5-1725/1

5-1725/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

19 JUILLET 2012


RÉVISION DE LA CONSTITUTION


Proposition de révision de l'article 68 de la Constitution

(Déposée par Mme Freya Piryns, MM. Philippe Mahoux, Bert Anciaux, Bart Tommelein, Dirk Claes, Marcel Cheron, Francis Delpérée et Mme Christine Defraigne)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de révision de la Constitution doit être lue conjointement avec les autres propositions de révision des articles 43, 44, 46, 56, 57, 64, 67, 69, 70, 71, 72, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 100, 119 et 167 de la Constitution, déposées concomitamment au Parlement (Doc. Sénat nos 5-1720/1; 5-1721/1; 5-1722/1; 5-1731/1; 5-1732/1; 5-1723/1; 5-1724/1; 5-1726/1; 5-1727/1; 5-1728/1; 5-1729/1; 5-1734/1; 5-1737/1; 5-1738/1; 1735/1; 5-1736/1; 5-1739/1; 5-1740/1; 5-1741/1; 5-1742/1; 5-1733/1; 5-1730/1; 5-1743/1). Les développements joints à la proposition de révision de l'article 43 (Doc. Sénat, nº 5-1720/1) donnent un aperçu de l'ensemble de la réforme du système bicaméral.

Conformément à la déclaration de révision du 7 mai 2010 (Moniteur belge du 7 mai 2010), l'article 68 de la Constitution est ouvert à révision.

La présente révision vise à modifier le mode de désignation des sénateurs. Aujourd'hui, la répartition entre les formations politiques des sièges de sénateurs de communauté et de sénateurs cooptés est basée sur le résultat des élections des sénateurs élus directement. Dans le futur Sénat, il n'y aura plus de sénateurs élus directement. Ce système doit dès lors être modifié.

Répartition des sièges des sénateurs des entités fédérées

La révision a pour but de répartir les sièges des sénateurs des entités fédérées sur la base des élections pour les parlements de communauté et de région.

Cette répartition se fera par groupe linguistique. Ainsi, les vingt-neuf sièges de sénateurs des entités fédérées qui feront partie du groupe linguistique néerlandais seront répartis en fonction des résultats de la dernière élection du Parlement flamand. Pour la répartition des sièges des sénateurs des entités fédérées qui font partie du groupe linguistique français, le chiffre électoral des listes présentées aux élections du Parlement de la Région wallonne sera additionné au chiffre électoral des listes présentées pour le groupe linguistique français aux élections du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

La répartition se fera en tout cas selon un système qui garantit une représentation proportionnelle en une seule dévolution. Ce système sera plus amplement élaboré par le législateur.

Pour la désignation du sénateur de la Communauté germanophone, le système actuel est maintenu.

Répartition des sénateurs cooptés

L'Accord institutionnel prévoit que les sénateurs cooptés seront répartis selon le nombre de votes exprimés pour l'élection de la Chambre des représentants. Le nombre de sièges qui revient à chaque groupe linguistique étant fixé, la répartition doit également se faire par groupe linguistique.

Pour le groupe linguistique néerlandais, cette répartition se fera sur la base des votes dans les circonscriptions de la Flandre Occidentale, de la Flandre Orientale, du Limbourg, d'Anvers, du Brabant flamand et de Bruxelles-Capitale, et pour le groupe linguistique français sur la base des votes exprimés dans les circonscriptions du Hainaut, de Namur, de Liège, du Luxembourg, du Brabant wallon, de Bruxelles-Capitale et de l'arrondissement administratif de Hal-Vilvorde.

Le législateur spécial déterminera les circonscriptions territoriales qui sont prises en considération pour la répartition des sièges des sénateurs cooptés du groupe linguistique néerlandais, respectivement du groupe linguistique français du Sénat.

La présente proposition relève de la recherche d'un indispensable équilibre entre les intérêts des différentes communautés et régions au sein de l'État belge, et vise à éviter de nouveaux affrontements communautaires. La Cour constitutionnelle a déjà retenu à de nombreuses occasions l'importance de telles mesures pour l'équilibre et la paix communautaires. Elle a aussi reconnu leur validité au regard des principes d'égalité et de non-discrimination, pour autant que les mesures soient proportionnées à l'objectif poursuivi.

Cette proposition doit donc être lue conjointement avec la proposition de loi spéciale portant modification du Code électoral, déposée simultanément au Parlement avec la présente proposition de révision de la Constitution (Doc. Sénat, nº 5-1745/1). Ces deux propositions révèlent une unité d'intention certaine et non équivoque entre la présente démarche du Constituant, d'une part, et la proposition de loi spéciale modifiant le Code électoral soumise concomitamment au Parlement d'autre part.

La section législation du Conseil d'État confirme cette position et reconnait que c'est en essence la tâche du législateur de déterminer de quelle manière il y a lieu d'atteindre l'équilibre recherché.

« Comme l'indique notamment la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour constitutionnelle, lorsque l'on apprécie divers éléments d'une réforme de l'État, il importe de considérer l'ensemble de la réforme. Lorsque l'on cherche à atteindre un équilibre au sein de l'État fédéral au moyen d'un ensemble complexe de règles, une certaine limitation des droits fondamentaux ou une certaine différence de traitement entre des catégories de personnes peut se justifier au regard de l'objectif poursuivi par l'ensemble de la réforme — « [la sauvegarde d'] un intérêt public supérieur » —, à tout le moins dans la mesure où les mesures prises peuvent être raisonnablement considérées comme n'étant pas disproportionnées à l'objectif poursuivi par le législateur. C'est d'autant plus vrai lorsque « l'équilibre ainsi créé repose sur un large consensus entre les communautés ».

Dans une telle matière, c'est par essence au législateur qu'il appartient de juger de quelle manière il y a lieu d'atteindre l'équilibre recherché (1) . »

Une liste ne peut être prise en considération qu'une seule fois. Si une liste a déjà été prise en compte pour la répartition des sièges du groupe linguistique néerlandais, cette liste ne sera plus prise en considération pour le calcul des voix du groupe linguistique français, et réciproquement.

Le législateur précisera davantage ces règles.

La cooptation des sénateurs aura lieu après l'élection de la Chambre des représentants sur la base du système de représentation proportionnelle utilisé à l'article 63, § 2, de la Constitution, à savoir le système du plus grand reste. Le législateur précise les modalités de ce système du plus grand reste.

Les formations politiques de chaque groupe linguistique du Sénat procèdent à la désignation d'autant de candidats que de sénateurs cooptés qui leur reviennent.

Disposition transitoire

Puisqu'en 2014, les élections fédérales et les élections des entités fédérées se tiendront nécessairement en même temps à la suite de la lecture conjointe des propositions de révision des articles 46, 65, 117 et 118, § 2, alinéa 4, de la Constitution (Doc. Sénat, nos 5-1722/1; 5-1750/1; 5-1751/1; 5-1752/1), la réforme du Sénat devrait entrer en vigueur à ce moment-là de sorte que le Sénat puisse être renouvelé dans son entièreté sur la base du résultat de ces élections.

Cette disposition entrera par conséquent en vigueur le jour des élections des parlements de communauté et de région en 2014, comme l'ensemble de la réforme du Sénat.

Freya PIRYNS.
Philippe MAHOUX.
Bert ANCIAUX.
Bart TOMMELEIN.
Dirk CLAES.
Marcel CHERON.
Francis DELPÉRÉE.
Christine DEFRAIGNE.

PROPOSITION


Article unique

L'article 68 de la Constitution, modifié par la révision de la Constitution du 25 février 2005, est remplacé par ce qui suit:

« Art. 68.

§ 1er. Les sièges du Sénat visés à l'article 67, § 1er, 1º, sont répartis entre les listes en fonction de l'addition des chiffres électoraux des listes obtenus dans les différentes circonscriptions électorales à l'élection du Parlement flamand selon les modalités prévues par la loi et ce, suivant le système de la représentation proportionnelle que la loi détermine.

Les listes, dont les chiffres électoraux sont additionnés en vertu de l'alinéa précédent, ne peuvent participer à la répartition des sièges du Sénat visés à l'article 67, § 1er, 1º, que si elles ont obtenu au moins un siège au Parlement flamand.

Les sièges du Sénat visés à l'article 67, § 1er, 2º à 4º, sont répartis entre les listes en fonction de l'addition des chiffres électoraux des listes obtenus aux élections du Parlement de la Région wallonne et des listes pour le groupe linguistique français obtenus dans les différentes circonscriptions aux élections du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale selon les modalités prévues par la loi et ce, suivant le système de la représentation proportionnelle que la loi détermine.

Les listes, dont les chiffres électoraux sont additionnés en vertu de l'alinéa précédent, ne peuvent participer à la répartition des sièges du Sénat visés à l'article 67, § 1er, 2º à 4º, que si elles ont obtenu au moins un siège respectivement au Parlement wallon, au Parlement de la Communauté française et au groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

La loi règle la désignation des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1º à 4º, à l'exception des modalités déterminées par une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, qui sont réglées par décret par les parlements de communauté, chacun en ce qui le concerne. Ce décret doit être adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, à condition que la majorité des membres du Parlement concerné soit présente.

Le sénateur visé à l'article 67, § 1er, 5º, est désigné par le Parlement de la Communauté germanophone à la majorité absolue des suffrages exprimés.

§ 2. Les sièges du Sénat visés à l'article 67, § 1er, 6º et 7º, sont répartis entre les listes en fonction du chiffre électoral des listes obtenu à l'élection de la Chambre des représentants selon les modalités prévues par la loi, suivant le système de la représentation proportionnelle que la loi détermine. Ce système est celui utilisé à l'article 63, § 2, de la Constitution. Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, détermine les circonscriptions territoriales dont les voix sont prises en compte pour la répartition des sièges des sénateurs cooptés du groupe linguistique néerlandais, respectivement du groupe linguistique français du Sénat.

Une liste ne peut être prise en considération que pour la répartition des sièges d'un seul groupe linguistique.

La loi règle la désignation des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 6º et 7º.

Disposition transitoire

Le présent article entre en vigueur le jour des élections en vue du renouvellement intégral des parlements de communauté et de région en 2014. Jusqu'à cette date, les dispositions suivantes restent d'application:

§ 1er. Le nombre total des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1º, 2º, 3º, 4º, 6º et 7º, est réparti au sein de chaque groupe linguistique en fonction du chiffre électoral des listes obtenu à l'élection des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1º et 2º, suivant le système de la représentation proportionnelle que la loi détermine.

Pour la désignation des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 3º et 4º, sont uniquement prises en considération les listes sur lesquelles au moins un sénateur visé à l'article 67, § 1er, 1º et 2º, est élu et pour autant qu'un nombre suffisant de membres élus sur ces listes siège, selon le cas, au sein du Parlement de la Communauté flamande ou du Parlement de la Communauté française.

Pour la désignation des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 6º et 7º, sont uniquement prises en considération les listes sur lesquelles au moins un sénateur visé à l'article 67, § 1er, 1º et 2º, est élu.

§ 2. Pour l'élection des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1º et 2º, le vote est obligatoire et secret. Il a lieu à la commune, sauf les exceptions que la loi détermine.

§ 3. Pour l'élection des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 1º et 2º, la loi détermine les circonscriptions électorales et la composition des collèges électoraux; elle détermine en outre les conditions auxquelles il faut satisfaire pour pouvoir être électeur, de même que le déroulement des opérations électorales.

La loi règle la désignation des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 3º à 5º, à l'exception des modalités désignées par une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, qui sont réglées par décret par les parlements de communauté, chacun en ce qui le concerne. Ce décret doit être adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, à condition que la majorité des membres du Parlement concerné soit présente.

Le sénateur visé à l'article 67, § 1er, 5º, est désigné par le Parlement de la Communauté germanophone à la majorité absolue des suffrages exprimés.

La loi règle la désignation des sénateurs visés à l'article 67, § 1er, 6º et 7º. »

12 juillet 2012.

Freya PIRYNS.
Philippe MAHOUX.
Bert ANCIAUX.
Bart TOMMELEIN.
Dirk CLAES.
Marcel CHERON.
Francis DELPÉRÉE.
Christine DEFRAIGNE.

(1) Doc. Parl. Sénat, 2011-2012, 5-1565/2, p. 6.