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M. Hassan Bousetta (PS). - Selon un article de presse du mois de décembre 2012, une mère infanticide s'est suicidée dans sa cellule du quartier des femmes de Lantin.
En août dernier, cette dame avait été déclarée, par la Chambre du conseil de Verviers, irresponsable de l'assassinat de sa fille et des blessures infligées à son fils en novembre 2011. En conséquence, elle relevait de la loi de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude.
Cette loi a fait l'objet de nombreuses critiques portant notamment sur l'ambiguïté de la mesure d'internement, entre soin et sécurité, ou sur les lacunes du soin, tant en annexe psychiatrique de prison que dans les établissements de défense sociale.
Dans le cas dont il est question ici, Me Adrien Masset, l'avocat qui défendait les intérêts de l'intéressée, dénonce la décision prise en septembre dernier par la Commission de défense sociale. Celle-ci interdisait à sa cliente « d'être soignée dans un établissement proche de son domicile vu sa localisation et la gravité des faits pour lesquels elle avait été jugée irresponsable ».
Il semble qu'un avis psychiatrique ait fait état « d'un réel risque de décompensation dépressive perceptible » et que les mesures idoines n'aient alors pas été prises.
On rappellera que la Cour européenne des Droits de l'Homme a déjà condamné l'État belge à plusieurs reprises dans le contexte de cette loi de défense sociale.
Des praticiens dénoncent régulièrement cette situation où des personnes internées par décision judiciaire - qui ont fait l'objet d'une décision de la Commission de défense sociale précisant l'endroit où cet internement doit être exécuté - restent en réalité en prison, même si c'est en annexe psychiatrique.
Madame la ministre, pouvez-vous faire le point dans ces dossiers qui soulèvent des difficultés multiples et dans lesquels la priorité aux soins à prodiguer au malade ne semble pas toujours pouvoir être respectée de manière optimale ? En particulier, quelles sont les mesures qui sont aujourd'hui envisagées par le gouvernement pour observer l'absolue nécessité d'éviter des drames tels que celui qui m'a inspiré cette question ?
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - Le cas auquel vous faites référence est un cas très malheureux. Mais il ne trouve pas son origine dans les difficultés que rencontre actuellement la Belgique concernant la situation des internés.
La personne en question n'était pas laissée sans soins à l'annexe psychiatrique de Lantin, mais elle refusait certains soins, notamment sa médication. Je ne peux pas en dire davantage.
Il est clair que la problématique de l'internement se pose de manière aiguë en Belgique. D'une part, la législation actuellement en vigueur ne répond plus adéquatement aux exigences d'une justice moderne et, d'autre part, le placement des internés dans des institutions de soins adaptées pose de réels problèmes.
Je voudrais néanmoins attirer votre attention sur les mesures communiquées au Comité des ministres du Conseil de l'Europe dans le cadre de l'exécution du récent arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dont vous faites mention ; ces mesures figurent aussi dans des rapports à destination du Comité européen pour la prévention de la torture, du Comité des Nations Unies contre la torture et du Comité des droits de l'homme aux Nations Unies.
Les mesures prises sont les suivantes.
Un circuit de soins sera mis en place, il permettra d'orienter plus rapidement les internés vers des formules de soins qui leur conviennent. Un site internet sur les soins de santé mentale et les circuits de soins a été mis en ligne (www.psy107.be). Des coordinateurs de soins ont aussi été désignés. Ils sont chargés de développer ces circuits de soins et d'en assurer un bon fonctionnement. Ils assurent aussi le lien entre les instances décisionnelles en matière d'internement et les institutions de soins psychiatriques. Ils ont pour fonction d'aider les services qui s'occupent de l'orientation des internés à trouver des établissements appropriés en fonction des besoins.
Des équipes de soins pluridisciplinaires ont été installées en 2007 dans les annexes psychiatriques des prisons. Elles se composent d'un psychiatre, d'un psychologue, d'un assistant social, d'un infirmier psychiatrique, d'un ergothérapeute, d'un kinésithérapeute et d'un éducateur.
L'État belge prépare l'entrée en vigueur de la loi relative à l'internement.
Enfin, de nouvelles institutions psychiatriques pour personnes internées sont en cours de construction à Gand et à Anvers. Elles devraient pouvoir accueillir 450 personnes. Ces nouvelles places permettront de mieux accueillir les internés.
En Wallonie, dans le cadre du travail mené en vue d'une augmentation de la capacité d'accueil, l'agrandissement de l'établissement de défense sociale de Paifve est à l'étude ; il est question de 300 places. Cette extension figurera dans une note qui sera soumise au conseil des ministres durant le premier trimestre de cette année.
Le thème de l'internement nécessite par ailleurs une réflexion avec l'ensemble des acteurs concernés, y compris ceux du secteur de la santé mentale.
M. Hassan Bousetta (PS). - Nous partageons donc le même constat. Nombreuses sont les recommandations quant à l'amélioration du circuit des soins, mais on souhaiterait des décisions concrètes, même si leur coût est important. Le cas qui s'est présenté à la prison de Lantin - et qui a motivé ma demande d'explications - montre la nécessité de pouvoir adapter les soins, en annexe psychiatrique - vous avez mentionné quelques éléments - ou en établissement spécialisé. Nous devons rester attentifs à ce dossier.