5-123 | Sénat de Belgique | 5-123 |
Avertissement: les passages en bleu sont des résumés traduits du néerlandais.
Prise en considération de propositions
Hommage aux victimes du typhon Haiyan aux Philippines
Propositions prises en considération
Centre d'information et d'avis sur les organisations sectaires nuisibles
Présidence de Mme Sabine de Bethune
(La séance est ouverte à 15 h 10.)
M. André du Bus de Warnaffe (cdH). - Le mardi 5 novembre dernier, un colloque scientifique sur le diabète organisé à Bruxelles a réuni plusieurs médecins et chercheurs de la KU Leuven, de la VUB, de l'UCL, du Sart-Tilman et de OLV Aalst, ainsi que les représentants des associations de patients francophones et néerlandophones, l'ABD et la Diabetes Liga. Le thème était l'activité sportive au coeur du processus de prévention et de traitement des diabètes de type 1 et de type 2. Votre collègue, le ministre Vandeurzen, y était attendu mais s'est fait excuser.
Une question partagée par l'ensemble des participants est revenue avec beaucoup de vigueur : pour quelle raison la Belgique n'adopte-t-elle toujours pas un plan national diabète ? Quels sont les obstacles qui empêchent la Belgique de disposer d'un tel plan ?
Je rappelle qu'en 2006, l'Assemblée générale des Nations Unies, qui a fait de la journée mondiale du diabète une journée Nations Unies, a plaidé pour que les gouvernements prennent leurs responsabilités par l'adoption d'un plan diabète, que le Sénat a voté une proposition de résolution en ce sens en 2007, que plus récemment, en 2011, une réunion de haut niveau de l'OMS, portant sur les maladies non transmissibles, dont le diabète, a également plaidé pour l'adoption d'un tel plan, et qu'enfin, le Parlement européen, en mars 2013, a voté une résolution invitant chaque pays membre à adopter un tel plan.
Pourquoi la Belgique se singularise-t-elle par rapport aux autres États membres dont certains ont déjà adopté un tel plan ou sont en voie de le faire ? Le diabète, de par son ampleur, sa croissance exponentielle, la difficulté à inverser la courbe et la charge qu'il représente tant pour les patients que pour les organismes assureurs, devrait faire l'objet d'une priorité de l'agenda politique. L'adoption d'un plan national est d'autant plus justifiée qu'il associe les entités fédérées également concernées par les aspects relatifs à la prévention, la sensibilisation et le dépistage.
En cette journée mondiale du diabète, n'estimez-vous pas opportun de poser un acte fort à l'attention du monde scientifique et des associations de patients qui oeuvrent depuis longtemps et quotidiennement dans la lutte contre cette véritable épidémie ?
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - La prise en charge des patients diabétiques est déjà organisée aujourd'hui, d'une part, par le plan relatif aux maladies chroniques et, d'autre part, gráce à une série de dispositifs spécifiques aux patients diabétiques : conventions INAMI, trajets de soins « diabète », passeport du diabète, remboursement des médicaments spécifiques, consultation « check-up » gratuite. Cette dernière existe depuis 2010 et permet la détection précoce du diabète. En d'autres termes, si un plan relatif au diabète n'existe pas en tant que tel, un dispositif assez complet permet dans les faits de garantir une prise en charge optimale des patients diabétiques. Plutôt que de développer des plans individuels pour chacune des maladies chroniques, il est plus efficace de les intégrer dans un plan global. C'était la volonté de mon plan « Priorité aux malades chroniques ».
Des mesures ont été mises en oeuvre pour aider le plus efficacement possible les patients diabétiques. Outre celles qui existent déjà et que je viens de vous détailler, d'autres actions sont en cours. Ainsi, le dispositif existant sera renforcé à la suite des travaux du Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE), en collaboration avec l'INAMI et le SPF Santé publique qui a rédigé la note d'orientation « Vision intégrée de l'approche des maladies chroniques en Belgique » au sujet de l'organisation des soins intégrés pour ces malades.
Cette note d'orientation sera examinée lors d'une conférence nationale sur les maladies chroniques organisée ce 28 novembre 2013.
Parallèlement, cette question sera analysée en concertation avec mes collègues des communautés et régions. Vous avez vous-même évoqué le sport qui relève d'un autre niveau de pouvoir. La conférence interministérielle de la Santé publique a déjà approuvé en décembre 2012 la création d'un groupe de travail intercabinets « maladies chroniques ». Le travail du KCE et celui de la conférence du 28 novembre feront l'objet d'une discussion très précise avec mes collègues des communautés et des régions.
Enfin, j'ai demandé au groupe de travail « diabète » de l'Observatoire des maladies chroniques d'examiner la coordination entre les différents niveaux de soins et de proposer des solutions adéquates aux carences constatées en replaçant les attentes dans le contexte des demandes de l'OMS et de l'Union européenne.
Je voulais apporter une réponse précise sur le travail que nous menons depuis plusieurs années, notamment gráce aux travaux du Sénat. Durant la législature précédente, sa commission des Affaires sociales a en effet réalisé un travail très intéressant sur le diabète. J'ai voulu en tirer les leçons. Le trajet de soins et le passeport sont issus des travaux du Sénat. Nous allons continuer dans cette voie.
M. André du Bus de Warnaffe (cdH). - Je reviens sur deux points.
Vous avez tout à fait raison de dire, madame la ministre, que l'ensemble des mesures déjà prises par votre administration témoigne d'une volonté manifeste de prendre en considération les patients diabétiques et de répondre largement à leurs besoins. Toutefois, l'enjeu ne se situe pas là - puisque tous les éléments d'un dispositif sont en effet présents - mais à deux autres niveaux.
Tout d'abord, aujourd'hui, la question du diabète ne mobilise pas encore assez, de façon coordonnée, les entités fédérées et l'État fédéral. J'en veux pour preuve la différence entre les situations en Communauté flamande et en Communauté française. En Communauté flamande, le ministre Jo Vandeurzen développe le dépistage du pré-diabète, ce qui n'est absolument pas le cas en Communauté française. Pis, en Communauté française, rien de spécifique n'est prévu pour le diabète, qui n'est compris que dans un plan général sur les attitudes saines. La coordination mériterait d'être davantage affirmée et organisée de manière cohérente.
Le deuxième élément concerne la santé publique. Il s'agit de la notion de maladie chronique. Il y a deux jours, en commission, le professeur Pipeleers, directeur du Centre de recherche sur le diabète, a expliqué qu'aujourd'hui, en raison de l'état d'avancement de la recherche médicale et scientifique sur le diabète de type 1, on ne pouvait plus considérer le diabète comme une maladie chronique comme une autre puisqu'il s'agissait d'une maladie dont on pouvait guérir. De même, pour le diabète de type 2, il estimait que l'évolution de la recherche, entre autres sur les déterminants sociaux et les comportements, plaidait pour la considération du diabète de type 2 comme maladie éradicable.
Il existe donc un débat de fond pour faire sortir le diabète de la catégorie des maladies chroniques.
Vu le nombre de personnes concernées en Belgique, six cent mille aujourd'hui, peut-être un million demain, je considère qu'à l'instar du plan national de lutte contre le sida adopté voici trois semaine, un plan national de lutte contre le diabète serait tout à fait justifié.
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - Il ne faut pas opposer les malades entre eux. Beaucoup de maladies chroniques sont éradicables, heureusement ! Cela ne les fait pas pour autant sortir du champ du plan national contre les maladies chroniques !
M. Jacques Brotchi (MR). - Cela fait des années que je m'évertue à essayer d'obtenir un cadastre complet de l'activité médicale, en particulier pour les médecins spécialistes. Vous avez déjà répondu, madame la ministre, voici quelques années en ce qui concerne les généralistes. Ce cadastre d'activité des spécialistes est un élément indispensable afin de pouvoir évaluer de manière claire les besoins en matière d'effectifs médicaux pour les années futures. Bien que n'ayant jamais vu ce fameux cadastre, j'imagine qu'il a dû être finalisé puisque la Commission de planification semble avoir revu à la hausse ses recommandations concernant un certain nombre de spécialités.
Néanmoins, même si vous suiviez lesdites recommandations en vue d'élargir ces quotas INAMI, ceux-ci seraient de toute façon insuffisants pour permettre à tous les futurs diplômés de recevoir le droit d'exercer. De l'aveu même de la Commission, on parlerait pour 2018 d'un millier d'étudiants qui resteraient sur le carreau, le CIUM évoquant même plusieurs milliers.
Parmi les éléments qui ne font qu'aggraver ce problème, il y a l'obtention d'un nombre important de numéros INAMI par des étudiants non belges. Or les conditions d'exercice de la médecine dans nombre de pays, tels que la France par exemple, sont plus attractives que chez nous et ces étudiants quittent donc souvent notre pays après quelques années.
Pendant ce temps, et malgré une sensibilisation répétée de ma part, la Fédération Wallonie-Bruxelles n'a toujours pris aucune mesure de contingentement des étudiants s'engageant dans le cursus de médecine, au contraire de la Communauté flamande qui a instauré un examen d'entrée. Cela augure donc d'une aggravation de la situation pour les années à venir.
Madame la ministre, confirmez-vous le risque que de futurs jeunes médecins diplômés se voient refuser l'octroi d'un numéro INAMI et donc aussi le droit d'exercer la médecine en Belgique ? Le cas échéant, quelle mesures comptez-vous prendre pour éviter cette situation, par exemple en collaboration avec la Fédération Wallonie-Bruxelles ?
Pourriez-vous nous informer sur le traitement qui est réservé aux détenteurs de numéros INAMI partis exercer à l'étranger ? Les numéros redeviennent-ils disponibles ?
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - II convient d'abord d'apporter quelques rectifications aux propos que vous avez tenus en préambule, monsieur Brotchi.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, la Banque de données fédérale des professionnels des soins de santé, appelée « Cadastre », est opérationnelle depuis plus de trois ans.
Cependant, contrairement à une idée largement répandue, le Cadastre ne réalise pas de couplage systématique entre les données d'identification du Cadastre et celles issues de l'INAMI. Le Cadastre ne peut contenir que les données relatives aux noms et prénoms, aux titres professionnels et qualifications professionnelles particulières, à l'adresse professionnelle principale et au statut social de ces professionnels de la santé.
Les opérations de couplage de données du Cadastre avec les données issues de l'INAMI sont très complexes et ne peuvent être effectuées que ponctuellement dans le cadre de projets spécifiques en fonction des besoins de la Commission de Planification - Offre médicale.
Je vous rejoins cependant sur la nécessité de disposer en permanence d'un cadastre d'activités des professionnels de la santé afin d'avoir une vue très précise de l'offre de main-d'oeuvre de la part des professionnels de la santé et de pouvoir faire une réelle planification au lieu d'un simple numerus clausus.
C'est pourquoi ce matin, en Conseil des ministres, j'ai proposé une initiative en ce sens dans le cadre de la loi Santé. Cette proposition a été acceptée par mes collègues.
Je précise également que le contingentement ne porte pas sur les numéros INAMI mais sur l'accès à la formation menant aux spécialités. Par conséquent, tous les diplômés ont accès à un numéro INAMI ; seul l'accès aux numéros INAMI correspondant aux différentes spécialités est limité.
Ensuite, dans le cadre de la planification, seuls les titulaires d'un diplôme belge sont actuellement soumis au contingentement. Cette différence de traitement ne me paraît pas justifiée mais, en tout état de cause, cela n'aggrave pas la problématique, contrairement à ce que vous affirmez.
Enfin, en ce qui concerne la maîtrise du flux entrant d'étudiants en médecine, l'autorité flamande a mis en place un examen d'aptitude à l'entrée des études mais aucune mesure de contingentement. Les mesures prises par le ministre Marcourt, à savoir la mise en place d'une épreuve d'évaluation obligatoire en cours de première année de médecine, s'apparentent totalement à cet examen d'aptitude tel qu'il a été institué du côté néerlandophone, notamment en termes de taux de réussite.
Aucun médecin diplômé ne se voit actuellement refuser un numéro INAMI, et le risque que cela se produise dans le futur est réduit par les mesures qui sont prises par chacune des Communautés.
On constate à cet égard que les facultés de médecine acceptent actuellement un léger surplus de médecins en formation par rapport aux quotas, qu'elles visent à rattraper sur les années futures.
Toutefois, je considère que le système de planification ne résout pas les problèmes, notamment la pénurie annoncée en médecine générale, et que ce système mérite d'être modifié. Je ferai à brève échéance des propositions en ce sens.
Faisant suite à votre demande d'obtenir des données pertinentes, je vous remets le rapport d'activité 2012 de la Commission de planification et la dernière enquête spécifique aux médecins effectuée par la Commission de planification en 2012, relative à la médecine interne et à ses spécialités « filles ».
M. Jacques Brotchi (MR). - Je vous remercie, madame la ministre, pour ces documents que je lirai attentivement.
Je suis heureux d'apprendre que vous avez pu faire passer un texte important en Conseil des ministres. Il n'empêche que la situation n'est pas la même en Flandre et du côté francophone, dans la mesure où, du fait de l'examen d'entrée tel qu'il existe en Flandre, le nombre d'étudiants terminant leurs études de médecine correspond plus ou moins au nombre prévu.
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - Ce n'est pas exact. Le nombre d'étudiants terminant la médecine en Flandre est supérieur au nombre prévu par la Commission de planification.
M. Jacques Brotchi (MR). - Chez nous, il est beaucoup plus élevé parce que la situation est différente.
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - Voilà pourquoi il y a eu une modification en Communauté française et la mise en place d'une épreuve d'évaluation.
M. Jacques Brotchi (MR). - Je suis d'accord avec vous sur la nécessité de disposer d'un cadastre d'activités et non d'un cadastre nominal, surtout si l'on veut faire des projections pour l'avenir, sur les tranches d'áge des médecins qui partent à la retraite et pour lesquels la relève n'est pas nécessairement assurée.
Un autre point concerne les jeunes qui terminent la médecine et souhaitent pouvoir choisir une spécialité. Vous savez comme moi que le nombre de places disponibles n'est pas extensible à l'infini. Par conséquent, qu'on le veuille ou non, certains étudiants ayant terminé leurs études auront des difficultés à trouver un emploi.
Je connais pour l'instant un jeune qui souhaiterait faire la médecine générale et ne trouve pas de généraliste pour son stage.
Certaines situations sont difficiles sur le terrain parce que nous avons malheureusement trop d'étudiants qui terminent leurs études par rapport aux places disponibles.
Le problème est général. Il n'est pas uniquement lié au numéro INAMI mais à des projections sur le devenir de notre médecine et de nos soins de santé.
Je réitère mon inquiétude sur ce qui passe à l'heure actuelle du côté francophone, avec le nombre de jeunes qui entrent, passent les tests obligatoires, mais non contraignants, dont vous avez parlé, et qui arrivent dans les auditoires en nombre tel qu'ils ne peuvent bénéficier de l'encadrement nécessaire, que ce soit dans les travaux pratiques ou plus tard, dans les stages en hôpital.
À cet égard, j'ai un énorme souci pour le futur de notre médecine et de la qualité des soins pour lesquels vous ne cessez de vous battre.
Mme la présidente. - M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles, répondra.
M. Benoit Hellings (Ecolo). - Chers collègues, monsieur le ministre, les révélations sur l'ampleur et les ramifications du système de surveillance informatique américain PRISM sont au coeur de l'actualité politique quotidienne.
Un article du journal Der Spiegel du 22 juillet dernier relayait des informations contenues dans les documents rendus public par Edward Snowden, ancien analyste de la NSA. Le journaliste explique par le menu la façon dont les agences allemandes en charge du renseignement collaborent directement avec l'agence de renseignement américaine alors que le gouvernement fédéral allemand nie farouchement depuis des semaines être au courant de ce système de surveillance généralisé.
Le 17 juillet dernier, le même magazine allemand rapportait déjà que des documents internes au quartier général de l'OTAN en Afghanistan datés du 1er et du 15 septembre 2011 donnaient des instructions très précises à tous les regional commands sur la manière pour les forces militaires coalisées de collaborer au « foreign data surveillance program » clairement nommé PRISM, au moins à trois reprises, dans ces documents.
L'armée belge fait partie intégrante des forces de l'OTAN présentes en Afghanistan et délègue à ce titre un ou plusieurs officiers au sein du quartier général de l'ISAF à Kaboul où les renseignements sont partagés. Or, le 9 juillet, M. De Crem affirmait lors d'une réunion de la commission de la Défense de la Chambre que « le SGRS n'était pas au courant de l'existence des programmes américains PRISM ni de leur ampleur ».
Comment se fait-il que la Défense belge et son service de renseignements, le SGRS, n'auraient pas eu connaissance des notes datées du 1er et du 15 septembre 2011 faisant état d'instructions claires et précises concernant l'usage de PRISM, alors que plusieurs de ses officiers sont membres du quartier général de l'ISAF ?
Le SGRS a-t-il, oui ou non, répondu aux instructions de ces deux notes internes à l'OTAN et a-t-il participé, directement ou indirectement, au programme PRISM ?
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles. - Je vous donne lecture de la réponse du ministre.
Le Service général du renseignement et de sécurité, le SGRS, me fait savoir qu'il n'a absolument pas eu connaissance des documents internes rapportés par le magazine allemand Der Spiegel du 17 juillet dernier.
Selon les éléments visibles et divulgués dans la presse de ces documents datés du 1er et du 15 septembre 2011, il apparaît qu'ils contenaient des informations classifiées. Dès lors, selon le principe du « need to know », ils n'ont probablement pas été diffusés à tous les échelons hiérarchiques des différents regional commands.
Par ailleurs, le SGRS n'a déployé en Afghanistan son personnel habilité à traiter ce type d'informations classifiées qu'à partir du mois de novembre 2011. Ce personnel qui occupait des fonctions d'analystes en vue d'assurer la protection des troupes belges sur place n'a pas eu connaissance de ces documents.
M. Benoit Hellings (Ecolo). - Je remercie M. le secrétaire d'État d'avoir bien voulu répondre mais je regrette l'absence du ministre de la Défense, pourtant présent, ce matin, en commission.
Je voudrais formuler deux observations.
Tout d'abord, il existe une ancienne tradition de collaboration entre le service de renseignement de l'armée, le SGRS, et la NSA. Depuis des mois, l'opposition tente de comprendre pourquoi ce gouvernement ne réagit pas plus fermement aux révélations publiées dans la presse internationale concernant l'usage de PRISM. Bien entendu, la connivence évidente existant entre le SGRS et la NSA - une sorte de consanguinité - pourrait expliquer ce silence.
La NSA possède évidemment une très grande expertise en matière de renseignement. D'ailleurs, comme le général Testelmans, en charge du SGRS, l'a mentionné dans un article paru l'été dernier, son service se rend régulièrement à Fort Meade, au quartier général de la NSA, pour y suivre des cours relatifs à la collecte des renseignements.
Par ailleurs, si la Belgique utilisait le système PRISM, ce serait une catastrophe. En effet, ce système de surveillance généralisée n'a rien à voir avec l'espionnage, dont un service de renseignement - notamment celui de l'armée - a bien entendu besoin. La surveillance généralisée n'est pas de l'espionnage. Elle met à mal la vie privée de nos concitoyens et, surtout, l'intérêt économique de nos entreprises qui sont, en ce moment, « écoutées » par le gouvernement américain par le biais de la NSA. Notre économie est mise en mauvaise posture, alors que des négociations sont en cours entre les États-Unis et l'Europe en vue de la conclusion d'un accord de libre-échange.
Mme la présidente. - M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles, répondra.
Mme Olga Zrihen (PS). - La Tunisie continue à rembourser la dette illégitime, voire odieuse, contractée sous le régime du président Ben Ali alors qu'à la suite des nouveaux prêts de la Banque mondiale et du FMI, la dette publique nationale extérieure n'a cessé d'augmenter depuis les soulèvements populaires de 2011.
Deux ans plus tard, il est plus que jamais nécessaire de mener plus loin la réflexion relative à la suspension de paiement de la dette, le temps qu'un audit soit réalisé afin d'identifier toutes les dettes n'ayant pas servi l'intérêt des populations, d'où l'appellation spécifique de « dette odieuse ».
En référence à l'accord de gouvernement de 2011, selon lequel « le gouvernement réalisera l'audit des dettes et annulera en priorité les dettes contractées au détriment des populations », une résolution adoptée par le Sénat en juillet 2011 appelait le gouvernement à agir en ce sens. Toutefois, force est de constater que des mesures visant à annuler la dette odieuse du pays n'ont pas encore été mises en oeuvre.
Par ailleurs, lors d'une précédente question posée à ce sujet à votre prédécesseur, M. Vanackere, il m'avait été répondu que la décision de suspendre le remboursement de créances ne se prenait pas unilatéralement mais dans le cadre multilatéral du Club de Paris, lequel, sauf erreur, ne semble toujours pas envisager de mettre la dette tunisienne à son ordre du jour.
Monsieur le ministre, en 2012, votre prédécesseur avait affirmé que ses services procédaient à un audit des créances belges sur la Tunisie afin de préparer une éventuelle discussion dans le cadre du Club de Paris.
Cet audit a-t-il bien eu lieu et si tel est le cas, quels en ont été les résultats ? Quelles démarches peuvent-elles être entreprises au sein du Club de Paris pour que la dette odieuse tunisienne puisse faire l'objet d'une annulation, notamment par le biais de l'intégration de la Tunisie au programme Heavily Indebted Poor Countries ?
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles. - Je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre Geens qui participe en ce moment au Conseil Écofin.
Il est très difficile de se prononcer sur le caractère « odieux » ou non d'une dette souveraine. La notion même de dette souveraine « odieuse » n'est définie nulle part et n'existe pas juridiquement. De plus, pour ce qui est des nouveaux prêts de la Banque Mondiale et du FMI, il est important de souligner qu'ils sont concessionnels et permettent de financer des projets dont la population est directement bénéficiaire.
Une analyse précise de la soutenabilité de la dette tunisienne a été faite par le FMI et le montant de ces prêts ne dépasse jamais la capacité de remboursement du pays.
Je vous confirme les propos de mon prédécesseur, le ministre Vanackere, sur le fait que l'opportunité d'une suspension du remboursement de la dette souveraine de la Tunisie ne se décide pas unilatéralement. Le processus d'annulation d'une dette souveraine est strictement encadré par le Club de Paris ; celui-ci, par son expérience, son expertise et ses relais apporte une véritable plus-value.
Le Club de Paris suit très attentivement le cas de la Tunisie et de tous les pays de la zone qui ont été secoués par les événements du printemps arabe. La Tunisie n'est pas encore venue à l'ordre du jour des réunions du Club. Tout d'abord, le gouvernement tunisien lui-même n'est pas demandeur d'un traitement de sa dette par les membres du Club.
Par ailleurs, un pays n'est inscrit à l'ordre du jour des réunions du Club que si les pays créanciers constatent des retards de paiement du pays emprunteur ou si une demande est formulée expressément par un pays débiteur. Or, ce n'est absolument pas le cas de la Tunisie qui est en ordre de paiement vis-à-vis de ses créanciers bilatéraux et multilatéraux.
Pour ce qui est du traitement de la dette tunisienne dans le cadre de l'initiative HIPC - Heavily Indebted Poor Countries -, la Tunisie n'entre pas davantage en ligne de compte. Pour être éligible, un pays doit satisfaire à un ensemble de critères, parmi lesquels celui de faire face à un niveau d'endettement insoutenable, même après la mise en oeuvre des mécanismes traditionnels d'allégement de la dette. Ce n'est pas le cas de la Tunisie.
L'audit sur les créances bilatérales de la Tunisie est toujours en cours par la Trésorerie, mais je peux d'ores et déjà vous indiquer que les autorités tunisiennes ne sont demandeuses de rien sur ce plan.
Si la Tunisie, en réponse à nos offres informelles, devait nous revenir, je suis prêt à plaider au sein du gouvernement en faveur d'actions à l'égard de la dette tunisienne, éventuellement sous la forme d'une conversion de la dette en programme d'aide au développement, dans le cadre d'une action concertée avec les autres créanciers souverains de la Tunisie.
Mme Olga Zrihen (PS). - Je prends bonne note du fait que le gouvernement tunisien n'entreprend pas de démarches en ce sens. Quant au caractère « odieux » de la dette, il s'explique par le fait que d'anciens emprunts contractés au détriment de la population continuent à peser sur elle. Je note également qu'il existe un dispositif de paiement mais que si, à l'instar de ce qui s'est fait en Guinée, il y avait une volonté du gouvernement tunisien, des actions pourraient être entreprises.
Quant au dispositif de conversion, il n'est vraiment favorable ni aux pays, ni aux populations. Il me semblait également qu'il entrait réellement dans nos intentions de soutenir ces pays et, surtout, leurs populations dans leur marche vers la démocratie et le redéploiement économique. Reste à préciser comment les y aider.
Mme la présidente. - M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles, répondra.
Mme Marie Arena (PS). - Si l'on en croit le quatrième index (bis)annuel sur l'opacité financière publié le 7 novembre dernier par le Tax Justice Network, la Belgique est passée de la 59e à la 45e place, ce dont nous ne pouvons évidemment que nous réjouir. Cependant, à y regarder de plus près, le pays a encore des efforts à fournir, particulièrement en ce qui concerne la transparence financière.
Si des progrès ont été réalisés en matière de secret bancaire, la Belgique reste un paradis fiscal en raison de l'absence de taxes sur les gains du capital, de la question du secret bancaire pour les résidents et de l'absence d'impôt sur la fortune.
Par ailleurs, le secteur du diamant est montré du doigt dans le rapport. Le récent scandale concernant la compagnie Omega n'y est sans doute pas étranger. Cela étant, la concurrence croissante avec l'Inde, Israël et Shanghai risque de pousser à l'emploi de subterfuges pour maintenir ou attirer davantage le secteur à Anvers. Il s'agit donc d'être particulièrement vigilant sur ce point.
Monsieur le ministre, à la suite de cette publication, quelles mesures le gouvernement souhaite-t-il mettre en place pour améliorer encore les performances de la Belgique en matière de transparence financière afin qu'elle puisse enfin rejoindre le groupe des pays exemplaires en la matière, tels que la Suède, le Danemark ou l'Espagne ? Si nous nous comparons souvent aux pays nordiques sur un certain nombre de sujets fiscaux, nous pouvons également les prendre en exemple sur le plan de la transparence. C'est un objectif louable vers lequel la Belgique pourrait tendre.
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles. - Je vous communique la réponse du ministre.
Plusieurs mesures ont déjà été prises dans un passé récent en vue d'assurer une plus grande transparence et une plus grande ouverture. J'en veux pour preuve l'assouplissement sensible du secret bancaire, le projet de loi portant diverses dispositions fiscales qui est actuellement soumis pour avis au Conseil d'État et l'adaptation de cette réglementation. Je pense ici plus particulièrement à la modification de la procédure devant être suivie lorsque des informations sont recueillies auprès d'une institution financière belge à la demande d'une administration étrangère.
Je voudrais également mentionner la récente introduction d'une obligation d'information pour tous ceux qui sont fondateurs ou tiers bénéficiaires d'une construction juridique comme un trust. Le gouvernement a encore discuté ce matin de l'établissement d'un régime de transparence fiscale aux termes duquel les fondateurs d'une telle construction sont imposés d'une manière transparente.
Les modifications ne se font toutefois pas du jour au lendemain. Les évolutions sont positives et vont dans la bonne direction mais il faut à chaque fois remettre le travail sur le métier.
J'en viens au secteur diamantaire. Il faut souligner sa volonté de travailler dans le sens d'une plus grande vigilance face au risque de blanchiment et de financement du terrorisme. À cette fin, l'arrêté royal du 7 octobre 2013 portant approbation du règlement pris en exécution de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme pour les commerçants en diamant enregistrés en application de l'article 169, §3 de la loi-programme du 2 août 2002, a été publié au Moniteur belge du 24 octobre 2013.
Le secteur diamantaire est également impliqué dans l'actuel quatrième cycle d'évaluation - organisé par le Groupe d'action financière (GAFI) - de l'efficacité du système global belge de lutte contre le blanchiment.
Cette évaluation est un moteur important pour susciter de la part de ce secteur, qui se dit volontaire et veut adopter une plus grande vigilance vis-à-vis des risques de blanchiment et de financement du terrorisme, des avancées significatives afin de répondre aux recommandations internationales en la matière et d'améliorer ainsi la transparence financière de notre système.
Mme Marie Arena (PS). - On peut se réjouir du travail réalisé au cours de la présente législature en faveur de la transparence financière. Le contexte international et surtout la pression européenne et celle exercée gráce à l'accord FATCA, conclu avec les États-Unis, nous ont aidés à aller dans ce sens.
Sur le secteur diamantaire, que vous avez abordé dans votre réponse, je poserai aussi une autre question en commission au sujet du processus de Kimberley qui connaît encore aujourd'hui des difficultés sur le plan de la transparence. Nous resterons de toute façon attentifs.
Mme la présidente. - Je vous propose de joindre ces questions orales. (Assentiment)
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles, répondra.
M. François Bellot (MR). - Hier, l'État belge a annoncé sa sortie de BNP Paribas Fortis, l'ex-Fortis Banque. Il a en effet revendu ses parts - représentant 25% du capital - pour 3,5 milliards. Cette opération représente un bénéfice et donc une plus-value de quelque 900 millions d'euros. C'est donc une bonne chose pour nos finances. Cela signifie également que la banque belge passe intégralement sous contrôle français. En outre, la Belgique avait affecté 60 millions d'euros au budget de 2014 comme dividendes venant de Fortis. Tout ceci n'est pas sans conséquence.
Sans douter de l'opportunité de l'opération, je souhaiterais vous poser deux questions. Cette opération fera-t-elle baisser avec certitude la dette en dessous des 100% ? Comment ces 60 millions seront-ils compensés au budget ?
Vous dites faire confiance aux Français en ce qui concerne les éventuelles restructurations qui pourraient en découler du côté belge. Est-ce suffisant ? Quelles garanties concrètes avez-vous de leur bonne foi et de leur volonté d'assurer l'ancrage belge dans la banque ? Je rappelle que, par ailleurs, nous sommes toujours actionnaires à 10,83% de BNP Paribas.
Mme Anke Van dermeersch (VB). - J'ai également appris par la presse que le gouvernement s'était défait des 25% de parts encore détenues par l'État belge dans BNP Paribas Fortis pour un montant de 3,25 milliards d'euros. Le gouvernement prend à nouveau une mesure unique et non structurelle pour maintenir la dette de l'État sous contrôle. Après avoir bradé le secteur énergétique au profit de la France, on termine la même opération pour une partie de notre secteur financier.
Dans un communiqué de presse, le ministre des Finances indique que les garanties sociales et d'emploi sont préservées. Cela m'inspire quelques questions.
Le gouvernement a visiblement aussi l'intention de céder sa participation de 10,3% dans BNP Paribas, du moins s'il en retire une plus-value.
Quelle est la nature des garanties sociales et d'emploi pour les 15 000 travailleurs du réseau d'agences ? Quelle est la durée de ces garanties ? La presse avance la date de 2020. Sont-elles juridiquement contraignantes ?
Le gouvernement cédera-t-il également sa participation de 10,3% ? Dans l'affirmative, le réseau d'agences bénéficiera-t-il toujours des garanties sociales et d'emploi ? Un grand nombre de travailleurs sont tout de même concernés.
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles. - Je voudrais remercier les deux sénateurs pour leurs questions.
Je trouve extraordinaire que, dans ce dossier, ceux-là mêmes qui critiquaient l'achat, voici quelques années, d'actions de cette entreprise, l'estimant trop coûteux, trouvent aujourd'hui leur vente trop bon marché ! Alors que l'État fait une plus-value de 900 millions d'euros. C'est quand même pas mal ! On peut toujours faire mieux mais reconnaissons que le résultat n'est pas mauvais.
Ce sont les mêmes aussi qui nous reprochaient d'avoir pris ces participations qui nous reprochent à présent d'en sortir. Où est la logique ! La táche de l'opposition est de s'opposer, certes ! J'ai moi-même connu l'opposition, elle permet notamment une certaine incohérence dans le propos.
Monsieur Bellot, l'opération implique bien une baisse du ratio de la dette de 0,85% du produit intérieur brut (PIB). À ce jour, il n'y a pas de certitude absolue que cela suffira pour faire descendre le ratio de la dette en dessous des 100% du PIB, notamment en raison de l'incertitude autour du dénominateur pour calculer ce ratio, à savoir le produit intérieur brut qui ne sera connu qu'à la fin de l'année.
Dans la convention de cession des actions de BNP Paribas Fortis, BNP Paribas confirme expressément son intention de poursuivre le plan mentionné dans son communiqué du 25 mars 2013. Dans ce communiqué, BNP Paribas annonçait qu'au cours des trois prochaines années, les effectifs diminueront de 1 800 équivalents temps plein par mobilité interne et départs naturels. La sortie de l'État n'entraînera donc pas de modification de ce plan. Si des mesures complémentaires devaient s'avérer nécessaires, le gouvernement a obtenu que les engagements qu'a pris BNP Paribas au moment du sauvetage en 2008 restent d'application jusqu'à un horizon visible, c'est-à-dire au moins jusqu'à la fin 2017. Ces engagements consistent à privilégier les rotations naturelles et la mobilité au sein du groupe.
La convention de cession des actions stipule en outre que, jusqu'à 2020, au moins trois administrateurs de Fortis seront de nationalité belge. Au-delà de ce délai, BNP Paribas s'est engagé à veiller au maintien d'administrateurs qui ont une compétence avérée dans le secteur bancaire ou le monde économique belge.
Les garanties sociales sont inscrites dans l'accord de cession des parts de l'État belge. Cet accord prévoit aussi que BNP Paribas poursuivra le plan communiqué le 25 mars dernier. Selon ce plan, l'effectif diminuera de 1 800 équivalents temps plein au cours des trois prochaines années, et cela exclusivement par le biais de la mobilité interne et des départs naturels. Le gouvernement a aussi obtenu que l'engagement souscrit par PNB Paribas en 2008 soit maintenu jusque fin 2017, pour autant que des mesures complémentaires s'imposent. Cet engagement consiste à donner la priorité aux rotations naturelles et à la mobilité au sein du groupe.
Par ailleurs, l'accord prévoit qu'au moins jusqu'en 2020, le conseil d'administration de Fortis Banque comptera trois Belges. BNP Paribas veillera aussi, par la suite, à ce que trois de ses dirigeants aient toujours une connaissance spécifique du secteur bancaire ou économique belge.
La cession de la participation de 10,3% dans la maison mère BNP Paribas n'est pas à l'ordre du jour. Cette cession n'aurait aucun effet sur les dispositions contractuelles exposées ci-dessus.
M. François Bellot (MR). - Bien entendu nous avons relevé les incohérences : certains qualifient l'opération de gáchis aujourd'hui alors qu'à l'époque, en commission de suivi de la crise financière, le même terme était utilisé pour qualifier la prise de participation de l'État belge dans Fortis.
Pour un gáchis qui se solde par une plus-value de plus de 900 millions d'euros sur 3 milliards 250 millions, l'État belge pourrait recommencer l'opération !
Pour le reste, il y a une question à laquelle vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre, c'est la prévision des 60 millions de dividendes pour 2014. Comme l'opération de cession se passe en 2013, une convention pourrait peut-être permettre de maintenir le versement de ces dividendes au moins proportionnellement au nombre de mois de l'année 2013 écoulés avant la cession. Manifestement vous n'avez pas les éléments, nous interrogerons donc le ministre en commission des Finances.
Mme Anke Van dermeersch (VB). - Je remercie le secrétaire d'État d'avoir lu la réponse, mais il ne peut malheureusement répondre à mes questions complémentaires. J'entends que le ministre Geens ne peut se rallier à la logique de l'opposition, qui ne serait jamais satisfaite. De fait, nous ne nous satisfaisons pas d'une plus-value de 900 millions d'euros. Depuis 2008, la situation de BNP Paribas s'est améliorée de 9,5 milliards gráce à la reprise progressive de Fortis Banque. Le patrimoine propre de la banque s'élevait à 15,14 milliards fin 2008 et à 22,65 milliards fin juin 2013, soit une croissance de 7,5 milliards qui profite entièrement aux Français. En échange, nous obtenons une plus-value de 900 millions. Les Français ont bien joué et nous ont joliment dupés.
Le gouvernement aurait dû mieux contrôler le budget, de façon à ne pas devoir agir dans la précipitation pour respecter l'échéance imposée par l'Europe quant au maintien de la dette de l'État sous les 100% du PIB. De même, nous n'aurions pas dû tant dépendre de cet unique acheteur potentiel et rusé.
Il incombe effectivement à l'opposition de mener son travail d'opposition. La logique des chiffres va pourtant de soi. L'opération ne peut nullement être qualifiée de bonne affaire : 9,5 milliards pour la France et 900 millions pour notre pays. Nous attribuons dès lors une mention carrément insuffisante au gouvernement.
Mme Fatiha Saïdi (PS). - La saison hiver de l'Association internationale du transport aérien (IATA), qui regroupe 240 membres et représente plus de 84% du trafic aérien, a débuté le 22 octobre dernier avec de nouveaux horaires et de nouvelles dessertes aériennes depuis Bruxelles-National.
Depuis cette date, la charge sonore des vols de nuit a augmenté au nord-est de Bruxelles, à Haren et Evere, alors que de nuit, seule - en principe - la route du canal doit être utilisée. Il semblerait que quatre vols de nuit opérés par DHL se suivent à intervalles rapprochés sur la même trajectoire ; ce fait nouveau pose bien évidemment problème.
Si, tout comme de nuit, c'est la route du canal qui doit être empruntée le samedi et le dimanche, on constate cependant que des avions survolent la Grand-Place de Bruxelles située pourtant à deux kilomètres du canal. Il semblerait donc que la trajectoire du canal ne soit pas suivie par les avions, surtout de nuit.
Par ailleurs, j'entends régulièrement l'argument sans cesse répété mais jamais démontré que la périphérie nord de Bruxelles serait la plus survolée, mais les données chiffrées et les cartes fournies par le médiateur démontrent tout à fait le contraire : la région du Noordrand n'est survolée que par 40% des avions en phase de décollage, répartis sur quatre trajectoires différentes, alors que les survols vers Bruxelles par le canal représentent 10% des décollages et que le fameux virage vers la gauche qui est une procédure de concentration totale des survols est utilisé par 50% des décollages par Haren, Evere, Schaerbeek, Woluwe et Wezembeek, soit 60% au total.
Alors que la région flamande veut élargir le ring Ouest de Bruxelles entre Zaventem et Zellik, je pense qu'il serait opportun de faire suivre ce tracé assez large et donc moins densément peuplé. La route du ring est la procédure qui survole le moins de zones habitées ; pourtant, cette route n'est utilisée ni de nuit ni le samedi ou le dimanche. Avec un ring élargi, le bon sens serait d'envoyer plus d'avions au-dessus des zones d'équipements autoroutiers.
Partant de ces constats et de ces considérations, je souhaiterais connaître les raisons pour lesquelles le bruit nocturne a augmenté depuis le 22 octobre dernier et les prochaines étapes de l'exécution des accords 2008-2010.
(M. Francis Delpérée prend place au fauteuil présidentiel.)
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles. - Votre question me permet de faire le point dans un dossier fort délicat.
C'est la destination finale d'un vol qui détermine le choix d'une procédure de départ et, par conséquent, la piste de décollage utilisée pour autant que les conditions climatiques le permettent.
Effectivement, depuis le nouvel horaire hiver IATA, un regroupement des départs de nuit du principal intégrateur DHL s'est opéré vers 4 heures du matin pour divers vols qui utilisent la procédure dite route du canal depuis la piste 25R.
Les nombreuses analyses faites sur le terrain par le médiateur de l'aéroport montrent un respect assez strict de la procédure, surtout la nuit, avec un virage avant Haren pour ne survoler que des zones d'équipement et d'industrie jusqu'à la Place de l'Yser. Toutefois, comme vous le dites, divers écarts ont malgré tout été constatés sur cette route du canal, mais en journée le samedi et le dimanche, avec des avions qui n'ont pas intercepté le premier point de passage dit « Waypoint » à proximité du Domaine royal de Laeken et ont volé tout droit vers la Grand-Place de Bruxelles sur une procédure inexistante. Cela vous prouve l'intérêt de créer une autorité indépendante de contrôle qui veillera au respect strict de l'ensemble des procédures.
La piste 25R offre de nombreux avantages, elle est la plus longue et la mieux équipée ; elle permet la meilleure répartition des décollages en journée selon les zones survolées : 50% des décollages par Haren, Evere, Schaerbeek, Woluwe vers l'Oostrand mais sur une trajectoire unique ; 40% vers le Noordrand sur quatre trajectoires légèrement différentes et 10% tout droit vers le centre de Bruxelles. Il faut toutefois noter que, le samedi et le dimanche, la route du Ring par le Noordrand est remplacée par la route du canal.
L'utilisation des différentes routes a fait l'objet d'accords équilibrés en 2008 et 2010, et une utilisation accrue de la route du Ring ne figure pas dans ces accords. Chacun peut avoir son propre point de vue à cet égard, mais, en tant que secrétaire d'État à la Mobilité, il me revient d'exécuter fidèlement l'accord politique.
Le 9 janvier 2014, les routes vers le Nord seront adaptées. Le 6 février ce sera le cas des routes par Bruxelles et, le 6 mars, on terminera l'exécution totale des accords par les routes vers Louvain et l'Est.
J'ai demandé au médiateur, M. Torck, de suivre attentivement l'évolution de l'utilisation des routes et des niveaux de bruit relevés dans le réseau de sonomètres autour de la zone du Canal et de me faire régulièrement rapport sur d'éventuels écarts ou infractions constatés afin de pouvoir prendre des mesures et de contrôler si les accords intervenus sont bien respectés.
Mme Fatiha Saïdi (PS). - Je vous entends très bien, monsieur le secrétaire d'État, lorsque vous parlez de respect des accords intervenus. Cependant, l'accord de gouvernement prévoit également l'installation d'une autorité indépendante de contrôle des nuisances sonores, comme vous l'avez d'ailleurs rappelé. J'espère dès lors que cette autorité verra le jour assez rapidement pour nous doter d'un organe indépendant qui objectivera l'ensemble des plaintes relatives aux survols de zones.
Comme vous le savez, nous plaidons aussi depuis de nombreuses années pour la restauration d'une nuit européenne durant laquelle tout vol serait interdit au-dessus de la capitale durant la nuit jusqu'à 7 heures du matin. J'espère également que l'on accédera un jour à cette revendication.
M. Patrick De Groote (N-VA). - Trois quarts des produits agroalimentaires dépendent de la pollinisation par les abeilles et autres insectes. L'industrie de la pollinisation réalise actuellement un chiffre d'affaires supérieur à 160 milliards d'euros. La pollinisation et donc l'apiculture sont essentielles pour l'humanité. Le secrétaire d'État en est tout à fait conscient car il a lui-même établi un plan d'action abeilles. Selon un article publié cette semaine par The Financial Times, la mortalité massive des abeilles menace par ailleurs les amandiers, ce qui fera augmenter le prix des barres sucrées et des céréales pour petit-déjeuner.
À la mi-octobre, j'ai appris incidemment que l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) avait confisqué le produit BeeVital HiveClean dans les commerces spécialisés dans le matériel d'apiculture. Ce produit combattrait de manière écologique le varroa, un parasite de l'abeille. Je n'ai toutefois trouvé aucune communication officielle concernant cette confiscation. Plus tôt dans l'année, l'AFSCA avait également interdit l'antibiotique Fumagilline.
Les produits destinés à protéger les abeilles et ceux qui les empoisonnent sont traités de façons fort différentes. Il a, par exemple, fallu des années pour que les néonicotinoïdes soient interdits. De même, l'effet des fongicides sur les abeilles n'a été étudié que récemment. Par contre, les décisions visant à retirer du marché les produits protégeant les abeilles semblent être prises bien plus rapidement.
Le secrétaire d'État est-il au courant de la mesure concernant le produit BeeVital HiveClean ? En quoi consiste-t-elle précisément ? L'interdiction de vente est-elle définitive ou seul un lot déterminé est-il concerné ? Quel est le danger pour la chaîne alimentaire ? Quelle alternative l'AFSCA propose-t-elle à ce produit ?
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État à l'Environnement, à l'Énergie et à la Mobilité, et aux Réformes institutionnelles. - Je suis heureux de constater votre intérêt pour le plan abeilles du Service public fédéral (SPF) Santé Publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement. Le plan abeilles, présenté à la Chambre des représentants le 24 avril dernier, comprend deux parties.
Tout d'abord, une mise en perspective qui décrit le contexte et les causes du déclin des abeilles ainsi que les premières réponses apportées aux échelons mondial, européen et belge jusqu'au début de cette législature. La problématique du varroa y est détaillée.
Ensuite, un engagement concret, orienté vers les résultats et soumis à un monitoring régulier, concernant huit clusters et 29 actions, identifiant les acteurs clés (pouvoirs publics, monde académique et scientifique, organisations non gouvernementales acteurs de terrain) et le niveau d'action le plus efficace (Union européenne, État fédéral, coopération nationale).
Concernant la santé animale, le plan abeilles fédéral contient des mesures additionnelles pour la période 2012-2014. Il s'agit de l'élaboration d'un programme-pilote de surveillance des maladies des abeilles par l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire.
Quant aux autres questions relatives à la santé animale, je vous saurai gré de bien vouloir vous adresser à la ministre compétente, Mme Onkelinx.
M. Patrick De Groote (N-VA). - Je remercie le secrétaire d'État pour sa réponse.
Je m'intéresse en effet à la problématique des abeilles, au sujet de laquelle j'ai d'ailleurs déposé une proposition de résolution. Vous ne m'avez toutefois pas répondu au sujet de la confiscation du produit en question.
J'espère que son plan d'action pourra apporter une solution aux nombreuses menaces, mais des accords clairs devront quand même être conclus avec les différents acteurs. Tout évolue, y compris les pesticides. La cause de la mort des abeilles est une combinaison de divers éléments.
Je suis déçu que le secrétaire d'État me renvoie vers la ministre Onkelinx. Ma question, qui concerne directement une intervention de l'AFSCA, était destinée à la ministre Laruelle, compétente en la matière, mais elle l'a apparemment transmise au secrétaire d'État à l'Environnement.
M. le président. - La liste des propositions à prendre en considération a été distribuée.
Est-ce qu'il y a des observations ?
Puisqu'il n'y a pas d'observations, ces propositions sont considérées comme prises en considération et renvoyées à la commission indiquée par le Bureau.
(La liste des propositions prises en considération figure en annexe.)
M. Guido De Padt (Open Vld). - Selon la presse de ce jour, la monarchie coûtera 38,7 millions d'euros en 2014. Gráce aux récentes mesures prises pour améliorer la transparence, les dépenses de la famille royale peuvent être clairement identifiées, et cela pour la première fois. Les dotations correspondent à un tiers des frais. Les autres frais sont effectués par le biais des départements Intérieur et Défense, notamment pour la surveillance du Palais royal par la police fédérale.
Pour viser à moins d'État et diminuer les prélèvements publics, l'Open Vld plaide pour que les autorités se concentrent sur leurs táches fondamentales, également en matière de sécurité.
J'ai élaboré une proposition de loi visant à étendre les táches du secteur de la sécurité privée. Je ne pense pas seulement aux táches de sécurité, mais aussi aux activités administratives, organisationnelles et logistiques, par exemple la perception des amendes. Ma proposition de loi s'intègre dans la fusée libérale à trois étages destinée à réformer la police : la police doit, tout comme les autres services publics, se concentrer prioritairement sur ses táches fondamentales ; elle doit ensuite exécuter celles-ci de manière optimale ; enfin, des táches doivent être transférées, non seulement vers d'autres services publics, mais surtout vers le secteur privé. La surveillance des bátiments royaux est un bel exemple de táche pouvant être confiée au secteur privé. Cette discussion est en cours depuis dix ans déjà, sans grands résultats.
Ma proposition de loi permet de progresser, à savoir de mettre en oeuvre l'accord de gouvernement et les notes politiques de la ministre de l'Intérieur. Le discours a changé en matière de sécurité. En fonction des concepts de sécurité intégrale et modale, nous ne pouvons pas simplement opposer sécurité publique et sécurité privée. Une coopération entre le public et le privé doit être possible en 2013.
Où en sont les projets gouvernementaux de transfert de táches policières vers le secteur privé et d'extension des compétences des services de gardiens de la paix ? Ces réformes s'intègrent-elles dans l'idée du « moins d'État » ou vont-elles directement à l'encontre de celle-ci ?
La ministre partage-t-elle l'idée selon laquelle les concepts de sécurité intégrale et modale n'opposent pas sécurité publique et sécurité privée ? Admet-elle qu'une coopération entre le public et le privé doit être possible en 2013 ? Comment entend-elle concrétiser celle-ci ?
Mme Joëlle Milquet, vice-première ministre et ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des Chances. - En vue de mettre en oeuvre l'accord de gouvernement du 1er décembre 2011, particulièrement quant aux táches fondamentales de la police, j'ai soumis deux avant-projets de loi au gouvernement. Le premier, qui comprend la sécurité privée, sera, la semaine prochaine, soumis en seconde lecture au conseil des ministres. Le parlement en débattra donc dans quelques semaines. Il a reçu un avis positif du Conseil d'État.
Le second projet de loi, relatif à l'extension des compétences des gardiens de la paix, a été, aujourd'hui même, approuvé par le conseil des ministres en seconde lecture. Cela a été annoncé dans un communiqué de presse et sur le site web de l'Intérieur. Les gardiens de la paix recevront aussi une meilleure formation.
Ces deux importants projets de loi seront bientôt débattus à la Chambre ou au Sénat et, je l'espère, adoptés.
Je partage bien entendu la position du sénateur De Padt concernant une meilleure collaboration en matière de sécurité entre les secteurs privé et public. J'avais d'ailleurs élaboré des propositions complémentaires à ce sujet, mais je n'ai malheureusement pas été soutenue par certains partis, dont l'Open Vld. Il s'agissait d'un choix politique. J'ai toujours plaidé pour une coopération en matière de sécurité entre les secteurs privé et public, ainsi que pour la conclusion d'un protocole d'accord entre la police et les gardiens de la paix, d'une part, et le secteur privé, d'autre part.
J'annoncerai bientôt, dans ma note de politique générale, une série de nouvelles initiatives destinées à renforcer cette coopération.
M. Guido De Padt (Open Vld). - La réponse de la ministre est assez vague et ne contient aucun engagement précis. Nous attendons avec impatience son projet de loi sur la sécurité privée. J'espère qu'elle fera preuve de volontarisme et qu'elle déchargera la police d'un certain nombre de táches de manière à ce que celle-ci dispose de capacités accrues pour mener à bien ses missions de base.
En tant que bourgmestre et président d'une zone de police, je vois presque chaque jour des jeunes transportés en combi de police pour être présentés devant le juge de la jeunesse. Deux policiers passent une demi-journée à les y attendre avant de les ramener à leur point de départ. Des táches comme l'assistance aux huissiers de justice pourraient parfaitement être externalisées, ce qui permettrait à la police de se concentrer sur la lutte contre la criminalité.
Nous attendons également avec impatience son communiqué de presse d'aujourd'hui sur les gardiens de la paix. J'estime qu'en l'espèce, la prudence est de mise. Les gardiens de la paix ne doivent pas devenir des « agents de police light ». Nous devons faire en sorte que, même s'ils sont bien formés, on ne leur octroie pas trop de compétences pour verbaliser le citoyen, sans que les principes de l'État de droit, tels que le droit de la défense, soient respectés.
Je demande également à la ministre d'optimaliser le fonctionnement de la police. Je renvoie aux propositions de la commissaire générale, Mme De Bolle, qui bénéficient du soutien du conseil fédéral de police. La ministre avait en l'espèce une autre vision, que tout le monde ne partage pas. J'espère qu'un accommodement sera trouvé afin que nous puissions optimaliser, en bonne intelligence, le fonctionnement de la police et cela, dans un souci d'efficacité.
M. le président. - La parole est à Mme Douifi pour un rapport oral.
Mme Dalila Douifi (sp.a), rapporteuse. - Le présent projet de loi, qui relève de la procédure bicamérale, est issu d'un projet de loi que le gouvernement avait déposé au Sénat le 4 juin 2013. Le Sénat a adopté le projet le 18 juillet 2013 et l'a transmis à la Chambre des représentants.
Le 17 octobre 2013, la Chambre des représentants a transmis au Sénat le projet de loi amendé. La date de l'accord de coopération est ainsi modifiée.
La commission de l'Intérieur a examiné ce projet de loi au cours de sa réunion du 12 novembre 2013, en présence de la ministre de l'Intérieur. La discussion et le vote du projet n'ont donné lieu à aucune remarque.
La commission a adopté les articles 1er et 2, ainsi que l'ensemble du projet, à l'unanimité des 9 membres présents.
À la même unanimité, confiance a été faite à la rapporteuse pour un rapport oral en séance plénière.
M. Filip Dewinter (VB). - Le présent projet est discuté pour la seconde fois au Sénat, après que son intitulé ait été modifié plusieurs fois à la Chambre. Je profite de l'occasion pour réitérer mes remarques, ne serait-ce que parce que dans l'intervalle, il s'est produit de nouveaux événements nécessitant une discussion complémentaire.
(Mme Sabine de Bethune, présidente, reprend place au fauteuil présidentiel.)
Par le passé, le groupe Vlaams Belang a déposé plusieurs propositions de loi tendant à supprimer purement et simplement le « Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme ». Dans le cadre de l'aspiration à « moins d'État », il serait opportun de réduire ce type d'institutions au strict minimum.
Je rappelle également à mes collègues les intentions partisanes qui ont été à la base de la création de cette institution soi-disant indépendante, à savoir le fameux « dimanche noir » de la grande victoire électorale du Vlaams Blok.
Le Vlaams Belang trouve encore aujourd'hui qu'un organisme tel que le CECLR, composé de manière non démocratique et non élu par le peuple, détermine la politique migratoire d'un pays, ou à tout le moins l'oriente quelque peu Nous trouvons inacceptable qu'un parti politique déterminé, voire une tendance politique, soit combattu par le biais du CECLR. Ce Centre, qui n'est soumis à aucun contrôle politique et qui ne doit rendre de comptes à personne, obtient dans ce cadre des compétences très larges, en particulier celle de se constituer partie civile.
M. Bert Anciaux (sp.a). - Selon M. Dewinter, le CECLR a été créé pour lutter contre le Vlaams Blok de l'époque. Ce parti n'a pourtant pas été banni par le Centre, mais bien par la justice qui a estimé que les agissements de ce parti étaient contraires aux règles normales du droit. Les juges ont qualifié le Vlaams Blok de « parti raciste ». Pour un tel jugement, nous n'avons pas besoin du CECLR.
M. Filip Dewinter (VB). - Pourtant si.
M. Bert Anciaux (sp.a). - Je suis tout à fait convaincu que notre société a, plus que jamais, besoin que l'on combatte les discriminations et l'inégalité des chances. Chacun doit être conscient du fait que la lutte contre les discriminations est une des táches intrinsèques de l'État, faute de quoi nous aurons une société de plus en plus duale et qui exclura de plus en plus de personnes qui ne se sentiront plus en phase avec notre société, ce qui ne fera qu'accroître les tensions. J'ai du mal à imaginer que M. Dewinter ne comprenne pas lui-même que, pour parvenir à une certaine cohésion sociale, il faut passer par une politique de non-discrimination et une lutte acharnée contre les discriminations.
M. Filip Dewinter (VB). - Je suis partisan du droit à la discrimination. Peut-être cela choquera-t-il M. Anciaux mais chaque pays discrimine sur la base de la nationalité. Il n'y a d'ailleurs rien de mal à octroyer certains droits et devoirs à des citoyens d'un pays sur la base de la nationalité.
M. Bert Anciaux (sp.a). - Là n'est pas la question.
M. Filip Dewinter (VB). - Mais si, là est justement la question. Pour moi, il ne s'agit d'ailleurs pas de discrimination mais du cours normal des choses, que le CECLR entend combattre.
M. Anciaux prétend que le Vlaams Belang a été condamné par la justice.
M. Bert Anciaux (sp.a). - Monsieur Dewinter, vous parlez du Vlaams Belang. Je parlais du Vlaams Blok.
M. Filip Dewinter (VB). - Pour moi, il s'agit d'un seul et même parti. Le Vlaams Belang n'est qu'une même réalité sous une autre apparence. Je suis même fier qu'il s'agisse d'un seul et même parti et que nous ne nous laissions pas abattre par un régime et par l'establishment politique qui ont créé le CECLR pour en faire un centre d'inquisition destiné à abattre un parti politique déterminé. Les tribunaux partisans sont parvenus à faire ce qui n'avait pas été possible par la voie des urnes.
La justice nous a condamnés mais le CECLR a été créé par le politique et est intervenu quatre fois en tant que partie civile pour provoquer des procès jusqu'à ce que finalement, on trouve à Gand un tribunal dont nous connaissons l'appartenance politique des juges. L'un de ceux qui nous a condamnés à l'époque est actuellement le grand patron de la Sûreté de l'État.
Le CECLR a eu besoin de trois procès. À trois reprises, le tribunal s'était déclaré incompétent.
M. Leman, à l'époque directeur du CECLR nous avait alors déclaré qu'il tiendrait bon, pendant des décennies s'il le fallait, jusqu'à ce qu'il trouve un tribunal prêt à condamner le Vlaams Blok. Et il l'a trouvé ! Il est au fond étonnant que cette quête ait duré dix ans, dans un pays où la justice est à ce point politisée.
Je ne suis d'ailleurs pas attristé par la condamnation de mon parti car quelques mois plus tard, cette condamnation nous a apporté la plus grande victoire électorale de notre histoire politique. Après que le tribunal de Gand nous a condamnés, le peuple nous a acquittés en nous gratifiant de 24 pour cent des voix.
Mais si quelqu'un touche aux fleurons du régime, et surtout s'il s'agit du centre d'inquisition CECLR, cela fait du grabuge. Les partis au pouvoir - sp.a, PS, CD&V, PSC et toute la bande - sont parfaitement conscients qu'ils dépassent largement les bornes. Ils savent que de telles institutions ne sont finalement à leur place que dans des régimes non démocratiques, comme la RDA et l'URSS et qui ont aussi créé ce type d'institutions pour báillonner leurs dissidents politiques. C'est apparemment aussi ce que l'on veut faire dans notre pays soi-disant démocratique.
Le Vlaams Belang estime inadmissible que le CECLR soit doté des compétences d'un parquet politique. C'est tout le noeud du problème !
Permettez-moi d'énumérer les frasques du CECLR.
La ministre de la Justice se souviendra certainement de la plainte du CECLR à l'encontre de la chaîne HEMA, plainte avec laquelle cet organisme s'est rendu ridicule.
En tant que parlementaire, M. Anciaux se souviendra sans aucun doute du durcissement des conditions en matière de regroupement familial, que le Parlement avait pourtant voté. Ce Centre a fini par se considérer comme au-dessus des lois et trouve normal de critiquer les décisions du Parlement.
Lorsque le conseil communal de Boom a décidé démocratiquement d'interdire le port du foulard islamique, M. De Witte, directeur du CECLR a parlé aux journaux d'abolition de la démocratie.
Il y eut aussi l'affaire de l'entreprise de portes basculantes Feryn.
Il y eut encore la lettre ouverte adressée au bourgmestre d'Anvers, la plus grande ville de Flandre, après la décision démocratique prise par le conseil communal, d'augmenter les frais d'inscription des étrangers, lettre accusant le bourgmestre d'Anvers de discrimination.
C'est intéressant pour les membres de la N-VA qui voteront peut-être avec enthousiasme ce projet de loi.
Le Sénat se rappellera sans aucun doute les dernières pitreries du CECLR. Imaginez-vous que même Gaia a été la cible du Centre. Gaia avait en effet osé condamner l'abattage rituel des moutons sans étourdissement. Au nom de la fête du Mouton, l'islam organise chaque année une partie d'abattage barbare qui ne saurait être une fête pour les moutons. Cette condamnation a entraîné une plainte du CECLR contre Gaia.
Et cela n'est qu'un petit échantillon des nombreux incidents que la CECLR a à son actif. Le Centre est complètement sorti de ses missions et s'est transformé en centre d'inquisition qui veut faire la leçon à la politique. Il s'est arrogé le rôle de conscience morale pour, en dehors des règles du jeu démocratique, proclamer au pays ce qui est raciste, discriminatoire ou politiquement incorrect, et ce qui ne l'est pas.
Même en dehors du Vlaams Belang, il y a de plus en plus de voix qui s'élèvent pour dire que la coupe est pleine et qu'il faut mettre un terme au pouvoir débridé du Centre. Je peux citer Bart De Wever, qui dit qu'il serait mieux de dissoudre le Centre puisqu'il n'a aucun sens et qu'il menace en permanence la liberté d'opinion. Je lui donne totalement raison à ce propos, mais j'aimerais bien voir si son groupe rejettera le projet de loi tout à l'heure. Mais entre rêve et réalité, la N-VA a encore un très long chemin à parcourir.
Je me réfère aussi à André Gantman, le chef de groupe N-VA au conseil communal d'Anvers. Gantman a été échevin pour l'Open Vld et était jusqu'il y a peu un membre éminent ce parti. Il était également en relation amicale avec le président de la Fédération anversoise de ce parti et reste un représentant éminent de la communauté juive d'Anvers. Il y a un mois, le 7 octobre, Gantman a fait une série de déclarations intéressantes reprises en page une de la Gazet van Antwerpen. Ces déclarations récentes montrent qu'une deuxième lecture du projet au Sénat a toujours toute son utilité.
Selon Gantman les résultats obtenus en vingt ans d'existence du CECLR ne sont pas seulement minimes, mais son travail est même contre-productif. Le CECLR fait obstacle à une intégration harmonieuse par ses prises de position. Ainsi le Centre s'oppose-t-il à l'obligation pour les nouveaux arrivants de suivre des cours de néerlandais. Gantman estime que le CECLR n'a absolument pas contribué à l'intégration au contraire. Par son attitude, le Centre confirme les structures de pouvoir traditionnelles de l'islam et empêche l'intégration. M. Anciaux ferait mieux d'écouter Gantman.
Mme Detiège connaît d'ailleurs très bien M. Gantman puisqu'il a été son échevin du Personnel. Je cite littéralement les propos de M. Gantman tels qu'on peut les lire dans le journal.
M. Bert Anciaux (sp.a). - Mais il ne parlait pas du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.
M. Filip Dewinter (VB). - Mais si. Il disait qu'en outre le CECLR confirme par son attitude les structures de pouvoir traditionnelles au sein de l'islam et que ce centre empêche ce faisant l'intégration. Il ajoutait que pour traiter les problèmes on ne doit travailler ni avec ce genre d'institutions qui sont des mastodontes bureaucratiques ni au moyen de sanctions juridiques et pénales, qu'il y a d'autres possibilités. Et de conclure qu'il fallait tout simplement dissoudre le Centre pour l'égalité des chances.
Ce ne sont pas mes mots mais ceux de M. Gantman, un homme bien plus éminent que moi et un représentant de la communauté juive, ancien échevin d'Anvers pour l'Open Vld et actuellement chef de groupe du plus grand parti d'Anvers. C'est pourquoi je suis si curieux du vote que la N-VA émettra tout à l'heure.
Il n'est nul besoin de démontrer que, comme le révérend De Wever et M. Gantman l'ont bien mieux exprimé que je ne le puis, un pareil centre n'est d'aucune utilité en Flandre. La Flandre, et par extension la Belgique, je suis gentil, n'a aucun besoin d'une police de la pensée politiquement correcte. Le CECLR n'a en rien fait progresser l'intégration des allochtones et il n'en sera pas différemment du nouveau centre. On a seulement réussi, gráce au Centre, à criminaliser le Vlaams Blok/Vlaams Belang et maintenu ainsi le cordon sanitaire. Peut-être a-t-on de cette façon jeté les bases pour un autre parti national flamand, plus modéré, mais qui pose actuellement peut-être encore bien plus de problèmes aux partis traditionnels que le Vlaams Belang. Je laisse chacun en juger.
Notre position est toutefois très claire. Nous ne soutenons pas la création du Centre interfédéral. On peut aussi critiquer ce projet de loi sur le fond. Il présente de nombreux manquements. J'en détaille quelques-uns.
Selon le gouvernement la scission du centre actuel en un centre interfédéral et un centre fédéral est rendue nécessaire pour que la Belgique puisse respecter les directives de l'Union européenne. Le gouvernement sait que ce n'est qu'une demi-vérité. Les compétences étendues, bien trop étendues de l'actuel Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme dépassent en fait largement ce que nous imposent la Convention des Nations unies de 1969 et la directive européenne 2000/43 du 29 juin 2000. À l'article 13 de cette directive, on dispose que les États membres doivent désigner un organe chargé « de promouvoir l'égalité de traitement entre toutes les personnes ». Il s'agit plus précisément de trois missions : « [...] apporter de l'aide aux personnes victimes d'une discrimination [...], conduire des études indépendantes concernant les discriminations, [...], émettre des recommandations [...]. »
Voilà ce que nous impose l'Union européenne dans sa fameuse directive du 29 juin 2000. Je m'adresse aussi aux collègues de la N-VA, qui vont apparemment consentir à la création de ce Centre, tout comme la N-VA l'a fait à la Chambre et bientôt au Parlement flamand. Les compétences du nouveau centre interfédéral outrepassent largement ce que demande la directive européenne. Les compétences du centre actuel ne sont pas diminuées, au contraire. Le Centre pourra encore se constituer partie civile. Il pourra toujours agir comme une sorte de parquet politique contre ceux qui défendent un point de vue critique sur l'immigration ou qui osent exprimer une opinion politiquement incorrecte sur la multiculturalité, l'islam ou l'immigration. Pourquoi cette juridiction est-elle nécessaire ? La directive européenne derrière laquelle on se cache pour faire approuver ce projet de loi, ne la demande en aucune manière.
La Communauté flamande aurait pu créer pour ses propres compétences un Centre flamand avec des attributions limitées conformément à la directive européenne. La N-VA, qui est, notez-le bien, représentée au gouvernement flamand, exprime de nombreuses critiques dans les médias mais semble apparemment trouver « OK » qu'aucun centre flamand, ne soit créé. Elle semble même d'accord avec la création d'un centre interfédéral qui disposera des mêmes attributions que le CECLR. Le nouveau centre reçoit même des compétences supplémentaires puisqu'il peut également intervenir dans l'enseignement et dans d'autres matières qui relèvent aujourd'hui des communautés et des régions. Les compétences du Centre s'accroissent avec l'appui de la N-VA, alors que Bart De Wever et André Gantman selon leurs propres dires sont les plus farouches opposants à ce centre. Faire le grand écart est très douloureux.
Si l'on avait suivi à la lettre la directive européenne, on aurait pu se contenter d'une vision minimaliste avec l'octroi d'une partie des compétences à l'Office des étrangers ou à une autre institution existante. Il n'était pas nécessaire de créer un centre interfédéral. La directive européenne n'est qu'un alibi.
Avec un centre interfédéral, le gouvernement maintient le cap. Il crée à nouveau un État dans l'État, une institution en dehors de la démocratie, qui n'est soumise à aucun contrôle parlementaire. Au contraire, le Centre fera la leçon aux hommes politiques sur la base de sa propre idéologie politiquement correcte, antidiscriminatoire et multiraciale. C'est ainsi qu'on veut nous faire taire et brider le droit à la liberté d'expression. Avec le centre interfédéral, le gouvernement crée un monstre non démocratique qui n'a pas sa place dans un État de droit. Je suis d'accord avec M. De Wever : ce Centre est une menace permanente pour le droit à la liberté d'expression et doit donc être supprimé aussi vite que possible.
Conformément à la position que nous avons prise par le passé, nous nous rallions aux paroles du président de la N-VA et demandons la suppression de ce centre. Nous ne voterons pas ce projet de loi.
M. Philippe Moureaux (PS). - Je voudrais, en tant que président de la commission de l'Intérieur, rappeler que nous sommes ici pour discuter d'un changement pelliculaire dans un texte déjà adopté par la Chambre et par le Sénat. Il s'agit juste d'un changement de date. M. Dewinter en a profité pour se lancer dans une diatribe - il cherchait certainement le prétexte et le moment. Je constate simplement qu'en commission de l'Intérieur, le représentant du Vlaams Belang n'est pas intervenu. Le texte a été très rapidement adopté. Mais il est vrai qu'il n'y avait aucun public. Ici non plus, le public n'est pas très nombreux, mais on pourra toujours faire croire le contraire.
Je pense dès lors que ce que nous venons d'entendre doit être mis, comme on dit dans certains milieux, dans les pertes et profits.
M. Philippe Mahoux (PS). - Je confirme ce que le président de la commission de l'Intérieur vient de dire.
Ce matin, je me suis réveillé en disant « ça suffit » les injures, les attaques racistes, qui ont cours dans notre pays, dans des pays voisins... Je dis « ça suffit » non seulement pour ce qui est des injures racistes mais aussi de toutes les attitudes discriminatoires, qui n'ont rien à voir avec la liberté de pensée.
Pour le reste, ce que je viens d'entendre me conforte sur le fait que des centres comme celui-ci sont éminemment indispensables. Je suis également convaincu que l'application des législations que nous votons est nécessaire et que le rôle des parquets est tout à fait indispensable à cet égard.
M. Richard Miller (MR). - Il faut rappeler que chaque époque est marquée par un questionnement politique de toute première importance. Pour le XIXème siècle, par exemple, ce fut la question sociale et pour le XXème siècle, la question de la démocratie face au totalitarisme.
Selon moi, la question qui marquera notre siècle naissant, c'est celle de l'humain : l'humain face aux défis des phénomènes migratoires, l'humain face au défi du vivre ensemble dans une démocratie ouverte, qui respecte les droits et libertés de chacune et de chacun, l'humain face à la résurgence des transcendances religieuses, l'humain face aux évolutions sociétales, l'humain face aux transformations des choix de vie des uns et des autres et l'humain face aux potentialités nouvelles offertes par les biotechnologies.
Je prétends pour ma part, tout au contraire de ce qui a été dit par l'orateur à la tribune, que face à cette complexité grandissante des problèmes humains, les responsables politiques, les parlements ont le plus grand besoin d'instituts comme le Centre interfédéral, qui fait l'objet du présent projet de loi. Je pense réellement que partout où les décideurs politiques pourront compter sur l'analyse, le savoir, l'expertise de personnes formées dans le domaine des sciences humaines, du droit national, du droit international et aussi, tout simplement, du droit universel de chaque être humain à la dignité, nous ne pouvons, nous politiques, que nous en féliciter.
Face aux nationalismes maladifs, face aux fondamentalismes de tout poil, face au néo- et « archaïo-racisme », les démocrates que nous sommes se doivent de répondre par l'intelligence. C'est ce que fait ce projet de loi.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives est identique au texte du projet renvoyé par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-2894/4.)
-Les articles 1er et 2 sont adoptés sans observation.
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - La parole est à Mme Douifi pour un rapport oral.
Mme Dalila Douifi (sp.a), rapporteuse. - Le présent projet de loi qui relève de la procédure bicamérale optionnelle, découle d'une proposition de loi déposée le 7 décembre 2012 au Sénat par M. Deprez et consorts.
Le Sénat a adopté ce texte le 16 mai 2013 et l'a transmis à la Chambre des Représentants.
Le 25 octobre 2013, cette dernière a transmis le projet au Sénat après l'avoir amendé. La principale modification par rapport au texte adopté à l'origine par le Sénat est l'introduction d'une nouvelle disposition modifiant l'article 43bis du Code pénal afin de protéger les droits des tiers de bonne foi lorsqu'ils sont impliqués dans une confiscation de biens immobiliers.
Conformément à l'article 64.1 du règlement du Sénat, le projet de loi n'est examiné en commission « que pour ce qui concerne les dispositions qui ont été amendées ou ajoutées par la Chambre et qui sont nouvelles par rapport au projet de loi adopté initialement par celle-ci et, pour ce qui est des autres dispositions, en vue seulement d'en améliorer la rédaction ou de mettre les textes en concordance avec le contexte et sans y apporter de nouvelles modifications substantielles ».
La commission de l'Intérieur a examiné le présent projet durant sa réunion du 12 novembre 2013, en présence de la ministre de l'Intérieur.
Le projet n'a donné lieu à aucune remarque.
La commission a adopté à l'unanimité des neuf membres présents le texte tel que renvoyé par la Chambre des Représentants.
À la même unanimité, confiance a été accordée à la rapporteuse pour un rapport oral en séance plénière.
-La discussion générale est close.
(Le texte adopté par la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives est identique au texte du projet renvoyé par la Chambre des représentants. Voir le document Chambre 53-2819/10.)
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. - Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice, répondra.
Mme Sabine Vermeulen (N-VA). - Selon les estimations, 35 000 tonnes de munitions sont entreposées sur le banc de sable « Paardenmarkt » au large de Knokke-Heist. Jusqu'il y a une semaine, on croyait que seulement un tiers du site d'entreposage renfermait des grenades contenant du gaz toxique. Au terme d'une nouvelle enquête, le Dr Luc Vandeweyer des Archives de l'État et le Dr Tine Missiaen de l'Université de Gand indiquent toutefois aujourd'hui que, selon toute probabilité, les munitions entreposées sont presque intégralement des grenades contenant du gaz toxique et sont dès lors plus dangereuses que ce qu'on pensait à l'origine.
Ils ont tiré leurs informations de dossiers qui n'avaient jamais été consultés auparavant, dossiers émanant de l'administration de la Marine, du service d'enlèvement de l'armée belge et du cabinet de l'ancien ministre de la Guerre Fulgence Masson.
Il est quelque peu étonnant que des documents historiques relatifs à une problématique quand même particulièrement cruciale ne fassent surface que maintenant et n'aient jamais été consultés auparavant. Je me réjouis cependant que le Paardenmarkt soit surveillé par plusieurs instances.
Voici un mois, le ministre Vande Lanotte a répondu à une demande d'explications : « Toutes les études sont unanimes : jusqu'à présent, il n'y a aucun dégagement de gaz. (...) Des améliorations sont certes toujours possibles mais la situation est assez stable. Nous continuerons en tout cas à suivre tous les aspects, comme les effets biologiques et chimiques et les transports de sable. (...) Les Allemands ont manifestement utilisé du bon matériel et leurs bombes résistent jusqu'à présent à l'érosion. »
Étant donné qu'une nouvelle enquête a eu lieu, je me sens obligée de revenir sur ce sujet. Le ministre est-il au courant de la nouvelle étude ? Le contrôle périodique, surtout biologique, sera-t-il adapté en fonction ? Prévoira-t-on, à la lumière des nouvelles données, un contrôle chimique supplémentaire entre le lieu d'entreposage et la plage ?
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Je vous lis la réponse du ministre Vande Lanotte. Comme il a déjà été répondu à la précédente question de Mme Vermeulen, les autorités fédérales contrôlent en continu le site du Paardenmarkt depuis 1995.
Le plan de contrôle s'est mué en un système d'alerte précoce qui surveille sur place les différents paramètres biologiques, chimiques et physiques. La quantité exacte de munitions est assez bien connue. La situation ne change pas ce point de vue. Seule la proportion des munitions contenant du gaz toxique est beaucoup plus importante que ce qui avait été initialement estimé.
On pense qu'en 1920, une répartition entre munitions conventionnelles et munitions toxiques/chimiques a été faite sur la base des caractéristiques externes, ce qui n'est pas évident. Toutefois, selon nos estimations, 20 à 30% des munitions contiennent du gaz toxique.
Cette estimation est basée sur les opérations de plongée de 1972 lors de la construction du port de Zeebrugge. Les obus trouvés semblaient encore en bon état et il est apparu que trois des seize obus trouvés renfermaient un contenu toxique. Partant de ce petit échantillon, on aboutit à une proportion de 17,65%. Par mesure de sécurité et sur la base de chiffres relatifs à la production, on a estimé à 20 à 30% la part des munitions chimiques/toxiques. On ne sait dès lors actuellement pas avec certitude si davantage de munitions contenant du gaz toxiques sont effectivement présentes sur le site du Paardenmarkt.
Plus important encore : le raisonnement suivi ne change pas dans la pratique. Des substances chimiques peuvent également s'échapper des munitions conventionnelles, c'est-à-dire sans gaz toxique. C'est justement pour cette raison que l'ensemble du site est surveillé de près. Afin de vérifier les affirmations de l'étude menée par les Archives de l'État, un sondage assez important devrait avoir lieu dans la zone. Puisque les informations au sens strict ne changent rien à la politique à mener, un tel sondage semble trop risqué pour être effectué pour le moment.
La part de munitions toxiques/chimiques n'a aucune influence sur le point de vue qui a été suivi jusqu'à présent. Le lieu d'entreposage est cartographié au moyen de mesures magnétométriques. On vérifie régulièrement, au moyen de sonars side-scan et multibeam, si des objets se trouvent à la surface de la mer. De manière intégrée, avec mesures dans le temps - gráce à la technique de l'échantillonnage passif -, on vérifie si des substances explosives s'échappent dans une large zone. Régulièrement, des échantillons sont prélevés et des analyses sont effectuées afin de détecter la présence éventuelle d'explosifs et de certains agents chimiques.
Étant donné l'ensablement croissant et le fait qu'aucune substance ne s'échappe, l'option la plus sûre actuellement est de conserver le lieu de stockage. Il n'y aucune indication d'un changement dans les prochaines années. La situation est stable. Si le système d'alerte précoce devait démontrer le contraire, par exemple en cas d'échappement minime de gaz ou d'effet sur le benthos, on interviendrait immédiatement. Pour l'instant, la zone reste inaccessible à la pêche. Le contrôle intensif qu'a prévu la Belgique est exceptionnel en comparaison avec les autres dépôts de munitions marins à l'étranger.
Mme Sabine Vermeulen (N-VA). - Je remercie le ministre pour sa réponse circonstanciée. Je n'ai pas entendu grand-chose de nouveau par rapport à la réponse à ma précédente question.
Sa collègue voudra-t-elle bien lui faire savoir que je m'inquiète quand même de ses projets grandioses prévus dans le Plan d'aménagement des espaces marins en ce qui concerne l'atoll énergétique ? On doit y réfléchir très sérieusement parce qu'on ne peut négliger les courants et l'ensablement. Lors de l'extension du port de Zeebrugge, il était en effet aussi déjà question de glissements et d'ensablement sur le Paardenmarkt.
M. Bert Anciaux (sp.a). - On annonce aujourd'hui que quatre prisons ont été fermées cette année en Suède parce que, depuis 2004, le nombre de détenus y diminue systématiquement. En 2004, on comptait 5 722 détenus contre 4 852 en 2012, soit une réduction de 15%. Il ne s'agit pas de la conséquence d'une politique laxiste mais du fait que la priorité absolue est donnée à la réintégration, à la prévention et à la réduction des peines et que beaucoup moins de personnes sont incarcérées pour les délits liés à la drogue.
Dans notre pays, le nombre de détenus augmente constamment. En 2004, il y en avait 9 249 en Belgique contre 5 722 en Suède, un pays qui compte 9,5 millions d'habitants, c'est-à-dire presqu'autant que notre pays. Actuellement, on dénombre en Belgique 11 732 détenus, ce qui représente une augmentation de 25% à comparer avec la diminution de 15% en Suède.
Notre pays est dès lors confronté à des prisons surpeuplées et à des situations inhumaines, intenables et intolérables. Contrairement à la Suède, la Belgique durcit sa politique par des peines plus nombreuses et plus longues.
La Belgique ne dispose pas de chiffres officiels relatifs à la récidive et à la réincarcération mais il ressort d'un rapport publié en janvier 2012 par l'Institut national de criminalistique et de criminologie que, dans notre pays, il y a récidive dans plus de 40% des cas. En Belgique, peu de moyens sont disponibles pour la réintégration. Il n'y a que des programmes limités, dépendant du bon vouloir du directeur de la prison. En réponse à ma question écrite 5-6496, la ministre a confirmé que, depuis 2010, il n'y a absolument plus de budget pour cette approche. Presque tous les experts ainsi que plusieurs anciens directeurs de prison soulignent chaque fois que, lorsqu'ils quittent la prison, les détenus se retrouvent dans une situation moins bonne que quand ils y sont entrés.
Comment la ministre évalue-t-elle l'approche suédoise qui diffère certes radicalement de la belge mais a des effets manifestement bien meilleurs pour la société et les détenus suédois ?
Pourquoi la politique belge relative à l'exécution de la peine semble-t-elle toujours paralysée, coincée dans des concepts totalement dépassés, inhumains et surtout inefficaces, situation qui vaut d'ailleurs à notre pays d'être systématiquement condamné et qui contraste avec les résultats spectaculairement positifs en Suède ?
La ministre entend-elle soutenir la proposition que j'ai déjà si souvent formulée et qui doit entraîner un changement radical de notre système pénitentiaire et un renversement fondamental de la politique dans ce domaine, en faisant pleinement le choix de la prévention, de la réintégration, d'autres échelles et systèmes de peine ? Alors qu'on se dirige vers la prochaine législature, la ministre y préparera-t-elle le milieu politique, l'administration et les acteurs judiciaires et pénitentiaires ?
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Tout comme M. Anciaux, je suis convaincue que sur de nombreux plans, la Suède peut servir de modèle en ce qui concerne l'exécution des peines. Du reste, on peut le voir dans la forme que je veux imprimer à l'exécution des peines dans notre pays.
J'ai déjà, à de nombreuses reprises, souligné que nous devons restaurer la confiance dans notre politique d'exécution des peines en faisant d'abord et avant tout exécuter toutes les peines, y compris les courtes peines, mais pour moi cette exécution ne doit pas nécessairement se faire en prison. La peine peut aussi bien être effectuée sous forme de peine de travail d'intérêt général, de port d'un bracelet électronique ou par le respect de certaines conditions, de sorte que nous évitions de retirer complètement l'intéressé de la vie en société. C'est un choix que la Suède a fait depuis de nombreuses années.
Nous avons du retard par rapport à la Suède parce que nos prisons sont surpeuplées. Dès lors nous avons trop peu de différentiation dans l'infrastructure des prisons et les courtes peines d'emprisonnement sont rarement exécutées.
Pour rattraper ce retard, je me suis attachée durant ces derniers 22 mois à vider les listes d'attente. L'arriéré pour les peines de travail a baissé de plus de 70 pour cent. Ce qui reste est une réserve de travail opérationnelle. En outre nous avons engagé une politique active pour accroître l'offre de peines de travail.
Chaque peine d'emprisonnement entre six mois et trois ans peut déjà être exécutée avec un bracelet électronique ou en prison.
Il y a deux systèmes de bracelet électronique : le bracelet avec reconnaissance vocale pour les peines entre six et huit mois, système qui sera d'ailleurs étendu aux peines encore plus courtes, et le bracelet classique pour les peines entre huit mois et trois ans. La longueur des listes d'attente pour l'exécution de peine avec bracelet électronique a diminué de 86 pour cent, de sorte qu'elle est désormais sous le niveau d'une réserve opérationnelle.
C'est la raison pour laquelle nous pouvons faire exécuter bien plus que par le passé les courtes peines et éviter que la personne condamnée à une première courte peine non exécutée, ne soit condamnée ensuite à deux ou trois ou plus nouvelles peines courtes et finalement à des peines plus lourdes, parce qu'elle n'a jamais reçu le signal qu'un délit est puni. Ne pas faire exécuter une peine de travail d'intérêt général, aussi légère soit-elle, est en effet assurer une sorte d'impunité. Permettre la différentiation dans l'exécution, c'est faire preuve d'humanité mais aussi d'effectivité et de résolution. En d'autres mots, nous avons investi énormément dans les possibilités alternatives d'exécution des peines.
Au surplus nous construisons de nombreuses prisons supplémentaires. Il n'est pas nécessaire de démontrer que dans certaines prisons les conditions de vie sont trop mauvaises, ainsi que l'écrit dans ses rapports le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Jusqu'il y a deux ans, ces rapports ont également été négatifs pour la Suède. L'expérience nous apprend donc qu'on peut améliorer la situation par des mesures politiques.
La première de trois nouvelles prisons a été officiellement ouverte le mois dernier à Marche-en-Famenne. Les établissements de Beveren, Leuze et le Centre de psychiatrie légale à Gand, suivront dans les prochains mois, de sorte que nous aurons une prise en charge adaptée pour les internés.
Dans les prisons, il est prévu des ateliers et nous pouvons donc y attirer davantage de travail. De plus cela nous offre davantage de possibilités de formation. Nous ne construisons pas des prisons supplémentaires pour construire mais pour donner aux détenus des possibilités supplémentaires d'acquérir des compétences car cela réduit la récidive.
Les statistiques des récidives situent notre pays entre la France et les Pays-Bas. La différentiation des peines permet effectivement d'abaisser le taux de récidive.
On a aussi fait référence à la réinsertion, une compétence communautaire, en opposition à l'exécution classique des peines, une compétence fédérale. La réinsertion revêtira de plus en plus d'importance. C'est pourquoi les prisons collaborent déjà étroitement avec les communautés, notamment dans le domaine des bibliothèques et des formations. Il en va de même pour les internés. Les prisons en abritent aujourd'hui un certain nombre qui présentent peu de risques et dont je suis convaincue qu'ils devraient pouvoir être transférés bien plus rapidement dans le circuit de soins traditionnel.
Il y a quatre ans à peine, le CPT a également donné de mauvais points à la Suède. Aujourd'hui, ce pays peut fermer quatre prisons. Je suis convaincue que si notre pays opte également pour une plus grande différentiation des peines, celles-ci seront effectivement exécutées et il s'ensuivra une diminution du taux de récidive et une amélioration de la réinsertion.
M. Bert Anciaux (sp.a). - Je remercie la ministre pour sa réponse mais je ne suis que partiellement satisfait des principes qu'elle pose.
Dans sa conclusion finale, la ministre a indiqué qu'on doit se concentrer sur une exécution plus différenciée des peines, axée autant que possible sur le dossier concret et les besoins concrets des personnes concernées. Je suis totalement d'accord. Les Pays-Bas et la Grande-Bretagne prouvent qu'une exécution fortement différenciée des peines fait baisser le nombre des récidives.
Il ne peut toutefois uniquement s'agir des peines et de la manière dont elles sont exécutées. Je sais que la ministre se consacre aussi à des alternatives comme le bracelet électronique et les peines de travail mais la très grande majorité des condamnés sont toujours envoyés en prison.
Vu nos prisons actuelles et la politique d'exécution des peines, un condamné n'est cependant pas mieux loti à sa sortie de prison. Sa situation est alors au contraire plus mauvaise. La prison ne fait pas des petits criminels, ceux qui sont condamnés à moins de six mois de prison, une peine soi-disant courte, des hommes meilleurs. Au contraire, ils quittent la prison avec bien plus de problèmes et ils causeront davantage de problèmes pour la société. Je ne suis donc pas d'accord avec l'obsession aveugle de vouloir absolument exécuter chaque peine.
Je sais qu'avec mon point de vue, je nage à contre-courant mais je reste convaincu qu'un nombre plus élevé de peines de prison n'est pas synonyme de société plus sûre.
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Lorsque je dis que toutes les peines doivent être exécutées, je pense à une exécution sur mesure. C'est précisément pour cela qu'au cours de ces derniers mois, on a tant investi dans les peines alternatives qui doivent éviter que chaque condamné se retrouve automatiquement en prison.
Pour les peines plus courtes, il serait en effet préférable de se concentrer sur une réintégration. Il ressort d'ailleurs d'une enquête que la situation d'un condamné muni d'un bracelet électronique est plus difficile que celle d'un détenu parce que le premier doit continuer à organiser sa vie. Cette difficulté constitue toutefois justement un atout pour faire réussir une réintégration dans la société : l'intéressé n'est en effet pas maintenu hors de cette dernière pendant tout un temps mais doit continuer à vivre dans son environnement. Pour cette raison, la politique doit continuer à suivre cette voie.
Si, en tant que ministre, je pouvais commencer avec une page blanche et si je disposais de moyens illimités, je plaiderais aussi pour qu'on investisse encore davantage dans des prisons semi-ouvertes et ouvertes ou dans des entités plus petites.
Je corrige petit à petit la politique. La construction de trois nouvelles prisons est elle aussi importante dans ce cadre : les conditions de vie et l'encadrement des personnes condamnées à de lourdes peines y seront tels que la réintégration sera promue et la récidive réduite.
M. Bert Anciaux (sp.a). - Je ne plaide pas pour l'impunité, mais je considère, tout comme la ministre, que la différenciation des peines peut empêcher la récidive. Cela permet une meilleure intégration des anciens détenus dans la société. La société même n'est cependant pas de cet avis et semble estimer qu'en infligeant davantage de peines de prison, on augmente la sécurité. C'est l'inverse qui est vrai.
M. Bart Laeremans (VB). - Le problème est précisément que ce projet de loi ne pourra être examiné cet après-midi. En tant que présidente de la commission des Affaires institutionnelles, Mme de Bethune n'est certainement pas sans savoir qu'un amendement y a été déposé.
Il va de soi qu'en première instance, la commission de la Justice doit prendre connaissance de cet amendement et le discuter. Il est en effet impensable qu'une autre commission s'en occupe. Même si la séance plénière amendait le projet, celui-ci devrait retourner en commission de la Justice, seule commission compétente pour les questions de justice !
Dès lors, un traitement parallèle dans une autre commission ne constitue pas une option et va à l'encontre du respect des parlementaires. Une commission de la Justice ne peut se laisser traiter de la sorte. Elle devient manifestement la cible privilégiée de quelques membres du Comori mais nous ne pouvons l'accepter sans réagir.
Mon groupe demande dès lors formellement le renvoi en commission de ce texte, y compris des amendements qui relèvent de cette commission.
M. Philippe Mahoux (PS). - Le dossier me semble être en l'état, madame la présidente. Nous en avons longuement discuté en commission de la Justice. Le Bureau, avec l'assentiment de la séance plénière, a décidé de renvoyer tout ce qui concerne les modifications en cours à la commission des Affaires institutionnelles. Je propose que nous poursuivions la discussion. Si un élément relatif au projet devait apparaître lors des débats en commission des Affaires institutionnelles, nous aviserions. Cette manière d'agir me paraît plus raisonnable que de toujours renvoyer les choses en aval alors que nous sommes en situation de pouvoir décider.
M. Bart Laeremans (VB). - Quoi qu'il en soit, je demande le vote sur le renvoi en commission de la Justice. C'est une question de bon sens.
On parle, en l'occurrence, toujours d'Anvers, de Liège ou d'Eupen. Les aspects évoqués n'ont rien à voir avec les affaires institutionnelles, ils ne concernent que la justice. Ils ne relèvent dès lors pas de la commission des Affaires institutionnelles mais bien de celle de la Justice. Le Sénat ne peut discuter demain d'un amendement qui doit être examiné par notre assemblée aujourd'hui.
Mme la présidente. - Nous votons par assis et levé sur la proposition de renvoi de M. Laeremans.
La proposition de renvoi est rejetée par assis et levé.
Mme Christine Defraigne (MR), corapporteuse. - Je me réfère à mon rapport écrit.
M. Yoeri Vastersavendts (Open Vld), corapporteur. - Nous nous trouvons aujourd'hui à un tournant. Depuis l'indépendance de 1830, rien dans l'organisation judiciaire de notre pays n'a été modifié.
Il y a 25 ans, après les tueries du Brabant, une commission parlementaire a été mise sur pied en vue d'examiner pourquoi la Justice ne fonctionnait pas mieux. La commission a constaté des problèmes inhérents à un manque de cohésion et de coordination et à un manque de communication entre la magistrature et les services de police. Ces problèmes étaient imputables, entre autres, à la structure des corps et à l'organisation stricte du territoire en 27 arrondissements, système que nous connaissons aujourd'hui. La réforme des polices a eu lieu il y a quelques années déjà. Après plus de 25 ans, il est grand temps de procéder à une réforme de l'organisation judiciaire.
Le projet du gouvernement se fonde sur trois objectifs. Le premier est une meilleure gestion et une plus grande efficacité. Les moyens de la justice sont éparpillés sur de trop nombreuses juridictions et doivent souvent être gérés de façon centralisée, au départ de Bruxelles. Le présent projet de loi offre une solution à cet égard.
Le second objectif vise à résoudre l'arriéré judiciaire et à administrer plus rapidement la justice. La longueur des délais entraîne une insécurité juridique et sape la confiance du citoyen dans la Justice. Les dossiers doivent être traités de manière plus efficace et dans des délais beaucoup plus courts.
Un troisième objectif du projet est d'améliorer la qualité de jurisprudence et de renforcer la proximité avec le citoyen. Chaque arrondissement doit traiter suffisamment de dossiers pour permettre aux magistrats de se spécialiser.
Le projet de loi prévoit quatre actions pour concrétiser ces trois objectifs.
D'abord, un élargissement de l'échelle. La structure territoriale des arrondissements date, comme on l'a dit, de l'indépendance de notre pays. Du fait de la dispersion des moyens, certains tribunaux sont très petits. La moitié des tribunaux du travail et des tribunaux de commerce comptent actuellement cinq magistrats ou moins. Par conséquent, ces magistrats n'ont pas la possibilité de se spécialiser. Un élargissement de l'échelle et une mobilité horizontale permettraient de remédier à cette situation. Ainsi, les magistrats pourront dire le droit là où nécessaire et le parquet pourra travailler là où nécessaire.
Notre parquet est actuellement un et indivisible mais reste naturellement toujours du ressort des 27 arrondissements judiciaires actuels. Dans différents dossiers importants, nous avons vu qu'un procureur du roi pouvait même introduire un recours en appel pour une affaire spécialisée. Après le vote du projet, cela pourra être réglé horizontalement.
Les tribunaux aspirent également à une plus grande autonomie de gestion et de management. En 1998, la loi a été modifiée afin de faire des chefs de corps de managers modernes, mais cette disposition est restée lettre morte. Les chefs de corps doivent toujours effectuer leurs achats via l'administration centrale à Bruxelles. Un management moderne des ressources humaines est également impossible compte tenu de la gestion centralisée. Une simplification administrative et l'utilisation de TIC modernes doivent conduire à une justice plus rapide et de bien meilleure qualité.
Les trois éléments importants de la réforme sont : des arrondissements plus vastes, la mobilité de la magistrature et du personnel de justice et la réforme de la structure de gestion. Les 27 arrondissements judiciaires sont ramenés à 12, où les tribunaux de première instance et les tribunaux de police sont organisés. Les juges de paix continuent toutefois à travailler au niveau cantonal afin d'être plus proches du citoyen. La mobilité des magistrats conduira à une beaucoup plus grande spécialisation et à une justice plus rapide et de meilleure qualité.
Je remercie tous nos collègues pour les débats approfondis qui ont été menés en commission. Je remercie également la ministre pour son projet. Sans être juriste, elle a réussi à accomplir un pas très important dans une réforme judiciaire dont il était question depuis trente ans. Le projet bicaméral qui est soumis à nos votes a été adopté sans modification par la commission de la Justice du Sénat.
M. Bart Laeremans (VB). - La réforme du paysage judiciaire qui aurait pu être une perle pour la ministre s'est terminée par un énorme gáchis. La réforme aurait dû nous conduire à une organisation claire et nette du paysage judiciaire, avec des juridictions plus importantes mais également clairement délimitées et identifiables. La ministre aurait pu rendre à la justice de ce pays son éclat, lui donner une pointe de gloire. Mais au lieu d'un fier Brabançon, la justice de ce gouvernement reçoit en cadeau un vilain dromadaire tout bosselé.
Comment peut-on juger autrement un système où les tribunaux de première instance se voient doter d'une structure provinciale alors que l'on donne aux tribunaux de travail et tribunaux de commerce une structure par cour d'appel ? On déjoue ainsi, une fois pour toutes, toute possibilité de procéder à terme à une fusion dans des tribunaux uniques.
La ministre invoque que la structure par province serait trop petite pour permettre une spécialisation dans des affaires liées au travail et au commerce. Chacun sait que c'est tout à fait faux car Louvain ne représente qu'une demi-province mais conserve son propre tribunal du travail et son propre tribunal du commerce, avec chaque fois quatre magistrats. L'ensemble du nouveau paysage judiciaire devient dès lors un inextricable embrouillamini.
En tout état de cause, ce paysage dénaturé va de pair avec l'erreur fatale qui a été commise concernant la réforme de l'arrondissement judiciaire de BHV. Hal-Vilvorde est resté une annexe de Bruxelles et les Flamands ont capitulé de manière navrante devant l'impérialisme des francophones.
J'ai un incroyable sentiment de déjà-vu à cet égard. En 2002, le premier ministre Verhofstadt avait imaginé, dans l'ivresse du pouvoir, de créer partout des circonscriptions provinciales, sauf en Brabant flamand et à Bruxelles pour lesquels on avait trouvé une solution boiteuse, à savoir une circonscription électorale Bruxelles-Hal-Vilvorde-Louvain. Cette solution a immédiatement été annulée par la Cour constitutionnelle. Ce n'est que dix ans plus tard, en 2012, qu'une solution, aussi exécrable soit-elle, a été trouvée pour BHV.
Avec la réforme du paysage judiciaire, nous vivons exactement la même chose. Il y a des arrondissements provinciaux partout, du moins pour les tribunaux de première instance et les parquets, sauf en Brabant flamand. Ce mépris de la province du Brabant flamand constitue le fondement d'une nouvelle procédure à intenter auprès de la Cour constitutionnelle. Car une distinction arbitraire est à nouveau introduite et en tant qu'habitants du Brabant flamand, nous sommes à nouveau l'objet de discrimination.
Dans toutes les provinces, l'élargissement de l'échelle permettra de travailler à une meilleure répartition des táches et conduira à une meilleure expertise. Notre collègue Vastersavendts a parlé, dans son rapport, d'une meilleure spécialisation. Sauf en Brabant flamand, à Hal-Vilvorde et à Louvain. De plus, Hal-Vilvorde sera confronté à une énorme concurrence des tribunaux francophones, beaucoup plus qu'aujourd'hui. Ce projet de loi rend expressément ces tribunaux compétents pour Hal-Vilvorde. Le petit arrondissement de Louvain n'est pas épargné et risque également de rater le train de l'avenir.
La ministre a hérité du dossier pourri BHV. Elle n'est pas la principale responsable du dédoublement scandaleux des tribunaux de BHV selon le modèle Maingain, car ce n'est pas la scission mais le dédoublement qui l'a emporté, mais avec ce projet, la ministre fait tout pour accroître les problèmes.
M. Wouter Beke (CD&V). - Si c'est le modèle Maingain qui l'a emporté, pourquoi Maingain a-t-il tellement fulminé contre la scission, pourquoi a-t-il rompu avec le MR et pourquoi a-t-il voté contre le projet de loi ?
M. Bart Laeremans (VB). - Les réactions de colère de M. Maingain concernaient l'arrondissement électoral. Les francophones avaient en effet promis, avec force et conviction, qu'ils n'accepteraient jamais une scission de l'arrondissement électoral de BHV sans élargissement de Bruxelles. Les partis francophones de la majorité n'ont pas tenu cette promesse.
M. Wouter Beke (CD&V). - M. Maingain a-t-il voté pour ou contre ce projet ? S'il s'agit de son projet...
M. Bart Laeremans (VB). - Il est exceptionnel que l'opposition vote pour des projets très controversés.
M. Wouter Beke (CD&V). - J'ai siégé ici pendant un an dans l'opposition. Il est arrivé exceptionnellement qu'une proposition ou un projet dont j'étais à la base soit soumis au vote. Pourtant, tout en étant dans l'opposition, je l'ai voté.
Monsieur Laeremans, soit il s'agit d'un projet Maingain et M. Maingain aurait dû le voter soit il ne s'agit pas d'un projet Maingain et vous racontez n'importe quoi.
M. Bart Laeremans (VB). - Vous racontez n'importe quoi. La réforme de l'arrondissement judiciaire vient de ce qu'Hugo Vandenberghe a proposé, entre autres, un parquet séparé. C'est pourquoi Maingain est contre, car sa proposition ne prévoyait pas du tout un parquet séparé.
M. Wouter Beke (CD&V). - Ce n'est donc pas le projet Maingain mais le projet Hugo Vandenberghe ! Dont acte.
M. Bart Laeremans (VB). - Je n'avais pas terminé. En ce qui concerne le parquet, la vision de M. Vandenberghe l'a emporté, à l'exception des cinq magistrats francophones bruxellois parachutés à Hal-Vilvorde. La scission du parquet est la seule avancée flamande. La grande concession est que ces tribunaux, au lieu d'être scindés sont dédoublés, ce qui a pour effet que les tribunaux francophones, contrairement à la situation antérieure, sont entièrement compétents pour Hal-Vilvorde. Il n'y a qu'une petite exception, c'est que la citation à comparaître à Hal-Vilvorde de personnes habitant à Hal-Vilvorde doit en principe se faire en néerlandais. Cela peut toutefois être immédiatement annulé par une modification de la langue.
Si deux habitants germanophones ou néerlandophones de Dilbeek optent pour la procédure accélérée, ils pourront désormais s'adresser directement à un tribunal francophone, où les magistrats sont beaucoup plus nombreux. Les tribunaux francophones sont entièrement compétents à Hal-Vilvorde. C'est encore plus grave que le nombre de magistrats car c'est un effet secondaire. Il y a derrière la nouvelle législation une stratégie visant à donner plus d'influence et de pouvoir aux tribunaux francophones de Hal-Vilvorde.
M. Wouter Beke (CD&V). - N'ont-ils pas cette influence aujourd'hui ? Les intéressés que vous prenez pour exemple ne peuvent-ils pas aujourd'hui déjà s'adresser à un tribunal francophone ?
M. Bart Laeremans (VB). - Non, aujourd'hui, deux habitants de Dilbeek ne peuvent pas spontanément comparaître devant un juge francophone. C'est précisément la nouveauté. Il existait auparavant une distinction très claire entre, d'une part, un territoire extra muros, Hal-Vilvorde à l'exception des communes à facilités, et, d'autre part, Bruxelles. Maintenant, il y a une brèche, et les juges francophones deviennent entièrement compétents pour Hal-Vilvorde. Cela figure également dans le projet qui sera adopté aujourd'hui.
C'est précisément pour cela que nous sommes en colère. En obtenant en outre un nombre bien supérieur de juges que celui auquel ils ont droit, les francophones deviennent plus puissants. Initialement, avec l'application de la clé 80/20, les tribunaux francophones auraient été quatre fois plus nombreux que les néerlandophones. Ce qui était insensé. Heureusement, cela a été quelque peu atténué, mais le pouvoir des francophones est de plus en plus renforcé, ce qui les rend encore plus forts à Hal-Vilvorde.
Monsieur Beke, c'est un dossier très complexe sur lequel j'ai beaucoup travaillé par le passé. J'avais même élaboré une proposition de loi pour la scission intégrale. Je déplore que vous vous soyez rendu à la table des négociations comme un bleu, sans expérience, avec Wouter Van Besien, Caroline Gennez et Alexander De Croo qui ne maîtrisaient pas non plus ce dossier. Vous étiez en face de Mme Onkelinx, alors ministre de la Justice, qui maîtrise parfaitement cette matière, et de Mme Milquet, également un dragon dans les dossiers bruxellois. Vous vous êtes fait rouler tant à la table des négociations qu'ensuite lors du calcul au sein de la « Comora » et vous avez accordé trop de magistrats francophones à Bruxelles. Tout cela est si triste.
Vous vous faites d'ailleurs rouler à tous les coups. Nous pouvions encore penser à un manque de connaissance des dossiers la première fois, mais, en ce qui concerne la mesure de la charge de travail, vous auriez quand même dû en savoir davantage.
On suit à présent bel et bien la voie du dédoublement d'Olivier Maingain, quoique le texte actuel n'aille pas encore assez loin pour lui.
De nouvelles structures vont voir le jour dans tout le pays pour les juges de paix et les juges de police. L'ensemble du fonctionnement est modernisé. Une institution commune pour tous les juges de paix avec un seul président est mise en place dans chaque ressort. Les tribunaux pourront également se soutenir mutuellement. Cela vaut pour tout le pays sauf pour Hal-Vilvorde où, sans le moindre motif valable, vous voulez maintenir le pouvoir du président francophone du tribunal de première instance de Bruxelles sur les juges de paix flamands de Hal-Vilvorde.
La conséquence du douteux dossier BHV est aussi que les membres de la majorité - pas nous - adoptent aujourd'hui une loi fixant des cadres pour des magistrats ; mais on sait d'avance que ces cadres sont faux. Des cadres autres que ceux qui sont proposés ici seront adoptés dans une commission autre que celle de la Justice, à savoir la commission des Affaires institutionnelles. Je n'ai jamais vécu cela dans toute ma carrière parlementaire. On adopte en séance plénière des cadres pour les tribunaux, et on réduit à rien les mesures de la ministre en commission des Affaires institutionnelles. C'est quand même grave. Tout ce que l'on adopte ici aujourd'hui, tous ces tableaux - Anvers, 106 magistrats ; Limbourg, 40 ; Bruxelles, 142 ; Louvain, 25 - sont déjà modifiés ailleurs. Je peux interroger la ministre sur chacun de ces tribunaux car les chiffres du projet diffèrent de ceux qui seront adoptés en commission des Affaires institutionnelles. Tout cela sans aucune explication raisonnable. Un débat sérieux est impossible à ce sujet parce que la commission de la Justice ne peut pas s'exprimer sur ce point.
C'est pourquoi j'ai demandé que le projet soit renvoyé en commission de la Justice, avec les amendements discutés en commission des Affaires institutionnelles.
Les affaires relatives à la Justice doivent évidemment être traitées dans cette commission, de sorte que nous puissions comparer les deux tableaux. Deux tableaux différents ont même été adoptés en commission des Réformes institutionnelles, un avant la réforme et un autre après.
Nous nous ridiculisons. Vous allez adopter une loi dont vous savez parfaitement qu'elle ne sera jamais appliquée.
M. Anciaux trouve cela amusant, mais je trouve cela absurde.
M. Bert Anciaux (sp.a). - C'est une vision évolutive.
M. Bart Laeremans (VB). - Une vision évolutive, mais vous vous ridiculisez, monsieur Anciaux. Certains membres de la commission des Affaires institutionnelles siègent aussi en commission de la Justice. Dans l'une ils font ceci, dans l'autre ils font cela.
C'est inacceptable. La ministre se laisse marcher sur les pieds. Le secrétaire d'État Verherstraeten dit tout autre chose que la ministre. Elle fait comme si tout était normal et comme si elle n'en portait pas la responsabilité. Il s'agit pourtant de sa compétence, de ses magistrats.
J'ai donc un certain nombre de questions pour la ministre de la Justice.
Pourquoi ces différences étonnantes entre ces tableaux ? Pourquoi passe-t-on par exemple en une seule fois de 106 à 107 magistrats à Anvers ? Pourquoi un magistrat supplémentaire à Anvers, alors que ce n'est pas le cas au Limbourg ? Pourquoi 142 magistrats à Bruxelles ? J'ai pourtant sous les yeux un document du secrétaire d'État Verherstraeten de l'année dernière sur la réforme de l'arrondissement judiciaire de BHV, il était question de 140 à l'époque. Quelle est l'explication de la ministre ? Selon le secrétaire d'État Verherstraeten, il y aura 120 magistrats de parquet à Bruxelles, mais c'est inexact car ces cinq francophones de Bruxelles qui travaillent à Hal-Vilvorde, n'en faisaient pas encore partie. Il y en a donc 125. Ce tableau indique le chiffre de 128. Pourquoi ?
Je trouve étrange que Bruxelles-Hal-Vilvorde n'obtienne qu'un seul procureur. Où est passé le procureur néerlandophone de Hal-Vilvorde ? Il est indispensable si la ministre veut éviter que les flamands ne soient en minorité au Conseil des procureurs. Sur ce point, elle a dépassé les bornes : on prévoit un procureur par province, mais le Hainaut en obtient deux parce qu'il compterait plus d'habitants. Le Hainaut compte environ 1,3 million d'habitants ; Anvers en compte 1,8 million mais n'obtient qu'un seul procureur. Au total, la Wallonie obtient sept procureurs : deux en Hainaut, un à Liège, un à Namur, un à Luxembourg, un pour le Brabant wallon et un à Eupen. En outre, le procureur de Bruxelles est toujours francophone. Il y aura donc huit procureurs francophones. La Flandre n'obtient que six procureurs, un au Limbourg, un à Anvers, un en Flandre orientale, un en Flandre occidentale, un à Louvain et un à Hal-Vilvorde. Il y aura donc six procureurs flamands pour huit francophones. Les flamands sont de nouveau en minorité.
Comme nous avons dénoncé le fait que les francophones seront plus nombreux que les flamands au Conseil des procureurs, on a fait un tour de passe-passe : l'adjoint du procureur de Hal-Vilvorde entre en ligne de compte, de sorte que la Flandre compte sept procureurs, et le procureur germanophone fera fonction d'arbitre. Nous restons donc dans la minorité.
Je répète donc ma question à la ministre. À la page 48 du projet, je ne vois qu'un seul procureur pour Bruxelles dans les tableaux. Pourquoi celui de Hal-Vilvorde a-t-il disparu du projet ? Les tableaux sont dépourvus de toute pertinence. Les magistrats de parquet désignés l'an dernier pour la création d'un parquet supplémentaire à Hal-Vilvorde sont ajoutés mais ils sont tous repris dans le parquet de Bruxelles, alors qu'un seul procureur est prévu à cet endroit. S'il n'y a qu'un seul procureur en vertu de la loi, comment le procureur de Hal-Vilvorde peut-il faire partie du conseil fédéral des procureurs ? Son adjoint ne figure pas davantage dans le projet. Il est incompréhensible que la ministre travaille de cette manière.
La mesure de la charge de travail effectuée par le bureau d'étude KPMG indique que tribunal de première instance traite 29% de dossiers néerlandophones pour 71% de dossiers francophones, ce qui correspond à une proportion de 41 juges néerlandophones et 99 francophones. Mais les francophones ont intégré dans la loi qu'ils pouvaient maintenir les 112 juges obtenus sur la base de la clé 80/20. Gráce à la mesure de la charge de travail, le nombre de juges flamands passe donc de 28 à 41, mais le nombre de juges francophones n'est pas réduit. C'est injuste. En outre, dix juges francophones supplémentaires sont prévus. Les francophones obtiennent donc 122 juges pour le tribunal de première instance, au lieu des 99 auxquels ils ont droit selon la mesure de la charge de travail. Il y en a donc 23 en trop. Ce tribunal est pleinement compétent, y compris pour Hal-Vilvorde, mais obtient trop de magistrats francophones, lesquels pourront concurrencer pleinement le tribunal flamand de Hal-Vilvorde, au détriment des flamands.
Nous avons fait le calcul. Les francophones obtiennent en tout et pour tout 150 mandats de trop, dont 27 pour des magistrats. Au moins 10 millions d'euros sont jetés par les fenêtres chaque année pour subsidier la francisation de Hal-Vilvorde.
Comment la ministre explique-t-elle qu'il y aura 23 magistrats francophones de trop au tribunal de première instance ? Comment explique-t-elle qu'ils ne figurent pas dans le projet ? On y mentionne 142 magistrats pour le tribunal de première instance alors que les amendements déposés en commission des Affaires institutionnelles évoquent 163 magistrats.
J'ai voulu poser cette question en commission de la Justice, mais je n'ai pas eu de réponse. J'espère dès lors que la ministre expliquera en séance plénière pourquoi les francophones obtiennent 23 magistrats de trop pour le tribunal de première instance en dépit de la mesure de la charge de travail.
Il en va de même pour le tribunal du travail où les francophones obtiennent également quatre magistrats de trop. Dans les parquets, treize magistrats viennent encore renforcer unilatéralement les francophones à Bruxelles.
Le trop grand nombre de magistrats francophones au tribunal de première instance serait compensé par un renforcement du parquet à Hal-Vilvorde afin de pouvoir y mener une bonne politique de sécurité. Mais c'est absurde. Vingt-quatre magistrats de parquet néerlandophones et cinq francophones : ces chiffres étaient déjà fixés l'année dernière pour Hal-Vilvorde. Les néerlandophones n'obtiennent ni cadeau ni élargissement du cadre. On peut même considérer que nous avons payé très cher pour le parquet propre, soit un dédoublement du tribunal et l'augmentation énorme du nombre de magistrats et du personnel qui y est liée.
J'ai calculé l'année dernière que l'élargissement des cadres francophones comprendrait 276 personnes. On y ajoute encore 76 aujourd'hui. Il y aura donc en tout 352 personnes en plus du côté francophone.
En d'autres termes, les flamands perdent 140 emplois, et les francophones en gagent 352. C'est le bilan incroyable de nos négociateurs experts, qui étaient bien préparés, ont travaillé intensément et se sont fait rouler à trois reprises.
Nous ne pouvons pas reprocher grand-chose aux francophones. Ils se sont violemment battus pour obtenir injustement et exceptionnellement un grand nombre de magistrats et beaucoup de personnel. J'aurais voulu que les flamands disposent aussi de tels négociateurs connaissant bien les dossiers. Nous devons faire avec une bande de masochistes qui vont adopter une loi dont ils savent qu'elle ne sera jamais appliquée, qui ne correspond pas à la réalité et est d'ailleurs déjà compromise dans une commission autre que celle de la Justice. Ces masochistes tolèrent chaque fois que les flamands, qui constituent quand même la majorité, se retrouvent en position de minorité.
Si ces mesures injustes concernant de Bruxelles-Hal-Vilvorde sont confirmées, les tribunaux de première instance de Belgique compteront 377 magistrats néerlandophones et 380 francophones, alors que les flamands représentent quand même 58% de la population belge.
Comment la ministre l'explique-t-elle ? Hal-Vilvorde est loin de la Flandre occidentale ou du Limbourg, mais ces mesures ont des conséquences dans tout le pays. Les flamands sont lésés et les francophones sont favorisés. Je cite encore un exemple. Il y aura 72 juges du travail contre 74 francophones.
C'est le triste bilan des négociateurs qui ne connaissent pas leurs dossiers et qui, malgré les mesures de la charge de travail, ne savent pas de quoi on parle. Nous devons cette situation lamentable à la lácheté de ces négociateurs flamands. Les politiques flamands qui sont à la manoeuvre manquent chaque fois à leur devoir élémentaire. Nous espérons qu'ils se feront lácher par l'électeur le plus rapidement possible.
M. Philippe Mahoux (PS). - Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, nous sommes arrivés au bout d'un long processus. Après avoir entendu l'intervenant précédent, j'ai le sentiment que certains voudraient encore prolonger ce processus. Il n'en demeure pas moins que nous discutons bien de la réforme des arrondissements judiciaires.
À cet égard, je voudrais souligner quelques points qui nous semblent extrêmement importants. Le processus a débuté sous la précédente législature dans des groupes informels rassemblant un grand nombre de partis politiques. À l'époque, il était question de constituer des tribunaux d'arrondissement. Nous avons toujours été opposés à cette idée car nous sommes très attachés aux juridictions du travail et aux juridictions du commerce en raison de leurs spécificités, de la nature particulière de leurs rapports avec les justiciables, et de l'échevinage. Finalement, les spécificités des tribunaux du travail et du commerce sont maintenues et nous avons échappé aux tribunaux d'arrondissement.
La mobilité des magistrats est un autre point qui a animé les débats en commission. Un des objectifs de la réforme était de permettre une certaine mobilité des magistrats en étendant les zones géographiques à l'intérieur desquelles ils sont désignés, ce qui est bien le cas. Cependant, le risque d'utilisation abusive du nouveau système de désignation des magistrats sous forme de mesures disciplinaires déguisées ne pouvait être écarté sans autre forme de procès. La question était de savoir quels moyens étaient octroyés aux magistrats quant à ces mesures de mobilité.
Il faut savoir que parallèlement à la discussion du projet de loi, nous avons largement débattu de la création d'un tribunal disciplinaire.
Le premier cas de figure qui paraît avoir reçu une réponse appropriée est précisément la mesure disciplinaire déguisée présentée comme une mesure de mobilité. Dans cette situation particulière, il est clair que les juridictions disciplinaires sont compétentes et qu'elles offrent une possibilité de recours.
C'est le premier cas d'espèce. Le texte prévoit, je tiens à le préciser, que les magistrats soient entendus avant toute mesure de mobilité. Cela semble évident mais l'avant-projet initial ne le mentionnait pas.
J'en viens au deuxième cas d'espèce, qui concerne la contestation par le magistrat de la mesure de mobilité comme une mesure disciplinaire déguisée. On pourrait imaginer, par exemple, un non-respect de la procédure. Qu'en est-il ? Qui est compétent ? Existe-t-il un recours ? La discussion que nous avons eue en commission n'a pas permis de trancher la question. Le président de la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives est en face de moi. Il me semble que dans le cadre de la réforme du fonctionnement du Conseil d'État, il était envisagé que cette instance puisse être compétente en la matière. C'est une hypothèse. En existe-t-il d'autres ? Oui, puisque, comme je l'ai indiqué en commission, un projet de loi relatif à la gestion décentralisée est en préparation. Vous nous avez dit, madame la ministre, qu'à l'occasion de la discussion de ce projet de loi, des précisions seraient apportées sur les possibilités de recours supplémentaires données aux magistrats en ce qui concerne d'éventuelles mesures de mobilité. Nous attendons dès lors avec intérêt la discussion de ce projet, au cours de laquelle nous obtiendrons peut-être - si je ne m'abuse, c'est la ministre de l'Intérieur qui est compétente en la matière - des précisions quant à la réforme du fonctionnement du Conseil d'État et à sa compétence dans ce domaine bien particulier.
Et puisque j'évoque ce projet de loi concernant la gestion décentralisée, je voudrais insister, madame la ministre, pour que le texte précise clairement les compétences attribuées à la personne ou à la structure qui sera chargée de cette gestion. En effet, il est souhaitable que des termes à la fois sibyllins et extensifs tels que, par exemple, « le renvoi au Roi », alors qu'il s'agit de faits très importants en termes d'organisation de la justice, ne restent pas en l'état.
J'en arrive au troisième élément. Nous avons insisté en commission pour que cette modification du paysage judiciaire n'entraîne pas, pour le justiciable, une augmentation des déplacements et des frais, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler pour l'accès à la justice. On nous a répondu - ce point est précisé à l'article 50 du projet de loi - que les lieux d'audience existants seraient maintenus.
Par ailleurs, il reste à préciser, d'une part, la manière dont les divisions vont être établies puisque cet élément est pris en compte dans votre projet, madame la ministre, et d'autre part, la délimitation exacte de celles-ci.
J'en ai ainsi terminé, à propos de ce projet attendu depuis longtemps et qui présente certains avantages, avec les remarques que nous souhaitions formuler. Elles nous paraissent extrêmement importantes. Il nous semble en tout cas que des améliorations significatives ont été apportées. Pour d'aucuns, le fait de déposer un projet de cette nature risquait de mettre en péril ce principe fondamental de l'inamovibilité des juges, élément essentiel dans une démocratie.
(M. Francis Delpérée prend place au fauteuil présidentiel.)
Les précisions que nous avons reçues, notamment en ce qui concerne les possibilités de recours en matière de mobilité, ne permettront peut-être pas d'apaiser l'ensemble du monde judiciaire mais elles apportent tout de même des garanties sur ce plan.
Mme Els Van Hoof (CD&V). - Le Sénat est aujourd'hui appelé à adopter l'important projet de loi portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code judiciaire en vue de renforcer la mobilité des membres de l'ordre judiciaire. Simultanément, la Chambre examine le projet de loi relatif à la gestion des tribunaux. Ces deux projets constituent un pilier de la réforme du paysage judiciaire.
Ils visent à réformer les structures de la Justice, qui datent de la Révolution française, pour en faire une organisation moderne, décentralisée, donnant davantage de responsabilités aux arrondissements.
Notre société de plus en plus complexe est confrontée à de nombreux défis et évolutions nouveaux, comme le crime organisé, les relations commerciales internationales ou les montages frauduleux complexes, auxquels la Justice doit pouvoir apporter une réponse.
Il ressort de diverses études que les structures actuelles sont trop peu développées en termes d'efficacité et de spécialisation, pour garantir qu'une réponse soit apportée à ces évolutions de la société.
Ces dernières années, diverses pistes de réforme ont été étudiées, entre autres par l'ancien ministre de la Justice, Stefaan De Clerck et par le Groupe de l'Atomium. Ces pistes étaient, d'une part, un simple agrandissement d'échelle par la fusion d'arrondissements et, d'autre part, une proposition plus radicale consistant à regrouper en un tribunal unique les tribunaux de première instance, de commerce, du travail, de police et de l'exécution des peines.
Le gouvernement a estimé qu'un tribunal unique était difficile à mettre en oeuvre dans le contexte actuel, entre autres parce que la présence de juges non professionnels dans les tribunaux de commerce devait être maintenue.
Notre groupe considère que l'idée d'un tribunal unique ne doit pas être définitivement abandonnée. L'adoption du projet examiné aujourd'hui n'empêche pas que d'autres étapes soient franchies à l'avenir en vue de doter notre appareil judiciaire d'une structure simple et efficace.
Notre groupe soutien le choix d'agrandir le corps de magistrats par une fusion des anciens arrondissements. Chaque tribunal sera ainsi mieux à même de développer l'expertise des magistrats et de répondre aux besoins sociaux et économiques présents dans l'arrondissement.
À cet égard, il est pour nous essentiel que l'agrandissement des arrondissements aille de pair avec le maintien de différents lieux d'audience aux principaux endroits des anciens arrondissements où le gros des dossiers judiciaires pourra être traité. Il importe que le justiciable ait facilement accès à la Justice. Le citoyen ne devra être contraint de se déplacer un peu que pour des matières juridiques spécialisées.
Nous pensons qu'il faut aussi trouver une solution équilibrée pour les membres du personnel des greffes et des secrétariats de parquets. Ces personnes pourront, gráce à une certaine forme de mobilité, être affectées là où cela est nécessaire au bon fonctionnement des greffes et secrétariats de parquets. Les chefs de corps pourront ainsi affecter efficacement le personnel aux endroits où il est nécessaire. Or l'efficacité et la spécialisation sont justement les principes de base du présent projet de loi.
Cette règle de mobilité, qui constitue une exception à la nomination initiale, n'est imposée que pour la durée d'un an, délai qui peut certes être prolongé.
Les grands arrondissements sont en principe également applicables aux avocats, notaires et huissiers de justice. Au cours de l'examen en commission, plusieurs groupes ont avancé que l'élargissement du champ d'action des huissiers de justice pourrait être défavorable au justiciable. Les huissiers doivent en effet être joignables rapidement et les frais qu'occasionne la mobilité accrue ne peuvent être répercutés sur le justiciable.
La commission de la Justice se penche actuellement sur le projet de loi relatif au statut des huissiers de Justice. Mon groupe se réjouit que la ministre y ait laissé la possibilité d'examiner davantage les conséquences de l'extension du territoire d'activités.
Ce projet de loi n'est en effet qu'une première étape du processus de réforme et ne constitue qu'un demi-jalon. L'autre moitié se trouve encore à la Chambre. J'espère qu'il aboutira lui aussi ici.
Mon groupe estime que le projet de loi relatif à la décentralisation de la gestion, texte qu'examine actuellement la Chambre, est essentiel pour la réussite de la réforme actuellement proposée.
Aujourd'hui, la ministre a franchi - prestement, je l'espère - la première haie mais bien d'autres encore sont en vue. Mon groupe espère qu'elles seront franchies d'ici le milieu de 2014 et qu'entre-temps, une harmonisation aura eu lieu avec les projets qui ont déjà été adoptés au sujet des tribunaux de la famille et des tribunaux disciplinaires. De nombreux travaux d'harmonisation et de réparation sont en effet encore nécessaires. J'espère que la ministre terminera cette mission dans les temps de manière à ce que nous puissions parler d'un véritable tournant.
M. Louis Siquet (PS). - Je souhaite m'exprimer dans ma langue maternelle, l'allemand. La traduction sera diffusée dans les écouteurs.
Sehr geehrte Frau Präsidentin, Sehr geehrte Frau Ministerin, Werte Kolleginnen und Kollegen.
Im Jahre 1920 - und in direkter Folge des Versailler Vertrages - wurden die Gebiete der heutigen Deutschsprachigen Gemeinschaft ein offizieller Teil Belgiens. Von 1920 bis in das Jahr 1988 war diese Gemeinschaft dem Gerichtsbezirk Verviers angegliedert. Innerhalb dieses Vervierser Gerichtsbezirks wurde eine zweisprachige Kammer - nach dem Vorbild des Modells des Brüsseler Gerichtsbezirks - geschaffen. Leider hat dieser zweisprachige Gerichtsbezirk nie wirklich funktioniert. Da sich die frankophone Seite sich stets dagegen verwehrte, die deutsche Sprache anzuwenden, wurde 1988 der deutschsprachige Gerichtsbezirk gegründet. Damit wurde der jahrelangen sprachlichen wie juristischen Diskriminierung ein Ende gesetzt.
Wir befinden uns heute also in einem Jahr von historischer Bedeutung für den deutschsprachigen Gerichtsbezirk, da dieser sein 25jähriges Bestehen feiert.
Wie Sie bereits feststellen konnten, ist die Schaffung eines zweisprachigen Gerichtsbezirks in Verviers oder Lüttich aus juristischen Gründen nicht umsetzbar. Die Sprachengesetzgebung erlaubt eine solche Maßnahme nicht und ein deutschsprachiges Statut auf wallonischem Territorium ist ebenfalls undenkbar.
In der Deutschsprachigen Gemeinschaft spielen wir mit dem Gedanken, eine integrierte Justiz aufzubauen denn dies würde zu einer Verbesserung der Mobilität von Richtern, Prokuratoren, Greffiers usw. beitragen. Eine solche Handhabe würde es uns in der Deutschsprachigen Gemeinschaft ermöglichen, den deutschsprachigen Belgiern optimale Dienstleistungen anzubieten, und zwar in ihrer Muttersprache. Zur Erinnerung: die deutsche Sprache, ist seit 1963 eine offiziell anerkannte Landessprache. Indes ist es durchaus möglich, im konkreten Rechtsstreit und auf direkten Wunsch der beteiligten Parteien, die Verfahrenssprache zu wechseln. Sprich: von Deutsch in das Französische und umgekehrt.
Folgende Feststellungen können wir heute im Gerichtswesen machen:
Es gibt keine sprachliche Diskriminierung im Gerichtswesen mehr seit 25 Jahren; die Arbeit wird zur vollsten Zufriedenheit und in optimalem Maße geleistet und es besteht kein höheres Maß an Befangenheit als anderswo. Das nur, um dieses gerne von Gegnern des Gerichtsbezirks verwendete Argument zu entkräften.
Im Gegensatz zu vielen anderen Gerichtsbezirken, muss sich der Eupener Gerichtsbezirk nicht rein mit nationaler Materie befassen. Nein, häufiger als in vielen anderen Bezirken bestehen Verwicklungen, die europäisches, internationales Recht betreffen. Dies ist auf die Grenznähe zurückzuführen und betrifft das Strafrecht, das Wirtschaftsrecht, das Eherecht, usw. Dieser Umstand erfordert eine weitgehende juristische und polizeiliche Kooperation mit den Niederlanden, den deutschen Bundesländern, der Stadt Aachen in Nordrhein-Westfalen, der Stadt Trier in Rheinland Pfalz und dem Großherzogtum Luxemburg. Ich möchte an dieser Stelle - in meiner Funktion als deutschsprachiger Vertreter im belgischen Senat - auf die vertrauensvollen grenzüberschreitenden Beziehungen verweisen, die wir mit unseren Partnern unterhalten.
Werte Kolleginnen und Kollegen.
Wie Sie bemerken, bin ich voller Enthusiasmus für diesen eigenständigen, deutschsprachigen Gerichtsbezirk. Wie Sie wissen, ist dies nicht erst seit heute der Fall. Bereits früher habe ich mich sehr intensiv für diesen Bezirk eingesetzt, weil ich denke, dass er ein verlässlicher Partner in Belgien ist.
Deshalb möchte ich Sie, sehr geehrte Frau Ministerin, im Namen der Bürgerinnen und Bürger der Deutschsprachigen Gemeinschaft, aller Personalmitglieder des Gerichtsbezirkes und auch ganz persönlich zu Ihrer eigenen Entscheidung beglückwünschen. Darüber hinaus spreche ich allen Unterstützern, die sich für eine Beibehaltung des deutschsprachigen Gerichtsbezirks eingesetzt haben, meinen ausdrücklichen Dank aus.
En 1920, suite au Traité de Versailles, l'actuelle communauté germanophone est devenue belge. De 1920 à 1988 cette communauté a appartenu à l'arrondissement judiciaire de Verviers. Dans cet arrondissement judiciaire de Verviers fut créée une chambre germanophone suivant le modèle de la circonscription bilingue de Bruxelles. Malheureusement cette chambre bilingue n'a jamais fonctionné : à la suite du refus catégorique du côté francophone de s'exprimer en langue allemande, fut créé en 1988 l'arrondissement judiciaire germanophone et avec cette création la fin d'une discrimination linguistique et juridique.
Il s'agit donc d'une année historique pour cet arrondissement judiciaire, parce qu'il fête cette année ses 25 ans d'existence.
Comme vous avez déjà pu le constater, créer un autre arrondissement judiciaire bilingue à Verviers ou à Liège est juridiquement indéfendable, les lois linguistiques ne le permettent pas et un statut germanophone sur le territoire de la Wallonie n'est pas possible.
En communauté germanophone nous nourrissons le projet de créer une justice intégrée, elle permettrait la mobilité des juges, des procureurs, des greffiers, etc., ce qui permettrait un service optimal à la population germanophone du pays dans une langue qui lui est reconnue officiellement depuis 1963. En outre, elle permettrait à la demande des parties, de changer de langue de procédure : d'allemand en le français et vice-versa.
En ce moment, nous constatons au niveau de la Justice : il y a une abolition des discriminations linguistiques depuis 25 ans ; le travail est accompli de façon tout à fait optimale ; il n'existe pas plus de problèmes qu'ailleurs. Un argument et motif souvent avancé par les adversaires en plus des craintes relatives à la grandeur de l'arrondissement.
Au contraire d'autres arrondissements judiciaires, il y a au-delà de l'aspect national, une dimension judiciaire européenne, internationale beaucoup plus importante dans les procédures à cause de la situation frontalière, cela en matière pénale, économique ou encore matrimoniale, etc. Ceci mène à une coopération étroite au niveau de la justice et de la police, avec la Hollande, les Länder allemands, les villes d'Aix-la-Chapelle et de Trèves ainsi qu'avec le Grand-Duché du Luxembourg. Je tiens en tant que représentant germanophone au Sénat à souligner ici les relations de confiance qui règnent avec nos partenaires au-delà des frontières.
Chers collègues, vous constatez que je suis plein d'enthousiasme à l'idée de cet arrondissement judiciaire germanophone pour lequel je me suis toujours très engagé.
Je ne peux que vous féliciter, Madame la Ministre, du choix pour lequel vous avez opté et - au nom de toute la population germanophone belge, au nom des membres du personnel de cet actuel arrondissement judiciaire et en mon nom personnel, je vous présente à vous et à tous ceux qui se sont investis et qui vous ont soutenue mes plus vifs remerciements.
Mme Inge Faes (N-VA). - Permettez-moi d'être moins positive que les intervenants précédents. Ma première critique d'ordre général porte sur le phasage du processus. Il eût fallu coupler ce redécoupage du paysage judiciaire avec la gestion des tribunaux pour parvenir à un ensemble harmonieux. En dépit des demandes issues tant de l'opposition que de partis de la majorité, la ministre a refusé de traiter ces aspects ensemble.
Entre-temps j'ai pu jeter un coup d'oeil via la Chambre des représentants sur son projet en matière de gestion. Ma crainte d'une coquille vide se confirme.
L'élément principal de la grande réforme que la ministre prétend présenter se termine en pétard mouillé. Que la réforme se passe sans que l'on connaisse les résultats de la mesure de la charge de travail ne peut qu'être qualifié de kafkaïen. Je viens d'apprendre que les chiffres peuvent enfin être consultés au secrétariat de la commission de la Justice.
La ministre peut affirmer que tout peut encore être adapté et mis au point par la suite par la coordination et une législation réparatrice. Une telle façon de travailler est typique du mal belge. C'est un peu comme si la ministre construisait une maison qu'elle devrait réaménager immédiatement après parce que les fenêtres et les portes ne sont pas aux bonnes dimensions.
Que l'on n'ait pas repris les tribunaux uniques dans cette réforme, est une occasion manquée. Peu de choses changeront dans la pratique. Le premier pas est fait mais les dix pas qui doivent suivre ne se font pas voire s'avèrent impossibles à faire.
Les tribunaux du travail et de commerce sont installés au niveau du ressort. Mais à Louvain, Bruxelles et Nivelles, ils sont organisés au niveau de l'arrondissement judiciaire. Cela ne tient pas la route parce qu'il ne sera nullement question de spécialisation à Louvain et Nivelles en raison du faible nombre de juges spécialisés en matières sociales ou commerciales.
Ensuite, les justices de paix et les tribunaux de police ne sont pas intégrés dans les tribunaux de première instance. Ceci constitue évidemment un obstacle complémentaire à la création des tribunaux uniques à l'avenir.
Tous les partis flamands y compris le CD&V et l'Open Vld étaient partisans des tribunaux uniques. Le Conseil supérieur de la Justice et l'Ordre des barreaux flamands y étaient aussi favorables. Il s'agissait là du moyen le plus efficace d'amener la Justice vers une gestion du 21e siècle. Tout le monde sait qui y a fait obstacle. Le tribunal unique ne fait pas partie de cette réforme et le monde entier rit de notre système actuel.
Le projet de loi compte de nombreuses inégalités. La première porte sur l'arrondissement judiciaire du Hainaut.
À titre d'exception, cet arrondissement comptera deux procureurs du Roi. Considérer que le Hainaut soit un cas à part de par son nombre d'habitants, son étendue et sa diversité socioéconomique n'a pas de sens. On pourrait utiliser cet argument pour tous les arrondissements. Anvers, Liège et Gand sont également grandes et traitent aussi beaucoup de dossiers. Tous ces arrondissements comptent tant une zone urbaine aux problèmes spécifiques telles la grande criminalité, la pression migratoire que des zones agricoles et des quartiers résidentiels. Le Conseil d'État a d'ailleurs rappelé la ministre à l'ordre considérant cette exception comme très discriminatoire. La ministre devra donc trouver un nouvel argument. Il n'y a aucune raison pour que le Hainaut compte deux parquets, la ministre n'a pu convaincre ni le Conseil d'État ni moi-même. Je ne vais pas demander à la ministre de me fournir une nouvelle justification aujourd'hui. Quatre réponses peu satisfaisantes suffisent.
Qu'il y ait deux parquets et deux procureurs du Roi dans le Hainaut constitue une nouvelle distorsion. Il est étrange que le Hainaut reçoive également deux tribunaux de police et deux sièges pour le tribunal de première instance alors que ce tribunal n'aura qu'un président. La plus-value de ces deux sièges reste un grand mystère pour moi. C'est comme si le gouvernement avait voulu installer deux arrondissements judiciaires dans le Hainaut et comme si la ministre avait été chargée de noyer le poisson le mieux possible.
Il y a encore une inégalité. Tous les arrondissements reçoivent un président des juges de paix et des juges de police en plus sauf Bruxelles et Eupen. Dans ces deux arrondissements, c'est le président du tribunal de première instance qui remplira cette táche. Pour Eupen nous trouvons cela justifié puisque cet arrondissement reçoit un tribunal unique mais pour Bruxelles, il n'y a aucune explication à y trouver.
Dans les arrondissements de Bruxelles et d'Eupen, il subsiste un greffier principal par justice de paix et par tribunal de police. Dans tous les autres arrondissements, il n'y a qu'un greffier principal pour toutes les justices de paix et tous les tribunaux de police, au niveau de l'arrondissement judiciaire. La ministre fait également référence ici à la loi sur BHV. Il est frappant de constater que la ministre tente systématiquement de rejeter toute responsabilité dans le dossier BHV. Les chiffres de KPMG ne furent pas non plus discutés quand ils devaient l'être. Ici aussi il faut en conclure que c'est une catastrophe pour les Flamands.
Enfin, le Brabant wallon reçoit son propre arrondissement ce qui n'est pas le cas du Brabant flamand. On maintient un arrondissement de Bruxelles et un arrondissement de Louvain.
Le projet comporte nombre d'inégalités et nous avons manqué l'occasion de créer le tribunal unique. En plus, les réformes ne semblent pas soutenues par les magistrats de terrain et elles manqueront certainement leur cible si l'on ne s'attelle pas plus vite à la mesure de la charge de travail et du rendement, à la simplification des procédures, à des systèmes informatiques intégrés et à l'augmentation des moyens en vue d'une justice plus efficace.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas en faveur de ce projet.
Mme Christine Defraigne (MR), corapporteuse. - Nous sommes à l'issue d'un long processus.
Mener un débat sur la taille des arrondissements qui datent du 19e siècle était certainement utile. Néanmoins, un certain nombre de principes constitutionnels doivent être sauvegardés. La mobilité des magistrats est liée au principe constitutionnel d'inamovibilité et constitue évidemment une garantie de l'indépendance des magistrats, dans l'intérêt du justiciable.
La question a été posée de savoir si ce projet n'était pas le cheval de Troie qui nuirait à cette indépendance, puisque le pouvoir des chefs de corps en la matière est assez large. D'aucuns ont craint que les « déplacements » de magistrats soient une occasion de les écarter, pour des raisons complètement étrangères au bon fonctionnement du service et à l'efficacité de celui-ci.
Certes, l'avis du magistrat est demandé mais c'est une simple consultation, sans qu'un recours ne soit nécessairement organisé.
Face aux amendements déposés à la Chambre à ce sujet, vous vous êtes engagée à envisager cette question dans le cadre de la gestion décentralisée du projet qui est actuellement débattu à la Chambre. Je tiens à vous rappeler ces engagements car ils touchent un problème bien réel auquel il faut apporter des réponses adaptées.
Le deuxième engagement que vous avez pris par rapport à ce texte concerne la compétence territoriale des huissiers. D'une manière générale, je regrette - comme je l'ai déjà indiqué en commission - que notre capacité d'amendement ait été totalement cadenassée. La marge de manoeuvre des sénateurs a été réduite à néant. Je peux comprendre que vous ne souhaitiez pas que ce texte important doive retourner à la Chambre, avec les éventuels risques dilatoires ou purement politiques que cela suppose, mais il eut pourtant été de bonne politique de pouvoir apporter certains amendements.
Vous avez toutefois pris l'engagement que la compétence territoriale des huissiers de justice serait abordée dans la question plus générale du statut des huissiers de justice. La discussion n'est pas de nature corporatiste ; elle concerne la sauvegarde de l'intérêt du justiciable et du débiteur qui doivent avoir un accès garanti à la justice. Il ne faudrait pas que cette réforme entraîne une explosion des coûts des actes de procédure pour le débiteur ou le justiciable.
Je voudrais ajouter que parmi les autres acteurs judiciaires qui seront touchés par cette réforme, il y a bien entendu les avocats et les notaires. Il s'agira peut-être de modifier le mode de fonctionnement des ordres d'avocats qui travaillent aujourd'hui par arrondissement judiciaire et la compétence territoriale des notaires fera l'objet de discussions. Tous ces changements devront se faire dans l'intérêt du justiciable.
Madame la ministre, le monde judiciaire est au coeur d'une série de réformes concomitantes. On installera le tribunal de la famille, ce qui nécessitera de nombreuses adaptations. La gestion décentralisée, qui est débattue actuellement à la Chambre, demandera également beaucoup de souplesse et de créativité. Cette réforme du paysage judiciaire aura évidemment des conséquences pratiques.
Comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, il ne faut pas charger la barque trop fort. Le SPF Justice devra, en tout cas, constituer un appui et développer une saine collaboration et un partenariat bien concerté avec le monde judiciaire. Il en va du fonctionnement du Service public de la Justice, au jour le jour et au quotidien.
Mme Cécile Thibaut (Ecolo). - La réforme de l'ordre judiciaire est une réforme ambitieuse qu'Ecolo et Groen ont soutenue en participant au groupe de travail Atomium entre octobre et décembre 2009, à l'initiative du ministre de la Justice Stefaan De Clerck.
Dans tous les cas, notre groupe estime que toute réforme doit aboutir à des améliorations concrètes. Nous souhaitions que des changements structurels soient opérés dans l'organisation judiciaire afin de permettre des avancées positives. Ces réformes doivent se baser sur des critères de faisabilité et de plus-value pour le personnel judiciaire et pour le justiciable.
Une analyse coût/bénéfice garde aussi tout son sens. Car bien qu'elle soit demandée depuis plus de vingt ans, cette réforme est proposée aujourd'hui dans un contexte de restrictions budgétaires sans précédent. Même si la Justice est un département qui a relativement échappé aux restrictions linéaires, elle souffre d'un arriéré de moyens et de réformes. Il nous semble dès lors que cette réforme devra également passer par une revalorisation de la Justice et un accès satisfaisant aux tribunaux.
Sur la forme, nous avons regretté la fin de course précipitée à laquelle nous avons assisté à la Chambre avant les vacances parlementaires. Une seule matinée aura été consacrée à l'audition des acteurs avant d'entamer les débats parlementaires.
Nous avons aussi regretté la stratégie de la majorité fédérale d'examiner les textes de la réforme de manière incomplète. Ainsi, les textes sur l'autonomie de gestion aboutissent maintenant à la Chambre. De nombreuses lois réparatrices sont annoncées pour mettre en cohérence les différents textes. Je parle du paysage judiciaire et de la mobilité, de l'autonomie de gestion, du tribunal de la famille ou encore du tribunal disciplinaire.
Sur le fond, deux éléments retiennent mon attention : le premier concerne le modèle de management.
Comme je l'ai dit dans la discussion des travaux, la réforme de l'ordre judiciaire vise à améliorer son efficacité. Elle prévoit notamment une meilleure flexibilité en facilitant la mobilité des magistrats et du personnel judiciaire. Celle-ci est essentielle pour permettre une spécialisation des magistrats dans les matières dans lesquelles ils sont formés et sont appelés à juger. Il en va de la capacité d'attirer des profils de haut niveau dans les matières spécialisées.
Bien que nous soutenions la philosophie de cette réforme, nous regrettons les pleins pouvoirs qui ont été accordés au chef de corps en matière de mobilité, et dans le prolongement de la réflexion sur l'organisation démocratique de l'ordre judiciaire et des assemblées générales, nous avons proposé un modèle de management participatif, l'objectif étant de faire participer à travers une assemblée générale un maximum de magistrats qui travaillent avec le chef de corps.
Ce modèle de management n'a malheureusement pas été retenu et se retrouve à présent dans les textes sur l'autonomie de gestion actuellement examinés à la Chambre. Nous attendons donc la suite.
Le deuxième élément qui retient notre attention est que, selon la philosophie de la réforme, les services de base, ceux qui sont les plus proches des citoyens, doivent être assurés dans chaque division. On y trouvera ainsi au moins un tribunal de la jeunesse, un tribunal civil et un tribunal correctionnel. Les matières qui méritent une spécialisation pourraient être concentrées dans une seule division. Ces matières sont reprises dans une liste inscrite dans le Code judiciaire. Il s'agit d'un progrès qui encouragera et facilitera la stabilisation des spécialisations. Cependant, nous estimons que la liste des matières spécialisables est trop longue et trop vague. Ainsi, par exemple, les contrats de travail et les accidents de travail sont repris sur cette liste exhaustive. Cela signifie que ces matières pourront être concentrées dans une seule division d'un arrondissement. Or, puisque l'arrondissement épousera le territoire provincial, on ne pourra plus parler d'une justice proche du justiciable.
Nous sommes favorables à une réforme de l'ordre judiciaire. Toutefois, certains éléments de la réforme qui nous est proposée par la majorité et la précipitation dans laquelle Mme Turtelboom a travaillé ces dernières semaines nous incitent à nous abstenir.
(Mme Sabine de Bethune, présidente, reprend place au fauteuil présidentiel.)
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Je me réjouis de pouvoir commenter aujourd'hui le premier volet de la réforme de la Justice. Après trente ans de discussion, nous ne pouvons plus ajouter grand-chose au débat parlementaire mais nous avons en tout cas franchi un pas important dans la réforme de la Justice.
La Chambre transmettra bientôt le second projet de loi au Sénat. Il concerne la gestion de l'ordre judiciaire. Ces deux projets sont indissociablement liés. Le premier projet ne pourra pleinement être valorisé que lorsque nous aurons traité le second. Certaines remarques formulées lors de l'examen du premier projet seront clarifiées dans le second. Je pense, par exemple, à la possibilité de recours en cas de mobilité et à la liaison des cadres du personnel à la mesure de la charge de travail. Le second projet prévoit ainsi une évaluation quinquennale de la charge de travail.
Je remercie tous ceux qui ont participé à la rédaction des textes et ont permis que le projet soit examiné aujourd'hui : les experts, les négociateurs, le groupe de réflexion informel, le groupe de pilotage qui a analysé les textes issus de la magistrature. Je remercie même les sénateurs qui ont formulé des critiques car leur attitude démontre l'importance de la Justice et de cette réforme.
La réforme vise trois objectifs. Premièrement, elle doit assurer une meilleure gestion et une plus grande efficacité. Les moyens humains et matériels et les táches étaient en effet trop morcelés. Trop souvent c'est en outre les bureaucrates de Bruxelles qui décidaient de l'utilisation des moyens alors qu'il aurait été nettement préférable de confier la décision aux personnes elles-mêmes.
Deuxièmement, la réforme doit offrir la possibilité de résorber l'arriéré et de rendre plus rapidement la justice.
Le troisième objectif est d'encore améliorer la qualité de la jurisprudence et du service et de rendre la Justice suffisamment proche du citoyen.
À l'issue des discussions, les méthodes à employer ont fait l'objet d'un consensus, ce qui permettra d'atteindre ces objectifs.
Premièrement, l'échelle sera élargie. Dans les grandes lignes, la structure territoriale des tribunaux reste la même que celle qui existait à la naissance de la Belgique. Cet élargissement d'échelle offre l'opportunité de transférer les moyens et les compétences stratégiques du niveau central aux arrondissements et doit en même temps contribuer à mettre un terme à la dispersion des ressources humaines et des moyens.
Deuxièmement, gráce à la création d'arrondissements judiciaires plus vastes et au développement des possibilités de mobilité horizontale, les magistrats et le personnel judiciaire peuvent être mieux affectés en fonction de la charge de travail et de la spécialisation. Bien entendu, tout cela est intimement lié au projet de loi que nous examinerons dans quelques semaines et qui règle la gestion des nouveaux arrondissements. Vous constaterez que nous y renforçons le principe de la séparation des pouvoirs qui est très important dans notre pays, que nous décentralisons de façon pragmatique et que nous prévoyons une longue phase transitoire pour développer ce nouveau système de gestion.
Le premier grand projet relatif à la mobilité et à l'agrandissement d'échelle nous fait passer de 27 à 12 arrondissements judiciaires, basés sur la structure provinciale. Nous avons véritablement ancré dans les textes légaux la proximité du citoyen parce qu'elle est cruciale. La Justice doit devenir plus efficace mais doit rester proche du justiciable.
En commission, j'ai parlé longuement de la mobilité des magistrats. Nous avons bien sûr veillé à ce que les décisions relatives à la mobilité, laquelle est accrue, ne soient prises qu'après que les magistrats ont été entendus et, dans certains cas, donné leur accord. Le projet de loi sur la gestion de l'ordre judiciaire a également été adapté en ce sens.
Je tiens aussi à rappeler l'excellent travail accompli par le Sénat lors de la création du tribunal de la famille et du tribunal disciplinaire. Le gouvernement et le Sénat ont ainsi fait aboutir trois projets capitaux pour la procédure qui améliorent le fonctionnement de la Justice et rendent celle-ci plus transparente et plus proche des gens. Les trois projets sont liés puisqu'ils améliorent tous la procédure.
Nous entamerons bientôt l'examen du projet relatif à la gestion en commission de la Justice du Sénat. Nous aurons ainsi obtenu, sous cette législature, une avancée significative dans la réforme de la Justice à laquelle la majorité s'était engagée.
Je remercie en tout cas tous les membres qui ont collaboré de manière constructive à l'élaboration de ce projet de loi.
M. Bart Laeremans (VB). - La ministre n'a nullement répondu aux nombreuses questions que j'ai posées. Elle fait l'autruche.
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Tout ce qui concerne Bruxelles-Hal-Vilvorde a été discuté en détail cette semaine en commission. Je pourrais répéter mot pour mot ce qu'a dit le secrétaire d'État Verherstraeten mais ce serait inutile. Tous ceux qui participent aux travaux de la commission des Affaires institutionnelles savent parfaitement sur quoi reposent les cadres du personnel. Certains sont fondés sur la situation actuelle et évolueront en fonction de la mesure de la charge de travail. Je peux comprendre que l'opposition saisisse chaque projet pour se manifester mais recommencer la discussion déjà menée en commission n'a aucun sens.
Nous pouvons aller de l'avant, y compris en ce qui concerne la réforme de l'État car la collaboration et la confiance règnent au sein du gouvernement. Cela n'a rien à voir avec une politique de l'autruche mais avec un esprit de coopération, une notion que M. Laeremans maîtrise sans doute mal.
M. Bart Laeremans (VB). - C'est fort. Au cours des dernières semaines, je n'ai fait que collaborer activement aux travaux des commissions des Affaires institutionnelles et de la Justice. Nous y avons demandé à plusieurs reprises à la ministre quel était le fondement des chiffres. C'est précisément le jour de la manifestation des policiers à Bruxelles que l'accord sur les nouvelles répartitions résultant de la mesure de la charge de travail a été présenté. J'ai interrogé la ministre à ce sujet mais elle n'a pas été en mesure de répondre.
La ministre affirme pouvoir répéter ici ce qu'a dit M. Verherstraeten en commission mais elle n'en est pas capable car elle ne maîtrise pas cette matière. Elle ignore de quoi il s'agit. Je lui ai par exemple demandé pourquoi Anvers disposait actuellement de 106 magistrats et bientôt de 107. Elle n'a pas pu donner de réponse car elle se désintéresse totalement de la question.
-La discussion générale est close.
(Pour le texte corrigé par la commission de la Justice, voir document 5-2212/5.)
-Les articles 1er à 164 sont adoptés sans observation.
-Il sera procédé ultérieurement au vote sur l'ensemble du projet de loi.
Mme la présidente (devant l'assemblée debout). - Je salue la présence parmi nous de Mme l'Ambassadeur de la République des Philippines.
Vendredi dernier, le typhon Haiyan a dévasté des villes et des villages entiers aux Philippines, laissant derrière lui, selon les estimations, plusieurs milliers de morts et de blessés et 650 000 personnes sans logement. À l'heure où je vous parle, plusieurs dizaines de nos compatriotes sont toujours portés disparus.
Cette catastrophe montre à quel point la société et l'être humain sont vulnérables face au déchaînement des éléments naturels. Plusieurs centaines de milliers de sans-abri manquent de tout : eau potable, nourriture, assistance médicale et logement. Les secouristes de B-FAST sont d'ores et déjà sur place pour apporter une aide d'urgence aux survivants. Notre pays tient à témoigner toute sa solidarité à la population touchée par cette catastrophe et j'invite dès lors nos ministres des Affaires étrangères et de la Coopération au développement à tout mettre tout en oeuvre, avec leurs collègues européens, pour venir en aide à ce pays durement éprouvé.
J'ai adressé au président du Sénat philippin un télégramme exprimant la profonde compassion de notre assemblée.
En votre nom à tous, je tiens à exprimer ici toute notre sympathie au peuple et aux autorités des Philippines. Nos pensées vont à toutes les victimes, à leurs familles et aux secouristes.
(L'assemblée observe une minute de silence.)
(Les listes nominatives figurent en annexe.)
Vote no 1
Présents : 53
Pour : 34
Contre : 15
Abstentions : 4
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je tiens à remercier Mme Lijnen de continuer à assurer le pairage avec Mme Piryns.
-Le projet de loi est adopté.
-Il sera soumis à la sanction royale.
Vote no 2
Présents : 52
Pour : 47
Contre : 5
Abstentions : 0
-Le projet de loi est adopté.
-Il sera soumis à la sanction royale.
Vote no 3
Présents : 52
Pour : 52
Contre : 0
Abstentions : 0
-Le Sénat a adopté le projet de loi sans modification et s'est rallié dès lors au texte tel qu'il a été amendé par la Chambre des représentants. Le projet sera transmis à la Chambre des représentants en vue de la sanction royale.
Mme la présidente. - Le Bureau propose l'ordre du jour suivant pour la semaine prochaine :
Jeudi 21 novembre 2013 à 15 heures
Débat d'actualité et questions orales.
Procédure d'évocation
Projet de loi modifiant la loi du 19 mars 2013 relative à la Coopération au Développement ; Doc. 5-2223/1 à 3.
Projet de loi portant le Code consulaire ; Doc. 5-2300/1 et 2.
Projet de loi modifiant la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l'information et aux voies de recours en matière de marchés publics et de certains marchés de travaux, de fournitures et de services et portant confirmation des dispositions concernant la protection juridictionnelle de deux arrêtés royaux pris en application de l'article 80, alinéas 3 à 5, de la loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services ; Doc. 5-2313/1 à 3.
Prise en considération de propositions.
À partir de 17 heures : Votes nominatifs sur l'ensemble des projets de loi dont la discussion est terminée.
-Le Sénat est d'accord sur cet ordre des travaux.
Mme la présidente. - L'ordre du jour de la présente séance est ainsi épuisé.
La prochaine séance aura lieu le jeudi 21 novembre à 15 h.
(La séance est levée à 19 h 05.)
Mme Piryns, en congé de maternité, M. Morael, pour raison de santé, Mmes Matz et Talhaoui, M. Demeyer, en mission à l'étranger, Mmes Jans, Pehlivan et Vogels, pour d'autres devoirs, demandent d'excuser leur absence à la présente séance.
-Pris pour information.
Naamstemmingen
Vote no 1
Présents : 53
Pour : 34
Contre : 15
Abstentions : 4
Pour
Bert Anciaux, Marie Arena, Wouter Beke, François Bellot, Hassan Bousetta, Jacques Brotchi, Dirk Claes, Mohamed Daif, Sabine de Bethune, Christine Defraigne, Francis Delpérée, Guido De Padt, Gérard Deprez, Leona Detiège, Dalila Douifi, André du Bus de Warnaffe, Cindy Franssen, Ahmed Laaouej, Paul Magnette, Philippe Mahoux, Bertin Mampaka Mankamba, Richard Miller, Philippe Moureaux, Fatma Pehlivan, Jan Roegiers, Fatiha Saïdi, Etienne Schouppe, Louis Siquet, Guy Swennen, Els Van Hoof, Yoeri Vastersavendts, Johan Verstreken, Fabienne Winckel, Olga Zrihen.
Contre
Huub Broers, Yves Buysse, Jurgen Ceder, Patrick De Groote, Filip Dewinter, Inge Faes, Louis Ide, Bart Laeremans, Lieve Maes, Elke Sleurs, Veerle Stassijns, Helga Stevens, Anke Van dermeersch, Karl Vanlouwe, Sabine Vermeulen.
Abstentions
Benoit Hellings, Zakia Khattabi, Nele Lijnen, Cécile Thibaut.
Vote no 2
Présents : 52
Pour : 47
Contre : 5
Abstentions : 0
Pour
Bert Anciaux, Marie Arena, Wouter Beke, François Bellot, Hassan Bousetta, Huub Broers, Jacques Brotchi, Dirk Claes, Mohamed Daif, Sabine de Bethune, Christine Defraigne, Patrick De Groote, Francis Delpérée, Guido De Padt, Gérard Deprez, Leona Detiège, Dalila Douifi, André du Bus de Warnaffe, Inge Faes, Cindy Franssen, Benoit Hellings, Louis Ide, Zakia Khattabi, Ahmed Laaouej, Nele Lijnen, Lieve Maes, Paul Magnette, Philippe Mahoux, Bertin Mampaka Mankamba, Richard Miller, Philippe Moureaux, Jan Roegiers, Fatiha Saïdi, Etienne Schouppe, Louis Siquet, Elke Sleurs, Veerle Stassijns, Helga Stevens, Guy Swennen, Cécile Thibaut, Els Van Hoof, Karl Vanlouwe, Yoeri Vastersavendts, Sabine Vermeulen, Johan Verstreken, Fabienne Winckel, Olga Zrihen.
Contre
Yves Buysse, Jurgen Ceder, Filip Dewinter, Bart Laeremans, Anke Van dermeersch.
Vote no 3
Présents : 52
Pour : 52
Contre : 0
Abstentions : 0
Pour
Bert Anciaux, Marie Arena, Wouter Beke, François Bellot, Hassan Bousetta, Huub Broers, Jacques Brotchi, Yves Buysse, Jurgen Ceder, Dirk Claes, Mohamed Daif, Sabine de Bethune, Christine Defraigne, Patrick De Groote, Francis Delpérée, Guido De Padt, Gérard Deprez, Leona Detiège, Filip Dewinter, Dalila Douifi, André du Bus de Warnaffe, Inge Faes, Cindy Franssen, Benoit Hellings, Louis Ide, Zakia Khattabi, Ahmed Laaouej, Bart Laeremans, Nele Lijnen, Lieve Maes, Paul Magnette, Philippe Mahoux, Bertin Mampaka Mankamba, Richard Miller, Philippe Moureaux, Jan Roegiers, Fatiha Saïdi, Etienne Schouppe, Louis Siquet, Elke Sleurs, Veerle Stassijns, Helga Stevens, Guy Swennen, Cécile Thibaut, Anke Van dermeersch, Els Van Hoof, Karl Vanlouwe, Yoeri Vastersavendts, Sabine Vermeulen, Johan Verstreken, Fabienne Winckel, Olga Zrihen.
Propositions de loi
Article 81 de la Constitution
Proposition de loi modifiant l'arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés, concernant la période des études (de M. Jacques Brotchi et Mme Dominique Tilmans ; Doc. 5-2324/1).
-Commission des Affaires sociales
Propositions de résolution
Proposition de résolution concernant la situation de la liberté d'expression et des droits de l'homme dans la Fédération de Russie (de M. Bert Anciaux et consorts ; Doc. 5-2337/1).
-Commission des Relations extérieures et de la Défense
Le Bureau a été saisi des demandes d'explications suivantes :
Commission des Relations extérieures et de la Défense
Commission de l'Intérieur et des Affaires administratives
Commission des Relations extérieures et de la Défense
Commission de la Justice
Commission des Relations extérieures et de la Défense
Commission des Relations extérieures et de la Défense
Commission des Relations extérieures et de la Défense
Commission des Relations extérieures et de la Défense
Commission de la Justice
Commission des Finances et des Affaires économiques
Commission des Relations extérieures et de la Défense
Commission des Affaires sociales
Commission des Affaires sociales
Commission des Affaires sociales
Commission des Affaires sociales
Commission de la Justice
Commission des Finances et des Affaires économiques
Commission des Finances et des Affaires économiques
Commission des Affaires sociales
Commission des Affaires sociales
Commission des Relations extérieures et de la Défense
Commission des Relations extérieures et de la Défense
Commission des Finances et des Affaires économiques
Commission des Relations extérieures et de la Défense
Par message du 9 novembre 2013, le Sénat a retourné à la Chambre des représentants, en vue de la sanction royale, le projet de loi non évoqué qui suit :
Projet de loi modifiant la loi du 13 août 2011 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité (Doc. 5-2314/1).
-Pris pour notification.
Par messages du 7 novembre 2013, la Chambre des représentants a transmis au Sénat, tels qu'ils ont été adoptés en sa séance du même jour :
Article 77 de la Constitution
Projet de loi portant diverses dispositions en vue d'améliorer le statut de la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (Doc. 5-2328/1).
-Le projet de loi a été envoyé à la commission de la Justice.
Projet de loi modifiant les articles 41 et 43 de la loi du ... en matière de dispositifs médicaux et l'article 605quater du Code judiciaire (Doc. 5-2331/1).
-Le projet de loi a été envoyé à la commission des Affaires sociales.
Projet de loi modifiant la loi relative à la suppression ou à la restructuration d'organismes d'intérêt public et d'autres services de l'État, coordonnée le 13 mars 1991 (Doc. 5-2333/1).
-Le projet de loi a été envoyé à la commission des Finances et des Affaires économiques.
Article 78 de la Constitution
Projet de loi modifiant la loi du 22 mars 2001 instituant la garantie de revenus aux personnes ágées (Doc. 5-2330/1).
-Le projet de loi a été reçu le 8 novembre 2013 ; la date limite d'évocation est le lundi 25 novembre 2013.
-La Chambre a adopté le projet le 7 novembre 2013.
Le Gouvernement a déposé les projets de loi ci-après :
Projet de loi portant assentiment à l'Accord entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le gouvernement de la République française relatif au traitement de combustibles usés belges à La Hague, fait à Paris le 25 avril 2013 (Doc. 5-2336/1).
-Le projet de loi a été envoyé à la commission des Relations extérieures et de la Défense.
Projet de loi portant assentiment à l'Accord de coopération entre l'État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale relatif à l'intégration des activités aériennes dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre conformément à la directive 2008/101/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 modifiant la directive 2003/87/CE afin d'intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d'échange de système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre, conclu à Bruxelles, le 2 septembre 2013 (Doc. 5-2340/1).
-Le projet de loi a été envoyé à la commission des Finances et des Affaires économiques.
Par lettre du 8 novembre 2013, le président du Centre d'information et d'avis sur les organisations sectaires nuisibles a transmis au Sénat, conformément à l'article 11 de la loi du 2 juin 1998 portant création d'un Centre d'information et d'avis sur les organisations sectaires nuisibles et d'une Cellule administrative de coordination de la lutte contre les organisations sectaires nuisibles, le rapport bisannuel pour 2011-2012.
-Envoi à la commission de la Justice.