5-251COM

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Commission des Affaires sociales

Annales

MARDI 22 OCTOBRE 2013 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. Benoit Hellings à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique sur «le suivi épidémiologique des infections et maladies sexuellement transmissibles» (no 5-3864)

M. Benoit Hellings (Ecolo). - Ma question a été rédigée le 2 juillet et, entre-temps, soit la semaine dernière, vous avez présenté le plan national de lutte contre le sida (2013-2018). Certaines des questions contenues dans mon texte de juillet sont donc dépassées.

Nous pouvons tous nous réjouir de l'adoption du plan national de lutte contre le sida. Depuis l'opposition, je vous félicite pour ce plan qui était attendu par de nombreuses associations. Les questions que je voulais vous poser portent sur les recommandations données par des instituts fédéraux et des associations de médecins généralistes.

L'institut scientifique de santé publique (ISP) édite chaque année un « rapport épidémiologique » qui précise, depuis de nombreuses éditions successives, que « le nombre d'infections diagnostiquées chez les homo/bisexuels masculins est en nette augmentation ». Or la source de propagation de ces MST et IST est le type de contacts sexuels et non l'appartenance à une communauté fantasmée, qui serait les bi/homosexuels. Cette assertion récurrente de l'ISP semble faire fi du fait qu'il existe statistiquement beaucoup plus d'hommes ayant de relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) que d'homosexuels ou bisexuels revendiqués ou assumés comme tels.

Nous savons que la précocité du diagnostic est cruciale en matière d'IST et de MST, un dépistage tardif pouvant limiter l'efficacité du traitement et le choix des thérapeutiques, de même qu'augmenter la morbidité et la mortalité ainsi que les risques de propagation, surtout dans le cas du sida. D'où l'intérêt de mettre en oeuvre une politique de dépistage à tous les échelons de la politique de santé, à commencer par celui du médecin généraliste.

Or les « recommandations de bonnes pratiques » ou « campagnes de sensibilisation des prescripteurs » actuellement proposées aux médecins généralistes tant par l'INAMI que par la Société scientifique de médecine générale (SSMG), suggèrent de ne pratiquer des dépistages systématiques des IST et MST que chez les « hommes ayant des rapports homosexuels » et non chez les hommes ayant des rapports avec d'autres hommes. La formulation actuelle de ces recommandations traduit donc une mauvaise compréhension et, en tout cas, une forme de stigmatisation d'une partie de la population.

Un plan de lutte efficace doit pouvoir s'appuyer sur des données statistiques fiables et sûres. Vous l'avez d'ailleurs rappelé lors de votre conférence de presse. Les études des instituts sur lesquelles votre plan s'établira pourraient être échafaudées sur une pseudocatégorie de personnes qui n'englobe pas l'ensemble des réalités vécues par les HSH. Les études épidémiologiques devraient tenir compte des comportements et pratiques sexuels à risque réels - le nombre de partenaires différents étant le principal facteur de risque - et non des comportements et pratiques présumés chez une catégorie de population, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes étant plus nombreux que les homo/bisexuels. Au-delà de l'aspect extrêmement stigmatisant envers ces communautés - je rappelle la question du don de sang -, il en va de l'efficacité d'un plan de lutte, qui, pour être efficace, doit toucher sa cible !

Comment allez-vous concrètement tenir compte de la problématique de ces méthodologies inadéquates et stigmatisantes utilisées par ces deux instituts pour présenter l'épidémie du VIH ? Comment comptez-vous faire modifier les recommandations ? Concernant le plan de lutte contre le sida, vous avez déclaré, la semaine dernière, qu'il s'agissait de faire clairement la différence entre gays et HSH et que l'action 5 du plan sida visait à mieux connaître les comportements des publics cibles prioritaires, dont font partie les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet ?

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - Je vous remercie pour vos propos sur le plan sida ; comme vous le savez, il a été négocié avec les communautés et diverses associations et personnes vivant avec le virus. Il a été élaboré avec l'aide de cinq cents partenaires et j'étais effectivement heureuse de pouvoir obtenir un consensus général.

Comme je l'ai dit quand j'ai présenté le plan, nous avons essayé de travailler sans être corsetés par des tabous. Notamment, j'ai clairement indiqué dans mon intervention qu'il fallait, pour la prévention et le dépistage, se concentrer sur les groupes à risque et mettre un nom sur ceux-ci.

Tout en menant dans le même temps des actions contre les discriminations, il faut pouvoir dire que les migrants sont un groupe à risque, tout comme les hommes ayant des relations avec d'autres hommes. J'ai souligné clairement que, parmi ce public, se trouvaient beaucoup plus d'hommes hétérosexuels ayant de temps en temps des relations avec d'autres hommes que d'homosexuels s'affichant comme tels.

Dès lors que nous nous sommes tous accordés sur ces constats, il nous reste maintenant à travailler dans le domaine de la prévention et du dépistage pour que ces publics soient concernés. Autrement dit, tant pour le programme de prévention des communautés que pour le travail de formation des médecins généralistes, qui ont un rôle central à jouer dans la prévention, le dépistage et la prise en charge, nous allons modifier les recommandations de façon à cibler les deux groupes que nous avons identifiés dans toute leur complexité.

En mettant en oeuvre le plan de lutte contre le sida, nous allons donc changer certaines recommandations et certains programmes de formation et organiser le dépistage décentralisé en des lieux qui ne sont pas fréquentés que par les seuls homosexuels. Cela sera complexe mais nous devrons modifier nos pratiques.

M. Benoit Hellings (Ecolo). - Je pense que c'est la seule façon de procéder. Agir avec tous les acteurs est le meilleur moyen de trouver les meilleures solutions. Il ne faudrait cependant pas en arriver à une situation semblable à celle du don de sang : alors que tout le monde reconnaît qu'il ne faut pas exclure les homosexuels mais certaines pratiques, dans les faits, les recommandations de la Croix-Rouge ne changent pas.

Je vous fais a priori confiance. J'espère que ce plan, établi avec l'apport de nombreux partenaires, permettra véritablement de modifier les recommandations données aux médecins généralistes.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales. - Même si l'attitude de la Croix-Rouge est clairement discriminatoire, celle-ci refuse d'en changer parce qu'elle estime que le risque pour la santé publique est trop grand.

Lors du dialogue concernant le don de sang, nous nous efforçons de travailler davantage sur le « faire » que sur l' « être », mais ce n'est pas simple. Ici, nous avons bien sûr tout intérêt à élargir le public cible puisque les personnes qui ne se font pas dépister à temps - 42% se font dépister trop tard - sont en danger elles-mêmes et sont des bombes humaines pour les autres.

M. Benoit Hellings (Ecolo). - Je ne remets pas en cause votre bonne foi mais la dynamique est la même. Exclure du don de sang les personnes qui ont des comportements à risque, c'est la même chose qu'essayer de dépister des MST chez certaines personnes, tant pour les protéger elles-mêmes que pour protéger leurs partenaires sexuels ou leurs proches. On a intérêt, dans les deux cas, à exclure le plus possible de risques mais cela doit se faire sur des bases objectives et dans le respect des droits humains.