5-1663/1 (Sénat) 53-2296/001 (Chambre) | 5-1663/1 (Sénat) 53-2296/001 (Chambre) |
14 JUIN 2012
I. INTRODUCTION
Le mardi 12 juin 2012, le Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes a organisé un échange de vues avec M. Steven Vanackere, vice-premier ministre et ministre des Finances et du Développement durable, chargé de la Fonction publique.
L'objectif était de consacrer une première discussion aux propositions de la Commission européenne relatives au budget pluriannuel européen 2014-2020 et à l'état d'avancement des négociations.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. STEVEN VANACKERE, VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DES FINANCES ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, CHARGÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE
L'importance d'un échange de vues sur le cadre financier pluriannuel (CFP) ne doit pas être sous-estimée. En effet, le CFP fixe les plafonds de dépenses pour une période de sept ans (2014-2020) applicables aux politiques de l'Union européenne (UE). Il définit ainsi les priorités de l'UE dans les grandes lignes, garantit la prévisibilité et la continuité des dépenses européennes et écarte ou réduit tout risque d'enlisement des négociations au sujet du budget annuel.
Un autre élément tout aussi important est le fait qu'il s'agit d'un budget d'investissements qui permettra de lancer des projets de grande envergure et de réaliser des économies d'échelle. Lors de chaque réunion du Conseil, la Belgique n'a de cesse de répéter qu'un euro européen vaut plus qu'un euro national. Le CFP veille à ce que ces investissements soient les plus conformes possibles à la stratégie Europe 2020 et est donc un instrument de premier plan pour promouvoir une croissance intelligente, durable et inclusive.
A. Qu'a-t-on fait jusqu'à présent et où en est-on dans les négociations ?
En juin 2011, la Commission européenne a présenté une proposition de budget pluriannuel.
Du côté des dépenses, la Commission propose de plafonner les engagements à 1,05 % du revenu national brut (RNB) de l'UE (1 025 milliards d'euros en prix de 2011) et les paiements à 1 % (972,2 milliards d'euros). Cela équivaut à une croissance nulle en termes réels. Seule l'inflation est prise en compte.
Par ailleurs, la Commission a proposé aussi un certain nombre de dépenses en dehors de ce cadre budgétaire et ce, pour un montant total de 58 milliards d'euros, soit 0,06 % du RNB. Ces dépenses sont destinées à financer, entre autres, le Fonds européen de développement et plusieurs grands projets.
Au total, la Commission propose donc un budget de 1 083 milliards d'euros, ce qui représente 1,11 % du RNB.
Du côté des recettes, la Commission propose plusieurs grandes réformes nouvelles:
— la source de revenus actuelle provenant de la TVA pourra être supprimée et remplacée par une nouvelle source de revenus liée à l'instauration d'une assiette uniforme en matière de TVA;
— une taxe sur les transactions financières pourra être instaurée; deux tiers des recettes pourraient être affectées au budget européen et le dernier tiers reviendrait aux États membres;
— les mécanismes de correction (Rebates) pourront être modifiés;
— le taux des prélèvements sur les droits de douane pourra être diminué et passer de 25 % à 10 %, ce qui est difficile à accepter par des pays comme la Belgique où les importations et exportations jouent un rôle considérable.
Toutes ces propositions ont été examinées au niveau technique durant la présidence polonaise et lors d'une première réunion informelle du Conseil Affaires générales. Ensuite, sous la présidence danoise, il y a eu plusieurs discussions exploratoires au niveau politique, notamment lors du Conseil ECOFIN informel, le 30 mars à Copenhague.
Sur la base de ces échanges de vues, la présidence danoise a élaboré un document qui doit servir de base aux négociations (Negotiating Box). Il s'agit d'un avant-projet qui esquisse les conclusions du Conseil européen et dans lequel les différentes options possibles sont mentionnées entre crochets.
L'examen de cette « Negotiating Box » a été entamé le 11 juin 2012 lors du Conseil informel Affaires générales et il a été poursuivi le 26 juin, lors du Conseil formel Affaires générales, et le 28 juin, à l'occasion du Conseil européen.
Le Danemark n'a pas l'ambition de finaliser un accord d'ici fin juin 2012. L'idée est que ce CFP soit abordé une première fois lors du Conseil européen du 28 juin. L'objectif est de réduire autant que possible le fossé entre les États membres et de parvenir à un accord sur plusieurs grands principes et sur la suite des travaux sous la présidence chypriote.
Lors de ce Conseil européen, aucun chiffre concret ne sera avancé. Les vraies négociations ne font en effet que commencer et le but est d'amener le Conseil et le Parlement européen à conclure un accord d'ici la fin de 2012.
B. Principes fondamentaux pour la Belgique en ce qui concerne les dépenses
Avant de parcourir en détail les différentes rubriques, cinq au total, il est important de rappeler d'abord la position générale que la Belgique défendra. Pour la Belgique, la Commission a élaboré une proposition équilibrée qui — idéalement — serait très proche du compromis auquel le Conseil devrait aboutir en fin de course. Nous voulons un cadre financier pluriannuel ambitieux, qui est un élément essentiel de la stratégie de croissance de l'Union européenne. Certains états-membres ont signé une lettre indiquant que la proposition de la Commission est trop élevée d'environ 100 milliards d'euros. La Belgique ne partage pas cette opinion. Néanmoins, il est clair que beaucoup de pays veulent que l'Europe économise comme font les pays-membres de l'Union européenne. Pour la Belgique, uniquement un budget suffisamment élevé garantit la valeur ajouté de la coopération européenne vis-à-vis les politiques uniquement nationales.
Quand on regarde plus en détail les cinq grandes rubriques que la Commission propose, la première rubrique comprend deux volets.
La rubrique 1a (« compétitivité ») est au cur de la mise en uvre de la stratégie UE 2020 pour la croissance et l'emploi parce qu'elle soutient la recherche, le développement et l'innovation basés sur l'excellence, ce qui est un principe important pour la Belgique. En plus, elle investit dans les compétences humaines, et elle permet le développement des réseaux européens d'infrastructure, comme le programme « Connecting Europe Facility » dans les domaines du transport, de l'énergie et de l'informatique. Pour la rubrique 1a, la Commission propose une augmentation de 11 % (490 milliards).
En ce qui concerne la rubrique 1b (« la politique de cohésion »), la Commission propose une augmentation de 2 % (soit au total 376 milliards pour la période de sept ans). La nouveauté principale est une nouvelle structure de politique de cohésion, constituée de trois catégories de régions:
— des régions moins développées avec un PIB de moins de 75 % du PIB moyen de l'UE;
— des régions en transition, c'est-à-dire toutes les régions dont le PIB par habitant se situe entre 75 % et 90 % du PIB moyen de l'UE;
— des régions les plus développées avec un PIB de plus de 90 % du PIB moyen de l'UE.
La rubrique 2 (« Croissance durable et ressources naturelles ») comprend notamment les dépenses liées à la politique agricole commune. La Commission propose de diminuer ces dépenses de 11 % dans le prochain budget pluriannuel (les ramenant ainsi de 432,2 milliards à 382,9 milliards sur l'ensemble de la période). La raison en est notamment la diminution progressive de l'aide directe octroyée aux agriculteurs. Il s'agit d'un point sensible pour la Belgique.
Notre pays a beaucoup moins de réserves à émettre à propos des catégories 3 (« Sécurité et citoyenneté »), 4 (« L'Europe dans le monde ») et 5 (« Administration »), qu'il juge acceptables dans les grandes lignes.
En ce qui concerne la discipline budgétaire, il y a encore, dans la proposition de la Commission, un élément très important, à savoir la conditionnalité macroéconomique. La Commission propose d'établir un lien entre, d'une part, le respect par les États membres des obligations qui leur incombent dans le cadre de la gouvernance économique qui a pris forme ces derniers mois, notamment avec la procédure de déficit excessif, la procédure concernant les déséquilibres excessifs, etc.) et, d'autre part, le financement européen par le biais des fonds structurels et du fonds de cohésion. Le raisonnement sous-jacent est qu'il serait malvenu, à l'égard des citoyens européens, de défendre l'idée que les États membres qui n'ont pas donné suite aux recommandations budgétaires et socioéconomiques répétées puissent malgré tout continuer à bénéficier de fonds structurels européens.
Il va de soi que la Belgique reconnaît l'importance d'un contexte macro-économique et budgétaire sain, mais s'interroge encore sur la conditionnalité macro-économique telle que proposée. En ce qui concerne sa mise en uvre, il faut qu'elle soit graduelle, proportionnée et pas en contradiction avec les objectifs propres de la politique de cohésion. Ce point mérite une discussion très nuancée. Il faut éviter de tomber dans le piège de positions extrémistes. L'Europe peut imposer des conditions, mais les fonds européens ont leur propre logique. On ne peut pas les utiliser comme moyen de chantage pour arracher les conditions budgétaires.
C. Principes fondamentaux pour la Belgique en ce qui concerne les recettes
Le « Negotiating Box » reste très général à ce stade sur la question des revenus, y inclus celle des ressources propres. En ce moment, c'est la partie la moins développée. Il est vrai que ces points comptent parmi les plus sensibles.
La Belgique n'est pas favorable au maintien des rabais. Cette question sera sans doute une des dernières qui sera réglée. Dans une matière où l'unanimité est la règle, on ne peut anticiper à ce stade ce qu'il adviendra.
La taxe sur les transactions financières est envisagée comme une nouvelle source de revenus. Là aussi, l'unanimité bloque. La Belgique continue d'insister et serait même disposée à revoir à la baisse l'ambition initiale. Malgré la conjonction de l'Allemagne, de la France, de l'Espagne, de l'Italie et de la Belgique, il faut constater que de nombreux pays continuent de bloquer tout progrès. Quoi qu'il en soit, toute mise en uvre passera nécessairement par un phasage au niveau du champ d'application. Le rendement n'augmentera donc que progressivement. La Commission envisage cette taxe comme nouvelle ressource propre pour l'Union puisqu'une partie de son rendement alimenterait directement le budget européen et diminuerait d'autant les contributions des États membres. Il faut soutenir ce principe qui signifiera une diminution progressive de la contribution nationale. Mais là aussi, une percée n'est pas évidente.
Sur le plan de la réforme du régime de TVA, la « Negotiating Box » laisse encore tout à fait ouverte la question de savoir si le système de TVA actuel, qui est très ancien, doit être simplement adapté, ou totalement réformé.
Vis-à-vis des droits de douane, il est question de réduire les montants que les États peuvent retenir sur les droits de douane qu'ils prélèvent au nom de l'Union. La Belgique est directement concernée, car elle perçoit, grâce à sa position géographique et à ses nombreuses portes d'entrée pour les biens et marchandises, des montants élevés. Diminuer la part qui revient aux États percepteurs ne restera pas neutre sur le plan budgétaire et devra faire l'objet d'une négociation.
Pour conclure, le ministre Vanackere confirme sa disponibilité concernant ce sujet auprès du Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes, sachant que le ministre des affaires étrangères pourra également débriefer le parlement fédéral, étant donné que le Conseil Affaires générales a le lead dans ce dossier. Le premier ministre en discutera la première fois au Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 et donnera aussi les éclairages nécessaires.
III. ÉCHANGE DE VUES
Mme Christiane Vienne, députée, affirme que l'heure en Europe n'est pas à la fête mais bien à la rigueur, surtout à l'absence de perspectives de relances. Il ne s'agit donc pas d'un contexte favorable. Pourtant, des solutions pourraient exister et sont depuis longtemps avancées notamment par le premier ministre, l'accord de gouvernement et le Groupe PS.
C'est dans ce contexte complexe que l'Union européenne doit se doter d'un budget ambitieux pour la prochaine période 2014-2020, novateur et surtout qui marque un tournant tant sur le plan des dépenses que sur celui des recettes.
Au niveau des recettes, il faut une Europe plus proactive, plus présente concrètement pour ses citoyens et dans les relations extérieures, et plus ambitieuse pour atteindre les objectifs de la Stratégie Europe 2020. Malheureusement, il est impossible de faire plus avec moins.
Force est de constater que les structures politiques et de financement de l'Union actuelles ne permettent pas, si l'on continue sur cette voie, d'aller de l'avant et de donner à la construction européenne plus de cohésion, de croissance et de solidarité.
Loin de l'idée de perdre le contrôle national, les acquis socio-économiques et le choix des politiques afin d'atteindre les objectifs européens, les Socialistes francophones belges portent activement l'idée de ressources propres innovantes et stables pour l'Union européenne contrôlées par le Parlement européen.
Si l'on veut une Europe ambitieuse, l'importance de ces nouvelles ressources propres européennes s'impose, de même que celle de l'augmentation du budget européen.
À l'heure actuelle, le calcul des « contributeurs nets » met en danger non seulement la croissance et la solidarité européenne, mais également la réactivité aux défis à long terme comme aux difficultés profondes comme la crise financière.
C'est pourquoi, parmi les différentes pistes poursuivies, le Groupe PS soutient prioritairement la taxe sur les transactions financières, mise en avant par les socialistes européens et reprise par le Président de la Commission lors de son dernier discours sur l'Union: il est temps de mettre à contribution au financement européen ceux par qui cette crise socio-économique sans précédent est arrivée. Tous les citoyens risquent aujourd'hui de payer cette crise économique au travers des coupes dans les dépenses publiques et des plans d'austérité. Il est dès lors normal de faire contribuer le secteur financier à un mécanisme innovant de financement direct des institutions européennes.
Le Groupe PS est farouchement opposé à l'option de la TVA européenne. Il s'agit du mode de taxation le plus injuste. Cette mise en uvre se doit d'être neutre pour les citoyens tout en assurant les moyens nécessaires à l'UE pour l'ambition de ses politiques et ce notamment pour une plus grande justice et harmonisation vers le haut des standards socio-économiques à l'ensemble des États-membres.
D'autres ressources seront également envisageables pour autant qu'elles n'affectent pas les citoyens et les entreprises. Ce financement propre doit permettre à l'Union d'agir mieux et plus concrètement et non de sanctionner les citoyens.
Sur le volet des dépenses, le Groupe PS voit la nécessité d'un Pacte européen pour la croissance et l'emploi. Il faut continuer sur le chemin de la rigueur budgétaire, il a été essentiel de renforcer les mécanismes de gouvernance économique dans le respect des Traités européens et des critères de Maastricht.
Ces évolutions rapides et sans précédent ont été mises en uvre face à l'une des plus grandes crises économiques et financières de l'histoire. Il ne faut pas attendre une crise sociale.
L'Europe doit donc faire plus qu'une politique d'austérité aveugle. La situation économique de la Grande-Bretagne le démontre.
Relance et rigueur ne sont pas des antagonismes. Il s'agit d'utiliser des bases saines à l'échelle de l'Union pour permettre un nouveau départ pour tous les Européens.
De manière plus technique, il faut souligner l'importance:
— du maintien de la politique de cohésion en sous-rubrique, ce qui signifie qu'on ne doit pas toucher au budget. Il faut une politique de cohésion ambitieuse permettant une réponse adaptée aux défis globaux de l'UE, tant en termes de cohésion économique, sociale et territoriale que de croissance et d'emploi durables;
— à l'intérieur de la politique de cohésion, le maintien de la catégorie des régions en transition. Le Groupe PS est contre toutes coupures budgétaires sur le dos de cette catégorie;
— l'absence de macro conditionnalités sans aménagements dans les fonds structurels qui affaiblirait encore un peu plus les régions fragilisées;
— le regroupement et la simplification des sous-programmes Progress, EURES et micro-financement au sein du Programme « Changement social et innovation sociale » afin d'accroître la cohérence de l'action de l'UE dans les domaines de l'emploi et des affaires sociales.
Il faut également souligner et soutenir fortement l'augmentation substantielle du budget « Education » et du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe tout en rappelant que la Belgique doit insister sur la prise en compte de sa place centrale au sein de l'Union Européenne comme un nud de circulation.
Il est important d'insister sur le maintien d'un programme « compétitivité et PME » ambitieux pour le soutien à la compétitivité et aux PME comme un enjeu essentiel tant de la stratégie UE 2020 que de l'Action pour le Marché unique.
On peut conclure par une mise en garde: il ne suffit pas de prononcer les mots « croissance et relance », il faut encore leur donner un contenu fort, ambitieux et adéquat. Ce contenu fort doit passer impérativement par ce cadre financier tant sur l'axe des recettes que des dépenses.
Les ressources propres pour l'Union ne suffiront pas pour rebâtir une Europe ambitieuse, mais elles en constitueront un symbole fort, un levier politique et socio-économique indispensable à l'échelle de l'Union.
Sous ses aspects si techniques, voire technocratiques, ce chantier crucial pour les citoyens européens doit être ouvert dès aujourd'hui, et ce sans attendre une nouvelle crise qui sera, plus uniquement financière cette fois, mais aussi sociale et économique.
Il y a encore cinq questions très simples à poser:
— la Belgique doit continuer à jouer son rôle d'avant-garde, et d'aiguillon, pour faire avancer les grandes politiques européennes. Quelles sont dès lors les marges de manuvre pour faire avancer ce projet de « Pacte européen pour la croissance et l'emploi » et donc dégager les marges budgétaires communautaires nécessaires ?
— comment la stratégie UE2020 est-elle pleinement prise en compte au sein du futur cadre européen ?
— quelles sont les pistes qui semblent être retenues pour le maintien de la politique de cohésion notamment pour les régions en transition dans le futur cadre ?
— vers quels mécanismes de ressources propres pour l'Union se dirige-t-on et surtout pour la mise en place d'une TTF à l'échelle de l'Union ?
— le programme de distribution alimentaire aux défavorisés sera-t-il également maintenu au cours de la prochaine période 2014-2020, malgré les pressions allemandes pour le réduire ou le supprimer ?
M. Georges Gilkinet, député, souligne qu'on est aujourd'hui à l'aube d'une période cruciale pour la suite du développement de l'Union européenne. Même en temps de crise, il faut oser se tourner vers l'avenir et être ambitieux.
En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, la Belgique doit prendre l'initiative. Elle a été l'un des premiers pays à instaurer la taxe Tobin. En cette période de fortes pressions sur les budgets nationaux et de crise du secteur financier, on pourrait parvenir progressivement à un consensus sur l'instauration de cette taxe, qui peut être considérée comme une TVA sur le secteur financier.
Il est évident qu'une réforme des droits de douane aura des conséquences pour la Belgique. De quels montants parle-t-on et quel pourrait être l'impact pour le budget belge ? En marge de cette discussion, on peut lancer un nouvel appel à un suivi plus attentif des droits sociaux et des mesures de protection de l'environnement applicables chez les principaux partenaires à l'exportation de l'Union européenne.
En ce qui concerne les dépenses, il est frappant de constater qu'il en existe encore qui ne sont pas durables, comme dans la recherche nucléaire et le soutien à la pêche industrielle, par exemple. Dans le choix des dépenses à prévoir pour la période 2014-2020, ne faut-il pas tenir compte de leur caractère durable ou non ? Cela s'applique également aux fonds agricoles, où les droits sociaux et le respect de l'environnement doivent être au centre des préoccupations.
Quant à l'aide spécifique pour certaines régions belges dans le cadre de la politique de cohésion, sera-t-elle maintenue après 2014 ? Cette aide concerne notamment d'importants programmes d'urbanisation de régions en retard de développement.
M. Roel Deseyn, député, souhaite formuler trois observations. Il y a tout d'abord la discussion sur la TVA et la possibilité d'appliquer une base de calcul différente. Quelles en seront les conséquences pour le coût de la vie en Belgique ? Il ne faut pas non plus oublier que d'autres systèmes, dont l'index, y sont liés.
Deux tiers des produits de la taxe sur les transactions financières iraient à l'Union européenne et un tiers irait aux États membres. Est-ce à dire qu'on a dissocié cette taxe de l'idée selon laquelle ces recettes étaient initialement destinées à financer la coopération au développement ? Cette taxe sera-t-elle applicable dans la zone euro ou dans toute l'Union européenne, ce qui obligerait le Royaume-Uni à changer de point de vue ?
Le projet « Connecting Europe », qui est à juste titre un des projets les plus importants de la Commission européenne, ne recouvre pas uniquement le secteur des TIC, mais aussi l'énergie et les transports, ce qui peut aussi être un atout pour la Belgique. Il faut donc se consacrer résolument à ces beaux projets européens concrets, plutôt que de se cramponner à d'anciens modes de financement qui n'ont plus guère d'utilité.
Mme Olga Zrihen, sénatrice, met l'accent sur la réforme de la politique agricole commune. C'est important parce qu'elle est étroitement liée à la sécurité alimentaire, à la protection de l'environnement, au changement climatique, à la biodiversité, etc. Il faut en même temps veiller à la sauvegarde de l'emploi et à la création d'emplois durables dans le secteur agricole, avec maintien des salaires et en évitant les risques de délocalisation des entreprises agricoles. Il faut également garder à l'esprit que la Commission européenne ne négocie pas toujours de manière conséquente, comme en témoignent les résultats des négociations avec les pays ACP.
L'emploi des jeunes demeure également une préoccupation majeure. Ce volet fera-t-il, à l'avenir, partie intégrante de la politique de cohésion qui permet de mettre en place de vastes programmes transversaux ?
Enfin, il y a la lutte contre la pauvreté. La stratégie Europe 2020 en a fait un objectif majeur, puisqu'elle compte réduire de 20 millions le nombre de personnes touchées par la pauvreté. Où en est-on à cet égard ? Cet objectif a-t-il été mis suffisamment en évidence dans le cadre des négociations concernant le CFP ?
M. Bruno Tuybens, député, formule des observations concernant la condition d'unanimité dans le processus décisionnel. Ce sera un véritable défi de mettre tout le monde sur la même longueur d'onde en six mois. Quelle stratégie va-t-on adopter pour ce faire ? Il semble que l'on pourra parvenir relativement vite à un accord concernant les dépenses, mais que la question des recettes est loin d'être réglée.
Concernant la proposition d'affecter les recettes de la taxe sur les transactions financières à hauteur de deux tiers au budget européen et à concurrence d'un tiers aux budgets nationaux, cela semble difficilement applicable dans la pratique. Quel État membre sera le bénéficiaire ? À l'heure actuelle, les grandes places financières de Paris, Londres et Berlin y trouveraient leur compte, mais si l'on prenait comme critère la nationalité du donneur d'ordre, la Belgique pourrait aussi avoir sa part du gâteau.
Enfin, il est évident que cette taxe sur les transactions financières doit être imposée dans toute l'Union européenne, et pas uniquement dans la zone euro. Le commerce des devises face à l'euro génère des rentrées considérables auxquelles on ne peut pas renoncer.
Mme Marie Arena, sénatrice, estime que les négociations sur le CFP doivent s'articuler autour de trois principes à respecter cumulativement:
— une réforme approfondie des ressources propres de l'UE est indispensable;
— des synergies doivent être mises en place entre le budget européen et les budgets nationaux, ces derniers devant soutenir la mise en uvre des projets européens;
— il faut mettre l'accent sur la recherche et le développement, en confiant un rôle majeur à la Banque européenne d'investissement.
Par ailleurs, il est étrange que la Commission européenne envisage de sanctionner une nouvelle fois, en sabrant dans les fonds de cohésion et les fonds structurels, des pays qui ont déjà été sanctionnés pour non-respect des règles et des normes budgétaires.
Quant aux recommandations de la Commission européenne, force est de constater que certaines ne sont pas claires. Elles ne sont pas toujours compatibles non plus avec les normes budgétaires en vigueur. Quel est l'objectif de la Commission européenne ?
Enfin, il est pour le moins étonnant qu'un système qui est principalement destiné aujourd'hui à sauver les banques ne puisse pas recourir à une taxe sur les transactions financières qui affecte les transactions qui étaient à l'origine de la crise. Ce n'est pas le citoyen qui doit payer. La taxe n'est d'ailleurs pas excessive: avec 0,005 %, il est possible de verser plus de 200 milliards d'euros au budget européen.
M. Herman De Croo, député, se réjouit de constater tout ce qu'on peut faire dans l'Union européenne avec peu de moyens (1,1 % du PIB européen). Il se félicite aussi que l'on prévoie des moyens exceptionnels pour la recherche et le développement, ce qui ne pourra que stimuler la croissance.
Peut-être faudrait-il optimiser certaines choses, afin d'encore améliorer le fonctionnement des services de l'Union européenne. En effet, on constate, d'une part, une diminution de 5 % des effectifs de personnel et l'on propose, d'autre part, une augmentation de 10 % des moyens de l'administration.
Lors des prochaines négociations, la Belgique pourra se retrouver en position de force, car elle est devenue un contributeur net dans l'UE, ce qui peut être un avantage. Il faut néanmoins se rendre compte que les accords auxquels on arrivera seront assez frileux. C'est inévitable dans le cadre d'une prise de décision à l'unanimité.
Enfin, on ne peut pas perdre de vue l'importance du développement industriel. À l'heure actuelle, ce secteur représente 25 % des postes de travail, et les secteurs dérivés 25 % également. Il faut en tenir compte, quelles que soient les ambitions en matière de développement des services, du commerce, etc. L'industrie reste, jusqu'à nouvel ordre, le cur de l'économie européenne.
M. Philippe Mahoux, président du Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes, estime que, même si le raccourci est un peu facile, on peut s'interroger sur la volonté de réduire, d'un côté, le budget de l'agriculture de 11 % et d'augmenter, de l'autre, les moyens de l'administration de 10 %. En chiffres absolus, les deux postes ne sont évidemment pas comparables, mais la perception de cette réalité est peut-être différente.
En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, la France et l'Allemagne sont-elles disposées à avancer sur ce point, malgré l'opposition du Royaume-Uni et la non-application probable de cette taxe par le gouvernement britannique ? Y a-t-il eu débat à ce sujet ?
Enfin, il faut encore souligner l'importance de la recherche et du développement. Ce domaine ne doit pas être négligé, mais il faut (continuer à) lui accorder des moyens suffisants.
IV. RÉPONSES DE M. STEVEN VANACKERE, VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DES FINANCES ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, CHARGÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE
Il convient tout d'abord de préciser que le débat relatif au CFP est mené principalement au niveau du Conseil Affaires générales, avec le ministre des Affaires étrangères, et au niveau du Conseil européen, avec le premier ministre. Le Conseil ECOFIN est aussi concerné par cette matière, mais il se focalise davantage sur d'autres dossiers.
La Belgique salue le rôle que le Parlement européen joue dans ce débat, même si, officiellement, cette matière ne relève pas de la procédure de codécision. Le Parlement européen peut toutefois bloquer le budget annuel s'il n'est pas tenu compte de ses observations au sujet du budget pluriannuel.
On a souvent tendance à parler de rigueur et d'austérité quand on aborde la question de la confection du budget au sein de l'Union européenne. Par ailleurs, on met l'accent sur la croissance. Récemment, un collègue a prononcé le mot « growthsterity », ce qui implique qu'il faut concilier les deux concepts d'une manière ou d'une autre. En ce qui concerne la croissance, la Belgique met surtout l'accent sur la rubrique 1a (« compétitivité »), qui doit être renforcée. Cela implique toutefois qu'il faudra économiser dans d'autres rubriques.
En ce qui concerne ces autres rubriques, il est peut-être utile d'apporter les quelques précisions suivantes:
— Rubrique 3: asile et migration, citoyenneté, etc. = une augmentation de 61 %, dont il faut relativisier l'ampleur puisque le montant total représente moins de 2 % du budget européen;
— Rubrique 4: l'Europe dans le monde = une augmentation de 19 %, mais le montant reste faible, a fortiori si on le compare à ce que les États membres dépensent à titre individuel. Pourtant, il y aurait certainement moyen d'apporter une plus-value à ce niveau en renforçant la coopération;
— Rubrique 5: administration = il s'agit assurément d'une économie puisque la Commission européenne propose de réduire les effectifs de personnel de 5 % dans chaque institution européenne.
En ce qui concerne les fonds structurels et de cohésion, il est clair que ceux-ci sont et restent importants pour les régions belges dites en transition. Mais il faut aussi être attentif au sort des régions plus développées. On envisage en effet, en ce qui les concerne, de tenir compte de la densité de population et du taux d'emploi dans le cadre de l'attribution de moyens. Cela pourrait créer de nouvelles opportunités pour la Belgique.
Il est normal de dire que la Belgique doit faire partie des pionniers en ce qui concerne l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, mais cela ne doit pas être au détriment de notre situation économique et financière. La meilleure solution serait évidemment que tous les États membres de l'UE appliquent cette taxe, mais il est clair que le Royaume-Uni ne cédera pas. Une alternative serait de regrouper les pays désireux d'instaurer cette taxe de manière à atteindre une masse critique. Le 26 juin, le ministre aura un entretien à ce sujet avec son homologue allemand, mais à ce stade, on ne peut être que pessimiste quant aux chances que ce projet de taxe aboutisse.
En ce qui concerne le programme « Food for Deprived People », plusieurs États membres souhaiteraient que ce programme figure sous une autre rubrique (affaires sociales), voire qu'il soit supprimé. La Belgique, quant à elle, est favorable à la poursuite de ce programme. Aucune décision n'a encore été prise.
À propos des tarifs douaniers, la position de la Belgique est claire. Notre pays figure au cinquième rang des pays bénéficiaires de ces fonds au niveau européen. Un abaissement des tarifs de 25 % à 10 % aura un impact considérable sur les recettes. On parle d'une diminution de 300 millions d'euros. Il est clair que la Belgique ne veut pas perdre des fonds européens.
La même critique est formulée en ce qui concerne la diminution de 11 % des aides agricoles. Les agriculteurs belges verraient leurs revenus diminuer de 7 %. C'est difficilement acceptable.
En ce qui concerne les projets d'urbanisation, une partie du fonds FEDER devrait être affectée au développement urbain durable. On ne manquera d'ailleurs pas, à l'avenir, de mettre de plus en plus l'accent sur une politique durable.
En ce qui concerne la demande qui a été formulée à propos de chiffres et de mécanismes plus concrets, le ministre précise qu'il n'est pas possible d'y répondre. Ce serait prématuré. Avant tout, il faudra parvenir à un consensus sur les principes et les concepts de base. Et, sur ce plan, les choses peuvent encore évoluer en tous sens. Il est même probable que la question ne sera tranchée qu'à la dernière minute au plus haut niveau politique.
En ce qui concerne le projet « Connecting Europe », la Belgique est d'avis qu'il ne faut pas rogner sur les moyens qui sont affectés à ce projet mais qu'il faut, au contraire, étendre celui-ci car il est l'un des moteurs de la croissance au sein de l'Union européenne.
Enfin, le ministre en vient à la question des sanctions à l'égard des pays en difficulté budgétaire. En ce qui concerne l'impact des fonds structurels et de cohésion, le ministre renvoie à ce qui a déjà été dit.
De manière plus générale, la Commission européenne examine si un État membre se trouve dans une situation de déséquilibre macroéconomique excessif. Si c'est le cas, elle lui adresse un certain nombre de recommandations sur la façon dont il peut opérer un retour à l'équilibre. Mais c'est à l'État membre lui-même qu'il appartient de décider souverainement s'il applique ces recommandations ou s'il opte pour d'autres mesures. L'objectif à terme doit cependant être de résoudre les difficultés du pays. On ne saurait tirer prétexte de la souveraineté d'un État membre pour ne pas prendre de mesures. On ne peut donc pas dire que les recommandations de la Commission européenne n'engagent à rien, mais elles ne sont pas pour autant contraignantes. Ce sont des orientations particulièrement utiles qui ne sont pas à prendre ou à laisser. Mais c'est à chaque gouvernement qu'il revient, au final, de décider des mesures à prendre.
Les présidents-rapporteurs, |
Philippe MAHOUX (S), André FLAHAUT (CH). |