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M. Hassan Bousetta (PS). - De nombreuses institutions et l'Union Européenne en particulier reconnaissent, s'agissant du Maroc, que « le niveau de liberté des médias ainsi que des organisations de la société civile est élevé en comparaison avec les autres pays de la région ». À ce niveau de généralité, il est aisé de trouver un large consensus.
Toutefois, la récente mise en détention d'un journaliste a interpellé et inquiété tous les observateurs de la scène marocaine. Le journaliste Ali Anouzla a été arrêté au Maroc le 17 septembre 2013 pour la publication d'un lien internet renvoyant vers une vidéo d'Al-Qaida au Maghreb Islamique. Les charges retenues contre ce journaliste seraient notamment, « l'apologie du terrorisme » et « l'incitation au terrorisme ».
De sa prison - il est désormais libéré -, il a lancé un message dans lequel il clamait son innocence et réfutait toutes les accusations, réclamant un procès équitable, conformément non pas aux lois anti-terrorisme, mais au Code de la presse. Dans le même communiqué, il ajoutait qu'en tant que journaliste, sa volonté était de « défendre un certain nombre de valeurs chères à son pays, dont la liberté ».
Au nom des droits de l'homme et de la liberté de la presse, et vu les relations étroites qui existent entre la Belgique et le Maroc, notamment à travers la population belge d'origine marocaine, pouvez-vous vous engager, monsieur le vice-premier ministre, à exprimer auprès des autorités marocaines la préoccupation de la Belgique concernant cette affaire - les charges restent maintenues à l'encontre de ce journaliste - et à formuler auprès de son homologue marocain le voeu que les poursuites s'éteignent.
Pourriez-vous aussi nous dire si vous entendez porter ce dossier devant les instances de coopération bilatérales idoines, notamment au niveau européen, et solliciter le soutien des institutions européennes ? En effet, au-delà du cas d'Ali Anouzla, d'autres enjeux se profilent en matière de liberté de la presse.
M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes. - Mes services suivent avec attention les développements relatifs au cas que vous mentionnez. L'arrestation de M. Ali Anouzla, le 17 septembre dernier, a été condamnée par de nombreuses organisations marocaines et internationales de défense des droits de l'homme. Bien que M. Anouzla ait entre-temps été libéré, le 25 octobre dernier, il reste inculpé pour « aide matérielle, apologie et incitation au terrorisme ».
Ce dossier est également suivi de près par l'Union européenne. La délégation de l'Union européenne à Rabat et les ambassades de plusieurs États membres de l'Union ont eu plus d'un contact avec les autorités marocaines au sujet du cas Anouzla.
D'une manière plus générale, les questions relatives aux droits de l'homme sont régulièrement abordées avec les autorités marocaines sur le plan bilatéral ainsi que dans les forums multilatéraux. Bien que la liberté de presse soit garantie par les articles 25 et 28 de la nouvelle Constitution, les atteintes à ce droit seraient en augmentation au Maroc, selon un rapport publié par Reporters sans frontières, en octobre 2012.
Même s'il n'est pas correct de parler d'un climat général d'intimidation, certains sujets, comme le terrorisme, restent particulièrement sensibles au Maroc. Cette sensibilité peut conduire à des tensions entre le respect de la liberté de la presse, d'une part, et ce qui est considéré par les autorités marocaines comme la défense de l'intérêt général, d'autre part. Il est à noter qu'un nouveau Code de la presse qui supprime les peines de prison pour les délits de presse est en cours d'élaboration.
La Belgique, à l'instar de l'Union européenne, soutient le Maroc dans ses efforts d'approfondissement et de consolidation de la démocratie et ce, entre autres, à travers un dialogue ouvert et constructif, notamment sur les questions liées aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.
J'ai souvent l'occasion de dire que le printemps arabe se déroule différemment selon les États. Il n'existe pas deux situations identiques. Au Maroc, la transition peut paraître lente. Toutefois, nous la soutenons, mais nous tenons aussi à dénoncer les dérives quand elles se produisent. Nous suivons ce cas attentivement, y compris en collaboration avec les instances européennes.
M. Hassan Bousetta (PS). - Monsieur le vice-premier ministre, je vous remercie pour cette réponse qui répond à mes attentes.
Je rappelle que les charges contre M. Anouzla ne sont pas éteintes et qu'il est toujours poursuivi par les autorités judiciaires marocaines. Il conviendra de rester attentifs et j'apprécie que vous vous y soyez engagé.
Notre pays a développé avec le Maroc des relations d'amitié, mais celles-ci imposent que nous ayons un dialogue sincère et très franc, notamment sur ces questions qui font mal.
En ce qui concerne la liberté de la presse, la problématique que pose le cas Anouzla, à savoir l'incarcération d'un journaliste, ne s'était plus présentée depuis longtemps au Maroc. Cependant, il faut également se montrer vigilants aux autres formes de pression exercées sur le monde des médias - je pense aux pressions économiques imposées à certaines publications.
(De vergadering wordt gesloten om 17.55 uur.)