M. François Bellot (MR). - Moi, je suis sur la pente qui défend les usagers, Monsieur Mahoux. Vous osez déplorer que les navetteurs soient pris en otages alors que vous avez voté contre cette disposition quinze jours plus tôt.
M. Philippe Mahoux (PS). - Nous répondrons sur le fond et sur vos méthodes personnelles un peu curieuses, Monsieur Bellot. Et nous contesterons le fait que cette proposition soit examinée en commission, à quelques encablures de la fin de la législature, alors que vous aviez tout le loisir de la faire examiner au cours des quatre années écoulées. C'est à la majorité qu'il incombe de concevoir et de réaliser un accord de gouvernement.
Vous voulez passer en force, cela vous appartient. Mais nous y reviendrons tout à l'heure.
M. François Bellot (MR). - Je prends à témoin la présidente ici présente : depuis 2010, nous demandons que deux textes soient examinés prioritairement par la commission : l'un concerne la continuité du service public et l'autre, la sécurité routière. Je vous fournirai les documents datés et signés que nous avons envoyés. Je vous demande quel texte du MR a été examiné prioritairement depuis lors.
Cela dit, les autres partenaires de la majorité étaient aussi autour de la table.
Nous avons travaillé de manière assez approfondie avec l'Open Vld et le CD&V, ainsi qu'avec le cdH, qui a toutefois été l'objet à la fin de certaines pressions. Jamais au cours de mes dix années de carrière parlementaire je n'avais entendu de tels propos à l'encontre d'un partenaire.
Le citoyen attentif pourra faire la différence. Il sait que le dossier SNCB occupe mes journées depuis de nombreuses années et les archives parlementaires permettront de faire la part des choses.
Mon seul objectif est de concrétiser un protocole d'accord existant. Vous savez que je mène un combat de longue durée afin de redorer les couleurs d'une entreprise publique qui le mérite. Les problèmes rencontrés par le groupe SNCB ne sont pas une fatalité et ne découlent pas entièrement de la politique européenne. Ce groupe et ses usagers méritent une attention particulière et les grèves sauvages nuisent à son image auprès du citoyen.
Par ailleurs, il me revient que le personnel du groupe n'est pas toujours fier des performances en termes de qualité et de service rendu.
La proposition de loi ne pourra pas aboutir sous cette législature mais soyez assurés que le Mouvement réformateur poursuivra le combat avec la même ténacité après les élections.
La première version de notre proposition de loi remonte à 2007, la seconde au 12 septembre 2010. Il est regrettable que nous ayons dû attendre près de quatre ans pour pouvoir l'examiner.
Monsieur Mahoux, je répondrai aux faits personnels que vous soulèverez, mais je vous transmettrai aussi les dates auxquelles notre groupe avait demandé de fixer en priorité l'examen de cette proposition : le premier courrier date du 17 octobre 2010.
Mme Fauzaya Talhaoui (sp.a). - J'utilise moi-même fréquemment les transports en commun. Quatre trains par heure circulent entre Anvers et Bruxelles, ce qui est très bien. Il arrive que les trains aient du retard ou que les cheminots fassent grève. En tant qu'usagers, nous espérons toujours que la concertation sociale rétablira rapidement la paix sociale. Quoi qu'il en soit, nous continuons à utiliser les transports publics car nous estimons qu'il s'agit d'une idée fantastique.
Le droit de grève est un droit fondamental. Il est inscrit dans plusieurs conventions internationales et dans notre Constitution. C'est un corollaire de la liberté d'association qui a sa place dans notre démocratie tant appréciée. Le sp.a estime donc que l'on ne peut restreindre purement et simplement le droit de grève et la liberté d'association. En période électorale, il est parfois tentant de chercher à séduire l'électorat mais il ne faut pas pour autant faire fi des usagers et des droits des travailleurs. Je rappelle à cet égard les nombreuses conventions internationales et les arrêts des cours des droits de l'homme et des comités relatifs à la liberté syndicale qui, depuis près de 60 ans, soulignent le caractère fondamental du droit de grève.
Quant au service minimal, je rappelle que notre pays a une très longue tradition de contrats de gestion conclus avec les entreprises publiques et complétés de protocoles permettant la concertation avec les syndicats en cas de problèmes.
Mme Nele Lijnen (Open Vld). - Cette proposition ne concerne pas le service minimal mais les grèves sauvages à la SNCB qui prennent en otage les usagers du rail.
Mme Fauzaya Talhaoui (sp.a). - La proposition initiale portait bien sur le service minimal dans toutes les entreprises publiques. Elle a ensuite été limitée à la SNCB puis aux grèves sans préavis. Je préfère ne pas parler de grèves sauvages qui ont une connotation tendancieuse. Selon nous, c'est aussi par la concertation sociale qu'il faut convenir des prestations minimales afin de préserver la paix sociale. Jusqu'à présent, ce système a bien fonctionné, pourquoi faudrait-il en changer ?
La proposition prévoit par ailleurs des sanctions financières. C'est dangereux. Qui paiera ces amendes ? L'Open Vld veut déclarer la guerre à la concertation sociale et à la paix sociale. Nous sommes en tout cas opposés aux sanctions financières infligées dans le cadre d'un conflit social et mettant à mal la concertation sociale.
La concertation sociale doit avoir lieu même en cas de grèves sans préavis. Je défends le droit de grève et la concertation sociale, y compris avec des organisations syndicales non représentatives.
C'est précisément parce que l'enjeu est un droit vraiment fondamental qui ne souffre aucune restriction que le groupe sp.a et d'autres collègues souhaitent interroger le Conseil d'État sur les conséquences possibles de cette proposition et sur ce qu'implique un service minimal. Le réseau ferroviaire belge est si étendu qu'il me paraît impossible de l'organiser en cas de grève subite. Il faudrait des milliers de personnes pour y parvenir. Même dans ces circonstances, la concertation sociale me semble être la meilleure solution.
M. François Bellot (MR). - Le débat ne porte pas sur le service minimum mais sur la continuité du service, sur l'interdiction de grève sauvage. Nous n'avons jamais parlé de service minimum ! Relisez le texte, s'il vous plaît.
Mme Fauzaya Talhaoui (sp.a). - C'est vrai, monsieur Bellot, mais il est très compliqué d'organiser un transport public minimum par chemin de fer dans notre pays car notre territoire est trop exigu.
Une fois encore, je propose donc de demander l'avis du Conseil d'État pour que nous sachions si le droit de grève, qui est un droit fondamental, peut être limité.
M. Philippe Mahoux (PS). - Si j'avais encore quelques doutes... (Protestations de M. Daems) Vous n'allez pas me déstabiliser, monsieur Daems ! Avec une longue pratique, on sait ce que sont les effets de manche et on comprend que les sourires que vous affichez cachent quand même une certaine forme d'agressivité.
Si j'avais encore quelques doutes quant à l'initiative que j'ai prise de demander à de nombreux collègues de soutenir la demande d'avis du Conseil d'État, l'intervention de M. Bellot me confirme que j'ai eu raison d'agir de la sorte.
On entend que des initiatives sont prises par le parlement régional qui considère que les compétences sont mal déterminées. Or le rôle du Conseil d'État est d'établir clairement quelles sont les compétences particulières dans un dossier de cette nature.
Par ailleurs, peut-on prévoir dans une loi des sanctions de cette nature et des obligations de remboursement ? On ne sait d'ailleurs pas clairement s'il s'agit ou non de sanctions. Le Conseil d'État nous donnera son avis à cet égard.
Sur le fond, la concertation est une règle générale, dans tous les cas nous la défendons avec conviction. On tente pourtant de faire passer le texte en force, même s'il a fallu - mais nous n'en sommes pas responsables - un certain temps pour mettre ce point à l'ordre du jour de la commission. Je peux donc imaginer que des auteurs de propositions soient frustrés. Assez souvent, le gouvernement se saisit de propositions de loi pour en faire des projets. Dans le cas présent, ce serait le contraire. Comme je l'ai déjà dit, lorsqu'il y a un accord au sein du gouvernement, lorsque le point est prévu dans la déclaration gouvernementale, il revient au gouvernement de régler le problème. C'est une question de loyauté vis-à-vis de la déclaration gouvernementale.
J'en viens au fond du problème. Il a été dit que ceux qui demandent l'avis du Conseil d'État sont totalement insensibles au fait que des travailleurs soient empêchés de se rendre sur leur lieu de travail. Ce n'est bien entendu pas le cas. Nous disons et répétons que la méthode qui est proposée n'est pas la bonne pour éviter que des travailleurs ne soient pénalisés en étant empêchés de se rendre sur leur lieu de travail. Nous continuons à penser qu'il n'y a aucune solution possible en dehors d'une concertation, c'est-à-dire d'un accord entre la société en général et les organisations syndicales. On ne va quand même pas envoyer la police ! Vous savez très bien que, dans notre pays, il n'est possible de résoudre des problèmes sociaux que dans le cadre de la concertation. Toute autre formule se limite à donner une satisfaction temporaire, sur la base d'arguments qui ne nous convainquent pas. La concertation est absolument indispensable pour régler un problème qui doit être abordé : le fait que de nombreux usagers sont empêchés de se rendre sur leur lieu de travail ou de se déplacer, sans qu'ils en soient prévenus.
Des spécialistes du droit social et du droit de grève ont insisté sur la nécessité de définir plus précisément la portée de la proposition. Il est question de grèves sauvages ; M. Bellot a parlé de grèves « spontanées ». Il y a lieu de préciser davantage ce que l'on veut empêcher ou éviter. C'est une raison supplémentaire pour laquelle nous demandons l'avis du Conseil d'État dans les conditions prévues par notre règlement.
Je ne puis cependant pas m'empêcher de penser qu'il s'agit, de la part de M. Bellot, d'une démarche quelque peu électoraliste.
M. François Bellot (MR). - Monsieur Mahoux, qui assume la présidence de la commission ?
J'ai été président de commission à la Chambre et quand un groupe politique me demandait d'examiner un point en urgence, je n'attendais pas trois ans pour l'inscrire à l'ordre du jour. Je n'accuse pas Mme Talhaoui - elle n'est pas seule - mais allez voir qui compose le bureau et vous comprendrez pourquoi on a constamment repoussé l'examen de cette proposition.
Mme Lieve Maes (N-VA). - Depuis trois ans et demi, nous respectons notre promesse de mener une opposition constructive. Nous n'avons donc conclu d'accord avec personne, pas même cette fois. Nous avons analysé systématiquement chaque proposition pour définir notre position au moment du vote. Nous avons même parfois irrité nos collègues en votant différemment article par article. Cette proposition n'a pas échappé à la règle et nous avons décidé de la soutenir pour deux raisons essentielles.
La première est que l'usager du rail sort gagnant s'il est préservé de grèves sauvages. Aujourd'hui, l'usager est sans cesse pris en otage alors qu'il n'est nullement responsable du fonctionnement de la SNCB et ne peut en rien l'influencer. Cette proposition y met le holà.
La seconde est qu'il ne s'agit pas d'une atteinte au droit de grève : celui-ci est entièrement sauvegardé et toutes formes d'actions sociales restent possibles. Il faut juste qu'elles soient annoncées, comme le prévoit d'ailleurs la loi depuis des années. Je réponds ainsi à la question de M. Mahoux : une grève sauvage est une grève sans préavis.
Je voudrais encore faire deux réflexions. Dans presque tous les pays voisins, il existe des systèmes garantissant un service minimal. On ne peut donc affirmer que celui-ci est impossible à organiser.
Je voudrais encore dire à l'intention du groupe sp.a que leur collègue de la Chambre, Karin Temmerman, a elle-même annoncé en novembre 2012 une proposition sur le service minimal.
La proposition de loi ne vise que les grèves sauvages. Au cours du débat, on a sans cesse semé la confusion et avancé des arguments n'ayant aucun rapport avec les grèves sauvages. C'est pourquoi nous soutiendrons la proposition.
M. Rik Daems (Open Vld). - Mme Lijnen parlera du contenu et je m'exprimerai sur la procédure et sur l'argumentation de M. Mahoux. Il nous a en effet accusés d'électoralisme.
Qui se préoccupe des élections : celui qui a déposé la proposition voici quatre ans ou celui qui aujourd'hui, in extremis, tente de la saboter par une manoeuvre de procédure ?
M. Philippe Mahoux (PS). - Monsieur Daems, nous, nous réagissons à ce que nous considérons comme inacceptable. Par ailleurs, qui a mis le problème sur la table ? Ce n'est pas nous, c'est vous !
M. Rik Daems (Open Vld). - La proposition avait déjà été soumise pour avis au Conseil d'État.
Les partis de gauche de cette assemblée se focalisent sur les élections car ils sont menacés sur leur flanc gauche par les partis d'extrême-gauche, le PTB et le PVDA+, et parce qu'ils doivent contenter les syndicats. Le PS et le sp.a ont peur de leur ombre.
C'est un fait politique : le PS, le sp.a, Ecolo et Groen sont en faveur des grèves sauvages.
M. Bert Anciaux (sp.a). - C'est du populisme et l'hypocrisie à l'état pur !
M. Rik Daems (Open Vld). - Pour moi, c'est celui qui abuse de la procédure qui est le véritable populiste.
M. Huub Broers (N-VA). - Les grèves sauvages sont autorisées partout sauf au sein du parti.
M. Rik Daems (Open Vld). - Ce débat ne manque de toute façon pas d'intérêt.
Si vingt membres du PS, tous affiliés à un syndicat, organisaient une grève sauvage dans une entreprise privée ou une institution, causant ainsi un dommage économique, ils pourraient être personnellement tenus responsables de ce dommage en vertu de l'article 1382 du Code civil. Ce n'est pas le cas en l'occurrence : celui qui cause le préjudice n'est pas inquiété.
Cette semaine encore, des députés du sp.a ont qualifié cette grève sauvage de scandaleuse. Aujourd'hui, le chef du groupe sp.a du Sénat se fait complice d'une procédure qui empêche l'insertion dans le contrat de gestion de la SNCB d'une disposition permettant d'éviter ces grèves sauvages. Voilà la réalité.
M. Bert Anciaux (sp.a). - M. Daems sait très bien que les tribunaux se montrent de plus en plus sévères face aux grèves sauvages.
M. Rik Daems (Open Vld). - C'est heureux !
M. Bert Anciaux (sp.a). - Il ment donc lorsqu'il prétend que l'article 1382 n'est pas appliqué.
M. Rik Daems (Open Vld). - Il ne s'agit pas d'un mensonge. L'article 1382 permet tout à fait de réprimer les grèves sauvages.
M. Bert Anciaux (sp.a). - Je dis que c'est déjà le cas.
M. Huub Broers (N-VA). - Je pense que M. Daems se fait une fausse image des socialistes. Les patrons socialistes confrontés à une grève sauvage renoncent d'emblée à une partie de leur salaire pour résoudre le problème. Me trompé-je ?
M. Bert Anciaux (sp.a). - Quel niveau !
M. Rik Daems (Open Vld). - J'ai écouté attentivement Mme Talhaoui. On a évoqué les chèques-repas. Si ce dossier s'éternise, c'est à cause de diverses procédures en commission. On souhaitait l'avis du Conseil national du travail. Il n'empêche qu'entre-temps, le gouvernement a exécuté ce que M. Schouppe et d'autres collègues proposaient depuis deux ans déjà.
Mme Leona Detiège (sp.a). - C'est le rôle du Conseil national du travail d'émettre des avis !
M. Rik Daems (Open Vld). - Mme Talhaoui dit que le droit de grève est fondamental. Chacun est sans doute de cet avis mais c'est la vision de la manière dont ce droit doit s'exercer qui diffère. Il s'agit pour nous d'un ultime moyen de pression qu'il convient en outre d'utiliser dans un cadre limitant le plus possible les dégáts.
Mme Leona Detiège (sp.a). - C'est aussi ce que nous pensons !
M. Rik Daems (Open Vld). - Je me demande alors comment Mme Detiège explique son opposition à l'inscription dans le contrat de gestion d'une clause évitant les grèves sauvages. Cette opposition est-elle conciliable avec le point de vue que ses collègues de la Chambre ont encore exprimé il y a moins de 48 heures à propos des actions scandaleuses de Liège qui ont empêché des dizaines de milliers de travailleurs de se rendre sur leur lieu de travail ?
La demande d'avis du Conseil d'État prive cette proposition de loi de toute chance d'être adoptée et empêche de mettre un frein aux grèves sauvages à l'avenir.
Mme Leona Detiège (sp.a). - C'est un mensonge.
M. Rik Daems (Open Vld). - En bloquant cette proposition de loi, Mme Detiège se rend elle-même coupable d'une violation du droit de grève. La concertation sociale n'a aucun effet sur les grèves sauvages, au contraire, elle en pátit.
Mme Fauzaya Talhaoui (sp.a). - La concertation sociale a quand même été efficace ! Le conflit est résolu. Nous continuons à défendre ce système qui assure la paix sociale.
Mme Nele Lijnen (Open Vld). - Je prends la défense de tous les voyageurs qui veulent aller du point A au point B, qui prennent le train pour se rendre au travail ou à l'hôpital. Les grèves sauvages prennent les voyageurs en otages. C'est ni plus ni moins de cela qu'il s'agit. Le débat ne porte pas sur le service minimum, mais sur les dispositions de l'accord de gouvernement. Il avait été convenu au sein du gouvernement que l'on se saisirait du dossier des grèves sauvages.
Élaborée avec l'appui du CD&V, du MR et de la N-VA, une proposition nous est soumise aujourd'hui ; elle vise à intégrer l'interdiction des grèves sauvages dans le contrat de gestion de la SNCB. Les syndicats et la SNCB étaient d'ailleurs déjà tombés d'accord sur ce point, qui figure dans le protocole d'accord. Nous avons ainsi traduit cet accord en proposition de loi.
La moyenne de ces dernières années s'établit à huit grèves sauvages et quatorze grèves annoncées. Dans ce dernier cas, les voyageurs peuvent s'organiser pour atteindre leur lieu de travail par d'autres moyens. Les grèves touchent ceux qui ne disposent pas d'un transport alternatif ou d'un employeur compréhensif.
Les principales victimes sont les personnes qui dépendent du train pour se rendre à leur travail. C'est socialement inacceptable.
Par ailleurs, les grèves sauvages sapent la concertation sociale. En effet, comme nos contradicteurs, nous sommes favorables à la concertation. Notre message est clair : il ne s'agit pas de s'en prendre au droit de grève, mais d'interdire qu'on prenne les usagers en otages. Tel est l'enjeu de cette proposition que nous souhaitons adopter aujourd'hui.
On nous reproche de faire de l'électoralisme. Voici ce que disait le sp.a au parlement en 2012, par la voix de Karin Temmerman et David Geerts : « Cette énième grève des trains ne nous réjouit pas. Nous ne voulons aucunement toucher au droit de grève, mais un bon service au voyageur est également important ».
M. Bert Anciaux (sp.a). - C'est ce que nous disons encore aujourd'hui !
Mme Nele Lijnen (Open Vld). - Mieux encore, par une nouvelle proposition, ils veulent éviter à l'avenir les grèves sauvages. « Les grèves des chemins de fer posent question ; elles sont souvent disproportionnées, ont un lourd impact, entachent l'image et opposent le personnel et les usagers. L'objet de la grève et ses répercussions sur le voyageur ne sont pas toujours clairs », selon Mme Temmerman. « Notre proposition de loi vise à ne permettre de grève qu'à l'issue d'une procédure obligatoire et contraignable de concertation préalable. Celui qui ne vient pas travailler sans avoir suivi la procédure est absent sans justification et devra en assumer les conséquences ».
Le groupe sp.a de la Chambre a donc plaidé pour l'interdiction des grèves sauvages.
Mme Leona Detiège (sp.a). - Effectivement.
M. Bert Anciaux (sp.a). - Et nous le répétons aujourd'hui. Il est hypocrite de nous dépeindre comme des partisans des grèves sauvages.
Mme Nele Lijnen (Open Vld). - En demandant l'avis du Conseil d'État, le sp.a se livre à des jeux politiciens aux dépens des usagers du rail pris en otages. C'est inadmissible ! Le sp.a est en quête de succès électoral. Son retournement de veste est opportuniste !
Nous ne demandons pas un service minimum aujourd'hui, mais à terme : huit jours de grèves sauvages s'ajoutant à quatorze jours de grèves annoncées, voilà qui dépasse les bornes.
Même si le sp.a en fait une bataille de procédure, nous n'abandonnerons jamais ce combat.
M. Etienne Schouppe (CD&V). - Je constate que le niveau de la discussion de cette dernière séance du Sénat incluant des élus directs ne dépasse guère la conversation d'une cantine de football. Nous concurrençons nos collègues de la Chambre ! Chaque assemblée met la clé sous le paillasson comme bon lui semble, mais le niveau du débat est aujourd'hui aux antipodes de la réflexion posée à laquelle est habitué notre hémicycle.
On s'attend sans doute à ce que je déclare bien aimer notre entreprise ferroviaire, ses cheminots et ses cheminotes. Je suis un chaud partisan des transports publics. Je pense effectivement que, pour des raisons tant sociales qu'économiques et environnementales, notre pays a raison de subventionner à concurrence de trois milliards d'euros l'exploitation et l'infrastructure ferroviaires indispensables vu notre densité de population.
Lorsque la circulation ferroviaire est perturbée, en pátissent non seulement les navetteurs qui risquent de ne pas arriver à leur lieu de travail, mais aussi la société belge dans son ensemble et plus spécialement la SNCB dont le prestige est écorné et les recettes réduites.
En réaction, nombre de collègues, comme vient de le rappeler Mme Maes, sont partisans d'un service minimum qui devrait être assuré en Belgique, comme il l'est déjà dans d'autres pays. Avec mon expérience de la SNCB, je voudrais répéter mon opinion à ce sujet. Pour une entreprise ferroviaire, un service minimum en tant que tel n'a pas de sens. Qu'un seul train circule sur une certaine ligne plutôt que cinq ou quinze, il faudra toujours du personnel compétent pour organiser le transport et en assurer la sécurité. En cas de grève, un service minimum est une illusion, car les effectifs nécessaires sont tellement importants que la moindre anicroche rendrait la paralysie quasiment générale. Comme je l'ai expliqué à mes collègues Bellot et Lijnen, un service minimum peut être utile dans d'autres secteurs publics, mais pas aux chemins de fer.
Je voudrais par ailleurs m'associer aux propos déjà tenus ici sur le droit de grève. En tant que représentants d'un peuple qui compte presqu'un million d'utilisateurs quotidiens des chemins de fer, ne pouvons-nous exiger que la SNCB, en contrepartie des trois milliards, respecte les accords passés entre les syndicats et la direction ?
Aux chemins de fer, un accord règle la façon dont les syndications et la direction doivent gérer les problèmes sociaux et les arrêts de travail localisés. J'ai ici le texte et le remettrai à quiconque souhaite en prendre connaissance. Si l'on ose aller au fond des choses, il faut simplement demander à toutes les parties de respecter cet accord. Le protocole n'est contesté ni par les syndicats, ni par la direction, ni par les responsables politiques de notre pays.
Ce matin, on a déjà entendu des propos à côté de la plaque. Il a été question de sanctions financières. Puis-je rappeler qu'elles ont été introduites dans l'accord à la demande explicite d'un groupe qui aujourd'hui demande l'avis du Conseil d'État ? Soyons clairs : les sanctions financières ne figuraient pas dans notre proposition, laquelle prévoyait uniquement que le contrat de gestion entre l'État et la SNCB mentionnerait l'accord entre la direction et les syndicats qui, tout en reconnaissant le droit de grève, en fixe les modalités. C'est ainsi que l'on justifierait les trois milliards d'euros alloués à la SNCB.
En cas de grève, le ministre des Entreprises publiques devrait, aux dires d'un des groupes, pouvoir y associer des conséquences financières. Les usagers ne devraient pas payer lorsqu'ils ne peuvent utiliser les transports publics ! Pour mettre les choses au point, l'idée des sanctions financières ne vient pas de nous, mais d'un de nos collègues qui demandent à présent l'avis du Conseil d'État. La présidente de la Commission vient de déclarer qu'il revient au Conseil d'État de définir le concept de service minimum. Eh bien, j'invite ceux qui connaissent bien l'exploitation ferroviaire à définir le service minimum, et puis de voir ce qu'en feront nos distingués conseillères et conseillers d'État, qui ne la connaissent nullement. Ils ne sont pas capables de définir le service minimum. Ce sont certes des juristes de haut vol, mais pas des experts du rail ; ils doivent s'occuper de questions juridiques et pas de problèmes concrets comme la circulation des trains. Je ne voudrais pas que la sécurité ferroviaire soit menacée parce que des personnes non compétentes décident de ce qui peut ou doit se passer.
Les grèves sauvages se font contre la volonté des syndicats ; prétendument dirigées contre la direction, elles contrarient surtout les usagers quotidiens pour lesquels l'État débourse trois milliards par an. Ce sont les voyageurs, ceux qui dépendent du train, qui sont lésés. Je suis entièrement d'accord avec la position prise par le ministre des Entreprises publiques Labille lors de la grève à Liège il y a quelques jours. Voici ce qu'il a dit.
Je vous le lis textuellement : « Le ministre des Entreprises publiques, Jean-Pascal Labille, condamne fermement la grève sauvage des conducteurs de train survenue ce mardi matin à Liège. Par ce mouvement, les travailleurs ont pris en otage les navetteurs complètement étrangers à la raison de ce conflit social. Indépendamment des causes de la colère des travailleurs de la SNCB, Jean-Pascal Labille ne peut accepter un tel mouvement dès lors qu'il ne s'inscrit pas dans le respect du protocole d'accord auquel tant la direction que les syndicats ont souscrit en mars dernier. »
Ce n'est donc pas si vieux !
« Ce protocole prévoit notamment que tout arrêt de travail doit être préalablement annoncé aux voyageurs afin qu'ils aient la capacité de prendre leurs dispositions. Comme il le ferait dans pareille situation à l'égard de la direction si elle ne respectait pas les dispositions de ce protocole, le ministre des Entreprises publiques dénonce dès lors ce mouvement des travailleurs. Ce type d'action contribue grandement à nuire tant aux services publics qu'à l'image de l'entreprise. »
Ce n'est pas à cent, mais à mille pour cent, que j'approuve les propos du ministre Labille. Les grèves sauvages nuisent à l'image des chemins de fer et pénalisent ceux qui doivent prendre le train. Dans l'intérêt des transports en commun que nous affirmons tous défendre, je demande instamment que l'on approuve le point selon lequel le protocole conclu entre les syndicats et la direction doit être respecté et la base syndicale doit suivre sa hiérarchie. Nous devons nous ranger à l'opinion du ministre des Entreprises publiques.
M. Philippe Mahoux (PS). - Nous sommes d'accord avec les propos de M. Labille, mais le problème est celui de la technique de protestation utilisée par les travailleurs, qui n'est pas appropriée. Elle ne s'inscrit pas dans le processus normal de la concertation.
M. Benoit Hellings (Ecolo). - Avec toutes ces fleurs autour de nous et à l'écoute des débats, je constate que ce n'est pas seulement la fin du Sénat que nous allons « fêter » aujourd'hui, mais surtout la fin d'une majorité, ainsi que l'ont démontré ce matin nos collègues de cette même majorité devant un public nombreux.
Le groupe écologiste a signé la demande d'avis au Conseil d'État parce que la concertation sociale est l'ADN de notre identité d'État social.
Selon la proposition de loi de M. Bellot et de ses collègues, ce ne sont pas les partenaires sociaux qui, en négociation, prévoiraient des sanctions financières, mais la direction de l'entreprise publique autonome et son ministre de tutelle qui, dans le contrat de gestion, imposeraient ces sanctions.
Le contrat de gestion de l'entreprise publique autonome est-il la meilleure forme juridique pour fixer d'éventuelles sanctions en cas de transgression de l'accord entre les partenaires sociaux ? La réponse est non. La continuité du service public se construit de façon volontariste par les partenaires sociaux d'une entreprise ; cette volonté ne peut émerger que dans la continuité d'un dialogue social sain, lui-même résultat d'une concertation de qualité et de longue haleine.
Le contrat de gestion est-il la meilleure forme juridique pour fixer les modalités de la continuité du service public ? Non. De quels moyens dispose le gouvernement pour faire en sorte qu'il y ait suffisamment de chauffeurs ? La force, la contrainte, la police ? Non ! Ce n'est pas respectueux du dialogue social.
J'aimerais signaler qu'en forçant un vote au Sénat sur ce texte, dont il sait qu'il ne pourra de toute façon pas être adopté à la Chambre avant la dissolution, le MR et ses partenaires tendent à stigmatiser très précisément une partie de la population, c'est-à-dire les syndicats. Nous ne faisons pas ce genre de politique.
S'il importe d'améliorer l'équilibre entre les droits fondamentaux des travailleurs - et notamment le droit de grève - et la continuité du service public, les Verts estiment que l'imposition de cette continuité constitue une voie sans issue. Nous entendons privilégier l'amélioration des relations de travail dans l'entreprise, le dialogue et les conventions négociées en vue d'un service maximum à la population, en concertation, condition sine qua non, avec les organisations représentatives des travailleurs.
Je terminerai en disant que, plutôt que de casser le thermomètre qui montre la fièvre d'une société profondément en crise, nous devons combattre cette fièvre, et c'est la concertation sociale qui nous le permettra.
Mme Vanessa Matz (cdH). - Comme j'ai eu l'occasion de le dire à M. Bellot lorsqu'il nous a proposé de cosigner ses amendements, les contrats de gestion de certaines entités prévoient déjà des sanctions. J'aurais aimé que l'on entende leurs responsables sur la manière dont elles fonctionnent, pour ne pas légiférer dans la précipitation ou sur ce qui existe déjà. C'est la raison pour laquelle, à mes yeux, il aurait fallu consacrer deux heures à l'audition de quatre ou cinq responsables d'entités.
Dans la question, distincte mais intimement liée, du service minimum, interviennent le droit de grève et la protection de l'usager désireux de se rendre au travail ou à l'école. Les difficultés sont bien connues : quelles lignes de transports en commun circulent-elles ? pourquoi telle ligne plutôt qu'une autre ? est-elle plus utile ? Comme l'a rappelé M. Bellot, au niveau de la Région wallonne, nous avons défendu la notion de service minimum. En effet, des exceptions peuvent être faites au droit de grève sans enfreindre les conventions internationales. Nous avons par ailleurs déposé une proposition relative au service minimum dans les prisons. Ce genre de question doit être débattu sereinement.
D'un point de vue juridique, la grève est un droit collectif alors que la sanction est individuelle. Il conviendrait d'ajuster la terminologie. Il s'indique de demander l'avis du Conseil d'État. Comme nous l'avons montré à l'échelon de la Région wallonne, nous ne sommes pas opposés à des avancées, mais des garanties juridiques sont indispensables.
-La transmission au Conseil d'État est ordonnée.
Mme la présidente. - M. Anciaux se réfère à son rapport écrit.
M. Bart Laeremans (VB). - C'est un peu trop facile. Je demande la présence d'au moins un rapporteur. Les rapporteurs doivent toujours être membres de la majorité, mais ils sont absents au moment décisif.
Mme la présidente. - Ne créons pas d'incident à ce sujet, monsieur Laeremans. Le règlement autorise le rapporteur à se référer à son rapport écrit. C'est ce qu'a fait M. Anciaux, qui participe au débat en commission.
Mme Christine Defraigne (MR). - Le nom de famille est notre patronyme. Si l'on se réfère à l'étymologie grecque, c'est « le nom du père ». Le nom de famille est le produit d'une longue tradition juridique. En termes d'égalité de droits civils purs, les femmes n'ont obtenu l'égalité, peut-être sur papier, qu'en 1976 avec la réforme des régimes matrimoniaux. Auparavant, la femme n'avait pas la pleine gestion de son patrimoine.
En tant que femme, j'aurais certainement aimé que cette égalité des droits se traduise, lorsque la filiation maternelle est établie, par la possibilité pour l'enfant de porter aussi le nom de sa mère. En tant que fille, cela m'aurait plu d'avoir cette possibilité. En tant que mère de famille, j'éprouve un petit pincement au coeur en pensant que mon fils pourrait aussi porter mon nom de famille.
Nous sommes bien conscients les uns et les autres que la situation actuelle, qui consacre peut-être un droit et une façon de travailler d'une autre époque, n'est pas satisfaisante. Des obligations internationales et européennes nous enjoignent aussi à modifier notre législation qui n'est plus en phase.
À partir du moment où le débat était ouvert, devions-nous travailler comme on nous a amenés à le faire dans ce parlement ? Poser la question c'est évidemment y répondre.
Comme je l'ai indiqué, je déplore le procédé qui, finalement, entre en conflit avec la procédure. En effet, des procédures existent au parlement, de même que des délais d'évocation et de traitement des dossiers.
Je regrette vraiment que ce débat arrive de la sorte en fin de législature dans notre Sénat. Je dis « notre Sénat » avec une certaine connotation affective puisque si ce n'est pas notre dernière séance, c'est du moins l'avant-dernière ; il y aura ensuite le couperet de la dissolution, la deadline, et nous serons en quelque sorte confrontés, avec le revolver sur la tempe, au choix suivant : « C'est cela ou rien ».
À partir du moment où un texte de cette importance - je vais rappeler pourquoi - est évoqué et doit être traité dans notre Sénat, il doit l'être de façon digne et responsable d'un point de vue parlementaire.
Plus que tout autre ou comme d'autres sujets qui touchent à l'éthique, à la philosophie ou à l'aspect purement juridique des choses, celui-ci doit être soumis à la réflexion parlementaire.
Nous nous devons de faire des textes corrects. En effet, d'un point de vue strictement juridique, les changements en matière de noms de famille ont des conséquences en termes d'état civil, et je ne parle pas de quelque généalogiste en chambre qui souhaiterait établir son arbre généalogique mais de sécurité et de stabilité juridiques. Je parle de facilitation et de praticabilité du travail des officiers de l'état civil, de conséquences juridiques en matière d'établissement de la filiation. Je dis dès lors que nous aurions dû avoir le droit de traiter ce texte au Sénat en dehors de toute précipitation, de période de dissolution, voire d'échéance électorale, et d'accomplir un travail sensé sur le plan juridique. Voilà en ce qui concerne la forme.
J'en viens au fond. Comme je l'ai dit, le nom de famille touche à la fois à la sphère intime et à la sphère publique et extérieure d'un individu. C'est un sujet extrêmement sensible, à connotation personnelle. Or, selon moi, on n'a pas mesuré, dans le cadre de ce débat, le ressenti de la population à ce sujet. Je dirais que le nom de famille touche un peu à la chair de chacun, qu'il est intimement lié à notre état, à notre devenir, à notre humanité, à notre individualité.
Si l'idée de laisser le libre choix aux familles est en soi séduisante, intéressante, je crains toutefois que ce choix à la carte génère des conflits au sein des familles - je m'exprime ici en toute liberté, c'est un luxe que nous pouvons nous offrir en cette dernière ou avant-dernière journée.
Vous me direz que si les familles ont la maturité et l'intelligence de régler le choix du prénom, pourquoi ne les auraient-elles pas pour régler le choix du nom de famille ? Certes, ayons confiance. Ce qui me gêne, c'est l'option retenue en cas de désaccord, à savoir que c'est le nom du père, du patriarche, le patronyme au sens étymologique et non au sens étendu du terme, qui primera. Je ne suis pas sûre que cela réglera le problème de nos obligations internationales ni que cela fera vraiment progresser la cause de l'égalité hommes-femmes qui est pourtant notre préoccupation, et je ne parlerai pas de cause « égalitaire » laissant sous-entendre que l'on met tout le monde au même niveau. Non seulement ce droit de veto ne permet pas de faire avancer cette cause mais outre le fait de mettre une certaine pression, on aura fait beaucoup de bruit pour rien. En effet, j'ignore si statistiquement, cette option l'emportera mais j'ai l'intuition que le nom du père prévaudra et que l'on en reviendra hélas à la case départ.
J'ai entendu en commission que ce choix valait mieux que le chaos ou le statu quo et qu'il convenait d'engranger tout ce qui pouvait l'être. C'est une sorte de plaidoyer, voire de chantage, émotionnel : si on n'engrange pas la réforme aujourd'hui, on n'aura rien obtenu et une politique des petits pas est préférable à la situation antérieure.
Je ne suis pas convaincue par cet argument tendant à légitimer la pression à laquelle nous avons été soumis. Je ne suis pas persuadée qu'il faille engranger à tout prix. Le changement pour le changement n'est pas nécessairement un progrès. Je ne crois pas que nous ayons réglé la difficulté ou fait avancer les choses. En fait, je crois que nous les avons compliquées.
Nous n'avons pas pu discuter du moindre amendement. Le débat constructif que j'appelais de mes voeux n'a pas eu lieu. Je le regrette d'autant plus que, sur bien des sujets, notamment éthiques et bioéthiques, nous avons souvent pu avoir des débats sereins en dehors de toute « émocratie », de toute pulsion politique immédiate et de toute pulsion médiatique. Le futur Sénat n'aura plus cette faculté. Et la Chambre des représentants pourrait très bien ne plus avoir cette capacité de discussion. Le sujet touche à l'intimité des familles, à la vie de chacun et il a une portée hautement symbolique. Il aurait mérité un autre traitement, un traitement digne du Sénat.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Madame la présidente, je rejoins Mme Defraigne sur la façon dont la majorité a organisé la fin de ses travaux. Cependant, la vérité a ses droits. À l'époque où elle présidait la commission de la Justice, j'avais déposé un texte allant dans le même sens. Nous avons procédé à des auditions mais, ensuite, la majorité a mis le texte au placard car elle souhaitait qu'il soit déposé par la ministre. La discussion a donc bel et bien été menée.
Mme Christine Defraigne (MR). - Madame Khattabi, j'ai présidé la commission de la Justice avec grand plaisir pendant la période des affaires courantes. Nous avons travaillé intensément, notamment pour la loi Salduz et la réforme de la liquidation-partage. Vous m'accordez le crédit d'avoir donné un espace de discussion à votre proposition de loi et d'avoir entamé le débat.
Je ne suis plus présidente de la commission de la Justice depuis le 5 ou le 6 décembre 2011. Le débat, qui n'avait pas été repris, nous arrive soudain de la Chambre des représentants comme une patate chaude ou une grenade dégoupillée. Je déplore, tout comme vous, que nous n'ayons pas pu avoir un suivi harmonieux et que tout cela nous revienne « de façon confisquée ». Depuis la fin de l'année 2011, je n'ai pas eu l'heur de poursuivre le débat dans la sérénité. Votre intervention corrobore mes propos. Je déplore le déroulement des travaux. Il est vraiment dommage d'atterrir de la sorte.
M. Bart Laeremans (VB). - La ministre de la Justice vit aujourd'hui son heure de gloire : cette « terrible » discrimination va enfin disparaître de notre Code civil. Elle aurait mieux fait de consacrer son énergie à d'autres sujets, plus en lien avec la justice, comme l'exécution des peines, le renvoi des illégaux ou la suppression de la justice de classe créée par la loi sur la transaction financière. Elle aurait aussi pu instaurer, enfin, des sanctions à l'égard des mineurs.
Mais non, la ministre a absolument voulu traiter un dossier qui n'empêchait pas la population de dormir, celui du nom de famille. En effet, la législation actuelle n'est pas discriminatoire contre les femmes ; au contraire, elle souligne la grande responsabilité du père envers la mère et l'enfant.
L'attribution du nom du père compense le lien naturel beaucoup plus ténu que ce dernier entretient avec l'enfant. Ce lien est ainsi renforcé, ce qui incite davantage le père à respecter ses obligations vis-à-vis de ses descendants. À une époque où les divorces et les tentatives d'échapper à l'obligation alimentaire sont tellement nombreux, il n'est pas souhaitable d'atténuer le lien familial qui unit un père à son enfant.
Comme l'a très bien dit Geert De Kerpel dans le magazine Tertio, c'est précisément en lui donnant son nom que le père montre qu'il reconnaît le nouveau-né comme son enfant et s'engage à prendre soin de lui. Ce projet de loi rompt avec cet état de fait. À l'arrière-plan se profile un modèle de société où des femmes donnent naissance à des enfants et où des hommes ne s'y intéressent que superficiellement. Selon M. De Kerpel, un tel système porte généralement préjudice aux mères qui, par exemple, risquent davantage de tomber dans la pauvreté. Au lieu d'émanciper les femmes, ce projet semble produire le résultat contraire.
Mia Doornaert, femme émancipée s'il en est, a formulé une opinion comparable dans le journal De Standaard du 23 juillet 2013 : dans les circonstances actuelles, une loi qui autorise l'effacement du nom du père et détend encore plus les liens qui unissent celui-ci à son enfant ne sert pas les intérêts des femmes et des enfants.
Par ailleurs, ce projet introduit désaccords, tensions et disputes dans les familles avec des enfants mineurs, car, hélas, il ne concerne pas seulement l'avenir. Le revanchisme de la ministre à l'égard de ce qu'elle considère comme le dernier vestige de la société patriarcale n'a pas de limites. En effet, en remettant en cause le nom de famille, elle porte atteinte à l'identité de centaines de milliers de jeunes.
Pour un enfant ou un adolescent, le nom - qu'en l'occurrence, on galvaude - est intimement lié à son identité.
Or, les parents pourront modifier le nom de famille de leurs enfants sans que ceux-ci aient droit à la parole.
Le Sénat a récemment voté la loi relative à l'euthanasie des mineurs. Dans ce cadre, les enfants ont un réel pouvoir de décision, mais en ce qui concerne une donnée plus importante, du moins pour la majorité des jeunes, à savoir leur nom, ils n'ont rien à dire ; les parents décideront pour eux.
Un tel choix peut-il être opéré dans le climat habituel de disputes et de chantages qui caractérise les divorces conflictuels ?
Toujours selon Geert De Kerpel, les tensions qui risquent de se produire au sein des familles et entre celles-ci ne seront pas des moindres. Les choses peuvent bien sûr être maintenues en l'état, mais le statu quo requerra aussi un choix. Le nom de famille traduira les rapports de force existant entre les parents. Ceux-ci risquent de se disputer, tant dans les familles où le premier enfant est encore à venir que dans les autres. En commission, un collègue de Groen a répondu qu'il en allait de même du choix du prénom, au sujet duquel les parents doivent aussi se mettre d'accord.
Cet argument ne tient pas la route car le choix du prénom n'implique que les parents et n'a pas d'effet dans le futur, contrairement au nom de famille, transmis de génération en génération.
En rompant avec cette tradition, on rompt avec la famille au sens large du terme et avec son propre passé.
Cette situation donnera évidemment lieu à des disputes et à des décisions impulsives inspirées par le climat du moment et que, plus tard, on regrettera amèrement.
Du fait de toutes ces possibilités de choix, la confusion régnera dès la deuxième génération : plus personne ne s'y retrouvera. Toujours selon Geert De Kerpel, l'arbre généalogique risque d'être perdu en un tournemain, alors que, voici des centaines d'années, les noms ont précisément été attribués pour pouvoir identifier les personnes.
Cette loi, que l'on dit progressiste, nous ramène en réalité plusieurs siècles en arrière.
C'est aussi l'avis du professeur Senaeve, de la KU Leuven, qui n'est pourtant pas considéré comme un conservateur. Dans d'autres dossiers, comme celui de la coparentalité, il a adopté une position progressiste. En l'occurrence, il souligne la compensation que je viens d'évoquer : le père risque d'être privé de son lien naturel avec son enfant. Selon le professeur Senaeve, le législateur n'a pas pour rôle de briser le lien symbolique qui unit un père à son enfant. L'État n'a pas pour vocation de donner davantage encore aux mères, qui ont déjà un lien naturel avec leur enfant, ni à être moins généreux envers ceux qui ont peu ou qui n'ont rien.
Pour le professeur Senaeve, le nom est un moyen psychologique permettant de mieux impliquer le père dans son rôle auprès de l'enfant et de l'inciter à assumer l'obligation alimentaire.
Il souligne aussi qu'aux yeux de la Cour constitutionnelle, la transmission du nom du père ne peut absolument pas être taxée de discriminatoire. Il développe d'autres arguments importants, que je voudrais également reprendre.
Comme le dit le proverbe, « choisir, c'est renoncer ». Peut-on s'imaginer la pression énorme que l'on ferait peser sur les jeune couples en les obligeant, au cours de la première grossesse, à déterminer lequel des deux renoncera à ce que son nom soit transmis à la génération suivante ou, à tout le moins, à la deuxième génération ?
Peut-on s'imaginer à quels reproches de la part de sa propre famille et de son entourage s'exposera le parent qui acceptera de ne pas transmettre son nom ou de ne le transmettre que comme second élément du nom ? Je peux comprendre qu'étant donné la réglementation actuelle, il est parfois difficile pour une mère d'accepter que ses enfants ne porteront pas son nom, mais au moins, elle ne peut strictement rien se reprocher puisque c'est la loi qui l'y oblige. La situation sera cependant fort différente lorsque, dans le cadre d'un système de libre choix, la mère acceptera que son nom ne soit pas transmis ou ne le soit que comme second élément. En d'autres termes, l'instauration de n'importe quel système de liberté de choix aura inévitablement pour effet de déclencher des discussions et des contestations dans les ménages, qui sont déjà confrontés à suffisamment de difficultés dans notre société actuelle, alors que les pouvoirs publics ont précisément pour táche de renforcer la cohésion des familles. En outre, la discorde entre les parents n'est pas, par définition, dans l'intérêt de l'enfant. Les déclarations de Geert De Kerpel, de Mia Doornaert et du professeur Senaeve sont fortes. Je ne pourrais pas m'exprimer mieux qu'eux.
Je déplore vivement que les partis un peu plus attachés aux valeurs traditionnelles se soient laissés berner dans ce dossier. L'utilisation abusive, à la Chambre, de l'absence concertée d'un membre de la majorité dépasse l'entendement. Cet incident a été déterminant puisque le dossier aurait, sinon, pris une autre tournure. C'est une faute impardonnable, indigne d'un parlement.
J'ai constaté que de très nombreux partis avaient accompli un parcours fort sinueux dans ce dossier. Le Vlaams Belang est resté cohérent. Notre collègue de la Chambre était, au départ, le seul à oser donner un coup de frein et s'opposer à la tendance générale. Le CD&V et la N-VA ont, à leur tour, exprimé des réserves. S'ils avaient adopté une position cohérente dès le début, le débat aurait pris une tout autre tournure. Le CD&V ne se serait pas retrouvé dans la minorité. Ce parti s'est laissé faire, dans ce dossier comme dans beaucoup d'autres. Nous sommes à nouveau confrontés à une législation déplorable, qui nous conduit au chaos. De nombreux parlementaires qui se préparent à adopter cette loi s'en mordront les doigts ultérieurement.
M. Francis Delpérée (cdH). - En prenant la parole ce matin, je voudrais vous soumettre deux observations.
Tout d'abord, je constate, comme Mme Defraigne, que la discussion s'est déroulée dans le désordre, dans l'improvisation, dans la précipitation. On a cru qu'un peu d'énergie politique permettrait de vaincre un certain nombre d'objections juridiques. On a travaillé - je le dis comme je le pense - sans avoir sous les yeux le texte même que nous voulions modifier, sans essayer de faire une coordination, officielle ou officieuse, des textes : le texte existant et celui qui devrait s'y ajouter ou s'y insérer. J'avoue que ce n'est pas la manière de travailler à laquelle j'étais habitué, que ce soit à l'université, au Conseil d'État ou dans le cadre d'expertises internationales.
Le texte qui nous est proposé aujourd'hui, que dit-il ?
J'ai fait un petit exercice. J'ai recomposé à votre intention le texte qui devrait figurer demain, si vous le votez, dans le Code civil. Que dit-il ?
Écoutez bien, prêtez l'oreille, parce qu'il faut apprécier la facture de la nouvelle disposition. Ce texte, qui prend deux pages, mériterait de figurer dans quelques anthologies juridiques, mais je me limiterai à citer les paragraphes 1er et 3.
Commençons par le paragraphe 1er : « L'enfant, dont la filiation paternelle et la filiation maternelle » - on est devant un couple hétérosexuel - « sont établies simultanément » - c'est le mot important - « porte soit le nom de son père, soit le nom de sa mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom pour chacun d'eux. Les père et mère choisissent le nom de l'enfant lors de la déclaration de naissance. » ... « En cas de désaccord ou d'absence de choix, l'enfant porte le nom de son père ».
C'est, pour l'essentiel, l'objet de la réforme qui nous est proposée.
Mais, attention, le texte ne s'arrête pas là. Il ajoute : « Lorsque la filiation maternelle et la filiation à l'égard de la coparente » - on passe tout à coup à la situation du couple homosexuel - sont établies simultanément » - même remarque -, « la mère et la coparente choisissent soit le nom de l'une d'entre elles, soit l'un des noms de chacune d'elles, dans l'ordre qu'elles déterminent. La mère et la coparente choisissent le nom au moment de la déclaration de naissance ».
Je relève, au passage, des différences de formulation de texte pour des situations que l'on voudrait pourtant rapprocher autant que possible.
J'en arrive au paragraphe 3 : « Si la filiation paternelle est établie après la filiation maternelle » - on est, à nouveau, dans l'hypothèse d'un couple hétérosexuel -, « aucune modification n'est apportée au nom de l'enfant. Il en va de même si la filiation maternelle est établie après la filiation paternelle ».
Je poursuis : « Si la filiation à l'égard de la coparente » - on revient à l'hypothèse d'un couple homosexuel - « est établie après la filiation maternelle, aucune modification n'est apportée au nom de l'enfant. Toutefois, » - le mot est important - « la mère et la coparente, ensemble ou l'une d'elles, si l'autre est décédée, peuvent déclarer, dans un acte dressé par l'officier de l'état civil, que l'enfant porte le nom de la coparente ».
« Toutefois » - toutefois de toutefois, si j'ose dire -, « les père et mère ensemble » - retour au couple hétérosexuel, alors que l'on est déjà dans une exception qui ne vise que les couples homosexuels - « ou l'un d'eux si l'autre est décédé peuvent déclarer, dans un acte dressé par l'officier de l'état civil, que l'enfant portera soit le nom de la personne l'égard de laquelle la filiation est établie en second lieu, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi ».
Que celui qui se retrouve dans ce labyrinthe juridique lève la main ! C'est du charabia. Il ne pouvait pas en être autrement dès l'instant où l'on décidait d'ajouter des bribes et des morceaux au texte initial.
Le résultat est incompréhensible, non seulement pour le commun des mortels, mais aussi pour des juristes normalement constitués et même pour des spécialistes de droit familial. Et ne posons même pas la question des juges, qui devront appliquer, chacun de leur côté, de telles chinoiseries !
Comme le député Brotcorne et la sénatrice Matz, j'en appelle à un sursaut du parlement. Nous ne pouvons pas voter des textes aussi indigents, aussi incohérents, aussi mal écrits. C'est une question de dignité de notre institution. Et le sénateur juriste que je suis doit manifester son indignation, avec le calme et la sérénité qui convient à nos débats.
Que l'on cesse de nous casser les oreilles avec la discipline de la majorité ! La majorité, la majorité retrouvée, votera demain, comme un seul homme ou une seule femme, des textes cohérents, clairs et écrits dans le respect des règles de l'orthographe et de la syntaxe, et non des brouillons !
Sur le fond, la loi en projet pourra figurer au Livre des records. Elle réussit l'exploit de ne pas respecter cette autre loi que nous avons votée ici même, à l'unanimité, juste avant les vacances de Páques.
On m'a rétorqué que les sujets étaient différents, ce que je réfute. On ne peut pas traiter de questions parallèles sans tenir compte de l'ensemble des données.
D'ailleurs, le texte que nous avons voté juste avant les vacances de Páques contient une disposition qui règle l'octroi du nom à l'enfant né dans un couple de même sexe. Il envisage trois hypothèses.
Premièrement, la filiation à l'égard de la mère et la filiation à l'égard de la coparente sont établies simultanément. Elles ont la liberté de choix entre les quatre solutions évoquées régulièrement. Le parallélisme est complet.
Deuxièmement, la filiation à l'égard de la mère est établie et la filiation à l'égard de la coparente intervient plus tard. Dans ce cas-là, elles n'ont plus le choix : la mère a donné son nom à l'enfant. Le texte précise bien : « aucune modification n'est apportée au nom de l'enfant. » C'est le parallélisme complet.
Troisièmement, la filiation à l'égard de la mère et la filiation à l'égard de la coparente ne sont pas intervenues en même temps et la coparente intervient après. Toutefois, cette mère et cette coparente décident d'agir ensemble et renversent un régime juridique qui apparaissait comme immuable. Elles déclarent ensemble que l'enfant porte à ce moment-là le nom, non plus de la mère, mais le nom de la coparente. « Het kind zal de naam van de meemoeder dragen. »
Cette fois, force est de constater que le régime n'est plus du tout comparable et que les quatre possibilités offertes aux couples hétérosexuels ne sont plus présentes.
Je me suis prêté à un exercice en demandant à dix juristes - francophones, flamands, wallons et bruxellois - de donner leur interprétation de ce texte. Tous ont répondu que l'enfant ne portera qu'un seul nom : celui de la coparente. C'est la conclusion juridique à laquelle j'avais moi-même abouti.
Question supplémentaire. : qu'adviendra-t-il si la mère et la coparente ne s'accordent pas ? Une réponse est donnée pour un couple hétérosexuel mais non pour un couple homosexuel. Nouvelle lacune, nouvelle différence, pour ne pas dire nouvelle discrimination, nouvelle incohérence.
L'on me dira sans doute que l'on a travaillé trop vite. La ministre m'a dit en commission que j'aurai tout loisir d'amender le texte dans une prochaine législature. Je n'ai pas besoin de son autorisation pour exercer un droit constitutionnel qui m'est reconnu, le droit d'amender. Je n'ai pas de cadeau à recevoir d'elle à cet égard. J'ai d'ailleurs déposé des amendements qui n'ont même pas été pris en considération.
Dans l'état actuel du projet, je dirai non, trois fois non ou plutôt quatre fois non, parce que je parle ici au nom des quatre membres du groupe que j'ai l'honneur de présider.
Mme Leona Detiège (sp.a). - Le nom de famille est apparemment un élément très important dans l'éducation d'un enfant. À ma naissance en 1942, j'ai reçu le nom de mon père alors que mes parents n'étaient pas mariés. Ne connaissant pas le droit civil, ma mère ignorait qu'elle devait me reconnaître. Elle ne l'a su que plus tard, lorsqu'elle a épousé mon père. Mon professeur de droit civil, le professeur Kinsbergen, m'a expliqué à l'époque les règles de la filiation. Lorsque j'ai donné naissance à une fille en 1967, j'ai pu faire en sorte qu'elle porte mon nom. Cependant, le lien naturel avec la mère, dont M. Laeremans vient de parler, n'était pas évident à l'époque. Pour conférer des droits à ma fille, j'ai d'abord dû la reconnaître, puis l'adopter. Et encore, on ne lui reconnaissait pas de lien familial avec mes parents. Ce n'est qu'à la fin des années quatre-vingt que les choses ont changé.
Lorsqu'en 1976, comme l'a dit Mme Defraigne, les femmes se sont vu octroyer un certain nombre de droits patrimoniaux et autres, j'ai déposé avec le député libéral Klein une proposition de loi visant à pouvoir aussi donner aux enfants, dès leur naissance, le nom de famille de leur mère. On m'a voué aux gémonies. On n'avait pas le droit de faire cela aux hommes !
Les choses ont changé aujourd'hui. Nombreux sont les couples qui ne sont pas mariés mais cohabitent ; ils choisissent librement, pour leur enfant, le nom de famille qui leur convient, celui du père ou de la mère. Seule la combinaison des deux noms n'est apparemment pas possible alors qu'on le fait dans d'autres pays.
Que l'on propose aujourd'hui une combinaison des deux noms est pour moi une avancée mais il ne me paraît pas opportun qu'en cas de désaccord, ce soit le nom du père qui prime.
Je ne crois pas à une perte du lien avec le père si celui-ci ne transmet pas son nom à l'enfant, et pas non plus, comme le dit Mia Doornaert, qu'il risque d'invoquer cette raison pour ne pas payer une pension alimentaire.
Notre groupe votera la proposition à l'examen mais trouve qu'à l'avenir, en cas de désaccord entre les deux parents sur le nom à donner, on puisse aussi donner à l'enfant le nom de sa mère.
M. Philippe Mahoux (PS). - Madame la présidente, supposons que la règle soit exactement l'inverse, à savoir que tous les enfants portent automatiquement le nom de leur mère. Après tout, cela donne une garantie sur la filiation. Imaginons les réactions des hommes qui n'auraient aucune possibilité que leur enfant porte leur nom.
Il y a lieu d'appréhender les modifications proposées en fonction de la règle de l'égalité maximale tout en reconnaissant l'existence d'un espace de liberté.
Dans ce problème de société, même symbolique, on a considéré comme fondamentale la notion de liberté individuelle. C'est ainsi que cette proposition de loi établit un espace de liberté où le choix est laissé aux parents de transmettre le nom du père ou celui de la mère, ou bien les deux noms apposés, père-mère ou inversement. M. Delpérée a également formulé des remarques sur les avancées législatives concernant les parents de même sexe. Nous devrons probablement un jour adapter le texte qui sera soumis à notre vote tout à l'heure.
Cette possibilité de choix me paraît extrêmement importante. Certains avaient voulu imposer l'apposition des deux noms. J'ai répété en séance publique que je trouvais cette proposition totalement inacceptable en raison de la stigmatisation dont seraient l'objet les enfants n'ayant qu'un seul parent reconnu. J'ai donc combattu cette proposition. On progresse depuis longtemps sur la voie de l'égalité totale entre les enfants qu'on qualifiait encore de « légitimes » ou d' « illégitimes ». On sait à quel point étaient stigmatisés les enfants nés « de père inconnu » ou « adultérins ».
Réjouissons-nous du chemin parcouru, même s'il ne faudrait pas qu'une modification qui concerne le nom permette de reconnaître un enfant qui n'a qu'un seul parent.
Gráce à cette liberté, les parents peuvent choisir entre un ou deux noms. On évite ainsi le piège de la stigmatisation que j'ai dénoncé.
On a parlé à juste titre d'espace de liberté. On a également annoncé une complication administrative. C'est peut-être le cas mais il me semble néanmoins que, sur le plan de l'état civil, on a déjà connu des complications beaucoup plus grandes.
On a également indiqué que la táche des généalogistes, déjà ardue, le deviendrait encore plus. S'agit-il toutefois d'un élément essentiel ? Doit-il être pris en compte dans une discussion comme celle-ci ?
Parmi tous les arguments que je viens d'entendre, le seul qui me paraît recevable porte sur le fait qu'en cas de désaccord, c'est le mále qui garde le dernier droit. Ce pourrait être une entrave importante au concept d'espace de liberté. On aurait d'ailleurs pu imaginer exactement l'inverse et considérer qu'en cas de désaccord, la mère, le seul parent qui l'est en fin de compte avec certitude, garde le droit ultime de choisir. On a opté pour une solution plutôt que pour l'autre. Je reconnais qu'il s'agit d'une source de frustration et qu'en réalité, cela ne participe pas d'une logique.
Je voudrais brièvement aborder la manière dont le travail s'est déroulé.
Au Sénat, nous avons l'habitude de discuter des problèmes de société, et j'espère, madame la présidente, qu'en fonction des compétences qu'il conservera, le Sénat pourra toujours s'en saisir au cours de la prochaine législature. Notre institution a déjà abordé beaucoup de ces problèmes et elle y a consacré de longues discussions et auditions. Il y a eu des désaccords mais la plupart du temps, quand ces textes ont été renvoyés à la Chambre, ils n'ont pas subi beaucoup de modifications.
Cette dernière a elle aussi longuement examiné le présent texte - ce n'est pas, il est vrai, le seul endroit où l'on a discuté, madame Khattabi. Certes, les députés se sont saisis du problème mais il leur a été très difficile de trouver un accord. Le problème a été renvoyé vers le gouvernement qui a trouvé une solution. Le dossier a ensuite été renvoyé à la Chambre. Comme dans toute assemblée parlementaire, il a alors été possible d'émettre des considérations et de proposer des amendements au texte. Des opinions différentes se sont exprimées, non seulement entre groupes politiques mais également en leur sein. Il en est finalement résulté la solution que nous sommes aujourd'hui chargés d'examiner.
Notre groupe estime en tous cas que le débat a eu lieu et que, dans l'état actuel des choses, il paraît extrêmement compliqué d'apporter beaucoup de modifications au texte qui nous est proposé. Ce n'est pas simplement parce que le temps ne le permet pas puisque la législature se terminera demain voire peut-être ce soir.
C'est aussi parce que l'on ne voit pas comment amener une solution différente de celle qui est proposée et qui déboucherait sur un accord plus large ou des changements dans les positions actuelles.
Il nous paraît donc souhaitable que ce texte soit adopté même si nous pensons que l'ouvrage devra être remis sur le métier.
M. Jurgen Ceder (Indépendant). - Voilà donc comment le Sénat touche à sa fin. Non pas en offrant un moment de gloire mais par une déclaration de révision de la Constitution où l'on dit au fond que la Constitution ne peut pas être révisée, et par la présente loi, qui n'est demandée par personne, et qui résout un problème inexistant.
If it ain't broke, don't fix it. Il ne faut pas réparer ce qui n'est pas cassé. Le nom de famille n'était pas un véritable problème de société. Jamais je n'ai rencontré une femme, ni dans le monde politique ni ailleurs, qui ait trouvé cette situation problématique. Et pourtant, la politique vient s'en mêler. Plus encore, elle crée un problème qui n'existait pas en plaçant les nouveaux parents devant un choix pas toujours simple, un choix qui risque même de semer la discorde.
Cette nouvelle loi est avant tout le résultat du jusqu'au-boutisme idéologique de personnes qui recherchent désespérément un nouveau motif de croisade sous prétexte d'obtenir une égalité de droits pour la femme. Qui plus est, un certain nombre de jugements de la CEDH nous contraindraient à adapter notre législation actuelle. Je laisse aux combattants d'arrière-garde qui ne vont pas au fond des choses la question de savoir si cette adaptation doit obligatoirement prendre la forme de la présente loi.
Le fond de l'affaire est qu'il s'agit d'une loi inepte. Dans la situation actuelle, les femmes ne sont pas désavantagées et il n'y a dès lors pas de discrimination. Et quand bien même il y aurait discrimination, elle serait bien futile. La tradition, le consensus social et les simples raisons pratiques suffiraient à la compenser.
Il s'agit en effet de mettre plusieurs éléments en balance, une táche qui ne devrait pas être confiée à des tribunaux déphasés, pas même à la CEDH.
Je voudrais ici mettre en garde contre un glissement vers la « République des juges ». En 1950, lorsqu'a été rédigée et ratifiée la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aucun des signataires n'avait imaginé que la liste des droits humains fondamentaux établie avec un tel soin serait un jour détournée au profit de pareilles idioties idéologiques. Toutes les institutions ont cependant tendance à élargir leur propre intérêt, leur pouvoir et leurs compétences. La CEDH ne fait malheureusement pas exception à la règle.
Qui plus est, la Cour va depuis un certain temps bien plus loin que défendre les objectifs voulus par les signataires de la Convention en 1950. Il faudrait qu'on m'explique pourquoi dans presque tous les États membres du Conseil de l'Europe, la législation sur le nom de famille enfreint les droits humains depuis 64 ans. En réalité, dans ses jugements, la CEDH déplace constamment les balises normatives sans avoir la légitimité démocratique requise.
Beaucoup de personnes, surtout des non-juristes, considèrent que la Justice se borne à appliquer automatiquement la loi. Elles sous-estiment la liberté d'appréciation des juges, en particulier dans des dossiers sensibles tels que celui-ci.
Toute différence n'est en effet pas une discrimination et toute discrimination n'est pas non plus une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, à l'occasion de chaque plainte concernant une différence de traitement, la CEDH doit estimer si un droit fondamental a été enfreint ou si cette différence peut se justifier de manière objective et raisonnable. Ce dernier point est surtout important sur le plan politique. En l'occurrence, la Cour dit qu'il n'y a pas de justification raisonnable et que la tradition, le consensus social ou la simplicité administrative ne sont pas des raisons suffisantes pour justifier la différence.
De quel droit la Cour déclare-t-elle cela ? Quelle balance a-t-elle utilisé ? Il s'agit d'un jugement politique d'opportunité dont la justice doit nettement se distancier.
L'un des juges dans l'affaire Cusan s'en est également rendu compte lorsqu'il a déclaré : « Il y a encore des juges à Berlin. ». Je fais plus particulièrement référence à l'opinion dissidente du juge Popović qui estimait qu'il s'agissait d'une question politique et que les plaignants visaient en fait un objectif idéologique et politique, ajoutant que cette affaire touchait à la liberté d'appréciation essentielle des États membres, qu'elle concernait la tradition de chaque pays et ne devait pas faire l'objet d'une harmonisation à l'échelon européen, et était étrangère à la question des droits de l'homme.
La promulgation de normes par des juges vivant dans leur tour d'ivoire génère une loi qui ne bénéficie d'aucune assise démocratique. Tous les sondages le prouvent. Hier encore, dans une enquête de la Katholieke Hogeschool Leuven, on a vu que la grande majorité des Flamands donnent la préférence au seul nom du père et, ce qui n'est pas sans importance, surtout les moins de quarante ans. Cela ne m'étonne pas, la jeune génération est moins influencée par le féminisme archaïque de la génération des soixante-huitards et pense heureusement de manière plus pragmatique et moins dogmatique. Elle considère que des lois comme celle-ci sont un passe-temps inutile, superflu et absurde pour des politiques qui ne parviennent pas à s'occuper de dossiers plus pertinents. Je ne leur donne pas tort.
Espérons que le bon sens de cette jeune génération se retrouvera dans la mentalité des nouveaux législateurs qui seront désignés lors des élections de mai. Je leur souhaite beaucoup de succès et de courage.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je ne serai pas très longue mais en entendant les uns et les autres, je ne peux m'empêcher d'intervenir.
Je constate, avec beaucoup d'incompréhension, que certains peuvent s'opposer à ce que nous ouvrions un droit à ceux qui souhaiteraient choisir le patronyme de leur enfant. Or ouvrir ce droit à certains ne diminue en rien les droits de ceux qui font un autre choix. Le texte proposé instaure un libre choix. J'ai toujours du mal à saisir que l'on puisse s'opposer au libre choix. Je comprendrais que l'on s'y oppose s'il s'agissait d'une obligation pour tout le monde.
Après l'adoption de ce texte, chacun aura le choix de laisser le nom du père ou de saisir la possibilité légale d'utiliser une autre formule. (Interruptions de M. Delpérée). Vous sentiriez-vous visé, monsieur Delpérée ?
M. Francis Delpérée (cdH). - Non, je ne me sens pas attaqué. Je dis simplement que le droit familial, ce n'est pas « shopping », cela ne relève pas du contrat. Je n'ai pas choisi mon père, je n'ai pas choisi ma mère, je n'ai pas choisi mes frères et mes soeurs. Le droit familial, c'est un statut...
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Ce n'est pas la question...
M. Francis Delpérée (cdH). - C'est un statut qui est organisé par la loi.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Nous n'avons pas la même opinion. Le droit familial sera ce que nous, législateurs, déciderons.
M. Francis Delpérée (cdH). - Vous demandez donc aujourd'hui de choisir vos parents.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Absolument pas. La question n'est pas là. Le droit familial sera ce que le législateur décidera et j'espère qu'aujourd'hui, nous disposerons d'une majorité qui choisira de faire évoluer le droit familial afin qu'il corresponde davantage à la situation contemporaine des familles. Beaucoup d'enfants sont actuellement élevés par des hommes qui n'en sont pas les pères biologiques, qui n'ont aucune filiation telle qu'elle est reconnue dans le droit que vous défendez. La réalité des familles n'est pas celle que vous semblez percevoir...
M. Francis Delpérée (cdH). - Je suis aussi conscient que vous de la réalité sociologique des familles d'aujourd'hui.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Monsieur Delpérée, je ne vous ai pas interrompu...
M. Francis Delpérée (cdH). - D'accord, mais ne me prêtez pas des propos que je ne tiens pas et des idées que je n'ai pas.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Permettez-moi de pouvoir encore m'interroger sur ce que j'ai pu entendre.
M. Francis Delpérée (cdH). - Interrogez-vous sur vous-même et non sur moi !
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je m'interroge sur l'opposition de certains à ce que l'on ouvre des droits à une frange de la population qui opterait pour un autre nom que celui qui est imposé aujourd'hui.
Par ailleurs, mon groupe soutiendra évidemment l'adoption de ce texte même s'il estime qu'il s'agit d'une version minimaliste. Le droit de veto qui subsiste dans ce texte n'est notamment pas ce qui nous réjouit le plus. Reconnaissons-le toutefois, si nous n'adoptons pas le texte, il y aura de facto un droit de veto puisque le nom du père s'imposera à tous.
En adoptant ce texte, nous reconnaîtrons la situation contemporaine des familles. Certaines femmes élèvent seules leurs enfants pour diverses raisons et souhaiteraient voir ceux-ci porter leur nom.
Sans en faire une attaque personnelle, je n'ai pas pu m'empêcher de sourire de certaines alliances objectives, par exemple entre Mme Defraigne et M. Delpérée. Plus que dans d'autres dossiers, on sent bien ici la proximité de leurs positions sur une thématique qui, si elle n'a pas de portée éthique, interroge notre vision de la société et de la façon dont on veut l'organiser et surtout la faire évoluer.
M. Francis Delpérée (cdH). - C'est un procès d'intention !
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - C'est une constatation en forme de clin d'oeil. À d'autres moments, je me suis retrouvée moi-même à vos côtés, monsieur Delpérée.
Mme Christine Defraigne (MR). - Madame Khattabi, je n'aime pas entendre parler, dans ce dossier essentiellement éthique, philosophique et juridique, d'alliances objectives qui seraient une sorte de fantasme politicien de votre part. Je trouve que votre commentaire ne contribue pas utilement et intelligemment au débat
M. Francis Delpérée (cdH). - Pour rassurer Mme Khattabi, je lui signale que, tout à l'heure, lorsque nous déclarerons ouverts à révision certains articles constitutionnels, il y aura une alliance objective entre Mme Defraigne et moi-même.
Mme Martine Taelman (Open Vld). - La Belgique est avec l'Italie le seul pays européen où un enfant ne peut pas recevoir le nom de sa mère. L'Italie a d'ailleurs été condamnée pour ces faits en janvier par la CEDH.
Après 25 ans de discussions, il est temps de trancher. Je ne prétends pas que ce dossier doive être la plus grande priorité de la Justice et j'admets moi-même que la Justice, au cours des dernières années, a traité d'importants dossiers. Je songe ainsi à la réduction du nombre d'arrondissements judiciaires de 27 à 12, ce qui leur permettra dorénavant de gérer leurs budgets de manière autonome et d'établir leurs propres priorités.
Je songe également à la rupture de tendance observée dans l'exécution des peines de prison de courte durée. Ces peines sont à nouveau exécutées, ce qui n'était presque plus le cas depuis les années 1980.
M. Bart Laeremans (VB). - J'ai des réserves à ce sujet car la plupart des peines de prison sont transformées en une mesure très clémente, l'assignation à domicile assortie d'un bracelet électronique. Le condamné n'est pas réellement puni.
Mme Martine Taelman (Open Vld). - Si le juge inflige une peine, elle est exécutée. C'est ainsi, que cela vous plaise ou non, monsieur Laeremans. Il s'agit de la première rupture de tendance depuis de longues années.
Le débat que nous menons aujourd'hui est très émotionnel. Nous venons encore de le voir. Chacun a une position tranchée sur le sujet. Et c'est logique puisqu'il s'agit de l'essence de notre humanité : nos enfants sont en effet notre bien le plus précieux.
La disposition examinée peut selon moi compter sur une très large assise populaire. On pourrait arguer que nous aurions dû aller encore plus loin. La plupart des gens s'en tiendront, comme c'est le cas dans les pays qui nous entourent, au système traditionnel, ce que permet la loi.
En adaptant la loi, nous ne risquerons plus une condamnation par la Cour de Justice européenne. Ce sera la fin de la discrimination à l'égard des couples qui souhaitaient pouvoir combiner les deux noms ou ne donner que celui de la mère.
Cette loi est importante et il était grand temps de trancher la question. Peut-être la société se demande-t-elle en ce moment s'il était nécessaire de s'attaquer à ce problème et s'il était vraiment important mais si notre pays avait été condamné, elle se serait aussi demandé pourquoi nous n'avions pas résolu ce problème.
Nous nous attaquons donc au problème en adoptant une disposition porteuse de grands progrès qui nous transporte enfin dans le vingt et unième siècle.
Mme Els Van Hoof (CD&V). - Notre groupe n'a pas voté le projet de loi en commission. Notre parti est toutefois favorable à une réforme de l'attribution du nom dans un souci d'égalité entre les femmes et les hommes.
Dans la société actuelle, il est en effet difficile de justifier qu'une mère ne peut pas, dans la plupart des cas, transmettre son nom à son enfant. Nous avons toujours aspiré à la simplicité, à la clarté et à la sécurité juridique en matière d'attribution de nom. La doctrine et la jurisprudence insistent également sur l'importance de ces points en ce qui concerne le régime juridique du nom. Lors des auditions qui ont été réalisées au Sénat en 2011 à ce sujet, la majorité des experts ont défendu le même point de vue. Notre groupe regrette d'ailleurs que les discussions à ce sujet ne se soient pas poursuivies au Sénat. Il a en effet été démontré que le Sénat pouvait mener de bonnes réflexions sur ce genre de matière ; peut-être aurait-on trouvé, au Sénat, une alliance objective en vue de présenter une bonne proposition, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Lors des auditions, tous les professeurs ont plaidé, à une exception près, pour un système clair où le nom de l'enfant est constitué du nom du père et du nom de la mère. Afin d'en arriver à cette attribution claire du nom, nous avons déposé en commission de la Justice un amendement visant à donner à tous les enfants, dès l'entrée en vigueur de la loi, le double nom de famille, composé du nom du père et de celui de la mère. Ce système, également utilisé dans le monde hispanophone, assure la clarté et la sécurité juridique.
Ces dernières semaines, nous avons constaté que le débat sur le nom de famille avait causé une grande agitation, beaucoup plus importante peut-être que ce à quoi la plupart d'entre nous s'attendaient. Peut-être les sensibilités ont-elles également été quelque peu sous-estimées. Le nom donne un sens, crée un lien et renvoie à la famille élargie. Les familles belges accordent toujours une grande importance à ces aspects.
On propose maintenant au Sénat d'instaurer une totale liberté de choix avec le nom de famille du père comme solution de repli. Si le père et la mère sont d'accord, toutes les options sont possibles. À défaut d'un accord complet, l'enfant reçoit le nom du père.
Une opposition reste par conséquent toujours possible : en cas de désaccord du père, celui-ci ne peut transmettre que son propre nom de famille.
Afin de pouvoir quand même imposer un double nom dans ce cas-là, mon groupe a déposé un amendement inspiré du texte que la commission de la Justice de la Chambre avait approuvé antérieurement, texte qui, au départ, avait été appuyé par la ministre. Mais la commission de la Justice du Sénat n'a pas adopté cet amendement, ce que je regrette.
Tous ceux qui veulent laisser les choses en l'état se réjouiront. Mais tous ceux qui voteront le présent projet de loi doivent cesser de proclamer, comme Mme Taelman vient encore de le faire, que le projet supprimera la discrimination dont les femmes sont l'objet, car tel n'est pas le cas.
Par ailleurs, la nouvelle réglementation laissera subsister de nombreuses difficultés. Il est regrettable que les amendements n'aient pas non plus été acceptés sur ce plan. Ainsi, les enfants qui ont déjà perdu un de leurs parents sont victimes d'une discrimination car, contrairement aux autres enfants, ils ne peuvent recevoir le nom de leur mère. Malheureusement, les autres membres de la commission ont également rejeté l'amendement que nous avions déposé à ce sujet.
Il est clair aujourd'hui que le projet génère de nombreuses questions. Beaucoup de sénateurs ont d'ailleurs exprimé des réserves mais ils voteront le projet car ils estiment que celui-ci constitue quand même une avancée. C'est tout à fait étonnant, car il ne s'agit pas du tout d'une avancée.
Reste aussi la question de savoir si la Cour européenne de Justice acceptera la nouvelle réglementation et ne condamnera pas la Belgique. Háte et empressement sont rarement positifs.
Il est tout à fait regrettable que le Sénat n'ait pas pu jouer son rôle. Notre assemblée aurait pu approfondir de nombreuses propositions de loi émanant de différents collègues.
Je terminerai sur une note positive. Le Sénat aurait certainement pu aboutir à un meilleur résultat que le texte qui nous est soumis.
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Je souhaiterais faire une synthèse des discussions, revenir aux faits et présenter des perspectives.
Quelle est l'essence du projet de loi ? Aujourd'hui, en Belgique, seul le nom du père peut être transmis. Ce principe est ancré dans la loi depuis la Révolution française et l'instauration de l'état civil. C'est pourquoi l'introduction de M. Mahoux me paraît éclairante. En effet, si d'après le système en vigueur, l'enfant ne pouvait recevoir que le nom de la mère et pas celui du père, bon nombre d'intervenants auraient défendu une position tout à fait différente dans nos débats d'aujourd'hui.
Quel système le gouvernement veut-il instaurer ? Rien ne changera pour ceux qui souhaitent conserver l'ancien système. Nous ajoutons simplement deux possibilités, à savoir la transmission du nom de la mère et le double nom. Personne n'est tenu à quoi que ce soit et notre pays s'aligne ainsi sur le système français. La pratique montre en effet que 82% de la population se rallie au système classique, mais que 18% a besoin d'autre chose. Il faut également tenir compte de ces derniers.
En effet, il doit y avoir une unité au sein de la famille. En l'absence de choix, il n'y a qu'un pays où le tribunal doit trancher la question. La plupart des autres pays proposent une option standard. Comme c'est le cas dans la plupart des pays européens, notre pays devrait alors prévoir le nom du père afin de procéder par étapes.
Je ne reviendrai pas sur toutes les propositions de loi qui ont été déposées. Sur l'analyse proprement dite, presque tous les partis sont d'accord. Le fait que le Vlaams Belang soit la seule exception est éloquent, mais je lui en laisse la responsabilité. L'idée générale est que le système actuel doit être modifié. Le fait que des enfants ne puissent porter que le nom de leur père est en effet dépassé.
Pour certains partis, un double nom devait être imposé, solution que la présidente du Sénat, entre autres, défendait également. Selon cette conception, l'ordre pouvait être choisi librement mais l'intéressé pouvait également le modifier à partir de 18 ans. Je voudrais dire aux collègues qui mettent l'accent sur l'identité que pour ma part, je n'osais pas aller si loin.
Groen et Ecolo ont toujours été partisans du triple choix, d'autres partis ayant opté pour le double nom obligatoire. Nous en avons beaucoup discuté au sein du gouvernement et finalement, nous avons jugé cette dernière solution trop radicale. Dans ce cas, les personnes respectant la tradition n'auraient plus la possibilité de s'y tenir. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas opté pour une obligation mais pour un libre choix.
Les débats au parlement me donnent parfois le sentiment que nous introduisons un bouleversement qui modifiera la société en profondeur. Il s'agit évidemment d'un débat extrêmement important pour les familles, mais en réalité, ce que nous faisons n'a rien de choquant. En Allemagne, aux Pays-Bas, en France, au Royaume-Uni et au Luxembourg, hommes et femmes peuvent décider ensemble lequel de leur nom ils transmettront à leurs enfants. En France, il existe un triple choix ; dans les pays scandinaves, en Autriche, en Suisse, et dans la péninsule ibérique, il est possible de ne transmettre que le nom de la mère. La Grèce elle-même, pourtant pas la société la plus matriarcale qui soit, a déjà instauré en 1984 la possibilité pour la mère de transmettre aussi son nom à ses enfants. Aujourd'hui, la Belgique et l'Italie sont les derniers pays d'Europe occidentale à ne pas avoir suivi une évolution vers une réglementation moins discriminante. Nous ne voulons pas rester à la traîne. Toutes ces raisons justifient que l'on mette fin à cette situation.
Par ailleurs, je me réfère brièvement à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, adoptée en 1979 par l'Assemblée générale des Nations unies et qui, en son article 16, prévoit que les femmes doivent avoir le droit de choisir un nom de famille. Sur la base d'arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, le Conseil de l'Europe a déjà adopté à plusieurs reprises, et pour la dernière fois en 2007, des résolutions en ce sens. Si nous votons aujourd'hui le projet, nous faisons ce que le reste de l'Europe occidentale fait depuis longtemps déjà. Nous créons une liberté de choix, sans obligation. Celui qui le souhaite peut parfaitement conserver l'ancien système.
Nous avons tous reçu des courriels de personnes non favorables la nouvelle réglementation et qui souhaitent continuer à donner à leurs enfants le nom de leur père. Ils pourront parfaitement le faire avec ma proposition. D'autres estiment avoir besoin d'une autre réglementation et ne veulent donner à leur enfant que le nom de sa mère ou le double nom, parce que l'enfant est né de deux parents et que les deux noms doivent pouvoir se retrouver dans le nom de l'enfant. Nous leur donnons aujourd'hui cette possibilité.
Certains doutent que ce soit une priorité. C'est souvent une manière de dire que l'on est opposé au projet, mais alors, autant le dire clairement. Je me réjouis par ailleurs que de nombreuses personnes se soient occupées de choses « inutiles » car elles nous ont permis d'engranger des acquis et droits que nous n'aurions pu obtenir autrement.
D'ailleurs, l'un n'empêche pas l'autre. Je viens juste, en tant que ministre de la Justice, de clôturer la réforme de la Justice après trente ans de débat. Monsieur Laeremans, je suis la première à dire qu'une courte peine ne doit pas nécessairement être effectuée en prison. Une personne qui doit être incarcérée pour une semaine, deux semaines ou un mois perd de ce fait son travail. Il est préférable que nous lui permettions de conserver son emploi et que nous la contrôlions strictement gráce à un bracelet électronique.
Des sanctions énergiques sont aussi des sanctions sur mesure. Il y a toutefois d'autres choses importantes et l'un n'empêche pas l'autre.
Ce projet est une avancée vers une plus grande liberté de choix pour le nom de l'enfant. Certains prétendent que cela conduira à des disputes conjugales de taille, mais ce n'est pas le cas quand il s'agit du choix du prénom de l'enfant. De plus, les parents en discuteront à l'avance. Avec tout le respect pour la tradition, l'actuelle possibilité reste ouverte, mais nous faisons en sorte de supprimer une des plus importantes discriminations sur le plan de la transmission du nom.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission de la Justice est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3145/10.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
M. Richard Miller (MR), corapporteur. - Je me réfère à mon rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Finances et des Affaires économiques est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3421/4.)
-Les articles 1er à 11 sont adoptés sans observation.
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - M. Anciaux se réfère à son rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission de la Justice est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3345/7.)
-Les articles 1er à 143 sont adoptés sans observation.
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - Je vous propose de joindre la discussion de ces projets de loi. (Assentiment)
MM. Laaouej et Schouppe se réfèrent à leur rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Finances et des Affaires économiques est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3406/7.)
-Les articles 242, 15º à 19º et 296 à 310, 378 et 379 sont adoptés sans observation.
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble de ces articles.
(Le texte adopté par la commission des Finances et des Affaires économiques est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3413/6.)
-Les articles 1er à 7 sont adoptés sans observation.
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
(Pour le texte corrigé par la commission des Finances et des Affaires économiques, voir document 5-2845/3.)
-Les articles 1er et 2 sont adoptés sans observation.
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
M. Louis Siquet (PS), corapporteur. - Je me réfère à mon rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Finances et des Affaires économiques est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3427/8.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - MM. Laaouej et Schouppe se réfèrent à leur rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Finances et des Affaires économiques est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3473/6.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - La parole est à M. Miller pour un rapport oral.
M. Richard Miller (MR), corapporteur. - Je vais faire un rapport oral de nos travaux en commission.
Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport et qui relève de la procédure bicamérale a été déposé le 27 mars 2014 à la Chambre des représentants et adopté par celle-ci le 22 avril, à l'unanimité des 113 membres présents. Il a ensuite été transmis au Sénat.
Le secrétaire d'État Hendrik Bogaert a fait un exposé introductif. Il a indiqué que ce projet de loi vise à modifier l'article 194ter du Code des impôts sur les revenus 1992 en vue de l'adapter au régime de Tax Shelter pour la production audiovisuelle.
Les auditions ont apporté la conviction que le régime devait faire l'objet d'une évaluation approfondie.
Lors de la discussion du projet de loi à la Chambre, un appel avait été lancé, notamment par nos collègues de la N-VA, en faveur d'une révision approfondie de ce système, mais aussi en faveur de la mise en oeuvre d'une réforme, d'une amélioration et d'un renforcement du système, par nos collègues du CD&V, et enfin d'un changement de système, afin d'empêcher sa disparition, par nos collègues Écolo.
Après d'intenses négociations avec le secteur, il a été décidé au sein du gouvernement de modifier le système de Tax Shelter de telle sorte que l'acquisition de droits sur l'oeuvre audiovisuelle soit exclue. Pour le reste, le système existant est conservé autant que possible afin de garantir une continuité dans le secteur.
C'est ainsi qu'est maintenu le principe que l'aide doit être basée sur des dépenses de production qualifiantes déterminées qui sont de nature à fournir une contribution durable au développement et à la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle.
Les dépenses prises en considération doivent avoir été réalisées par le producteur au sein de l'Espace économique européen, avec une dépense maximale en Belgique, dans les limites de ce qui est acceptable d'un point de vue européen. Il est tenu compte à cet égard de la récente communication de la Commission européenne sur les aides d'État en faveur des oeuvres cinématographiques et autres oeuvres audiovisuelles.
L'utilisation d'un accord-cadre n'est pas non plus modifiée. Toutefois, le contenu et les conditions auxquels doit se conformer cet accord sont adaptés et rendus plus stricts. L'objectif est de garantir que la plus grande partie possible des fonds recueillis au moyen du Tax Shelter soit effectivement utilisée pour la production d'une oeuvre audiovisuelle.
Sur la base des montants que l'investisseur verse en exécution d'un accord-cadre, il obtient une exonération temporaire qui devient définitive lors de la délivrance d'une attestation Tax Shelter. Celle-ci est remise par le SPF Finances après l'achèvement d'une oeuvre audiovisuelle. C'est le producteur qui demande cette attestation sur la base des dépenses qualifiantes faites pour la production. Cette attestation peut être transférée par le producteur à un ou plusieurs investisseurs.
En plus de la demande d'une réforme du système, la demande portait également sur un meilleur contrôle de son application. Ce sera réalisé gráce, d'une part, à la création d'un service de contrôle spécifique au sein du SPF Finances et, d'autre part, aux possibilités de contrôle qui sont également prévues par le présent projet.
Lors de la discussion générale, je me suis réjouis que ce projet de loi ait pu être concrétisé par le gouvernement. Depuis que ce système a été mis en place, il faut reconnaître que le cinéma belge a connu un bond prodigieux. Le cinéma est un art extraordinaire mais il coûte très cher. C'est donc une excellente chose que le politique prenne ses responsabilités et mette en place et ensuite améliore un dispositif fiscal permettant de renforcer la création cinématographique.
Toutes les précautions ont été prises afin de répondre aux directives et impératifs de l'Union européenne ; c'est un élément positif dans le dossier plus large de l'exception culturelle et de son maintien.
L'amélioration des conditions de contrôle sont particulièrement importantes car certains producteurs étaient tentés d'exagérer.
M. Laaouej a expliqué que ce dossier a fait l'objet de nombreuses polémiques entre les acteurs du secteur et il s'est réjoui que le gouvernement ait pu trancher et maintenir le dispositif tout en l'encadrant davantage.
Le secteur du cinéma est une niche et ce dispositif permet de soutenir un secteur culturel, mais aussi économique. De cette manière, la Belgique est un lieu de rayonnement du cinéma. Il faudra bien sûr évaluer le système pour être certain qu'il n'y a pas d'effets indésirables.
M. Daems se réjouit que le gouvernement ait pris une initiative en la matière, mais il espère que le système adapté n'aura pas d'effet inverse. Le concept du Tax Shelter démontre que l'on peut soutenir certains secteurs où les investissements sont parfois risqués, ce qui leur permet de se développer et d'exister dans un tissu économique normal. Ce phénomène a comme conséquence que les investisseurs s'intéressent à des secteurs dont ils ne s'occupaient pas auparavant. Le système est limité à la production cinématographique mais d'autres secteurs culturels pourraient probablement profiter d'un régime similaire ; l'intervenant pense, par exemple, au secteur de la mode.
Le secrétaire d'État a expliqué que le champ d'application de la mesure est assez large. Il s'agit d'une oeuvre audiovisuelle, comme un film de fiction, documentaire, ou d'animation destiné à une exploitation cinématographique, un film court-métrage à l'exception des court-métrages publicitaires, un téléfilm de fiction longue, le cas échéant en épisodes, voire une série télévisuelle de fiction ou d'animation. Il ajoute que cette mesure est positive car elle permet d'éliminer les excès, alors que le mécanisme, maintenu sous sa forme la plus pure, pourra donc être utilisé pour ce qui avait été prévu initialement.
L'ensemble du projet de loi a été adopté à l'unanimité des 12 membres présents en commission. Confiance a été faite au rapporteur pour le présent rapport oral.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Finances et des Affaires économiques est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3490/4.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - M. Daems se réfère à son rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Finances et des Affaires économiques est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3497/5.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'article 82 du projet de loi.
Mme la présidente. - MM. Siquet et Schouppe, rapporteurs au nom de la commission des Finances et des Affaires économiques se réfèrent à leur rapport écrit.
Mme Fabienne Winckel (PS), rapporteuse au nom de la commission des Affaires sociales. - Je me réfère à mon rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par les commissions est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3479/8.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - M. du Bus de Warnaffe se réfère à son rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Affaires sociales est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-1071/5.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
M. Philippe Mahoux (PS), rapporteur. - Je me réfère à mon rapport écrit.
Par ailleurs, notre groupe soutiendra évidemment ce texte extrêmement important.
Comme je l'ai dit en commission, pour certains motifs de discrimination, on a choisi la voie du caractère aggravant du délit ou du crime. Tel est le cas lorsque les motifs sont liés au sexisme, ainsi que l'avait proposé Mme Khattabi. La voie choisie est une incrimination spécifique. L'objectif poursuivi est identique ; nous soutiendrons donc avec force ce projet.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission de la Justice est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3297/5.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
M. Philippe Mahoux (PS), rapporteur. - Je me réfère à mon rapport écrit.
Je souhaiterais formuler une remarque qui n'est pas liée à l'objectif poursuivi. Il s'agit de nouveau de lutter contre toutes les discriminations. Nous avons abordé ce problème de manière systématique au Sénat.
Je rappelle, sans fausse modestie, que je suis l'auteur de la loi de 2003 qui a été votée au Sénat, modifiée en 2007 à la suite d'une initiative du gouvernement et de M. Dupont.
Les textes, tant en 2003 qu'en 2007, évoquent la problématique de la discrimination pour des raisons d'orientation sexuelle. En l'occurrence, nous avons tenté de préciser, au fil du temps et dans les diverses propositions de texte, ce que sont les orientations sexuelles. J'attire simplement l'attention sur un danger possible : dans la mesure où l'on identifie successivement ces orientations sexuelles, on pourrait imaginer que celles qui ne sont pas citées ne relèvent pas de la loi antidiscrimination. Je précise que la loi de 2003 et celle de 2007 ont une portée générale par rapport au présent texte qui apporte des précisions quant aux autres motifs de discrimination. Ce texte concerne des groupes particuliers qui y verront certainement une avancée car, hélas, les discriminations n'ont pas totalement disparu de notre société.
Nous soutiendrons donc ce texte.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission de la Justice est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3483/4.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - M. André du Bus de Warnaffe, rapporteur, se réfère à son rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Affaires sociales est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3499/4.)
-Les articles 1er à 5 sont adoptés sans observation.
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - M. André du Bus de Warnaffe, rapporteur, se réfère à son rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Affaires sociales est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3434/6.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - M. André du Bus de Warnaffe, rapporteur, se réfère à son rapport écrit.
M. Louis Siquet (PS). - Madame la présidente, ce projet de loi constitue à mes yeux une lourde sanction pour les travailleurs frontaliers et saisonniers. Après la taxation des rentes étrangères, dont le projet ne nous a toujours pas été présenté, nous sommes confrontés à un nouveau projet de modification du calcul des pensions des travailleurs frontaliers qui est au moins aussi coûteux.
Le règlement no 1248/72 de la CEE nous impose depuis environ quarante-cinq ans un quadruple calcul des pensions internationales : un calcul de la pension nationale uniquement basé sur les années de travail en Belgique, un calcul théorique totalisant les périodes de travail sur la base desquelles est calculée la pension proportionnelle, et un calcul de droit interne qui, en application des article 46, paragraphes 1 et 3, se base sur la totalité des périodes belges et des périodes étrangères en tant que travailleur frontalier. Le dernier calcul représente le montant total belge et étranger à garantir.
Le projet modifiera le montant que la Belgique garantissait quand le total des pensions belges et étrangères n'atteignait pas le montant du calcul en droit interne, un montant communément appelé complément CEE ou rente frontalière. Ce montant fluctue avec les modifications de l'index et les modifications des rentes étrangères. La matière est très technique. Ses subtilités échappent aux personnes qui ne sont pas familiarisées avec le calcul des pensions.
Je n'en veux à personne. Le projet a été présenté dans un train de mesures budgétaires. Dans les coulisses de la Chambre des représentants, l'économie qui devrait en résulter est estimée à environ vingt-huit millions d'euros. Ce chiffre est peut-être contestable mais il s'agit clairement d'une atteinte au droit des pensions.
Chers collègues, ce projet est un début de démantèlement du droit des pensions. Le fait que l'on s'attaque d'abord à la frange la plus faible des pensionnés ne peut nous laisser indifférents. Les frontaliers ne sont pas syndiqués, ils n'ont pas de lobby. Ils sont sans défense. Les régions frontalières ne sont pas des régions industrielles. Pour éviter le chômage, les travailleurs qui choisissent de travailler à l'étranger fournissent des efforts supplémentaires. En outre, ce projet de loi est une atteinte au droit des pensionnés et, plus grave encore, une première atteinte à la sécurité sociale. Toucher au droit des pensionnés est une atteinte à la solidarité avec les aînés. C'est le début d'un détricotage de la société. À l'avenir, soyons prudents.
Mme Cécile Thibaut (Ecolo). - J'aurais voulu savoir si M. Siquet s'exprimait à titre personnel ou au nom de son groupe. En effet, ses propos sont quand même surprenants. Le projet de loi qui nous est soumis est extrêmement raisonnable. Si, dans notre économie européenne, un État voisin commence à prendre des mesures d'austérité en matière de pensions, il importe que la Belgique ne soit pas le dindon de la farce et qu'un équilibre soit établi. J'habite près d'Arlon, dans une zone où de nombreuses personnes vont travailler au Grand-Duché de Luxembourg. M. Siquet n'a pas le monopole de la parole en ce qui concerne les frontaliers. Ses propos me semblent exagérés et irresponsables dans ce cadre.
M. Philippe Mahoux (PS). - M. Siquet s'exprimait bien entendu à titre personnel et non au nom du groupe.
M. Louis Siquet (PS). - Le Grand-Duché de Luxembourg n'est absolument pas concerné. Mais, comme je l'ai dit en commission, quelqu'un qui justifie d'une activité totale de 40 ans peut prendre sa pension au Grand-Duché de Luxembourg, à 58 ans, a droit au chômage en Belgique à certaines conditions. Ce sont les frontaliers allemands et hollandais qui sont concernés. Ne mélangeons pas les prunes et les poires.
M. Alexander De Croo, vice-premier ministre et ministre des Pensions. - Comme je l'ai dit, hier, en commission, les propos de M. Siquet sont inexacts. La mesure prise n'a aucun impact budgétaire. J'ignore d'où M. Siquet sort ce chiffre de 28 millions mais ce n'est pas correct. Nous disons simplement que si d'autres pays prennent des mesures d'économie concernant les pensions constituées dans ces pays, la Belgique ne les compensera plus qu'au début, à la constitution de la pension. Le système des pensions pour les frontaliers belges est une exception européenne. Notre système est très généreux pour les frontaliers. Il date d'une période où les pensions belges étaient bien supérieures à celles des pays voisins. Si nous tentions, aujourd'hui, d'introduire un tel système, l'Union européenne nous interdirait de le faire.
Donc, nous ne compenserons plus les mesures d'économie décidées par d'autres pays. Pour les pensionnés actuels et même pour les personnes qui prendront prochainement leur pension, il n'existe actuellement aucune mesure d'austérité. Dans le cas contraire, il me paraîtrait illogique que la Belgique paie pour des mesures adoptées dans d'autres pays.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Affaires sociales est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3456/4.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - M. du Bus de Warnaffe se réfère à son rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Affaires sociales est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3500/5.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme Fabienne Winckel (PS), rapporteuse. - Je me réfère à mon rapport écrit.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Affaires sociales est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3466/4.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
M. Benoit Hellings (Ecolo), rapporteur. - Je me réfère à mon rapport écrit.
J'interviendrai à présent à titre personnel.
Nous avons eu, en commission, une discussion relative à une garantie partielle de l'État qui serait payée aux personnes victimes d'un accident nucléaire survenu en Belgique. Le gouvernement a décidé de limiter cette garantie à 1,2 milliard d'euros, dans l'hypothèse où l'un des sept réacteurs que compte le pays viendrait à connaître des difficultés techniques provoquant des catastrophes environnementales et sanitaires en Belgique et chez nos voisins.
J'aimerais faire remarquer à notre assemblée qu'aujourd'hui, à Fukushima, nous serions à plus de cent milliards d'euros de dommages, alors que l'incident nucléaire n'est toujours pas terminé. Je soulignerai également qu'une étude de l'Agence française de contrôle nucléaire prévoit qu'en cas d'incident majeur, de type Fukushima ou Tchernobyl en France, un montant de 450 milliards d'euros serait nécessaire pour réparer les dommages.
Aujourd'hui, la majorité ne « garantit » un incident nucléaire qu'à hauteur d'1,2 milliard, soit 450 fois moins que le montant prévu par la France pour le même type d'accident, ce qui est une forme d'irresponsabilité.
Je rappellerai également les propos tenus en commission par le représentant du ministre et le fonctionnaire qui a répondu de manière très ouverte à mes questions. Aucune compagnie d'assurance digne de ce nom n'accepte de couvrir véritablement le risque nucléaire parce qu'il est « incouvrable ». Les conséquences d'une catastrophe nucléaire sont toujours dramatiques et impossible à évaluer. Le fonctionnaire a également expliqué que l'assurance contractée par le privé pour le risque nucléaire représentait une immense opportunité, en raison de la rareté des incidents de ce type. Par contre, lorsqu'ils se produisent, les conséquences sont systématiquement catastrophiques et ingérables, raison pour laquelle seuls quelques assureurs dans le monde acceptent d'assurer ce risque. C'est bien pour cela que la majorité a choisi de passer par une garantie d'État à hauteur d'1,2 milliard.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Finances est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3431/4.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - La parole est à Mme Maes pour un rapport oral.
Mme Lieve Maes (N-VA), rapporteuse. - Le projet de loi portant des dispositions diverses en matière d'énergie a été déposé à la Chambre des représentants le 28 mars 2014 et adopté en séance plénière le 23 avril 2014 par 81 voix et 38 abstentions.
Il a été envoyé au Sénat le 23 avril 2014 et évoqué le même jour.
La commission a examiné le projet de loi durant ses réunions des 22 et 23 avril 2014. Le secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité a commenté les dix points du projet dans un exposé introductif.
Le premier volet du projet de loi introduit une base légale pour élaborer une procédure d'attribution de concession relative à l'atoll pour stockage hydro-électrique en mer du Nord, à l'endroit prévu par le Plan d'aménagement des espaces marins. Comme il est clairement mentionné qu'aucun subside ne puisse être donné à cette installation, cela n'a pas d'impact budgétaire ni tarifaire.
Le deuxième volet du projet de loi prévoit une base légale pour attribuer une concession à la prise sur Mer, prévue au Plan d'aménagement des espaces marins, exploité par le gestionnaire du réseau. Cela n'a pas non plus d'impact budgétaire.
Le troisième volet du projet de loi offre au gestionnaire du réseau la possibilité de créer une filiale conjointement gérée avec un autre partenaire en vue de l'exploitation de l'interconnexion avec le Royaume-Uni.
Le quatrième volet du projet de loi transpose partiellement l'accord du Conseil des ministres du 20 décembre 2013 sur le système de subside offshore en législation, à savoir en ce qui concerne la partie du système présente dans la loi, le subside cáble. À l'avenir, plus aucun parc ne recevra de subside cáble, puisque le coût du raccordement à la prise en mer est compris dans le levelized cost of energy (LCOE).
Le cinquième volet du projet de loi apporte quelques petites modifications à la loi électricité en application de l'arrêt de la Cour Constitutionnelle suite au recours en annulation partielle de la loi du 8 janvier 2012.
Le sixième volet du projet de loi modifie légèrement les règles de corporate governance d'application sur Elia pour les adapter à la situation de l'actionnariat modifiée depuis 2011. Comme il n'y a plus d'entreprises d'électricité intégrées dans l'actionnariat, une représentation normale de tous les actionnaires peut être prévue dans les différents comités du conseil d'administration, et un petit aspect des compétences du comité de direction peut également être transféré au conseil d'administration.
Le septième volet du projet de loi prévoit plusieurs modifications aux lois gaz et électricité afin de rendre applicable le règlement UE no 1227/2011 du Parlement Européen concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie, ce que l'on appelle le « règlement REMIT ».
Le huitième volet du projet de loi modifie quelques aspects de la loi gaz.
Le neuvième volet du projet de loi apporte plusieurs actualisations et modifications à la loi du 10 mars 1925 sur la distribution électrique pour clarifier et simplifier la situation sur le terrain en exécution de la déclaration d'intention qui a été signée par les différents ministres des gouvernements fédéraux et régionaux le 21 mai 2012. Ces modifications n'ont pas d'impact budgétaire.
Le dixième et dernier volet du projet de loi confirme deux arrêtés royaux qui, en application de la loi électricité, doivent être confirmés par le parlement dans les douze mois après leur entrée en vigueur.
La discussion a été très brève, notamment parce que peu de sénateurs étaient présents en commission. J'ai été la seule à poser des questions, j'en ai posé quatre, sur lesquelles le secrétaire d'État a donné une réponse technique.
Durant la réunion suivante, le projet de loi a été adopté par 10 voix et 3 abstentions.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Finances est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3511/5.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - La parole est à M. Miller pour un rapport oral.
M. Richard Miller (MR), rapporteur. - Le projet de loi qui fait l'objet de ce rapport oral relève de la procédure bicamérale. Il a été déposé le 20 mars 2014 à la Chambre des représentants et adopté par celle-ci le 22 avril 2014 par 110 contre huit voix et une abstention.
M. Wathelet a présenté ce texte important qui permet aux institutions scientifiques fédérales d'engager du personnel de manière temporaire dans le cadre de missions spécifiques, et non des personnes statutaires ou des personnes ayant des contrats à durée indéterminée. Il est question de chercheurs venus de l'étranger et qui peuvent, par leur expérience, apporter un plus à nos institutions scientifiques. Pour permettre à ces différentes personnes d'accéder à ces emplois, il importe de les dispenser des obligations linguistiques propres au personnel belge dans le cadre des institutions fédérales.
Ce texte se justifie pleinement et le secrétaire d'État a fait référence à l'exposé des motifs du texte de la Chambre qui reprend les différents organes où sont actifs les 52 collaborateurs scientifiques étrangers en question.
Le secrétaire d'État a ajouté qu'il s'agissait de personnel engagé pour des activités scientifiques qui n'ont pas de caractère permanent et qui sont donc généralement consignées dans des programmes limités dans le temps. Ce sont donc des personnes qui viennent ponctuellement et pour des raisons spécifiques contribuer au travail des institutions scientifiques.
Dans le cadre de la discussion, Mme Maes a demandé si ce projet était applicable aux dix institutions scientifiques fédérales ou à d'autres organes également. Qu'en est-il du personnel contractuel ayant un contrat à durée indéterminée ?
L'intervenante a également voulu savoir si les scientifiques français et néerlandais étaient repris dans le cadre linguistique. Le secrétaire d'État a répondu que le dispositif était prévu pour les institutions scientifiques fédérales et que le personnel contractuel ayant un contrat à durée indéterminée n'était pas concerné par ce texte.
Ce projet s'adresse à tous les scientifiques étrangers, donc aussi aux Néerlandais ou aux Français.
M. Schouppe s'est dit heureux de voir que ce projet pourra aboutir. Il est grand temps que la Belgique accueille les scientifiques étrangers à bras ouverts, quelle que soit la langue qu'ils parlent.
L'ensemble du projet de loi a été adopté à l'unanimité des dix membres présents. Confiance a été faite au rapporteur pour le présent rapport oral en séance plénière.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Finances est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3476/3.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - La parole est à madame Maes pour un rapport oral.
Mme Lieve Maes (N-VA), rapporteuse. - Le projet de loi 53-3477 qui relève de la procédure bicamérale facultative a été déposé à la Chambre et adopté le 22 avril par 109 voix et 9 abstentions. Il a ensuite été évoqué par le Sénat.
La commission des Finances et des Affaires économiques du Sénat a examiné le projet durant ses réunions des 22 et 23 avril.
Le secrétaire d'État Wathelet a déclaré dans son exposé introductif que le projet de loi transpose en droit belge la directive déchets nucléaires du 22 juillet 2011. La grande majorité des dispositions de la directive étaient déjà transposées en droit belge, néanmoins la Commission européenne a engagé une procédure de mise en demeure dont le délai courait jusqu'à la mi-mars. La directive devait être intégralement transposée pour le 23 août 2013.
Le projet de loi introduit plusieurs définitions dans la loi belge. On est resté fidèle aux définitions de la directive tout en les adaptant si nécessaire à la réglementation et à la terminologie belges.
Le projet de loi définit le processus à suivre pour élaborer les politiques nationales de gestion des déchets radioactifs et les principes qu'elles doivent respecter. C'est une grande avancée car, en l'absence de cadre légal fixant les procédures à suivre, les grandes décisions étaient prises jusqu'à présent par simple décision du Conseil des ministres. Dorénavant un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres sur proposition de l'ONDRAF et après avis de l'AFCN sera nécessaire, et il faudra respecter les principes généraux de la directive figurant dans le projet de loi.
Le projet de loi prévoit également l'établissement d'un programme national qui dresse, notamment, le bilan des modes de gestion existants du combustible usé et des déchets radioactifs. Il recense les besoins à prévoir pour les installations d'entreposage et de stockage, précise les capacités nécessaires de ces dernières et la durée de l'entreposage. Il structure enfin la mise en oeuvre des recherches et études sur la gestion des déchets. Il fixe également des obligations en matière d'établissement de rapports, d'auto-évaluation et d'évaluation internationale par des pairs.
Le Conseil d'État a remarqué que l'on s'écarte des définitions de la directive sans que cela soit toujours suffisamment justifié dans l'exposé des motifs. On a respecté l'esprit des définitions mais en l'adaptant à la situation belge ou en ajoutant certaines concepts importants comme la réversibilité, la récupérabilité et le monitoring. L'exposé des motifs a été adapté afin de tenir compte de l'avis du Conseil d'État.
Durant la brève discussion, le sénateur Hellings a demandé si les dispositions visaient également le retraitement de déchets radioactifs alors qu'un moratoire est toujours en vigueur en Belgique à cet égard. Le secrétaire d'État a répondu que le moratoire sur le retraitement de déchets radioactifs était maintenu. La procédure permettant de sortir du moratoire est connue.
L'ensemble du projet de loi a été adopté par 12 voix et une abstention.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission des Finances est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-3477/4.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
(Pour le texte adopté par la commission de la Justice, voir document 5-2453/4.)
M. Philippe Mahoux (PS), rapporteur. - Je me réfère à mon rapport écrit.
J'interviendrai par contre à titre personnel. Ce texte, qui a pour objectif de lutter contre les mutilations sexuelles, accompagne celui de Mme Van Hoof que nous avons adopté la semaine dernière et qui portait sur le même sujet, même si le contenu n'était pas exactement le même.
Je voudrais insister sur plusieurs éléments qui sont apparus en commission. D'une part, dans le texte initial, on s'adressait aux gynécologues et aux médecins. Les gynécologues sont pourtant des médecins. On a donc maintenu le terme plus général de « médecins ».
D'autre part, le problème relatif au secret professionnel est plus important. En effet, l'objectif doit être poursuivi sans concession. On entend en effet parler du relativisme culturel qui pourrait servir d'excuse aux mutilations sexuelles. Il ne peut y avoir d'excuse face à ce type de problème. En même temps, un reláchement plus important de l'impératif du secret professionnel risque de remettre en cause de manière très générale la notion même de ce secret professionnel. De plus, dans des cas particuliers, le témoignage d'un praticien délivré de ce secret pourrait entraîner des conséquences pour les victimes elles-mêmes. Celles-ci le seraient alors à deux reprises.
Le texte actuel précise bien que, si une information se révèle obligatoire, elle doit se faire de manière anonyme par le biais des registres de santé publique. C'est indispensable pour pouvoir se rendre compte avec exactitude de la gravité du problème dans notre pays et ne pas mettre en péril le caractère général du respect du secret professionnel.
Les Pays-Bas ont été plus loin dans la mesure où ils ont délivré les praticiens de l'obligation de garder le secret professionnel, considérant que ne pas le respecter ne constitue plus un délit dans certains cas. En même temps, ce pays a établi l'obligation pour les médecins de révéler toutes les circonstances et les noms. C'est un élément supplémentaire.
Dans le cadre de la prise en charge thérapeutique et psycho-sociale des victimes, il est important que cette notion de confidentialité reste la règle générale. Cependant, pour lutter contre d'autres problèmes que notre assemblée a eu l'occasion d'aborder et qui concernent les violences sexuelles dont sont victimes les enfants, il a été possible de trouver des systèmes qui maintenaient la protection des victimes et n'affadissaient pas le principe tellement important du secret professionnel. Celui-ci ne concerne d'ailleurs pas seulement les praticiens de l'art de guérir mais aussi les avocats. Nous en avons déjà largement discuté. Les précisions qui ont été introduites dans le texte initial gráce à quelques amendements donnent toutes les garanties au sujet des remarques que je viens de formuler.
-La discussion est close.
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur la proposition de résolution.
Mme la présidente. - Nous poursuivrons nos travaux cet après-midi à 14 h 05.
(La séance est levée à 13 h 50.)
M. Morael, pour raison de santé, demande d'excuser son absence à la présente séance.
-Pris pour information.