5-2305/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2013-2014

23 OCTOBRE 2013


Proposition de résolution relative aux discriminations en matière de crédit de manière générale et de crédit hypothécaire en particulier, dont sont victimes les personnes présentant un risque de santé accru

(Déposée par Mme Fabienne Winckel et MM. Paul Magnette et Louis Siquet)


DÉVELOPPEMENTS


La plupart de nos concitoyens souhaitent à un moment de leur existence acquérir leur habitation familiale. Dans ce cadre, le recours à l'emprunt hypothécaire est une nécessité absolue pour la majorité des personnes concernées. Par ailleurs, le logement a toujours occupé une place importante dans les préoccupations de ceux qui œuvrent pour lutter contre la pauvreté. Il est indéniable en effet qu'un logement décent constitue le point de départ pour pouvoir mener une vie digne et convenable. Dans ce contexte, il convient de favoriser toutes les mesures permettant au plus grand nombre de personnes de devenir propriétaire de leur immeuble familial.

Pour accorder un prêt, les établissements financiers s'intéressent à l'état de santé du demandeur afin d'évaluer leur prise de risque.

Si de manière générale, le fait de contracter une assurance pour son prêt n'est pas une obligation légale, dans les faits cependant tous les organismes de crédit ainsi que les banques l'exigent pour un prêt hypothécaire. Cette assurance leur garantit le paiement d'une partie ou de l'entièreté du crédit en cas de décès.

Quel que soit le prêt, une banque a le droit de soumettre les demandeurs à une série de questions.

Les réponses à ces questions ont un lien direct avec le coût à supporter pour obtenir un financement.

En France, depuis la mise en place de la convention AERAS en 2007 (s'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé), l'impossibilité d'accorder une assurance à un emprunteur ne constitue plus une raison valable pour rejeter une demande de prêt émanant de personnes porteuses d'un handicap ou ayant une santé fragile.

Toute personne présentant un handicap ou une maladie grave a, en effet, le droit de vivre et de consommer comme une personne en « bonne forme ». Tel est le message de la loi appliquée depuis le 6 janvier 2007, appelée également convention pour « s'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé » (AERAS).

Cette disposition qui dépasse le cadre de l'emprunt hypothécaire constitue sans conteste une avancée très positive.

En France, une personne handicapée, malade, ou anciennement malade, peut aujourd'hui acheter un logement ou financer l'acquisition d'un véhicule gráce à un emprunt. Ce qui n'était pas possible avant 2007.

La fin de cette discrimination à l'accès au crédit repose sur des règles bien précises, notamment la possibilité d'ajouter une surprime sur les taux de crédits immobiliers qui ne peuvent dépasser de plus de 1,5 point le taux effectif global proposé dans un cas « normal ».

Comme pour tout crédit, la personne concernée se doit d'être solvable.

Si les échéances du crédit paraissent difficilement remboursables faute de revenus suffisants ou parce que la part de d'endettement est trop élevée, l'établissement financier conserve le droit de refuser le financement.

En revanche, l'impossibilité d'accorder une assurance à un emprunteur ne constitue plus un motif de refus d'octroi du prêt.

Dans notre pays, la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire ne lie pas de manière systématique et obligatoire tout octroi de prêt hypothécaire à la conclusion d'une assurance-vie. On sait cependant qu'en pratique, cette forme de couverture est vivement recommandée par les organismes prêteurs.

Si le candidat emprunteur présente ou a présenté des déficiences médicales, des difficultés surviennent inévitablement car si toute possibilité d'obtenir un prêt hypothécaire ne disparaît pas pour tous, certains ne pourront l'obtenir que selon des conditions souvent très désavantageuses.

Ne perdons pas de vue que ce type d'information à caractère médical est bien une exigence légale au regard des dispositions du Code civil et de la législation relative aux assurances. On ne peut donc que conseiller aux candidats emprunteurs de rédiger un tel formulaire de demande de bonne foi.

Force est bien de constater qu'une discrimination d'ordre médical subsiste dans ce dossier et que bon nombre de personnes ne peuvent obtenir un crédit hypothécaire dans les conditions optimales. Beaucoup doivent ainsi renoncer à leur projet de devenir propriétaire de leur habitation familiale.

Des débats ont déjà eu lieu sur le plan parlementaire. Diverses propositions de loi ont été déposées pour tenter de rencontrer ce problème et/ou enrayer ce processus de marginalisation.

Finalement, la loi du 21 janvier 2010 modifiant la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre en ce qui concerne les assurances du solde restant dû pour les personnes présentant un risque de santé accru a été publiée au Moniteur belge.

En substance, l'article 3 de cette loi, entré en vigueur le jour de la publication de la loi au Moniteur belge (article 18 de la loi du 21 janvier 2010) visait l'instauration d'un code de bonne conduite et d'un questionnaire médical standardisé.

Il appartenait à la Commission des assurances créée par la loi du 9 juillet 1975 d'élaborer ce texte, dans les six mois de la publication au Moniteur belge de la loi précitée.

Le code de bonne conduite devait prévoir dans quels cas et pour quel type de crédit ou pour quels montants assurés un questionnaire médical standardisé doit être complété.

Son contenu devait tenir compte des dispositions de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel et de celles de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

Il devait par ailleurs préciser:

— la manière dont les assurances tiennent compte du questionnaire dans leur décision d'attribuer ou non l'assurance et pour la fixation de la prime;

— les cas où les assureurs peuvent demander un examen médical complémentaire au candidat à l'assurance, ainsi que le contenu de cet examen et le droit à l'information concernant les résultats à cet examen;

— le délai dans lequel les assureurs doivent communiquer leur décision relative à la demande d'assurance au candidat à l'assurance (maximum cinq semaines);

— la manière dont les établissements de crédit prennent également en considération d'autres garanties que l'assurance du solde restant dû lors de l'octroi d'un crédit;

— les possibilités de recours auprès du Bureau de suivi de la tarification visé par la loi en question;

— l'obligation pour les entreprises d'assurances et les établissements de crédit de diffuser largement et de manière compréhensible l'information sur l'existence du mécanisme d'assurances du solde restant dû pour les personnes présentant un risque de santé accru;

— les sanctions civiles prévues en cas de manquement aux règles du code de bonne conduite.

Si la Commission des assurances ne parvenait pas à élaborer ce code de bonne conduite, le Roi, sur proposition conjointe des ministres ayant les Assurances et la Santé publique dans leurs attributions, devait fixer un code de bonne conduite après avoir recueilli l'avis de la Commission de la protection de la vie privée.

À défaut du code de bonne conduite, le Roi pouvait également régler ou interdire l'utilisation des questionnaires médicaux.

D'autres mesures étaient également prévues dans la loi de 2010. Notamment:

— la création par le Roi d'un Bureau du suivi de la tarification qui aurait notamment pour mission d'examiner les propositions de surprime à la demande de la partie la plus diligente;

— l'agréation par le Roi, aux conditions qu'il détermine, d'une Caisse de compensation qui aurait pour mission de répartir la charge des surprimes.

Le Roi devait également assurer l'exécution de l'ensemble des dispositions prévues par la loi et déterminer la date d'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions de ladite loi (dans un délai de douze mois à partir de la date de publication au Moniteur belge).

Aujourd'hui, force est de constater que tant la rédaction d'un code de conduite par la Commission des assurances que la création d'un Bureau de suivi de la tarification et d'une Caisse de compensation et que l'exécution de l'ensemble des dispositions et la fixation de la date de l'entrée en vigueur de la loi n'ont pas encore eu lieu.

Les auteurs de cette proposition de résolution souhaitent que la mise en œuvre réelle des dispositions brièvement relatées dans les développements puisse intervenir rapidement afin de permettre aux personnes présentant un risque de santé accru ou un handicap de bénéficier des mêmes conditions que tout autre citoyen en vue d'obtenir un crédit de manière générale et un emprunt hypothécaire de manière particulière.

Fabienne WINCKEL.
Paul MAGNETTE.
Louis SIQUET.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. considérant qu'un nombre croissant de demandes d'assurances, notamment de solde restant dû ou d'assurances-vie, sont écartées pour raisons médicales et que ces refus peuvent être liés à des affections chroniques, des risques de maladies cardiovasculaires, à toute forme de cancer ou encore au virus HIV;

B. considérant que la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discriminations classe l'état de santé actuel ou futur ou le handicap dans les risques protégés; qu'une distinction de traitement faite sur base d'un critère protégé est une discrimination si elle ne peut être justifiée conformément au prescrit de la loi antidiscrimination;

C. considérant les débats parlementaires déjà intervenus pour éliminer les discriminations dont sont victimes les personnes présentant un risque de santé accru lors des démarches qu'ils entreprennent en vue d'obtenir un crédit;

D. considérant la législation française du 6 janvier 2007 qui prévoit que l'impossibilité d'accorder une assurance à un emprunteur ne doit pas constituer une raison valable pour rejeter une demande de prêt émanant de personnes porteuses d'un handicap ou ayant une santé fragile;

E. considérant la loi du 21 janvier 2010 modifiant la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre en ce qui concerne les assurances du solde restant dû pour les personnes présentant un risque de santé accru;

F. considérant le rapport de la Commission des assurances sur les travaux menés par ladite commission sur l'article 3 de la loi précitée, article aux termes duquel la Commission des assurances est chargée d'élaborer un code de bonne conduite,

Demande au gouvernement:

1. de mener une politique active, intégrée et cohérente afin de rencontrer le problème de discrimination dont sont victimes les personnes présentant un risque de santé accru en matière de crédit de manière générale et de crédit hypothécaire en particulier;

2. de veiller, en concertation avec les acteurs concernés, notamment la Commission des assurances, à la concrétisation de l'ensemble des mesures prévues à cet égard dans la loi du 21 janvier 2010 précitée.

19 juillet 2013.

Fabienne WINCKEL.
Paul MAGNETTE.
Louis SIQUET.