5-2740/3

5-2740/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2013-2014

25 MARS 2014


Projet de loi portant des dispositions diverses en matière de santé


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR

M. MAHOUX


I. INTRODUCTION

Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport relève de la procédure bicamérale facultative et a été déposé initialement à la Chambre des représentants par le gouvernement (doc. Chambre, nº 53-3349/001). Il a été adopté par la Chambre des représentants le 13 mars 2014, par 89 voix et 35 abstentions. Il a été transmis au Sénat le 14 mars 2014 et évoqué le 18 mars 2014.

La commission des Affaires sociales l'a examiné au cours de sa réunion du 25 mars 2014, en présence de Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales, explique que le projet de loi porte de nombreuses dispositions diverses en matière de santé.

Ce projet étant le dernier qu'elle présente sous cette législature, il reprend l'ensemble des dernières adaptations techniques des administrations.

Ceci explique son découpage en trois titres:

II. INAMI

III. AFMPS

IV. SPF Santé publique

Elle se limite à une courte présentation des dispositions abordées.

Le titre II comporte onze chapitres.

Le chapitre 1er concerne la loi du 14 juillet 1994 relative à l'assurance maladie et comporte vingt-deux sections.

La section 1re vise à permettre à l'INAMI de collaborer au niveau européen afin d'assurer une perception efficace de ses ressources.

La section 2 permet le financement (pour 15 000 euros) par l'INAMI de la Fondation Roi Baudouin dans le cadre du Fonds maladies rares et médicaments orphelins.

La section 3 vise à introduire les kinésithérapeutes dans les collèges de médecins-conseils.

La section 4 acte le transfert du Conseil d'agrément des logopèdes de l'INAMI vers le SPF Santé publique.

La section 5 permettra à l'avenir aux logopèdes de bénéficier d'un statut social, selon les moyens disponibles.

La section 6 permet à la CAAMI de délivrer des engagements de paiement par MyCarenet pour le compte de l'OSSOM et de la Caisse de secours.

La section 7 permet de lier à l'indice santé le montant d'intervention maximale pour les internés.

La section 8 crée une ligne budgétaire distincte pour les prestations d'anatomopathologie.

La section 9 vise à créer une base légale pour l'établissement de conventions de collaboration entre le Comité de l'assurance de l'INAMI et l'Institut scientifique de Santé publique notamment en matière de registres de données de santé.

La section 10 vise à compenser le budget de l'Intégration sociale pour les frais de santé payés par les CPAS lorsqu'un droit à l'assurance maladie est établi de manière rétroactive. Il s'agit d'une mesure importante pour les CPAS.

La section 11 vise à préciser les habilitations au Roi pour la nomenclature d'imagerie médicale.

La section 12 prévoit l'identification de l'ensemble des appareillages installés dans les services médicaux.

La section 13 acte la suppression du Conseil consultatif de la rééducation fonctionnelle, devenu superflu avec le travail d'autres organes de concertation.

La section 14 harmonise la fixation de l'objectif budgétaire de la rééducation fonctionnelle avec les autres secteurs.

La section 15 actualise les dénominations des pathologies dans le cadre des montants de références et habilite la Cellule Technique à l'analyse du système.

La section 16 permet la prise en considération des médicaments biologiques de référence comme médicaments « bon marchés ».

La section 17 introduit un code-barre unique pour les conditionnements spéciaux (notamment en maisons de repos), facilite la notification d'indisponibilité, et exonère des baisses de prix pour vieux médicaments les médicaments en catégorie F.

La section 18 oblige les dispensateurs de soins à transmettre leur numéro d'entreprise afin de faciliter la mise à jour des données, nécessaire à la facturation électronique.

La section 19 crée la sécurité juridique pour le remboursement des prestations pour les patients repris dans un essai clinique.

La section 20 permet le financement, par le budget des soins de santé, du personnel dans le cadre du Plan Gardes et du numéro unique 1733 (pour 3 millions d'euros).

La section 21 réintroduit le principe d'un ordre de priorité dans l'inscription d'une personne à charge auprès d'une mutualité.

La section 22 permet une transaction entre l'INAMI et certains hôpitaux afin de régulariser des prestations effectuées avec des PET scans non agréés portées en compte par ces hôpitaux.

Le chapitre 2 comporte deux sections.

La section 1re simplifie le modèle de gouvernance en matière d'informatisation des soins de santé.

La section 2 assure la sécurité juridique et la force probante des prescriptions délivrées de manière électronique.

La section unique du chapitre 3 exécute les accords sociaux en organisant les versements aux fonds d'épargne dans le cadre du deuxième pilier de pension.

La section unique du chapitre 4 vise à rectifier une erreur matérielle de renvoi d'article.

Le chapitre 5 abroge des dispositions devenues superflues avec les modifications insérées à la section 12 du chapitre 1er.

Le chapitre 6 clarifie les compétences données à l'INAMI et à l'AFMPS dans le cadre des expérimentations.

Le chapitre 7 instaure un système d'autosuffisance en matière de dérivés plasmatiques afin d'éviter que des problèmes de livraison ne surviennent ou que de fortes augmentations de prix soient appliquées.

Le chapitre 8 fixe les modalités relatives à la récupération par l'assurance maladie des montants indus non récupérés par les organismes assureurs.

Le chapitre 9 est relatif à la décision budgétaire du gouvernement en matière de lutte contre la fraude sociale dans le secteur de l'assurance maladie.

La section 1re met en place une Commission Anti fraude au sein de l'INAMI et prévoit une série de mesures en cas d'indices concordants ou de constations de fraude.

La section 2 du chapitre 9 vise notamment à sanctionner le dispensateur de soins qui continue à attester des prestations remboursables alors qu'il n'est plus autorisé à exercer, de même qu'à permettre à l'INAMI, en lieu et place des organismes assureurs, de se constituer partie civile pour la récupération des sommes dues en cas de fraude.

Le chapitre 10 renforce de manière significative la transparence financière des soins de santé pour le patient.

Dès la mise en œuvre de la facturation électronique, le projet prévoit l'obligation dans le chef des prestataires de soins de délivrer un document justificatif détaillé reprenant l'ensemble des prestations qui sont portées en compte du patient, en distinguant ce qui est à sa charge de ce qui est à charge de l'assurance maladie.

Par ailleurs, les possibilités d'encadrer la pratique d'acomptes et l'information relative aux suppléments demandés par les laboratoires de biologie clinique sont également prévues.

Le chapitre 11 créée la base légale nécessaire à l'évolution organisationnelle du Service d'évaluation et de contrôle médicaux de l'INAMI, prévue dans son contrat de gestion.

Le titre III comporte six chapitres.

Le chapitre 1er concerne la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments et comporte cinq sections.

La section 1re prévoit que les objets et appareils soumis à la loi sur les médicaments fassent l'objet d'un avis du Conseil supérieur de la santé.

La section 2 oblige les firmes pharmaceutiques à informer l'AFMPS de la disponibilité des médicaments qu'elles commercialisent.

La section 3 prévoit l'encadrement de la délivrance par les officines hospitalières de médicaments permettant d'assurer le suivie d'un traitement après un séjour à l'hôpital.

La section 4 permet de soutenir certaines ONG dans leurs programmes d'aide médicale gráce à la définition d'une distribution en gros à but humanitaire.

La section 5 transpose la directive européenne en matière de pharmacovigilance en permettant la suspension de médicaments en procédure d'arbitrage pendante, et en prévoyant que les notices doivent être rédigées et conçues en termes lisibles, claires et compréhensible pour le patient.

Le chapitre 2 prévoit la formation continue pour les pharmaciens ainsi que la délégation au Roi d'encadrer les termes de prescription médicale dans le cadre de soins transfrontaliers.

Le chapitre 3 prévoit plusieurs adaptations procédurales qui améliorent la qualité, l'efficacité et la collaboration entre le comité d'éthique compétent et l'AFMPS.

La section unique du chapitre 4 élargit les compétences de l'AFMPS à la formation continue des pharmaciens en officines ouvertes ainsi qu'en matière de contrôle des comportements de prescription des vétérinaires.

Le chapitre 5 prévoit un assouplissement des conditions de procréation médicalement assistée pour les couples lesbiens, en assimilant le couple à une seule femme.

Le chapitre 6 renforce les exigences pour les gestionnaires de matériel corporel humain tout en insérant une disposition relative au consentement du patient.

Le titre IV comporte sept chapitres.

Le chapitre 1er est relatif à l'exercice des professions de santé et comporte neuf sections.

La section 1re permet aux candidats aux titres professionnels particuliers en art dentaire d'attester eux-mêmes, sans passer par leur maîtres de stage.

La section 2 s'inscrit dans le cadre du Plan Gardes et vise à mieux garantir la qualité et l'accessibilité des soins en articulant mieux la continuité des soins avec la permanence médicale.

La section 3 permet principalement que la kinésithérapie puisse être exercée sur prescription d'un dentiste, de même qu'elle prévoit la délégation au Roi de définir les situations auxquelles il est permis de déroger à la prescription obligatoire.

La section 4 adapte l'accès aux prestations de l'art infirmier pour les sages-femmes, tenant compte de l'évolution de leur formation.

La section 5 vise à mettre à jour, compte tenu de l'évolution des soins, la législation en matière de professions paramédicales.

La section 6 autorise la Commission de planification à disposer de manière permanente du couplage des données relatives aux médecins et aux dentistes.

La section 7 vise à simplifier la composition des commissions médicales afin de tenir compte des législations nouvelles concernant les professions de santé mentale et des pratiques non-conventionnelles.

La section 8 permet la formation des personnes de l'entourage d'un patient pour des actes infirmiers quotidiens afin d'éviter que ces personnes soient poursuivies pour exercice illégale de l'art infirmier.

La section 9 prévoit qu'un avis soit demandé à la commission d'agrément compétente pour les demandes relatives à l'exercice de l'art infirmier ou de l'obstétrique.

Le chapitre 2 prévoit la base légale pour permettre le financement des services d'ambulances.

Le chapitre 3 prévoit la délégation au Roi de la possibilité de demander des rétributions sous forme de droits sanitaires pour des activités d'inspection de bateaux et d'avions notamment.

Le chapitre 4 est relatif à la loi coordonnée sur les hôpitaux et comporte six sections.

La section 1re adapte les modalités de conservation des dossiers médicaux par l'hôpital.

La section 2 précise la place des médecins chefs de services dans les différents organes de gestion de l'hôpital.

La section 3 est en lien avec la section 12 du chapitre 1er du titre Ier et permet l'identification et un registre de l'appareillage médical lourd.

La section 4 vise à l'abrogation de la possibilité, jamais mise en œuvre, de fixer un budget des moyens financiers distinct pour une association d'hôpitaux.

La section 5 vise à adapter la législation belge en matière d'aides d'État suite aux nouvelles recommandations européennes.

La section 6 assouplit les modalités de désignation d'un médiateur pour la résolution de conflits.

Le chapitre 5 restreint les missions de la Commission fédérale sur les droits du patient à sa fonction d'organes d'avis et non de traitement des plaintes.

Le chapitre 6 réinstaure les dispositions interdisant la publicité relative aux actes d'esthétique médicale, en se conformant à l'avis de la Cour constitutionnelle qui avait annulé la loi du 6 juillet 2011.

Le chapitre 8 prévoit notamment de permettre aux contrôleurs de réaliser des inspections inopinées, d'augmenter les amendes administratives pénales dans le cadre d'infractions à la législation alcool et tabac.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

A. Questions et remarques des membres

M. Mahoux fait observer que l'expression « loi fourre-tout » n'est pas très adaptée ici car aucune des avancées concrétisées dans ce texte n'est anodine. Il cite par exemple l'intervention forfaitaire prévue pour couvrir les prestations reprises dans la nomenclature pour les frais de santé payés par les CPAS. Que dire de l'importance pour les généralistes d'assurer la possibilité de garde, et surtout de garde structurée, ceci non simplement pour le confort des médecins mais bien pour permettre aux urgences de continuer à fonctionner correctement. Cela concerne tous les patients, même si c'est de manière variable selon les régions du pays.

Assurer la transparence en ce qui concerne les actes prestés, informer du caractère conventionné ou non du prestataire de soins, identifier les actes bénéficiant d'une intervention de l'INAMI et ceux dont le coût reste à charge du patient, constituent des éléments très importants. C'est une pratique qui existe déjà dans le cadre des hôpitaux; on peut que se féliciter qu'elle soit étendue et devienne une obligation. Cela permet aussi de montrer au citoyen combien la sécurité sociale, particulièrement dans le secteur des soins de santé, est fondamentale et doit être maintenue pour tous quels que soient la condition ou les revenus.

Enfin, le cadastre des professions médicales répond à une attente réelle. Depuis longtemps, le membre s'interroge sur le bien-fondé d'un numerus clausus. Il en a toujours analysé la pertinence avec peu de conviction. Peut-être faut-il aborder le problème selon une approche sectorielle, par rapport à certaines disciplines médicales. Le membre s'étonne d'ailleurs de tout ce qu'on entend ces derniers temps à propos du numerus clausus et il constate que ceux qui l'ont réclamé à cor et à cri se font aujourd'hui les chantres de son allégement.

M. Brotchi rappelle qu'il réclame, depuis longtemps, un cadastre d'activités de chacun des profession médicales et paramédicales. Cela est essentiel si on veut savoir exactement de quelle manière il faut planifier l'offre des soins de santé dans le futur.

Il aimerait pointer les quelques dispositions qui lui satisfont et d'autres qui continuent de l'interpeller. Le sénateur approuve l'octroi, par le biais de l'article 3, d'une intervention annuelle de 15 000 euros à la Fondation Roi Baudouin, afin de financer les missions qui ont été confiées au Fonds maladies rares et médicaments orphelins.

M. Brotchi souligne également l'article 47 qui vise à permettre que les services 1733 soient financés à charge du budget des soins de santé et prévoit donc qu'une enveloppe sera définie annuellement par le Conseil général et allouée au SPF Intérieur pour couvrir tout ou partie du coût du personnel occupé pour ce service à la population.

Concernant l'article 109, on ne perçoit toujours pas la raison de la modification qui autorise le Roi à fixer les conditions et modalités dans lesquelles les pharmaciens hospitaliers délivrent, soit dans le cadre d'un traitement polyclinique, soit dans le cadre de soins médicaux à domicile offerts par l'hôpital concerné, des médicaments pour une administration extra muros. Selon M. Brotchi, cette disposition risque surtout de nuire (par une concurrence déloyale des hôpitaux) aux officines publiques tenues par des indépendants et de permettre aux hôpitaux de faire des bénéfices supplémentaires (par la vente de médicaments généralement plus chers qu'en officine publique). Enfin, le pharmacien hospitalier n'a aucun contact avec le patient et cette disposition nie toute la valeur du conseil pharmaceutique actuellement mise en place.

Par ailleurs, cette matière est déjà traitée par l'arrêté royal du 19 octobre 1978 réglementant les officines et les dépôts de médicaments dans les établissements de soins. En effet, l'article 4 de cet arrêté précise de manière très stricte les exceptions à la règle selon laquelle les officines hospitalières ne peuvent délivrer de médicaments que pour les besoins exclusifs des personnes admises dans l'établissement de soins en vue d'un traitement ou d'un examen et pour autant que les médicaments (matières premières, dispositifs médicaux et dispositifs médicaux implantables actifs) soient entièrement utilisés à ces fins dans l'établissement. Il est notamment spécifié dans ce texte que les médicaments prescrits dans le cadre d'un traitement initié dans un établissement de soins ne puissent l'être, à la sortie du patient de l'hôpital, que pour une durée maximale de trois jours. Il n'y avait donc pas de raison de modifier cette réglementation par une loi.

L'orateur est par contre favorable aux articles 115 et 116 qui visent la formation continue des pharmaciens. Les pharmaciens sont demandeurs de cette formation continue qui contribuera à améliorer les prestations pharmaceutiques. Les instituts de formation permanente telle que la SSPF (Société scientifique des pharmacies francophones) et l'IPSA (Instituut voor permanente studies voor apothekers) qui dispensent des formations post-académiques devront être reconnues à l'instar de Domus Medica ou la Société scientifique de médecine générale (SSMG) pour les médecins. Ces instituts visent l'amélioration de la qualité des soins pharmaceutiques et fournissent une information scientifique validée (notamment la réalisation de recommandations de bonne pratique).

Les articles 141 à 145 visent à mieux garantir la qualité et l'accessibilité en articulant mieux la continuité des soins avec la permanence médicale. M. Brotchi l'a maintes fois revendiqué, ces dispositions sont nécessaires pour permettre d'assurer la continuité des soins pendant la nuit profonde, notamment. En effet, selon l'avis du 29 octobre 2011 de l'ordre des médecins, il ressort clairement de la disposition légale actuelle de l'article 8bis de arrêté royal n° 78 qu'un médecin généraliste agréé ne peut faire appel pour la continuité des soins qu'à un autre médecin généraliste agréé et que, dès lors, la continuité des soins des médecins généralistes au sein de la première ligne ne peut pas être prise en charge par n'importe quel médecin spécialiste de la deuxième ligne hospitalière (par exemple, un urgentiste).

Or, on le sait parmi les médecins actifs dans les services d'urgences des hôpitaux, certains sont détenteurs du titre professionnel de médecin généraliste agréé avec un brevet de médecine aigüe, d'autres sont spécialistes en médecine d'urgence. Ils prennent en charge toute une série de situations médicales qui ne sont pas spécifiquement de leur ressort (conjonctivite, angine, infections virales respiratoires, ...). Ils assurent donc, de facto, déjà la continuité des soins de médecine générale pour toute une population qui s'y rend pour des raisons sociales, financières ou par convenance personnelle.

Pour résoudre la prise en charge de la nuit profonde par les services des urgences, une modification légale devait être prise afin d'assurer continuité des soins durant la nuit profonde via un médecin de la deuxième ligne.

L'orateur soutient également les articles 142 et 143 qui permettent de prendre les dispositions légales adéquates pour l'organisation de la nuit profonde par le biais de la mise en place d'un système d'appel unifié.

Mme Tilmans déclare qu'elle est très déçue en ce qui concerne la collaboration avec le cabinet de la ministre. Elle est très fáchée parce que les dispositions qui portent sur la publicité (articles 177 et suivants) ne correspondent pas à l'accord, intervenu après l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 22 mai 2013, d'apporter quelques modifications à la législation en matière de médicine esthétique. Le 23 octobre 2013, une nouvelle réunion a eu lieu au cabinet de la ministre. À cette occasion, d'autres modifications législatives ont été proposées par la ministre. Mme Tilmans a demandé d'obtenir les textes définitifs mais elle ne les a jamais obtenu, ce qui est dommage.

Maintenant, elle n'a pu consulter le texte définitif qu'en consultant le projet de loi discuté actuellement sur le site web de la Chambre des représentants. Une fois que ce texte sera adopté, une seule loi existera sur les qualifications requises et la publicité tandis qu'au début, il y avait deux textes législatifs différents. C'est très dommage. On a supprimé quelques dispositions et, par exemple, la loi ne sera plus d'application sur les tatouages, les piercings et les techniques d'épilation. On a modifié les définitions. On a supprimé les esthéticiens. Les peines ont été harmonisées avec l'article 38 de l'arrête royal nº 78, de façon à éviter des recours sur ce sujet.

L'accord entre la ministre et Mme Tilmans prévoyait également une représentation dans le Conseil entre les médecins et les chirurgiens, ce qui ne figure plus dans le texte proposé par la ministre. Or, l'accord qui a été conclu, est fondé sur une confiance totale entre toutes les professions concernées, tandis que cet élément clé ne figure plus dans le texte. Mme Tilmans annonce le dépôt d'un amendement sur ce sujet. Si, par contre, la ministre confirme que dans l'arrêté royal qui réglera la composition du Conseil d'esthétique médicale, cette parité entre les médecins et les chirurgiens sera respectée, il n'y a plus de problème et la sénatrice s'engage à retirer cet amendement. Il s'agit ici d'un élément essentiel, sur lequel l'accord a été conclu.

M. du Bus de Warnaffe voudrait évoquer quelques sujets qu'il soutient particulièrement, et d'autres auquels il est aussi très attentif en raison du travail parlementaire effectué, entre autres en matière des médicaments.

En ce qui concerne les médicaments biosimilaires — sujet traité au titre 2, chapitre 1er, section 16, du projet de loi — l'article 36 vise à intégrer dans les prescriptions « bon marché » les médicaments biologiques de référence (c'est-à-dire le médicament qui a servi de référence pour l'autorisation comme « biosimilar » et les médicaments biologiques qui contiennent essentiellement la même substance biologique mais qui n'ont pas eu recours à la procédure d'autorisation « biosimilar » et qui ont fait diminuer leur base de remboursement de 15 % ».

L'orateur tient à rappeler ici la nécessité de soutenir l'émergence des médicaments biosimilaires dans des hôpitaux et l'utilisation effective de leur potentiel d'économies. Lors du symposium « Émergence des médicaments biosimilaires: quelle opportunité pour les patients et l'assurance maladie ? » qui avait été organisé en novembre 2012 au Parlement, il est ressorti clairement que, notamment dans le traitement de maladies graves comme le cancer, plusieurs médicaments biosimilaires qui sont actuellement disponibles en Belgique permettraient de traiter davantage de patients, qui, actuellement, n'entrent pas dans les critères de remboursement. Le Centre fédéral d'expertise avait également formulé des recommandations en vue de stimuler l'utilisation des médicaments biosimilaires dans notre pays.

M. du Bus de Warnaffe voudrait également avoir un aperçu global sur l'application de l'article 47 et suivants la loi-programme (I) du 26 décembre 2013, à propos de l'obligation de déclaration pour la publicité et le sponsoring pour les médicaments commercialisés en Belgique et les dispositifs médicaux distribués en Belgique. Cette disposition a inséré dans la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments, un article 19septies, qui prévoit que le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, la liste des dépenses publicitaires et de sponsoring qui sont déclarées, les modalités de la procédure de déclaration et, après avis de l'AFMPS, le contenu du formulaire de déclaration. Une concertation avec les acteurs concernés a-t-elle eu lieu sur ce sujet ? Cet arrêté royal sera publié quand ?

L'article 129 et suivants du projet de loi discuté actuellement portent sur le matériel corporel humain. Lors des débats à la Chambre, l'un des députés a indiqué que la proposition de loi modifiant la loi du 19 décembre 2008 relative à l'obtention et à l'utilisation de matériel corporel humain destiné à des applications médicales humaines ou à des fins de recherche scientifique, en ce qui concerne la fabrication de médicaments de thérapie innovante allogéniques (doc. Sénat, nº 5-2449/1) de M. du Bus de Warnaffe « reláche les exigences de contrôle public et risque d'engendrer une commercialisation indue dans ce secteur » (doc. Chambre, nº 53-3349/005, p. 31). L'auteur de cette proposition conteste formellement cette interprétation du texte !

L'objectif de la proposition de loi nº 5-2449/1 est d'adapter la loi du 19 décembre 2008 en amenant les thérapies allogéniques au même niveau que les thérapies autologues, c'est-à-dire en autorisant leur fabrication directement après prélèvement de matériel corporel humain par un médecin préleveur, qui assurera également l'indemnisation du donneur telle qu'organisée par la loi. Cela n'a donc pas d'impact négatif en termes de contrôle de la sécurité — question qui est évidemment fondamentale et mérite toute notre attention — ni en termes de risque de commercialisation — contre lequel il faut évidemment lutter.

Aujourd'hui, les producteurs sont totalement dépendants des banques de matériel corporel humain qui sont accréditées auprès des hôpitaux. Celles-ci ne sont pas nombreuses. Elles doivent satisfaire à des normes de qualité pour être agrées. Elles n'ont pas vraiment des incitants nécessaires pour lier des contrats de collaboration avec une société de thérapie, ce qui constitue un problème pour les sociétés, non seulement pour leur approvisionnement en matière première, mais également pour l'importation et l'exportation de produits. La question que se pose M. du Bus de Warnaffe est de savoir pour quelle raison notre pays, comme seul pays en Europe, a-t-il opéré cette distinction entre les thérapies cellulaires autologues et allogènes. La ministre ne pense-t-elle pas qu'il faudrait adapter la loi du 19 décembre 2008 relative à l'obtention et à l'utilisation de matériel corporel humain destiné à des applications médicales humaines ou à des fins de recherche scientifique en amenant les thérapies allogéniques au même niveau que les thérapies autologues ?

L'orateur renvoit au rapport du groupe de travail « Opportunités et défis des thérapies innovantes » de la commission des Affaires sociales du Sénat (doc. Sénat, nº 5-1917/1), dans lequel la problématique de l'exemption hospitalière a été discutée. Notre pays s'est conformé à la directive européenne par le biais d'une loi programme, qui prévoit spécifiquement cette exemption hospitalière, c'est-à-dire l'autorisation de la fabrication de médicaments dont la reconnaissance court-circuite la procédure européenne habituelle. Comment l'équilibre sera-t-il maintenu dans le futur, entre d'une part, les intérêts du secteur pharmaceutique et de la recherche et, d'autre part, les intérêts locaux liés au défis qui se présentent dans les hôpitaux et dans les centres de recherche. Est-ce qu'on a une idée du nombre de pharmacies hospitalières en Belgique qui ont recours à l'exemption et du nombre de médicaments fabriquées dans ce contexte ? Ces produits doivent-ils répondre aux mêmes exigences de qualité, de sécurité et d'efficacité et l'Agence des médicaments surveille-t-elle ces produits, notamment en termes de pharmacovigilance ?

Ensuite, M. du Bus de Warnaffe aborde la problématique du kinésithérapie (titre IV. SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, chapitre 1er. Exercice des professions des soins de santé, section 3. Kinésithérapie). L'article 147 prévoit que le kinésithérapeute peut déroger à la prescription obligatoire lorsqu'il satisfait aux raisons et situations fixées par le Roi. La ministre a déjà été interrogée à la Chambre pour savoir quelles seront ces « raisons et situations » et quand ces arrêté royaux seront prévus. La ministre a répondu que « toutes ces matières seront réglées par un arrêté royal. Il est cependant difficile d'apporter une précision sur l'échéancier d'adoption des mesures d'exécution, dès lors que des avis (Académie royale de médecine, etc.) doivent encore être pris » (doc. Chambre, nº 53-3349/005, p. 38).

L'orateur souhaite revenir sur ce point. Vu les débats au sujet de l'ostéopathie qui ont eu lieu au Parlement, et notamment le fait que dans le projet d'arrêté royal de la ministre, elle envisage de reconnaître l'ostéopathe comme acteur de première ligne, il pense qu'il est vraiment important que le kinésithérapeute puisse également, dans certaines circonstances, être reconnu comme acteur de première ligne. Le sénateur pense notamment à la thérapie manuelle (en vue d'une égalité de traitement entre les ostéopathes et les kinés) mais également à des actes de prévention (notamment les conseils liés à l'adoption de comportements sains).

Son intervention rejoint les demandes du secteur: dans son mémorandum 2014, les membres d'Axxon demandent explicitement d'« adapter l'arrêté royal nº 78 de manière à rendre possibles notamment la kinésithérapie préventive et l'accès direct sous conditions ».

Il est également question de problèmes d'harmonisation entre les communautés flamandes et francophones sur les diplômes.

M. du Bus de Warnaffe renvoie à la résolution relative à la possibilité pour les personnes souffrant d'hémochromatose génétique de faire un don de sang (doc. Sénat, nº 5-2479/3), adopté par le Sénat le 13 mars 2014, suite aux discussions au sein de la commission des Affaires sociales du Sénat. La ministre ne pense-t-elle pas que la situation actuelle sur le terrain est hypocrite puisque le Croix-Rouge est bien consient du fait que pas mal de donneurs de sang souffrent d'hémochromatose mais ferme les yeux en sachant qu'il n'y a pas de danger pour la santé publique ?

Ensuite M. du Bus de Warnaffe renvoie aux articles 48 et 49 du projet de loi, qui portent sur les personnes à charge. Ces articles visent à instaurer de nouvelles règles de priorité dans la détermination de la personne considérée comme ayant la personne à charge. Historiquement, les règles sur les personnes à charge ont été modifiées parce que les indépendants ont eu les mêmes droits que les salariés en matière de soins de santé. Il n'y avait donc plus de raison de privilégier l'un plutôt que l'autre. C'est pourquoi le principe du libre choix a été retenu. Malheureusement, dans la pratique, on a constaté des difficultés, des problèmes de sécurité juridique, ... Le cdH avait d'ailleurs cosigné la proposition de loi modifiant la législation relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, en ce qui concerne les différentes qualités de « personne à charge », déposée à la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 53-1119/001) qui proposait de rétablir des règles de priorité vu les difficultés rencontrées dans la pratique. Le cdH se réjouit donc qu'on tente de résoudre ces problèmes. Le texte prévoit que des règles de priorité doivent être fixées par arrêté royal.

Connait-on déjà les règles de priorité qui seront appliquées par l'arrêté royal ? Va-t-on reprendre les anciennes règles de priorité ? Lors de l'entrée en vigueur risque-t-on d'avoir beaucoup de transferts de dossiers ?

Enfin, le sénateur a pris connaissance du rapport sur les trajets de soins, publié par l'INAMI. La ministre envisage-t-elle d'étendre le concept de trajets de soins à d'autres pathologies et, le cas échéant, lesquelles ?

En outre, M. du Bus de Warnaffe, est d'accord avec les propos de Mme Tilmans sur la représentation équilibrée entre les chirurgiens et les médecins en ce qui concerne la médecine esthétique. Cela lui paraît essentiel dans l'ensemble des concertations menées pendant des années à ce propos.

Au sujet de la proposition de loi modifiant la loi du 19 décembre 2008 en ce qui concerne la fabrication de médicaments de thérapies innovantes allogéniques (doc. Sénat, nº 5-2449/1), M. Mahoux ne partage pas la sérénité de l'auteur du texte concernant la garantie d'éviter toute dérive commerciale. Au contraire, les dispositions actuelles encadrant les possibilités de production et d'approvisionnement lui semblent précisément offrir les garanties nécessaires afin d'éviter ces dérives. Ouvrir davantage la porte à la production comporte des risques. Or, le sénateur rappelle qu'on est ici dans le secteur de la santé et qu'il faut absolument maintenir la garantie d'accessibilité aux soins de santé pour tous.

Par ailleurs, le membre ne comprend pas ce que l'orateur précédent a suggéré en matière de réglementation de la kinésithérapie.

Mme Sleurs constate que l'article 10 du projet de loi a trait à l'Office de sécurité sociale d'Outre-mer, alors que la commission des Affaires sociales du Sénat examine également le projet de loi portant création de l'Office des régimes particuliers de sécurité sociale (doc. Sénat, nº 5-2772/1), qui prévoit précisément la réforme de ce service, lequel sera également renommé.

L'intervenante souhaite de plus amples précisions sur les articles 13 à 15, car l'exposé des motifs du projet de loi déposé par le gouvernement à la Chambre des représentants reste muet à ce sujet.

L'article 55 règle la composition du Comité de concertation des utilisateurs et prévoit une voix consultative pour les six membres qui représentent les entités fédérées. L'intervenante estime toutefois que ces membres devraient avoir voix délibérative et annonce qu'elle déposera un amendement sur ce point.

Les articles 92 à 97 ont été insérés à la Chambre des représentants par voie d'amendement. Mme Sleurs marque son désaccord avec une telle manière de procéder, qui n'a pas laissé aux députés la possibilité d'examiner cette matière.

Les articles 127 et 128 portent sur des modifications de la loi du 6 juillet 2007 relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes. Pourquoi l'arrêté d'exécution relatif à l'enregistrement se fait-il attendre ?

En ce qui concerne l'article 144 du projet de loi, relatif au fonctionnement du système d'appel « 1733 », Mme Sleurs souligne que le respect de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative est une problématique très sensible. C'est pourquoi elle annonce qu'elle déposera un amendement visant à offrir aux Bruxellois néerlandophones toutes les garanties nécessaires quant au fait qu'ils seront aidés dans leur langue maternelle dans un délai raisonnable.

Mme Sleurs aborde ensuite la problématique des relations entre l'INAMI et les mutualités, ainsi que le respect de la Charte de l'assuré social, qui est abordé dans les articles 71 et suivants. Elle n'approuvera pas ces dispositions. Elle estime que la réglementation proposée est contraire à la réglementation existante en matière de responsabilisation financière des mutualités. Selon elle, la responsabilisation implique de récompenser une mutualité qui fonctionne bien et de pénaliser une mutualité qui ne fonctionne pas bien. L'un des paramètres de cette responsabilisation est la politique de recouvrement des mutualités. Si une mutualité procède au recouvrement dans le délai légal, cela donne droit à un bonus de 20 % sur le montant récupéré.

Ce n'est que dans des cas exceptionnels qu'une mutualité peut être exonérée de l'obligation d'inscription à charge des frais d'administration. La procédure d'obtention de l'exonération passe par le fonctionnaire dirigeant du Service du contrôle administratif de l'INAMI, conformément à l'article 327 de l'arrêté royal du 14 juillet 1996. Le principal critère à respecter pour l'obtention de l'exonération est que la mutualité n'ait elle-même commis aucune erreur de paiement.

Les montants concernés ont été payés à la suite d'une erreur commise par la mutualité. Cela rend donc très particulière la modification législative proposée ! Selon Mme Sleurs, une exonération ne peut être envisagée pour les mutualités. En effet, il s'agit de montants qui ont initialement été versés à la suite d'une erreur commise par une mutualité. Un tel système ne mérite pas le nom de responsabilisation !

La réglementation légale très complexe, telle qu'elle est proposée, est particulièrement avantageuse pour les mutualités. Cela est regrettable. Si l'on se base sur un montant de 20 millions indûment versés dans le cadre de l'article 17 de la Charte (c'est le montant avancé par les représentants de l'INAMI en commission des Affaires sociales du Sénat), la prétendue responsabilisation progressive permet en fait aux mutualités de répercuter sur le système 80 % des dommages résultant de leurs propres fautes et erreurs !

Les articles 73 et 74 concernent le message électronique relatif aux indemnités payées indûment. Les deux articles modifient l'article 164quater, alinéa 2, de la loi du 14 juillet 1994. Cette disposition a été insérée par la loi-programme du 29 mars 2012 et devait entrer en vigueur le 1er janvier 2014. L'entrée en vigueur de l'article 164quater est à présent reportée au 1er janvier 2015. Quelle en est la raison ? Pourquoi ne donne-t-on pas une priorité absolue à ce projet ? L'article 164quater est précisément celui par lequel le législateur a rencontré les observations tout à fait pertinentes et essentielles de la Cour des comptes concernant la gestion de l'assurance indemnités obligatoire. L'exécution de ce projet dépendait-elle de l'accord conclu entre l'INAMI et les organismes assureurs en ce qui concerne l'inscription des montants à charge des frais d'administration dans le cadre de l'article 17, alinéa 2, de la Charte ?

Mme Sleurs émet par ailleurs quelques remarques concernant les dispositions relatives à la lutte contre la fraude sociale qui sont abordées dans les articles 77 à 84 du projet de loi à l'examen. Elle ne voit évidemment aucune objection à la lutte contre la fraude sociale, mais les dispositions à l'examen soulèvent tout de même quelques questions. Il n'est pas fixé dans la loi ce qu'il faut entendre par « indices graves, précis et concordants de fraude ». Il revient à la commission proprement dite de délimiter les contours de cette notion.

L'article 153 de la loi du 14 juillet 1994 est modifié par l'article 81. Les constatations factuelles et médicales que les médecins-conseils font durant l'exercice de leurs táches de contrôle ont force probante jusqu'à preuve du contraire.

Mme Sleurs soutient bien entendu toute initiative visant à lutter contre les abus en matière de sécurité sociale et d'assurance maladie obligatoire. Toutefois, n'eût-il pas été plus judicieux, en vue de renforcer la sécurité juridique, de prévoir dans la loi même ce qu'il convient d'entendre par « indices graves, précis et concordants de fraude », plutôt que de confier cette táche à une nouvelle commission anti-fraude ? Pourquoi le Service des indemnités n'est-il pas représenté dans ce nouvel organe ? Il s'agit uniquement d'abus commis par des prestataires ou des établissements de soins dans le régime du tiers payant. Pourquoi ce nouvel organe, la Commission anti fraude, n'est-il pas adjoint au Service du contrôle médical ? La Commission a un rôle consultatif et de coordination. Dans quel sens cela doit-il être compris concrètement ? Un rôle consultatif à l'égard de la politique ou à l'égard des services d'inspection ?

Dans l'exposé des motifs concernant les articles 78 et 79, il est expressément renvoyé à l'article 232 et suivants du Code pénal social. L'exposé des motifs est rédigé comme suit:

« Les paiements dans l'assurance obligatoire soins de santé via le régime tiers payant doivent pouvoir être suspendus temporairement s'il y a des indices graves, précis et concordants de fraude, comme visés aux articles 232 et suivants du Code pénal social. »

Comment ce renvoi au Code pénal social se justifie-t-il ? Dans l'article 232, il n'est tout de même pas question d'indices graves, précis et concordants de fraude ? L'article 232 du Code pénal social parle de délits sociaux concrets. En outre, qu'entend-t-on par article 232 « et suivants » ? Sur quel article porte le renvoi concrètement ?

Mme Sleurs constate qu'une force probante particulière est accordée aux constatations factuelles et médicales des médecins-conseils. Elle se pose un certain nombre de questions à cet égard. Pourquoi la ministre souhaite-t-elle accorder une force probante particulière aux constatations des médecins-conseils ? Pourquoi est-il également nécessaire d'accorder cette force probante particulière aux constatations factuelles et médicales des médecins-conseils ? Cela signifie-t-il dès lors que les services d'inspection, c'est-à-dire le médecin inspecteur, sont liés par la force probante particulière des constatations des médecins-conseils ? Une formation sera-t-elle organisée pour les médecins-conseils ?

Des formalités sont toujours requises pour qu'une valeur probante particulière puisse être accordée à certains documents. Il s'agit généralement de « formalités prescrites sous peine de nullité » ! En cas d'application du Code pénal social, les procès-verbaux doivent être signifiés au contrevenant dans un délai de quatorze jours, tels que ceux qui sont dressés par les inspecteurs de l'INAMI, par exemple. En l'espèce, aucun délai n'est prévu pour les constatations du médecin-conseil. Mme Sleurs estime par conséquent que de graves problèmes se posent concernant le caractère contradictoire d'une constatation des médecins-conseils.

Enfin, l'intervenante considère que le projet de loi contient une erreur, plus précisément dans les articles 66 et 67 où il est question de « force probante ». Par contre, il est question de « valeur probante » à l'article 81 du projet de loi. Cette terminologie juridique différente se justifie-t-elle ?

B. Réponses de la ministre

Mme Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales, confirme le caractère fondamental des dispositions introduites par le projet de loi à l'examen. Elle remercie tous ceux qui ont souligné l'énorme travail réalisé dans les différents secteurs, tels que la protection du patient, la transparence des soins de santé et la lutte contre la fraude.

Quant à la dénomination de l'Office de sécurité sociale d'Outre-mer, la ministre souligne qu'il convient d'employer cette appellation dans le projet de loi à l'examen, puisque le texte qui vise à réformer l'OSSOM n'a pas encore été adopté. D'un point de vue juridique, elle n'a donc d'autre choix.

La ministre rappelle que les membres de son cabinet ont collaboré depuis des mois pour mettre au point une législation en matière de médecine esthétique qui est aujourd'hui l'une des plus performantes au niveau européen et au-delà. Ces collaborateurs ont travaillé sur les textes déposés au Sénat, ils ont été attentifs à soutenir tant les sénateurs que les professionnels de la santé qui s'étaient mobilisés pour élaborer un cadre protégeant à la fois les médecins et les patients. La ministre s'oppose par conséquent fermement à ce qu'on remette en cause leur travail en général.

Du reste, la ministre n'aperçoit pas le problème qui a été évoqué. Au niveau du conseil d'éthique médical, le texte impose clairement une parité entre chirurgiens et médecins non spécialistes. Pour les médecins non chirurgiens, les dispositions nécessaires seront prises par arrêté royal afin de garantir que l'équilibre soit atteint.

La ministre prépare également un arrêté royal sur l'application de l'article 47 et suivants la loi-programme (I) du 26 décembre 2013, à propos de l'obligation de déclaration pour la publicité et le sponsoring pour les médicaments commercialisés en Belgique et les dispositifs médicaux distribués en Belgique.

En ce qui concerne les kinésithérapeutes, la ministre souligne que le texte prévoit désormais la possibilité d'intervenir en première ligne. La ministre était favorable à permettre cette intervention en première ligne aussi pour les ostéopathes pour les actes non remboursés.

Il existe déjà actuellement des exemptions permettant aux pharmacies hospitalières d'être en première ligne. Cependant, elles sont prévues dans les modifications de l'arrêté royal du 19 octobre 1978, qui vont être abrogées. L'objectif était donc de reconstituer une base légale pour pouvoir continuer à travailler avec des exemptions. La ministre précise toutefois que ces exemptions doivent être de stricte application. Il n'est pas question que les pharmacies hospitalières interviennent en quelque sorte comme des grossistes.

Par ailleurs, pour les cas graves, délimités par le projet de loi, le contact avec le pharmacien hospitalier est important en matière de suivi de médication. L'exemple donné le plus souvent a trait à la médication commencée à l'hôpital et qui peut être poursuivie dans le cadre d'une accord avec une pharmacie hospitalière. Ces cas sont très strictement délimités et dans ce cadre, il est évident que les pharmacies ont les mêmes obligations que les pharmacies extra-hospitalières.

Des dispositions assurent une auto-suffisance et un juste prix. Il en a déjà été question pour l'hémochromatose, même si celle-ci n'est pas concernée par les présentes dispositions.

Les questions relatives à l'ordre de priorité pour l'inscription d'un bénéficiaire comme personne à charge seront réglées par arrêté royal sur proposition du groupe de travail « assurabilité ».

Une évaluation des trajets de soins a été réalisée pour le diabète et pour l'insuffisance rénale. Sur cette base, il a été décidé de consolider l'acquis et ne pas aller au-delà pour le moment. Cependant, par ailleurs, la conférence sur les maladies chroniques invitait à travailler de plus en plus dans le cadre d'un réseau ressemblant beaucoup à des trajets de soins. Des discussions avec les professionnels doivent se poursuivre afin de mettre en œuvre les principes qui ont été unanimement acceptés dans le cadre de la conférence sur les maladies chroniques. Ces trajets de soins prendront peut-être une autre forme mais il est clair que les soins seront de plus en plus réorientés afin de permettre une prise en charge en dehors de l'hôpital tout en incluant celui-ci dans le trajet de soins.

Il n'y a pas de nouveau budget pour l'anatomopathologie. C'est seulement une inscription budgétaire particulière au sein du secteur de la biologie clinique. Elle s'élève à 146 492 000 euros.

Des craintes ont été exprimées quant respect de l'emploi des langues à Bruxelles dans le cadre du numéro d'appel centralisé « 1733 ». La ministre se veut rassurante. Les cercles de médecins francophones et néerlandophones collaborent efficacement dans la capitale. Au numéro 1733, une réorientation sera opérée et une personne parlant néerlandais sera dirigée vers un médecin néerlandophone. On notera d'ailleurs que la rémunération des médecins généralistes néerlandophones en période de garde est plus élevée que celle des médecins de garde francophone.

Il a été question des modifications de la loi sur la procréation médicalement assistée. En ce qui concerne le registre, des discussions sont en cours avec le secteur de la médecine reproductive. La ministre espère un accord sur les principes avant la fin de la législature.

La ministre répond ensuite aux questions relatives aux paiements indus, qui ne peuvent être récupérés par les organismes assureurs. Le report de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions légales au 1er janvier 2015 s'explique par l'impossibilité de mettre tout en état sur le plan technique. Cela ne signifie toutefois pas que ce projet n'est pas une priorité pour la ministre.

En ce qui concerne le Comité de concertation des utilisateurs, il est clair, pour la ministre, que les entités fédérées doivent pouvoir exprimer leur point de vue. Elle ne voit cependant pas en quoi les entités fédérées devraient avoir voix délibérative. Il s'agit en effet d'une plateforme de concertation avec les utilisateurs et les dispensateurs de soins, organisée par l'autorité fédérale, et il s'est déjà avéré difficile de lancer cette plateforme. Actuellement, elle fonctionne bien et il sera procédé à une évaluation du fonctionnement du Comité de concertation en temps opportun.

La ministre constate que le groupe N-VA est obsédé par les mutualités. Elle reconnaît qu'elle a une autre vision du rôle des mutualités dans le cadre de la solidarité entre les patients. Le principe fondamental est que, lorsqu'une mutualité a versé des allocations indues, elle doit répercuter celles-ci sur ses frais de fonctionnement, mais cette règle ne s'applique pas lorsque la mutualité n'a pas commis d'erreur. L'article 71 du projet de loi à l'examen étend la responsabilité des mutualités lorsqu'il s'avère qu'elles ont commis une erreur. L'intervenante s'étonne dès lors d'entendre des critiques à cet égard, puisque c'est précisément ce que veut Mme Sleurs. Un arrêté royal visant à étendre cette responsabilité a déjà été approuvé par le Conseil des ministres le 21 février 2014 et a été soumis pour avis au Conseil d'État. La ministre est entièrement d'accord sur le fait que les mutualités, qui perçoivent des moyens financiers importants pour remplir leur fonction sociale, sont aussi responsables de l'affectation de ces moyens.

Quant à la Commission anti fraude, créée dans le cadre des articles 77 et suivants du projet de loi à l'examen, la ministre rappelle qu'elle vise à exécuter la décision du Conseil des ministres qui, lors de la confection du budget 2014, a opté pour la création d'une « task force » regroupant tous les acteurs concernés, en vue de remédier à certaines pratiques frauduleuses dans le domaine médical. Le gouvernement souhaite en effet progresser en matière de lutte contre les abus fiscaux et sociaux, notamment dans les soins de santé. Cette décision du gouvernement a d'ailleurs été considérée comme une agression par certains secteurs concernés. L'amélioration des procédures de contrôle et de lutte contre la fraude de la part des dispensateurs de soins permet de prévoir un montant de 50 millions d'euros au budget 2014.

Les dispositions à l'examen exécutent cette mesure et sont soutenues par tous les acteurs concernés qui ont marqué leur accord au terme d'une concertation approfondie. Elles font partie d'un fragile équilibre. Conformément à l'article 79 du projet de loi à l'examen, s'il existe des indices graves, précis et concordants de fraude dans le chef d'un dispensateur de soins, les paiements par les organismes assureurs dans le cadre du régime du tiers payant peuvent être suspendus, totalement ou partiellement, pour une durée maximale de douze mois. Il faut admettre que cette disposition constitue une nouveauté importante dans la lutte contre la fraude, dans la mesure même où certains s'interrogent sur celle-ci. Le gouvernement a dès lors inséré une disposition en vertu de laquelle le fonctionnaire dirigeant doit respecter le principe de la proportionnalité.

En outre, la Commission anti fraude doit en général élaborer des recommandations sur l'adaptation de la réglementation et les effets des mesures. Il est exact que les constatations factuelles et médicales faites par les médecins-conseils durant l'exercice de leurs táches de contrôle ont force probante jusqu'à preuve du contraire apportée par toute voie de recours. Les termes « force probante » et « valeur probante » ont du reste une signification identique sur le plan juridique. La ministre ne voit donc aucun inconvénient à utiliser cette terminologie.

C. Répliques

Mme Tilmans se réjouit de la promesse de la ministre concernant la composition paritaire de la commission relative à la médecine esthétique.

M. du Bus de Warnaffe espère que la ministre ouvrira la porte à une réflexion approfondie sur la production de médicaments pour la thérapie allogénique avancée. Il a entendu les arguments de M. Mahoux, mais il demande expressément de regarder la réalité bien en face et de s'assurer que l'on ne mettra pas en péril le principe de sécurité en mettant sur un pied d'égalité les thérapies allogéniques et les thérapies autologues. Il est à espérer que le prochain gouvernement pourra prendre les initiatives nécessaires, conformes aux normes européennes.

Mme Sleurs rappelle que, lors d'auditions organisées en commission des Affaires sociales du Sénat, l'INAMI avait marqué son accord sur une responsabilisation complète des mutualités. Son avis sur cette question diffère effectivement de celui de la ministre.

S'agissant de l'utilisation des termes « force probante » et « valeur probante » à l'article 81 du projet à l'examen, elle espère que les réponses de la ministre ne donneront pas lieu à des problèmes d'interprétation juridique. Elle-même n'est en effet pas convaincue que l'utilisation de ces termes différents soit une bonne chose d'un point de vue juridique.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 55

Amendement nº 1

Mmes Sleurs et Stassijns déposent l'amendement nº 1 qui tend à accorder aux entités fédérées un droit de vote au sein du Comité de concertation des utilisateurs.

Mme Sleurs se réfère à la discussion générale du projet de loi et à la justification écrite de l'amendement.

L'amendement nº 1 est rejeté par 8 voix contre 2.

Article 144

Amendement nº 2

Mmes Sleurs et Stassijns déposent l'amendement nº 2 qui tend à rendre le respect de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative expressément applicable au système d'appel « 1733 ».

Mme Sleurs se réfère à la discussion générale du projet de loi et à la justification écrite de l'amendement.

L'amendement nº 2 est rejeté par 8 voix contre 2.

Article 184/1 (nouveau)

Mme Tilmans et M. Brotchi déposent l'amendement n° 3 tendant à insérer un article 184/1 (nouveau), libellé comme suit:

« Art. 184/1. L'article 23 de la loi du 23 mai 2013 réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique est complété par ce qui suit:

« Si d'autres spécialistes de chirurgie ou de médecine peuvent justifier une pratique suffisante de l'esthétique médicale, ils sont également représentés au sein du Conseil, pourvu que la parité entre chirurgiens et médecins soit toujours respectée. » »

Compte tenu des réponses que la ministre a donné, lors de la discussion générale, aux questions de Mme Tilmans, l'amendement nº 3 est retiré.

V. VOTES

L'ensemble du projet de loi portant des dispositions diverses en matière de santé est adopté par 8 voix et 2 abstentions.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, La présidente,
Philippe MAHOUX. Elke SLEURS.

Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre, nº 53-3349/8).