1-209
SENAT DE BELGIQUE
SESSION ORDINAIRE 1997-1998
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COMPTE RENDU ANALYTIQUE
SEANCE PLENIERE
Séance de l'apres-midi - Mercredi 15 juillet 1998
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La séance est ouverte à 14 h 05 m.
PROJET DE LOI POUR LA PROMOTION
DE L'ENTREPRISE INDEPENDANTE
Discussion générale
M. Hotyat (PS). - Le projet de loi tel qu'adopté
par la Commission des affaires économiques inclut, en son titre IV
consacré à la modification de la loi du 26 juin 1963 créant
un Ordre des architectes, des aménagements au texte qui a été
transmis par la Chambre. Ces amendements ont été adoptés
à l'unanimité par la commission.
L'amendement principal avait pour but d'adapter parfaitement la loi de
1963 à la nouvelle situation institutionnelle issue des accords de
la Saint-Michel. Le texte de la Chambre créait en effet un conseil
de l'ordre pour chacune des deux provinces de Brabant sans en créer
pour la Région de Bruxelles-Capitale, les architectes ayant leur siège
dans cette région relevant à leur choix soit du conseil du
Brabant wallon, soit du conseil du Brabant flamand.
C'est cependant à la situation de division en trois de l'ancienne
province de Brabant que les dispositions de la loi de 1963 devaient être
adaptées. Les amendements ont donc créé pour la Région
de Bruxelles-Capitale deux conseils de l'ordre, l'un utilisant la langue
française, l'autre la langue néerlandaise. Les membres ayant
le siège principal de leurs activités sur le territoire de
Bruxelles choisissent désormais l'un des deux conseils. Cet
amendement permet de rencontrer les voeux exprimés par les
architectes bruxellois. Cette solution est essentiellement différente
de celle reprise dans une proposition de loi, récemment rejetée
en Commission de la Chambre, qui visait à créer un seul
conseil de l'ordre, bilingue, pour la Région de Bruxelles-Capitale.
Enfin, le point ayant été soulevé en commission, je
tiens à m'exprimer contre une mauvaise interprétation de la
loi de 1963. Contrairement à ce que prétendent certains, un
conseil de l'Ordre des architectes n'a aucune compétence d'avis en
matière d'urbanisme, d'aménagement du territoire et
d'environnement. La loi de 1963 ne vise en effet que la déontologie.
De plus, les compétences d'urbanisme et d'environnement ne sont
plus fédérales mais régionales.
Mme Willame-Boonen (PSC). - Ce projet de loi fait partie
d'un projet de loi-programme beaucoup plus vaste qui couvre des
dispositions diverses afin de créer des leviers structurels offrant
de nouvelles perspectives à cour terme aux petites et moyennes
entreprises.
Malgré la situation économique difficile, les PME ont réussi
à rester un moteur de la création d'emploi depuis le début
des années '90. Elle représente 30 % de l'emploi total
dans le secteur privé. Il était donc important que la
capacité des PME en matière d'emploi soit soutenue.
Les mesures structurelles de la loi-programme tentent aussi de renverser
la tendance à la régression en matière
d'investissements, de rentabilité des fonds propres et des résultats
d'entreprises des indépendants personnes physiques.
Cette loi-programme ne peut que faire l'objet de notre assentiment car ces
mesures permettront d'activer le potentiel des croissances des PME et de
faciliter l'accès au secteur tout en renforçant les capacités
entrepreneuriales. Il s'agit d'une politique dynamique qui vise à
relever le taux de « natalité » des entreprises
et à améliorer le niveau de préparation des débutants.
Elle encourage la création d'emploi via des primes à
l'embauche, l'accès au marché des capitaux, la
professionalisation du management et l'introduction en bourse. Nous sommes
en présence d'une politique volontaire de simplification effective
de la réglementation.
Ont également été prévues des modifications à
la loi Verhaegen relative à la réglementation des
professions libérales et intellectuelles prestataires de services,
la création d'un conseil d'établissement qui recevra les
recours contre les décisions des Chambres, des métiers et négoces,
et enfin, des adpatations à l'Ordre des architectes.
M. De Decker (PRL-FDF). - Le projet qui prévoyait
de scinder l'Ordre brabançon des architectes en un ordre des
architectes du Brabant wallon et un autre du Brabant flamand est contraire
au système institutionnel belge et à la loyauté fédérale.
La Région de Bruxelles a hérité des compétences
provinciales pour ce qui concerne le territoire de Bruxelles.
Il est donc logique que l'on y institue un ou deux ordres des architectes.
L'amendement déposé en ce sens est soutenu par l'ensemble
des partis. Le ministre est d'accord et nous sommes persuadés qu'il
en ira de même de la Chambre.
M. Pinxten, ministre de l'agriculture et des petites et moyennes
entreprises (en néerlandais). - Je renvoie au rapport de
la discussion à la Chambre où je propose une solution
minimaliste et temporaire compte tenu de la scission de la province du
Brabant, mais ce uniquement en attendant un débat fondamental sur
le problème de l'Ordre des architectes. Je prendrai une initiative à
cet effet à l'automne et nous verrons alors dans quelle mesure
l'amendement de la commission sénatoriale s'y insère.
Il est évident que, dans un débat global, il faut également
tenir compte de la position spéciale de la Région de
Bruxelles-Capitale.
- La discussion générale est close.
- Les articles sont adoptés sans observation.
- Le vote sur l'ensemble aura lieu ultérieurement.
Discussion générale
M. Bourgeois (CVP), rapporteur (en néerlandais). -
La présente proposition de la loi a été déposée
le 10 juillet 1996 par notre collègue Vandenberghe. La Commission
de la justice l'a examinée le 1er juillet 1998.
La proposition de loi règle la situation où un handicapé
mental à qui est adjoint un administrateur provisoire s'établit
en dehors du canton du juge de paix qui a ordonné la mesure.
C'est la raison pour laquelle la proposition dispose que le juge de paix
qui a désigné l'administrateur provisoire reste compétent,
mais qu'il peut déroger au principe de territorialité et décider
le renvoi du dossier au juge de paix du canton où réside
l'intéressé.
A la question de savoir s'il y a séjour dans un autre canton
lorsque l'intéressé est admis dans un établissement
psychiatrique, l'auteur a répondu que c'est le cas lorsque le juge
de paix juge le séjour dans cet établissement nécessaire.
En ce qui concerne les moyens juridiques pouvant être invoqués
contre la décision de renvoi du dossier, le droit commun sera
d'application.
Le juge de paix du canton à qui le dossier a été
transmis ne pourra pas se déclarer incompétent.
Un afflux de dossiers dans les cantons qui comptent un établissement
psychiatrique sur leur territoire n'est pas exclu.
Dans ce cas, les juges de paix seront mieux placés pour suivre ce
type de dossier puisqu'ils seront familiarisés avec la matière.
En outre, il n'y a pas d'obligation de renvoyer le dossier.
Le ministre a apporté son soutien inconditionnel à la
proposition de loi, laquelle a été adoptée à
l'unanimité en commission. (Applaudissements.)
M. Goris (VLD) (en néerlandais). - Outre le
rapporteur, je tiens à féliciter le collègue
Vandenberghe, auteur de la proposition.
Les juges de paix des cantons sur le territoire desquels se trouve un établissement
psychiatrique verront inévitablement leur volume de travail
augmenter, mais il est certain qu'ils seront ainsi davantage familiarisés
avec la matière.
Le premier juge de paix peut continuer à assurer le suivi du
dossier. En effet, cette réglementation sert l'intérêt,
non pas des juges de paix, mais de la personne protégée.
Le groupe VLD votera la proposition de loi. (Applaudissements.)
M. Vandenberghe (CVP) (en néerlandais). - Je
remercie M. Bourgeois pour son rapport et M. Goris pour son soutien.
La doctrine et la jurisprudence sont ambiguës sur ce point.
Le critère est d'assurer le meilleur suivi possible du dossier. Le
suivi rentre dans le cadre de l'humanisation du droit en garantissant une
meilleure protection des aliénés. Je remercie le Sénat
d'approuver cette proposition.
- La discussion générale est close.
- Les articles sont adoptés sans observation.
- Le vote sur l'ensemble aura lieu ultérieurement.
PROPOSITION DE LOI
MODIFIANT L'ARTICLE 867 DU CODE JUDICIAIRE
Discussion générale
M. Coveliers (VLD), rapporteur (en néerlandais). -
La proposition introduite par M. Erdman trouve son origine dans
une note du professeur Laenens au sujet de l'arrêt rendu par la Cour
de cassation le 5 janvier 1996. Il s'agit d'une amélioration
technique apportée à l'article 867 du Code judiciaire tel
qu'il est interprété par la Cour de cassation. En 1992, le législateur
a modifié cet article afin de limiter les effets des cas de nullité.
Par contre, la Cour de cassation continue à interpréter de
manière stricte les articles relatifs aux cas de nullités.
La proposition a fait l'objet d'avis rendus par plusieurs professeurs
d'université et l'auteur s'est basé sur ces avis pour
proposer un amendement qui a été adopté à
l'unanimité. Cet amendement permet l'appréciation du
non-respect des délais prescrits à peine de nullité
par le juge lorsque l'acte a réalisé le but.
La proposition ainsi amendée a été adoptée à
l'unanimité par les huit membres présents.
- La discussion générale est close.
- Les articles sont adoptés sans observation.
- Le vote sur l'ensemble aura lieu ultérieurement.
PROJET DE LOI
INSTAURANT LA COHABITATION LEGALE
Discussion générale
M. Goris (VLD) (en néerlandais). - Je tiens à
féliciter le rapporter pour son excellent rapport. La discussion en
commission a permis de relever de nombreux malentendus et imprécisions
auxquels le rapport remédie.
Le projet vise à permettre à deux personnes majeures célibataires
qui ont la capacité civile et cohabitent, de bénéficier
d'une protection légale minimum de leur cohabitation. lls peuvent
faire une déclaration de cohabitation légale. Lors des débats
en commission, les opinions étaient partagées quant aux
modalités de cette déclaration et à l'instance auprès
de laquelle elle devrait être déposée. La commission
s'est finalement ralliée à une solution prévoyant de
remettre à l'administration communale un document écrit
attestant du domicile commun, cette déclaration étant
mentionnée dans le registre de la population. Le fait que le juge
de paix soit compétent pour imposer des mesures provisoires et
urgentes constitue un élément important.
La cohabitation est ainsi comparable au mariage.
Plusieurs commissaires ont fait remarquer que l'on formalise un peu plus
la discrimination fiscale entre couples mariés et non mariés.
Nous apprenons que le gouvernement souhaite supprimer cette discrimination
fiscale dans des délais raisonnables. Le VLD serait curieux de les
connaître. Des remarques ont été formulées au
sujet de l'article 5 qui permet au Roi de fixer la date d'entrée en
vigueur de cette loi. Il est évident que ce projet ne pourra être
appliqué que lorsque la discrimination fiscale frappant les couples
mariés aura été supprimée. Cette
discrimination ne peut justifier le report du projet.
L'opposabilité de la déclaration de cohabitation légale
est un point de discussion essentiel. Je déplore que l'on n'ait pas
sollicité l'avis du Conseil d'Etat sur cette réforme. Le
point faible du projet réside dans l'absence de publicité et
d'opposabilité.
Le projet définit les conséquences patrimoniales de la
cohabitation légale, mais ne prévoit pas de notification aux
tiers. Par ailleurs, la publicité est insuffisante, puisque seule
une modification ou une annotation dans le registre de la population est
prévue. Le ministre a admis qu'un acte d'état civil offre
davantage de garanties. Toutefois, il a déclaré que la
Chambre a opté pour une notification ordinaire.
Le ministre a ajouté qu'une modification de loi est également
prévue afin de faciliter l'accès aux actes de l'état
civil. Ce n'est pas un argument suffisant. Visiblement, l'intention du
gouvernement est de n'attribuer qu'une valeur restreinte à la
cohabitation légale. Sur le plan patrimonial, cette situation sera
difficilement tenable.
Les formes de cohabitation mêmes ne peuvent pas être organisées
par arrêté royal. Il subsiste en outre une ambiguité :
le projet dispose que la déclaration de la cohabitation légale
est inscrite dans les registres de la population, mais, par ailleurs, on
fixe des conditions de fond qui supposent le contrôle des actes de
l'état civil, plus particulièrement le contrôle visant
à savoir si les partenaires sont mariés ou non.
Le groupe VLD du Sénat s'abstiendra lors du vote sur ce projet de
loi. Le VLD se félicite de la bonne intention d'instaurer un système
de cohabitation légale. Nous soutenons en outre un certain nombre
de principes de base du présent projet mais, par ailleurs, nous
avons deux objections fondamentales contre l'approbation du projet. Tout
d'abord, la discrimination fiscale des époux est maintenue.
Ensuite, il y a la publicité insuffisante du système de
l'annotation en marge dans les registres de la population. Nous sommes
convaincus que des adaptations de la réglementation s'avéreront
rapidement nécessaires. Le groupe VLD déposera dès
lors à nouveau ses propositions visant à instaurer un acte
d'état civil sui generis. (Applaudissements.)
M. Vandenberghe (CVP) (en néerlandais). - Ce
projet constitue le prolongement du débat séculaire sur la
question de savoir si le législateur doit instaurer juridiquement
d'autres formes de cohabitation à côté du mariage.
Certains sociologues considèrent ces formes de cohabitation comme
un phénomène nouveau. Elles ne sont toutefois pas nouvelles.
Dans la société, il y a toujours une réalité
juridique et une réalité de fait et la question est de
savoir si l'on doit organiser juridiquement la réalité de
fait.
Dans la conception classique, on soutient une seule forme de cohabitation,
à savoir le contrat de droit privé du mariage. Elle est
soutenue parce que les partenaires sont soumis à certains droits et
devoirs par le régime matrimonial et que cela est bénéfique
à la stabilité des relations sociales.
La question est de savoir s'il faut créer un nouveau cadre légal
lorsque de soi-disant nouvelles formes de cohabitation voient le jour.
Faut-il créer une sorte de mariage de deuxième catégorie
auquel moins de droits et de devoirs seraient attachés ?
On devrait examiner pourquoi un certain nombre de personnes de sexe différent
ne se marient plus. Cette question devient d'autant plus pertinente que le
mariage peut être dissous par consentement mutuel. Le législateur
devrait prêter attention à cette question. Le mariage est
encore discriminé fiscalement, bien qu'on ne puisse pas
sous-estimer les conséquences de la réforme fiscale dans le
cadre de laquelle on a accordé le fractionnement des revenus des époux.
On envisage souvent de ne pas se marier pour des raisons fiscales.
La cohabitation de fait a bien un statut juridique, mais il est
embryonnaire. La jurisprudence reconnaît certains droits à la
cohabitation de fait. Les partenaires qui cohabitent de fait peuvent
conclure des contrats juridiques comparables à ceux des personnes
mariées. A l'époque postmoderne, on ressent comme gênant
de se soumettre à une institution, à un cadre juridique.
Cela signifie que le législateur est confronté à des
problèmes nouveaux. Afin de prévenir un certain nombre
d'abus, surtout dans le domaine du droit relatif au patrimoine, il fallait
trouver une réglementation pour la cohabitation de fait. La réglementation
actuelle est en grande partie une codification de la jurisprudence
existante. Le présent projet ne prévoit pas l'instauration
d'une forme de cohabitation alternative mais offre la possibilité
de régler des conflits qui pourraient surgir. Les textes soumis
sont le résultat d'un compromis politique.
Il a été également question des situations de
cohabitation entre personnes appartenant au même sexe. On a suggéré
d'autoriser le mariage entre personnes appartenant au même sexe.
Plusieurs arrêts rendus par la Cour européenne des droits de
l'homme ont déclaré que le fait de réserver le
mariage à des personnes de sexe différent ne peut être
considéré comme une discrimination.
Je tiens à remercier le rapporteur pour son rapport. Le texte
transmis par la Chambre a été amélioré sur le
plan juridique et technique. Le compromis qui sous-tend le texte a été
sauvegardé, c'est-à-dire que la réglementation proposée
n'entrera en vigueur qu'au moment où il y aura un régime de
neutralité fiscale pour la cohabitation et le mariage.
Des amendements ont été déposés afin de donner
à la cohabitation légale le même statut fiscal que
celui qui prévaut pour le mariage. Nous n'avons pas adopté
cet amendement, parce qu'il crée une nouvelle discrimination. En
effet, la loi ne s'applique qu'à ceux qui font la déclaration
de cohabitation légale et donc n'a aucun effet à l'égard
de tous ceux qui cohabitent de fait. Il y aura donc un avantage supplémentaire
pour ceux qui font du « shopping fiscal »; la déclaration
de cohabitation légale ne sera faite que par ceux qui en tirent un
avantage fiscal. Il s'agit donc d'un encouragement supplémentaire à
la cohabitation de fait.
Le droit se caractérise par la reconnaissance des faits. Il est dès
lors important pour la sécurité juridique qu'il y ait un régime
de droit patrimonial ne portant pas préjudice au mariage. (Applaudissements.)
M. Desmedt (PRL-FDF). - Ce projet de loi me laisse
perplexe. Son objectif est d'assurer un cadre légal et donc une
certaine sécurité juridique à des situations qui ne
sont pas visées par la loi. Il s'agit d'une part de la situation
d'un couple homme-femme qui ne veut ou ne peut se marier et, d'autre part,
celle d'un couple homosexuel. C'est un problème juridique mais
aussi éthique. Il faut malheureusement constater que ce débat
de fond n'a pas eu lieu en commission. On nous incite donc à
approuver un texte qui va trop loin dans son champ d'application puisqu'il
permet la conclusion d'une convention de cohabiation légale avec
effets juridiques entre deux personnes même si elles ne forment pas
un couple dans le sens courant du terme. Il n'existe aucune restriction si
ce n'est de ne pas être marié ou de ne pas être engagé
dans un contrat de vie commune existant. Ainsi, un père et son
fils, un frère et sa soeur, des cousins ou de simples amis peuvent
conclure pareille convention. Il est évident que cela est absurde
et ne répond à aucune demande. De plus, s'il est appliqué,
ce système général de cohabitation conduira à
des imbroglios juridiques.
Le projet suscite également de nombreuses réserves d'ordre
juridique. La déclaration de vie commune aura des conséquences
qui, à de nombreux égards, sont identiques à celles
du mariage et peuvent concerner des tiers. Or, aucun régime sérieux
de publicité n'est mis au point par le projet. Le juge de paix est
rendu compétent pour les conflits éclatant entre cohabitants
et peut ordonner des mesures provisoires et urgentes au cas où
l'entente entre les cohabitants serait « sérieusement
perturbée ». On risque ainsi de soumettre les juges de
paix à des situations bien curieuses.
Par ailleurs, les articles 1477 et 1479, qui font allusion aux enfants,
posent des problèmes réels. S'il s'agit de l'enfant d'un des
cohabitants mais avec lequel l'autre n'a aucun lien légal, le seul
fait de la signature d'un contrat de cohabitation entraîne des
obligations à l'égard de cet enfant. Cela n'est pas logique
et peut entraîner des conflits. On ne voit pas pourquoi un
cohabitant aurait des obligations à l'égard d'un enfant issu
d'un mariage antérieur de son compagnon ou de sa compagne. On voit
encore moins comment un juge de paix pourrait prendre des mesures quant à
la personne et aux biens de cet enfant dont le statut aurait été
réglé antérieurement dans le cadre d'une procédure
de divorce. Les références aux enfants dans ce projet
constituent donc une erreur. Si l'enfant est celui des deux cohabitants,
le droit commun doit d'ailleurs suffire.
Pour qu'un terme soit mis au contrat de cohabitation légale, il
suffira à l'un des contractants de remettre à l'officier de
l'état civil une « déclaration unilatérale
de cessation » et c'est cet officier qui signifiera la cessation
à l'autre partie par exploit d'huissier. Voilà une façon
bien élégante de mettre fin à une telle situation. En
outre, la partie qui signifie la rupture n'est pas tenue de justifier sa décision.
Enfin, l'article 6 précise que le Roi fixera la date d'entrée
en vigueur de la loi. Cela n'est pas sérieux et ne rehausse pas le
prestige du parlement qui vote un texte dont il ne sait même pas
qu'il sera mis un jour en application. Vous comprendrez que je ne peux
donc approuver ce projet. (Applaudissements sur les bancs du VLD).
Mme Jeanmoye (PSC). - En matière de mariage et de
filiation, notre droit civil est le fruit d'un patrimoine culturel et
anthropologique portant sur des repères que les sciences humaines
nous mettent en garde d'évacuer, au risque de porter atteinte à
l'équilibre de notre société. Pour le PSC, toute réforme
touchant au droit des familles ne peut dès lors être
accomplie qu'avec une extrême prudence.
Le PSC votera ce projet qui est le résultat d'intenses négociations
à la Chambre. Il s'inscrit donc dans une démarche positive
de changement, restant très ferme quant à la finalité
de la réforme et à ses limites. Ce projet est un premier
texte imparfait mais qui contient des balises auxquelles nous tenons à
tout prix.
Ce projet ne crée ni « statut », ni « institution »
au sens civil du terme. De plus, il favorise la loi des contrats et les règles
de l'autonomie de la volonté, ce qui est logique pour des couples hétérosexuels
qui n'ont volontairement pas choisi le cadre du mariage.
Les diverses cohabitations ne pourront déroger aux règles du
Code civil pour ce qui concerne l'ordre public. Le projet prévoit
d'assurer le logement de résidence commune, d'instaurer une
indivision des biens qui n'ont pas de caractère propre, de créer
une solidarité des dettes contractées dans l'intérêt
de la cohabitation, enfin de désigner le juge compétent pour
prendre des mesures urgentes et provisoires en cas de décohabitation.
Le projet ne prévoit rien en matières sociale et fiscale. Il
n'entrera en vigueur qu'après un arrêté royal délibéré
en Conseil des ministres et après que les mesures fiscales pénalisant
le mariage seront supprimées. C'est là une condition
fondamentale pour le PSC.
L'examen de ce projet nous procure l'occasion de rappeler qu'on ne peut
modifier les règles de la parenté, de l'alliance et de la
filiation sans risquer de détruire un patrimoine qui structure la
société au plus profond.
Le PSC s'oppose à tout type de mariage spécifique pour les
couples homosexuels. Il s'oppose aussi à ce que ces couples
puissent adopter des enfants. (Applaudissements sur les bancs du CVP.)
M. Raes (Vlaams Blok) (en néerlandais). - La
seule chose positive que l'on puisse dire de cette proposition de loi est
qu'elle constitue une innovation.
Tout a commencé avec la proposition de loi Landuyt-Willems qui
visait à rendre punissable la discrimination des homosexuels. Après
de nombreuses réactions négatives, cette proposition de loi
a été discrètement retirée. Vint ensuite une
proposition de loi instaurant la cohabitation légale qui a été
adoptée à la Chambre. Cette réforme représente
un bouleversement total pour un élément important du droit
civil. On crée une nouvelle institution qui risque de devenir à
court terme un concurrent mortel de l'institution du mariage. On essaie de
nous faire croire qu'il s'agit d'un système uniquement destiné
à régler des cas pratiques. En fait, il s'agit d'une
nouvelle forme de cohabitation officielle avec un partenaire offrant les mêmes
avantages que le mariage sans les responsabilités et les devoirs
que ce dernier implique.
Le choix massif pour la cohabitation est surtout dû à la
grave discrimination dont les personnes mariées font l'objet. On
dit maintenant qu'il est impossible de gommer cette discrimination pour
des raisons budgétaires. Bien qu'il paraisse évident que les
personnes qui signent un contrat de cohabitation soient traitées de
la même façon que les personnes mariées, le CVP et le
PSC, qui sont tout de même supposés défendre le
mariage traditionnel, n'acceptent pas cette évidence.
Le Vlaams Blok n'est pas un parti confessionnel. Dans mon parti, les chrétiens,
les athées et les libres penseurs défendent le même
programme, y compris les points relatifs à la famille. Pour nous,
la forme la plus appropriée de cohabitation est le mariage
institutionnalisé et monogamme, aussi durable que possible, et prêt
à accueillir des enfants en son sein.
M. Vandenberghe (CVP) (en néerlandais). - On ne
peut pas forcer les gens à se marier. Il faut tenir compte des
faits et rechercher des solutions en fonction de ceux-ci. Le sytème
instauré se limite aux aspects patrimoniaux. Fondamentalement, peu
de choses changent.
M. Raes (Vlaams Blok) (en néerlandais). - Les
partis nationalistes sont les défenseurs actifs de la famille
traditionnelle. Nous rejettons toute initiative portant atteinte à
la famille. C'est pourquoi nous voterons contre ces propositions. (Applaudissements
sur les bancs du Vlaams Blok.)
M. Boutmans (Agalev) (en néerlandais). - Cette
proposition appelle de nombreuses questions. Elle témoigne d'une
certaine ambiguïté. Selon le sénateur Vandenberghe, la
proposition offre une réponse à une situation de fait. Cela
n'est pas exact, car les cohabitants doivent se faire enregistrer. Rien
n'est fait pour les nombreuses personnes qui cohabitent sans se laisser
enregistrer.
Il existe une tendance importante à assimiler légalement la
cohabitation durable au mariage. Or, il ne reste pas grand-chose de cette
idée dans la proposition. Cette proposition se réfère
d'ailleurs à un arrêté royal prévoyant un régime
fiscal pour les personnes mariées. Je ne vois pas pourquoi un règlement
fiscal doit être associé à cette proposition minimale.
Cette proposition ne m'enthousiasme donc guère.
M. Van Parys, ministre de la justice (en néerlandais). -
Ce projet trouve son origine dans les propositions de loi
relatives au contrat de cohabitation et à la protection contre la
discrimination, déposées à la Chambre. La discussion
a débouché sur un amendement adopté à une
large majorité.
Cette proposition tient compte de l'évolution de notre société.
M. Vandenberghe a judicieusement fait remarquer que le parlement est
l'endroit tout désigné pour dégager un consensus sur
ce type de problèmes.
Le Sénat a non seulement formulé quelques critiques, mais a également
apporté quelques adaptations juridiques et techniques. J'espère
que la Chambre les approuvera. (Applaudissements.)
M. Desmedt (PRL-FDF). - L'article 6 précise que
la mise en vigueur du projet de loi interviendra suite à un arrêté
délibéré en Conseil des ministres. Un compromis a en
effet été conclu entre les groupes de la majorité qui
lie la mise en vigueur de cette loi à la fin des discriminations au
détriment des couples mariés. Or, au cours du récent
congrès du CVP, le ministre du budget a indiqué que ceci
prendrait des années. Quelles sont donc les intentions du
gouvernement quant à l'entrée en vigueur du projet de loi ?
M. Van Parys, ministre de la justice (en néerlandais). -
La suppression des discriminations fiscales entre couples mariés
et non mariés est un élément important de ce projet
et de l'accord politique à ce sujet. Nous devons examiner dans
quelle mesure il est budgétairement possible, de supprimer ces
discriminations. Il est peu probable que ce soit encore possible en cours
de législature.
- La discussion générale est close.
- Le vote sur l'ensemble aura lieu ultérieurement.
Discusion générale
Mme Merchiers (SP), rapporteuse (en néerlandais). -
Ce projet date d'il y a longtemps et rejoint la proposition de
loi de M. Santkin de décembre 1995. Il vise à exécuter
une des recommandations du rapport général sur la pauvreté.
Ce rapport révèle en effet que le logement est un des problèmes
majeurs des pauvres.
Le projet a été évoqué par le Sénat.
Au cours de la discussion M. Santkin a déposé plusieurs
amendements. Il a fini par retirer sa propre proposition de loi. M.
Lallemand a souhaité que sa proposition de loi soit examinée
séparément.
Le principe de base du projet est, qu'en cas d'expulsion, le greffe ou
l'huissier de justice avertisse le CPAS. Lorsque l'ordre d'expulsion
s'effectue par assignation, l'huissier est tenu de transmettre une copie
au CPAS dans les quatres jours, sauf si le locataire s'y oppose dans les
deux jours. En commission, on a discuté longuement de
l'intervention automatique du CPAS. Finalement, on a décidé
que celui-ci doit prévenir le preneur de son droit de recevoir une
aide. La commission était d'avis que le CPAS ne doit pas intervenir
lorsque le preneur répond aux conditions légales de l'aide
et accepte celle-ci. L'article 6, § 3, a été adapté
dans ce sens.
Un des problèmes soulevé par la proposition Santkin était
l'interdiction de procéder à une expulsion pendant les mois
d'hiver. Les défenseurs de cette proposition renvoient à
l'article 23 de la Constitution et à la volonté d'humaniser
les conditions d'expulsion et d'éviter les situations désespérées.
D'autres commissaires sont d'avis que les propriétaires doivent être
indemnisés au titre de ces obligations complémentaires. On a
donc adapté l'article 4 en mettant l'accent sur la possibilité
pour le locataire d'être relogé dans des conditions ne
compromettant pas l'unité, les ressources financières et les
besoins du ménage, en particulier durant les mois d'hiver.
En tout état de cause, l'huissier doit aviser les locataires ou les
occupants de la date effective de l'expulsion en respectant un délai
de cinq jours ouvrables.
Six amendements ont finalement été adoptés en
commission. (Applaudissements.)
M. Santkin (PS). - Je tiens d'abord à remercier
le rapporteur pour son travail complet et objectif. Je suis particulièrement
heureux que ce projet soit discuté par notre Assemblée. En
effet, le rapport général sur la pauvreté établi
en 1994 a mis ce fléau au centre du débat politique. Ce
rapport élaboré par des personnes directement concernées
par le problème est le document le plus fort de tous ceux qui lui
ont été consacrés, car il met en évidence des
difficultés cruciales que les personnes en situation de pauvreté
vivent quotidiennement. Il définit aussi les priorités à
rencontrer, à savoir l'accès aux soins de santé, le
placement des enfants et l'accès à un logement adapté,
salubre et à prix raisonnable.
Etant à cette époque en charge de l'intégration
sociale, j'ai été rapidement convaincu de la nécessité
et de l'urgence de traduire les propositions contenues dans le rapport en
décisions politiques concrètes. Dès décembre
1995 j'ai déposé une proposition de loi modifiant les
dispositions du Code civil relatives aux baux locatifs, proposition
largement inspirée par la législation française en la
matière et fondée sur l'article 23 de la Constitution qui
prescrit le droit à un logement décent. Cette proposition a
deux principaux buts : compléter la notion de circonstances
exceptionnelles qui justifient la prolongation des baux locatifs en intégrant
l'impossibilité de relogement dans des conditions décentes
et interdire l'expulsion pendant la période hivernale prolongée
jusqu'au 15 mars.
Cette proposition a été amendée en Commission des
affaires sociales en collaboration avec le gouvernement, puis à
nouveau en Commission de la justice. Son parcours s'est arrêté
en séance publique suite à une demande d'avis au Conseil
d'Etat sur le texte de base et lesdits amendements.
L'évocation par le Sénat a permis de rouvrir la discussion
en Commission de la justice.
Le projet initial de l'article 4 n'intégrait pas l'interdiction de
la notion d'expulsion en période hivernale. Quoique convaincu de
l'opportunité d'introduire pareille exception pour donner un signal
fort aux juges de paix, j'ai accepté de cosigner un amendement de
consensus avec M. Erdman.
De l'avis majoritaire, le texte amendé concilie mieux les intérêts
du bailleur et ceux du locataire. J'ai par conséquent retiré
ma proposition de loi mais je persiste à penser que les locataires
sont toujours en position de faiblesse. J'espère que les juges de
paix comprendront la portée symbolique du nouvel article 4.
L'obligation d'informer le CPAS de toute expulsion est un autre élément
positif.
Je regrette toutefois qu'il ait fallu si longtemps pour légiférer.
(Applaudissements.)
M. Desmedt (PRL-FDF). - Bien qu'il vise à
humaniser les procédures d'expulsion faisant suite à une décision
judiciaire, ce projet n'apporte pas de réelles nouveautés.
Il prévoit que si une procédure est engagée devant le
juge de paix, le greffier ou l'huissier de justice devra avertir le CPAS
pour que celui-ci puisse prendre les mesures nécessaires.
L'expulsion ne pourra intervenir qu'un mois après la signification
du jugement et l'huissier devra avertir les occupants de la date de
l'expulsion au moins cinq jours ouvrables à l'avance. Le juge de
paix pourra accorder un délai supplémentaire en cas de
circonstances d'une gravité particulière.
En fait, l'essentiel de ces mesures peut déjà s'appliquer
dans le contexte légal actuel.
M. Swaelen prend place au fauteuil présidentiel
La nouvelle législation n'apporte que deux véritables éléments
nouveaux. L'expulsion ne peut avoir lieu qu'un mois après la
signification et les locataires occupants doivent être avertis de la
date précise de l'expulsion avec un délai de cinq jours
ouvrables.
Il faut cependant regretter que seuls les intérêts des
locataires aient été pris en considération.
L'obligation d'avertir le CPAS dès l'introduction de la procédure
est excessive et imposera un surcroît de travail aux greffiers,
huissiers et CPAS. Il aurait été préférable de
prévoir que cet avertissement ne devait être notifié
que lors du prononcé du jugement.
Ce projet a donc une portée fort limitée mais comme il
s'inspire d'une volonté de concrétiser le droit au logement
et de préoccupations sociales respectables, mon groupe émettra
un vote d'abstention. (Applaudissements sur les bancs du PRL-FDF et
VLD.)
M. Goris (VLD) (en néerlandais). - A la Chambre
des représentants, le groupe VLD s'est abstenu lors du vote sur ce
projet. Le groupe sénatorial du VLD s'abstiendra également
lors du vote sur le texte légèrement modifié.
L'objectif est de renforcer le rôle du CPAS lorsque des locataires
sont expulsés. Le but est d'assurer un logement de remplacement et
de trouver une solution provisoire au problème de l'entreposage des
biens. D'un point de vue social, c'est indubitablement louable. C'est
pourquoi le groupe VLD n'émettra pas un vote négatif.
Toutefois, la réglementation témoigne d'une telle méfiance
à l'égard des juges de paix et le texte fait montre d'un tel
excès de régularisation que notre groupe ne peut pas voter
le projet.
Les administrations des CPAS peuvent s'attendre à une avalanche de
litiges locatifs. Les CPAS sont déjà confrontés avec
une surcharge de travail. Désormais, selon la nouvelle réglementation,
ils doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour venir en
aide au preneur et aux occupants du bien. En commission, on a accepté
l'amendement tendant à ajouter la disposition « dans le
cadre de sa mission légale », mais cela uniquement dans
le but de ne pas empiéter sur les compétences des communautés,
rien ne changeant en ce qui concerne l'essence même du problème.
La nouvelle réglementation nous paraît superflue parce qu'un
locataire menacé peut dès à présent demander
de l'aide au CPAS ou au service social de la commune.
La nouvelle réglementation imposera également une surcharge
inutile de travail aux greffiers vu l'obligation d'informer chaque fois le
CPAS. On ne peut pas oublier que la clause d'expulsion du domicile
figurant dans la requête du bailleur n'est le plus souvent qu'une
formule de style.
De plus, il s'agit en l'occurence d'un principe fondamental qui veut qu'il
ne faut pas aider les personnes contre leur gré. On peut
difficilement attendre d'un CPAS qu'il aide de sa propre initiative
quiconque a besoin d'aide d'une manière ou d'une autre. La personne
menacée d'expulsion doit s'adresser elle-même au CPAS. Par
ailleurs, nous n'avons aucune objection à une bonne campagne
d'information sur les droits des citoyens et plus particulièrement
des plus défavorisés dans notre société.
La procédure d'expulsion témoigne d'une méfiance
injustifiée à l'égard des juges de paix. La législation
actuelle permet de réaliser les objectifs de ce projet. Par
ailleurs, il est dommage que l'on ne dise rien de nombreux petits propriétaires
pour qui le loyer est un complément financier appréciable.
La discussion sur l'amendement de MM. Erdman et Santkin relatif à
l'interdiction d'expulsion durant les mois d'hiver est inutile. En effet,
le premier texte prévoyait une mesure spéciale en cas de « circonstances
d'une gravité particulière ». Nous sommes d'accord
sur le respect, par l'huissier, d'un délai de cinq jours.
Ce projet témoigne d'une surréglementation. Il provoquera un
surcroît de travail pour les greffes et les administrations de CPAS,
qui n'en ont vraiment pas besoin. Le VLD s'abstiendra. (Applaudissements.)
M. Bourgeois (CVP) (en néerlandais). - Je
remercie le rapporteur. Je salue la volonté de M. Santkin de protéger
les locataires. Toutefois, son amendement relatif à l'interdiction
d'expulsion durant les mois d'hiver était inutile, puisque les
statistiques montrent que les expulsions sont de plus en plus rares. Selon
le rapport général sur la pauvreté, l'expulsion est vécue
comme une humiliation publique. De plus, pour les plus démunis, la
justice est un monde étranger et menaçant. C'est la raison
pour laquelle il faut dégager davantage de moyens afin d'éviter
qu'à l'avenir une famille puisse encore se retrouver dans la rue.
Le projet vise à améliorer les conditions d'encadrement et
de prise en charge de l'intéressé et règle la procédure
d'expulsion. Désormais, le CPAS doit être averti. Il peut
alors prendre toutes les mesures nécessaires pour venir en aide aux
locataires, qu'il devra reloger. L'obligation d'avertir le CPAS, sauf
opposition de l'intéressé, est un premier pas vers
l'humanisation des conditions d'expulsion.
Désormais, on ne peut procéder à l'expulsion qu'un
mois, au plus tôt, après notification du jugement. Le délai
peut également être modifié. Il va de soi que le juge
tiendra compte des intérêts des deux parties. Il faut éviter
de protéger excessivement le preneur au détriment du
bailleur. C'est la raison pour laquelle nous avons rejeté
l'amendement visant à interdire l'expulsion pendant les mois
d'hiver.
Etant donné que ce projet répond aux mesures préconisées
dans le rapport général sur la pauvreté, le CVP le
votera avec conviction. (Applaudissements.)
Mme Delcourt-Pêtre (PSC). - Il était urgent
d'intervenir en matière d'expulsion locative car le rapport général
sur la pauvreté avait dressé un état alarmant de la
situation. De plus, il n'est décemment par permis de ne pas
disposer de textes législatifs protégeant le locataire
soumis au risque d'être jeté à la rue dans n'importe
quelle condition. Le projet de loi vient donc combler cette lacune.
Il a cependant fallu concilier les intérêts diamétralement
opposés des preneurs et des bailleurs.
Tout en restant attentifs au respect des droits de l'homme, nous avons
examiné les effets pervers que pouvait entraîner une
proposition qui ne tiendrait pas compte des intérêts des
bailleurs. Les propriétaires n'allaient-ils pas tenter de minimiser
leurs risques en ne louant qu'à des personnes aisées ?
Accepteraient-ils encore que les petits locataires constituent leur
garantie locative en plusieurs mois ?
L'idée de créer un fonds chargé de garantir les
bailleurs aurait pu constituer une solution intéressante mais
posait des problèmes de financement. En prévoyant qu'il sera
sursis à toute mesure d'expulsion durant le mois qui suit la
signification du jugement, le projet apporte une garantie au locataire. De
plus, le juge de paix pourra toujours réduire ou prolonger ce délai
en fonction des circonstances qu'il viendrait rencontrer tant dans le chef
du preneur que dans celui du bailleur.
La force du texte est de ne prévoir aucun mécanisme absolu
et donc de laisser une grande latitude au juge de paix.
Bien entendu, il faudrait parvenir à ce que plus aucune expulsion
ne soit pratiquée. Aujourd'hui, nous pouvons veiller à ce
qu'en cas d'expulsion, la loi atténue la sévérité
de la procédure puisque le CPAS sera de toute façon avisé
de la demande d'expulsion. Il sera dès lors mieux armé pour
venir en aide au preneur et aux occupants du bien.
Comme les CPAS, je crains que cette disposition n'augmente encore le
travail des CPAS. Il aurait pu être intéressant de déléguer
une partie de la mission à des organismes de défense du
droit au logement en permettant qu'ils agissent à la demande des
locataires et avant que les CPAS ne soient saisis. Un amendement de Mme
Jeanmoye a été repoussé par la commission. C'est
regrettable car l'intervention du monde associatif aurait été
intéressante. La commission estime qu'il ne faut pas multiplier le
nombre d'intervenants.
Malgré ce regret, j'estime que ce projet pourra contribuer à
humaniser les procédures d'expulsion. Le PSC le votera avec
conviction. (Applaudissements sur les bancs de la majorité.)
M. Van Parys, ministre de la justice. - Je remercie Mme
Merchiers pour son excellent rapport. Ce débat vient en point
d'orgue d'un processus qui a commencé avec le dépôt
d'une proposition par M. Santkin en 1995. Je tiens à rendre hommage
à ce sénateur pour son engagement social, ferme et
volontaire. Je me réjouis aussi de l'engagement social des membres
de la commission.
(Poursuivant en néerlandais.)
La fusion de la proposition de loi Santkin et du projet de loi qui avait été
déposé à la Chambre a été réalisée
de manière appropriée par le Sénat. Le projet apporte
une solution au problème de l'expulsion. Le texte de la Chambre a été
sensiblement amélioré.
Les CPAS sont avertis au stade le plus précoce. Moyennant une bonne
organisation, ils ne devraient pas avoir de problème pour remplir
cette nouvelle mission. On attend du juge de paix qu'il prête une
attention spéciale à certains cas. Les huissiers de justice
se voient conférer une mission spécifique d'information.
J'espère qu'un large consensus pourra être atteint sur ce
projet au Sénat. (Applaudissements.)
- La discussion générale est close.
- Le vote sur l'ensemble aura lieu ultérieurement.
Discussion générale
M. Goris (VLD), rapporteur (en néerlandais). - La
directive européenne vise à harmoniser les différentes
législations nationales relatives à la protection juridique
des bases de données.
Le droit d'auteurs protège la créativité de l'auteur
d'une base de données. Une protection spécifique est en
outre nécessaire pour les producteurs de bases de données
parce que la réalisation et la commercialisation d'une telle base
requièrent d'importants investissements. Le droit d'auteur ne
s'applique pas en l'occurence parce que le critère d'originalité
n'est pas applicable aux bases de données. Le droit en matière
de concurrence déloyale et la théorie de la concurrence
parasitaire n'offrent pas davantage de solution dans ce cas.
Le projet recherche un équilibre entre les droits des productions
de bases de données et l'intérêt public.
En réponse à une question concernant la procédure à
suivre pour la protection d'une base de données, le ministre répond
qu'il n'y a pas de formalités : ni l'enregistrement, ni le dépôt
de la base de données ne sont requis.
Le producteur et l'auteur d'une base de données bénéficient
de droits différents, mais les deux parties sont protégées
dans le projet de loi.
L'annuaire téléphonique sera protégé contre un
usage impropre par le droit du producteur.
Le prêt public ne relève pas du droit d'extraction ni du
droit de réutilisation pour ce qui concerne le droit des
producteurs de bases de données.
En ce qui concerne le droit d'auteur, les bibliothèques publiques
auront la possibilité de prêter des bases de données.
Les notions de volet substantiel et non substantiel du contenu d'une
banque de données ont été reprises de la directive
européenne. Ces notions ont été prévues afin
d'éviter une trop grande protection pour les fournisseurs de
banques de données.
En ce qui concerne le moment de l'entrée en vigueur du droit dans
le chef des fournisseurs des banques de données, les dispositions
qui s'appliquent sont celles du droit commun.
A la suite d'une modification de l'article 42 de la loi du 30 juin 1994,
la Commission ne sera plus présidée par un magistrat mais
par un représentant du ministère compétent en matière
de droits d'auteur. Un membre de la Commission estime que la présence
d'un magistrat offre une meilleure garantie d'impartialité. Le
ministre répond qu'il tient compte de la sorte de certaines
remarques formulées par la magistrature.
Le premier projet de loi bicaméral a été adopté
à l'unanimité. Le deuxième projet de loi évoqué
a été adopté par 10 voix et 2 abstentions.
Ces projets visent à mieux protéger les auteurs et
producteurs de banques de données. Deux droits sont en jeu. D'une
part, il y a le droit de l'auteur de voir sa créativité protégée
et, dans ce cas, les règles du droit d'auteur sont d'application
et, d'autre part, il y a le droit de protection de l'investissement. Eu égard
à la faible protection juridique des banques de données, on
ne peut que soutenir cette réglementation. C'est ce que nous
faisons. L'important est que l'on ait veillé à garantir un équilibre
entre les intérêts des producteurs, d'une part, et l'intérêt
général, d'autre part. A cet égard, des dérogations
en matière d'accès aux données ont été
prévues pour l'enseignement et la recherche scientifique.
Toutefois, nous ne pouvons accepter que l'on profite de la transposition
d'une directive européenne pour modifier l'article 42 de la loi du
30 juin 1994 relative au droit d'auteur. On propose que la commission ne
soit plus présidée par un magistrat mais par un représentant
du ministre compétent. Nous plaidons pour le maintien d'un
magistrat à la tête de cette commission, parce qu'il offre
davantage de garanties de neutralité. Les décisions de la
commission ne sont pas des décisions d'arbitrage mais acquièrent
force contraignante à l'égard de tiers par arrêté
royal. Les problèmes pratiques, qui découlent des difficultés
auxquelles le tribunal de Bruxelles est confronté, ne justifient
pas une modification de cette réglementation. Je demande que l'on désigne
un magistrat à la tête de cette commission, par le biais du
chef de corps du tribunal de première instance de Bruxelles.
Nous déposons à nouveau un amendement visant à
supprimer l'article 24. S'il n'est pas adopté, nous nous
abstiendrons lors du vote.
M. Bourgeois (CVP) (en néerlandais). - Nous
vivons de plus en plus dans une société de l'information. Il
appartient donc aux pouvoirs publics de concilier les intérêts
des producteurs, d'une part, et ceux des utilisateurs et l'intérêt
général, d'autre part, en se fondant sur le droit d'auteur.
Toutefois, pour les banques de données, ce n'est pas évident
car, le plus souvent, le critère de l'originalité n'est pas
rempli. C'est la raison pour laquelle, en exécution d'une directive
européenne, un nouveau droit est instauré afin de garantir
une protection spécifique aux producteurs de banques de données.
L'intérêt général n'a pas été
oublié, puisque des exceptions ont été prévues,
entre autres, pour l'enseignement et la recherche scientifique.
Du côté des producteurs, on se demande si ces exceptions ne
sont pas trop larges. Vaudront-elles également pour les cours privés
et les formations au sein des entreprises ? Le ministre peut-il
fournir une réponse précise à cette question ?
Un autre problème a trait à la rémunération de
l'accès aux données. A cet égard, le projet prévoit
une commission à instituer par le Roi. Or, nous savons par expérience
que, dans ce domaine, les négociations peuvent durer longtemps. Le
ministre en est-il conscient ? Estime-t-il possible de procéder
à une révision de la rémunération ?
En dépit des remarques précitées, le CVP votera les
projets.
M. Van Parys, ministre de la justice. - Le projet de loi
a pour objet de transposer en droit belge la directive européenne
du 11 mars 1996 relative à la protection juridique des bases de
données. Il s'agit d'harmoniser les différentes législations
en vigueur au niveau national, de rendre certaines règles du droit
d'auteur applicables aux bases de données et d'instaurer un nouveau
droit pour protéger l'investissement réalisé par les
producteurs de bases de données.
(Poursuivant en néerlandais.)
Le projet vise à un équilibre entre les intérêts
des producteurs et l'intérêt général. C'est
pourquoi des exceptions contraignantes, compensées par une rémunération
sont prévues pour l'enseignement et la recherche scientifique.
A M. Bourgeois, je puis répondre que l'article 21 définit
clairement les institutions pouvant bénéficier des
exceptions. On peut en conclure que les formations internes à une
entreprise sont excluse de ces exceptions. Le droit à une rémunération
existera dès l'entrée en vigueur de la loi.
Je demande le rejet de l'amendement de M. Goris. Il ne faut pas toujours
faire appel à la magistrature qui est déjà débordée.
D'autres représentants peuvent également être
objectifs et indépendants. En outre, il y a toujours le contrôle
du parlement.
J'espère que le Sénat votera les deux projets. (Applaudissements.)
- La discussion générale est close.
Discussion des articles
- Les articles du premier projet (doc. n° 1-1050) sont adoptés
sans observation.
- Le vote sur l'ensemble aura lieu ultérieurement.
M. le Président. - Nous devons examiner à
présent l'amendement au deuxième projet (doc. n°
1-1049).
A l'article 24 :
A l'article 42 de la même loi sont apportées les
modifications suivantes :
1° dans l'alinéa 3, remplacer les mots « présidée
par un magistrat désigné par le président du tribunal
de première instance de Bruxelles » par les mots « qui
siège au complet ou en sections spécialisées et est
présidée par le représentant du ministre compétent
pour le droit d'auteur »;
2° l'alinéa 4 est remplacé par l'alinéa suivant :
« Cette commission siège au complet ou en sections spécialisées
dans un ou plusieurs secteurs d'activité. Chaque section est présidée
par le représentant du ministre compétent pour le droit
d'auteur et compte un nombre égal de personnes désignées
par les sociétés de gestion des droits et de personnes désignées
par les organisations du ou des secteur(s) d'activité concerné(s)
débiteur(s) de la rémunération »;
3° dans l'alinéa 7, insérer les mots « qui siège
au complet ou en sections spécialisées » entre les
mots « La commission » et « détermine »;
4° dans l'alinéa 8, insérer les mots « qui siège
au complet ou en sections spécialisées » entre les
mots « La commission » et « décide »;
5° entre l'alinéa 9 et l'alinéa 10, insérer
l'alinéa suivant :
« Le Roi peut établir les modalités de
fonctionnement et d'organisation de la commission »;
6° l'alinéa 10 est remplacé par l'alinéa suivant :
« Les décisions de la commission sont, par arrêté
royal, rendues obligatoires à l'égard des tiers. Le ministre
ayant le droit d'auteur dans ses attributions peut refuser de proposer au
Roi de rendre une décision obligatoire au motif qu'elle contient
des dispositions manifestement illégales ou contraires à
l'intérêt général. Il en fait connaître
les motifs à la commission. »
M. le Président. - MM. Goris et Desmedt ont déposé
un amendement (n° 1) tendant à supprimer cet article.
- Le vote sur l'amendement est réservé.
Discussion générale
M. Mahoux (PS), rapporteur. - Le projet qui vous est
soumis a été adopté par la Chambre des représentants
le 15 janvier de cette année et a fait l'objet d'une évocation
par le Sénat.
Il comporte un volet de santé publique et un autre de politique répressive.
Seul ce dernier volet a fait l'objet d'amendements.
La loi actuelle prévoit que le juge peut ordonner la fermeture d'établissements
où les infractions aux dispositions sur les stupéfiants ont été
commises. Il s'agit là d'une peine accessoire et à caractère
personnel aisément contournable puisqu'il suffit de changer de nom
pour pouvoir rouvrir l'établissement. C'est la raison pour laquelle
le projet ajoute au caractère personnel de la peine un caractère
réel.
La disposition a soulevé plusieurs questions. Aucun critère
ne figurant dans le texte concernant le danger social, il était
possible de fermer un établissement avec lequel le condamné
n'avait pas le moindre lien et dans lequel il se trouvait par hasard.
L'exploitant non coupable d'une infraction mais dont l'établissement
était fermé n'était pas appelé à la
cause et ne pouvait donc faire valoir ses arguments. Ceci posait par conséquent
le problème de la détermination des voies de recours du
propriétaire. Enfin, dès que la peine avait un caractère
réel, il fallait éviter de léser les droits de tiers
cessionnaires qui auraient acquis le bien en méconnaissance de
l'interdiction frappant celui-ci.
Les débats en commission ont été longs et très
techniques.
Le projet amendé prévoit un critère particulier,
l'existence de circonstances concrètes graves, sur base duquel le
juge doit motiver sa décision. Lorsque le propriétaire ne
fait pas l'objet de poursuites, la fermeture ne pourra être ordonnée
que s'il est cité en intervention par le ministère public.
La citation devra être transcrite à la conservation des
hypothèques et la décision rendue mentionnée en marge
de la transcription.
La commission résoud ainsi une question qui était problématique
au regard de la garantie des droits de la défense en matière
pénale et de l'exigence d'une publicité adéquate pour
garantir l'exécution de bonne foi des contrats de cession de biens
immobiliers.
Le PS considère ce projet de loi comme important, non seulement
d'un point de vue juridique mais aussi du point de vue de la santé
publique. En effet, la politique de réduction des risques est un élément
essentiel d'un dispositif qui vise autant à réintégrer
le toxicomane dans la société qu'à maîtriser le
danger sanitaire qu'il peut représenter.
La distribution de seringues est une mesure importante en terme de santé
publique et elle peut aussi avoir de effets positifs sur la santé
du consommateur de drogues en valorisant une politique de contact avec lui
et en ne l'enfermant pas dans un échec. C'est pourquoi elle prend
place dans une politique générale d'assistance aux
toxicomanes.
Je me réjouis donc du vote de ce projet. (Applaudissements sur
tous les bancs.)
M. Vandenberghe (CVP) (en néerlandais). - Je
remercie M. Mahoux pour son excellent rapport.
Le projet de loi qui nous est soumis contient deux mesures distinctes. Il
permet en premier lieu à un toxicomane d'obtenir des seringues
gratuites dans les pharmacies. Cette mesure est inspirée par un
souci de santé publique. On espère ainsi réduire le
risque de transmission de certaines maladies contagieuses comme le sida et
l'hépatite. Bien qu'elle remédie en rien aux problèmes
de la toxicomanie, il s'agit quand même d'une bonne mesure. En
mettant en place un système d'échanges de seringues, on réduit
le risque de voir des seringues utilisées par des toxicomanes
abandonnées par exemple en rue ou dans les parcs.
La deuxième mesure concerne la fermeture des débits de
boissons ou établissements similaires où des drogues sont
vendues ou utilisées. Dorénavant, cette fermeture sera également
possible lorsque le propriétaire ou l'exploitant de cet établissement
n'est pas impliqué lui-même dans les faits. La modification était
nécessaire parce que la Cour de cassation a estimé que la
fermeture ne peut toucher une autre personne que si la loi le prévoit
expressément. Ce point a largement été discuté
en commission.
Le texte a été amélioré en ce qui concerne
d'une part les possibilités de prendre la mesure et d'autre part la
procédure à suivre. Lorsque l'intéressé n'est
ni le propriétaire ni l'exploitant du débit de boissons ou
de l'établissement en question, la fermeture ne pourra être
ordonnée que si la gravité des circonstances l'exige. Ceci
signifie que le juge devra toujours concrètement vérifier si
les faits sont suffisamment graves pour justifier la fermeture. En effet,
la fermeture vise en premier lieu à protéger la société.
Lorsque le propriétaire ou l'exploitant n'est pas concerné
par les faits, il n'est pas coupable; dès lors, la fermeture ne
peut pas être considérée comme une sanction.
Sur le plan des procédures, il a été prévu que
le ministère public doit citer le propriétaire ou
l'exploitant s'il réclame la fermeture. Ceci offre l'avantage que
celui-ci peut avancer ses arguments contre la fermeture réclamée
et que le jugement lui sera opposable. Une autre amélioration est
la transcription de la citation devant le tribunal correctionnel à
la conservation des hypothèques.
Une approche globale du problème de la drogue s'impose. Cette
approche doit réduire autant que possible l'utilisation de la
drogue. Au nom de mon groupe, j'insiste sur la nécessité
d'un règlement légal en ce qui concerne le traitement de
toxicomanes par des produits de substitution, tels que la méthadone.
Des initiatives comme à Liège, ne pourront être prises
lorsqu'il y a un cadre légal. En attendant ce cadre légal,
mon groupe votera ce projet de loi avec conviction.
Mme Delcourt-Pêtre (PSC). - Nous ne pouvons qu'être
d'accord avec les objectifs de santé publique poursuivis par ce
projet de loi. Si nous avons voulu évoquer ce texte, c'est en
raison de son volet judiciaire. Le texte, tel que transmis par la Chambre,
entendait en effet permettre au juge d'ordonner la fermeture temporaire
d'un établissement dans lequel se seraient commises certaines
infractions, même si le propriétaire ou l'exploitant de cet établissement
ne s'était rendu coupable de l'infraction, ni comme l'auteur, ni
comme co-auteur, ni comme complice. Des mesures à caractère
pénal pouvaient donc être appliquées à des
personnes qui pouvaient, de bonne foi, avoir ignoré totalement les
faits constitutifs de l'infraction. Les inconvénients de
l'application d'un tel système auraient été nombreux.
Le caractère discrétionnaire du pouvoir de décision
du juge créait une insécurité juridique. La fermeture
de nombreuses écoles et de presque toutes les gares était
rendue théoriquement possible. Le propriétaire où
l'exploitant non coupable de l'infraction aurait vu sa condamnation
inscrite dans son casier judiciaire, sans même avoir eu l'occasion
de se défendre, étant tiers par rapport au procès pénal
principalement dirigé contre l'auteur de l'infraction.
Le texte actuel du projet de loi permet au juge d'ordonner la fermeture
d'un établissement mais à titre de peine accessoire
personnelle, conformément aux principes généraux du
droit pénal, donc uniquement si le condamné est le propriétaire
ou l'exploitant. Il suffit dès lors de changer le nom de
l'exploitant pour pouvoir rouvrir l'établissement. Or, selon le
ministre dans l'esprit de la loi actuelle, la mesure doit viser l'établissement
lui-même. En commission, j'avais déposé un amendement
qui permettait de considérer la fermeture d'un établissement
comme une mesure de sûreté et non plus comme une peine.
Lors des débats en commission, certaines choses ont pu être
précisées comme la nature de l'établissement visé,
l'exigence de la citation en intervention du propriétaire ou de
l'exploitant et la publicité de la mesure de fermeture grevant l'établissement,
par la transcription de la citation et de la décision rendue à
la conservation des hypothèques.
Le texte tel que présenté aujourd'hui est équilibré,
y compris dans son volet judiciaire. Il n'est cependant peut-être
pas souhaitable, à l'avenir, de tenter de poursuivre, dans un même
texte, à la fois des objectifs de santé publique et des
objectifs judiciaires. Néanmoins, nous voterons bien entendu ce
projet de loi. (Applaudissements sur les bancs de la majorité.)
M. Verreycken (Vlaams Blok) (en néerlandais). - Le
présent projet règle en premier lieu la politique de
fermeture pour les débits de boissons et les dancings de mauvaise
foi. J'espère que les modifications que la commission a cru devoir
apporter au projet de la Chambre ne compliqueront pas la procédure
de fermeture. Les réglementations compliquées cachent
souvent des échappatoires. Récemment, le professeur Walter
Van Gerven a plaidé dans le journal De Standaard pour un
langage clair et transparent en matière juridique.
Le projet règle également la distribution de seringues et la
mise à disposition, sans frais, de succédanés pour la
drogue. Nous venons d'apprendre aujourd'hui que la ville de Liège a
l'intention de distribuer, sans frais, des doses d'héroïne à
des drogués pendant une période d'essai de deux ans. La
ville de Liège ignore totalement le présent projet de loi.
J'ai l'impression que l'on prartique ici la politique du saucissonnage.
D'abord, on plaide pour la légalisation des drogues douces.
Ensuite, paraît la circulaire accordant la plus faible priorité
à la poursuite des consommateurs de drogues.
Maintenant, il y a l'échange gratuit des seringues. La dernière
étape sera la fourniture gratuite de drogues. Il n'appartient pas
aux pouvoirs publics de donner des signaux erronés aux toxicomanes.
Le Vlaams Blok émettra dès lors un vote négatif. (Applaudissements
sur les bancs du Vlaams blok.)
M. Boutmans (Agalev) (en néerlandais). - Nous
voterons ce projet. En ce qui concerne les mesures de fermeture, la loi de
1975, visait à empêcher de frapper des personnes autres que
le propriétaire ou l'exploitant. La Cour de cassation a jugé
à juste titre que la fermeture ne peut frapper une personne autre
que le condamné que si la loi l'autorise explicitement. L'ajout
apporté par le présent projet de la loi est dès lors
utile.
En ce qui concerne l'échange des seringues, j'avais déjà
insisté à Anvers pour qu'on poursuive le projet pilote.
J'espère que l'arrêté d'exécution mentionnera
non seulement les pharmacies, mais également d'autres établissement
auxquels les toxicomanes peuvent s'adresser.
En matière de prescriptions de substitution, la loi de 1975 a
permis une modification importante. Les abus lors de la prescription de
stupéfiants sont devenus punissables. Selon moi, le médecin
qui prescrit de l'héroïne à titre de thérapie
n'enfreint pas la loi. Une loi qui le précise clairement serait néanmoins
utile.
- La discussion générale est close.
- Le vote sur l'ensemble aura lieu ultérieurement.
LA SITUATION EN ASIE D'AVRIL 1996 A MARS 1998
Discussion
Mme Willame-Boonen (PSC), rapporteuse. - Durant la période
de 1996 à 1998, l'Asie a subi de multiples changements rapides et
imprévisibles. Les travaux de la commission sont divisés en
deux périodes : avant la crise financière de juillet
1997 et de cette crise à mars 1998.
En 1996, la commission a examiné la note du gouvernement concernant
le défi asiatique. Elle a aussi entendu le ministre des affaires étrangères,
le ministre du commerce extérieur et le secrétaire d'Etat à
la coopération et au développement. Après la crise,
de janvier à mars 1998, pour compléter son information, la
commission a procédé à de nouvelles auditions. Elle a
conclu ses travaux en mars 1998. Depuis, la situation a évolué
en Indonésie où le président a démissionné,
le yen subit de nombreuses fluctuations et l'Inde et le Pakistan ont réalisé
des essais nucléaires.
La note du gouvernement concernant le défi asiatique nous annonçait
un 21e siècle centré sur le Pacifique où l'économie
affichait une croissance à laisser rêveurs tous les Européens.
L'Asie offre des débouchés considérables mais elle
constitue aussi un concurrent redoutable. De plus, les pays asiatiques émergent
comme acteurs sur la scène mondiale en proposant des options
d'organisation politique, de développement social et de rapport
entre l'individu et la communauté différents de ceux de
l'Occident.
Le gouvernement proposait de fonder sa politique par le renforcement du
dialogue, de préférence multilatéral, avec les autres
pays européens. Ce dialogue aurait comme objets la sécurité
collective, l'accroissement du commerce et le développement économique
et social. Il propose de saisir toutes les opportunités économiques
d'une zone dont la croissance du produit national brut est le triple de
celle observée en Europe. La coopération au développement
économique doit être renforcée car l'Asie montre une
grande diversité dans les niveaux de développement.
La moitié des pauvres du monde vivent en Asie du Sud. Le
gouvernement propose d'intensifier la coopération rurale et celle
qui vise à stabiliser les droits de l'homme et la démocratie.
Son objectif principal est d'accroître l'intérêt pour
l'Asie.
Dans on exposé du 24 avril 1996, le ministre des affaires étrangères
rappelait que les relations principales entre la Belgique et l'Asie sont
surtout économiques.
La présence belge doit favoriser l'équilibre entre la sécurité,
le respect des droits de l'homme et le progrès social. L'Asie est
d'ailleurs à la recherche d'un nouvel équilibre. La
situation est instable. Il y a des conflits potentiels dans de nombreux
pays. Cependant, avec l'ASEAN et l'APEC les pays asiatiques commencent à
pratiquer les relations multilatérales. Depuis la fin de la guerre
froide, il faut constater qu'il existe sur ce continent des régimes
autoritaires durs, moins durs, des régimes communistes et des régimes
assez démocratiques.
Au niveau économique, la part de l'UEBL dans les exportations vers
l'Asie a augmenté de 10 % mais reste inférieure au
niveau de croissance des exportations des Etats de l'Union européenne.
Nos exportations concernant essentiellement le diamant, nos importations
se concentrent dans les domaines du textile et de l'électronique.
En conclusion, nous devrions porter à l'Asie un intérêt
accru et renforcer les postes diplomatiques. Un choix s'impose en ce qui
concerne les droits de l'homme, pour déterminer si nous en faisons
un problème principal et restons absents de la région ou si
nous entamons une politique de présence pour développer un
dialogue constructif.
Les points essentiels abordés lors de l'échange de vues
entre les commissaires et le ministre ont été les questions
des droits de l'homme et des aspects sociaux, du défi économique
de l'Asie qui implique une compétition entre l'Europe et les USA
pour la conquête des marchés et une compétition entre
l'Europe et l'Asie pour la fourniture de services, des défis
militaires de la diversité du continent asiatique et une absence de
cohérence du commerce extérieur, liée à la
structure fédérale de la Belgique.
J'en viens à l'exposé du secrétaire d'Etat à
la coopération au développement, le 18 juin 1996.
Le secrétaire d'Etat a relevé les quatre piliers sur
lesquels repose la politique de coopération belge en Asie.
Le premier pilier est le déploiement d'activités de développement
pertinentes qui touchent les couches les plus pauvres de la population.
Le deuxième pilier concerne le respect des droits de l'homme et
notamment des droits sociaux qui doivent être encouragés par
un système de discrimination positive.
Un troisième pilier réside dans la concentration de l'aide
au niveau géographique (Philippines et région du Mékong)
et sectoriel.
Le quatrième pilier consiste à stimuler les exportations des
entreprises belges qui sont pertinentes pour le développement et
des investissements dans des zones instables via la création d'un
fonds de garanties. Un développement économique qui ne se
traduit pas par une amélioration des conditions de vie de la
population ne constitue pas un élément positif.
La discussion en commission a porté sur le statut des Philippines,
pays intermédiaire qui occupe la centième place dans le
classement du développement humain mais dont le ministre a souligné
la capacité d'absorption particulièrement performante, sur
la diplomatie préventive et les moyens d'appliquer ce concept à
l'Asie, sur le travail des enfants, problème particulièrement
complexe car il n'y a pas de substitut aux revenus qu'ils procurent, et
sur la cohérence entre la politique de coopération au développement
et celle du commerce extérieur.
Le ministre du commerce extérieur a fait en date du 4 décembre
1996 un exposé dans lequel il soulignait le nombre d'opportunités
offertes par l'Asie aux entreprises belges. La discussion qui a suivi
semble hors de propos depuis la crise de l'été 1997.
Cette crise nous a amené à actualiser notre information pour
déterminer si l'approche politique de la Belgique doit être
remise en cause.
Après avoir été pendant vingt ans un modèle de
stabilité et de prospérité, l'Asie est entrée
au début de l'année 1997 dans une crise dont l'origine peut être
recherchée dans la surchauffe de l'économie, les failles du
système financier, une compétitivité à la
baisse, un manque de transparence et des pratiques économiques peu
orthodoxes. La décision que le gouvernement thaïlandais a
prise le 2 juillet 1997 de laisser flotter sa monnaie a mis le feu aux
poudres dans toute la région. La commission a entendu de nombreux
experts pour examiner les origines et les causes de la crise, ses effets
et les remèdes possibles, les conséquences pour la Belgique
et les pistes pour l'avenir.
Le défaut de structures de protection sociale a eu des effets très
lourds sur les populations locales et s'est parfois soldé par des
adaptations des régimes politiques. En guise de remède, le
FMI qui n'avait absolument pas anticipé la crise, a exigé la
fermeture d'institutions de crédit non performantes, une
transparence accrue des systèmes financiers et leur ouverture à
l'extérieur ainsi qu'une meilleure surveillance des flux
financiers. Certains pays asiatiques ont reproché un manque de
solidarité aux pays européens. Ce reproche qui parait non
fondé trouve son origine dans un défaut de relations
publiques.
Une baisse de croissance de 0,4 % est prévue en Europe en conséquence
de la crise asiatique. Dans la mesure où les pays de l'ASEAN et la
Corée ne représentent que 2 % des exportations belges
les effets pour la Belgique, ne devraient pas être trop marqués.
Une politique de présence est essentielle pour assurer la confiance
des partenaires asiatiques. La crise offre de nouvelles opportunités
à nos entrepreneurs, envers lesquels les ministres des affaires étrangères
et du commerce extérieur ont indiqué qu'ils comptaient faire
un effort particulier d'information.
Pour l'avenir, la crise asiatique a montré que le FMI doit développer
des instruments de surveillance nationale et veiller à ce que les
statistiques financières soient fiables. En matière de prévention
des crises monétaires internationales, il serait utile d'améliorer
la transparence économique, de renforcer la coopération avec
le FMI, la surveillance des marchés financiers, la supervision
bancaire et le contrôle prudentiel. La crise a aussi montré
la nécessité absolue de développer les filets de sécurité
sociale. Le directeur du BIT a transmis à cet égard un
rapport circonstanciel qui figure en annexe du rapport.
Le continent asiatique constitue le défi essentiel du XXIe siècle
pour l'Europe et la Belgique. Pour le relever, le gouvernement a défini
une stratégie intégrée de son approche diplomatique, économique
et de coopération au développement.
La crise a rendu la situation plus complexe. Elle a ébranlé
les certitudes de voir se développer rapidement en Asie un nouvel
Eldorado.
L'essentiel est la discussion qui suivra ce rapport. (Applaudissements.)
M. Vautmans (VLD) (en néerlandais). - Tout
d'abord, je félicite le rapporteur pour le volumineux rapport qu'il
a rédigé concernant le débat sur l'Asie. Il me
permettra d'être bref.
La commission a entamé ce débat à la suite de la note
du gouvernement « Belgique et Asie : défis et
perspectives ». Durant nos travaux, l'Asie a été
frappée par une crise financière. La majeure partie du
rapport est dès lors consacrée à la crise financière
et monétaire en Asie du Sud-Est.
Durant la période considérée, j'ai effectué
deux visites en Asie. La première fois, j'accompagnais en tant que
président de la Commission des affaires étrangères
une délégation de cette dernière lors d'un voyage d'étude
au Vietnam et au Cambodge. Durant l'année écoulée,
j'ai également effectué une visite en Chine sous la
direction du président du Sénat. Je déplore que les
rapports concernant les voyages d'étude ne figurent pas dans le présent
rapport.
Au cours de ces deux voyages, j'ai très clairement perçu les
grandes différences d'évolution dans ce continent. Il n'est
dès lors pas évident de mener un débat sur l'Asie.
Durant la visite en Chine, j'ai constaté que ce pays progresse très
rapidement et que la Belgique y est très estimée. Les
joint-ventures sont parmi les plus rentables sur place. Il est frappant de
constater que, durant le voyage, nous n'avons pu visiter que les réussites.
Je déplore que nous n'ayons pas pu visiter des équipements
sociaux comme les écoles et les hôpitaux. L'Asie recèle
de nombreuses potentialités. La Belgique doit veiller à
intensifier ses relations avec ce continent en poursuivant le dialogue, en
encourageant les investissements bilatéraux et en renforçant
sa coopération au développement. Elle doit saisir les
chances que lui offre ce continent sur le plan économique. (Applaudissements.)
Mme Mayence-Goossens (PRL-FDF). - Je ne vois pas
pourquoi nous discutons ici de ce rapport alors qu'on en a suffisamment débattu
en commission. Il est certes substantiel mais je n'y trouve aucune trace
d'une stratégie. Il s'agit d'une somme de réflexions, de
compilations de débats parlementaires dont aucune conclusion
politique n'est tirée. Alors que l'idée de ce rapport est
venue d'un voyage parlementaire, il n'y est pas fait référence.
C'est une erreur d'avoir voulu traiter l'Asie dans son ensemble alors
qu'elle recèle d'une telle diversité politique, économique
et culturelle. De plus, les deux tiers du rapport sont dépassés
tant la situation évolue vite.
Il aurait été intéressant d'analyser les conséquences
actuelles et prévisibles de la crise asiatique sur notre économie.
La réussite économique de cette partie du monde est en
grande partie due au dumping social. Or, une croissance économique
doit s'accompagner d'une prise de conscience politique accrue. Nous
aurions pu parler avec l'Asie de problèmes de prolifération
d'armes, de drogue et de criminalité plutôt que de se limiter
au domaine des affaires, en négligeant les droits de l'homme et la
protection de la santé et de l'environnement.
Mme Willame-Boonen (PSC). - Je pense que vous n'avez pas
lu tout mon rapport.
Mme Mayence-Goossens (PRL-FDF). - Si vous faites
allusion à ce que M. Hansenne est venu dire, je trouve que cela
devrait faire partie de notre politique avec l'Asie. Le ministre devrait
avoir un dialogue positif avec l'Asie sur base de tous ces éléments.
Le souffle de la liberté ne peut rester confiné au seul
domaine économique.
Etant donné nos traditions commerciales et l'absence de passé
colonial belge dans la région, l'Asie représente un grand
marché dynamique pour nos entreprises. Le bassin pacifique sera la
zone de croissance du 21e siècle. L'Europe semble cependant à
la traîne par rapport aux Etats-Unis. Afiin de ne pas devenir un « bout
de continent à la dérive » aux yeux de nos
partenaires asiatiques, l'Europe peut saisir la chance que l'histoire lui
offre de représenter une alternative au partenariat pesant que les
Etats-Unis ont développé avec de nombreux pays asiatiques.
La Belgique ne peut rien faire toute seule mais il ne faut pas
sous-estimer nos atouts.
Sans taire nos exigences en matière de droits de l'homme et des
minorités, nous devons mettre l'accent sur une politique discrète
visant à l'amélioration effective des situations concrètes.
En effet, cette région d'antique civilisation n'accepte plus les leçons,
surtout si elles proviennent d'anciennes nations coloniales. Il est donc
préférable de s'en tenir aux positions adoptées par
l'Union européenne ou les Nations-Unies.
Nous avons des atouts à valoriser mais nous devons concentrer nos énergies.
Des ambassades bien fournies en personnel et en équipements
modernes sont préférables à un réseau trop étendu
et sans densité. Vu l'importance du continent ce renforcement de
votre représentation entraînera un arbitrage par rapport à
d'autres régions du monde. Cet exercice sera inévitable.
Je vous suggère, monsieur le ministre, quelques mesures concrètes.
Nous devrions poursuivre les activités commencées lors du
Sommet asiatique de Bangkok. Une contribution spécifique à
la mise en place d'euroguichets dans certaines capitales et centres économiques,
et une contribution à la Fondation Asie-Europe en vue d'encourager
des échanges de personnes devraient être dégagées.
A ce sujet, un effort réel des communautés et des régions,
voire des provinces, semble s'imposer.
Au plus haut niveau, les visites d'Etat peuvent jouer un rôle
catalyseur remarquable. Nos partenaires les plus importants devraient
recevoir au moins une visite annuelle d'un membre du gouvernement. Des
invitations régulières devraient être lancées
par nos autorités à nos partenaires asiatiques. Ces visites
réciproques devraient être organisées en étroite
collaboration avec les communautés, les régions ainsi
qu'avec les milieux professionnels intéressés. Les
manifestations de type Europalia se sont également révélées
très heureuses. L'effort de partenariat et d'assistance au développement
bilatéral trouve une place de choix dans ce continent en pleine
mutation. Par les aides à la formation, il peut contribuer de manière
remarquable aux projets industriels ou agricoles de ces régions.
Cependant, les différents niveaux de développement plaident
pour une concentration des efforts en faveur de pays tels que le Cambodge,
le Laos et le Vietnam.
Enfin, les moyens mis à la disposition du financement de la grande
exportation sont devenus dérisoires et doivent impérativement
être revalorisés. Voilà une orientation politique que
l'on aurait aimé retrouver dans le rapport qui nous est soumis.
(Applaudissements sur les bancs libéraux.)
M. Bourgeois (CVP) (en néerlandais). - Je félicite
le rapporteur pour son excellent rapport. L'actualisation de la note du
gouvernement de 1996 est plus que jamais à l'ordre du jour. Dans le
passé, notre pays a multiplié les initiatives en Asie. Au
lendemain de la crise qui a frappé ce continent, la coopération
risque d'être plus difficile, exepté avec la Chine. La Corée
et l'Indonésie traversent une crise grave. Quant à l'Inde et
au Pakistan, ils sont à présent des puissances nucléaires.
L'effondrement de plusieurs économies asiatiques après la dévaluation
sensible du bath thaïlandais est difficile à expliquer. Si
beaucoup pointent du doigt les politiques mises en oeuvre, personne n'est
capable de dire en quoi elles ont été néfastes.
La Communauté internationale n'accordera d'aide financière
massive à ces pays que s'ils procèdent à une profonde
réforme politique et économique. Le FMI et la Banque
mondiale exigent qu'ils fassent preuve de transparence, qu'ils
communiquent des résultats financiers corrects et qu'ils placent l'économie
de marché au centre de leur processus de décision. Ces
objectifs sont-ils réalisables à cour terme ?
L'école du management de Fontainebleau et la « Asian
Development Bank » prévoient que, dans les prochaines années,
ces pays afficheront des taux de croissance élevés. Ils mériteront
toujours leur qualificatif de « tigres de l'Asie ». Le
retour spectaculaire de compétitivité dont ils devraient bénéficier
pourrait mettre certains secteurs de notre économie en difficulté.
Bien que la Belgique n'exporte qu'un pour cent et demi de sa production
vers les pays de l'ASEAN, elle doit veiller à consolider sa
position dans cette importante région du monde. A court terme,
notre premier objectif doit être de renforcer la compétitivité
de nos entreprises au moyen d'acquisitions.
Nous devons rester présents dans ces pays, compte tenu de leur
poids énorme dans l'économie mondiale. La Corée du
Sud, le Vietnam et la Thaïlande disposent d'un potentiel tel qu'ils
peuvent reprendre le train de l'économie en marche.
A moyen terme, la Chine pourrait jouer un rôle prépondérant.
C'est la raison pour laquelle nous devrons intensifier nos relations avec
ce pays. Mais l'Inde, le Pakistan, l'Afghanistan, le Cambodge et la Corée
du Nord méritent également notre attention parce qu'ils
peuvent être des foyers potentiels de conflits susceptibles de créer
une instabilité dans la région.
La démocratisation et le respect des droits de l'homme laissent
encore beaucoup à désirer dans certains pays. Nous pouvons éviter
le débat sur les droits de l'homme en l'ignorant, mais notre
mission démocratique nous impose de maintenir un dialogue critique.
Les droits sociaux et la lutte contre le travail des enfants méritent
également notre attention. Une discrimination positive permettra
peut-être de faire respecter les clauses sociales.
La note sur l'Asie contenait des informations intéressantes mais
entre-temps dépassées. Etant donné la rapidité
de l'évolution, il importe que les politiques et les entreprises
disposent d'informations exactes. Nous demandons dès lors au
gouvernement d'actualiser constamment la note. A cet égard, je
renvoie au numéro de juin de l'OBCE qui donne un aperçu de
la situation économique en Asie du Sud-Est. C'est un instrument intéressant
permettant d'évaluer la situation sur place.
L'impact des pays asiatiques sur les événements
internationaux ne peut pas être sous-estimé. Nous espérons
que la Belgique contribuera encore à l'avenir à la
stabilisation de la région et à son développement.
Les acquis économiques et sociaux ne peuvent pas se perdre et les
tensions entre les nations ne peuvent pas déboucher sur des tragédies
politiques. (Applaudissements.)
Mme Sémer (SP) (en néerlandais). - Contrairement
à Mme Mayence, j'ai fort apprécié le débat et
le rapport.
La Commission des affaires étrangères a décidé
au printemps de 1996 d'organiser un débat au sujet de la note sur
l'Asie. Ce document fut précédé d'une note sur
l'Afrique et l'Amérique. Ce fait montre que le gouvernement veut
adapter sa politique étrangère à un monde en
constante mutation. Je constate que les trois ministères compétents
ont collaboré, ce qui m'amène à mon premier
commentaire. Certains aspects de la politique étrangère ont été
transférés aux communautés et aux régions. De
ce fait, les moyens et instruments de l'autorité fédérale
diminuent en proportion, tandis que les défis prennent de
l'ampleur. Les ministères fédéraux doivent dès
lors harmoniser leur politique. Le regroupement de certains services des
affaires étrangères et du commerce extérieur va dans
le bon sens. Le SP a également plaidé pour l'intégration
des services de conception de la coopération au développement
au sein du ministère des affaires étrangères afin de
parvenir à une plus grande unité de la politique et une
utilisation plus efficace des moyens.
Les événéments dramatiques en Asie requièrent
une attention et des efforts supplémentaires. Je pense aux essais
nucléaires de l'Inde et du Pakistan, à la crise économique
et à ses conséquences sociales, à la situation
politique et aux droits de l'homme.
Les récents essais nucléaires ont placé la sécurité
dans la région au centre des préoccupations. Outre l'Inde et
le Pakistan, l'Asie comptait déjà deux puissances nucléaires :
la Russie et la Chine. Le monopole nucléaire chinois a été
l'occasion, pour l'Inde, de se hisser au rang de puissance nucléaire
donnant ainsi au Pakistan un motif de riposte. Les rancunes séculaires,
les querelles territoriales et l'accès aux routes commerciales, aux
matières premières, voire à l'eau sont une menace
pour la sécurité dans la région et nous incite à
la plus grande vigilance. En ce qui concerne les essais nucléaires,
je comprends la position du gouvernement lorsqu'il affirme que les mesures
d'isolement diplomatique où les sanctions sont inefficaces et font
leurs premières victimes parmi les plus démunis. Toutefois,
je demande que la Belgique mette en garde l'Inde et le Pakistan contre
tout risque de prolifération nucléaire et les incite à
ratifier le traité d'interdiction des essais nucléaires.
J'espère que l'Union européenne incitera ces pays au
dialogue politique.
Lorsque la note sur l'Asie a été rédigée, rien
ne laissait présager une crise économique. Depuis lors,
celle-ci semble s'aggraver. Le monde redoute la dévaluation du yen.
Il est vrai que l'impact sur la région et le commerce mondial
serait considérable. La situation intérieure de ces pays est
en cause mais la responsabilité des marchés et des spéculateurs
semble également prouvée. A cet égard, je plaide en
faveur de l'instauration d'une taxe Tobin sur la spéculation. La
Belgique doit s'en faire le défenseur au niveau européen et
jusqu'au sein du SMI. Il faut constituer un fonds social à l'échelle
de la planète.
Nous ne devons pas oublier les conséquences sociales de la crise.
La note sur l'Asie tablait sur une croissance ininterrompue de l'économie
de ces pays. Depuis la crise, les licenciements massifs, les faillites et
les restrictions budgétaires font des ravages sur le plan social.
Je comprend l'intérêt du secrétaire d'Etat Moreels
pour l'Afrique, mais j'insiste pour que des initiatives soient prises en
Asie en faveur des plus démunis. En outre, il y a également
le scandale du travail des enfants. La coopération au développement
doit être conditionnée pour le respect des droits de l'homme,
en ce compris l'interdiction du travail des enfants.
Le développement des syndicats doit également être
encouragé. La crise économique est liée aux
bouleversements politiques. Qui aurait pu prévoir que le président
Souharto démissionnerait ? On peut s'interroger sur le bien
fondé de la thèse selon laquelle les valeurs dites
asiatiques remplaceraient les valeurs démocratiques occidentales.
Nous devons soutenir le processus de démocratisation en Asie. Cela
m'amène aux droits de l'homme, en particulier en Chine. Lors d'une
récente visite d'une délégation de la Chambre et du Sénat,
les dirigeants chinois ont fait montre d'une certaine ouverture et d'un
sens des relations publiques. Ils ont déclaré qu'ils
feraient preuve de plus de tolérance à condition que
l'Occident se rende compte des besoins sociaux d'une nation qui compte 1,2
milliard d'habitants. Il ne faut pas espérer de miracles à
court terme. Toutefois, on peut supposer que la Chine est dans la bonne
voie.
La communauté internationale doit continuer à évaluer
les progrès et ne doit pas faire de l'économie une priorité
à court terme.
J'espère que le gouvernement et le parlement continueront à
suivre de près l'évolution en Asie. (Applaudissements.)
Mme Lizin (PS). - Mon groupe souhaite féliciter
la rapporteuse pour la qualité remarquable de son travail et en
particulier pour ses efforts visant à systématiser notre
approche de la politique extérieure.
Nous parlons généralement beaucoup moins de l'Asie que de
l'Afrique et en des termes différents. Nous devons évoquer
pour l'Afrique des situations humaines catastrophiques et qui nous
concernent directement en raison des liens historiques que nous avons avec
ce continent. Nos relations avec l'Asie sont toutes autres.
On voit à quel point les bases du développement asiatique était
fragiles et peuvent avoir de graves conséquences pour notre économie.
Nous ne devons pas chercher à donner des leçons à
l'Asie. Elle a des syndicats mais aussi des dictatures. On voit poindre le
menace de l'Islam, notamment en Indonésie. Il y a là un
enjeu énorme.
Il faut aussi tenir compte de la présence de certains pays européens
en Asie comme la Russie dont une grande partie du territoire s'y trouve.
L'Asie, c'est aussi le choix nucléaire qu'ont fait l'Inde et le
Pakistan. Il ne faut à aucun prix perdre de vue que le Pakistan est
un pays musulman proche de l'objectif israélien. Le développement
énorme de la capacité nucléaire islamique met en
question celle d'Israël.
On ne peut pas non plus oublier la Chine qui a fait le choix de limiter le
nombre d'enfants à un par couple, ce qui est diamétralement
opposé à notre conception des droits de l'homme mais est nécessaire
pour dominer la région dans quinze ans. La question du Tibet est
aussi préoccupante et nous devons parvenir à dialoguer avec
la Chine à ce sujet.
Nous souhaitons aussi que la démarche faite au Vietnam soit appuyée.
Au-delà de l'aspect commercial, nous devons donc être
attentifs au respect des droits de l'homme en Asie.
Il ne faut pas être un grand pays pour être actif. Nous
pourrions prendre exemple sur le courage de Mme Bonino qui n'a pas hésité
à critiquer ouvertement la politique détestable de
l'Afghanistan à l'égard des femmes. Il faudrait établir
un cordon sanitaire autour de ce pays et en expulser le gouvernement en
place. Il faudrait convaincre de tels Etats que leur attitude interdit
tout dialogue. Là où les droits de la femme ne sont pas
traités comme les droits de l'homme, on laisse se développer
une philosophie fondamentaliste qui est le pire ennemi. La campagne entamée
par Mme Bonino honore un petit pays. (Applaudissements.)
Mme Willame-Boonen (PSC). - Je me réjouis du débat
de cet après-midi dont la qualité fait la grandeur du Sénat.
Le modèle asiatique a subi un choc qu'il est capable de surmonter.
Il résulte d'une situation économique mal régulée.
En effet, la croissance de ces dernières années a caché
les dysfonctionnements importants des économies locales. En 1969 déjà,
un groupe d'experts avait rédigé un rapport à la
demande de la Banque mondiale dans lequel il insistait sur l'importance
capitale de la question du gouffre croissant entre pays développés
et en développement.
L'Asie a pourtant connu un progrès social important puisque le
niveau de vie y a progressé de 10 % au cours de la dernière
décennie. Le progrès y a toutefois été inégal.
La richesse ne s'est pas répartie de la même façon
entre les pays et entre leurs habitants. Le nombre de pauvres a plus
augmenté dans l'Asie de l'Est et du Pacifique.
L'inégalité entre les hommes et les femmes dans l'éducation
est préoccupante.
La crise dans les pays industriels du sud-est de l'Asie est une crise de
croissance qui appelle des réformes. Ces pays en sortiront renforcés,
assainis et plus compétitifs. Il faut que la Belgique les y aide
mais le dialogue est difficile. L'Europe et l'Asie ne partagent en effet
pas les mêmes valeurs, notamment au sujet de la place de l'homme
dans la société. Alors que l'Europe est indivualiste, l'Asie
est beaucoup plus attachée à la notion de communauté.
Il faut bien entendu réaffirmer l'importance des droits de l'homme
qui sont universels et indivisibles. Mais, pour ce faire, il faut privilégier
le dialogue critique plutôt que l'exclusion. La crise actuelle est
sans doute l'occasion de corriger les aspects les plus extrêmes du
modèle asiatique.
La première réforme importante à effectuer concerne
le travail des enfants. La pauvreté en est la cause principale et
le travail des enfants la perpétue au sein des groupes les plus défavorisés.
Le travail des enfants révèle un malaise profond. Il est perçu
comme une réalité inévitable des pauvres. Pour
modifier un tel système, il faut s'attaquer aux problèmes
structurels et mettre en place des mesures de redistribution.
Les remèdes proposés visent notamment à mettre en
place une meilleure gestion macro-économique et à permettre à
ces pays de mieux s'insérer dans l'économie mondiale. Ceci
suppose cependant une compétitivité accrue. Or, c'est précisément
pour assurer leur compétitivité que des pays autorisent le
travail des enfants.
Il s'agit donc d'une situation difficile dont les pays pauvres qui ne
parviennent pas à décoller se sortiront à grand
peine. En priorité, il faut donc éliminer les formes les
plus intolérables du travail des enfants, celles qui présentent
un danger pour leur santé. Il faut soutenir les alternatives et
pousser les entreprises à souscrire à des codes de bonne
conduite.
La deuxième réforme d'importance concerne le respect des
normes sociales fondamentales. Il est important que soient intégrés
les droits syndicaux et les droits à la négociation
collective. La dimension sociale du commerce extérieur doit être
intégrée dans les normes de l'OMC. Par ailleurs, il faut
assurer la construction d'une protection sociale dont ces pays avaient été
jusque récemment dispensés grâce à leur
croissance économique forte. Cependant, tous les pays ne sont pas
en mesure d'adopter de telles dispositions.
Enfin, il faut veiller à ce qu'une réforme démocratique
permette à certains pays de se sortir de leur autoritarisme « doux ».
Actuellement, une volonté de démocratie transparaît au
sein des populations. Il s'agit d'une évolution inévitable
et bien entendu positive. On ne peut plus opposer aux droits de l'homme un
modèle asiatique d'efficacité.
L'Asie n'est pas seulement un géant économique. Elle réclame
aussi sa place sur la scène politique mondiale. Des événements
importants ont eu lieu depuis la fin de nos travaux. L'Inde et le Pakistan
ont procédé à des essais nucléaires. La
puissance politique s'est déplacée du Japon vers la Chine.
L'Europe risque-t-elle un contrecoup ? Un an après le début
de la crise asiatique, on peut tirer un premier bilan, car les effets
directs en Asie sur l'emploi et l'inflation notamment sont maintenant bien
connus.
L'Europe semble avoir été préservée jusqu'à
présent. Au niveau belge, les auditions qui se sont déroulées
au Sénat montrent toutes que la crise a eu peu d'effets sur notre
pays, sauf pour le secteur diamantaire. Ces conclusions sont partagées
par la Banque nationale de Belgique. Cependant, les changements intervenus
en 1997 ne sont peut-être pas suffisamment pertinents. Ainsi les
entrepreneurs travaillant sur les marchés asiatiques éprouvent
maintes difficultés à maintenir leurs relations commerciales
construites au cours des quinze dernière années. A remarquer
que les entreprises japonaises semblent souffrir beaucoup moins de ce phénomène.
Dans son 68e rapport annuel, la Banque des règlements
internationaux conclut qu'il n'est pas prudent d'affirmer que tout ira
pour le mieux. Il existe en effet un décalage conjoncturel entre
les Etats-Unis et le reste du monde qui pourrait avoir pour effet une
chute du dollar et donc une hausse des taux d'intérêt.
En conclusion il faut souligner quelques conséquences néfastes
de la crise asiatique, comme en Thaïlande, où le budget pour
la recherche sur le Sida a été drastiquement diminué.
Je remercie le gouvernement pour ses efforts de réflexion sur la
crise asiatique et sa volonté de renforcer le dialogue avec le
parlement.
Avec quelques collègues, je déposerai une motion en ce sens.
(Applaudissements.)
M. Derycke, ministre des affaires étrangères (en néerlandais).
- Le gouvernement devra encore adapter sa politique dans les
prochains mois. Les mesures qu'il a prises ne suscitent guère de
discussions. Les lignes de force avancées par le rapporteur sont également
celles qui déterminent la politique gouvernementale.
J'ai appris par ce débat comment le Sénat interprète
la politique internationale. En politique internationale, il ne faut pas
se fier aux apparences. Les changements peuvent être très
rapides. Les événements de ces deux dernières années
en Asie du Sud-Est le prouvent à suffisance.
(Poursuivant en français.)
La crise asiatique, qui débuta en Thaïlande voici un an, s'est
progressivement étendue à tous les pays du sud-est asiatique
de façon préoccupante.
On ne peut encore entrevoir le moment de la rémission. Une des
raisons de cette crise tient dans le modèle asiatique lui-même,
qui a laissé se développer une collusion entre gouvernement,
entreprises et institutions financières. Or, une économie a
besoin de transparence pour connaître un développement
durable.
Le Fonds monétaire international est le premier organisme à
intervenir pour soulager les économies malades. Ses remèdes
sont vigoureux, surtout pour la population. Cependant, les prescriptions
du FMI ne peuvent suffire. C'est le modèle de développement économique
asiatique qui doit être remanié. Il est urgent de repenser le
consensus asiatique. Deux gouvernements, la Thaïlande et la Corée,
semblent actuellement se diriger dans cette voie.
(Poursuivant en néerlandais.)
La Thaïlande et la Corée du Sud sont deux pays où la
crise politique était à la base des difficultés.
M. Moens prend place au fauteuil présidentiel
J'ai été impressionné par le premier ministre de la
Thaïlande qui a une excellente réputation. Je constate également
des changements considérables en Corée du Sud.
(Poursuivant en français.)
Je suis inquiet de constater le peu de changement dans les neutralités.
Vous dites, madamme Willame, que les Etats-Unis et d'autres pays sont en
train de faire du shopping d'entreprises. Je n'ai pas constaté cela
en Corée. Le nationalisme s'est renforcé et la croyance dans
le système actuel est encore fort vivace. Les grandes entreprises
ne sont manifestement pas disposées à modifier leurs
pratiques.
La présence belge en Corée du Sud est très importante
pour ce pays. La Belgique est bien placée pour attirer l'attention
au niveau politique et faire progresser l'économie. D'ailleurs, après
la visite belge, deux grandes entreprises belges ont conclu des « joint
ventures » avec des entreprises coréennes.
(Poursuivant en néerlandais.)
En Indonésie, la crise économique va de pair avec la crise
politique. Bien que cela ne semblait pas être le cas initialement,
Habibie paraît pouvoir fournir une solution. La situation reste
cependant incertaine.
Il y a maintenant des signes d'espoir. Ainsi, on libère des
prisonniers politiques. Récemment, le parti gouvernemental a choisi
un nouveau président. Il est à nouveau possible de parler du
Timor oriental, bien qu'il ne soit pas encore question d'une libération
du dirigeant de Fretilin. Par ailleurs, un nouveau mouvement de libération
se développe en Irian Jaya. Il y a donc encore de nombreux problèmes,
et ce dans le contexte d'une crise économique globale.
(Poursuivant en français.)
Pour ce qui est du Japon, le premier ministre japonais a été
victime de la crise, son parti subissant un net recul aux élections
du 12 juillet 1998. L'économie japonaise est entrée dans une
phase de récession. Si la baisse du PNB chiffrée à
1,3 %, pour ce dernier trimestre se poursuit, elle pourrait atteindre
5,3 % en taux annuel. De plus, le yen reste sous pression. Les
perspectives d'avenir ne sont donc pas positives.
La Chine ne subit pas aujourd'hui de conséquences politiques de la
crise même si la réduction du pouvoir d'achat et la dévaluation
des monnaies dans les pays voisins ont un impact sur elle. On a observé
au mois de mai une baisse des exportations et des importations. Si cette
tendance perdure, cela influencera les réformes envisagées
par le gouvernement. La décision du gouvernement chinois de ne pas
dévaluer sa monnaie a été accueillie positivement
dans les pays de la région et satisfait également les pays
occidentaux, comme l'a montré l'attitude de M. Clinton lors de son
voyage.
(Poursuivant en néerlandais.)
Il est également important de fournir quelques chiffres économiques
concernant notre propre pays. La comparaison entre la période
janvier-mars 1997 et la même période en 1998 révèle
une diminution pour l'UEBL de 15 %, soit une réduction de 108
milliards à 92 milliards. Avec la Chine, il y avait encore une
hausse de 27 %, mais il y avait une baisse de 19 % avec la Corée,
de 57 % avec l'Indonésie, de 20 % avec le Japon et de 38 %
avec la Thaïlande. Ces chiffres montrent donc que la crise asiatique
a un grand impact sur notre économie.
Il est donc clair que nous devons continuer à accorder toute notre
attention à l'Asie, et notamment au Japon et à la Chine. Le
principal problème reste toutefois l'Indonésie dont la crise
peut provoquer le chaos dans des pays qui semblaient se redresser mais
aussi dans des pays plus forts. Tout cela prouve l'utilité du présent
débat dont nous devons continuer à assurer le suivi. Le
gouvernement y est disposé. Je remercie également tous les sénateurs
qui ont collaboré à ce débat. (Applaudissements.)
- La discussion est close.
M. le Président. - En conclusion de ce débat,
j'ai reçu une motion de Mme Willame-Boonen, M. Bourgeois et Mmes
Lizin, Sémer et Thijs, libellée comme suit :
« Le Sénat,
A. Ayant pris connaissance de la note du gouvernement « La
Belgique et l'Asie : défis et perspectives » du 16 février
1996 et ayant entendu les ministres concernés;
B. Ayant analysé la crise monétaire et financière
en Asie du Sud-Est;
C. Vu la situation en Asie et ses développements;
D. Ayant pris acte du rapport de la Commission des affaires étrangères
sur la situation en Asie (Document 1-855/1) du 17 juin 1998.
Estime que les trois principes de la nouvelle politique asiatique de la
Belgique - renforcer le dialogue, saisir les opportunités économiques,
consolider la coopération au développement - sont fondés.
Demande au gouvernement d'être particulièrement attentif aux
points suivants :
1. La politique de la Belgique vis-à-vis des pays asiatiques doit
tenir compte du respect des droits de l'homme dans ces pays.
2. Les aspects sociaux doivent imprégner la politique belge vis-à-vis
de ces régions et particulièrement en ce qui concerne le
respect et la promotion des normes sociales fondamentales. La dimension
sociale du commerce doit être intégrée aux préoccupations
des organisations internationales telles que l'OMC,...
3. Le travail des enfants est une forme d'atteinte aux droits fondamentaux
de la personne. Conformément aux actions de l'OIT, les formes les
plus intolérables du travail des enfants doivent être
abolies.
Encourage le gouvernement à contribuer à la prévention
des crises financières internationales dont une des causes
principales vient d'une inadéquation entre la libéralisation
de la circulation des capitaux et la régulation nécessaire
en explorant les pistes évoquées par le ministre des
finances, à savoir :
a. améliorer la transparence économique,
b. renforcer la coopéraiton avec le FMI,
c. surveiller les marchés financiers,
d. améliorer la supervision bancaire et le contrôle
prudentiel,
e. consolider l'assise financière du FMI,
f. réduire les problèmes de risque moral. »
M. Hatry et Mme Mayence-Goossens ont déposé deux amendements
à cette motion. Le premier amendement tend à ajouter, après
la première phrase du point B, le texte suivant :
« Estimant que les causes de la crise relèvent largement
de politiques monétaires et financières inadéquates,
que les mesures prises et dans un cadre multilatéral (notamment par
le FMI et par la Banque Mondiale) et de manière bilatérale,
ont contribué à atténuer l'impact de la crise sur les
structures sociales et économiques de ces pays, et enfin que les répercussions
de la crise sur l'économie belge restent limitées. »
Le deuxième amendement tend à apporter, au troisième
tiret du dispositif, les modifications suivantes :
A. Au point b, ajouter le mot « internationale »
après le mot « coopération ».
B. Aux points ##I/I## et d, ajouter in fine, les mots « dans
les pays émergents ».
C. Remplacer le point f, par le texte suivant : « réduire
les problèmes de « risque moral » (« moral
hasard »).
- Le vote sur ces amendements et sur l'ensemble de la motion aura lieu
ultérieurement.
Discussion générale
Mme Lizin (PS), rapporteuse. - Nous avons aujourd'hui la
chance historique d'examiner un projet de loi organique sur les services
de renseignement et de sécurité qui marquera profondément
l'organisation de ces services. Le but est de donner une base légale
à l'existence des services de renseignement et à leur
mission afin d'assurer une protection accrue des institutions démocratiques
et de la vie privée ainsi que de fournir une sécurité
juridique aux agents. L'évolution technologique et géopolitique
des activités de renseignement a en effet été amenée
à poser la question de la confidentialité de certaines données
et de la sécurité des populations. La sécurité
et la vie privée nécessitent une attention accrue. La démocratie
doit être protégée contre les menaces venant de l'extérieur
et de l'intérieur.
Les activités des services de renseignement peuvent porter atteinte
à la vie privée. L'accent a été mis, dans l'élaboration
de ce projet de loi, sur un équilibre à rechercher entre
liberté individuelle et défense de l'Etat, vie privée
et sécurité collective.
La Belgique a toujours manqué d'un cadre légal pour
l'organisation des missions de renseignement et de sécurité.
Ce sont les affaires criminelles des années '80 qui ont ébranlé
le pays et semé le doute dans l'opinion sur le rôle réel
des services concernés.
En juin 1990, une première réponse à cette inquiétude
est apportée avec le plan de Pentecôte qui prévoyait
une réorganisation de la Sûreté de l'Etat et le dépôt
d'un projet de loi définissant ses missions et le cadre légal
dans lequel elles devaient s'exercer.
Les services de sûreté de l'armée sont également
concernés par l'actuel projet de loi. Celui-ci vise donc à
conférer une base légale suffisante aux deux services de
renseignement de la politique belge. En outre, l'absence de base légale
spécifique permettait au Roi de créer autant d'autres
services de renseignement qu'il le jugeait utile. Désormais, il ne
pourra plus y en avoir que deux.
Le projet de loi fait partie d'un ensemble de normes qui ont pour objet de
définir le cadre normatif dans lequel s'inscrit la politique du
renseignement en Belgique dont le premier élément est la loi
organique du 18 juillet 1991 qui a mis sur pied le comité R chargé
de contrôler les activités des services de renseignement.
De rangeant à l'avis du Conseil d'Etat, le gouvernement a décidé
de ne pas reprendre dans le projet de loi les dispositions créant
les organes de la politique du renseignement en Belgique et de ne pas
inclure les dispositions ayant trait aux méthodes de collecte
d'informations. En effet, le Conseil d'Etat estime que le principe selon
lequel tout ce qui n'est pas interdit est permis, ne s'applique pas aux
services de renseignement car ceux-ci disposent de moyens leur permettant
de porter atteinte à la vie privée.
C'est la raison pour laquelle le projet de loi amendé précise
plus clairement les missions de la Sûreté de l'Etat et du
Service général du renseignement de l'armée.
M. Erdman remplace M. Moens au fauteuil présidentiel
L'article 7 du projet définit les missions de la sécurité
de l'Etat, l'article 9 met l'accent sur la spécificité de la
sûreté militaire et l'article 8 définit ce qu'il faut
entendre par « activité qui menace ou pourrait menacer. »
L'article 10nonies traite du recueil d'informations détenues
par des services publics nécessaires pour l'exécution des
missions de renseignement et de sécurité.
Dorénavant, certaines informations pourront être divulguées
à la presse sous certaines conditions. Les perquisitions et saisies
judiciaires sont également réglementées.
Enfin, le projet amendé réglemente les perquisitions et
saisies qui pourraient être opérées dans les locaux
des services de renseignements.
Le projet de loi amendé apporte un cadre légal adéquat
aux deux services de renseignement et de sécurité, en précise
les missions et ce que l'on doit entendre par « activité
qui menace ou pourrait menacer ». Les amendements ont été
apportés dans le but de renforcer le caractère démocratique
du projet. Il constitue dès lors un texte de toute première
importance. Il permettra aux agents de travailler dans un cadre précis
leur donnant l'assurance d'une sécurité juridique tout en
protégeant nos institutions démocratiques.
M. Goris (VLD) (en néerlandais). - Je félicite
le rapporteur pour son compte rendu des débats souvent complexes au
sein des commissions réunies. Je félicite en outre les
services de la Commission de la justice.
Le projet de loi actuel a pour objectif principal de conférer une
base légale aux deux instruments de la politique belge de
renseignements, à savoir la Sûreté de l'Etat et le
Service de renseignements militaires SGR. En effet, ces services existent
depuis beaucoup trop longtemps sans le cadre légal requis.
L'absence d'une base légale spécifique pour les deux
services de renseignements avait pour conséquence que le Roi
pouvait créer autant d'autres services de renseignement qu'il le
jugeait utile. Le projet actuel rend cela impossible à l'avenir.
L'article 2 est clair à cet égard.
Nous estimons que tous ceux qui se soucient de l'Etat de droit et de notre
démocratie doivent se féliciter du présent projet.
C'est pourquoi le groupe VLD du Sénat votera ce projet.
J'attire néanmoins l'attention sur quelques petites inperfections.
Nous avons déposé plusieurs amendements pour les corriger
mais ils n'ont pas été retenus en commission. Nous les avons
redéposés.
Nos amendements portent sur l'accroissement excessif des compétences
du ministre de l'intérieur en ce qui concerne la Sûreté
de l'Etat. Le ministre de la justice qui, aux termes de la loi, est compétent
pour la Sûreté de l'Etat, peut être purement et
simplement mis hors jeu par son collègue de l'intérieur en
ce qui concerne le fonctionnement et l'exécution des missions d'une
administration pour laquelle la justice porte la responsabilité
finale. Le projet prévoit également la signature conjointe,
sur avis conforme du ministre des affaires étrangères, pour
presque toutes les matières qui concernent la sécurité
de l'Etat. En outre, le Roi peut étendre les compétences de
l'intérieur en matière de sécurité de l'Etat.
Ce projet sous-estime fortement le rôle du ministre de la justice.
Ce projet a été discuté en présence des
ministres de la justice et de la défense nationale, qui sont les
deux ministres de tutelle, et en l'absence du ministre de l'intérieur
à qui les compétences les plus importantes sont attribuées.
C'est étonnant au plus haut point.
En vue de réhabiliter quelque peu le ministre de la justice, nous
avons déposé à nouveau les amendements 1 à 3.
L'amendement n° 89 de moi-même et de mes collègues
Boutmans et Coveliers propose, à l'article 8, de supprimer le mot « anarchistes »
dans la phrase « racistes, xénophobes, autoritaires,
totalitaires », etc. L'anarchisme est, en théorie, la
forme la plus pure de démocratie. Cette idéologie n'a rien à
voir avec les extrémismes cités. L'amendement n° 91 a
la même portée. Je me demande combien de collègues
progressistes nous suivront.
Le VLD se réjouit de l'adoption des différents amendements déposés
par M. Vandenberghe. Lors de la discussion, le VLD s'est référé
à la Convention européenne des droits de l'homme, à
la Constitution ainsi qu'à la loi sur la protection de la vie privée.
La commission a adopté l'amendement n° 6 qui donne une énumération
nominative des modalités opérationnelles des services de
renseignement. Le VLD votera en faveur du projet, étant donné
que celui-ci apporte finalement la clarté dans ce domaine. (Applaudissements.)
M. De Decker (PRL-FDF). - EN 1994, le comité
permanent de contrôle des services de renseignement estimait
essentiel qu'un texte de loi spécifique soit adopté pour réglementer
les missions et les méthodes des services de renseignement. Sans ce
texte, les citoyens ne sont pas protégés contre des ingérences
abusives dans leur vie privée. Depuis la création de la
fonction d'administrateur général de la sûreté
publique en 1830, aucun cadre légal ne détermine les compétences
et les missions de la Sûreté de l'Etat. Le SGR n'est pas
mieux loti. En juin 1990, le gouvernement annonçait une réorganisation
de la Sûreté de l'Etat et le dépôt d'un projet
de loi définissant ses missions. Il aura donc fallu attendre plus
de huit ans pour voir la majorité respecter ses engagements.
Etant donné les développements des nouvelles technologies,
le métier du renseignement doit intégrer les nouvelles
donnes qui bénéficient à la fois aux réseaux
criminels et terroristes et aux services de renseignement et de sécurité.
Le champ d'application de la loi est trop restreint. Les services de
police devraient également être visés puisqu'ils sont
habilités à recueillir, analyser et exploiter des
renseignements de sécurité.
Les travaux en commission ont démontré qu'il n'était
pas toujours simple de distinguer les compétences respectives du
ministre de la justice et du ministre de la défense nationale en la
matière. En octroyant au ministre de l'intérieur des
pouvoirs de réquisition importants, on mine sérieusement
l'autorité de tutelle des ministres compétents et on ne
favorise pas la transparence du système.
Par contre, la législation et l'institutionnalisation du Comité
ministériel des renseignements et de la sécurité me
semblent un point positif qui permettra de favoriser l'exploitation des
renseignements au plus haut niveau politique. Tout en permettant d'éviter
la rétention d'informations, ce comité garantira la prise de
décision en connaissance de cause. Un ministre ne pourra désormais
plus invoquer son ignorance.
L'article 2 veille au respect et à la protection des droits et
libertés individuels. Le Sénat a eu le mérite de
chercher un équilibre entre la protection de l'Etat et le respect
de la vie privée qui faisait défaut dans le texte de la
Chambre.
Celui-ci contenait des dispositions non conformes à l'article 8 de
la Convention européenne des Droits de l'Homme et à
l'article 22 de notre Constitution. La Commission de protection de la vie
privée avait également émis un avis défavorable.
Par ailleurs, nous serons attentifs à ce que les modalités
pratiques d'application du système proposé respectent
parfaitement l'indépendance de la magistrature. Je me demande s'il
n'aurait pas été préférable d'analyser ce
projet de loi en même temps que celui relatif à la
classification et aux habilitations de sécurité afin
d'adopter une législation complète et cohérente qui
permette de préserver la sécurité nationale tout en
laissant à la justice la possibilité de suivre son cours.
De nombreuses dispositions permettent aux officiers de protection
d'utiliser la force dans des circonstances déterminées. Un
cadre légal s'avérait indispensable ici aussi mais des
conflits risquent de surgir avec les autres services de police. Cet élément
devrait être intégré dans la réflexion sur la
future police fédérale. Je regrette d'ailleurs que les
possibilités offertes aux officiers de protection de priver un
individu de sa liberté ne soient pas inscrites dans un cadre
beaucoup plus strict.
En ce qui concerne la surveillance des parlementaires par les services de
renseignement et de sécurité, je pense que l'accession à
un mandat public ne doit pas empêcher un certain contrôle pour
des activités indépendantes du mandat et qui pourraient
mettre en danger la sécurité nationale.
Un avis de la section législation du Conseil d'Etat précise
que la loi doit prémunir la collectivité contre le préjudice
que pourraient porter les activités de renseignement au libre
exercice des droits fondamentaux. Le Sénat doit garder à
l'esprit cette remarque fondamentale. Le PRL-FDF continuera à sa
battre pour éviter toute dérive sécuritaire dans
notre pays, tout en permettant à l'Etat de se protéger. Ce
projet de loi est loin d'être complet mais il constitue un grand
progrès. Nous le voterons donc.
M. Vandenberghe (CVP) (en néerlandais). - L'article
5 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit à
chacun le droit à la liberté et à la sécurité
individuelles. L'Etat ne peut assurer cette sécurité et la
survie des institutions démocratiques que s'il dispose des moyens nécessaires
à cette fin. C'est la raison de la création des services de
renseignement et de sécurité.
Il est erroné de croire que ces services ont perdu de leur
importance depuis la fin de la guerre froide. Les conflits entre ethnies
différentes, les armes de destruction à grande échelle,
les groupes extrémistes et terroristes ainsi que la criminalité
organisée constituent toujours des menaces.
L'efficacité des services de renseignement et de sécurité
s'accroit au fur et à mesure qu'ils arrivent à recueillir
plus d'informations. Ceci ne signifie pas que l'on peut porter atteinte
aux droits et libertés fondamentaux. Il s'agit de trouver un équilibre
suffisant entre une opérationnalité maximale et la
protection des droits et des devoirs individuels. Le grand mérite
de ce projet de loi est qu'il procure une base légale aux services
de renseignement et de sécurité.
Au Sénat, le projet a été amendé sur des
points essentiels. Une première modification importante a trait à
la formulation de la mission de la Sûreté de l'Etat. La définition
des tâches étant assez vague et difficilement conciliable
avec l'article 8 de la CEDH concernant le droit de respect de la vie privée,
j'ai déposé, au nom de mon groupe, un amendement précisant
la tâche de ces services de renseignement.
Il est également important que l'interprétation de la notion
« tout autre intérêt fondamental » ne
revient plus au comité ministériel, mais au Roi, sur
proposition de ce comité. De ce fait, le texte devra être
publié.
Le Sénat a également permis aux services de renseignement et
de sécurité de recueillir des informations dans le secteur
privé. Ils pourront également faire appel à des
informateurs.
Les services de renseignement et de sécurité pourront
informer les personnes et les instances faisant l'objet d'une menace. Ils
pourront également communiquer certaines données à la
presse.
Les autorités administratives et judiciaires auront la possibilité
de faire appel à l'assistance technique des services de
renseignement et de sécurité, par exemple pour certaines
analyses.
Une autre amélioration apportée par le Sénat est
l'introduction d'un règlement spécifique pour l'exécution
de perquisitions et de saisies auprès des services de renseignement
et de sécurité.
Ces amendements ont abouti dans un texte équilibré et
efficace que le groupe CVP votera avec conviction. (Applaudissements.)
Mme Jeanmoye (PSC). - Nous allons voter un texte attendu
depuis longtemps. Les possibilités d'atteinte à la
protection de la vie privée et l'accès à
l'information ont connu des développements inimaginables il y a
encore peu de temps.
M. Moens, vice-président,
remplace M. Erdman au fauteuil présidentiel
En Belgique, il existe deux services de renseignements et de sécurité :
la Sûreté de l'Etat, qui relève du ministre de la
justice, et le service général de renseignements et de sécurité,
qui fait partie de l'état-major général de l'armée.
Or, jusqu'à présent, il n'existait pas de base légale
adéquate pour réglementer ces deux services.
Aussi, déjà sous l'ancienne législature, le
gouvernement s'était engagé à déposer au
parlement un projet de loi à cet effet. Aussi le présent
projet me réjouit-il. Les multiples modifications apportées
au texte en commission ont permis de l'améliorer.
Nous avons pu déterminer les besoins exacts de nos services de
renseignement et de sécurité, tant en fonction de la
situation intérieure que de la situation extérieure de notre
pays. Il convenait de définir très exactement les limites de
domaines d'intervention de ces deux services et de préciser dans
quelle mesure le ministre de la justice et le ministre de la défense
nationale allaient coopérer. De plus, à cette coopération
devait s'ajouter une interconnexion avec le ministre de l'intérieur.
Grâce au présent texte, le ministre de l'intérieur
aura la possibilité de requérir le concours de la Sûreté
de l'Etat pour l'exercice de ses compétences relatives au maintien
de l'ordre public et à la protection rapprochée des
personnes. Un certain droit de réquisition lui a, en conséquence,
été accordé.
A la lecture du texte du projet tel que transmis par la Chambre des Représentants,
je me suis rendu compte que plusieurs amendements devraient être déposés,
en rapport, par exemple, avec le droit qui était accordé aux
agents de sécurité de réaliser des explorations
corporelles, de pénétrer dans des lieux habités, etc.
Nous avons dû fixer la limite entre la liberté des citoyens
et la nécessité de doter les services de renseignement et de
sécurité des moyens nécessaires à leur
mission.
Pour ce qui est de ces dernières, la commission a su les décrire
sans tomber dans un excès de précisions qui auraient risqué
d'entraver l'efficacité des services.
L'audition du chef de la Sûreté de l'Etat et du chef du SGR
nous a beaucoup éclairés quant à ces nécessités
et aidés à élaborer des amendements.
J'ai ainsi déposé à l'article 7bis un
amendement visant à permettre aux services de la Sûreté
de l'Etat d'assurer la protection de la vie et de l'intégrité
physique des personnes qui sont désignées par le ministre de
l'intérieur. La commission a préféré élaborer
un nouvel article 8 qui énonce les personnes ayant droit à
cette protection lorsqu'elles sont menacées, y compris les membres
de la famille des chefs d'Etat et de gouvernement étrangers.
Mme Willame et moi-même avions déposé un amendement
visant à donner aux magistrats de l'ordre judiciaire ainsi qu'aux
fonctionnaires ou agents des services publics, la possibilité de ne
pas communiquer au service de renseignement et de sécurité
des informations que ceux-ci leur demandent, à condition de motiver
leur refus par écrit dans le mois suivant la demande.
La commission a opté pour un autre amendement qui a la même
portée.
Le gouvernement a pris en compte d'autres remarques des commissaires et
proposé des amendements de synthèse pour répondre à
leurs préoccupations.
Je pense notamment à mon amendement à l'article 10nonies
du projet visant à promouvoir la coopération entre les
services de renseignement et de sécurité, les services de
police et les autorités administratives et judiciaires ainsi
qu'avec le service de renseignements étranger.
Enfin, mon amendement aux articles 24 à 29 du projet visant à
aligner le régime des officiers de protection sur celui des membres
d'un service de police, a réuni l'unanimité des membres présents.
Les débats en commission ont donc été particulièrement
utiles. Le Sénat a rempli son rôle avec conscience et permis
une amélioration sensible du projet qui lui était soumis.
(Applaudissements sur les bancs de la majorité.)
M. Ceder (Vlaams Blok) (en néerlandais). - Je
rappelle que nous examinons ce projet parce que la Sûreté de
l'Etat a été accusée par trois parlementaires du
Vlaams Blok et que le tribunal nous a donné raison. Le juge a
constaté que la Sûreté de l'Etat travaille depuis des
dizaines d'années sans base légale. Elle fait ce qu'elle
veut depuis des années et ne respecte pas la vie privée.
Elle agit en tant que CIA privée du ministre de l'intérieur,
qui l'a utilisée contre des dissidents politiques. Le Vlaams Blok,
qui est le quatrième parti en Flandre, figure encore sur la liste
des associations subversives et dangereuses pour l'Etat. Tout ce qui précède
vaut également pour le service de renseignements militaires.
Je parle d'expérience. En tant que fonctionnaire débutant au
ministère de la défense nationale, je fus immédiatement
confronté à un dossier de 20 cm d'épaisseur de la Sûreté
de l'Etat et du service de renseignements militaires, bien que je n'aie
jamais fait l'objet d'une condamnation pénale ou que je me sois
occupé d'activités illégales. J'avais toutefois été
membre du TAK et du NSV et j'étais donc manifestement un danger
pour l'Etat. En raison de mes convictions politiques, mon directeur a fait
en sorte que je sois mis à la porte. Les activités de la Sûreté
de l'Etat ne restent donc pas sans conséquences. La fonction
publique est incompatible avec l'appartenance à une association
subversive. Le présent projet ne parle toutefois pas d'une liste
d'associations subversives et rejette une réglementation malgré
un amendement du Vlaams Blok. C'est une lacune grave et vraisemblablement
une violation de l'article 8 de la CEDH.
Selon la Cour européenne, quelqu'un doit également pouvoir
savoir que ses activités ou son appartenance à une
association peuvent donner lieu à une atteinte à sa vie privée.
Le projet ne satisfait pas à cette exigence.
Aujourd'hui, nous conférons une base légale à la Sûreté
de l'Etat. Il en résulte toutefois une loi politique qui est dès
lors une mauvaise loi, ainsi que nous en avons déjà connu
plusieurs ces dernières années et où l'exorcisme
rituel du racisme et de la xénophobie sont mis sur le même
plan que le nationalisme flamand. Pourtant, toutes les menaces réelles
pour la Sûreté de l'Etat dans le passé émanaient
de milieux d'extrême gauche ou d'associations terroristes comme les
CCC ou Action directe, ou encore de milieux belgicistes tels que le CEPIC
et du Baron de Bonvoisin et la WNP. Je cite également la bande du
Brabant wallon à propos de laquelle personne n'a encore suggéré
qu'il s'agirait d'un complot de nationalistes flamands.
Ce qui m'intéresse surtout c'est de savoir ce que la Sûreté
de l'Etat peut entreprendre contre moi et le Vlaams Blok. Va-t-elle
continuer à surveiller le Vlaams Blok et ses activités
parlementaires ? Les définitions faibles sur le plan légistique
permettront d'espionner les nationalistes flamands. La tendance peu démocratique
au sein de la génération politique actuelle se fait à
nouveau sentir. L'intolérance politique qui rédige la loi
sur le racisme pour combattre un adversaire politique, qui veut instaurer
une procédure anticonstitutionnelle pour des délits de
presse racistes et veut priver les dissidents politiques de financement,
vise maintenant à créer un cadre légal pour permettre
à la Stasi belge de ficher les dissidents politiques.
La définition proposée met le racisme, la xénophobie,
l'anarchisme, le nationalisme et le totalitarisme dans le même sac.
Il est déjà possible de poursuivre le racisme et la xénophobie
en tant qu'infractions de droit commun. Le but du VLD est de faire sortir
l'anarchisme de cette définition. La liste ne comprend pas le
communisme, qui est le système politique ayant fait le plus grand
nombre de victimes dans l'histoire de l'humanité, ni l'extrémisme
islamique.
Les nationalistes semblent être par définition de extrémistes
dangereux. N'a-t-on jamais entendu parler du nationalisme de libération ?
Je me considère comme un nationaliste du peuple et la Volksunie
peut également être classée sous cette dénomination.
Cela signifie-t-il qu'elle figurera également sur la liste des
associations qui constituent un danger pour la Sûreté de
l'Etat ?
Récemment, la presse a fait toute une affaire du fait que les
services de la Sûreté de l'Etat auraient constitué un
dossier sur les parlementaires appartenant à la tendance écologiste.
On sait déjà depuis longtemps qu'il existe un dossier sur
mes collègues du Vlaams Blok et un dossier me concernant auprès
des services de la Sûreté de l'Etat, mais il n'y a eu aucune
protestation de la part de la presse ou du parlement. La question de
savoir si tel ou tel groupe peut être considéré comme
subversif n'est pas pertinente et peut faire l'objet de discussions sans
fin.
Contrairement aux autres partis, le Vlaams Blok estime que l'Etat doit
adopter une attitude tout à fait neutre à l'égard de
l'ensemble des tendances politiques et que l'action de la Sûreté
de l'Etat devrait se limiter aux activités illégales ou de
nature à bouleverser l'ordre établi de manière
violente ou par des moyens illégaux. Ces services ne doivent pas
chercher à savoir si la personne appartient à la tendance
nationaliste, socialiste, libérale ou à la démocratie
chrétienne. Le rôle de la Sûreté de l'Etat se
limite à celui d'une police de la pensée.
Tout le monde a le droit de défendre la survie politique de l'Etat
belge unitaire. Tout le monde a cependant le droit de plaider en faveur de
l'indépendance politique de la Flandre sans que son droit à
la protection de sa vie privée soit violé.
On pourrait croire que la séparation des pouvoirs empêcherait
totalement le pouvoir exécutif d'épier les faits et gestes
de membres du pouvoir législatif. Or, le Vlaams Blok est le seul
parti qui soutient un amendement visant à soustraire complètement
les activités parlementaires à l'espionnage de la Sûreté
de l'Etat.
Je suis un nationaliste qui veut concrétiser l'indépendance
de la Flandre par tous les moyens légaux, électoraux et
politiques possibles. Le Vlaams Blok ne votera donc pas une loi qui vise à
nous empêcher de façon antidémocratique d'atteindre ce
but. (Applaudissements sur les bancs du Vlaams Blok.)
M. Boutmans (Agalev) (en néerlandais). - Nous
avons certaines réserves quant à ce projet. Nous ne voulons
pas pour autant mettre en question la nécessité des services
de renseignement et de sécurité. Il était grand temps
de doter ces services d'un statut légal. Le projet de loi permet
aux services de renseignement d'exécuter en toute légalité
certaines tâches qu'il leur était interdit d'assumer
auparavant.
Certains points du nouveau système sont tout à fait
inadmissibles. Les missions sont définies de façon
extensive. Le gouvernement est en outre autorisé à définir
de façon très large les intérêts fondamentaux
du pays pris en compte par la Sûreté de l'Etat.
Les officiers de protection des services de sécurité reçoivent
des compétences très larges.
La critique la plus fondamentale est peut-être que le pouvoir
judiciaire est obligé de collaborer étroitement avec les
services de sécurité. Cette collaboration va plus loin que
dans d'autres pays européens. Il ne reste pas grand-chose de la séparation
des pouvoirs. La disposition sur la coopération est inutile et
injustifiée. L'article 20 dispose que les conditions concrètes
de coopération sont déterminées par le Comité
ministériel. On néglige de la sorte les précautions
les plus élémentaires. C'est une erreur historique qui mènera
tôt ou tard à des conflits. Je m'étonne de n'avoir
entendu aucune objection venant de la haute magistrature à ce
sujet.
M. Van Parys, ministre de la justice (en néerlandais). -
Je remercie le président et les membres de la Commission
de la justice et des affaires étrangères ainsi que les
services du Sénat pour l'excellent travail qu'ils ont fourni. La
discussion était très technique, mais tout a été
inséré dans un ensemble cohérent. Un travail législatif
remarquable a été accompli. Les amendements ont sensiblement
amélioré le texte.
Une base légale est créée pour le fonctionnement des
services de renseignement. Je me réjouis de la volonté présente
tant à la sécurité de l'Etat qu'au service de
renseignements militaire de fonctionner à l'intérieur de ce
cadre légal.
L'équilibre entre la sauvegarde des droits de l'homme et notamment
de la vie privée, d'une part, et l'intérêt de l'Etat,
d'autre part, a été atteint grâce à ce projet
de loi et aux amendements du Sénat. Je pense par exemple aux
amendements concernant les tâches des services de sécurité
qui sont enfin décrites clairement. Je pense également à
l'amendement concernant le devoir de discrétion et à
l'amendement qui définit mieux les contacts avec les médias.
J'espère qu'une large majorité se dégagera demain
pour voter ce projet. (Applaudissements.)
- La discussion générale est close.
Discussion des articles
A l'article 5 :
§ 1er. Pour l'exécution de ses missions, la Sûreté
de l'Etat est placée sous l'autorité du ministre de la
justice.
§ 2. Toutefois, le ministre de l'intérieur peut requérir
la Sûreté de l'Etat pour ce qui concerne, l'exécution
des missions prévues à l'article 7 [...], lorsqu'elles ont
trait au maintien de l'ordre public et à la protection des
personnes.
Dans ce cas, le ministre de l'intérieur, sans s'immiscer dans
l'organisation du service, précise l'objet de la réquisition
et peut faire des recommandations et donner des indications précises
sur les moyens à mettre en oeuvre et les ressources à
utiliser.
Lorsqu'il est impossible de se conformer à ces recommandations et
indications parce que leur exécution porterait atteinte à
l'exécution d'autres missions, le ministre de l'intérieur en
est informé dans les meilleurs délais. Cela ne dispense pas
la Sûreté de l'Etat de l'obligation d'exécuter les réquisitions.
§ 3. Le ministre de la justice est chargé de l'organisation et
de l'administration générale de la Sûreté de
l'Etat, en particulier en ce qui concerne les dépenses,
l'administration du personnel et la formation, l'ordre intérieur et
la discipline, les traitements et indemnités, ainsi que l'équipement.
M. le Président. - MM. Goris et Coveliers ont déposé
un amendement (n° 1) à cet article tendant, au § 2, deuxième
alinéa, à insérer, entre les mots « l'organisation
du service » et les mots « précise l'objet de
la réquisition », les mots « et par l'intermédiaire
du ministre de la justice ».
A l'article 6 :
§ 1er. Le ministre de l'intérieur est associé à
l'organisation et à l'administration de la Sûreté de
l'Etat, conformément aux §§ 2, 3 et 4, lorsque celles-ci
ont une influence directe sur l'exécution des missions de maintien
de l'ordre public et de protection des personnes.
Si le ministre de la justice estime ne pas pouvoir donner suite à
une demande du ministre de l'intérieur, il informe ce dernier de
ses raisons.
§ 2. La signature conjointe du ministre de l'intérieur est
requise pour :
1° tout projet de loi relatif à la Sûreté de
l'Etat;
2° tout projet d'arrêté réglementaire relatif à
l'organisation générale de la Sûreté de l'Etat.
§ 3. L'avis conforme du ministre de l'intérieur est requis
pour :
1° tout projet d'arrêté relatif au cadre organique du
personnel de la Sûreté de l'Etat;
2° tout projet d'arrêté royal relatif à la
nomination et à l'affectation des fonctionnaires généraux
de la Sûreté de l'Etat;
3° tout projet d'arrêté réglementaire relatif aux
délégations spécifiques en matière budgétaire;
4° tout projet d'arrêté déterminant la formation
du personnel des Services extérieurs qui concerne les missions pour
lesquelles la Sûreté de l'Etat peut faire l'objet d'une réquisition
en matière de protection des personnes;
5° tout projet d'arrêté fixant le nombre d'agents des
Services extérieurs de la Sûreté de l'Etat qui seront
désignés comme officiers de protection et désignant
l'officier qui en a la charge;
6° l'avant-projet du budget concernant la Sûreté de
l'Etat;
7° tout projet d'arrêté réglementaire relatif aux
attributions spécifiques du fonctionnaire qui dirige la Sûreté
de l'Etat.
Le ministre de l'intérieur donne son avis dans le délai fixé
par le ministre de la justice, ce délai ne pouvant être inférieur
à vingt jours ouvrables. En cas d'urgence motivée, ce délai
peut être ramené à cinq jours ouvrables. Passé
ces délais, l'avis est réputé conforme. L'avis non
conforme est motivé.
§ 4. Le Roi détermine les matières relatives à
l'organisation et à l'administration de la Sûreté de
l'Etat, autres que celles visées aux §§ 2 et 3, et qui
ont une influence directe sur l'exécution des missions de maintien
de l'ordre public et de protection des personnes, pour lesquelles le
ministre de la justice demande un avis au ministre de l'intérieur
ou l'informe, ainsi que les modalités s'y rapportant.
M. le Président. - MM. Goris et Coveliers ont déposé
deux amendements à cet article :
le premier (n° 2) tend à supprimer le § 2 et le deuxième
(n° 3) tend à supprimer le § 4.
A l'article 7 :
La Sûreté de l'Etat a pour mission :
1° de rechercher, d'analyser et de traiter le renseignement relatif à
toute activité qui menance ou pourrait menacer la sûreté
intérieure de l'Etat et la pérennité de l'ordre démocratique
et constitutionnel, la sûreté extérieure de l'Etat et
les relations internationales, le potentiel scientifique ou économique
[...] défini par le Comité ministériel, ou tout autre
intérêt fondamental du pays défini par le Roi sur
proposition du Comité ministériel;
2° d'effectuer les enquêtes de sécurité qui lui
sont confiées conformément aux directives du Comité
ministériel;
3° d'exécuter les tâches qui lui sont confiées
par le ministre de l'intérieur en vue de protéger des
personnes;
4° d'exécuter toutes autres missions qui lui sont confiées
par ou en vertu de la loi.
[...]
M. le Président. - M. Ceder a déposé
un amendement (n° 98) tendant à supprimer, au 1° de cet
article, les mots « et constitutionnel ».
M. Boutmans et Mme Dardenne ont également déposé un
amendement (n° 104) tendant à modifier cet article de la manière
suivante :
A. Au 1°, supprimer les mots « ou tout autre intérêt
fondamental du pays défini par le Roi sur proposition du Comité
ministériel. »
B. Compléter le 1° par les mots « En aucun
cas, l'intérêt exclusif d'une seule entreprise ne sera considéré
comme un intérêt fondamental du pays. »
A l'article 8 (nouveau) :
Pour l'application de l'article 7, on entend par :
1° « activité qui menace ou pourrait menacer » :
toute activité, individuelle ou collective, déployée à
l'intérieur du pays ou à partir de l'étranger, qui
peut avoir un rapport avec l'espionnage, l'ingérence, le
terrorisme, l'extrémisme, la prolifération, les
organisations sectaires nuisibles, les organisations criminelles, en ce
compris la diffusion de propagande, l'encouragement ou le soutien direct
ou indirect, notamment par la fourniture de moyens financiers, techniques
ou logistiques, la livraison d'informations sur des objectifs potentiels,
le développement des structures et du potentiel d'action et la réalisation
des buts poursuivis.
Pour l'application de l'alinéa précédent, on entend
par :
a) espionnage : le recueil ou la livraison d'informations non
accessibles au public, et le fait d'entretenir des intelligences de nature
à les préparer ou à les faciliter;
b) terrorisme : le recours à la violence à
l'encontre de personnes ou d'intérêts matériels, pour
des motifs idéologiques ou politiques, dans le but d'atteindre ses
objectifs par la terreur, l'intimidation ou les menaces;
c) extrémisme : les conceptions ou les visées
racistes, xénophobes, anarchistes, nationalistes, autoritaires ou
totalitaires, qu'elles soient à caractère politique, idéologique,
confessionnel ou philosophique, contraires, en théorie ou en
pratique, aux principes de la démocratie ou des droits de l'homme,
au bon fonctionnement des institutions démocratiques ou aux autres
fondements de l'Etat de droit;
d) prolifération : le trafic ou les transactions
relatifs aux matériaux, produits, biens ou know-how pouvant
contribuer à la production ou au développement de systèmes
d'armement non conventionnels ou très avancés. Sont
notamment visés dans ce cadre le développement de programmes
d'armement nucléaire, chimique et biologique, les systèmes
de transmission qui s'y rapportent, ainsi que les personnes, structures ou
pays qui y sont impliqués;
e) organisation sectaire nuisible : tout groupement à
vocation philosophique ou religieuse, ou se prétendant tel, qui,
dans son organisation ou sa pratique, se livre à des activités
illégales dommageables, nuit aux individus ou à la société
ou porte atteinte à la dignité humaine;
f) organisation criminelle : toute association structurée
de plus de deux personnes, établie dans le temps, en vue de
commettre de façon concertée des crimes et délits,
pour obtenir, directement ou indirectement, des avantages patrimoniaux, en
utilisant l'intimidation, la menace, la violence, des manoeuvres
frauduleuses ou la corruption ou en recourant à des structures
commerciales ou autres pour dissimuler ou faciliter la réalisation
des infractions;
g) ingérence : la tentative d'influencer des processus
décisionnels par des moyens illicites, trompeurs ou clandestins.
Sont visées dans ce cadre les formes et structures des
organisations criminelles qui se rapportent intrinsèquement aux
activités visées à l'article 8, 1°, a) à
e) et g), ou qui peuvent avoir des conséquences déstabilisantes
sur le plan politique ou socio-économique.
2° « la sûreté intérieure de l'Etat et
la pérennité de l'ordre démocratique et
constitutionnel » :
a) la sécurité des institutions de l'Etat et la
sauvegarde de la continuité du fonctionnement régulier de
l'Etat de droit, des institutions démocratiques, des principes élémentaires
propres à tout Etat de droit, ainsi que des droits de l'homme et
des libertés fondamentales;
b) la sécurité et la sauvegarde physique et morale
des personnes et la sécurité et la sauvegarde des biens.
3° « la sûreté extérieure de l'Etat et
les relations internationales » : la sauvegarde de l'intégrité
du territoire national, de la souveraineté et de l'indépendance
de l'Etat, des intérêts des pays avec lesquels la Belgique
poursuit des objectifs communs, ainsi que des relations internationales et
autres que la Belgique entretient avec des Etats étrangers et des
institutions internationales ou supranationales.
4° « le potentiel scientifique ou économique » :
la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel
scientifique ou économique.
5° « protéger des personnes » :
assurer la protection de la vie et de l'intégrité physique
des personnes suivantes désignées par le ministre de l'intérieur :
a) les chefs d'Etat étrangers;
b) les chefs de gouvernement étrangers;
c) les membres de la famille des chefs d'Etat et de gouvernements étrangers;
d) les membres des gouvernements belges et étrangers;
e) certaines personnalités qui font l'objet de menaces résultant
d'activités définies à l'article 8, 1°. »
M. le Président. - MM. Coveliers et consorts ont
déposé un amendement (n° 89) tendant, au 1° d),
de l'article 7bis proposé, à supprimer le mot « anarchistes ».
Le deuxième amendement de MM. Coveliers et consorts (n° 91)
tend, au 1°, d) de l'article 7bis proposé, à
insérer, entre le mot « philosophique » et le
mot « contraires », les mots « pour autant
qu'elles soient ».
M. Ceder a déposé un amendement (n° 99) au 1° c)
de cet article, tendant à supprimer les mots « racistes,
xénophobes, anarchistes, nationalistes, autoritaires ou
totalitaires », ainsi qu'un amendement subsidiaire (n° 100)
tendant à supprimer, au 1° c) de cet article le mot « nationalistes ».
M. le Président. - M. Ceder a déposé
un amendement (n° 101) tendant à insérer un article 8bis,
libellé comme suit :
« Article 8bis. Pour remplir la mission visée au §
1er, 1°, y compris la collecte de données à caractère
personnel, la Sûreté de l'Etat peut faire usage d'une « liste
d'associations subversives ». Cette liste est établie,
sur l'avis de la Sûreté de l'Etat, par le Comité
ministériel. Elle doit être soumise chaque année, par
le ministre de la justice, au Sénat, qui l'approuve et la fait
publier dans le mois. Les groupements suspectés de participer à
des activités terroristes et les groupements dont la publication du
nom pourrait nuire gravement à une enquête en cours ne
doivent pas figurer sur la liste qui est transmise au Sénat.
Les données à caractère personnel qui ont été
réunies à propos de sympathisants d'un groupement dont le
nom figure sur la liste doivent être détruites sans délai,
lorsque le groupement en question n'est plus apparu sur la liste pendant
trois années successives. »
A l'article 11 :
§ 1er. Le Service général du renseignement et de la sécurité
a pour mission :
1° de rechercher, d'analyser et de traiter le renseignement relatif à
toute activité qui menace ou pourrait menacer l'intégrité
du territoire national, les plans de défense militaires,
l'accomplissement des missions des forces armées ou la sécurité
des ressortissants belges à l'étranger ou tout autre intérêt
fondamental du pays défini par le Roi sur proposition du Comité
ministériel, et d'en informer sans délai les ministres compétents
ainsi que de donner des avis au gouvernement, à la demande de
celui-ci, concernant la définition de sa politique extérieure
de défense;
2° de veiller au maintien de la sécurité militaire du
personnel relevant du ministre de la défense nationale, et des
installations militaires, armes, munitions, équipements, plans, écrits,
documents, systèmes informatiques et de communications ou autres
objets militaires;
3° de protéger le secret qui, en vertu des engagements
internationaux de la Belgique ou afin d'assurer l'intégrité
du territoire national et l'accomplissement des missions des forces armées,
s'attache aux installations militaires, armes, munitions, équipements,
aux plans, écrits, documents ou autres objets militaires, aux
renseignements et communications militaires, ainsi qu'aux systèmes
informatiques et de communications militaires ou ceux que le ministre de
la défense nationale gère;
4° d'effectuer les enquêtes de sécurité qui lui
sont confiées conformément aux directives du Comité
ministériel.
§ 2. Pour l'application du § 1er, on entend par :
1° « activité qui menace ou pourrait menacer l'intégrité
du territoire national » : toute manifestation de
l'intention de, par des moyens de nature militaire, saisir, occuper ou
agresser tout ou partie du territoire national, de l'espace aérien
au-dessus de ce territoire ou de la mer territoriale, ou porter atteinte à
la protection ou à la survie de la population, au patrimoine
national ou au potentiel économique du pays;
2° « activité qui menace ou pourrait menacer les
plans de défense militaires » : toute manifestation
de l'intention de prendre connaissance par voie illicite des plans
relatifs à la défense militaire du territoire national, de
l'espace aérien au-dessus de ce territoire ou de la mer
territoriale et des intérêts vitaux de l'Etat, ou à la
défense militaire commune dans le cadre d'une alliance ou d'une
collaboration internationale ou supranationale;
3° « activité qui menace ou pourrait menacer
l'accomplissement des missions des forces armées » :
toute manifestation de l'intention de neutraliser, d'entraver, de saboter,
de porter atteinte ou d'empêcher la mise en condition, la
mobilisation et la mise en oeuvre des forces armées belges, des
forces armées alliées ou des organismes de défense
interalliés lors de missions, actions ou opérations dans le
cadre national, dans le cadre d'une alliance ou d'une collaboration
internationale ou supranationale;
4° « activité qui menace ou pourrait menacer la sécurité
des ressortissants belges à l'étranger » :
toute manifestation de l'intention de porter collectivement atteinte, par
la dévastation, le massacre ou le pillage, à la vie ou à
l'intégrité physique de ressortissants belges à l'étranger
et des membres de leur famille.
[...]
§ 3. A la requête du service général du
renseignement et de la sécurité, la Sûreté de
l'Etat prête son concours pour recueillir le renseignement lorsque
des personnes qui ne relèvent pas du ministre de la défense
nationale ou qui ne relèvent pas d'entreprises qui exécutent
des contacts conclus avec lui, avec des organisations militaires
internationales ou avec des pays tiers en matière militaire, ou qui
participent à une procédure de passation de marché
public lancée par ceux-ci, sont impliquées dans les activités
visées au § 1er, 1°, 2° et 3°.
Les mesures de protection industrielle ne seront prises qu'à la
demande du ministre de la défense nationale, de pays tiers ou des
organisations avec lesquelles la Belgique est liée par traité,
convention ou contrat.
M. le Président. - M. Boutmans et Mme Dardenne
ont déposé un amendement (n° 105) tendant, au 1°
de cet article, à supprimer les mots « ou tout autre intérêt
fondamental du pays défini par le Roi sur proposition du comité
ministériel ».
M. le Président. - M. Ceder a déposé
un amendement (n° 102) tendant à insérer un article 11bis,
libellé comme suit :
« Article 11bis. Pour remplir la mission visée au
§ 1er, 1°, y compris la collecte de données à
caractère personnel, le service général du
renseignement et de la sécurité peut faire usage d'une « liste
d'associations subversives ». Cette liste est établie par
le Comité ministériel sur avis du SGR. Elle doit être
soumise chaque année par le ministre de la défense nationale
au Sénat, qui l'approuve et la fait publier dans le mois. Les
groupements suspectés de participer à des activités
terroristes ou les groupements dont la publication du nom pourrait nuire
gravement à une enquête en cours ne doivent pas figurer sur
la liste qui est transmise au Sénat.
Les données à caractère personnel qui ont été
réunies à propos de sympathisants d'un groupement dont le
nom figure sur la liste doivent être détruites sans délai
lorsque le groupement en question n'est plus apparu sur la liste pendant
trois années successives. »
M. le Président. - M. Ceder a déposé
un amendement (n° 103) tendant à insérer un article 12bis,
libellé comme suit :
« Article 12bis. La Sûreté de l'Etat et le
service général du renseignement ayant trait à des
membres de la Chambre des représentants, du Sénat, du
Parlement européen et des parlements des communautés et des
régions, à la conditon que leur parti ait obtenu au moins
deux élus à la Chambre et deux élus au Sénat
durant deux législatures consécutives de la Chambre et du Sénat. »
A l'article 14 (nouveau) :
Dans le respect de la loi, sur la base des accords éventuellement
conclus ainsi que des modalités déterminées par leurs
autorités compétentes, les autorités judiciaires, les
fonctionnaires et les agents des services publics peuvent communiquer
d'initiative au service de renseignement et de sécurité
concerné les informations utiles à l'exécution de ses
missions.
A la requête d'un service de renseignement et de sécurité,
les autorités judiciaires, les fonctionnaires et les agents des
services publics peuvent, dans le respect de la loi, sur la base des
accords éventuellement conclus ainsi que des modalités déterminées
par leurs autorités compétentes, communiquer au service de
renseignement et de sécurité concerné les
informations utiles à l'exécution de ses missions.
Lorsque les autorités judiciaires, les fonctionnaires et agents des
services publics estiment ne pas pouvoir communiquer aux services de
renseignement et de sécurité les informations qu'ils
demandent, ils en communiquent les raisons par écrit endéans
le mois de la demande.
M. le Président. - M. Boutmans et Mme Dardenne
ont déposé un amendement (n° 106) à cet article,
tendant à remplacer systématiquement le mots « autorités
judiciaires » par les mots « fonctionnaires du ministère
public ».
A l'article 20 (nouveau) :
§ 1er. Les services de renseignement et de sécurité,
les services de police, les autorités administratives et
judiciaires veillent à assurer entre eux une coopération
mutuelle aussi efficace que possible. Les services de renseignement et de
sécurité veillent également à assurer une
collaboration avec les services de renseignement et de sécurité
étrangers.
§ 2. Lorsqu'ils en sont sollicités par celles-ci, les services
de renseignement et de sécurité peuvent, dans les limites
d'un protocole approuvé par les ministres concernés, prêter
leur concours et notamment leur assistance technique aux autorités
judiciaires et administratives.
§ 3. Le Comité ministériel définit les
conditions de la communication prévue à l'article 19, alinéa
1er, et de la coopération prévue au § 1er du présent
article.
M. le Président. - M. Boutmans et Mme Dardenne
ont déposé un amendement (n° 107) tendant à
supprimer, au § 1er, les mots « et judiciaires ».
A l'article 25 :
Dans l'exercice de leurs missions, les officiers de protection peuvent,
afin de s'assurer qu'une personne ne porte pas une arme ou un objet
dangereux pour leur vie ou leur intégrité physique ou celles
de la personne à protéger, procéder à une
fouille de sécurité dans les cas suivants :
1° lorsque, en fonction du comportement de cette personne, d'indices
matériels ou des circonstances, l'officier de protection a des
motifs raisonnables de croire que la personne soumise à un contrôle
d'identité dans le cas et les conditions prévus à
l'article 29, porte une arme ou un objet dangereux;
2° lorsqu'une personne est provisoirement retenue conformément
aux articles 28 et 29;
3° lorsque des personnes participent à des rassemblements
publics qui présentent une menace réelle pour la personne à
protéger;
4° lorsque des personnes accèdent à des lieux où
se trouve menacée la personne à protéger.
La fouille de sécurité s'effectue par la palpation du corps
et des vêtements de la personne fouillée ainsi que par le
contrôle de ses bagages. Elle ne peut durer plus longtemps que le
temps nécessaire à cette fin et la personne ne peut être
retenue pendant plus d'une heure à cet effet.
Dans les cas visés au 3° et au 4°, la fouille est exécutée
sur ordre et sous la responsabilité de l'officier de protection
responsable de la mission; elle est effectuée par un officier de
protection du même sexe que la personne fouillée.
M. le Président. - M. Boutmans et Mme Dardenne
ont déposé un amendement (n° 108) tendant à
supprimer cet article.
A l'article 26 :
Dans l'exercice de leurs missions, les officiers de protection peuvent
procéder à la fouille d'un véhicule ou de tout autre
moyen de transport, qu'il soit en circulation ou en stationnement sur la
voie publique ou dans des lieux accessibles au public, lorsqu'ils ont des
motifs raisonnables de croire, en fonction du comportement du conducteur
ou des passagers, d'indices matériels ou de circonstances de temps
et de lieu, que le véhicule ou le moyen de transport sert ou
pourrait servir à mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité
physique d'une personne à protéger.
La fouille exécutée dans un véhicule ne peut durer
plus longtemps que le temps exigé par les circonstances qui la
justifient. Le véhicule ne peut être retenu pendant plus
d'une heure à l'effet d'une fouille effectuée dans le cadre
de l'exercice des missions de protection.
La fouille d'un véhicule aménagé de façon
permanente en logement et qui est effectivement utilisé comme
logement au moment du contrôle est assimilée à la
visite domiciliaire.
M. le Président. - M. Boutmans et Mme Dardenne
ont déposé un amendement (n° 109) tendant à
supprimer les deux premiers alinéas de cet article.
A l'article 28 :
Dans l'exercice de leurs missions, les officiers de protection peuvent, en
cas d'absolue nécessité, retenir une personne à l'égard
de laquelle il existe des motifs raisonnables de croire, en fonction de
son comportement, d'indices matériels ou des circonstances, qu'elle
se prépare à commettre une infraction ou qui commet une
infraction qui met gravement en danger la vie ou l'intégrité
physique d'une personne à protéger, afin de l'empêcher
de commettre une telle infraction ou de faire cesser cette infraction et
de la mettre à la disposition d'un fonctionnaire de police afin
qu'il procède à l'arrestation administrative conformément
aux articles 31 à 33 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction
de police.
La privation de liberté effectuée par l'officier de
protection ne peut jamais durer plus longtemps que le temps requis par les
circonstances qui la justifient et ne peut en aucun cas dépasser
six heures. Ce délai prend cours à partir du moment où
la personne concernée ne dispose plus, à la suite de
l'intervention d'un officier de protection, de la liberté d'aller
et de venir.
Le Roi fixe les modalités selon lesquelles le moment auquel il a été
procédé à l'arrestation est enregistré.
Lorsque la privation de liberté est suivie d'une arrestation
administrative conformément aux articles 31 à 33 de la loi
du 5 août 1992 sur la fonction de police, la durée maximale
de l'arrestation administrative est réduite à due
concurrence.
M. le Président. - M. Boutmans et Mme Dardenne
ont déposé un amendement (n° 110) tendant à
supprimer cet article.
A l'article 29 :
§ 1er. Dans l'exercice de leurs missions, les officiers de protection
peuvent contrôler l'identité de toute personne s'ils ont des
motifs raisonnables de croire, en fonction de son comportement, d'indices
matériels ou de circonstances de temps et de lieu qu'elle se prépare
à porter atteinte à la vie ou l'intégrité
physique d'une personne à protéger.
§ 2. Conformément aux instructions et sous la responsabilité
de l'officier de protection responsable de la mission, les officiers de
protection peuvent également contrôler l'identité de
toute personne qui souhaite pénétrer en un lieu faisant
l'objet d'une menace au sens de l'article 25, alinéa 1er, 3°
et 4°.
§ 3. Les pièces d'identité qui sont remises à
l'officier de protection ne peuvent être retenues que pendant le
temps nécessaire à la vérification de l'identié
et doivent ensuite être immédiatement remises à l'intéressé.
§ 4. Si la personne visée aux paragraphes précédents
refuse ou est dans l'impossibilité de faire la preuve de son
identité, de même que si son identité est douteuse,
elle peut être retenue pour être mise à la disposition
d'un fonctionnaire de police qui procèdera à la vérification
de son identité conformément à l'article 34, §
4, de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police.
La privation de liberté effectuée par l'officier de
protection ne peut jamais durer plus longtemps que le temps requis par les
circonstances qui la justifient et ne peut en aucun cas dépasser
six heures. Ce délai prend cours à partir du moment où
la personne concernée ne dispose plus, à la suite de
l'intervention d'un officier de protection, de la liberté d'aller
et de venir.
Lorsque la privation de liberté est suivie d'une arrestation
administrative conformément à l'article 34, § 4, de la
loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, la durée
maximale de l'arrestation administrative est réduite à due
concurrence.
M. le Président. - M. Boutmans et Mme Dardenne
ont déposé un amendement (n° 111) tendant à
supprimer cet article.
A l'article 31 :
Dans l'exercice de leurs missions, les officiers de protection peuvent, en
tenant compte des risques que cela comporte, recourir à la force
pour poursuivre un objectif légitime qui ne peut être atteint
autrement.
Tout recours à la force doit être raisonnable et proportionné
à l'objectif poursuivi.
Tout usage de la force est précédé d'un
avertissement, à moins que cela ne rende cet usage inopérant.
M. le Président. - M. Boutmans et Mme Dardenne
ont déposé un amendement (n° 112) tendant à
supprimer cet article.
- Le vote sur les amendements est réservé.
- La séance est levée à 21 h 05 m.
- Prochaines séances demain à 9 heures et 15 heures.
EXCUSES
M. Weyts, pour raison de santé, demande d'excuser son absence à
la présente séance.