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Mme la présidente. - Je vous propose de joindre ces questions orales. (Assentiment)
Mme Christie Morreale (PS). - Dans le cadre du plan pluriannuel 2013-2025, Infrabel envisagerait de répertorier les lignes ferroviaires en trois catégories et de ne plus investir dans la maintenance de certaines lignes régionales, à savoir les lignes C. Ces dernières seraient donc purement et simplement vouées à disparaître à court terme. L'Ourthe-Amblève serait ainsi privée de train, le plan prévoyant que les lignes 42 et 43, reliant respectivement Liège à Gouvy et Liège à Jemelle, ne seraient plus entretenues. En tant qu'échevine à Esneux, une commune traversée par ces lignes, mais aussi en tant que parlementaire, je suis, comme de nombreux utilisateurs, très inquiète de cette situation.
Outre les conséquences désastreuses que ces mesures ne manqueront pas d'avoir sur le plan de la mobilité dans ces zones semi-rurales et rurales, ainsi que sur le tourisme et l'environnement, nombre de navetteurs - qu'ils soient étudiants ou travailleurs - se verraient ainsi privés de leur moyen de locomotion.
Selon les informations dont je dispose, la ligne 43 voit passer plusieurs milliers de voyageurs par jour.
Par ailleurs, depuis 2004 au moins, Infrabel a porté à notre connaissance que les passages à niveau 7, 8 et 10 sont classés parmi les deux cents plus dangereux de Belgique. Alors que cet état de dangerosité est une des composantes principales du problème lié au remplacement du pont de Tilff et qu'une convention tripartite existe depuis 2008, qu'en sera-t-il de la reconduction de cette convention, signée par la Commune d'Esneux et envoyée à Infrabel il y a trois semaines environ ? Cette convention devrait concrétiser ce projet de déplacement du pont et la suppression de trois passages à niveau.
Alors qu'une solution vient à peine d'être trouvée pour débloquer la saga du pont de Tilff, intimement liée au problème engendré par l'existence des passages à niveau, je m'interroge sur ces mesures visant à faire disparaître une ligne de train pourtant très fréquentée aux heures de pointe. La suppression de cette ligne de train irait à l'encontre des objectifs liés à la mobilité et à l'environnement. De nombreux citoyens résidant dans les communes d'Ourthe-Amblève ont renoncé à l'achat d'une voiture parce qu'ils disposaient d'une ligne de chemin de fer leur permettant de rejoindre leur lieu de travail. Je pense à de nombreux étudiants et professeurs, notamment des athénées d'Aywaille et d'Esneux.
Les arguments en faveur du maintien de ces lignes sont nombreux. En matière de justice par exemple, le ressort territorial de la cour d'appel pour les Liégeois s'étend jusqu'aux provinces du Luxembourg et de Namur. En bonne logique de service public, garder une liaison pour les habitants concernés est essentiel.
Alors que, depuis 2010, Infrabel a procédé au doublement de la ligne 43, il serait incompréhensible de voir disparaître cette ligne.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous rassurer en confirmant que ces mesures ne peuvent pas avoir été validées par Infrabel, que la convention pour le pont de Tilff ne sera pas remise en cause et sera bien signée et que, s'il devait y avoir une diminution des investissements pour des raisons d'économie, vous ne cautionneriez pas une mesure qui mettrait en péril la viabilité de ces lignes ?
Mme Vanessa Matz (cdH). - Le Conseil d'administration d'Infrabel a finalement adopté la semaine dernière le plan d'investissement 2013-2025. Parmi les décisions entérinées lors du Conseil figurent notamment les mesures liées à l'entretien des lignes qui, en fonction de la catégorie dans laquelle elles se trouvent, seront ou ne seront plus entretenues à l'avenir.
Ainsi, la catégorie A qui reprend la dorsale wallonne continuera à recevoir des investissements d'entretien. Des investissements seront encore réalisés dans la catégorie B, qui reprend notamment la ligne Namur-Luxembourg, mais seulement pendant cinq ans. Quant à la catégorie C, qui reprend les lignes Liège-Jemelle et Liège-Rivage-Gouvy, plus aucun entretien ne serait effectué.
En d'autres termes, la suppression de l'entretien de ces lignes signifie à très court terme leur suppression pure et simple pour défaut d'entretien et pour des raisons évidentes de sécurité.
Les lignes 42 et 43, qui passent notamment par ma commune d'Aywaille, drainent chaque jour des centaines de navetteurs pour qui le train est souvent le seul moyen de transport dont ils disposent pour se rendre au travail ou à l'école.
Ne parlons même pas des très nombreux touristes et mouvements de jeunesse qui visitent chaque année notre belle région en empruntant ces trains pendant les vacances scolaires, ni du trafic marchandises, fréquent sur ce secteur du réseau.
Quand on analyse ces futures mesures à la lueur d'une carte de la Belgique et sans vouloir faire de sous-localisme, il apparaît nettement un appauvrissement quasi total de la Province de Luxembourg et du sud de la Province de Liège. On pourrait même parler d'une désertification du réseau ferroviaire wallon.
C'est inquiétant et révoltant. On assiste à un retour en arrière pour les navetteurs de la région d'Ourthe-Amblève qui seront confrontés à des problèmes de mobilité énormes, s'ils n'ont pas la chance de disposer d'un véhicule. Et même s'ils en disposaient, ils se retrouveraient sur des axes routiers embouteillés à cause de la réapparition de nombreux camions dont les conteneurs étaient auparavant transportés par rail.
Comment en est-on arrivé là ? N'y a-t-il pas d'autres solutions pour faire des économies et pour renflouer la dette colossale du groupe SNCB ? La mission de service public de la SNCB ne doit-elle pas s'appliquer à tout le territoire belge ?
Au niveau des mesures concrètes concernant la région d'Ourthe-Amblève, confirmez-vous les décisions entérinées à propos du non-entretien futur des lignes C, dont les lignes 42 et 43 ? Sur quels critères s'est-on basé pour arriver à cette conclusion ? Des alternatives optimales visant à ne pas léser l'usager sont-elles prévues ?
Pouvez-vous nous dire, en tant que ministre de tutelle, représentant l'État actionnaire, quelles sont vos intentions au sujet de ce plan pluriannuel d'investissement ? Comptez-vous en modifier certaines mesures ? Quel est le calendrier par rapport aux décisions budgétaires qui doivent être prises rapidement ? Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?
M. Paul Magnette, ministre des Entreprises publiques, de la Politique scientifique et de la Coopération au développement, chargé des Grandes Villes. - À ce stade, aucune suppression de ligne - et aucune suppression d'entretien de ligne - n'a été décidée. Infrabel doit encore me communiquer son plan d'investissement avalisé par son conseil d'administration. Ce plan doit ensuite être consolidé avec ceux des deux autres sociétés du groupe. Nous devons ensuite mener des consultations avec les régions et ce n'est qu'après celles-ci que le plan devra être adopté par le conseil des ministres. Nous nous trouvons donc très en amont de quelque décision que ce soit à propos de ces lignes. Je tenais à rassurer les personnes qui nourriraient des inquiétudes dans les régions où ces bruits circulent.
Comme je l'ai dit à la Chambre, il est toujours loisible aux sénateurs d'inviter les représentants ou dirigeants des sociétés du Groupe SNCB à venir s'expliquer sur leur méthodologie de classification des lignes. Ce sont des décisions techniques qui relèvent de l'autonomie de ces entreprises publiques autonomes.
Quant au PPI, qui relève d'une décision du conseil des ministres, il vous sera expliqué dans le détail.
Il ne faut pas non plus perdre de vue qu'il existe une possibilité pour les régions de contribuer, au travers de cofinancements, à maintenir une ligne à un certain niveau de performance, voire à développer certaines lignes, si elles le souhaitent, à l'instar de ce qui se fait déjà sur la quasi-totalité des réseaux européens, conformément par ailleurs à la déclaration de politique générale du gouvernement fédéral. En effet, les régions auront la possibilité d'apporter un financement additionnel pour l'aménagement, l'adaptation ou la modernisation des lignes de chemin de fer. Le plan pluriannuel d'investissement prévoira une enveloppe d'investissements fédéraux pour un certain nombre de ces projets, que les régions pourront venir compléter avec des crédits régionaux si elles le souhaitent.
En ce qui concerne Tilff, la convention signée par Infrabel, par la Région wallonne et par la commune le 2 février 2009 prévoit le partage des coûts des investissements nécessaires à la réalisation de divers ouvrages pour supprimer trois passages à niveau et remplacer le pont de Tilff. À la suite de l'étude d'incidence terminée en début d'année, le projet a été modifié.
Selon Infrabel, les travaux de suppression du passage à niveau 10 et du remplacement du pont de Tilff sont indépendants des travaux de suppression des passages à niveau 7 et 8, ce qui permettrait une planification décalée des travaux.
Le projet initial ayant été modifié, un projet d'avenant à la convention du 2 février 2009 est actuellement en cours d'élaboration. Le gouvernement examinera ce dossier dans le cadre de la discussion relative au projet de plan pluriannuel d'investissement et confirmera la possibilité de suivre cet avenant au projet initial en tenant compte du résultat des études d'incidence.
Mme Christie Morreale (PS). - À ce stade, la réponse de M. le ministre est rassurante. Cependant, nous recevons des informations et nous entendons des rumeurs relatives à un gel des investissements qui entraînerait à terme la suppression de ces lignes régionales.
En ce qui concerne les passages à niveau, j'estime qu'il serait possible de programmer une planification dans le temps. Le passage à niveau numéro dix est l'un des plus fréquentés et des plus dangereux. Il serait dommage que le gouvernement fédéral ne puisse pas prendre de décision dans la foulée. Le processus, qui a déjà mis beaucoup de temps à venir à maturité, serait encore retardé.
Pour les études d'incidence, Infrabel était présent aux réunions du comité d'accompagnement et a soutenu le projet validé à l'unanimité par ses membres. Dès lors, la commune d'Esneux espère que le projet pourra être validé par le gouvernement.
La prise en charge par la Wallonie pourrait constituer une piste, mais il ne faudrait pas que le fédéral décide brusquement un gel d'investissement sans concertation avec les entités fédérées.
Vous nous avez indiqué que des concertations allaient avoir lieu. J'espère que l'usager ne sera pas lésé et que des lignes importantes pour de très nombreux navetteurs seront maintenues, sachant que dans des communes rurales et semi-rurales, la mobilité reste un élément important. Il est essentiel qu'elles puissent disposer de réseaux structurants comme le train.
Mme Vanessa Matz (cdH). - Monsieur le ministre, vous dites que ce ne sont à ce stade que des bruits, des rumeurs, mais vous dites aussi que le plan a été approuvé. En l'état actuel, le plan contient cette perspective.
Pour des dossiers techniques, l'idée d'inviter les responsables des différentes entités n'est pas mauvaise. Cependant, il s'agit en l'occurrence d'un problème éminemment politique. La véritable question est la suivante : la SNCB a-t-elle encore l'intention d'investir dans des régions moins peuplées ?
Je présume que le gouvernement se saisira de ce plan dans sa globalité pour voir dans quelle direction il veut que le service public ferroviaire soit dirigé.
Quant à la question du cofinancement des Régions, j'ai l'impression que le gouvernement capitule déjà en rase campagne. Il est vrai qu'il est dans l'air du temps de considérer que l'État fédéral ne pourra plus assumer et que les Régions devront prendre le relais.
J'espère que le gouvernement nous fera rapidement part de décisions se démarquant nettement des options retenues par les entités de la SNCB, bref de décisions rassurantes pour tous les Wallons. En effet, il ne faut pas oublier que le plan ne se limite pas aux deux lignes que nous venons de soulever. D'autres désinvestissements tout aussi inquiétants sont également prévus.