5-1717/1 (Sénat) 53-2516/001 (Chambre)

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Sénat et Chambre des représentants de Belgique

SESSION DE 2012-2013

31 JUILLET 2012


Les priorités de la présidence chypriote de l'Union européenne


RAPPORT

FAIT AU NOM DU COMITÉ D'AVIS FÉDÉRAL CHARGÉ DES QUESTIONS EUROPÉENNES PAR

MM. MAHOUX (S) ET FLAHAUT (CH)


I. INTRODUCTION

Le Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes organise traditionnellement, au début de chaque présidence semestrielle du Conseil de l'Union européenne, un échange de vues avec un représentant du pays qui assume la présidence.

Une réunion a eu lieu le jeudi 19 juillet 2012 en présence de M. Andreas Mavroyiannis, le ministre chypriote des Affaires européennes.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. ANDREAS MAVROYIANNIS, MINISTRE CHYPRIOTE DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Chypre est à la fois un État ayant adhéré récemment à l'Union européenne (UE) et un des pays géographiquement les plus éloignés de Bruxelles. La présidence européenne constitue dès lors un véritable défi, mais aussi une réelle opportunité pour ce pays; elle est la preuve du haut degré d'intégration de Chypre dans l'Union européenne.

L'agenda européen est très chargé, en particulier et bien évidemment en raison de la crise économique qui sévit en ce moment en Europe et dans le monde. Cette crise est profonde et a aussi des répercussions sur le plan social et personnel. Chypre fera tout ce qui est en son pouvoir pour mettre en œuvre cet agenda de manière constructive et positive. La présidence européenne est une mission qui découle du statut d'État membre de l'UE. Il va sans dire que cette táche doit être exécutée de manière optimale.

Depuis le Traité de Lisbonne, un rôle crucial est dévolu aux parlements nationaux dans le cadre du processus décisionnel européen. La présidence chypriote s'en réjouit et espère pouvoir collaborer d'une manière constructive avec les parlements d'Europe, qui sont en fin de compte les garants de la légitimité européenne.

Concernant spécifiquement le Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes, le ministre salue sa composition unique en son genre. Le fait que des membres du parlement national et du Parlement européen soient représentés au sein d'un organe unique pour y procéder à des échanges de vues sur des thèmes européens apporte une grande plus-value.

L'Union européenne doit sortir plus forte de la crise économique actuelle et reprendre sa place sur la scène internationale. Aujourd'hui, il convient plus que jamais, d'approfondir l'intégration européenne, de renforcer la cohésion sociale et de garantir une meilleure qualité de vie pour les citoyens européens. Les mesures d'austérité sont importantes pour rétablir la confiance des marchés et assurer la stabilité. En parallèle, il est impératif de prendre des mesures actives, destinées à promouvoir une croissance inclusive et la création d'emplois. L'Union doit se rapprocher de ses citoyens et leur transmettre un message d'espoir et de solidarité, empreint de sensibilité sociale. Par ailleurs, l'UE doit renforcer son rôle international, en nouant des liens plus étroits avec ses voisins. Les valeurs et les principes fondamentaux de l'Union devraient être la force motrice pour les réformes essentielles.

Sur la base de ces valeurs, la Présidence chypriote, œuvrera pour une meilleure Europe, à savoir:

— ‏une Union européenne plus pertinente aux yeux de ses citoyens et du monde;

— une Europe plus efficace, contribuant à une croissance durable, à la cohésion sociale et à la création d'emplois à travers des politiques efficaces et intégrées;

— une Union européenne travaillant sur la base du principe sous-jacent de solidarité, s'engageant à garantir un avenir meilleur.

Tous les efforts seront mobilisés en vue de léguer une meilleure Europe aux jeunes générations.

Au cours de sa présidence, Chypre est appelée à aborder des questions clés de l'agenda de l'UE, telles que le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020. La cadre financier pluriannuel est l'occasion de convenir d'un budget qui contribuera à la croissance et au développement durable, promouvra des politiques efficaces, augmentera la compétitivité de l'UE et créera de nouveaux emplois. Il convient d'identifier et de faire ressortir les éléments de la croissance dans toutes les politiques de l'UE, en mettant tout spécialement l'accent sur les citoyens de l'Union.

En travaillant pour une meilleure Europe, la Présidence chypriote s'est fixé quatre priorités principales.

A. Une Europe plus efficace et durable

L'objectif sera de promouvoir des politiques efficaces, se traduisant par une gouvernance plus efficace, capable de faire face à l'incertitude et à l'instabilité engendrées par la crise. Les négociations sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 seront la priorité majeure de la présidence chypriote. La Présidence œuvrera pour la finalisation des négociations et l'élaboration d'un budget européen équitable et efficace, que soutiendra la croissance et accroîtra les possibilités d'emploi. L'accent sera mis sur la qualité des dépenses, afin que les politiques et les programmes financés au titre du cadre financier pluriannuel soient des politiques avec une véritable valeur ajoutée européenne.

Les synergies sont d'une importance capitale et il convient d'assurer la complémentarité avec les politiques nationales. À cet égard, la présidence s'efforcera également de faire avancer le plus possible les négociations sur le cadre législatif concernant les politiques, telles les politiques communes agricoles et de la pêche, la politique de cohésion et la politique de recherche et d'innovation (Horizon 2020), ainsi que les programmes financiers des différentes politiques sectorielles.

Conformément aux conclusions du Conseil européen de février 2012, la présidence chypriote se concentrera également sur la politique énergétique. Les réseaux transeuropéens de transport, de télécommunications et d'énergie, de même que le mécanisme pour l'interconnexion en Europe figurent en tête de la liste des priorités de la présidence chypriote. L'adoption de ces instruments sera vitale pour dynamiser la compétitivité de l'Europe, en améliorant l'infrastructure et en renforçant la cohésion économique, sociale et territoriale des États membres.

L'accent sera mis, également, sur le développement durable et le suivi du Sommet Rio+20. Dans l'esprit de la stratégie Europe 2020, la croissance verte inclusive et équitable sera promue à travers la gestion durable des ressources et notamment de l'eau. Il est primordial pour l'UE que les politiques sur le changement climatique, l'environnement et l'énergie soient mises en œuvre de manière intégrée. En outre, la présidence chypriote aspire à relancer la politique maritime intégrée de l'UE, qui relèvera les défis pertinents de manière efficace et durable.

B. Une Europe dotée d'une économie plus performante, fondée sur la croissance

La crise économique a fait ressortir la nécessité d'accroître l'efficacité des politiques et des mesures de l'Union. L'approche pour la relance des économies européennes devrait comprendre aussi des mesures de consolidation fiscale, que de croissance économique durable.

La présidence s'emploiera à travailler sur le nouveau cadre renforcé de la gouvernance économique et à intensifier la surveillance budgétaire, afin de garantir la stabilité fiscale. Parallèlement, l'UE doit sortir de la crise et stimuler la croissance. À cet égard, la présidence chypriote attache beaucoup d'importance au suivi de la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020.

S'il est primordial de renforcer le cadre réglementaire des services financiers par la mise en œuvre de mesures pour une plus grande transparence du marché, une protection accrue des consommateurs et des investisseurs ainsi qu'une gestion plus efficace des crises financières sont tout aussi importantes.

En outre, à l'occasion du 20e anniversaire du Marché unique, la présidence donnera un nouvel élan à l'approfondissement du marché intérieur, par le biais de la promotion d'initiatives pertinentes, en soulignant notamment le rôle des PME. Le renforcement du marché unique est un élément important pour stimuler la croissance économique et faire progresser l'économie. La présidence promouvra également un marché unique numérique efficace, dans le cadre de l'Agenda numérique européen.

C. Une Europe plus pertinente aux yeux de ses citoyens, avec solidarité et cohésion sociale

La présidence chypriote s'emploiera à travailler pour rapprocher l'Europe de ses citoyens, en mettant l'accent sur l'emploi des jeunes, compte tenu de l'augmentation des taux de chômage au sein de l'Union. Par ailleurs, l'un des objectifs les plus importants de la présidence est la mise en place du régime d'asile européen commun d'ici fin 2012, se concentrant notamment sur le développement d'une coopération pratique entre les États membres afin de protéger les droits des personnes ayant besoin d'une protection internationale.

La présidence abordera également les questions relatives à l'Année européenne du vieillissement actif et de la solidarité entre les générations et les questions concernant la santé et le bien-être des enfants, telles que la prévention des maladies, la promotion d'un mode de vie sain, ainsi que la prévention et la lutte contre la pauvreté des enfants.

Des questions relatives à l'éducation et à la culture seront également soulignées, telles que la promotion de l'alphabétisation et l'offre d'une éducation et d'une formation plus qualitative, en vue de répondre aux besoins du marché de l'emploi. Les programmes financiers pertinents revêtent également une importance à cet égard.

La présidence insistera également sur la participation et l'implication accrues des partenaires sociaux, des ONG et des autorités locales à l'élaboration et la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020. Le nouveau cadre juridique pour la protection des données personnelles est une autre question prioritaire pour la présidence chypriote.

D. Une Europe dans le monde, plus proche de ses voisins

La présidence travaillera en étroite collaboration avec la haute représentante de l'Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité ainsi qu'avec le Service européen pour l'action extérieure, qui sont chargés des affaires extérieures et de sécurité et garantissent la cohérence et la continuité.

Un accent tout particulier sera mis sur la dimension méridionale de la politique européenne de voisinage, en vue de renforcer les relations avec les partenaires méditerranéens. En garantissant le pluralisme et une relation à multiples facettes, la multiplication des canaux de communication dans tous les domaines de la société pourra être favorisée.

La Présidence promouvra également tous les processus ayant trait à l'élargissement et s'emploiera à renforcer la sécurité alimentaire, en vue de mettre l'accent sur les objectifs de développement de l'UE et de garantir le progrès des engagements de l'Union en faveur du développement.

La croissance peut également être promue par le biais d'une politique commerciale extérieure de l'UE renforcée. La Présidence chypriote travaillera dans ce sens.

III. DISCUSSION

A. Remarques générales concernant la présidence chypriote

Mme Christiane Vienne, députée, souligne que le moment est crucial pour l'Union européenne et attire l'attention sur le contexte de crise bancaire et de difficultés économiques et sociales. La présidence chypriote arrive à un moment où nous devons faire des choix. Mme Vienne tient à mettre particulièrement en lumière trois de ces choix.

Premièrement, il est nécessaire d'élaborer un projet ambitieux pour la période 2014-2020, et en particulier un budget axé sur de nouvelles politiques. Si l'on veut une Europe ambitieuse, il faut aussi s'en donner les moyens.

Deuxièmement, il faut définir un pacte pour la croissance et l'emploi prévoyant des mesures politiques ambitieuses, sans impact négatif sur la politique sociale.

Troisièmement, il convient de lutter contre le dumping financier et social. L'Europe a enfin l'occasion d'imposer des principes éthiques clairs au secteur bancaire.

En outre, en assurant la présidence, Chypre a un grand rôle à jouer dans le cadre du renforcement de la cohésion, de la croissance et de la solidarité au sein de l'Union européenne.

Il s'agit donc de réclamer des moyens adéquats pour l'Union européenne, sous le contrôle toutefois du Parlement européen. Une taxe sur les transactions financières pourrait être un bon instrument dans ce contexte.

Mme Daphné Dumery, députée, remercie Chypre pour la clarté de la vision défendue dans le sens d'une Union plus efficace. Elle souligne en outre le fait que parallèlement à son propre programme, Chypre entend aussi mener à bien celui de la présidence précédente.

En ce qui concerne la prise de décisions, M. Kristof Waterschoot, député, aimerait savoir si la présidence chypriote accordera la priorité à une Europe considérée dans son ensemble ou si elle privilégiera plutôt des coalitions thématiques.

Mme Fatma Pehlivan, sénatrice, observe que toutes ces priorités sont soutenues sans réserve par l'Europe. Elles visent à favoriser une Europe sociale et politique qui puisse renforcer la crédibilité de l'UE aux yeux du citoyen. Le but est que l'Europe soit plus fiable, plus crédible, plus sociale, plus pluraliste et plus démocratique.

M. Andreas Mavroyiannis, ministre chypriote des Affaires européennes, répond qu'il est effectivement nécessaire d'élaborer un budget ambitieux et de nouvelles politiques audacieuses. La question se pose toutefois de savoir si l'on a les moyens de le faire. En Europe, la tendance générale est aux économies. On peut donc légitimement craindre qu'à un certain stade, l'Europe n'ait plus les moyens de ses ambitions. C'est la raison pour laquelle il faut se montrer extrêmement prudent. Il s'agit au moins d'optimiser les dépenses et de choisir les bonnes mesures à mettre en œuvre.

B. Mesures socioéconomiques

Mme Christiane Vienne, députée, aimerait savoir comment la présidence chypriote envisage de développer le pacte pour la croissance et l'emploi. Comment Chypre compte-t-elle s'y prendre pour aller plus loin en termes de gouvernance économique et qu'a-t-elle l'intention de faire pour mettre en œuvre les euro-obligations et la surveillance bancaire ? Quelles sont les mesures politiques qui s'imposent dans le cadre de la politique de cohésion, en particulier à l'égard des régions en transition ?

Mme Daphné Dumery, députée, demande comment on envisage de créer concrètement plus d'emplois. Veut-on subventionner des emplois ou plutôt créer de nouvelles opportunités pour les entreprises ?

M. Kristof Waterschoot, député, relève que le programme ne fait qu'effleurer les questions de la cohésion sociale et de l'union sociale, qui sont pourtant indispensables au développement d'une union économique et budgétaire. Il s'agit d'un objectif qui ne peut se réaliser en une seule présidence, et qui nécessite un processus plus long.

M. Andreas Mavroyiannis, ministre chypriote des Affaires européennes, répond que la priorité est de mettre en œuvre le pacte européen pour la croissance et l'emploi. Cela doit aller de pair avec une discipline fiscale, mais cela ne constitue pas un objectif en soi. Tout le monde parle de création d'emplois et de politique de l'emploi, mais la question est de savoir comment transposer toutes ces ambitions dans des mesures concrètes. Sur ce point, l'Union européenne doit être elle-même une partie de la solution, et non pas devenir une partie du problème. Plusieurs propositions de mesures visant à créer des emplois sont déjà sur la table. La présidence chypriote s'efforcera de poursuivre la mise en œuvre du pacte au cours du deuxième semestre de l'année 2012.

Les euro-obligations sont une bonne idée, mais elles ne font pas encore l'objet d'un consensus. En ce qui concerne la surveillance bancaire, plusieurs propositions sont actuellement à l'examen. Elles doivent être affinées et soutenues, en vue de mettre sur pied un vaste cadre réglementaire.

Le problème concernant les régions en transition fait l'objet d'une proposition de la Commission européenne, qui est débattue en ce moment. Les avis sont partagés au sein de l'Union européenne.

Dans le cadre de l'objectif de création d'emplois, on prévoit surtout des incitants et des formations. Il faut veiller à une meilleure adéquation entre l'enseignement, l'industrie et la recherche. La subvention d'emplois n'est plus vraiment à l'ordre du jour. En effet, si l'on met fin aux subventions un jour, on n'aura pas résolu le problème.

La cohésion sociale fait partie, avec la solidarité, des priorités absolues de la présidence chypriote. Toutes les mesures qui seront prises devront promouvoir ces deux objectifs. Il faut maintenir le modèle social actuel de l'Union européenne.

C. Mesures financières et commerciales

Mme Christiane Vienne, députée, demande si une coopération renforcée est possible entre les États membres qui ont ratifié la taxe sur les transactions financières ou si un consensus peut encore être trouvé entre les vingt-sept États membres et, dans l'affirmative, si cela est encore possible avant la fin de l'année.

Mme Daphné Dumery, députée, aimerait savoir si les difficultés budgétaires et économiques internes de Chypre peuvent avoir une incidence sur la présidence chypriote de l'Union européenne ou si ces deux choses sont conciliables.

M. Kristof Waterschoot, député, s'enquiert des priorités en matière de politique commerciale. Quelle orientation l'Union européenne donnera-t-elle à son action ?

M. Herman de Croo, député, aimerait en savoir plus sur la réputation qu'a Chypre d'être un paradis fiscal. Est-ce conforme à la réalité ? Comment Chypre fait-elle face à la pression des autres États membres pour casser cette réputation et pour contrôler les problèmes éventuels ou y remédier ?

M. Andreas Mavroyiannis, ministre chypriote des Affaires européennes, confirme qu'aucun accord n'est possible pour le moment en qui concerne la taxe sur les transactions financières, que ce soit au niveau international ou au niveau européen. Un accord entre les vingt-sept États membres n'est pas envisageable. La piste d'une coopération renforcée gagne donc en intérêt. Reste à savoir si cela sera réalisable avant la fin de la présidence chypriote.

Dans ce contexte, il faut également faire le lien avec le débat sur les ressources propres de l'Union européenne. La taxe en question sera-t-elle versée aux budgets nationaux ou au budget européen ?

Les problèmes économiques internes de Chypre et la présidence sont deux choses distinctes. Une présidence européenne est une priorité qui ne peut pas être hypothéquée par des problèmes internes. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la discussion sur les problèmes économiques et financiers rencontrés par un pays est essentiellement menée au sein de l'Eurogroupe, qui est doté de son propre président, ce qui exclut tout risque de confusion de points de vue ou de dossiers.

La politique commerciale est un aspect important de la politique étrangère européenne. Des accords seront conclus avec le Canada et Singapour. Les contacts avec d'autres pays tels que le Japon et les États-Unis restent intenses. Cela constituera toujours un volet important de la politique européenne.

Pour ce qui est de l'idée selon laquelle Chypre serait un paradis fiscal, il faut savoir que le régime fiscal chypriote a été étudié et examiné de manière approfondie par l'UE et par l'OCDE au cours des négociations d'adhésion ainsi que par la suite, et qu'il n'a pas été jugé irrégulier. Il est exact qu'il présente des spécificités liées à la situation économique du pays. Disposant d'une économie essentiellement axée sur les services, Chypre doit, dans certains cas, prendre des mesures fiscales avantageuses. Celles-ci ne sont cependant pas inéquitables ni de nature à induire une concurrence déloyale avec d'autres pays.

D. Schengen

Mme Daphné Dumery, députée, souligne l'importance d'une véritable politique Schengen, y compris en ces temps de crise. En septembre, les ministres de l'Intérieur poursuivront les travaux relatifs à la réforme de l'espace Schengen et à l'optimisation de la politique en la matière. La présidence chypriote a plaidé à cet égard pour « plus d'Europe ». Cela implique-t-il un rôle plus important pour la Commission européenne ou le Parlement européen ?

M. Andreas Mavroyiannis, ministre chypriote des Affaires européennes, se réfère à l'accord conclu par l'Union européenne et la Turquie sur la réadmission de ressortissants turcs. La Turquie n'a pas encore signé cet accord, qu'elle entend lier au débat sur la libéralisation des visas, ce qui est inacceptable pour l'Union européenne. Ce débat doit être mené séparément, indépendamment d'autres dossiers. L'on a toutefois bon espoir qu'une solution puisse être trouvée à brève échéance à ce sujet. D'ici là, il faudra cependant s'appuyer sur les accords bilatéraux existants.

Quant à Schengen en général, il s'agit d'une priorité majeure de l'UE en ce moment. Les tensions entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement n'ont en réalité pas grand-chose à voir avec la méthode communautaire en soi; elles sont liées à la question de savoir si la politique Schengen et les contrôles y afférents sont une compétence nationale ou européenne.

Il ne faut pas oublier que Schengen, qui est un véritable instrument européen, se fonde sur le principe de la confiance mutuelle entre les États membres. Les contrôles y afférents sont en grande partie basés sur un examen par des pairs (« peer review »). La politique et les contrôles en question ne peuvent dès lors pas être mis en œuvre par les instances européennes.

E. Politique étrangère

Mme Daphné Dumery, députée, demande comment l'Union européenne doit, selon Chypre, réagir à la situation en Syrie.

M. Andreas Mavroyiannis, ministre chypriote des Affaires européennes, ne peut actuellement pas prendre clairement position à ce sujet. Il s'agit d'une situation très dangereuse et explosive, qui, si elle se détériore, fera de Chypre un des premiers pays à devoir faire face à des afflux de réfugiés. Tout est actuellement mis en place dans ce domaine. Pour l'heure, on ne peut malheureusement pas être optimiste quant à un dénouement favorable en Syrie.

F. Relations avec la Turquie

Mme Daphné Dumery, députée, s'enquiert de l'impact des tensions entre Chypre et la Turquie sur les négociations d'adhésion avec la Turquie.

M. Kristof Waterschoot, député, soulève la même question. Le climat tendu entre la Turquie et Chypre influencera-t-il les relations entre la Turquie et l'Union européenne ?

Mme Fatma Pehlivan, sénatrice, relève que la Turquie a déjà déclaré qu'elle ne reconnaîtrait pas la présidence chypriote. Comment Chypre a-t-elle réagi ?

L'Europe traverse actuellement une grave crise économique, qui épargne la Turquie. La Turquie ne pourrait-elle pas venir en aide à l'Europe ?

Quinze dossiers sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne sont actuellement ouverts. Chypre a un rôle crucial à jouer dans ces dossiers. Chypre mènera-t-elle ces négociations de manière constructive ? Quels sont les dossiers que cette présidence voudra absolument examiner ?

Parviendra-t-on un jour à résoudre durablement la question de la division de l'île ? La fête nationale sera célébrée le 20 juillet en Chypre du Nord. Ne serait-ce pas l'occasion de débloquer la situation ? Bien des événements se sont produits depuis 1974. La Belgique montre aujourd'hui l'exemple d'une coexistence pacifique entre plusieurs communautés, qui doit aussi être envisageable à Chypre. L'heure est peut-être venue de réunir les deux communautés et de résoudre la situation de manière définitive. Le sud de Chypre détient les clés du problème. Dans les années 90, l'impasse a été totale lorsque le sud de l'île a rejeté le plan de Kofi Annan, alors que le Nord l'avait accepté. Quelles initiatives va-t-on prendre aujourd'hui pour régler ce dossier ?

M. Andreas Mavroyiannis, ministre chypriote des Affaires européennes, confirme que la Turquie refuse de collaborer avec Chypre et hypothèque par là même ses relations avec l'Union européenne. Cette attitude est cependant inacceptable, comme l'a confirmé le Conseil européen. Un pays tiers, qu'il soit ou non candidat à l'adhésion, ne peut pas s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Union européenne.

L'Union européenne entend ouvrir de nouveaux chapitres dans les négociations d'adhésion, mais la Turquie boycotte les entretiens parce qu'elle refuse de dialoguer avec la présidence chypriote. Voilà sur quoi les pourparlers d'adhésion achoppent actuellement.

Il est simpliste d'accepter les déclarations de la Turquie qui soutient que la situation économique de l'Union européenne est très mauvaise, alors que la Turquie s'en sort beaucoup mieux, et peut donc parfaitement venir en aide à l'Europe. Ces propos pourraient paraître offensants aux yeux de nombreux États membres de l'Union européenne. Un pays tiers n'a pas à émettre un jugement sur la situation et la politique de l'Union, et c'est avant tout à l'Union elle-même qu'il revient de redresser la situation en puisant dans ses propres ressources.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que si aujourd'hui, la Turquie était déjà membre de l'Union européenne, elle profiterait de tous les fonds de cohésion du budget actuel. La situation économique de la Turquie n'est peut-être pas mauvaise, mais elle a encore un long chemin à parcourir.

Il est choquant d'entendre dire que le sud serait responsable de la division du pays, alors que c'est lui qui, en 1974, a subi une invasion militaire, avec toutes les conséquences que cela suppose. Un ressortissant de Chypre ne pourra que se sentir choqué et offensé par toute personne assimilant le 20 juillet, date de l'invasion de Chypre, à un jour de fête nationale. En 1974, un tiers de la population s'est retrouvé réfugié dans son propre pays. Une telle situation ne se fête pas.

Chypre est favorable à l'adhésion de la Turquie à condition qu'elle mette un terme à l'occupation d'un État membre de l'Union européenne et adhère inconditionnellement aux normes et valeurs européennes. Ce point de vue est motivé par le fait qu'un bon voisinage pourra être plus facilement organisé si les deux pays sont membres de l'Union européenne. Il profitera aussi à la population du nord de Chypre qui souffre également de l'occupation et de l'afflux de migrants et de colons de la Turquie proprement dite. Mais la Turquie doit adhérer à l'Union européenne aux conditions de l'Europe et non à ses propres conditions.

Le gouvernement chypriote entend résoudre la division du pays. Il veut mettre un terme à l'occupation militaire d'une partie du territoire. Toutes les organisations internationales reconnaissent que la seule solution est de mettre fin à cette occupation. Seule une Chypre réunifiée pourra se tourner résolument vers l'avenir.

Les présidents-rapporteurs,
Philippe MAHOUX (S), André FLAHAUT (Ch.).