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3 JUILLET 2013
Nº 1 DE M. DAEMS
Art. 3
Compléter cet article par un 3º/1 rédigé comme suit:
« 3º/1. le paragraphe 2 est complété par un f) rédigé comme suit:
« f) les offres d'instruments de placement dans le cadre desquelles la rémunération provenant du prêt de titres après déduction, le cas échéant, de la rémunération du gestionnaire du système de prêt de titres et du conservateur de la garantie financière ne revient pas intégralement à l'investisseur. » »
Justification
L'auteur du présent amendement souhaite mettre fin à la pratique par laquelle des établissements financiers et des gestionnaires de fonds prêtent les actions de leurs clients à des spéculateurs et empochent la majeure partie de la rémunération découlant de cette opération.
Peu de citoyens savent que le fonds de pension ou de placement dans lequel ils investissent prête les actions qu'il gère à des parties tierces. Cette pratique est connue sous le nom de « securities lending » (prêt de titres).
En théorie, la rémunération que le fonds perçoit pour le prêt des titres accroît le rendement. Or, la pratique montre que le gestionnaire du fonds empoche, sous la forme d'une commission, jusqu'à 50 % de la rémunération découlant du prêt d'actions qui, en fait, ne lui appartiennent pas.
Une étude récente révèle qu'en Belgique, cette commission est souvent disproportionnée puisqu'elle représente la moitié de la rémunération. (1)
Pourtant, l'ESMA, l'Autorité européenne des marchés financiers, a édicté cette année des règles claires: le produit des prêts de titres, déduction faite des frais de transaction, doit être versé dans son intégralité à l'investisseur. La notion de frais de transaction fait encore actuellement l'objet de discussions.
Au sujet des nouvelles directives instaurées, l'ESMA déclare que (2) celles-ci renforceront la transparence et la protection de l'investisseur mais qu'elles contribueront aussi à préserver la stabilité des marchés financiers. (traduction)
Selon l'auteur du présent amendement, c'est là plus qu'une évidence. En effet, l'investisseur est souvent, sans qu'il le sache, exposé au risque d'une défaillance de l'emprunteur. On n'a rien sans rien.
Étant donné que l'investisseur supporte les conséquences d'une faillite de l'emprunteur, il est tout à fait normal qu'il perçoive l'intégralité du produit de l'opération. L'auteur du présent amendement ne peut concevoir que de nombreux investisseurs, sans avoir donné explicitement leur accord à des contreparties, soient exposés à des risques concernant des actions ou d'autres actifs comme des obligations qu'ils détiennent dans leur portefeuille.
Il n'est pas rare en effet que des actions ou des obligations soient prêtées à des « short sellers », des « investisseurs sophistiqués » qui parient sur une baisse du cours de celles-ci. Ils procèdent en vendant les actions empruntées dans l'espoir de les racheter ultérieurement à un prix inférieur.
Il n'est quand même pas normal que des gestionnaires de fonds procurent à des « short sellers » les outils nécessaires pour spéculer sur les actions détenues par le fonds. Les actions dans lesquelles les gestionnaires de fonds placent leur confiance et qui recèlent un potentiel sont ainsi prêtées à des contreparties qui n'attendent qu'une chose: que le cours de ces actions baisse.
La presse a mené l'enquête auprès de l'industrie des fonds de placement, mais elle s'est heurtée à un mur de silence.
On apprend néanmoins qu'en Belgique, les gestionnaires cherchent à obtenir le rendement maximum, à quelques exceptions près.
Précisons, pour mettre les choses en perspective, qu'aux États-Unis, les géants de la gestion d'actifs BlackRock et State Street font l'objet de poursuites parce qu'ils se seraient approprié une part trop importante du produit des opérations de prêts de titres, à hauteur respectivement de 40 et de 50 %. Cette pratique exaspère les investisseurs.
L'ESMA et son homologue britannique, la FSA, disent très clairement qu'il n'est pas concevable que la rémunération perçue soit aussi importante alors que le risque est supporté par le fonds.
L'argument selon lequel les fonds belges doivent prêter des titres s'ils veulent rester compétitifs par rapport aux fonds étrangers ne tient plus la route. Aux Pays-Bas et dans d'autres pays européens, on constate clairement que la tendance est de rétribuer davantage les clients/investisseurs. On le voit d'ailleurs aussi par le biais des primes de distribution (rétrocessions), qui seront supprimées à partir de 2014.
L'auteur du présent amendement propose, à l'instar de l'ESMA, que l'entièreté du produit des prêts de titres, déduction faite des frais de transaction, soit rétrocédé à l'investisseur.
À cet effet, il est proposé de compléter l'article 3, § 2, par un point f) (nouveau) précisant explicitement que les instruments de placement dont les titres sont prêtés par le biais d'opérations de « securities lending » ne répondent aux conditions d'une « offre publique » que dans la mesure où la rémunération provenant du prêt des titres précités revient intégralement à l'investisseur, déduction faite des frais de transaction.
L'auteur du présent amendement est conscient du fait que les mesures qu'il propose risquent, dans la pratique, de sonner le glas des opérations de prêts de titres, mais tel est le but implicite de l'amendement. L'auteur prendra sous peu des initiatives concrètes en vue d'obtenir que le régulateur interdise la spéculation dont on peut prouver qu'elle perturbe le marché, notamment par le recours à la technique du « short selling » qui vise uniquement le rendement financier et non la couverture des risques. Il est indiqué, dans le cadre du projet à l'examen, de lancer un signal fort afin de montrer que ce type de spéculation déséquilibrante pour le marché n'a plus sa place.
Rik DAEMS. |
(1) De Tijd, « De Geheime vergoeding die uw fonds opstrijkt », p. 25, 29 mai 2013.
(2) http://www.ft.com/cms/s/0/3bd466ac-6ec1-11e2-8189-00144feab49a.html#axzz2Umt88DPe.