5-2194/2

5-2194/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2012-2013

9 JUILLET 2013


Projet de loi transposant la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR

MME FRANSSEN ET M. BELLOT


I. INTRODUCTION

Le projet de loi transposant la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE, qui relève de la procédure bicamérale facultative, a été déposé le 24 juin 2013 à la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 53-2905/1).

Il a été adopté le 4 juillet 2013 par l'assemblée plénière de la Chambre des représentants par 99 voix et 36 abstentions.

Il a été évoqué par le Sénat le 5 juillet 2013.

Il a été examiné en commission des Finances et des Affaires économiques le 9 juillet 2013.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. HENDRIK BOGAERT, SECRÉTAIRE D'ÉTAT À LA FONCTION PUBLIQUE ET À LA MODERNISATION DES SERVICES PUBLICS, ADJOINT AU MINISTRE DES FINANCES, CHARGÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE

L'avant-projet de loi a pour but de transposer la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE. La directive 2011/16/UE remplace la directive 77/799/CEE du Conseil du 19 décembre 1977 concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et des taxes sur les primes d'assurance.

L'objectif est de créer un instrument juridique hautement performant destiné à améliorer la coopération administrative dans le domaine fiscal, en vue de permettre le bon fonctionnement du marché intérieur par une neutralisation des effets négatifs des pratiques fiscales dommageables. Gráce à cette approche, la coopération administrative dans le domaine fiscal sera alignée sur les dispositions en vigueur en matière de coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée et des droits d'accises.

Les changements les plus importants sont:

— L'élargissement du champ d'application à tous types d'impôts, à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée, des droits de douane et des taxes soumises à la législation communautaire en matière d'accises.

— Trois types d'échange d'informations:

1) À la demande préalable de l'autorité requérante. La demande d'informations peut entraîner la réalisation de « toute enquête administrative » pour l'obtenir.

2) Automatique. Il s'agit de la communication systématique et sans demande préalable d'informations prédéfinies d'un État membre à un autre, à intervalles réguliers préalablement fixés ou au fur et à mesure que ces informations sont disponibles.

3) Spontané, lorsque l'autorité compétente d'un État membre le considère opportun.

— Autres expressions de collaboration:

1) Présence de fonctionnaires de l'autorité requérante dans les bureaux administratifs d'autres États membres ainsi que leur participation aux procédures administratives de l'autorité requise.

2) Contrôles simultanés d'une ou plusieurs personnes dans différents territoires.

3) Formalités de notification administrative décidée dans un autre État.

— Aspects généraux de la coopération administrative:

On prévoit un retour d'information et un échange de bonnes pratiques et d'expérience. Les autorités (requérantes ou requises) pourront transmettre les informations et la documentation obtenues d'autres autorités et les utiliser à d'autres fins que celles prévues. D'autres aspects pris en compte concernent les conditions auxquelles sont soumises les obligations des États, les limites des devoirs de collaboration, l'application du principe de « la nation la plus favorisée » et l'utilisation des formulaires types, des formats informatiques standard et du réseau commun d'information (réseau CCN).

III. DISCUSSION

M. Miller aimerait savoir si l'administration dispose bien des moyens nécessaires, au niveau du personnel, pour assurer ces nouvelles obligations en matière d'échanges d'informations.

Qu'en est-il en termes de protection de la vie privée ? Est-ce que des garanties sont prévues ?

Par rapport à la transposition de la directive, l'intervenant désire connaître l'état des choses au niveau des entités fédérées.

M. Schouppe explique que le succès de cette directive dépendra de la manière dont les différents pays appliqueront correctement l'échange des données.

L'intervenant se demande comment acquérir la conviction que les autres États membres procèdent bien au transfert des données. De même, il est essentiel que la Belgique organise le transfert de ses propres données de la manière la plus efficace possible. Le département des Finances a-t-il mis en place les structures appropriées pour que cet échange se déroule sans heurts ?

D'autre part, l'intervenant aimerait savoir si des pronostics ont déjà été établis à propos des recettes fiscales.

Mme Maes qualifie de « nécessité positive » le fait que les États membres coopèrent de manière plus efficace en matière de fiscalité. La directive s'applique à tous types d'impôts prélevés par l'autorité fiscale compétente d'un État membre. En ce sens, l'intervenante trouve regrettable que l'on transpose la directive en répétant les mêmes dispositions dans les différents codes fiscaux plutôt qu'en les intégrant dans une loi distincte. Y a-t-il un motif spécifique justifiant cette manière de procéder ?

La cotisation sociale annuelle à charge des sociétés est qualifiée de cotisation sociale, alors que la Cour constitutionnelle l'assimile bel et bien à un impôt. Comme la disposition résiduelle ne porte que sur la situation dans laquelle un autre État membre demande l'application de la directive relative à l'assistance administrative, le projet de loi exclut que l'autorité fédérale puisse en demander l'application pour tous les impôts qui ne figurent pas dans les codes fiscaux cités. L'intervenante déplore la transposition incomplète de la directive.

M. Siquet relève que des accords concernant la double imposition ont été votés par le Parlement il y a quelques mois. Une étroite coopération administrative et juridique était déjà prévue dans ces textes, s'agit-il maintenant d'une modification de ces accords ?

M. Laaouej se réjouit de ce projet de loi qui marque une étape dans l'évolution de la coopération entre États européens en matière de fiscalité, et plus particulièrement de lutte contre l'évasion fiscale et la fraude fiscale.

Par contre, il ne faut pas oublier que le Grand-Duché du Luxembourg et l'Autriche, dans le cadre de l'échange d'information relative à la fiscalité de l'épargne, continuent à échapper à l'échange automatique d'information et bénéficient d'un régime dérogatoire pendant encore quelques années en échange de quoi ils peuvent faire un prélèvement à la source qu'ils reversent pour partie à l'État de résidence de l'épargnant. Il est très important de faire respecter au niveau européen le calendrier auquel se sont engagés ces deux pays.

La coopération internationale ne date pas du projet de loi en discussion, elle a toujours existé. Elle était malheureusement embryonnaire, sans caractère automatique et avec un champ d'application relativement restreint. La Cour des Comptes a publié un rapport qui mettait en lumière que l'administration fiscale belge reçoit parfois des informations de l'étranger mais, pour des raisons d'organisation interne, elles ne sont pas toujours traitées à temps dans les services. Il ne suffit donc pas de mettre en place un système d'échange d'information, encore faut-il pouvoir traiter les information dans un délais le plus court possible. Il serait utile de mettre en place un suivi de la mise en place de cette directive pour voir concrètement comment l'administration fiscale va pouvoir répondre aux objectifs que cette directive assigne aux différents États membres.

M. Bellot tient à signaler que, lorsque notre administration fiscale pose des questions aux administrations irlandaise et anglaise, celles-ci ne répondent jamais, bien que les directives en question aient été transposées dans ces pays. On constate le même problème en Pologne et en Roumanie, où la main-d'œuvre fait plus spécifiquement difficulté. Lorsque notre administration demande des renseignements aux administrations respectives au sujet de filiales régionales de sociétés belges ou françaises, dans le secteur de la construction par exemple, la Pologne et la Roumanie sont incapables de fournir les informations demandées. Le secrétaire d'État peut-il fournir des explications à ce sujet ? De quels moyens disposera la Belgique pour pouvoir malgré tout obtenir les informations demandées ?

M. Bogaert, secrétaire d'État, répond que l'administration disposera des moyens suffisants pour faire fonctionner le système proposé. Pour le moment, le volume des données échangées est encore relativement limité. Pour 2012, par exemple, on cite le chiffre de 271 dossiers dans lesquels des renseignements ont été transmis. Dans cette même année, notre administration a, quant à elle, demandé des renseignements dans 206 cas,. Dans 90 cas, des informations ont été obtenues spontanément et, dans 66 cas, des informations ont été transmises spontanément. Actuellement, 4 fonctionnaires sont préposés au dispatching de ce traitement de données en vertu de la directive 77/799/CEE. Si le volume de ces données augmente, le nombre de fonctionnaires affectés à cette táche devra suivre en conséquence. L'intervenant ajoute que nombre de données sont échangées automatiquement.

Concernant la protection de la vie privée, la commission de la Protection de la vie privée a été consultée (avis nº 13/2013 du 24 avril 2013). Elle a formulé trois remarques et le projet a été adapté en conséquence. En outre, un service du SPF Finances veille lui aussi à la protection de la vie privée des citoyens.

Quant aux questions relatives à l'exactitude des données, l'intervenant insiste sur son importance. Il convient toutefois de signaler qu'il n'est pas possible de donner directement des garanties à cet égard. En revanche, certains délais, figurant expressément dans le texte, ont été convenus, ce qui représente déjà un progrès, mais le mécanisme permettant de les rendre contraignants fait toujours défaut. L'intervenant signale en outre qu'il comprend la frustration de M. Bellot au sujet de la lenteur de l'échange d'informations avec certains pays. Il est clair que les services des différents pays devront améliorer leur collaboration à l'avenir. Bien que l'exactitude des informations soit bonne jusqu'à présent, la qualité des données est une préoccupation majeure qui subsistera parallèlement à la hausse du volume.

Comme M. Laaouej l'a fait remarquer, il importe que l'administration fiscale donne la suite voulue aux informations fournies. Le secrétaire d'État se renseignera pour savoir si un tableau récapitulatif concernant le suivi des informations fournies est disponible au sein de l'administration. Ce tableau sera mis à disposition.

L'intervenant indique par ailleurs qu'un accord de coopération doit être conclu avec les Régions pour pouvoir appliquer cette directive. Une première concertation en la matière a eu lieu le 10 mai 2012. Les Régions conviennent que l'actuelle direction 3/1A de l'Administration générale de la Fiscalité serve de bureau de liaison central. Un accord de coopération sera donc conclu pour désigner le bureau de liaison central et en fixer les táches. Un projet d'accord de coopération a été préparé par le SPF Finances et examiné avec les Régions le 17 juin. Des remarques ont été formulées et le projet d'accord de coopération sera adapté en conséquence.

Quant à la transposition de la directive proprement dite par les Régions, il existe un décret flamand relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal (doc. 2017 (2012-2013)) qui a été sanctionné et promulgué le 21 juin 2013, et publié le 26 juin 2013 au Moniteur belge.

En ce qui concerne la Région de Bruxelles-Capitale, un projet d'ordonnance transposant la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE a été déposé au Parlement bruxellois (A-396/1 — 2012/2013). Il a été examiné le 20 juin 2013 par la commission des Finances, du Budget, de la Fonction publique, des Relations extérieures et des Affaires générales.

En ce qui concerne la Région wallonne, l'avis du Conseil d'État a été reçu. À la mi-juin, le projet a encore été soumis en deuxième lecture au gouvernement wallon.

Répliques

M. Laaouej souhaite revenir sur l'importance de la traçabilité de ces données à travers l'administration. Il est également important d'y consacrer un rapport.

IV. VOTES

L'ensemble du projet de loi a été adopté par 12 voix et 1 abstention.

Confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.

Les rapporteurs, Le président,
Cindy FRANSSEN. François BELLOT. Ludo SANNEN.

Le texte adopté par la commission est identique au texte adopté par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre, nº 53-2905/5).