5-2789/2

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2013-2014

3 AVRIL 2014


Projet de loi portant assentiment à la Convention des Nations unies sur la réduction des cas d'apatridie, faite à New York le 30 août 1961


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE PAR

M. MAHOUX


I. INTRODUCTION

La commission a examiné le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport lors de ses réunions des 1er et 3 avril 2014.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU REPRÉSENTANT DU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Cette Convention a été élaborée dans le cadre de l'Organisation des Nations unies. Dans sa résolution 896 (IX) du 4 décembre 1954, l'Assemblée générale a exprimé le souhait « de convoquer une conférence internationale en vue de la conclusion d'une convention pour la réduction du nombre des cas d'apatridie dans l'avenir ou pour l'élimination de l'apatridie dans l'avenir dès que vingt États au moins sont disposés à participer à cette conférence ».

La Conférence des Nations unies « pour l'élimination ou la réduction des cas d'apatridie dans l'avenir » s'est tenue à Genève du 24 mars au 18 avril 1959 et ensuite à New York du 15 au 28 août 1961. Les travaux étaient particulièrement axés sur les dispositions qui visaient à réduire les cas d'apatridie à la naissance. Deux sessions ont été nécessaires vu les divergences d'opinion fondamentales entre les pays qui avaient choisi d'accorder leur nationalité sur la base du principe ius soli et les pays qui avaient opté pour le principe ius sanguinis. Il y avait aussi des divergences d'opinion sur la possibilité de recourir à la déchéance comme moyen pour sauvegarder les intérêts fondamentaux de l'État.

La Convention fut ouverte à la signature du 30 août 1961 au 31 mai 1962. Cinq pays l'ont signée. L'article 18, § 1er, de la Convention prévoit qu'elle entre en vigueur deux ans après la date du dépôt du sixième instrument de ratification ou d'adhésion. Ce sixième acte a été déposé le 13 décembre 1973 par l'Australie et la Convention est donc entrée en vigueur le 13 décembre 1975. Actuellement, cinquante-trois pays sont parties à la Convention (voir http://treaties.un.org, chapitre V, dans lequel figurent également toutes les déclarations et les réserves).

La Convention ne relève pas de la compétence des Régions, des Communautés et de la Commission communautaire commune. Elle règle en effet uniquement des questions relatives au statut national d'une personne, ce qui est une matière fédérale.

La ratification de cette Convention, qui a été conclue voilà déjà cinquante ans, représente un signal selon lequel notre pays veut continuer à œuvrer en faveur des droits de l'homme, y compris le droit à une nationalité, et en faveur de la participation à part entière de chaque individu à la vie sociale en évitant la marginalisation qui découle de l'apatridie.

Cette Convention a été une source d'inspiration pour de nombreuses autres conventions. Elle doit à son tour être lue parallèlement à des instruments postérieurs qui ont, chacun dans leur domaine, clarifié la notion d'apatridie.

La Convention des Nations unies sur la réduction des cas d'apatridie est le deuxième instrument de droit international conventionnel dans le cadre des Nations unies en vue de lutter contre les différents aspects de l'apatridie. Le premier instrument était la Convention relative au statut des apatrides, faite à New York le 28 septembre 1954 et approuvée par notre pays par la loi du 12 mai 1960, dans l'objectif de définir les principes de leur statut et leurs droits fondamentaux. Dans cette Convention, un apatride est défini comme « une personne qu'aucun État ne considère comme son ressortissant en application de sa législation ». Il s'agit donc d'une personne pour laquelle il est établi juridiquement qu'elle ne possède aucune nationalité.

La Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie contient des garanties pour prévenir ou réduire les cas d'apatridie. Elle contient vingt-et-un articles dont les articles 1er à 9 prévoient un certain nombre de mesures positives que les États contractants doivent prendre pour, d'une part, accorder leur nationalité dans certains cas et, d'autre part, ne pas la retirer arbitrairement dans d'autres. Les États sont libres de préciser le contenu de leur propre législation, pour autant que les règles élaborées soient conciliables avec les normes internationales en matière de nationalité.

La règle principale figure à l'article ler qui prévoit que tout État contractant doit accorder sa nationalité à l'individu né sur son territoire et qui, autrement, serait apatride. Aux articles 2 et 3, la Convention règle un certain nombre de cas particuliers qui peuvent se produire, comme les enfants trouvés sur le territoire et les naissances à bord d'un navire ou d'un aéronef.

Les articles 5 à 7 de la Convention visent la possibilité de réduire les cas d'apatridie en cas de perte de la nationalité. La perte de la nationalité à la suite d'un changement de l'état civil d'une personne, par effet collectif d'une telle perte par un membre de la famille ou à la suite d'une renonciation à la nationalité ne peut en principe intervenir que si la personne concernée possède ou peut acquérir une autre nationalité.

Aux articles 8 et 9, la Convention règle le retrait de la nationalité par un État. Pareil retrait est en principe interdit s'il conduit à l'apatridie. Toutefois, quelques exceptions sont prévues, comme dans les cas de fraude ou, à condition qu'un État fasse la déclaration appropriée à cet effet lors de la ratification, dans les cas où une personne s'est montrée déloyale envers son pays ou a fait preuve d'un comportement contraire aux intérêts vitaux de son pays.

L'article 10 concerne l'apatridie dans le contexte de la succession d'États et les articles 11 à 21 sont des dispositions générales et techniques.

En décembre 2011, le Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations unies (UNHCR) a célébré à Genève le cinquantième anniversaire de cette Convention de 1961 en présence de nombreux diplomates, universitaires et ONG. L'UNHCR ayant déjà reçu en 1994 le mandat de lutter contre l'apatridie dans son ensemble, il a décidé d'agir auprès des États pour qu'ils adhérent à la Convention. En ce sens, l'UNHCR Bruxelles est intervenu auprès des autorités belges concernées pour promouvoir la Convention de 1961 et a fourni un important soutien technique pour comprendre la Convention. L'UNHCR part du principe que cette Convention est encore le seul instrument universel qui contient des règles détaillées pour apporter une réponse appropriée à la menace que représente l'apatridie. D'après l'UNHCR, l'adhésion à cette Convention implique pour les États qu'ils disposent des moyens nécessaires pour résoudre les questions de nationalité et prévenir l'apatridie. L'UNHCR estime en outre que cette adhésion a aussi du sens pour les États qui ont déjà prévu depuis longtemps des garanties pour prévenir l'apatridie, étant donné qu'elle donne une publicité plus large à ces mesures et qu'elle peut inciter d'autres États à prendre des mesures similaires.

Lors d'une journée d'étude qui s'est tenue à Bruxelles le 6 février 2013, dans les locaux du parlement fédéral, l'UNHCR a présenté son rapport « État des lieux de l'apatridie en Belgique ». Il s'agit d'une vaste étude sociale et juridique consacrée à l'apatridie en Belgique. Elle contient des recommandations pour lutter contre l'apatridie ainsi qu'une analyse approfondie de la Convention de 1961. Il ressort du rapport de l'UNHCR que la législation belge relative à l'apatridie répond en grande partie aux normes internationales existantes concernant la réduction et la prévention des cas d'apatridie. En outre, l'UNHCR constate que, nonobstant ses recommandations sur quelques points, l'adhésion de la Belgique à la Convention ne requiert pas d'adaptation préalable de la législation belge actuelle.

Il convient encore de souligner qu'une réunion regroupant des experts en nationalité s'est tenue les 23 et 24 mai 2011 à Dakar au Sénégal pour interpréter la Convention de 1961, pour laquelle aucun rapport explicatif n'avait été rédigé à l'époque. Madame Bernadette Renauld, référendaire près la Cour constitutionnelle, y a assisté pour la Belgique. Il s'agissait de l'Expert Meeting Interpreting the 1961 Statelessness Convention and Preventing Statelessness among Children », dénommé ci-après les « conclusions de Dakar », qui ont été publiées par l'UNHCR en septembre 2011. Ces conclusions ont ensuite servi à rédiger un document plus vaste de l'UNHCR intitulé « Guidelines on Statelessness No. 4: Ensuring Every Child's Right to Acquire a Nationality through Articles 1-4 of the 1961 Convention on the Reduction of Statelessness ». Il s'agit du document HCR/GS/12/04 du 21 décembre 2012.

III. DISCUSSION

M. Mahoux se réjouit que la Convention soit arrivée enfin au Sénat en dépit du fait que la Belgique a mis un certain temps pour soumettre ce projet de loi à l'assentiment du parlement.

Cette Convention met en évidence l'importance des Assemblées parlementaires du Conseil de l'Europe et de l'Union interparlementaire. Ces deux Assemblées n'ont pas cessé d'être sensibles à la notion d'apatridie.

Cette Convention concerne des personnes dont la nationalité est liée à un droit dérivé. Il existe dans notre droit la possibilité de priver quelqu'un de sa nationalité. Il est toutefois interdit de priver quelqu'un de sa nationalité belge si la conséquence est qu'il et sa famille deviennent apatride. Il convient également de remédier aux conséquences fácheuses du statut d'apatride d'une personne qui se trouve sur le territoire belge et qui remplirait les conditions pour pouvoir acquérir la nationalité belge.

IV. VOTES

Les articles 1er et 2, ainsi que l'ensemble du projet de loi sont adoptés à l'unanimité des 10 membres présents.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, Le président,
Philippe MAHOUX. Karl VANLOUWE.

Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet de loi (voir le doc. Sénat, nº 5-2789/1 — 2013/2014).