5-268COM

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Commissie voor de Justitie

Handelingen

WOENSDAG 8 JANUARI 2014 - OCHTENDVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer Hassan Bousetta aan de minister van Justitie over «de verklaringen van de procureur-generaal bij het hof van beroep van Antwerpen» (nr. 5-4312)

M. Hassan Bousetta (PS). - Voici quelques semaines, la presse a relaté les propos tenus par le procureur général près la cour d'appel d'Anvers. Il aurait déclaré : « Ce serait une bonne idée de collecter le matériel ADN de tous les nouveau-nés et de tous les nouveaux arrivants dans ce pays. Ce serait un grand pas en avant pour aider à résoudre les crimes et délits. Évidemment, il faudrait des critères légaux stricts définissant l'utilisation autorisée des données collectées ». Le procureur général aurait également préconisé une augmentation des caméras de surveillance « pour garder un oeil sur ce qui se passe dans la rue » en précisant que, à son estime, notre loi sur la protection de la vie privée irait trop loin.

Ces considérations, outre qu'elles semblent être d'un autre temps, ne manquent pas de surprendre dans un contexte de révélations inquiétantes quant à la protection des données et aux méthodes de surveillance d'États étrangers, ce qui pose problème au regard de la protection de la vie privée des citoyens. Je vous avais déjà posé une question orale à ce sujet, madame la ministre.

À cet égard, la Commission de la protection de la vie privée souligne que « étant donné que la mauvaise utilisation de nos données à caractère personnel peut avoir une influence énorme sur notre vie, la loi vie privée en règle les aspects et impose des prescriptions supplémentaires ». De ce point de vue, la loi sur la protection de la vie privée n'irait pas assez loin, contrairement à ce qu'affirme le procureur général.

Il paraît important de connaître la position du gouvernement au regard de ces propos et singulièrement d'entendre votre réaction, madame la ministre. Votre site rappelle le principe général que « la protection de votre vie privée est de la plus haute importance pour l'administration fédérale ». Il me paraît rassurant que vous relayiez cette affirmation. Pourriez-vous nous indiquer votre position vis-à-vis des propos du procureur général près la cour d'appel d'Anvers, tels qu'ils ont été rapportés par la presse ?

Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Tout d'abord, je voudrais souligner qu'en tant que ministre de la Justice, je suis très favorable au fait que les magistrats communiquent publiquement. Que je sois ou non d'accord avec eux n'y change rien.

Avant d'entrer plus en détail sur ce que je pense de l'idée de prélever du matériel ADN chez les nouveau-nés, je voudrais rappeler que la nouvelle loi ADN, approuvée en 2011 par le parlement, est entrée en vigueur au début de cette année. De ce fait, en plus de l'ADN de condamnés pour infractions physiques telles que le viol ou le meurtre, nous pourrons également prélever l'ADN de condamnés à d'autres types d'infractions comme l'effraction, le terrorisme, le trafic et la traite des êtres humains, etc. Nous pourrons prélever immédiatement des échantillons ADN d'inculpés. Les analyses ADN seront prêtes dans le délai d'un mois au lieu de trois. Les échantillons ADN de condamnés ou d'inculpés et les traces seront comparés automatiquement entre eux et avec des banques de données étrangères.

En ce qui concerne à présent la proposition de M. Liégeois, sa faisabilité doit évidemment être mesurée à l'aune du contexte juridique actuel, et ce, tant en droit belge qu'en droit européen.

Je constate que sur ce thème, une jurisprudence contraignante claire a déjà été développée par la Cour européenne des droits de l'homme. Je renvoie à cet égard à l'arrêt Marper du 4 décembre 2008, dans lequel la Cour européenne des droits de l'homme a condamné le Royaume-Uni parce que les profils génétiques d'inculpés étaient conservés sans limite dans le temps, bien que ceux-ci aient bénéficié d'un non-lieu ou aient été acquittés. Dans son arrêt, la Cour indique notamment que « la conservation des données doit être proportionnée au but pour lequel elles ont été recueillies et être limitée dans le temps ». La Cour estime en outre que « la conservation de données relatives à des personnes non condamnées peut être particulièrement préjudiciable dans le cas de mineurs [...] en raison de leur situation spéciale et de l'importance que revêt leur développement et leur intégration dans la société ».

Dans le même arrêt, la Cour affirme que « le caractère général et indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes digitales, échantillons biologiques et profils ADN des personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions mais non condamnées s'analyse en une atteinte disproportionnée au droit des requérants au respect de leur vie privée et ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique. »

L'argumentation ci-dessus se rapporte à la condamnation du Royaume-Uni parce que celui-ci n'effaçait pas les données des inculpés, la Cour ayant estimé à l'unanimité que le Royaume-Uni avait violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Cette jurisprudence est claire. Cela signifie que si la Belgique appliquait la proposition de M. Liégeois, elle serait condamnée pour enregistrement et conservation sans limite dans le temps de profils génétiques de citoyens, alors que ceux-ci n'ont jamais été inculpés dans une affaire judiciaire.

M. le président. - Je pense d'ailleurs que nous avions eu le même débat lors de l'adoption de la loi ADN.

M. Hassan Bousetta (PS). - Ma réplique sera brève. J'apprécie que la ministre retrace le cadre législatif et la jurisprudence européenne en matière d'ADN, et salue son respect du parlementaire que je suis. Cependant, une réponse simple et courte aurait suffi : la collecte de l'ADN de tous les nouveau-nés est tout simplement inacceptable !

Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Rappeler le contexte juridique peut aussi être utile.