5-1831/2

5-1831/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2013-2014

5 FÉVRIER 2014


Proposition de loi modifiant l'article 8 de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en vue de faciliter l'échange international de données ADN


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

M. SWENNEN


I. INTRODUCTION

La proposition de loi qui fait l'objet du présent rapport relève de la procédure bicamérale facultative. Elle a été déposée au Sénat le 7 novembre 2012 par M. Deprez et consorts.

Elle a été prise en considération et envoyée à la commission de la Justice le 8 novembre 2012.

La commission était également saisie des propositions de loi suivantes en ce qui concerne l'ADN:

— proposition de loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, en vue de créer une banque de données ADN « Inculpés et suspects » (doc. Sénat, nº 5-1576/1);

— projet de loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, en vue de créer une banque de données ADN « Personnes disparues » (doc. Sénat, nº 5-1633/1);

— proposition de loi modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale, en vue de créer une banque de données ADN « Intervenants » en matière pénale (doc. Sénat, nº 5-1634/1);

— proposition de loi étendant le système du prélèvement obligatoire de l'ADN chez certains groupes de condamnés (doc. Sénat, nº 5-844/1).

Ces propositions et ce projet de loi ont été examinés conjointement au cours des réunions des 17 juillet, 6 et 13 novembre, 5 décembre 2012, 30 avril et 28 mai 2013, en présence de la ministre de la Justice.

Le 3 juillet 2013, la commission a décidé de dissocier la proposition de loi nº 5-1633.

Pour l'examen de la présente proposition, il faut donc également renvoyer au rapport fait au nom de la commission de la Justice (doc. Sénat, nº 5-1633/4) par M. Swennen.

La commission a réinscrit la présente proposition de loi à l'ordre du jour des réunions du 6 novembre 2013 et du 5 février 2014.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. DEPREZ

Les banques nationales de données ADN contiennent des profils ADN tant identifiés que non identifiés.

Dans le cadre de l'échange international de profils ADN, la plupart des pays envoient, conformément au Traité de Prüm du 27 mai 2005, aux pays partenaires leurs profils non identifiés, ainsi que leurs profils identifiés. En Belgique, l'article 8, § 2, alinéa 2, de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale dispose ce qui suit: « Aux fins d'enquête en matière d'infractions pénales, le gestionnaire des banques nationales de données ADN ou son délégué peut transmettre les profils ADN non identifiés aux points de contact étrangers aux fins de comparaison avec les données indexées ADN enregistrées dans les banques étrangères de données ADN. La transmission et la comparaison se font de manière automatisée. » En refusant de transmettre ses profils ADN identifiés, la Belgique fait donc exception à la règle. Cette exception pose des problèmes pratiques importants qui risquent de freiner voire d'empêcher la réalisation optimale de cet échange.

Pour le reste, M. Deprez renvoie aux développements de la proposition de loi.

Il souligne que la portée de la présente proposition de loi est purement technique et qu'on peut escompter un consensus général. La présente proposition de loi entend appliquer en Belgique ce qui existe déjà dans tous les autres pays européens.

III. DISCUSSION

La commission a décidé d'organiser des auditions concernant les propositions de lois relatives à l'ADN. Pour le contenu des auditions et des échanges de vues subséquents, on peut se référer au rapport susmentionné (doc. Sénat, nº 5-1633/4).

En outre, M. Deprez a, le 6 mai 2013, demandé l'avis de la Commission de la protection de la vie privée. Cet avis a été communiqué à la commission et est rédigé comme suit:

« À la suite de votre demande d'information du 6 mai dernier concernant la proposition de loi relative à la procédure d'identification par analyse ADN en vue de faciliter l'échange international de données ADN au regard de la vie privée, je vous adresse ci-dessous l'analyse du secrétariat de la Commission qui vous est communiquée sur la base des informations à sa disposition.

Cette proposition de loi a pour unique objet de supprimer les mots « non identifiés » de l'article 8, § 2, alinéa 2, de la loi du 22 mars 1999 relative à la procédure d'identification par analyse ADN en matière pénale. Cette suppression aurait pour conséquence que le gestionnaire des banques nationales de données ADN (la banque de données « Criminalistique » et la banque des données « Condamnés ») pourra transmettre tous les profils ADN, c'est-à-dire les profils de personnes identifiées et ceux de personnes non (encore) identifiées, aux point de contact étrangers aux fins de comparaisons de profils ADN.

Cet article a été inséré par la loi du 7 novembre 2011 qui a, entre autres, pour vocation de mettre la législation belge en conformité avec le traité de Prüm du 27 mai 2005, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale. Ce traité, qui a été intégré dans le cadre juridique de l'Union européenne par la décision 2008/615/JAI du Conseil du 23 juin 2008, prévoit notamment l'échange de données ADN entre les pays signataires. La Belgique devait donc rendre possible la comparaison automatique des profils ADN de ses banques de données avec des points de contact étrangers.

Ainsi, l'article 4, § 1er, de la décision 2008/615/JAI du Conseil prévoit que les États membres comparent d'un commun accord, et de manière automatisée, les profils ADN non identifiés avec tous les profils ADN provenant des données indexées des autres fichiers nationaux d'analyses ADN.

À la lecture de la proposition de loi du 7 novembre 2012, il apparaît qu'en refusant de transmettre ses profils ADN identifiés aux autres pays, la Belgique fait exception. Cette exception entraîne des problèmes pratiques risquant de freiner, voire d'empêcher, la réalisation optimale des échanges internationaux de profils ADN.

Je remarque que seuls les profils ADN non identifiés, et identifiés si la proposition de loi venait à être adoptée, sont envoyés aux fin de comparaison à l'exclusion d'autres données ADN. Ce n'est qu'en cas de validation d'un lien positif que le gestionnaire des banques nationales de données ADN, ou son délégué, communique d'autres informations au point de contact étranger (référence du profil ADN, nom et coordonnées du parquet compétent, référence du dossier à l'INCC, le numéro de code ADN). Il n'est dès lors toujours pas possible, à ce stade, pour le contact étranger d'identifier directement la personne correspondant au profil ADN. C'est d'ailleurs ce qu'expliquent les travaux préparatoires de la loi du 7 novembre 2012 en prévoyant que « les profils ADN de référence échangés de façon automatisée ne peuvent contenir aucun paramètre permettant l'identification directe de la personne concernée (...). Le principe de comparaison de données en provenance de fichiers nationaux ADN et l'expression du résultat d'une comparaison sont fondés sur un système « hit — no hit » (concordance — non concordance) dans le cadre duquel des données à caractère personnel supplémentaires ne sont échangées par le biais des procédures d'entraide judiciaire que s'il y a eu concordance, leur transmission et leur réception étant régies par la législation nationale. Ce mécanisme garantit une structure adéquate de protection des données, étant entendu que la transmission de données à caractère personnel à un autre État membre exige un niveau suffisant de protection des données de la part de l'État membre destinataire. »

De surcroît, le § 5 de cet article 8 de la loi du 22 mars 1999 instaure des mesures protectrices envers ce traitement de données judiciaires en prévoyant que « sans préjudice de l'application de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, le gestionnaire des banques nationales de données veille au respect des prescriptions relatives à la protection et à l'effacement des données échangées avec les points de contact étrangers telles que prévues dans la présente loi, et transmet chaque année un rapport à ce sujet à la Commission de la protection de la vie privée ».

Eu égard au fait que les données transmises aux contacts étrangers ne contiennent aucun paramètre permettant l'identification directe des personnes concernées par les profils ADN d'une part et aux autres mesures protectrices encadrant le traitement d'autre part, je considère qu'il est adéquat, pertinent et non excessif, au regard de la finalité poursuivie, de transmettre de manière automatisée aux points de contact étranger, les profils ADN des personnes identifiées.

Je me permets d'attirer votre attention sur le fait qu'étant donné que la transmission s'effectue de manière automatisée, l'article 36bis de la loi vie privée est d'application. Cet article subordonne toute communication électronique de données personnelles à l'obtention d'une autorisation de communication par le Comité sectoriel pour l'autorité fédérale, institué au sein de la Commission vie privée.

(s) Willem Debeuckelaere, président »

À la demande de la commission de la Justice, la Commission de la protection de la vie privée a de nouveau émis le 17 juillet 2013, un avis favorable concernant la proposition de loi qui lui a été soumise. La CPVP demande néanmoins d'être attentif aux points suivants :

« La Commission estime que la proposition de loi concerne essentiellement une question technico-organisationnelle; on ne donne en effet pas un accès plus grand à nos profils ADN. La Commission juge toutefois que la compétence de contrôle du préposé à la protection des données doit être explicitement étendue à l'échange international et qu'un rapport à cet égard doit être émis à la Commission. En outre, la Commission insiste à nouveau pour qu'un préposé à la protection des données soit désigné.

La Commission rappelle qu'une autorisation du Comité sectoriel pour l'autorité fédérale est requise pour la communication électronique de données à caractère personnel. »

L'avis intégral peut être consulté sur le site internet de la Commission de la protection de la vie privée (www.privacycommission.be).

Pour le reste, la proposition de loi à l'examen ne donne lieu à aucune autre observation.

IV. VOTES

Les articles 1er et 2 sont adoptés à l'unanimité des 11 membres présents.

L'ensemble de la proposition de loi a été adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, Le président,
Guy SWENNEN. Alain COURTOIS.