5-2336/2

5-2336/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2013-2014

28 JANVIER 2014


Projet de loi portant assentiment à l'Accord entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le gouvernement de la République française relatif au traitement de combustibles usés belges à La Hague, fait à Paris le 25 avril 2013


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE PAR

M. VERSTREKEN


I. INTRODUCTION

La commission a examiné le projet de loi faisant l'objet du présent rapport au cours de sa réunion du 28 janvier 2014.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU REPRÉSENTANT DU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET DES AFFAIRES EUROPÉENNES

L'article 1er de l'Accord confirme les principes de la législation française, à savoir que l'introduction sur le territoire français de combustibles usés belges pour traitement par Areva ne peut pas donner lieu au stockage définitif en France de déchets radioactifs issus du traitement des combustibles usés belges.

L'introduction en France de combustibles usés belges est autorisée sous réserve de l'application des articles mentionnés ci-dessous de l'Accord et de l'obtention des autorisations nécessaires à leur traitement dans le cadre de la réglementation de sûreté nucléaire.

L'article 2 prévoit la réception des combustibles usés belges du réacteur de recherche BR2 dans l'usine de retraitement française à La Hague jusqu'au 31 décembre 2025.

L'article 3 prévoit que le traitement des combustibles usés belges aura lieu dans une période de six ans après leur livraison à l'usine de La Hague, sous réserve des dispositions ci-dessous. Ce délai donne suffisamment de souplesse aux exploitants des installations de La Hague pour pouvoir organiser leur travail.

L'article 4 stipule que les déchets radioactifs issus du traitement des combustibles usés belges seront retournés en Belgique. Ce retour doit avoir eu lieu au plus tard le 31 décembre 2030. Vu le petit volume de déchets radioactifs, on prévoit de n'organiser que deux transports pour leur retour, un pour les déchets vitrifiés et un pour les déchets compactés. De cette manière, le transport de retour peut être réalisé le plus économiquement possible et le nombre de transports peut être limité au strict minimum, ce qui profite à la sûreté.

L'article 5 invite les parties à prendre les dispositions nécessaires et relevant de leur compétence pour permettre la bonne exécution de l'Accord. En particulier, on demande au gouvernement belge de respecter les délais pour le retour des déchets radioactifs qui sont produits lors du retraitement du combustible usé du réacteur BR2.

L'article 6 stipule que les transports des déchets radioactifs doivent être effectués en conformité avec les réglementations en vigueur.

Conformément à l'article 7, l'uranium et le plutonium qui sont récupérés lors du retraitement du combustible usé du réacteur BR2 seront uniquement utilisés dans des réacteurs civils. Le contrat entre le SCK-CEN et Areva (Cogéma) satisfait à cette condition.

L'article 8 règle la solution de différends éventuels.

L'article 9 fixe la durée de l'Accord (jusqu'à la date du dernier retour des déchets radioactifs issu du retraitement du combustible usé du réacteur BR2).

III. DISCUSSION

M. Hellings signale que l'Accord concerne le retraitement des déchets nucléaires pour le réacteur de recherche et d'expérimentation. Les arguments qu'on peut avancer contre le système de retraitement sont les mêmes, peu importe qu'il s'agisse d'un réacteur de recherche ou d'un réacteur de puissance. Pour le réacteur BR2, les autorités fédérales font le choix d'une évacuation vers la France ou d'un retraitement.

Dans l'exposé des motifs, il est indiqué qu'il a été procédé à une comparaison des différentes filières pour le retraitement. La filière française a été retenue mais on ne précise pas le montant du contrat en question qui lie Areva et le SCK-CEN.

Malgré le fait qu'entre 1974 et 1990, 70 % de la recherche publique en Belgique ait été consacrée au nucléaire, la Belgique et le CEN en particulier ne sont pas capables de retraiter les déchets en propre. L'alternative au retraitement est le stockage, mais cela risque de poser un problème de sûreté.

Le principe du retraitement est, en outre, source de prolifération puisqu'on transforme un combustible en un autre. Un combustible qui, au départ, servait uniquement à un réacteur d'essai, va pouvoir être utilisé par Areva dans des centrales.

Le risque de prolifération est évidemment lié à l'aspect de sûreté. Le problème du transport dangereux se pose également. Lors du transport de 520 km entre Mol, siège d'exploitation du Centre d'étude de l'énergie nucléaire SCK-CEN, et les installations Areva à La Hague, des attentats terroristes ou des vols ne sont pas à exclure.

Le système de retraitement permet certes un recyclage des combustibles nucléaires mais l'opération consomme d'énormes quantités d'eau et provoque une pollution de l'air.

L'Accord est très déséquilibré entre la France et la Belgique. La nouvelle législation française de 2006 prévoit non seulement l'obligation de conclure un accord entre entreprises, mais aussi entre États. La France gardera une partie des combustibles réutilisables pour les réutiliser dans ses centrales. La Belgique récupérera une partie des déchets et demeure responsable pour le reste du transport.

Cette technique de retraitement n'est pas durable puisque les déchets radioactifs sont certes moins actifs, mais sont présents en plus grandes quantités. Les moyens consacrés au retraitement et au transport vers La Hague pourraient être investis dans des recherches en Belgique en matière de stockage.

Depuis 1993, il y a un moratoire pour les déchets nucléaires issus des réacteurs civils de Tihange et de Doel. Cet accord ne concerne qu'une quantité réduite de déchets relatifs à un réacteur de recherche, et l'Accord ne pourra pas servir comme précédent dans le futur pour le retraitement des déchets radioactifs, issus des réacteurs de Doel et de Tihange et nettement plus nombreux. C'est pourquoi l'intervenant votera contre ce projet de loi.

Le représentant du secrétaire d'État à l'Énergie répond qu'une partie du combustible a déjà été transférée à La Hague, ce qui a coûté pas moins de 18 500 000 euros. Le coût du traitement à La Hague du combustible qui sera encore produit dans le futur est estimé à 39 millions d'euros. Tous ces moyens ne sont pas destinés exclusivement à la France. Une partie des dépenses seront exposées en Belgique, notamment pour la préparation du combustible, le chargement dans les conteneurs de transport et la gestion des déchets radioactifs de retour en Belgique.

Une analyse des solutions envisageables a été effectuée. L'une des pistes était le transfert aux États-Unis, mais elle n'a pas été retenue parce qu'elle ne pouvait perdurer, au départ au-delà de 2006, et finalement au-delà de 2016, alors que le réacteur BR2 restera en activité jusqu'en 2026. La Belgique souhaitait trouver une solution structurelle pour la totalité du combustible BR2.

La gestion du combustible irradié peut se faire de différentes manières. Pour le combustible des réacteurs nucléaires de Doel et Tihange, les deux possibilités sont le retraitement ou le stockage géologique direct. Ces deux possibilités doivent être traitées et examinées sur un même pied. Pour le retraitement il s'agit du stockage des déchets générés et du stockage géologique direct: l'étude du conditionnement et du placement ultérieur du combustible irradié dans l'argile. En raison de décisions gouvernementales antérieures, le retraitement proprement dit en Belgique n'est plus possible. En cas de stockage géologique direct, les éléments de combustible irradiés sont placés intacts dans un conteneur qui est ensuite enfoui dans l'argile. Cette option n'est toutefois pas envisageable pour le combustible du réacteur BR2 parce qu'il s'agit d'uranium hautement enrichi. Si l'on décidait d'entreposer ce combustible dans l'argile sans le modifier, on courrait le risque qu'il entre en contact avec de l'eau, ce qui pourrait entraîner des problèmes de criticalité.

Le combustible irradié du réacteur BR2 doit être dilué pour pouvoir être enfoui dans l'argile en toute sécurité. Cela n'est possible qu'en dissolvant le combustible (en procédant de la même manière que pour les premières étapes du retraitement) et en mélangeant la solution obtenue.

S'agissant du risque de prolifération encouru lors du retraitement, dans le cas du combustible BR2, c'est exactement le contraire. Lors du retraitement, l'uranium hautement enrichi sera dilué et transformé en uranium faiblement enrichi, d'où un risque de prolifération diminué plutôt qu'augmenté. Il y a déjà eu des centaines de transports de combustible irradié sous haute sécurité, sans le moindre incident.

Concernant l'argument selon lequel l'accord serait déséquilibré parce que notre pays devrait reprendre les déchets nucléaires et que la France conserverait l'uranium et le plutonium, ce sont les conditions inhérentes à l'accord et il convient par ailleurs de souligner que la quantité de plutonium générée sera très limitée. En outre, le prix payé à l'entreprise française Areva tient compte de la valeur des matières fissiles présentes dans le combustible irradié du réacteur BR2.

IV. VOTES

L'article 1er est adopté par 9 voix contre 1.

L'article 2 et l'ensemble du projet de loi sont adoptés par 7 voix contre 1 et 2 abstentions.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, Le président,
Johan VERSTREKEN. Karl VANLOUWE.

Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet de loi (voir le doc. Sénat, nº 5-2336/1 — 2013/2014).