5-2399/2

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2013-2014

2 AVRIL 2014


Proposition de loi modifiant l'article 409 du Code pénal incriminant l'incitation à pratiquer des mutilations génitales chez les femmes


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

M. MAHOUX


I. PROCÉDURE

La proposition de loi à l'examen a été déposée le 12 décembre 2013 par Mme Els Van Hoof et consorts, prise en considération le 19 décembre 2013 et transmise à la commission de la Justice.

La commission de la Justice l'a examinée au cours de ses réunions du 25 mars et du 1er avril 2014.

L'on se référera également à la proposition de résolution visant à lutter contre les mutilations génitales en Belgique (doc. Sénat, nº 5-2453/1), qui a été inscrite en même temps à l'ordre du jour de la commission de la Justice, ainsi qu'aux travaux du Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, qui s'est penché sur la question des mutilations génitales en Belgique.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE MME ELS VAN HOOF

L'auteure renvoie aux développements de la proposition de loi.

Bien que la pratique des mutilations génitales féminines soit déjà pénalisée et que l'incrimination vise les personnes qui y prêtent leur concours, trop de filles en sont encore victimes.

La proposition à l'examen vise à élargir l'article 409 du Code pénal, dans le droit fil des dispositions de la Convention d'Istanbul. Seraient ainsi incriminées non seulement la tentative de pratiquer une mutilation génitale, mais également l'incitation à le faire, de même que la publicité directe ou indirecte, écrite ou verbale, en faveur d'une telle pratique. Sont passibles de poursuites la personne qui pratique la mutilation, mais aussi celle qui en fait la publicité.

Juridiquement, la proposition à l'examen s'inspire de la loi sur la prostitution.

Les mutilations génitales sont internationalement reconnues comme une torture.

La prévention et les projets visant à changer les comportements sont indispensables, mais le risque de poursuites doit faire comprendre que l'incitation à pratiquer des mutilations génitales est également à proscrire.

Le phénomène des mutilations génitales féminines s'accroît en raison de l'immigration. L'année dernière, le nombre de cas a plus que doublé (passant de 6 000 à 13 000). La tradition ne s'arrête pas aux frontières, mais s'exporte. C'est ainsi que des filles risquent de subir des mutilations génitales en Belgique ou lors d'un voyage dans leur pays d'origine.

L'intervenante ajoute que la problématique des mutilations génitales a également été abordée au sein du Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.

Des auditions ont été organisées.

III. DISCUSSION

Mme Sleurs renvoie aux débats menés au sein du Comité d'avis, qui estime que les mutilations génitales sont insuffisamment sanctionnées à l'article 409. Le Comité d'avis insiste sur la nécessité d'élargir le champ d'application à « l'incitation » à pratiquer ces mutilations. Il souligne que la législation actuelle prévoit une charge de la preuve trop lourde et que la proposition de loi à l'examen allège cette charge de la preuve en incriminant toute incitation à commettre des mutilations génitales.

Mme Van Hoof souligne que l'on dénombre en France de très nombreux cas de poursuite (plus de cent). Par contre, aucune poursuite n'a encore été intentée en Belgique. En effet, les filles ne sont pas enclines à témoigner quand elles constatent que la communauté qui plaide en faveur des mutilations n'est jamais sanctionnée. Il est important qu'elles se sentent en sécurité lorsqu'elles témoignent.

Mme Khattabi estime que le comité d'avis se prononce essentiellement sur le plan de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Il appartient à la commission de la Justice de se prononcer sur l'éventuelle incrimination de l'incitation.

M. Mahoux souligne l'importance du problème visé. Le texte à l'examen est un texte essentiel devant encore être adopté avant la fin de la législature.

M. Laeremans estime que la sanction prévue, à savoir un emprisonnement de huit jours à un an, est très légère pour des faits aussi graves, surtout lorsque l'on sait que les courtes peines de prison ne sont pas exécutées en tant que telles.

Mme Van Hoof souligne que la peine prévue pour la complicité peut aller jusqu'à cinq ans, en fonction du degré d'implication de l'intéressé dans les faits incriminés.

Pour le reste, l'on se référera également au rapport relatif à la proposition de résolution visant à lutter contre les mutilations génitales en Belgique (cf. doc. Sénat, nº 5-2453/3).

IV. VOTES

Les articles 1er et 2, ainsi que l'ensemble de la proposition de loi, sont adoptés à l'unanimité des 13 membres présents.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, Le président,
Philippe MAHOUX. Alain COURTOIS.