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11 DÉCEMBRE 2013
I. INTRODUCTION
Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport relève de la procédure bicamérale facultative et a été déposé initialement à la Chambre des représentants par le gouvernement (doc. Chambre, nº 53-3088/1).
Il a été adopté le 5 décembre 2013 par la Chambre des représentants, par 85 voix contre 27 et 21 abstentions.
Il a été transmis au Sénat le 6 décembre 2013, qui l'a évoqué le même jour.
La commission a examiné le projet de loi au cours de sa réunion du 11 décembre 2013.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE MME LARUELLE, MINISTRE DES CLASSES MOYENNES, DES PME, DES INDÉPENDANTS ET DE L'AGRICULTURE
Les dispositions à l'examen prévoient une série de mesures qui visent à rendre la relation contractuelle entre les banques et les PME plus équilibrée. L'intervenante souligne que le projet concerne les crédits professionnels destinés aux petites et moyennes entreprises, c'est-à-dire aux entreprises qui comptent moins de cinquante équivalents temps plein.
Faute de règles, la relation entre les banques et les PME est totalement déséquilibrée. Un nouveau cadre légal et un code de conduite remédieront sous peu à ce déséquilibre. Le renforcement de la transparence, la communication d'informations sur mesure et l'instauration d'un funding loss (indemnité de remploi) limité permettront de restaurer la confiance entre la banque et l'entrepreneur et favoriseront la relance économique. Il est capital de faciliter l'accès des PME aux crédits. Les mesures proposées visent à renforcer la position de ces entreprises et à faire en sorte qu'elles puissent bénéficier de crédits sur mesure et dans leur intérêt.
Le projet à l'examen comporte les mesures concrètes suivantes:
1. Devoir d'information:
— désormais, les banques auront l'obligation de fournir à l'entreprise sollicitant un crédit des renseignements compréhensibles sur les formes de crédits existantes pour les PME et ce, préalablement à toute signature;
— le prêteur sera tenu aussi de proposer à l'entrepreneur le type de crédit qui est le mieux adapté à ses besoins;
— l'entreprise aura le droit de se faire remettre, gratuitement et sur simple demande, un exemplaire du projet de la convention de crédit;
— le prêteur devra aussi remettre à l'entrepreneur un document d'information succinct qui présente ses droits et obligations dans les grandes lignes (taux d'intérêt, remboursement, conséquences en cas de rupture/défaillance).
2. En cas de refus d'octroi d'un crédit: les banques doivent informer l'entreprise des éléments essentiels sur lesquels ce refus est basé ou qui ont influencé l'évaluation des risques, et ce, de manière transparente et dans des termes compréhensibles pour l'entrepreneur. Sur cette base, la PME pourra améliorer son dossier de crédit ou se mettre à la recherche d'un autre partenaire bancaire.
3. Les indemnités de remploi en cas de remboursement anticipé sont limitées:
— le funding loss pour les crédits inférieurs à 1 million d'euros ne peut excéder six mois d'intérêts, calculés sur la somme remboursée et au taux d'intérêt fixé dans le contrat.
À cet égard, la ministre fait remarquer que le crédit moyen octroyé aux PME s'élève à 214 000 euros. Eu égard à la limite proposée, 80 % des crédits professionnels relèvent de cette disposition;
— pour les crédits supérieurs à 1 million d'euros, un mode de calcul uniforme et plus transparent sera élaboré à des fins de clarification et de simplification.
4. Sanctions possibles en cas de clauses abusives:
— les banques ne pourront plus, sans dédommagement raisonnable et/ou délai de préavis, mettre fin unilatéralement à un contrat de crédit lorsque l'entrepreneur respecte ses obligations;
— si le prêteur ne respecte pas l'obligation qui lui est imposée de rechercher le type de crédit le mieux adapté aux besoins de l'entreprise, le juge peut ordonner la conversion sans frais du crédit en une forme de crédit mieux adaptée.
5. Code de conduite: enfin, les organisations patronales qui défendent les intérêts des PME et l'organisation représentative du secteur du crédit sont chargées d'élaborer de commun accord dans un délai de trois mois un code de conduite qui précise certaines modalités d'exécution figurant dans le projet à l'examen, par exemple les modalités permettant de rendre le calcul du funding loss plus transparent, les modalités relatives à la rédaction du document d'information qui renseigne l'entrepreneur sur le contrat de crédit, etc. Si les parties précitées n'élaborent pas un code de conduite dans le délai prévu de trois mois, le gouvernement est habilité à fixer les règles lui-mêmes. Le code de conduite est fixé par arrêté royal.
III. DISCUSSION GÉNÉRALE
M. Laaouej remercie la ministre compétente pour son excellent travail. Il souligne ensuite l'importance des dispositions à l'examen, d'une part, parce qu'elles mettent en œuvre l'accord de gouvernement, d'autre part, parce que la pratique quotidienne montre que les PME éprouvent des difficultés à accéder au crédit bancaire, et en tout cas à obtenir des crédits à des conditions correctes.
M. Daems juge les dispositions à l'examen très importantes parce qu'elles s'attaquent à plusieurs problèmes qui minent la relation entre les établissements financiers et les PME. L'intervenant nuance ses propos en soulignant que tous les problèmes ne pourront être pris à bras-le-corps et qu'une loi ne peut pas résoudre la difficulté principale, à savoir l'octroi de crédits en suffisance. Toutefois, le gouvernement fait bien d'inciter le secteur bancaire, dans la mesure du possible, à faire un pas dans la bonne direction. L'intervenant aimerait ensuite obtenir quelques clarifications:
— En matière de crédits d'investissement, à l'heure actuelle, lorsqu'un entrepreneur arrête son activité, il a encore des dommages-intérêts à payer qui correspondent au coût total des intérêts du crédit. Les dispositions à l'examen portent-elles sur ce type de crédit ? Pour des crédits d'investissement inférieurs à 1 million d'euros, prélevés par les PME et résiliés par l'entrepreneur, l'indemnité de remploi sera-t-elle donc limitée à six mois d'intérêts ?
— Cette loi sera-t-elle appliquée avec effet rétroactif ? Si les dispositions ne sont pas rétroactives, des démarches pourront-elles être entreprises auprès du secteur bancaire afin qu'il fasse également preuve d'une certaine souplesse ?
— Dans quelle mesure le système permet-il de scinder les emprunts afin de pouvoir rester sous la barre du million ?
— La ministre a indiqué que pour les emprunts supérieurs à 1 million d'euros, une sorte de code de conduite sera élaboré. Quelle en sera la teneur ?
— Changera-t-on quelque chose, dans un proche avenir, à la question des garanties ? Des difficultés se posent également en la matière.
Le président déclare que les bateliers ont également des difficultés à obtenir des crédits, lesquels sont souvent de forme imprécise et s'accompagnent d'indemnités de remploi et de garanties considérables. L'intervenante se réjouit donc de l'introduction des nouvelles dispositions.
Mme Maes demande pourquoi seules les petites et moyennes entreprises bénéficieront de l'application des dispositions à l'examen. Pourquoi s'est-on limité à cette catégorie ? Sur quoi cela repose-t-il ? Au vu de la problématique préalablement exposée, la membre se demande pourquoi le groupe cible a été limité.
La ministre explique que les dispositions à l'examen ont pour objectif de trouver un équilibre entre les intérêts de deux acteurs économiques. Elle remercie les intervenants qui ont évalué le texte positivement, mais indique par ailleurs qu'il ne sera pas possible d'ajouter d'autres objectifs. En effet, le but poursuivi est d'offrir dorénavant au plus petit acteur économique une meilleure protection dans sa relation avec les établissements financiers qui octroient des crédits professionnels.
On a choisi de définir les entreprises concernées en se basant sur la définition belge des PME qui permet de couvrir 98 % des entreprises belges. On a aussi choisi de protéger spécifiquement les PME parce qu'en général, les entreprises de taille plus importante disposent d'une capacité de négociation suffisante pour définir elles-mêmes leurs conditions. En outre, l'intervenante est compétente pour les petites et moyennes entreprises. Toutefois, au-delà de 1 million d'euros, les établissements financiers devront fournir un schéma de calcul. Cela permettra d'introduire davantage de transparence au profit de tous les intervenants pour tous les crédits professionnels (crédits d'investissement, crédits à court et à moyen terme, crédits de caisse, etc.).
En réponse à la première question de M. Daems, la ministre déclare qu'en cas de remboursement anticipé, l'indemnité de remploi sera limitée à six mois d'intérêts. Ceux-ci seront calculés sur la base du taux d'intérêt fixé dans le contrat.
L'intervenante affirme ensuite avoir privilégié la sécurité juridique en n'instaurant donc pas la rétroactivité. Toutefois, les dispositions à l'examen permettront aux intermédiaires de crédit, pour des dossiers préexistants, de se référer à la nouvelle réglementation. Ils trouveront alors une solution allant plutôt dans le sens de celle-ci. De plus, il est prévu d'évaluer la loi dans un délai de deux ans.
Enfin, la ministre indique qu'elle prépare, en collaboration avec Mme Turtelboom, un projet de réglementation qui permettra une meilleure cessibilité des garanties. Cette initiative permettra de résoudre la difficulté évoquée à ce sujet par l'un des intervenants.
IV. VOTES
L'ensemble du projet de loi a été adopté par 7 voix et 2 abstentions.
Confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.
Les rapporteurs, | La présidente, |
Ahmed LAAOUEJ. Rik DAEMS. | Fauzaya TALHAOUI. |
Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre, nº 53-3088/5).